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LES VAGAMONDES REVIENNENT ET SÈMENT LE TROUBLE AU CŒUR DE NOS IDENTITÉS POUR MIEUX LES TRANSCENDER.

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ÉPILOGUE

ÉPILOGUE

Autrefois attachés à montrer la diversité des cultures du Sud, les Vagamondes s’affirment depuis trois saisons et la prise de fonction de Benoît André à la tête de La Filature, comme le festival du dépassement de toutes les frontières. L’édition précédente interrogeait les lignes de démarcation de plus en plus sensibles entre les individus et leur environnement, et l’avènement possible d’une forme de transhumanité. Cette année, c’est la question connexe et non moins actuelle du genre qui donne au festival sa coloration étrange et attirante – comme celle de la flamboyante affiche signée SMITH.

Actuelle, car il est indéniable que nous assistons à un décloisonnement de ces sujets ayant trait aux frontières intimes et mouvantes à l’intérieur de tout un chacun : le sentiment d’appartenance (ou non) à un genre et la dimension sexuelle de nos identités (multiples). Des frontières qui pour beaucoup –notamment la jeune génération – servent désormais de passerelles où circulent et s’échangent les points de vue, quand chez d’autres elles demeurent des obstacles violemment infranchissables. Frontières massivement investies et discutées, ces dernières années, par tous les champs artistiques, qu’il s’agisse de littérature ou de cinéma, de musique ou d’art visuel, sans oublier le spectacle vivant, preuve que la notion de genre ouvre un gigantesque espace de réflexion au sein des consciences et des imaginaires.

Avec sa singularité, La Filature et ses structures culturelles partenaires rejoignent à leur tour ce mouvement de fond touchant à tous les aspects de nos vies et se proposent d’explorer d’une manière exigeante, éclairée, mais aussi ludique et festive, cette tectonique joyeusement troublée des identités et des affects.

Foyer de ces tremblements existentiels, le corps se trouve naturellement au cœur des préoccupations des 15 spectacles au programme de cette 11e édition des Vagamondes.

Le corps pluriel, mutant, complexe, entraînant dans son vortex des mythologies nouvelles en opposition à la vision hétéronormée de l’étant, comme dans cette expérience mêlant théâtre, musique et danse à laquelle nous convie l’artiste visuelle Elli Papakonstantinou, The Bacchae, librement inspirée des Bacchantes d’Euripide.

Le corps nié parce qu’il ne correspondrait pas aux standards imposés par les pouvoirs dominants, à l’image de celui de Caster Semenya, championne olympique du 800 m, dont le parcours édifiant a inspiré la pièce Libre arbitre imaginée par Léa Girardet et Julie Bertin.

Le corps amoureux des danseur·euse·s du Roméo et Juliette Suite, relecture moderne et non binaire du mythe shakespearien proposée par Benjamin Millepied et le L.A. Dance Project, où les médiums fusionnent au rythme de la partition géniale de Sergueï Prokofiev.

Spectacle de marionnettes, performances, créations destinées au jeune public, ateliers et tables rondes seront également de la partie du 17 au 31 mars, le duo Superpartners (le photographe et metteur en scène SMITH, artiste complice de La Filature, et la commissaire d’exposition et performeuse Nadège Piton) donnant le signal de départ de ces réjouissances avec trois cartes blanches riches en surprises. La première de ces soirées d’ouverture (vendredi 17) verra l’inauguration de l’exposition « Trans(e)galactiques » à la galerie de La Filature, enquête « indisciplinaire » et voyage dans une constellation d’existences vécues ou fantasmées. Orchestré par SMITH & Nadège Piton, le vernissage sera performé et réunira dans une conversation « télépathique » la commissairechercheuse Taous Dahmani, l’écrivaine, chamane et spécialiste de la transe cognitive Corine Sombrun et l’autrice et dramaturge Marie NDiaye, goncourisée en 2009 pour son roman Trois Femmes puissantes. Prometteuse d’intensité, la suite de la soirée sera marquée par le concert événement de Jeanne Added, de retour avec son album By Your Side, et la performance sonore du binôme Vatican Soundsystem formé par Vikken et Franky Gogo, préambules d’une nuit des étoiles queer qui se prolongera dans le Hall de La Filature.

Samedi 18, la mezzanine accueillera Cosmos , création inédite et « astralo-friponne » associant le cabaret Le Secret de Monsieur K, SMITH et Marie NDiaye. Dimanche 19, Sébastien Lifshitz présentera au Cinéma Bel Air son nouveau long métrage documentaire Casa Susanna, retraçant les prémices des mouvements transidentitaires dans l’Amérique puritaine des années 1950-1960 – manière politique et fraternelle de conclure ce premier week-end des Vagamondes, un festival plus que jamais tourné vers tout ce qui transcende, transgresse, transporte.

— VAGAMONDES, festival du 17 au 31 mars à La Filature, Scène nationale, à Mulhouse www.lafilature.org

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