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DO IT AGAIN

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ÉPILOGUE

ÉPILOGUE

Par Benjamin Bottemer

VERTIGES ET OBSESSIONS DE LA RÉPÉTITION AU CENTRE POMPIDOU-METZ.

parisienne, qui alimentent la majeure partie de l’exposition. Celui-ci a souhaité nous placer dans l’état d’esprit qu’il a lui-même adopté dans les réserves du Musée national d’art moderne : explorer librement, trouver les correspondances et les échos au gré des découvertes. Pas de fil conducteur chronologique ici, juste une douzaine de brèves sections (« multiplier », « diviser », « arpenter », « persister », « accumuler », « compter »…) pouvant se parcourir de manière multidirectionnelle. Passage obligé tout de même devant le tableau qui nous accueille dès l’entrée : La Répétition de Marie Laurencin, une rareté au musée ; car déconsidérée. Elle donne néanmoins son nom et son image à l’exposition et à son affiche, un choix inattendu pour un événement qui expose Kupka, Annette Messager, Picasso, Matisse, Warhol, Hantaï... mais aussi une clé pour y pénétrer : le redoublement y est à la fois sujet (reprenant Les Demoiselles d’Avignon de Picasso) et méthode, avec ces cinq jeunes femmes aux visages identiques.

Face aux injonctions permanentes à l’originalité et à l’innovation, présentes dans le monde de l’art comme dans quasiment toutes les pratiques humaines de notre époque, préférer la tentative, l’obsession, le redoublement : c’est un peu le credo de « La Répétition », sixième exposition dite « phare » du Centre Pompidou-Metz. C’est Éric de Chassey, directeur de l’Institut national d’histoire de l’art, qui a cette fois-ci été invité à plonger dans les collections de la maison-mère

Pourquoi répéter ? Les motivations sont aussi diverses que les courants dans lesquels s’inscrivent les œuvres présentées. František Kupka veut saisir la décomposition du mouvement du corps à l’ère de la photographie (Femme coupant des fleurs) tandis que François Morellet prend plaisir à répliquer en grand format ses abstractions inspirées des tapas océaniens, un demi-siècle après leur création (Quand j’étais petit je ne faisais pas grand). Quant à Eugène Leroy, il s’immerge pendant seize ans dans la réalisation du portrait de son épouse, accumulant les couches de peinture pour faire de sa Valentine le soir une compression de matière et de couleurs. Certains font aussi le choix de l’ascèse, comme Barnett Newman, qui de 1949 à sa mort utilisa une forme unique, baptisée « zip » qu’il multiplie à l’infini avec d’infimes différences. Un parti pris mais aussi une vision qui ont quelque chose de vertigineux, comme lorsque l’on plonge dans les carrés de Josef Albers, emboîtements concentriques soumis à des variations chromatiques baptisés

Hommages au carré. De véritables célébrations de la forme géométrique déclinée également par Vera Molnár, qui décompose et réassemble un couple de carrés en des agencements inédits, ou encore par Olivier Mosset et ses six carrés d’apparence identique, mais révélant chacun les irrégularités du passage du pinceau.

Privilégié, Simon Hantaï se voit consacrer toute une partie de la galerie, où cinq de ses œuvres s’observent. Au tournant des années 1960, il adopte une peinture entièrement née de la répétition de gestes : Écriture rose comprend le recopiage ininterrompu de la liturgie du jour ; Mariale m.a.3 illustre sa technique du « pliage comme méthode » sur des toiles pliées, badigeonnées puis dépliées ; Sex Prime, exécutée « un après-midi de fascinations érotiques » rappelle que l’on parle souvent d’abstraction par commodité, en oubliant le corps. Celui-ci est ici omniprésent, soit en filigrane, soit dans le geste et/ou comme objet, depuis le tableau de Marie Laurencin. Les renflements presque organiques sur la toile de Takesada Matsutani, les marcheurs désœuvrés de Djamel Tatah à côté desquels on piétonne, les performances vidéo de Marina Abramović et Brune Neumann encapsulant leurs mouvements compulsifs… et que dire des Poils de dessous de bras géants de Rosemarie Castoro, sans oublier les magnétiques épreuves photographiques de Mary Kelly, dénonciations des préjugés envers les femmes et d’un certain idéal féminin. L’acte de répétition traverse les époques, les pratiques et les courants artistiques qui euxmêmes s’influencent et se répondent : c’est l’un des messages d’une exposition qui nous invite à reconsidérer la notion d’avant-gardes supposément parties de zéro. Et surtout, à se construire sa propre expérience au fil des visites (l’exposition est visible jusqu’en 2025) pour mieux voir et revoir La Répétition.

— LA RÉPÉTITION, exposition jusqu’au 27 janvier 2025 au Centre Pompidou-Metz, à Metz www.centrepompidou-metz.fr

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