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L’OPÉRA STUDIO OPÉRA’TIONNEL

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ÉPILOGUE

ÉPILOGUE

RENCONTRE AVEC SANDRINE ABELLO, L’HYPER-DYNAMIQUE DIRECTRICE DE L’OPÉRA STUDIO, « PÉPINIÈRE DE JEUNES ARTISTES » BASÉE DANS LES

LOCAUX DE LA COMÉDIE DE COLMAR, ET SES ONZE POULAINS À LA VOIX ET AUX DOIGTS D’OR.

Lorsque nous nous infiltrons en salle de répétition, dans « l’antichambre de leurs débuts professionnels », une partie des élèves de l’Opéra Studio travaille sur Cenerentolina , d’après Gioachino Rossini. Une Cenerentola pour les petits à partir de six ans, Cendrillon avec féerie magique et effets comiques, thématique de la fracture sociale comprise. Rires garantis lorsque Brenda Poupard, mezzo-soprano que l’on a notamment pu découvrir dans L’Enfant et les Sortilèges d’Émilie Capliez, sort de sous une table bien dressée : la citrouille placée en son centre devient couvre-chef et la nappe se métamorphose en élégante robe de soirée. Floriane Derthe, soprano, Iannis Gaussin, ténor, et Andrei Maksimov, baryton ici affublé d’un grotesque faux ventre, sont accompagnés et guidés par les metteurs en scène, décorateurs et costumiers Sandra Pocceschi et Giacomo Strada. Une « grosse » production présentée prochainement au Théâtre de Colmar, l’Opéra national du Rhin strasbourgeois et La Sinne à Mulhouse. Ces répétitions dites « scéniques-piano » sont accompagnées par les pianistes chefs de chant de l’Opéra Studio Levi Gerke et Hugo Mathieu et sous la houlette de Samy Rachid, chef d’orchestre assistant complétant la promo 22-23. Même pas peur : les jeunes du Studio sont armés, portant déjà un lourd bagage avant d’intégrer cette formation, véritable tremplin vers des horizons opératiques radieux.

Changement de salle, changement d’ambiance lorsque nous débarquons malencontreusement en pleine séance d’italien en visio d’Oleg Volkov, baryton-basse auquel nous donnons rendez-vous plus tard. « Les élèves doivent savoir chanter dans de nombreuses langues », explique Sandrine Abello : allemand, anglais, russe (ça n’est pas un souci pour Oleg, originaire de Russie), mais aussi français… ce qui peut s’avérer parfois difficile pour cette promotion internationale, en cette structure fondée en 1974 par Pierre Barrat sous le nom d’Atelier lyrique du Rhin (l’Opéra Studio attendra 2008 pour être ainsi rebaptisé). Il y a peu encore, Liying Yang, mezzo-soprano formée à Guangzhou en Chine, Glen Cunningham, ténor écossais issu du Royal College of Music de Londres, ou Levi Gerke, pianiste passé par la Central Methodist University et l’Université de Floride, ne parlaient pas un mot de notre langue…

Studio One

De son propre aveu, la directrice musicale a un parcours atypique, devenant cheffe de chant à l’Opéra d’Avignon sans connaître toutes les gammes de la fonction, mais en travaillant dur le répertoire et le métier, en « apprenant sur le tas ». Après un tour de France des opéras (Dijon, AngersNantes, Tours, Toulon…), la responsable du Studio depuis 2021 confesse qu’aujourd’hui, les temps ont bien changé. Les jeunes qui « arrivent sur le marché » ont déjà bénéficié d’une formation très complète. Pour faire partie des « élus » – quatre chanteuses, quatre chanteurs, deux pianistes-chefs de chant et un chef d’orchestre –, un niveau déjà très élevé est requis. « Le monde est tout petit pour cette génération d’artistes » qui viennent des quatre coins du monde, espérant intégrer cette école… non, cette solide « cellule d’insertion », préfère Sandrine. Ils sont recrutés sur concours : cette année, environ 500 candidatures pour onze jeunes « diplômés de prestigieuses institutions musicales de tous les pays » qui bénéficieront d’un passeport garanti pour la gloire après une année (parfois deux) de master class auprès d’artistes reconnus internationalement (artistes lyriques, metteurs en scène, chefs d’orchestre, chorégraphes), de séances de travail au piano avec les chefs de chant de l’OnR, de cours de langues à la manipulation de marionnettes, selon les besoins des projets en cours. Tout au long de leur « immersion professionnelle », ils sont amenés à se produire à Strasbourg, Mulhouse et Colmar, notamment lors des Heures lyriques, mais également en tournée avec l’Opéra volant, dispositif itinérant de l’OnR qui se déplace sur le territoire à la rencontre d’un nouveau public.

Cette saison, en compagnie de camarades musiciens de la Haute École des Arts du Rhin (HEAR), ils patrouillent dans le Grand Est, effectuant une Petite balade aux enfers , opéra avec marionnettes d’après Orphée et Eurydice de Christoph Willibald Gluck. La tournée de 39 représentations (dont 22 réservées aux scolaires) a lieu jusqu’au 18 juin en des salles aussi diverses que Le Carreau de Forbach ou La Salle du Cercle de Bischheim. Au moment de notre visite, le Studio bûche également sur Candide de Bernstein, comédie musicale en deux actes dirigée par Samy Rachid, chef d’orchestre du Studio, avec le Chœur de l’OnR, l’Orchestre symphonique de Mulhouse et… Lambert Wilson en guest-star. Et ce n’est pas tout ! Les jeunes « au seuil de leur carrière », participent à de nombreux spectacles donnés dans le cadre de la saison lyrique de l’OnR : Le Chercheur de trésors de Franz Schreker, La Flûte enchantée de Mozart, Turandot de Giacomo Puccini et Le Couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi. Notons enfin qu’ils concoctent une intervention musicale dans le service d’oncologie pédiatrique de l’hôpital de Hautepierre pour avril.

Un Pas De C T

Le Studio de l’Opéra, pourquoi ? Qu’attire tant les talents en herbe du globe à Colmar ? Pour connaître le destin foudroyant de Sora Elisabeth Lee, cheffe d’orchestre de la promo 21-22, révélation des Victoires de la Musique Classique 2023 ? Ceux qui ont assisté au magnétique Giselle de Martin Chaix avec le Ballet de l’OnR et l’Orchestre symphonique de Mulhouse savent où la barre est placée ! Ou pour suivre le chemin de Samy Rachid qui sera assistant chef d’orchestre de l’Orchestre symphonique de Boston dès la rentrée 23-24 ? Peut-être pour aller dans le sillon de Floriane Derthe, prochainement membre de l’Académie Favart de l’Opéra-Comique ou de Rosa Kim (promo 21-22), dorénavant cheffe de chant au Théâtre de Lübeck ? Selon Sandrine Abello, très peu nombreuses sont les structures du type Studio en France, proposant aux jeunes une formation avec de nécessaires « pas de côtés » pour apprendre à s’adapter à « l’évolution du métier », les faisant côtoyer des metteurs en scène ou chorégraphes reconnus afin de s’enrichir mutuellement. « En perpétuelle demande, ils sont avides d’apprendre, encore et toujours », s’enthousiasme-t-elle.

Postée « sur » un piano, entourée de ses camarades, Liying Yang témoigne : « J’ai accompli un rêve d’enfance qui semblait inaccessible lorsque j’écoutais de la musique classique chinoise avec ma mère. Aujourd’hui, je suis tellement heureuse de pouvoir m’épanouir ici : je me sens immensément libre lorsque je chante, que je raconte des histoires. »

Glen Cunningham sait qu’il y a encore des étapes à passer avant d’interpréter ses rôles fantasmés – le Roméo de Juliette ou Edgardo dans Lucia di Lammermoor –, mais se sent prêt à interpréter « les ténors mozartiens », le grand Wolfgang demeurant l’incontournable ! « Mozart, c’est le passage obligé, avec son univers où l’on peut s’exprimer en y volant comme un oiseau, même si je préfère la profondeur d’âme et la complexité des héros de Verdi, mon graal. »

Levi évoque son amour sans faille pour l’art total dans lequel il évolue, pour « le collectif, le but commun à atteindre, tous ensemble », tandis qu’Oleg, qui vient de finir son cours d’italien à distance, rejoint le groupe : « À chacun son approche : personnellement, ce sont les éléments extérieurs qui jouent sur ma manière d’aborder un rôle : un chapeau sur la tête, une veste de costume sur le dos, une mouche dessinée au-dessus de la bouche… L’essentiel est de faire groupe, voire troupe, et se mettre au service d’une œuvre, d’un compositeur. Nous donnons et recevons, comme dans une église. La dimension sacrée de l’Opéra est primordiale », conclutil de sa voix de baryton.

— L’OPÉRA STUDIO, Cenerentolina du 3 mars au 4 avril au Théâtre municipal de Colmar, à La Sinne de Mulhouse et à l’Opéra national du Rhin, à Strasbourg

Le Couronnement de Poppée du 24 mars au 30 avril au Théâtre municipal de Colmar, à La Sinne de Mulhouse et à l’OnR

L’Heure lyrique : Lyrico-Slaves les 13 et 14 mai au Théâtre municipal de Colmar et à l’OnR

Opéra Trinational Gala Concert le 27 mai au Théâtre de Freiburg

Turandot du 9 juin au 4 juillet à La Filature de Mulhouse et à l’OnR www.operanationaldurhin.eu

Les podcasts de la Comédie de Colmar auxquels l’Opéra Studio participe : comedie-colmar.com

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