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Étienne Saglio 54-55, Outside

Dehors, enfin Par Caroline Châtelet

présenté pour La première fois en franCe en JuiLLet 2019, outsiDe DépLie Dans un DiaLoGue émouvant aveC La mort, un manifeste où se Dit La CroyanCe Dans La puissanCe De L’art.

Dans Novo 62, nous vous parlions (en évoquant son dernier film La Fièvre de Petrov) de Kirill Serebrennikov. Le réalisateur et metteur en scène russe ayant des démêlés avec la justice depuis cinq ans et ayant été condamné en 2020 pour détournement de fonds à trois ans de prison avec sursis, demeurait soumis à l’interdiction de quitter le territoire russe. Impossible, dans ce cas, d’espérer le voir accompagner les tournées d’Outside. Impossible de l’imaginer à Avignon cet été – où il présentera dans la Cour d’honneur le spectacle d’ouverture du festival : l’adaptation de la nouvelle d’Anton Tchekhov Le Moine noir. L’impossible s’est pourtant produit : la presse a annoncé il y a une poignée de jours la sortie en toute légalité de Serebrennikov de la Russie. Celui dont le travail artistique aborde les questions de la sexualité, de la politique ou de la religion et dont les positions politiques (soutien au groupe Pussy Riot, lutte contre la limitation des droits des personnes LGBT, défense de la liberté d’expression, etc.) dérangent le pouvoir russe est désormais en Europe et libre. Gageons que cette toute nouvelle situation fera résonner de manière particulière les représentations d’Outside.

Dans ce spectacle, Serebrennikov offre une réponse intime et bouleversante aux situations de captivité comme au fait de créer en étant en permanence sous surveillance. C’est avec le travail du photographe et poète chinois Ren Hang qu’Outside dialogue. Ce jeune artiste dont les travaux ont largement été exposé à l’étranger devait rencontrer en 2017 l’artiste russe. Las, Ren Hang se suicide peu de temps avant leur rendez-vous. Le plateau de théâtre devient alors le lieu pour une conversation imaginaire entre les deux artistes. Il s’y dit autant les points communs – leurs difficultés nées des rapports tendus avec les autorités de leur pays respectif, leur homosexualité, leurs doutes quant à leur travail – que les spécificités de leur univers. Si la violence politique dont ils font l’objet est donnée à voir – notamment dans une séquence croquant dans une satire féroce la police russe – il y a toujours déplacement et métaphorisation. Entremêlant à la beauté et la puissance rares des images, des musiques live et des textes ; empruntant par les artifices scéniques à l’univers du music-hall ; réactivant à loisir les compositions photographiques de Ren Hang – où les corps nus s’exposent en toute crudité ; jouant de l’humour et de l’onirisme ; Kirill Serebrennikov et son équipe signent un spectacle médusant. Une œuvre magistrale par sa maîtrise, sa beauté, comme sa réflexion féconde : la conviction que l’art, l’imaginaire, la création permettent de dépasser et conjurer tous les enfermements. Qu’ils soient psychiques, politiques ou physiques.

— OUTSIDE, théâtre du 4 au 6 mai à L’Espace – Les 2 scènes (présenté avec Centre dramatique national Besançon Franche-Comté), à Besançon les 17 et 18 mai à La Filature, à Mulhouse www.cdn-besancon.fr www.lafilature.org

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