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ÉPILOGUE

ÉPILOGUE

L’empire contre-attaque

Elle vient de là, elle vient du blues, la musique engagée, chantée et (f)rappée de Mojo Sapiens, trio alsacien transgénique composé de Mr. E (Goldencut, ex-Freez), Leopard DaVinci (The Fat Badgers) et Victor Sbrovazzo (Dirty Deep). Trois personnalités, trois bagages, un but commun : donner sa lecture de l’American Dream (qui se transforme en cauchemar lorsque le conservatisme se réaffirme, décomplexé) via Empire of Dust (Tipping Point). Une musique que Mr. E résume ainsi pour nous : « Celle qu’on écoute dans une bagnole qui roule à pleine régime en direction de l’apocalypse. » À écouter, now ! En concert au Frigo à Metz le 23 juin (E.D.)

www.tippingpointproduction.com

Ne quittez pas l’écoute !

Pour une seconde saison, La Comédie de Colmar continue à dispenser de bonnes ondes avec ses podcasts Com’ à la Radio qui s’arrêtent sur des thématiques qui traversent la programmation, afin d’en offrir une lecture enrichie. Les sujets traités par l’illustratrice Lili Terrana (et ses images visuelles et… sonores !), la jeune troupe et ses hilarants micros-trottoirs, les talents de L’Opéra Studio et leurs créations musicales opératiques, mais aussi par Pierre Maillet, le groupe Fergessen, AnneLise Heimburger, Léopoldine HH, Jeanne Candel ou Penda Diouf ? Les épisodes 22-23 questionnent le fantôme de Molière qui ne finit pas de hanter les salles, la place des femmes dans la culture, la jeunesse (et le jeunisme), nos 30 millions d’amis dans la création ou l’amour et son flot de cœurs brisés. (E.D.)

comedie-colmar.com/rubrique/ cc-live-podcasts-tv-fictions.60/com-a-la-radio.61

Échec & Matt

La voix à la fois douce et profonde du Nancéien d’origine bristolienne ne cesse de déchirer nos âmes en traversant l’immensité des tragédies d’aujourd’hui. The End of Days n’est pas un aveu de défaite, mais une série de morceaux bravant l’époque avec ses complaintes à la mélancolie balkanique, son saxophone sonnant comme nulle part ailleurs, ses chants de consolation, de réconciliation. Autant de précieux pansements pour réparer nos cœurs, un mélodieux album à paraître le 31 mars chez Ici d’ailleurs, son fidèle label de Nancy. À découvrir (gratuitement) en live dans le cadre de La Laiterie Indie Club Festival, les 12 et 13 mai avec toute une ribambelle d’artistes régionaux ou internationaux : Sons, Bad Pelicans, Sinaïve (le 12) ou Matt Elliott, Julie Doiron et JJH Potter (le 13). (E.D.)

icidailleurs.fr www.artefact.org

Retiens la nuit

Tempérament rouge sang et cœur ardent, l’artiste alsacien Matthieu Hubrecht, alias MHUD, peint, en des coloris bleu pétrole, les merveilles du soir, instants fragiles et lumières aveugles. Les lanternes semblent éteintes tout au long de son album autoproduit Post Parade (Les 7 Lagunes) : insomniaque goûtant les ambiances dark, MHUD poursuit sa course dans l’obscurité, parcourant la nuit à en perdre haleine. (E.D.)

official.shop/mhud

Les lumières de la ville

Léon Gimpel (1873-1948) a quitté Strasbourg pour échapper au joug allemand, mais y reviendra… Il pratique l’autochrome, avec son lot de clichés colorés inhérents au genre – jardins fleuris, scènes éroticohamiltoniennes avant l’heure – et fixe son objectif sur d’autres sujets : les illuminations spectaculaires de la Ville Lumière dans les années 1920, les beautés naturelles à destination scientifique, les sommets alpins développés sur place dans le froid glacial des hauteurs, la capitale alsacienne quelques jours après la Libération, avec citoyens en liesse et drapeaux français au vent, ou jeux d’enfants façon Guerre des boutons pendant que leurs papas sont (vraiment) au combat. Guerre & Paix, à La Chambre jusqu’au 26 mars : et les frères Lumière furent, et la couleur fut ! (E.D.)

www.la-chambre.org

Pays sage

Les Éditions du livre poursuivent la réinvention des ouvrages jeunesse, avec un imprimé à la couverture bleutée tachetée de motifs dorés. Sur chaque page, un chaleureux chalet, une petite mare où croassent les rainettes, un jardinet propret et, regardant par la vaste fenêtre, un imperturbable minet profitant du paysage verdoyant. Au mur, une horloge dont les aiguilles tournent, indique le temps qui passe. Le Panorama de Fanette Mellier – diplômée de l’École des arts décoratifs de Strasbourg – est 24 fois identique… ou presque : les couleurs et la lumière changent en fonction des heures, des moments. Une invitation à la contemplation des subtiles variations… (E.D.)

www.editionsdulivre.com

L’Extra, un week end de mai extra à Dijon

Les 12, 13 et 14 mai arrivera la deuxième édition de l’Extra Festival, événement sobre et joyeux de la SMAC La Vapeur. Déplacements durables, découvertes musicales dans des petits coins de nature (Le Maquis), en ville (La Vapeur), dans l’espace public, seul ou en famille, tels sont les mots d’ordre de l’Extra Festival. Loin du gigantisme, au programme : une vélo-parade, des conférences, des soirées roller disco en gymnase, des créations avec les artistes locaux FLAUR, des concerts psychés avec Forever Pavot ou avec la brûlure electro rap Uzi Freya. (M.R.)

www.lavapeur.com

L’œil du scaphandrier

Fabien Ribery est une plume spécialiste de la photographie contemporaine. Son blog L’Intervalle, espace d’intelligence comme il en existe peu sur la toile, fait figure d’autorité auprès des auteurs, artistes, spécialistes ou amoureux de belles lettres et d’images sensibles. Alain Willaume est ce grand photographe des confins dont l’art, tout en mouvement et transformation, offre de précieuses clés de compréhension du réel qui nous entoure, et souvent nous égare. Un réalisme hanté est leur dialogue passionnant où il apparaît que le photographe strasbourgeois est en vérité un scaphandrier, et que ses images sont les fragments rapportés d’un monde entraperçu à l’approche du sommeil, visions encapsulées dans leur gangue de rêve ou de cauchemars, annonciatrices des réels de demain. (N.B.)

Un réalisme hanté – Se parler, Alain Willaume et Fabien Ribery, Arnaud Bizalion Éditeur

Mélankhelique

Où puiser son inspiration ? Renaud Walter, alias Renz, n’a eu qu’à traverser le Rhin, un soir, prendre le pont menant de Strasbourg à l’hôtel Astoria de Kehl, l’autoradio crachant la voix de Laure Adler sur France Inter pour changer d’Horizon, voir la vie en bleu… couleur de la planète, des Pépito ou des crêpes. Pour le label/fanzine Langue Pendue, il délaisse la rudesse du roc vosgien et les cornes de chèvre de Guisberg. Renz Allume son sampler plein à craquer et sa boîte à rythmes tenant une éternité. Il branche sa guitare et chante, dans la langue de Bashung, des hymnes à la procrastination et aux âges farouches. (E.D.)

//languependue.com (version K7) www.hrzfld.com (édition CD)

Relire l’Orient

La seconde édition du salon Livres d’Ailleurs, porté par l’association Diwan en Lorraine, sera cette année dédiée « aux littératures et aux idées de l’Orient au sens large du terme ». Présidé par l’écrivaine franco-libanaise Hyam Yared, il accueillera une trentaine d’auteurs de littérature, de BD et d’ouvrages pour la jeunesse issus d’une douzaine de pays. Tables rondes, récitals de poésie, expositions et séances de dédicace rythmeront l’événement. (B.B)

Livres dʼAilleurs – salon littéraire du 7 au 9 avril au palais du Gouvernement, à Nancy www.livresdailleurs.fr

Come on everybody

Depuis sa création il y a plus de trente ans, l’ADN de Rencontres & Racines a toujours été la tolérance et la solidarité – de la bonne musique et de bonnes vibes ! Un festival pour tous – âges, cultures, goûts, couleurs, associations et consorts, trois jours de fête en mode ultra cosmopolite et super familial, avec à l’affiche cette année Deluxe, Suzane, Wax Tailor, Faada Freddy, Lujipeka, Aldebert… On y va ! (A.V).

Rencontres & Racines festival du 23 au 25 juin, à Audincourt www.rencontresetracines.audincourt.fr

Oui mon fils, tu iras danser

« Suivez votre désir, émerveillez-vous, aimez, vivez… DANSEZ ! » Tels sont les mots que nous glisse Marin Delavaud, danseur au Ballet de l’Opéra national du Rhin. Depuis ses 6 ans et ses rêves de Billy Elliot, Béatrice Tourancheau, sa maman, emplit des calepins d’anecdotes et de petites formes poétiques. Avec Marin danse… et les notes dans mes carnets, sa mère raconte l’apprentissage et l’envol de son « petit rat » placé sous les projecteurs ! Rencontre avec Marin Delavaud, le 7 mars (17 h) à la librairie Kléber, à Strasbourg. (E.D.)

//edicop.fr

Le pari de Mai

Point de suspension, plus que point final, minisaison dans la saison. Théâtre en Mai est depuis quelque temps désormais un rituel pour les habitués du CDN dijonnais. On y plonge avec curiosité et l’envie d’en sortir, un peu, changé. Sortir des théâtres, bien entendu, mais aussi des espaces empruntés à la Cité, des jardins.

Théâtre en mai 2023, c’est le premier festival de Maëlle Poésy, arrivée à la tête du Théâtre Dijon-Bourgogne au début de cette saison. TEM, c’est souvent une couleur et celle de cette édition s’affiche multiple et organique. Du vital, du paritaire, de l’ouvert, du hors-norme, pour résumer la chose. Impossible ici de détailler les diagonales calées par l’équipe du festival. Le subjectif donne le change. Grands textes, toujours profitables, et Molière d’abord avec la Saga que lui consacre Johana Giacardi avec les comédiennes des Estivants au jardin de l’Arquebuse. Que les fans des Larousse fassent l’impasse, ici on est dans la marge insolente tracée par JB en son théâtre. C’est une histoire, au sens premier du terme, immense, érudite et furieusement joueuse. Plus loin, c’est un focus sur le sensitif avec Dans ta peau, composé par Julie Ménard, autrice associée au TDB et meneuse d’Inoxydables ou L’Âge de nos pères. Important, la sensation au théâtre. Marque radicale de la pensée en train de s’élaborer. Ici, au Théâtre Mansart, élaboration d’un corps de mutant au son du glam rock et des arrangeurs magistraux des années 1970, naissance d’un avatar calé sur les mélanges de chansons et d’électronique. Suspension idéale, avant l’été, puis la saison qui recommence.

Par Guillaume Malvoisin

— THÉÂTRE EN MAI, festival du 18 au 28 mai au Théâtre Dijon-Bourgogne et autres lieux, à Dijon tdb-cdn.com

10 ans plus tard, toujours debout

Du bruit qui danse, du son qui pense. Et aller-retour. Retour aussi pour le festival MV dont les deux premières phrases de ce texte pourraient être gravées au fronton de leur futur Arena. En attendant cette consécration plus que fictive, MV fête ses 10 ans. La belle année, puisque Sabotage, asso dijonnaise porteuse du festival vient d’éteindre ses 20 premières bougies d’un poumon d’acier. Métal réglementaire pour des concerts assemblés sous une bannière sombre et réjouissante, démentielle et nuancée. Énergie, plaisir et avant-garde, soit. Éclectique, exigeante et accessible, dont acte. La 10e édition du prochain MV devrait garder la cadence du 2 au 7 mai. Émergence tous azimuts, lieux constellés, partenaires multiples. MV est de son temps. Donc, fragilisé et légèrement paupérisé. Moins de formes artistiques en place, mais aucune raison pour rogner sur la qualité du produit, cependant. « La musique, la musique », braillait Nicoletta. Oui, mais ici on sera sur d’autres gammes. Posées plus haut sur l’étagère. Citons, entre autres, Monsterwatch au Singe, le 2 mai, DJ plaisir qui prend une carte blanche à la Péniche Cancale le 5 mai ou encore Andrea Belfi, le 7 mai avec LeBloc dont la finesse de balais vous brise un cœur de pierre. Autre monument : Joke Lanz et son Sudden Infant (et Johnny Mafia, Getdown Service…) au Consortium Museum, avec Ici l’Onde. En 2014, dans ce même magazine (Novo 31), Joke confiait : « J’ai eu un fils très jeune, j’étais un jeune punk qui ne voulait pas grandir. D’un coup, j’étais papa avec plein de bruits et de pensées bizarres autour de moi. C’est mon inspiration pour balancer le public dans mon kindergarten. » À vos pelles, à vos râteaux.

Par Guillaume Malvoisin

— FESTIVAL MV, festival du 5 au 7 mai à Dijon www.sabotage-dijon.com

Le mythe d’Eurydice

On connaît le mythe d’Orphée, poète descendu aux Enfers pour sauver sa bienaimée Eurydice, la perdant néanmoins à tout jamais, l’abandonnant à l’obscurité éternelle des entrailles de la Terre, pour s’être retourné et avoir posé son regard sur elle avant d’avoir quitté les territoires infernaux, trop impatient… On connaît le mythe, mais surtout du point de vue du poète beau parleur, à la gueule d’ange, comme Jean Marais dans le film Orphée de Jean Cocteau. On commence cependant à entrevoir la part d’ombre de l’histoire, à l’entendre raconter du point de vue d’Eurydice, comme en témoigne la pièce Ombre (Eurydice parle), de l’écrivaine viennoise Elfriede Jelinek, adaptée, mise en scène, mais aussi en musique, par Marie Fortuit. Après être passée par Les Plateaux Sauvages à Paris ou le Cabaret de curiosités du Phénix à Valenciennes, la pièce sera présentée au CDN Besançon Franche-Comté ce printemps. Le sens de l’histoire antique se renverse, l’abandon devient possibilité d’émancipation, et l’ombre, le lieu d’une liberté nouvelle. Marie Fortuit et sa compagnie Les Louves à minuit nous font découvrir une Eurydice rebelle, punk, indomptée. Autrement dit, émancipée de toute tutelle patriarcale, renouant avec une enfance électrique. Comme a pu le confier un jour Elfriede Jelinek à Christine Lecerf, une artiste comme elle est née d’abord « d’un interdit, celui de devenir adulte ».

Par Clément Willer

— OMBRE (EURYDICE PARLE), théâtre du 4 au 6 avril au CDN Besançon Franche-Comté, à Besançon www.cdn-besancon.fr

Punk & folk

Venu tout droit de sa Suisse natale, Louis Jucker est un artiste comme on en fait peu – ou plus, peut-être. Un artiste multi-casquettes, multiinstrumentiste, multi-un-peu-tout, adepte du Do-It-Yourself, fan de VHS et bricoleur du lundi et des autres jours de la semaine. De ceux qui façonnent leur musique de la première à la dernière note, avec ce qui leur tombe sous la main ou ce qu’ils construisent eux-mêmes et font sauter les barrières à grands coups d’activisme parfaitement assumé. De ceux qui écrivent, composent, produisent, jouent, diffusent, partagent, mélangent les genres, les manières et les savoirfaire. De la jaquette de leur disque à la guitare qu’ils ont sur scène, du sol au plafond et de la cave au grenier. Et parce que le bonhomme n’est pas du genre à se limiter, il jongle en prime – et avec talent –entre composition de musiques de films et techniques de riffs acérés, punk hardcore et folk intimiste. Car en parallèle de son activité de hurleur sauvage chez les metalleux furieux de Coilguns, Louis Jucker tourne également en solo, en mode poète rockeur lo-fi et créateur prolifique hyperactif… Et c’est justement dans ce format qu’il va enchanter le public du Moloco le 25 mars, dans le cadre de La nuit des indés, aux côtés des Stuffed Foxes et des Psychotic Monks. Préparezvous à entrer dans un autre espace-temps : le voyage s’annonce des plus ensorcelants.

Par Aurélie Vautrin

— LOUIS JUCKER, concert le 25 mars au Moloco, à Audincourt www.lemoloco.com

Expériences augmentées

Le numérique est aussi beau quand il nous rassemble. Dans le quadriptyque de la septième édition de sa Saison numérique, le Département du Doubs nous confronte à une altérité 2.0. Après des représentations multimédias croisant théâtres et contes philosophiques, voici venu pour mars et avril l’ère du Do It Yourself au travers du laboratoire de 3615 Señor. Ses Brutlabs sont l’occasion pour le collectif de hackers & cie de faire s’entrechoquer la création sonore brute et les publics en situation de handicap à l’aide de modules favorisant l’expérimentation collective. 3615 Señor s’est invité au Bastion de Besançon et ouvre grand la porte pour profiter de l’objet qui y naîtra : un savant mélange entre performances musicales, liesse populaire et foire numérique low-tech. L’expérience augmentée, c’est aussi revisiter ce que l’on pensait connaître. La Saison numérique inaugure à ce propos le « Centre de lumières » de la Saline royale d’Arc-et-Senans, un espace immersif de réalité augmentée de près de 1 500 m² pour nous plonger en vidéomapping dans les merveilles du patrimoine mondial de l’UNESCO. Outre l’excursion d’Instant Architect du collectif Ex Lumina pour Nouvelles Formes, le chorégraphe Alexander Whitley revisite The Rite of Spring, le désormais classique ballet de Nijinski et Stravinsky, au travers du gaming, de l’animation 3D et de la réalité virtuelle. Et c’est peut-être de cet entre-deux entre matérialisme de l’installation et imaginaires numériques que naît ce Beau digital.

Par Lucas Le Texier

— LA SAISON NUMÉRIQUE, festival jusqu’au 7 avril sur l’ensemble du département du Doubs saisonscap25.cd25.fr

(Dé)jouer le numérique

Plutôt que de se piéger avec le sempiternel « Pour ou contre » quant à l’usage des nouvelles technologies, l’association Nouvelles Formes a misé sur le jeu. Seconde édition pour son festival D’Autres Formes qui sort cette foisci de La Rodia et s’invite dans divers lieux à Besançon pour mettre la technologie au service de l’art et des publics. Au programme, onze installations qui interrogent par le biais d’un dispositif à manipuler notre rapport au numérique, voire le subvertit : dans 3615 Brazil du collectif 3615 Señor, le public doit prendre en main des minitels et microfilms pour déjouer les dépêches générées par des machines futuristes et autonomes. Autre création, Instant Architect d’Ex Lumina autour du vidéomapping, qui permet aux spectateurs de transformer l’architecture d’un bâtiment à l’aide de leur smartphone. Nouvelles Formes s’attèle aussi à présenter le numérique dans ses dimensions poétiques et créatives à l’image de Sol Vif par Guillaume Mit et Small Studio : une fresque géante près de l’hôpital Minjoz, au pied de l’unité pédiatrique, qui se meut en jeu vidéo lorsqu’on y rentre le code sur sa tablette ou son téléphone… Destiné à tous les publics, D’Autres Formes croise ici installations ludiques et réflexions en espérant toucher (aussi) les ados et le public de demain dans un monde où la technologie a dorénavant pris ses quartiers. Vivre avec son temps, c’est autant savoir s’amuser de cet écosystème que le déconcerter. Quand il le faut.

Par Lucas Le Texier

D’AUTRES

FORMES,

festival du 5 au 9 avril à Besançon larodia.com

Légèreté minérale

« L’Œuvre qui va suivre » est une suggestion, sa concrétisation une rencontre pour en susciter de nouvelles avec le public et élaborer une culture à partager, à inventer : la danse, le musée au xxie siècle. Une passerelle voulue autant par Thierry Cahn et l’équipe du Musée que par Bruno Bouché, directeur artistique et chorégraphe du CCN, Ballet de l’Opéra national du Rhin. Elle prolonge un geste créé l’an passé pour l’inauguration du retable restauré : Bless – ainsi soit-IL Le projet est aussi la deuxième collaboration du Ballet avec le peintre scénographe Silvère Jarrosson après Dansez Schubert (saison 2021-22). Il reprendra à la Piscine du Musée le même dispositif de panneaux mobiles de très grands formats. L’expressionnisme abstrait de ses toiles monumentales déploie les strates vibrantes d’un ordre liquide où domine le mouvement, qui évoque les drapés de la Transfiguration du retable, même si la gamme chromatique froide est plus proche des tons que révèle la lumière dans les Outrenoir de Soulages. Les danseurs chorégraphes du Ballet évolueront sur Bach, Schubert, mais aussi des textes de Rilke et Michaux. Une dizaine d’événements (conférences, ateliers), de nombreux invités (Hervieu Léger de La Comédie Française le 10, Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste le 18) et une volonté transdisciplinaire : la culture, lieu de tous les possibles. En clôture, une soirée lyrique avec l’Opéra Studio (le 24).

Par Luc Maechel

— L’ŒUVRE QUI VA SUIVRE, exposition du 5 au 24 mars au Musée Unterlinden, à Colmar ; création performative en présence de l’artiste les 17 et 18 mars www.musee-unterlinden.com www.operanationaldurhin.eu

Treize femmes en colère

Elle avait marqué les esprits en 2018 avec Les Enfants, mi-comédie de mœurs féroce mi-satire écologique… La scénariste britannique Lucy Kirkwood raconte aujourd’hui Le Firmament, récit brillant comme la lame d’un scalpel sur une jeune domestique reconnue coupable du meurtre d’une fillette dans l’Angleterre du xViiie . Dans un tribunal en huis clos, douze femmes du peuple sont alors chargées de déterminer si la meurtrière est enceinte comme elle prétend l’être – ce que lui ferait éviter la peine de mort si les faits étaient avérés. Mais comment le prouver ? Et que faire de ce pouvoir de décision inconnu, confié à des matrones habituellement cantonnées à leurs tâches ménagères dans un monde dicté par les hommes ? D’une écriture résolument contemporaine magnifiée par des dialogues ciselés à la feuille de boucher, Lucy Kirkwood dissèque le débat entre querelles de village et conflits de classe, avec en toile de fond des sujets diaboliquement actuels : patriarcat, tabous sur la maternité, déterminisme, passé colonial, place des femmes et de leurs corps… Connue aussi pour son travail sur la série Skins, la scénariste emprunte au genre certains de ses codes pour mieux les faire exploser sur les planches, le tout puissamment mis en scène par Chloé Dabert, actuelle directrice de la Comédie - Centre dramatique national de Reims. Une pièce totalement inédite à découvrir sans tarder.

Par Aurélie Vautrin

— LE FIRMAMENT théâtre les 22 et 23 mars à la Comédie de Colmar www.comedie-colmar.com

Blancheur feutrée des dimanches

On est tout de suite envoûté par le titre, précis et nébuleux, d’Éloge du blanc. Mais aussi par une bribe de phrase qui, dans le programme enthousiasmant du Théâtre Jeune Public de Strasbourg, présente la pièce comme une « contemplation feutrée d’un dimanche après-midi »…

On se dit, c’est ça. C’est étrange, dans ces mots quelque chose m’appelle, je vais aller au théâtre pour une atmosphère, blanche, pour me replonger dans cette sorte de contemplation feutrée, faite d’ennui et de douceur, qu’on a éprouvée enfant, et qu’on retrouve parfois les dimanches après-midi, les dimanches après-midi d’hiver surtout. C’est comme ça que j’ai pris une place sous le coup d’un envoûtement soudain. On imagine, déjà, à quoi pourront ressembler les murmures des draps blancs, des étoffes anciennes, et la fascination de la petite fille, Blanche, interprétée par Nina Gohier, qui revient au monde après un étrange accident, et que l’on retrouve dans plusieurs des créations de Christelle Hunot, dont on a déjà pu voir au TJP Sous les yeux de mon père, Petite mélodie pour corps cassé, Sous un ciel bleu sans nuage et Seule. Réveillant notre sensibilité aux matières textiles, Christelle Hunot, qui anime La Bobine, pratique ensemble la broderie, la couture, la sculpture. Dans ce premier volet d’une série nommée Panoramique, le blanc cassé des draps semble ambivalent, présage de rêverie, d’égarement, comme de résilience, de renaissance.

Par Clément Willer

Le propre de l’homme

Un travail sérieux n’empêche pas la contraction subite du diaphragme et le déploiement sonore tonitruant de l’air à travers nos cordes vocales. Le rire a cette vertu de remettre en mouvement le corps et la pensée. C’est un peu ce qu’essaye de nous montrer l’artiste d’origine suisse-iranienne, Kiyan Khoshoie, dans son solo Grand Écart. Né à Genève en 1988, Kiyan Khoshoie pratique la gymnastique et le plongeon à haut niveau avant de prendre son premier cours de danse classique à dix-sept ans. Deux ans plus tard, il entre à la Rotterdam Dance Academy aux Pays-Bas et poursuit ensuite sa formation à Barcelone. Sous la direction de Catherine Allard, il dansera des pièces d’Ohad Naharin, Jiří Kylián, Sidi Larbi Cherkaoui, Stijn Celis, Alexander Ekman… Kiyan choisit ensuite de se tourner vers un travail plus théâtral et performatif. Il crée Grand Écart en 2018, sous la direction de la comédienne Charlotte Dumartheray et la pièce fait partie de l’édition 2022 de la Sélection suisse à Avignon. Parallèlement, il développe son travail chorégraphique avec sa compagnie KardiaK. Grand Écart s’inspire des codes du one-manshow, du stand-up et de la performance, ce solo hybride et rafraîchissant oscille entre passion et désamour et questionne les limites de la pratique chorégraphique ; celles du corps, de la dévotion et du pouvoir. Le temps d’un long plan-séquence virtuose et désopilant, le danseur décortique son lien à la profession jusqu’au nonsense. La plongée intime et étourdissante dans la vie d’un praticien de la scène rappelle qu’un danseur est un travailleur comme un autre, confronté lui aussi aux difficultés du monde du travail parfois absurde, souvent égocentré et plus que jamais en perte de sens.

Par Valérie Bisson

— PANORAMIQUE N°1

ÉLOGE DU BLANC, théâtre du 5 au 16 avril à la Petite Scène du TJP, à Strasbourg www.tjp-strasbourg.com

— GRAND ÉCART, danse les 11 et 12 avril à POLE-SUD, à Strasbourg www.pole-sud.fr

À la rue complet

Longtemps considéré comme le bâtard méprisé de l’Art avec un grand

A, l’urban art s’est peu à peu imposé comme un incontournable de nos vies contemporaines. Tant en danse qu’en musique, en dessin, en art, en sport ou même en cuisine, l’inspiration prend désormais corps dans la rue, la tête haute et le poing levé. Un état de fait fêté chaque année dans les rues de Nancy avec RUN, anagramme de Rencontres Urbaines de Nancy, grand rendez-vous à dimension internationale qui réunit acteurs locaux et mondiaux pour un festival pluriel et éclectique. Une nouvelle édition placée cette année sous l’égide de la musique, en clin d’œil au festival NJP et au hip-hop, qui fêtent tous les deux leur demi-siècle en 2023 ! On va donc pouvoir profiter de moult concerts, DJ sets, rencontres, conférences, débats et autres expositions, des rues de la ville à la scène de l’Autre Canal, en passant par le muséum-aquarium ou la galerie Poirel… Sans oublier du skate, de la sérigraphie, des battles de danse ou encore l’Urban Flea Market, un marché aux puces destiné à tous les fanatiques de sneakers ! Parmi les autres temps forts de ce RUN 23 : la création de la nouvelle œuvre monumentale d’Alex Chinneck, le sculpteur britannique défiant l’apesanteur, ou encore une grande expo monographique au musée des Beaux-Arts consacrée à Faith XLVII, figure majeure de l’art urbain contemporain (voir In Situ).

Par Aurélie Vautrin

— RUN 23 - RENCONTRES URBAINES DE NANCY, festival du 1er au 9 avril à Nancy www.run.nancy.fr

Restons groupés

Célébrer la notion même de danse en groupe, tel est le point de départ du second programme de la saison 2022-2023 du CCN – Ballet de Lorraine. Aborder à la fois l’énergie, la force et la complexité du collectif, mais également explorer ce que l’idée de groupe nous dit de l’intime et de la liberté… Le tout agrémenté d’une dimension internationale puisque les commandes de ces deux nouvelles créations sont laissées à l’Australien Adam Linder et à la Franco-Américaine Michèle Murray. Le premier présentera en effet Acid Gems, directement inspiré des Joyaux de George Balanchine, un célèbre ballet en trois actes créé dans les années 1960 dont l’idée était d’établir un parallèle entre le langage chorégraphique et la formation des pierres précieuses. Ou comment les expressions propres aux différentes écoles de danse (française, russe, américaine) se transforment et se reflètent avec le temps, comme les différentes facettes d’un diamant. Aujourd’hui, l’Australien continue cette réflexion autour du vocabulaire chorégraphique en explorant l’évolution voire l’hybridation des danses, des styles et des influences, mêlant dans sa création ballet, théâtre, techniques somatiques et danses urbaines. De son côté, la chorégraphe Michèle Murray proposera DANCEFLOOR, dans lequel elle invitera les vingt-cinq danseurs du CCN de Nancy à prendre possession de la piste de danse, à la fois en tant que groupe et en tant qu’individualité propre. À découvrir début avril à l’Opéra national de Lorraine !

Par Aurélie Vautrin

— ACID GEMS / DANCEFLOOR, danse du 1er au 7 avril à l’Opéra national de Lorraine, à Nancy www.ballet-de-lorraine.eu

Jeux sans frontières

Perspectives, festival franco-allemand des arts de la scène, fête sa 45e édition en mettant à l’honneur une vingtaine de productions venues de France, d’Allemagne, de Belgique et de Suisse. Intergénérationnelle et destinée aussi bien aux curieux qu’à un public averti, sa programmation, comprenant de nombreux spectacles sans paroles ou surtitrés, croise les esthétiques et les disciplines : théâtre, nouveau cirque, danse, performances se déploieront dans une quinzaine de lieux entre Moselle et Sarre. Le chorégraphe Fouad Boussouf y présentera OÜM, qui célèbre la rencontre, à mille ans d’écart, entre la diva égyptienne Oum Kalthoum et le poète persan Omar Khayyam. Dialaw Project de Mikaël Serre évoquera la construction du port géant de Ndayane au Sénégal, nouvelle émanation d’un capitalisme menaçant une terre meurtrie et ses habitants. Dans le solo Pour sortir au jour, le danseur et chorégraphe Olivier Dubois se prête avec humour à un jeu qui pourrait tour à tour prendre la forme d’un tribunal ou d’un peep-show, voire d’une dissection… Arrêt d’urgence, « pièce de cirque tout-terrain pour semi-remorque et piano à queue » de la compagnie Akoreacro investira quatre lieux de l’espace public, sur entrée libre. Et pour prolonger l’expérience jusqu’au bout de la nuit, rendez-vous au centre culturel Sektor Heimat à Sarrebruck, qui abritera cinq soirées concerts et quatre soirées club pendant les weekends. La programmation complète du festival sera dévoilée en ligne le 20 avril.

Par Benjamin Bottemer

— PERSPECTIVES, festival du 25 mai au 3 juin en Moselle et en Sarre www.festival-perspectives.de

À la pêche aux accidents

Cela fait un sacré bout de temps que l’on n’avait pas eu l’occasion de le voir en concert – sept ans, pour être précis : le chef de file de la scène electro, « master ès trip-hop french touch » s’il en est, Wax Tailor fera bien son grand retour en 2023 ! Avec évidemment dans sa musette un nouvel album à consommer sans aucune modération, un certain Fishing For Accidents sorti début février - facilement repérable dans les bacs grâce à une magnifique jaquette des plus stylisées signée par l’artiste japonaise Hanako Saito. Un nouvel album aux petits oignons, fait d’assemblages sonores parfaitement maîtrisés, de paysages cinématographiques, de featurings en cascade et de compos lumineuses où se mêlent rap et electro, hip-hop et trip hop, sampler et clins d’œil au 7e art. Le titre lui-même en est un d’ailleurs, puisque le Normand d’origine s’est inspiré d’une phrase d’Orson Welles à propos des « accidents » dans le processus créatif. « J’ai toujours pensé que l’accident faisait partie intégrante de la création et que le travail d’un réalisateur de films ou de disques, c’est aussi de savoir les capturer pour faire de l’accident une intention artistique, explique-t-il. J’ai décidé de ne pas suivre un concept bien établi mais cette ligne directrice plus instinctive et de partir à la pêche aux accidents. » Si la tournée de Wax Tailor débutera aux States le 1er mars, le compositeur-auteur-producteur-manager–génie se produira dans sa France natale une dizaine de fois les deux mois suivants - notamment le 11 mai à l’Autre Canal, seule date dans le Grand Est.

Par Aurélie Vautrin

— WAX TAILOR, concert le 11 mai à l’Autre Canal, à Nancy www.lautrecanalnancy.fr

Folie croassante

Comment faire théâtre à partir d’un des faits divers les plus marquants du siècle ? Pour évoquer l’affaire dite « du petit Grégory », Adieu mes chers cons fait d’abord le choix d’habiter l’un de ses plus fameux et terribles protagonistes : le corbeau. Au début de la pièce, cinq corbeaux convoqués au cœur de la forêt via un message anonyme ne tardent pas à se rendre compte qu’ils sont eux-mêmes manipulés. Missives pleuvant du ciel, coups de fil tonitruants, ils s’invectivent, s’effraient et s’interrogent, changeant successivement de masques. Puisque « l’affaire » est devenue un mythe contemporain synonyme de folie collective, le metteur en scène Sacha Vilmar et l’autrice Anette Gillard usent de tous les codes du tragique, voire du récit d’horreur ou du thriller. Forêt oppressante, cris, rires, silences, ombres et lumières… le tout avec la démesure qui convient à un sujet dépassant l’entendement. Au fil de ce conte cauchemardesque, décalage et humour sont omniprésents, comme pour mieux trouver le ton sans verser dans le voyeurisme et l’indécence qui ont marqué les événements. Le grotesque côtoie donc le tragique, le rire survenant sans prévenir au fil des répliques : rire du malaise, de l’absurde, de la stupeur… un contraste nourrissant l’étrangeté, un traitement déraisonnable comme seule solution pour parler d’une histoire monstre.

Par Benjamin Bottemer

— ADIEU MES CHERS CONS, théâtre les 31 mai et 1er juin au Théâtre de la Manufacture, à Nancy www.theatre-manufacture.fr

Homme à composer

Qui était Patrick Dewaere ? Un enfant de la balle, un acteur surdoué, un être à la fois fragile et violent, fantasque, anticonformiste… Avec Surexpositions (Patrick Dewaere), la compagnie Le Souffleur de Verre tente de donner sa propre réponse ou plutôt de composer une hypothèse Dewaere, aux facettes multiples. Pour cela, elle effectue des incursions, comme autant de tentatives, dans les vies cinématographiques, théâtrales et personnelles de l’anti-héros des Valseuses et d’Un mauvais fils, loin de toute approche documentaire. « Nous décollons du réel pour entrer dans les peaux de Dewaere fictives, c’està-dire nourries de nos fictions, explique le metteur en scène Julien Rocha. Nous allons faire éclater la surface de projection qu’est devenu l’acteur sous les regards de la presse, du métier, sous son propre regard et le nôtre. » Sans reconstituer une époque ni les scènes de sa filmographie, Surexpositions (Patrick Dewaere) opère des « saluts » aux œuvres ; on y croise quelques figures de comédiens et cinéastes telles que Bertrand Blier, Gérard Depardieu ou Miou-Miou. Une pièce qui aborde les glissements entre l’art et la vie, le hors-champ, les regards et les paroles sur un homme blessé qui incarnait aussi, selon l’autrice Marion Aubert, le début du vacillement du patriarcat.

Par Benjamin Bottemer

— SUREXPOSITIONS (PATRICK DEWAERE), théâtre le 13 avril au Carreau, à Forbach www.carreau-forbach.com

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