Paroles d’un compte erratique 1 Clair Charpentier michel lombardo
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pour ne pas vous précipiter dans mon naufrage parce que je vous aime tant parce que je voudrais que vous m’oubliiez
11 janvier 2018 je perds des amis mais quels amis laisse-t-on j’ai laissé des ombres vent de nulle part — il balaie d'une rafale les débris d'une âme
mélanger bourbon et pur malt fonds de bouteille militante ivresse
lorsque je l'ai vue pour la première fois devant le terminal le vent d'un matin d'été luisait dans les étoiles de ses yeux lorsque je l'ai perdue dans le terminal le vent dehors était visqueux brûlant de torture et d'angoisse adieu fleur au parfum qu'un autre respire
je garde de toi toute cette amertume nauséeuse et flétrie me reste l'amour que jamais je n'oublierai que j'avais pour toi le crabe me laisse un choix je vais tâcher de vider ses pinces pleines de chair avant qu'il ne morde
12 janvier 2018
13 janvier 2018
sous l’auvent je pleure les amis que j’ai laissés et qui m’oublieront
je les garde encore ces photo d'elle envoyées par inadvertance
car ils m’oublieront tandis qu’ils resteront agrafés à mon cœur
dans ce beau carnet où je n'ai pu rien écrire flâne son parfum
la saveur tourbée du Caol Ila exaspère et secoue mes lèvres
reste inconsolé mon cœur transpercé de flammes cruelles
il est tard ce soir mon désir de vous revoir agite mon ombre
14 janvier 2018 premier café d’un dimanche sans amis le ciel s’est couvert
vous pensez tous que je vous ai laissés que j’ai quitté le navire de vos poèmes et pensées comme un rat qui sent le naufrage je vous ai quitté
la nuit et le froid me rappellent que l’hiver rode sous l’auvent
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15 janvier 2018
21 janvier 2018
que me reste-t-il de ce rêve inachevé — un gosier noué
ampoule fragile mais dans la peau de cristal ton cœur bat soleil
16 janvier 2018
22 janvier 2018
j’ai couru mille chemins traversé de vastes plaines rampé dans des boues fétides sans atteindre un but
une pluie de rires de mépris et de sarcasmes sur mon cœur percé j’aurais tout donné tout le reste de ma vie contre quelques jours
quand le vent se dresse dans un ciel sans compassion les nuages saignent
elle s’en défend pourtant elle m’a jeté comme un kleenex sale
je rêve d'un vent complice qui s'en irait lui conter la douleur d'un cœur qui plisse de trop de bonté
23 janvier 2018
17 janvier 2018
24 janvier 2018
café mal passé une boule à l’estomac toute la journée
le vent et le temps ont eu raison des grands chênes sans la moindre feuille
j’ai froid je frissonne la température grimpe dans le thermomètre
25 janvier 2018
18 janvier 2018
départ nécessaire mais bien lourd est le retour sans pouvoir parler
19 janvier 2018
26 janvier 2018
les cafés me pèsent j’aurais dû me contenter ce matin d’eau chaude
je n'oublierai pas que vous étiez des amis le resterez-vous ?
20 janvier 2018
dans le vent du nord le parfum de votre peau vient me réveiller
une nuit malade vingt fois j’ai troublé mon chat mais il dort encore
il y a vos yeux combien de saisons encore avant que j'oublie
j’ai froid des vertiges je n’aurais pas dû sourire au jardin l’hiver
je vous oublierai 3
malgré mon peu d’envie la vie c'est l'oubli
de danse légère
31 janvier 2018
et vous oublierez pour qui vous m'avez laisser la vie est oubli
ampoule orangée — la lumière acidulée d’un vieux cœur dissout
27 janvier 2018 les nuages gris cèdent la place au ciel bleu — quand reviendra-t-elle
01 février 2018 l’amitié se pose moineau au milieu des branches deux cœurs pour racines
trop vieux pour aimer tout le monde le lui dit — et pourtant, pourtant
au fond de son cœur demeure à jamais planté un dard de poison
j'ai aimé si fort celle trop jeune pour moi que j'ai pris mille ans
vous pouvez nier la blessure saigne encore et vos mains sont rouges vous pouvez baigner de larmes vos manches d’où le sang coule
28 janvier 2018 avant les bourgeons les tourterelles déclament une ode au printemps
02 février 2018
29 janvier 2018
combattre froid qui ronge l’âme et le corps un premier café
un soir il le faut partir ne plus revenir malgré les regrets
03 février 2018
mais je reviendrai amputé d’inspiration bien moins clair qu’avant
l’hiver est entré ricanant et fier de lui dans mon cœur ouvert
30 janvier 2018
un vent plein de dards trouble les oiseaux qui chantent pour se réchauffer
un ciel oxydé maltraité par des rayures d’argent déchiré
soleil sans chaleur l’eau froide de la piscine m’a mordu les doigts
un petit pixel qui s’allume qui clignote c’est un cœur qui bat
04 février 2018
l’hiver se murmure prend des airs de nuit d’été
vous devez oublier ce vieux fou qui dégoise
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du bonheur égaré dans une aérogare
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que nous pourrions nous aimer parfois seulement les bruits de la nuit ont bâillonné le silence — je ne vois plus clair
30 avril 2018 sous la lune torse l’éclat d’acier des nuages crisse dans le ciel
la robe de gaze dont la lune s'est parée danse dans mes yeux
la nuit m’a froissé comme un vieux papier buvard plein de taches d’encre
j'imagine un vent qui d'une histoire stérile ferait table rase
crapaud mon ami voudrais-tu bien s'il te plaît cesser ton vacarme
je suis un vieux chien errant d'impasse en venelle perdu sans collier
un Perier rondelle que serait-ce sans citron de l’eau et des bulles
il est tard amis dans ma tête je répète tous les mots non dits
01 mai 2018 lune de diamant qui d'une lame affûtée détoure les nues
chemineau des rêves je trainaille ma carcasse le long de la nuit
les yeux pleins de lune une chouette énamourée se perd dans la nuit
le soir est venu et son grand manteau de brume traine dans les flaques
ce soir un crapaud égaré dans son chant triste me tient compagnie
les nuages offrent une couronne d'eau sombre aux rayons de soleil
l'écho s'est perdu dans l'enfer de la vallée — mon ombre soupire
oliviers d'argent dans tes branches mal taillées des cris affamés
sur le banc je lis un message et l'au revoir d'une feuille morte
sud-sud-est la jonque toutes voiles rabattues se laisse porter
les jambes pendantes je devine au fond du gouffre les derniers grains de sable
loin de Wakkanai elle remonte le Huang fleuve métallique
il avait pour elle une affection sans limite mais gardait le sourire
dans la vapeur monte un parfum de tropiques un goût d'orchidée
parfois je rêvais
ses yeux de cobalt
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intensément étincellent de joie accablée
02 mai 2018
passée comme un songe je vole vieille éphémère des jours à ma vie
la nuit est câline qui me prend dans ses bras et me berce comme un jeune chat
sur le bord de l'aube une nue retient la nuit dans un coffre d'or
les parfums de mai se subliment dans le noir la nuit est immense
une porte grince sur les paumelles rouillées — la nuit est mystère
j'étire mes membres dans le fauteuil de l'auvent mon esprit en pause
quelques spectres errent sans but sans passion non plus dans la nuit d’orage
murmures lointains la nuit délicatement les effeuille
le vent me surprend de ses contes d'autres lieux de temps révolus
somnolent déjà minuit une chouette hulule plus de douze fois
à grands coups de fouet il repousse les nuages entre les étoiles
sur le pont de lianes entre les rives du gouffre je rêve de ciel
le vent qui n'a cure de mon air mélancolique rebat mes oreilles de ses anciennes rengaines qui lui donnaient le beau rôle
plus rien bouge dans les feuilles endormies s'ennuie le silence
je ne souffre plus je ne ressens plus rien — serait-ce la mort
sur le banc gauchi une vieille branche morte un éclat de moi loin dans les ténèbres les wagons claquent des dents sur les rails tordus
dans le vieux taudis qui prend soin de son vieux corps le vieil homme attend
dans un grand carton j'ai rangé tous ses présents sauf son souvenir
elle viendra bien avec sa lame aiguisée lui parler d'amour
je croise un fantôme il dit que je lui ressemble je ne trouve pas
ivre de lumière l'âme d'un papillon heurte la lampe sans flamme
03 mai 2018
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assis dans le soir que frôlent les hautes herbes je pense en silence
mon chat veut qu'on aille au lit je m'en souviens encore de la morue salée qui trempait des jours et des jours dans le tian sur la pile et du pilon d'olivier qui battait l'ail dans le mortier en pierre les légumes qui cuisaient lentement sur la cuisinière le jaune d'œuf et l'huile d'olive je me régalais d'avance de l'aïoli que mémé préparait
une brusque averse profite du crépuscule pour narguer le ciel le jardin embaume après l’averse du soir — parfum symphonique ballade de nuit — dans l'herbe gorgée de pluie mots ensevelis au nord de nulle part sur la mousse tendre une fée rêvait de mai
je me souviens le café vert que mon oncle sortait dans ses poches poignée par poignée coulant de sacs éventrés au déchargement sur les quais le café vert dans le tambour qui flambe sur la cuisinière il fallait tourner longtemps tourner la manivelle du grilloir mais alors cet arôme de café brûlé vous enivrait l'âme
musique grinçante quelque part dans la vallée des lutins ivres dansent la lune se cache dans le manteau d'Arlequin invisible et nue l'ogresse avait faim dans son frigo ne restait qu'un crapaud bougon
je me souviens le moulin à café en bois callé entre les cuisses la petite trappe qui s’ouvrait en dôme sous la manivelle que l’on tournait et tournait encore pour broyer les grains enfin on ouvrait le tiroir sur la poudre brillante sur l’âme de la potion magique
elle était ma maitresse celle à qui je devais les bleus de mon âme hirsute il rêvait de vous dans l'égarement des nuits les ruses des jours il rêvait de vous madame d'une âme folle et fiévreuse regard indécis — le phare au bout de la digue un signe une piste
je me souviens venait la cérémonie de la cafetière émaillée blanche toute simple le café moulu qu’on tassait plus ou moins dans le filtre tandis que l’eau frémissait dans la casserole sur le gaz
04 mai 2018 j’aime pas le thé thé ensaché encagé mais j’aime tes vers
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délicatement on la versait sur la poudre par petites coulées l’arôme déjà voyageait les sens la petite cuisine faisait le tour du monde
il a bu d'un trait la liqueur amère ce compagnon attendu le spectre en face de moi me sourit et nous trinquons entre nous silence pas un mot plus haut que l'autre nous nous connaissons
je me souviens il n’y avait pas de soucoupe ni même de tasse on buvait le café dans des verres en duralex longtemps on tournait la cuillère pour bien mélanger les trois morceaux de sucre nécessaire pour adoucir l’amertume du café épais alors doucement on soufflait sur la surface pour le refroidir un peu et ne pas se brûler les doigts il n’était pas bon il était amer et lourd comme du goudron mais c’était le matin il me réveillait
il regarde en coin je sais qu'il veut que je vide tout mon sac de bile il passe au tamis le sable de ma mémoire dont il ne retient que l'épaisseur des grumeaux dans lesquels je suis poissé mon ombre est sévère en silence il m'interroge je baisse la tête
parfum de la nuit une odeur d'herbe mouillée et d'âme froissée
je sens sa couleur entre grise et noire ouvrir les portes fermées de mon âme corrodée depuis si longtemps déjà
crapauds inlassables ils répètent sans arrêt que l'herbe est mouillée
et enfin j'explose en un million de lambeaux de mémoire et de sang
ce soir les étoiles paresseusement scintillent dans le ciel liquide
j'ai lâché prise et mon ombre docile se couche à mes pieds
au bout de la ligne comme une anguille ferrée les souvenirs gigotent
la nuit insoluble tourne autour du premier verre de whisky doré
le ciel s'embourgeoise il enfle comme un notaire après une vente
au sommet du pin une étoile s'est piquée — chemin des légendes
05 mai 2018 sur la table un verre déjà vide un autre plein l'ombre est en retard
orage de grêle les tuiles de l'auvent tremblent sous le fouet
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un orage brusque renvoie la pluie sous l'auvent les chéneaux débordent
une jeune guêpe mire dans la goutte d'eau son âme guerrière
les coquelicots décapités par les grêlons saignent sur le pré
un filet de brume lie le chêne et l'olivier pour la nuit entière
la vallée sonore couvre le chant des crapauds qui sourdement geignent
je vous vois madame étendue nue sur le drap m'oubliant déjà sous le lent ventilateur dans la torpeur de midi
les sons de la nuit s'estompent dans le néant de ma somnolence
l'auvent minuscule ouvert sur un clos d'arômes filtrait la lumière souvent vous étiez pensive mordillant votre crayon
sur le lac sans ride une barque est immobile elle est vide aussi en plongée profonde je respire l'eau salée de mes souvenances
je vous regardais penchée sur votre carnet alignant des phrases qui ne me décrivaient pas et complotaient mon oubli
sur le vieux pupitre au dernier rang de la classe j’ai gravé son nom
je savais cela et j'avais perdu l'espoir de vous voir écrire les mots que nous nous disions avant de nous rencontrer
06 mai 2018 je poursuis un rêve jusque devant sa tanière perdue dans l'oubli
les nuits étaient chaudes et souvent nous étions nous de mes mains tremblantes alors les matins riaient dans le parfum de l’été
assurément non je ne suis pas le poète de mon âme absurde
car je n'étais plus celui que j'avais été pour d'autres que vous toutes celles oubliées par votre peau enfiévrée
un ongle tremblant glisse sur un chapelet d'instants oubliables sur le pavot rouge papillon oh papillon ne te pose pas
mais cela qu'importe vous regardiez au-delà de mon horizon je devenais invisible à vos yeux d'exploratrice
le bourdon bourru lourdement quand il se pose fait frémir l'iris
j'ai fait une croix 10
et sans jamais rien vous dire j'attendais vos mots ils sont venus tout de même tard à ce que mon corps dit
nous rentrions aux ports même quai sans doute mais pas le même port une nuit sans ténèbres une nuit grosse d'espoir mais la nuit quand même
et quoi qu’on en pense je n'ai rien à pardonner c'est la vie qui bat la mesure des ébats je en vous dois tellement
08 mai 2018 me voilà encore seul en face de la nuit nous nous observons elle attend que je l'éclaire sur le chemin des étoiles
07 mai 2018 la chouette malade dans les branches ténébreuses hulule en tremblant
noyé dans les herbes le coquelicot perdu lance un SOS
tanguant sur un bord de flaque une feuille morte tente l'aventure
des trains jouent des trompes l'un sans doute très pressé veut dépasser l'autre
une reine grosse cherche une poutre accueillante — maison de papier
sur le fil des mots funambule malhabile j'hésite et bégaie
ce soir pas d'étoiles le ciel et l'ombre des arbres les ont dévorées
parfums dans la nuit herbe coupée et jasmin l'éclair d'un sourire
promeneur paisible qui sourit à un oiseau foule une fourmi
plonger dans l'oubli comme on plonge dans l'Érèbe et en rester sec
les coquelicots provoquent les pissenlits le pré pour témoin
09 mai 2018
entre les nuages une étoile se faufile insolente et nue
soirée de satin douceur de la pluie cessée et de son silence
entre le Château d'If et le Vieux-Port je comptais les vagues d'une mer sans colère la navette haletait bruyamment j'étais silencieux mutique refermé elle aussi qui regardait vers l'autre bord
la nuit se parfume — l'odeur de fumée mouillée sombre entre les arbres le matin de mai les coquelicots s'éveillent d'un bâillement rouge le soleil sans force
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essaie d'écarter les nues le ciel est solide j'allais nonchalant suivant la lenteur du fleuve coupant les méandres
des chouettes répondent au lent bruissement des feuilles — la nuit attentive un lent crépuscule frôle la joue des collines d'un doigt de lumière
j'avais pour bagage une besace de mots et l'arc d'un poète
matin des oiseaux qui de leurs chants insouciants saluent le soleil
parfois je lançais une volée de carreaux vers le ciel opaque
le soleil s'abreuve de l'herbe gorgée de sève — midi de mai tendre
j'excitais l'orage qui se moquait bien de moi et de mes légendes
mon cœur battait fort assis près de la fenêtre je voulais sauter le parfum de ma voisine me retenait au pupitre
dans le grau du fleuve je m'assis sur la besace inutile et lasse de l'arc et des flèches appareillés par le verbe je fis un radeau sur lequel je pris le large vers l'horizon d'inconnus
vous ne savez pas pour un collégien venu d'un cours de garçons quels effets cela déclenche d'être assis près d'une fille
j'attendais les pluies de ces mots incomparables qu'aucun dictionnaire jamais n'avais recensés et que j'espérais pourtant
11 mai 2018 perdue dans la nuit la petite lampe jaune gribouille le noir
jamais ils ne vinrent — au sommet de nulle part je brûle de sel
dans le manteau sombre de tout petits trous d'épingle pour croire aux étoiles
vagabond stérile sur des vagues insomniaques je me rêve d'ailes
j'ai marché longtemps dans l'ornière du chemin — je m'assois j'attends
10 mai 2018
que dis-tu la chouette dans ton langage lugubre je ne m'entends plus
dans mon cœur de miel la durée est suspendue l'espace infini
à l'ombre des chênes le soleil de l'an passé m'illumine encore
arbres ruisselants dans les forêts embrumées chemin des lutins
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parfum de mémoire les iris sur le talus perdent leurs pétales
pourtant tu n'es pas soumise à ma pesanteur les rêves s'envolent vers l'oubli à tire d'ailes — amer crépuscule
une rame cassée pour lutter contre le flot mon esprit chavire
vagabond fourbu je m'assois à la fontaine tarie de mes larmes
je ne vois plus clair les ténèbres me dépècent la nuit me déchire
les nids endormis dans le silence et la nuit bruissent doucement
je cours sur la lande comme un renard harcelé de chiens ameutés
je posais ma joue sur la douceur de son sein j'étais un enfant
je souffle et je souffre acculé dans la nuit sombre par les rats perfides
un ciel écarlate — le sang des âmes défuntes brûle les étoiles
je suis un vieux chat pelé aux griffes limées et aux crocs sans force
j'ai offert ma peau à l'usure de la nuit et au temps complices
plus forte que moi mon ombre aux contours confus s'écarte et me fuit
poussières d'étoiles mes larmes inassouvies quêtent vos soupirs
sur le sol visqueux il ne reste que la peau d'un fantôme humide
13 mai 2018 entre bruine et brume en contre ciel de l’ennui un voile d'argent
les os calandrés par des insectes voraces luisent au soleil et peu à peu ils retournent au limon tant espéré
un petit vent froid souvenir d'un long hiver succède à la pluie
12 mai 2018
silence profond — le ciel retient son souffle dans la nuit figée
dans la flaque d’eau l’oiseau aux plumes espiègles peint un arc-en-ciel
les crapauds rejoignent leur repaire de silence — le cri d'une chouette
ô mon âme sourde aveugle à l'écho du monde sors de ta tanière
sous l'averse les chênes pleurent
mon ombre diffuse
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les feuilles de frêne à peine défroissées frissonnent de froid
un mince trait de crayon dans le gris des nues sous la lampe froide un petit papillon de nuit réchauffe ses ailes
sous l'auvent la lumière embrumée de la lampe humide
le bruit du silence sur les ailes de la nuit — chute d’une plume
milieu de la nuit — je me souviens des minuits à bord de l'été
15 mai 2018 éreinté je pose ma vieille carcasse usée au bord du sommeil
le vieux sans bagage qu’une hotte de soupirs glisse vers la nuit
dans ma tête grince la girouette rouillée qui perd ses écrous
je sens son haleine sur ma nuque hérissée — l'ombre me rattrape
le soir nonchalant entraîne mon indolence dans le lit des songes
sur mon crâne je rabats la capuche d'un oubli sidéré
mon ombre fourbue dissimule sa fatigue dans les branches mortes
vent je dis le vent et il me répond qui es-tu toi pour parler au néant dans les ténèbres
sur la table raides deux verres et une carafe d'un très vieux whisky sans impatience ils attendent le lent et dernier baiser
la pluie s'est mise à tomber le cœur de la nuit vient de s’arrêter
en fermant les miens je revois ses yeux d'eau pâle dans mes yeux coupables
sous le ciel sans couleur la pluie perd le rythme musique sauvage
14 mai 2018
ombre est ma compagne avec elle au grand soleil on joue aux charades
un soir sans escale est passé sans crépuscule du jour à la nuit
l'ombre du feuillage — des bouquets en noir et blanc que le vent caresse
les nuages s'ouvrent lentement comme une bouche aux lèvres tendues
elle s'appelait Michèle la nuit j'épelai son nom fallait-il une ou deux ailes pour voler vers elle
la langue de ciel
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un papillon gris gros comme une feuille morte mange la lumière
vomie depuis les entrailles de quelques humains mourant c'est pour ça qu'ils dansent autour d'un feu de poèmes que jamais personne ne déclamera sur terre eux seuls eux seuls s'en souviennent
sourire demain quand j'ouvrirai le volet des coquelicots
16 mai 2018
les coquelicots sourient à l'aube endormie — rosée du matin
la nuit équivoque elle envahit le jardin et vide ma tête
un café fumant sur la terrasse au soleil — le chant du loriot
dessus les ténèbres d'une terre à l'agonie les anges sanglotent
je somnole encore — je fais le tri dans les miettes de la nuit passée
se tenant la main amoureusement ils dansent entre les étoiles
j'ai rêvé de vous princesse au rire d'enfant j’en souris encore je vous sais si loin de tout mais qu'importent les chemins
les étoiles chantent leur mélopée au silence dans l'espace froid sur la terre brune les vents dégainent leur sabre et chassent les arbres
les coquelicots au milieu des pissenlits troquent leurs abeilles
on the darkened earth the winds unsheathe their sharp swords and they chase the trees
muguet roses blanches comme un dimanche de mai c'est aimer le temps
il y a longtemps que l'homme n'est plus qu'un mythe dans l'âme des blattes
la brume de mer — les mains s'accrochent encore aux vieux souvenirs
les vieux rats eux-mêmes se sont dévorés entre eux dans la cendre épaisse
brûle la toison des rêves incandescents sur mon cœur d'agneau
la terre s’épuise encore autour d'un soleil essoufflée et lasse
17 mai 2018
ils sont seuls les anges a être les héritiers de la poésie
aux sources du vent une nymphe s'est baignée dans un courant d'air
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on trouve parfois des écailles de sirène l'hiver sur les galets
dans la nuit diffuse des glissements dans l'herbe — mes pensées s'évadent
j'ai longtemps pleuré parfois des larmes de joie souvent de chagrin
roulée sur la plage comme les nues en hiver — une vieille épave
minuscule insecte je pousse mon gros boulet de bouse et d'ennui
sur la table blanche l'ombre immense de la brume du café brûlant
le profond silence filtre les bruits de la nuit — j'écoute les fleurs
le soleil dénombre les nuages effrontés qui lui font de l'ombre
un noir sans nuance le ciel et l'ombre des arbres confus confondus
parfums de la nuit sur le dos d'un vent léger — le silence oscille
les spectres se taisent assis autour de la table ils boivent le silence
19 mai 2018 odeur d'herbe verte le jardin m'a poursuivi jusque sous la douche
le cri des corneilles qui descendent la vallée vers les vieux greniers
l'orage menace à coups de tambour sonores mais il ne mord pas
mon pays c'est l'enfer du souvenirs des défaites des espoirs déchus
entre les galets sur la plage désertée une arête sèche
jamais solitude ne m'a pesé - c'est à croire qu'il faut vivre seul
un arc de galets entre deux pitons de grès l'océan respire
le bruit de la rame — Charon ne se presse pas pour changer de rive
je respire enfin la tempête de silence me lâche la gorge
gravé dans le mur un silène rit de moi sans frémir d'un poil
18 mai 2018
leurs regards se croisent ils se sont déjà connus dans une autre vie
les ombres repassent l'aube froissée de demain à la pattemouille
le roman s'achève — ils avaient bâti entre eux un mur de silence
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trace sur le sable une longue traînée noire rejoint l'horizon
réveil épuisé — j'ai marché toute une nuit accablé de rêves
son cœur de lionne ne m'a jamais offert que son rugissement
le volet ouvert le ciel me saute au visage — tout ce bleu ce blanc
malle du grenier dans le plumier bat encore un cœur d'écolier
compère loriot de son chant plein de gaieté tourne le café
à sa source fraîche il l'abreuvait de désir mais s'en souvient-elle
soleil déjà haut je cours à mon rendez-vous avec le jardin
la nuit sous l'auvent je parle à mon téléphone qui ne répond pas
avec précaution je change le pansement de mon cœur blessé
l'odeur d'herbe rase se mêle aux parfums subtils d'une nuit d’avril
faucille d'argent la lune d'un geste habile éteint les étoiles
la lune est fantasque — son premier croissant paraît à l'ouest du néant
j'ai semé des rêves mais aucun de leur bourgeon n'a fleuri mon ciel
la mélancolie assise en face de moi veut un autre verre
cette tache d'encre sur le buvard maculé — vieille comme l'enfance
je me sens si vieux — je pense entrer comme rat au musée Grévin
fontaine tarie — les mots comme de la cendre glissent entre mes doigts
pour rire de soi il n'y a pas de secret il faut avoir mal
ma besace est vide pour me rassasier de mots j'en mâche le cuir
20 mai 2018
elle était mon aube le matin de toutes les joies puis s'en vint le soir
un café serré sous le soleil de satin — dimanche et sourire
nuit sans espérance l'aube n'effacera pas la glu des ténèbres
enduit de fatigue je suis jaloux de mon chat qui dort n'importe où
la joie est un leurre et comme pour l'alouette le miroir nous berne 17
dans le grès du temps les jours qu'il me reste à rire sont déjà gravés
la mer retirée a effacé les empreintes de notre avenir
les fleurs sont tombées de mes mains qui les tendaient à son rire froid
être sans attache je cours dans la cour des rêves je cherche un collier
un obscur silence vient emprisonner l'auvent — je n’y rêve plus
22 mai 2018 le front sur la vitre j’écoute la pluie tomber sur les herbes tristes
dans cet anneau d'or bat toute notre espérance avant le naufrage
sur la table blanche je pose tasse fumante et rêves perdus
21 mai 2018 il pleut doucement un murmure sur le toit une tuile tinte
entre les étoiles je chevauche une licorne aux dents aiguisées elle me conduit vers l'aube de l'univers balbutiant
pluviôse est en mai valet de cœur dame de pique sous un parapluie sur son rocher bleu bercée par le son du sel la sirène chante
un rêve de soie aiguillonne ma monture qui franchit l'enfer d'une détente d'échine sans laisser le moindre crin
dans les herbes hautes un petit peuple s'affole de mes pas prudents
précédant son dard des libellules d'acier défient le chemin
au fond de la poche le trou par lequel s'échappent tous mes souvenirs
dans la nuit brillante intimidant les étoiles nous allons confiants
de mes espérances le temps me rend la monnaie — comptoir du destin
passés les amas les galaxies et les gouffres le néant se déchire
les bruits du silence — un glaçon fond lentement le verre s'embue
voile de trous noirs voilà le dernier obstacle et le ciel se fend
elle est là en face tournant sa tasse sans boire la mélancolie
nous perçons l'armure de mon sabre et de sa corne jusqu'à l'explosion
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l'univers naquit du rêve d'une licorne et d'un coup de sabre
fière de ses yeux elle lançait dans mes yeux un regard d'arbalète
pensif sur le banc l'ombre est douce sous les chênes les heures s'égaillent
sur la haute dune je m'imagine berger d’un troupeau de sable
parfum de rosée — l'aube frémit des caresses d’un soleil craintif
la source était claire elle luisait sur la mousse entre les rochers
la sirène chaste dissimule ses blessures sous un drap d'écume
j'étais sans attache mais comme le vent d'été je m'essoufflais vite
je respirais son parfum de fraise et de sucreries dans l'encre des mots gravés sur les pages bleues
24 mai 2018 de hier en demain le temps file et se repasse comme un rasoir
la nuit me harcèle pour que j'aille la border entre des poèmes
tic-tac fait l'horloge au sablier presque vide lui qui s'en balance
23 mai 2018
sous l'auvent en silence les pensées font le ménage de mes nuits grinçantes
la chaude faïence sur mes lèvres somnolentes — le premier baiser les fleurs se réveillent après une nuit bien courte manque de sommeil
sur le chemin de l'école j'ai rencontré un feuillet sur lequel j'ai reconnu ma pâle écriture
doux matin de mai — les coquelicots fragiles ploient sous la rosée
et je me revois au temps des culotes courtes et du sac de billes
la nuit hésitante enivre le crépuscule titubant et rouge
la rue Beauregard aux marches inégales en pente et étroite et derrière chaque mur une cour et son figuier
tremblant sur les pierres à la mousse redoutable je traverse à gué le torrent des souvenirs sous les sarcasmes du ciel
ou son amandier qui fleurissait en hiver — Marseille la vieille
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le soleil et l'ombre tailladés par un rasoir sur les murs lépreux
humide moiteur — sur ma peau déjà collante valsent les moustiques
je la descendais en courant sans respirer et la remontais en peinant tant elle était raide et creusée de ravines
prémisses d'été les spigaou sont déjà prêts à faire la course d'un geste indolent je disperse un cauchemar qui volait trop près
les mêmes venelles sur le chemin de l'école montée Saint-Esprit sur le mur de l'Hôtel-Dieu des affiches du PC
je courbe l'échine — les coups de fouet du soleil haranguent mes pores
une école rose elle était neuve à l'époque juste après la guerre
au bord du sourire comme le coquelicot mes lèvres frissonnent
rongée par la vermine qui exige qu'à Marseille rien d'antan ne reste une ville si ancienne tellement peu de mémoires
la jeune tarente sur le mur illuminé guette sa pitance quand j’étais enfant les flaques des caniveaux étaient océans
dans la cour d'école doivent être encor gravés les bleus de mes chutes
écorce de pin taillée et longtemps polie fière goélette
au début de mai nous jouions aux osselets en os de mouton en juin nous jouions aux billes avec des noyaux de fruit
de toute ma joie je l'ai portée jusqu'au port sous les grands navires mais ma pauvre goélette fut prise du mal de mer
pendant toutes ces années je ne me souviens pas qu'il ait jamais plu
au pet d'un ferry elle laissa voile et mat dans les flaques d'huile
25 mai 2018
je l'ai ramenée ensanglantée de nausées dans son caniveau
la cuillère tinte sur le bord de la soucoupe — sirène de brume
j'ai gardé longtemps cette écorce de pin rouge dans mon cœur saignant
aux premiers rayons l'haleine des herbes folles ondule dans l'air
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je l'ai tant aimée celle qui n'a jamais su que je l'aimais tant
26 mai 2018 matin pot de glu — l'odeur du café brûlant me fait transpirer
en tirant des bords je remonte le courant de mes souvenirs
les bruits d'une noce dans le lointain vague et noir — les arbres s'agitent
le clapot des vagues courant le long de la coque — le sel du passé
c'était au printemps je me souviens d'une larme tombée dans un bol
une borne en haut des restanques du verger — je m'assois je souffle
le rêve était bleu comme le sel de la mer qui léchait le sable
d'un quartier à l'autre je ne sens pas fuir le temps — la lune immuable
de grands coquillages aux voltes invraisemblables jouaient du violon
la brume du quai — dans la nuit des lampadaires à l'affût d'un signe
complice du vent des enroulements de sable dansaient sur la plage
27 mai 2018 dans le ciel d'étain les nuages innocents couvent la lumière
elle était déserte mais nous deux l'avons remplie à notre mesure
le café caresse de sa douceur exotique ma gorge endormie
nous étions assis le dos contre les oyats nous comptions l'écume
feuilles frissonnant dans la lumière sans ombre — le printemps s’éclipse
les vagues chantaient leur complainte monotone en pinçant l'estran
gavées de soleil les fleurs du jardin sauvage chantent leur parfum
la mer a changé et ce n'est plus ce printemps c'est une autre vie
une brève averse libère les parfums cachés dans les hautes herbes
mais c'est ce matin qu'une larme salée tombe dans le bol fêlé
la nuit équivoque hésite entre odeur de sel et parfum de garrigue
coquelicots roux — leurs pétales se flétrissent le cœur en déroute
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une nuit revêche une somme de questions et un matin gris
sur la verrière les gouttes de pluie pianotent un air mélancolique
plus rien ne bouge — seul le cri des crapauds déroute la nuit
mars sous les platanes de la contre-allée luisante d'une pluie graisseuse
j'ai fini ma tasse je découvre dans le fond un pays sans rêve
nous ne parlions pas sur nos épaules serrées l'une contre l'autre le vieil hiver finissant encourageait nos frissons
je respire la nuit sa fraîcheur et son silence — battements de cœur
nous marchions sans but le parapluie trop étroit protégeant à peine de cette pluie insidieuse qui nous blottissait l'un l'autre
plus de bruit plus de pas sur la route offrande de néant la nuit m'émerveille — la lune dans son halo secoue les étoiles
elle a pris mon bras même sous l'épais manteau j'ai senti son cœur et son sein imaginé battre et rire sur mon coude
les mots me renient ils se jouent de mes paroles et griment leur sens
j'ai tourné les yeux vers son visage un peu blême elle souriait
29 mai 2018
j'ai souri aussi et je me suis approché de sa bouche offerte
sur le bord du quai patiemment j'attends mon heure et je plie bagage
nos souffles mêlés se sont accordés ensemble le premier baiser sous la pluie et dans le froid d'une ville engrisaillée
la lune déploie sa chevelure d'argent sur mon âme amère des rêves féroces m'avait mordu jusqu'au sang — quel réveil pénible
à présent je sais que l'orage était le signe du premier naufrage
28 mai 2018
mes amis qu'importe que je vous ai près tenus le vent me balaye
un ciel bleu marine — légère écharpe de soie au cou de la lune
ceux qu'on croit amis qui ne vous pardonnent rien quels amis sont-ils
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je resterai sage dans le berceau de tes bras et quand viendra l'aube je me laisserai couler dans l'onde amère du Styx
sur la pierre tombale je ne souhaite qu'un silence pas même mon nom j'ai ce mal au cœur de tant faire mal aux autres ça me broie les côtes
au bord de l'Érèbe j'embrasserai de mes dents le sombre néant
un chant d'amertume — l'estomac au bord des lèvres je fais mes adieux
le tonnerre grogne et le Garlaban frémit sous les coups de fouet
la lune et la nuit inséparables ce soir -je me sens de trop
31 mai 2018 une frêle barque accrochée dans les roseaux — les pensées dérivent
indifférent le vent ce soir charrie des parfums d'absence inutile
dans le vent léger tremblent les feuilles de viornes — un orage approche
30 mai 2018
la main dans le thym je libère le parfum des collines grises
nuit de poix épaisse elle colle sur ma peau des odeurs d'orage
dans la haie d'épines le nid se sent à l'abri des dents de mon chat
elle étend les ailes d'un grand et sombre corbeau qui mange la lune
ah pêcheur de lune ta ligne trop haute est prise au cœur d'une étoile
elle fuit vers l'aube d'une lenteur calculée pour brûler au seuil de la naissance attendue d'un soleil majestueux
ils sont nés sauvages — il faut voir comment la poule défend ses poussins
ô ma nuit rebelle couve encor comme une mère le cri des crapauds
sur l'orbe du ciel les étoiles se chamaillent pour un beau miroir
suis les papillons dans leur recherche éperdue de grêle lumière
il était écrit que je goûterai toujours à la déception
ma nuit ma compagne préserve moi du sommeil et des cauchemars
sous l'auvent je rêve — les étoiles me prédisent une nuit limpide
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les joues rouges sang je courais en piétinant les coquelicots
mon cœur de bleuet envie sans vraiment l'avouer les coquelicots
j'étais un enfant de la rue et du bitume blême et mal portant je n'avais jamais cueilli le moindre coquelicot
je l'aimais pourtant comme une amie véritable celle qui se gausse dans le nid de pies un oisillon qui s'agite fait un cauchemar
les rues étaient sales les façades étaient grises et cachaient le ciel
minuit l'heure est douce à mon âme malmenée — les yeux aux étoiles
les volets béaient sur de vieilles pièces sombres à l'odeur de suie
à la croix du cèdre j'ai pris le mauvais chemin et je boite encore
je suivais la route dans le couloir ténébreux jusqu'à l'escalier en m'appuyant sur le mur couvert de lèpre et d'écailles
dans ce monde-là la coutume était que l'empereur envoie deux assassins égorger les vieux nul ne savait quand ils viendraient il fallait être vieux c'était la coutume certains ne se défendaient pas ils offraient leur gorge aux lames c'était les plus sages d'autres résistaient plutôt mal que bien on retrouvait leur corps dépecé torturé sur la place du palais mais il arrivait que l'on voit sur cette place blanche le corps mutilé des assassins le vieux avait alors le droit d'égorger l'empereur et de prendre sa place c'était la coutume en ce temps-là
et quand j'arrivais je recevais une gifle de ma mère saoule sur la mer de sable les matins fendent les dunes et le temps s'enfuit au-dessus des nues blanches sur le ciel bleu nuit les étoiles rêvent dans la pièce sombre les ombres lasses quémandent une place à table je leur sers un verre de l'amère nostalgie que mon cœur distille nous trinquons ensemble dans le plus profond silence seuls les verres tintent elles disparaissent quand la nuit vient réclamer sa pinte de sang
01 juin 2018
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les bourdons se posent même sur les fleurs coupées — ardeur du printemps
alors les ténèbres rouges comme un cœur maudit pissent sur la table
la lumière jaune et poussive de l'auvent brouille mes pensées
tout coule et s'écroule les murs éclatent je crie et la nuit me prend
j'ai tendu la main et je la tendrai encore à tous cyniques
de la calomnie il reste toujours des braises prêtes à reprendre
j'aime cette nuit dont le silencieux murmure apaise mes plaies
02 juin 2018 le bourdonnement tout au fond de la vallée — la vie continue
sur les lauriers-roses la pluie coule à chaudes larmes — fleurs blanches fleurs rouges
assis sous l'auvent je me raconte une histoire d'amour et de sang
je suis le chemin de l'amère rédemption jusqu'au bord du gouffre
parfois je suis moi d'autres fois je suis un autre très souvent personne
dans mes cheveux rares blanches fleurs de l'olivier au tronc tourmenté
sur la chaise vide un spectre a laissé son ombre — je la lui rendrai
l'année du cancer j'ai planté des oliviers pour qu'ils me survivent
nuit écartelée entre l'ombre des collines et l'envie de rire
je sais pardonner mais l'oubli est au-delà de mes frêles forces
je tenais sa main comme on tient à la fortune sans vraiment y croire
le rêve est mon lot — le matin je le vomis dans la tasse vide
à l'ombre du vent gambillent les feuilles mortes de l'hiver prochain
il disait "je cherche un homme" je n'ai pu l'aider
sur la route bleue entre les fleurs des étoiles un ange s'égare
au fond de ma poche de vieux souvenirs sommeillent — qu'ils dorment en paix
03 juin 2018
les bruits de la nuit enveloppent le silence d'un ruban de soie
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elle souriait comme sourit une enfant devant son jouet
on aperçoit même la respiration des feuilles dans le grand silence
je me suis assis sur l'avant-dernière borne blême et fatigué
l'heure du hibou — il se réveille à minuit il a mal dormi
la tige de thym que je froisse entre mes doigts ivre de garrigue
il court par ces sentiers aux noms de ballerines incruster ses dentiers dans les noires racines
04 juin 2018
tout de bois vêtue ma maison va gaiement sur sa cave ventrue vers le firmament
c’est mon doux minou une partie de mon cœur celle qui ronronne
je cours je ris je m'envole vers le vent au nom d'oiseau pour lui offrir mon obole de petit moineau
silence intérieur — les pulsations de mon cœur prennent mes mesures allongé dans l'herbe et la tache de soleil je reprends mon souffle
05 juin 2018
en ombre chinoise le grand pin et son fantôme font enfin la paix
un noir d'obsidienne et de froissement de soie — la nuit se fait femme
sur l'ardoise grasse au-dessus d’un comptoir sale le temps tient mes comptes
le bruit des galets dans la caresse des vagues — une aube écarlate
ma vie sans couleur une longue fable grise et quelques sourires
il bat doucement au rythme lent des crapauds mon cœur apaisé
depuis que j'écoute les palabres des crapauds j'ai appris leur langue
elle me regarde de son petit cri de gorge la jeune tarente
silence total quand les crapauds se taisent la nuit en suspens
l'esprit se repose sur les berges de la nuit — incertain confort
cri d'une tarente sur les carreaux de couvert c'est l'auvent qui geint
dans un champ fleuri j'ai moissonné mes amis — je trie les épis
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dans le champ de blé est-ce que Ruth aimait Booz on s'en fout en fait
bruine sur l'étang — tous les crapauds applaudissent la manne du ciel
06 juin 2018
d’un œil scrupuleux sur la paillasse du cellier il compte les gouttes
le temps se déchire — il ne reste entre mes mains que des confettis
07 juin 2018 garder le silence — la pluie qui vient de cesser s'en chargera bien
j'étais un enfant mauvaise herbe du bitume maigre et le teint pâle
feuillage détrempé — les gouttes qui en ruissellent intriguent la nuit
malgré mon amour pour elle la ville me salissait elle gangrenait mon âme j'étais sans défense
au fond de l'impasse sur le journal plein de pluie la météo d'hier
seule la mer proche pouvait laver ma souillure d'un sel énergique
sous l'auvent je danse — bien calé dans mon fauteuil je dresse les mots
le soleil venu je plongeais entre les vagues d'une mer aimée
l'oubli est facile quand les mots sont le décor d'amis illusoires
je riais sous l'eau et plusieurs fois dans la houle j'ai manqué me perdre
partir en silence et sur la pointe des pieds retenir la porte
je ressortais nu et rédimé de cette eau pure et salvatrice
quand je suis parti même les mouches mielleuses ont pouffé de rire
je pouvais alors affronter les hivers sales les puanteurs aigres et les flatulences grises jusqu'à la saison prochaine
08 juin 2018
ce n'est pas banal la douce odeur du jasmin s'enfuit dans la nuit
sous la voute sombre une à une les étoiles me disent bonjour
dans le sac de billes une agate énamourée d'un calot usé
je suis le chemin je ne sais pas où il mène j'étais le chemin
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j'éteins la lumière — seul le bruit du souvenir disperse la nuit
10 juin 2018 mes désirs obscurs s'envolent en soulevant un voile de lumière
un ange égaré bouscule les galaxies — les étoiles bruissent
sous l'auvent je replace les tuiles des regrets
je revois la mer — comme elle était bleue alors et les vagues lentes
mes amies tarentes se pourlèchent les babines d'un souper aux chandelles
j'étais si naïf— je riais aux mains tendues qui me poignardaient
la nuit m'accompagne sur les traces d'un oubli à jamais fuyant
dans le vent du large éclaboussent les fragrances des espoirs anciens
09 juin 2018
la besace est pleine de ces milliers de caresses dont personne veut
le sens de la vie est de n'avoir pas de sens — je reste interdit
un reflet d'argent a tremblé dans l'olivier — un elfe se cache
la source est tarie — j'ai beau gratter du papier je n'ai plus de mots
là sur mon épaule comme un ara de pirate le souvenir d'ailes
la nuit m'entortille — je roule dans ses filets comme un vieux pageot
un fleuve de boue emporte les illusions perdues par le temps
je me sais au centre de l'univers observable — quelle dérision !
sur le front de mer les barques tirées au sec rêvent de glaciers
tailler les ténèbres à grands coups de souvenirs ne m'éclaire pas
11 juin 2018 assis sur le banc j’ai laissé passé l’hiver sur les feuilles mortes
une étoile chante d'un silence illuminé dans mon firmament
un enfant encore — endormi profondément les pattes croisées
ciel de pacotille — dans son manteau de nuages il fait moins le fier
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perché sur les nues je me tends vers les étoiles pour frôler la lune
sur les galets j'entends l'écho de ses pas encore — ce n’est qu’une vague
je replie mes rêves bien à plat dans ma caboche et je me réveille
les plages l'hiver étaient de vastes repaires où nous étions seuls
parfums de l'été dans les pots de confiture et les doigts qui poissent
de lointains éclairs ont embrasé les nuages de poudre d'argent
je ne courrais pas je volais d'un rêve à l'autre quand j'étais enfant entre deux étoiles d'un bout à l'autre du ciel j'ai tendu un fil
la vibration grave du tonnerre sur les monts embrumés du nord reflet d'un éclair sur les tuiles de l'auvent — l'orage s'approche
sur ce brin de toi improbable funambule je danse en jonglant
trempé par l'averse mon chat m'offre une souris — surpris tous les trois
il a bien dormi — mon chat après le souper se lève de table
pourquoi tant de pluie — de combien de sécheresse doit-on la payer
c’était l’hiver un peu avant l’aube au loin brillait la ville dans le ciel deux lunes s’interpellaient
gris le ciel les nues à peine si doux minou a osé sortir
13 juin 2018
12 juin 2018
une nuit épaisse écrase de tout son poids mes pensées diffuses
au bord du sommeil il confie à son coussin ses rêves de chasses le doux chat médite parmi les ombres figées — silence des arbres
tu parles de cul tout le monde accourt tu parles de cœur tout le monde a peur
ce bruit de silence froissement de l'air et feuilles aux murmures lents
la peau me démange si je pouvais l'arracher pour un peu changer
un jour j'ai eu l'âge de ne plus être un enfant — les regrets me mentent
autour de la lampe les vieux papillons de nuit tissent la lumière
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perdu sous mon crâne un poème mal foutu cherche la sortie
pavé après brique j'ai dressé un mur d'ennui sur la vie des autres
c'est pas l'heure encore mais j'aimerais pouvoir pondre ma propre épitaphe
trace dans le sable — elle laisse l'illusion d'être encor vivant
j'ai déjà la pierre ne manque plus que les dents pour la buriner
un mur de prison ce n'est qu'un mur comme un autre qu'y a-t-il derrière tous les murs sont des prisons on s'y cache on s'en protège
j'ai pris le manteau du rêve et du souvenir pour courir vers toi
à l'ombre des chênes je rêvasse sur le banc qui grince avec moi
tu étais si belle dans ta robe de soie rouge si jeune et si brune
j'ai tendu la main certains ont voulu la prendre pour me la couper
impossible oubli — tintamarre dans ma tête et odeur de sel
souviens-toi la belle oh combien je t'ai aimée tu l'as jamais su
je suis un vieil homme abusé désabusé je vais incertain
14 juin 2018
les rues de ma ville aux mille voix emmêlées suintent de crasse
le vent ce matin déchiquète les nuages comme vieux brouillons
vole l'oiseau vole entre les branches sans fruit crie ton désespoir
j’ouvre la fenêtre quel temps fait-il dans ma tête — humeur paresseuse
15 juin 2018
crabe dans le ciel — un reflet de celui qui me ronge les tripes
l’ombre du grand cèdre se reflète dans le ciel couleur de nuages
un chien aboie depuis le fond de la nuit — il garde son enfer
son œil de poisson plongeant jusqu’au fond du ciel noie les galaxies
du haut de mes ans le regard vers l'horizon je comble les brèches
soulevant les nues par-dessus la mer de brume un fantôme émerge
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elle me démange cette pensée agaçante — j’hésite à gratter
dans le crépuscule sur le banc enténébré la mélancolie
d'une fleur à l'autre ils se déplacent en couple les vieux papillons
froissant dans mes doigts une feuille de laurier — odeur d’un passé
odeur d'herbe sèche presque une odeur de foin mûr — l'été prend racine
les plumes des flèches dans le carquois de papier ont soif d'encre épaisse
réfléchie dans l'onde la pureté des étoiles filtre la distance
sous l'auvent secret je caresse mes pensées à rebrousse poil
j'aimais cette plage que nous n'avons jamais vue que dans nos chimères sur la table un verre une carafe et un seau de glace patientent hésitant un peu je verse une dose d'amertume
la lampe discrète égratigne mes paupières d'un rêve inaudible ce cri dans la nuit régulier comme une horloge — mon cœur qui résonne au bord de l’ennui il se demande parfois s’il devrait sauter
une nuit turquoise transparente et affûtée comme un katana effile mon cœur d'enfant en de longs lambeaux geignant
17 juin 2018 un scarabée noir est tombé de la lumière sur la page blanche
vider son esprit et rejoindre le néant pour y prendre feu
les arbres se taisent — un silence religieux effleure leurs feuilles
des doigts éphémères vers mes mots mal agencés pointent leurs sarcasmes
tiédeur de l'auvent — caressé par la pénombre je bois le silence
calme plat — somnolent le ciel d’été se démaquille
16 juin 2018
sur la table mise la poussière s'épaissit — j'éteins la chandelle
sur la passerelle d'un immense paquebot naviguent mes rêves
le phare palpite comme un cœur sur l'océan — battement des vagues
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au bout de la digue je m'assois sous la balise j'affûte les vagues
la tarente court sur le mur illuminé par la lampe maigre
18 juin 2018
sous l'auvent brûlant le ventilateur s'essouffle à brasser la glue
perdu dans le pin par un baiser du soleil Garlaban s’éveille
les crapauds se taisent ils ont laissé la parole à la nuit brûlante
entre vie rêvée et rêver mon avenir la distance est faible
trop jeune tarente la grosse et vieille mégère t'as mordu la queue
étrange parfum qui hésite sous l'auvent -la nuit veut séduire
20 juin 2018 signes des collines de blancs nuages s’accrochent aux cheveux du vent
festin sous la lampe deux tarentes se partagent un plat de moustiques
ce n'est pas encore malgré tous les points virgules la fin de l'histoire
le long de ma vie je n'ai fait que dérouler le fil du rasoir
une nuit d'ébène frappe de tous ses tambours sur la peau du ciel
l'espoir se décline comme un serment capricieux toujours au passif
l'auvent accablé par l'épaisseur du soleil souffle sur la nuit
au bord de son monde les fleurs étaient espérance hérissée d'épines
19 juin 2018
sur les murs transpire une odeur de béton chaud — le soir deviens moite
la nuit s'est couverte d'un épais drap de nuages pour se tenir chaud
reste au fond du verre la goutte d'alcool nacrée de mélancolie
dans l'ombre profonde dansent les fées et les elfes — froissements de feuilles
avant de sauter je bois la dernière goutte de la corde à nœuds
un épais silence dans la torpeur de la nuit écrase mes tempes
entre les sarcasmes j'irai si le vent me porte vers l'oubli profond
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pas de sentiment juste mon regard qui plonge au fond des entrailles
21 juin 2018 entre les pétales glissent des grains de couleurs aux parfums amers
les arbres fantômes déversent leur ombre chaude sur l'herbe brûlée
devant la maison menton posé sur sa canne le vieillard soupire
les pas du vieillard sur les aiguilles de pin crissent de colère
l’ombre de Garlaban veille sur les ravines enivrées de ténèbres
toiles d'araignée sous les poutres de l'auvent — mes pensées frémissent
ombre est ma couleur elle coule sur ma gorge comme du sang noir
le vent la soulève puis elle retombe lasse — poussière d'étoiles
une lame froide brandie par mes souvenirs frôle mon gosier
couché comme un sphinx mon chat compte des énigmes du ciel illisible
le cœur bat sans rythme comme une peau mal tendue sourde entre les côtes
perdue sur la plage comme une croix mal plantée une vieille étrave
dans les lauriers-roses tout un peuple infréquentable de pucerons noirs
et le sable coule comme un robinet qui goutte sur l'éponge sale
des maisons voisines des sons mal articulés font fuir la musique
dites-moi madame quel goût avait donc mon cœur quand vous le mangiez
le soir du solstice même les crapauds aphones fêtent la musique
sur les marches raides qu'un vieillard peine à gravir un jeune homme vole
la lune imparfaite à la cime du grand chêne cherche un caniveau
aux crocs de la lune les guenilles palpitantes d'un cœur sans couleur papillons de nuit — tes rêveries sous l'auvent brisent la lumière
22 juin 2018 premières cigales — l'écorce des pins se raye jusqu'à l'âcre sève
encre de la nuit pour écrire des mots sombres sur le ciel livide 33
je te suis ami oui moi dont la compassion frise le délire
23 juin 2018 matin de nuages — le souvenir des ténèbres hante la journée
24 juin 2018
si près des nuages il garde toute sa tête — Garlaban docile
le ciel aquarelle sur le jardin sombre gouache — été pâte humide
posée sur mon ventre comme un oiseau bienheureux nous dormons en paix
le tambour résonne et la langue de l’orage lèche les collines
ciel de crépuscule — un cerf-volant sur la lune ne tient qu’à un fil
pose sur mon bras ta patte aux griffes ardentes et prends soin de moi
les graviers s'échappent hors de mes mains sur la route pour que je m'égare
petit point perdu à l'ouest ombreux de la lune — centre de la nuit
le ciel sans étoile donne à la nuit silencieuse une odeur de cave
le ciel se déchire sur les arêtes coupantes d'un oiseau de nuit
le long du courant les corps de mes ennemis gonflent au soleil
ombre est ma saveur — les pinces des dragons luisent dans ma chair noircie
croire en ma clémence c'est être sourd et aveugle dit le dieu tout bas
les signes du vent égarés dans les collines restent inaudibles
une ville est née dans mon imagination — une ville morte
dans mon sac de billes quelques noyaux de cerises — un air de vacances
quand je pense à elle je pleure entre les étoiles et je rêve d'ailes
perchée sur l'épaule une salamandre en flamme vibrait de colère
sur ma joue frileuse la nuit pose son front froid — nous fermons les yeux
regarde la mer enfant n'as-tu pas envie d'en boire le sel
la vallée sonore tinte sur la branche humide — cristal qui se brise
sur la meule ancienne perdue au milieu des ronces médite une pie
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les ombres s'allongent et bientôt viendra le temps d’embrasser la mienne
à l'heure des comptes je n'ai toujours pas fini le plat de colère
sur le mur de pierre déjà la mousse s'incruste — hiver de ma vie
la plume d'acier comme un vieux sabre émoussé rejoint son fourreau
sur les doigts je compte le nombre d'amours déçues — une main me manque
l'encre est trop épaisse — sur le papier elle laisse des monts de sang sec
25 juin 2018
étal du tripier — les cœurs palpitent encore sous la lame froide
le regard se perd vers un horizon amer — la mer fuit le ciel
une bombe éclate — la lune embrase les nues d'un feu écarlate
fin d’après-midi — la pesanteur de l’été double sa paresse
au bord du chemin une croix se penche inerte sur l'herbe plus drue
puis le point s'éloigne pourchassé par le fantôme de la lune lasse
je cherche des mots joyeux et pleins d'enthousiasme pour mon épitaphe
le silence lourd dans la moiteur de la nuit glisse sous l'auvent
26 juin 2018
sous les ailes noires d'un ange désespéré les étoiles bruissent
son regard croisé m’éloigne de la lumière — il me perd de vue
under the black wings of a desperate angel the stars are swishing
peu à peu le lien entre la lune et le point se tend et va rompre
les bruits se rassemblent jusqu'au point focal du sable — le temps étranglé
l'étoile se vrille elle abandonne le ciel pour couler sur ma joue
le soleil larmoie sa transpiration salée sur la peau des arbres
elle fut dernière pour qui son cœur a tinté le temps d'un juillet les instants d'une escapade au jardin gorgé d'arômes
je compte à rebours — les jours n'en finissent pas de passer trop vite
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je pense invalide — je ne sais pas oublier l'ordre et le désordre
silence soluble — la nuit tourne et tourne encore le mélange aux ombres
opprobre jeté sur des mots pleins d'innocence avec insistance
le ciel était rouge et le soleil au déclin bradait sa lumière c’était l’hiver sous les chênes je comptais les feuilles mortes
j'aimais dans mon cou le souffle ému de ses lèvres — souvenir de fraise
une fée en pleur bat des ailes dans les feuilles du chêne impassible
s'abreuver de nuit dans le silence impassible -goûter au sommeil
dans le contre ciel silhouette des collines et ombre des pins
les dés sont jetés et sur la piste il ne reste que grains de poussière
lumière trop vive d'une lune prétentieuse je bois son orgueil à la santé des médiocres des chétifs et des poètes
étrange silence que celui de cette nuit armée de fantômes je lève une pierre et une armée de cloportes me saute au visage
longue traversée partir ne plus revenir rester sur le quai
un vin éventé que tant d'autres ont goûté noircit dans mon verre
quitter des amis mais étaient-ils des amis un choix insoluble
le vent m'éblouit il raconte à qui le croit que je suis aveugle
28 juin 2018
27 juin 2018
la nuit m’a conduit dans un sombre corridor encombré de rêves
sommeil du matin — un reflet sur son pelage récite un poème
dormir sur la table — c’est bien une idée de chat plus près des assiettes
les signes du vent écarlates dans le ciel griffent Garlaban
le dieu de la lune jaloux d'Amateratsu vole sa lumière
j'ai envie de rire — ne cherchez pas la raison c'est sans importance
au fond de mon verre reste une dernière goutte de mélancolie
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pouvoir oublier le dédain et le mépris de ses derniers mots
dans les creux de nacre le bruit du ressac renâcle à chanter la mer
sur des rails qui geignent il roule loin vers l'oubli le train des ténèbres
j'écris sur les murs d'une forteresse en ruine un poème aride
au dessus des ombres un ballon gonflé d'orgueil — la lune se dresse
craintive et curieuse la tarente m'examine de mille questions
les rues de ma ville tranchent l'ombre et la lumière été comme hiver
dans l'onde du ciel la lune tarde ce soir à prendre son bain
sur l'étrange estran que découvre la marée des étoiles mortes de long lambeaux de peau pâle et des traces effacées
l'escalier l'échelle la nuit a tout emporté et même la lune
sur le quai de jade une jonque a débarqué sa cargaison d'ombre
me reste de vous l'ineffable souvenir d'une peau d'iris et le parfum granuleux d'un litchi inavouable
nuit de lune pleine -la cime des arbres ploie sous l'orbe d'argent
30 juin 2018
29 juin 2018
petits limaçons d’un œil il les examine sur l’herbe brûlée
j’aime les corps de femmes sur lesquels la vie a roulé plusieurs fois j’aime leur âme tendre et leur sourire d’amande amère
ombre et courant d’air il est plutôt confortable l’appui de fenêtre
entre les deux rives tendre le fil du rasoir n’est pas nécessaire
quand l'ombre grandit avidement les fleurs boivent les derniers rayons
le sifflet d'un train qui ondule sur ses rails — la vallée sursaute
parcelle de monde — un promeneur immobile au bord du verger
la vague fourbue de la longue traversée s'endort sur le sable
une vieille pomme oubliée dans la corbeille la peau ravinée
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le regard se tend comme une flèche inutile à l'arc horizon
c’est un soir paisible le silence des cigales frôlent les collines
dans l’ombre ténue deux tarentes se défient d'un jet de regard
sauras-tu résoudre l’énigme au fond de tes yeux petit sphinx de table
brume sur la mer — un sel plein de mystère brille dans l'écume
la vallée ronronne comme un vieux chat somnolent sur un drap de laine
au bord de son océan le bruit rouge des galets que le sel vient caresser les yeux pleins de larmes
le cœur apaisé je respire sous l'auvent l'odeur de la nuit terrasse couverte des fleurs blanches du laurier — hiver simulé
c'était mon totem le fruit violet de ses lèvres ma bête à bon dieu
pas le moindre souffle seul le lent frémissement des pins qui soupirent
buvez mes paroles car quand le verbe est tiré on finit le vers
soirée d'aquarelle — vautré sur la méridienne je repeins le monde
sur le point arqué de ses lèvres au jus de fraises je signais d'un doigt
sous le ciel obscur la petite lampe pâle prends des airs d'étoile
sous mon corps d'obèse la dame avait des pudeurs d'infante docile
lueur de l'auvent un fanal pour les insectes qui y font naufrage
son cri se tendait comme une corde de luth pincée jusqu’au sang une musique irréelle rougissait sous mes paupières
le rire de cuivre qui tintait dans ses pupilles m'avait couvert d'or j'étais un enfant indocile et capricieux qui ne voulait qu'elle
01 juillet 2018 c’est au crépuscule que les grands fauves s’abreuvent dans le lavabo
mémoire ma douce ma compagne chimérique berce-moi encore
un ciel bleu lavande sur l’épaisse canicule — Garlaban transpire
il ne bouge plus crucifié de lumière longue flèche noire 38
au bord du sommeil un parfum de chèvrefeuille dessille la nuit
elle aurait pu taire ces mots qu'on dit pour jouer quand on est enfant nous ne l'étions plus bien sûr et les mots furent des dards
épaisse est la nuit qui me roule de caresses et d'ennui profond
03 juillet 2018
02 juillet 2018
dans mes doigts je froisse une fleur de basilic — parfum de salade
quand la lune danse au fond de la vallée brune la ville s’embrase
au bord de son rêve il plisse un peu les paupières pour le retenir
sa robe était rouge flamme dans le vent d’été mes doigts embrasés
les yeux dans les yeux avant de fermer la porte un dernier regard
un amer silence — les cigales se sont tues au bruit de la nuit
c'était un long quai tout ce qu'il y a d'ordinaire sans aucun bagage
c'était un été d'une intense canicule — ses cris étaient rouges
j’ai serré son cœur de toutes mes faibles forces ça n'a pas suffi
je suis arrivé à la fin du dictionnaire au bout de mes fables la mélancolie cristallise au fond du verre en squames verbeuses
quelle étrange histoire la fin en était connue avant le début j'ai suivi ce bref chemin jusqu'au bord du précipice
la petite plage sur la berge du ruisseau garde notre empreinte
je reste à genoux je n'ose plus me dresser pour un rire amer
nos doigts emmêlés pour ne former qu'un seul poing et briser les murs
04 juillet 2018 été sans merci — quand le ciel sent la lavande même l’ombre souffre
j'avais sur la langue le goût salé de la sienne — nous nous comprenions
j’ouvre la fenêtre un rien de fraîcheur nocturne entre dans la chambre au parfum de chèvrefeuille répond le chant du loriot
le long des ravines courant entre des collines de larmes brûlées
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après déjeuner il reste à table et attend le repas du soir
c'était un ruisseau qui chantait clair nos sourires — nous buvions l’été
onde paresseuse — dans le courant sans force un lézard se hasarde
oui je me souviens quand je guettais les étoiles qui comblaient mes yeux
la lumière molle enduit le crépi du mur d'un geste indolent
06 juillet 2018
d'un doigt sur sa peau je décrivais aux rivières la source du cri
le vent est tombé sur un grand tas d'herbes sèches il a mis bon ordre
d'un doigt de rêveur je désignais les étoiles brûlant dans ses yeux
la mélancolie du jardin abandonné où les arbres souffrent
tarente à l'affût sous la lampe de l'auvent le dîner est froid
en suivant les rails je remonte vers la gare d'où je suis parti
dans l'opacité et la nuit de mes entrailles un crabe s'éveille
je me rends aux dieux — j'ai posé mon bâton d'encre sur sa pierre inerte
05 juillet 2018
c'est la nuit en moi la nuit sans rumeur ni rêve la nuit simplement
encore embrumé Garlaban se démaquille d’un coton rageur
d'un songe sans poids sur les arbres assoupis la nuit pèse peu
le vent et la nuit — l'ardente et moite caresse d'un enfer précoce
le cœur écorché pour s'en vêtir d'onde rouge — elle a pris ma peau
blotti sous l'auvent j'imagine des étoiles qu'on ne verra pas
les jours fuient les jours — immonde soulagement de toucher au bout
des mots inusables — pourtant ils se sont brisés sur le mur du temps
le vieux maître dort pris par son rêve de jonque sur l’océan d’or
papillon de nuit — la lumière ou la tarente que crains-tu le plus
07 juillet 2018
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fin de promenade — encore un reste de brume dans les yeux du chat
je ne bouge pas — je pousse à peine ma chaise pour goûter l’été
le ventilateur de son souffle chancelant peine dans la glu
leurs longs cheveux d'algues répandus sur les épaules les sirènes rêvent
la nuit est mutique — accablés par la chaleur les bruits sont en pause
sur le pré jauni les dernières fleurs succombent à l'été féroce
fantôme de bruit un acouphène insolent joue de la cigale
j'ai suivi la route sans savoir où elle allait et j'ai trébuché
la lumière glisse par les fentes des volets et joue des poussières
j'ai rempli les verres — mon ombre trinque à la nuit je trinque au néant
à l'abri des pins quelques pies veillent encore dans la nuit douteuse
sous la lampe fade nous écoutons nos silences rirent sans pudeur de la hauteur des échecs qui s'empilent dans nos verres
petit à petit comme une expectoration je remplis nos verres
nous baissons la tête — or c'est de cette manière que passent les vies
merci dit la nuit quand je lui montre le sien — nous buvons nos larmes
je n’écoute plus ce silence inconfortable entre deux tournées car mon ombre et moi attablés devant nos verres nous sommes bien seuls
pas d'étoiles ce soir l'auvent me cache le ciel et je lui en veux sur l'herbe brûlée par un soleil irascible odeur de garrigue
sur l'embarcadère nous attendons un bateau qui fera naufrage
08 juillet 2018
le vent s'est grimé d'un insoluble murmure pour leurrer la nuit
prolonger la nuit soleil somnolent encore grasse matinée
09 juillet 2018
le ciel est figé dans l’improbable espérance d’un peu de pitié
même ciel encore chargé de dards de frelons prêts à en découdre
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un œil entrouvert pour ne rien perdre du monde — dormir cependant
le toit du son monde — quelques tuiles qui recouvrent la vieille charpente
dans les hautes herbes les oliviers plantés jadis se fraient un passage
fleur de grenadier — un petit cœur suspendu écarlate et fier
ardent crépuscule — le cri brûlant des cigales court sur la garigue
au pied du muret les lavandes étincellent et effacent l’ombre
ciel de crépuscule — la silhouette des pins sent bon la résine
la respiration moite de la nuit d'été embrasse l'auvent
douceur de la nuit — le silence de l'auvent devient respirable
haleine du diable — un souffle brûlant s'engouffre sous la peau des arbres
à l'ombre des chênes la lumière caressant le velours des fleurs
un vent liquoreux venu d'un sud inquiétant embourbe la nuit
des gouffres sans nom ont dispersé les étoiles à perte de mémoire
au sud du néant là où se noie la lumière le rêve infini
on est toujours seul sur la route qui conduit à l'ultime borne
d'un geste brutal mon ombre pose son verre — je sers ma tournée
je comptais mes billes quand je sortais de l'école — jamais une en plus
sur un coin de table mon ombre et la nuit complotent à m’abandonner
demain est bien terne tant qu'hier n'a pas laissé obole au présent
11 juillet 2018 ciel ultraviolet — les mensonges mis à nu brûlent la garrigue
de cette souffrance mon âme te souviens-tu les larmes versées
10 juillet 2018
dans les herbes sèches le soleil laisse les marques de sa majesté
les mêmes matins — la chaleur en embuscade dessus les collines
on n’est jamais sûr mais je pense que mon chat aime que je l’aime
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à l’est les collines imitant le crépuscule anticipent l’aube
à l'ombre des pins qui respirent de résine la nuit se repose
dans la nuit sereine je repose mes pensées sous l'auvent complice
de je ne sais où pour me couper la parole il sort une griffe
je ne reviendrai pas dans la taverne enfumée j'ai lu trop de vers
je rêve de vous joli rêve d'un été parmi les arômes
les digues rompues dans le tumulte des os ma mémoire sombre
à son cœur de braise tout mon sang s'est enflammé jusqu'aux bout des cendres
au bord du néant je me suis assis rêvant balançant les jambes
sur le mur où rêvent les tarentes insouciantes j'ai scandé son nom
tant de verres bus tant de rêves disparus et tant de mots crus
les paupières closes je vois encor des étoiles qui tombent dans l'eau
13 juillet 2018
12 juillet 2018
c’était un matin où dans leur peau au soleil les fleurs se font belles
avant de dormir il jette un dernier regard sur un mode absurde
des fleurs blanches dans le jardin assoiffé pour narguer les roses
quelques papillons dans la torpeur de l'auvent brassent la lumière
sur le banc bancal de la terrasse sans ombre le soleil se pose
le point sur le "i" indique la position d'une petite île
ma noire mémoire dans le vent des souvenirs elle flotte encore
surface de glace — dans le miroir noir j'hésite à me reconnaître
machinalement je bois le philtre de l'ombre — je suis invisible
dans ce rêve étrange les rats courent sur les murs de mes tripes sales
je lève les yeux vers les abysses du ciel — mon étoile est morte
d'un port oublié toutes les jonques sont parties vers leur Amérique
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la terre est déserte même l'air incandescent s'est vaporisé debout sur son arrogance le dernier homme ricane
ma première cuite mauvais Gewurztraminer fauché à mon père
le pont de la jonque qui a subi tant de sang grouille de fantômes
près du papillon j’ai épinglé l’araignée qui rit dans ma tête
de la ville basse jusqu'aux palais de cristal les marches sont hautes
au bord de l’ennui il hésite à endormir sa mélancolie
14 juillet 2018
une orange amère qui ne murira jamais flatte le soleil
depuis la terrasse il pointe un regard avide sur les ombres fraîches
l’été sous les chênes — les viornes-tins se prélassent dans les taches d’ombre
encore en effort il va rouler sur la table sans avoir rien bu
moiteur de la nuit sur ma peau elle se colle et englue mes rêves
comme je voudrais pouvoir prendre une photo du chant des cigales
dans les rues ce soir une humanité de lemmings se noie en chantant
quatorze juillet en barque sur le Vieux-Port le feu d'artifice luisait comme un sac de billes dans mon regard d’enfant
un vaisseau vermeil chargé de milliards d'étoiles fend les galaxies
15 juillet 2018
perdue dans le ciel la constellation de l'ange dérive et s’éteint
soleil de midi le cri cuisant des cigales sur la peau des pins sur les galets de la plage la plainte sourde des vagues
les murs éclairés par un lampe asthmatique boivent le silence
mon ombre est fidèle mais quand la nuit se rapproche elle disparait
l'espoir se dilue — chaque verre que je bois est un pas de plus
ma première clope — qui se souvient des P4 qu'on grillait minots
oui je l'ai aimée avec les derniers sursauts de mon cœur d'enfant
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pourtant j'ai perdu j'avais poussé sur la table la plus haute mise
nous croyions au vent au soleil et aux étoiles au creux de l'été
pendu dans l'armoire mon vieux costume de clown — il me va encore
où est-elle à présent la sublime mensongère au rire d'enfant
dans l'immensité où se perdent les étoiles un rien d'espoir
17 juillet 2018
16 juillet 2018
le maitre du lieu bien campé sur son estrade impose sa loi
un ciel couleur d’étain me repousse dans la chambre — pleuvra-t-il au moins ?
escale au jardin — il tourne un dos dédaigneux à l’enfer des villes
ce n’est pas vraiment la manière et la méthode du studio Harcourt
au bord du chemin troènes et oliviers soignent leur verdure
ah ! mon araignée saura toujours profiter d’un petit en-cas
même par temps calme accroché au bastingage je vomis mes tripes
dans les herbes folles il s’installe un nid douillet pour faire une sieste
je suis un rônin pas un marin de grand large mon sabre est ma nef
même ciel de zinc après la pluie bien avare — les collines saignent
18 juillet 2018
juste après l'averse les parfums se sont hâtés d'ouvrir leurs fenêtres
dépouillée des peaux fanées la vie peut sourire encore et au bout d’un vieux rameau fleurir un bourgeon
je me souviens du ciel et des vagues sur sa peau dans l'été flamboyant
sous les lauriers il le regarde couler le fleuve tranquille
sa peau qui brillait comme un miroir au soleil et son goût de sel
confiance et tendresse dans son regard il y a mon amour aussi
nous n'avions pas d'âge mais nous étions si limpides à l'ombre des pins
j'ai fermé le livre où ma vie s'est consumée sans la moindre flamme
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perdu sur le quai un vieil homme étrange et las cherche son bagage
sous le grenadier le petit banc de l’hiver a pris des vacances
c'est un vent sans force que les pins n'écoutent plus qui sèche mes larmes
rien ne lui échappe — même les pas d’un fantôme le font sursauter
19 juillet 2018
la vie sans piment ce serait la mer sans sel le ciel sans nuage
incertain matin — un peu de flou dans les branches dans mes yeux aussi
l’été immuable qui domine les collines on s’en lasse un peu
paupières mi-closes il ferme toutes les portes aux pensées moroses
sur l’arête en tuiles il s’endort en équilibre veillant son domaine
fleurs de basilic — dans la poêle brûlante les tomates frissonnent
une feuille-fleur a surgi dans le feuillage en levant son doigt
senteur chocolat — tentation au bout des doigts mais ça ne prend pas
dans l’ombre propice il se tient prêt malgré tout à piquer un somme
les lavandes sèchent sur un lit de laurier sombre — leur parfum s’endort
un étrange fruit porté par un vent d’ailleurs pousse en liberté
toujours aux aguets il vient d’entendre s’ouvrir un sac de croquettes
aucune frontière n’interdira à mon chat de faire le mur
dans le crépuscule les cigales se sont tues — les songes dérivent
le dais de la nuit ensemence le silence d'éclats de diamant
été sans passion — les jours suivent le chemin de l'indifférence
le soleil s'éloigne de l'orbe de l'univers il enfle et transpire
libre comme l'air dans la nuit désespérée mon esprit s’égare
je sens son haleine et une odeur de sommeil au creux de l'épaule
21 juillet 2018
20 juillet 2018
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après les orages le soleil reprend sa place au cœur de l’été
dans l'étrange ennui d'une nuit tumultueuse le sommeil se noie
il mord la lumière de ses crocs de chat heureux d’en goûter le suc
buffet sous l'auvent cachée dans l'angle des murs la tarente dîne
au bord du chemin il provoque un pissenlit déjà résigné
ma sœur équivoque un peu de toi m'appartient — brin de souvenir
seul et égaré un œillet sans boutonnière ce n’est pas la fête
22 juillet 2018 j’ai perdu son nom mais elle n’a rien perdu de son élégance
au bout de sa tige la corolle d’hibiscus rouge de désir
un petit nuage posé au creux des collines devient indiscret
quand le soir approche il prend son tour de garde sous les lauriers-tins
il ne veut rien voir des misères de mon monde — il s’endort inquiet
sept cœurs vont s’ouvrir — dans leur éclat écarlate sept fleurs vont s’offrir
serait-il vegan à vouloir tant convoiter un vieux pissenlit
bien droit sur le mur mon chat surveille les marches de son univers
bouquet de lumière pour quelques fleurs maladives vibrant sur leur tige
seul un acouphène couvrant le silence me dit que je suis en vie
pensif il écoute au fond de son propre corps les rumeurs du temps
la vallée se fait féroce et les voix du bal blessent le silence
loin après les collines le ciel par moment s'embrase d'un éclair furtif
odeur de garrigue — les collines se promènent avant de dormir
la nuit se disloque et l'ombre des pins dévore mon ombre assoupie
c'était un jour gris terne comme une idée noire rien à espérer mais le destin joue des tours et nous nous sommes croisés
le rêve était vaste — je n'ai pas trouvé de vase suffisamment grand
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brindille de nuit je veux que le vent m'emporte — j'aspire à l'oubli
sans heurt je m'efface comme un vieux polaroid de l’album jauni
sur les tuiles chaudes la vigie imperturbable surveille la lune
24 juillet 2018
23 juillet 2018
pouvoir résister aux œillades des œillets il faut être aveugle
forêt exotique — les chênes se sont grimés en parfum de figue
content ce matin il m’offre une tourterelle — il s’était servi
car fermer les yeux ne sera pas suffisant pour pleurer le monde
une forteresse se dresse dans les collines à l’assaut du ciel
renversante averse les arbres tombent du ciel ou y plongent-ils
son pelage ondule dans le flux de glu que brasse le ventilateur
la belle rencontre qui hélas n’a pas duré — l’échelle s’en souvient
la lune gibbeuse accrochée en haut du pin me tire la langue
les mots se hérissent et buttant sur le silence je deviens mutique
25 juillet 2018
la ville s'endort dans le morne ronflement des impasses grasses
les combes s’emplissent des stridulations rageuses des tribus cigales
j'ai lâché la herse j'ai hissé le pont-levis me voilà bien seul
il hésite à l’ombre s’il lève les yeux au ciel c’est pour la lavande
dans les oubliettes de ma forteresse intime pourrissent mes rêves
les ombres dociles suivent l’orbe du soleil d’un été sans fard
dans les caves moites les rats rongent ma mémoire et chient sur l'oubli
fraicheur des carreaux sous le flux climatisé — que c’est beau l’été
les douves s'emplissent des excrétions nauséeuses de mon corps flétri
entre ombre et lumière dans le langage des arbres les pins s'interpellent
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j'ai rencontré là des nombrils démesurés sur peu de talents je les ai bien reconnus tant ils sont à mon image
la lune lustrée avant de passer au bronze fait l'argenterie nous avions vingt ans tous deux dans la chambre minuscule nous nous sentions si heureux le lit semblait vaste
parfois il me parle il me raconte ses rêves de sphinx de tiroir
la photo passée de nos amours insensées et nos cœurs blessés
bientôt pleine et ronde la lune au dessus des pins a la grosse tête
27 juillet 2018
lumière diffuse à travers l'épais feuillage des idées confuses
un bain de soleil pour s’asperger le visage avant les croquettes
entre noir et bleu la nuit ne prend pas parti — ce n’est qu’un clin d’œil
les fruits ont mûri qui sera donc assez fou pour aller goûter curieux de rien sur le mur de son domaine il baye aux corneilles
26 juillet 2018 sur la brume rouge la lune semblait flotter — un bouchon de liège
j’avais rendez vous avec la plus belle rousse — j’étais dans la lune alors j’ai imaginé que j’en rencontrais un couple
un petit coup d’œil pour voir si j’y suis toujours et il se rendort
couleur de muraille les tarentes se confondent aux vieilles blessures
encore du flou dans sa tête somnolente — la brume est partout
28 juillet 2018
mais qui donc est-elle cette tige aux fruits étranges montée seule en graine
quand il dort parfois on ne sait où est sa tête dans quel rêve étrange
sur la place vide la nuit s'est mise à danser les yeux pleins d’étoiles
ce regard perdu il sait cependant très bien où est son assiette
juillet se termine les œillets ne chantent plus dans leur pots brulés
inconstant retour de la lune dans le ciel des nuits insomniaques
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la nuit colle aux pores malgré le ventilateur qui geint sous l'auvent
sous son air de diable il cache une ”âme câline libre tous les jours“
à travers les branches la lune roule et plastronne hautaine et muette
deux pierres précieuses — ses yeux gorgés de mystère luisent au soleil
29 juillet 2018
dix heures du soir — le thermomètre est bloqué sur trente degrés
dans le ciel marine des nuages malicieux se sont déguisés
je bous d'impatience la fraicheur se fait attendre par coquetterie
museau dans les pattes il voudrait bien oublier la rigueur des heures
la lune se dresse sur l'horizon des collines rouge de colère
sur un cœur de lierre l’ombre même de son cœur garde sa couleur
31 juillet 2018
lentement il vient chercher un peu de fraîcheur près de mon pastis
souviens-toi du vent — à l’aube l’hiver dernier le ciel était rouge
rouge elle se lève par dessus les silhouettes sombres des collines
avant de dormir le récapitulatif des heures passées
le chemin luisant sous le regard de la lune était une impasse
des papillons roses à l’extrémité des tiges si frêles mais fières
sous l'auvent repues les tarentes impassibles boivent la lumière
quand il dort mon chat semble vouloir racheter l’abjection des hommes
il frémit encor sur le bord de l'inconscience ce rêve coupable
la tôle brûlante qui a remplacé le ciel doucement grésille
30 juillet 2018
l'odeur de fer chaud parcourt la nuit intranquille — anxieux je transpire
sous l’ombre indécise le soleil avance et glisse des trainées de feu
ce soir sous l'auvent c'est un safari photo après les tarentes
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dans l'ombre complice dans les plis des nues la lune trace un destin connu d'elle seule
sans quitter ma chaise je suis le bal des tarentes sous la lampe terne enfin un parfum de jasmin et de nuit tiède me prend par la main
02 août 2018
01 août 2018
c’est l’enfer sur terre le ciel est en feu dès l’aube les pinèdes tremblent
même dans la nuit on ne le surprendra pas il brouille les pistes
il le fait très bien choisir un coussin douillet et dormir longtemps
j’ai eu cette envie de punir le messager — un coup de chaleur
au fond du jardin baigné de chaleur torride même l’ombre brûle
les fleurs de laurier dans le brasier de midi semblent prendre feu
sur le vieux tuteur sérieux comme un écureuil il grave son nom
sous les tuiles chaudes dans le fourneau de l'auvent je bous lentement
cette nuit gluante enveloppe les collines d'un ardent suaire
quand reviendra l'aube sur la terre calcinée l’espoir sera mort
les murs de la nuit rayonnent de la chaleur du midi torride
redevenue rats la descendance des hommes rongera ses livres
la jeune tarente plus petite que mon doigt mais qu’elle est gloutonne
l'ancien prédateur ne sera plus qu'une proie blême et apeurée pour les hordes de cafards qui parcourront leur domaine
l'ombre du feuillage accablé par la fournaise vibre dans la nuit elle avait l'odeur du sel et ses cheveux d'algues brunes luisaient dans le plein soleil elle était ma vague
un colibri sur l'épaule la fille aux cheveux d'argent dissimulait ses yeux the silver haired girl a hummingbird on shoulder was hiding her eyes
couchée sur la plage notre empreinte était commune comme une pirogue aux pagaies entremêlées pour traverser l'océan
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je nageais sur elle et nos corps pleins de sueurs épuisaient le sable
où elle m'entraine j'aurai perdu la mémoire et le goût du sel
elle était mon eau que je fendais de la proue vers un nouveau monde
le linceul de nuit qu'elle pose sur mes yeux voile les étoiles
nous comptions nos grains elle de sel moi de sable de nos doigts fiévreux
je plonge au néant que jamais je n'ai quitté — mais qui est ce "je"
de flux en reflux l'épave d'une pirogue pleure sur la plage
le soir sous l'auvent parfois je vais bien plus loin que l'enfer de glace
03 août 2018 04 août 2018
une aube écarlate dépose sur les collines son odeur de braise quand il se réveille un moment d’adaptation lui est nécessaire
douze vues de Garlaban le matin mise à jour du microprogramme de la caméra avant la douzième dommage
le genévrier fut naguère son repaire — il s’y cache encore
beaucoup de patience faire le plein de fraîcheur attendre la nuit
quelques gouttes chaudes ont maculé la terrasse d'auréoles grasses
c’était au printemps parmi l’herbe juvénile sous l’œil des agaves
simple spectateur je suis resté dans les coulisses au bord de ma vie
un autre printemps dans la fraîcheur du soleil vif et facétieux
assis sur le seuil je la regarde approcher d'un rictus narquois
lumière et ténèbres se disputaient les nuages sous un ciel d'Érèbe
elle a les mains vides — besoin de rien pour me dire qu'il est bientôt l'heure
un épais couvercle retient l'ardeur de midi bien après minuit
et ses os qui grincent et même ses dents qui claquent ne me font pas peur
le ventilateur qui s'essouffle sous l'auvent bave de la glu
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quelques gorgées d’eau avant de rentrer au frais passer la journée
les ombres grésillent dans la nuit de la chaleur bue dans la journée
la même moiteur et la même nuit visqueuse -la même sueur
l'année est passée — je me souviens de l'été de tous les tourments
la main dans la main nous marchions face au soleil -l'aube était nouvelle
j'aurais dû rester à ma place de vieillard courbé sur sa canne
j'étais déjà vieux elle n'était pas si jeune nous avions vécu
ne pas croire aux fées qui scintillent sous les yeux pour tromper l'ennui
nos regards croisés dans les rumeurs de la foule se sont reconnus
ni même aux sirènes qui donnent désir de sel et envie de vagues
oui nous avons cru pouvoir traîner nos boulets dans le même effort
le petit auvent et le jardin aux arômes je les oublierai
les nouveaux soleils brillaient sur de nouveaux jours et de vieilles rides
quand la nuit profonde aura eu raison de moi j'aurai oublié
nos peaux se parlaient d'une seule et même langue c'était l'innocence que nous avions retrouvée après l'avoir piétinée
mais le souvenir de cet été parfumé m'a cloué le cœur la tarente grise sur les mallons de couvert a perdu la tête
mais au crépuscule elle a chuté la première et ma cendre éteinte dans la pénombre grisâtre est retombée sur la sienne
05 août 2018 hier soir le ciel pesait comme un couvercle sur les collines moites
06 août 2018
après la nuit douce il retrouve la fraîcheur dessus son perchoir
l’aube cramoisie prédit déjà aux collines un jour de fournaise
il a fait semblant de pleuvoir pourtant le vent a rafraichi l’air
narguant le soleil la fente de ses pupilles une lame noire
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les papillons bleus dans nos yeux et dans nos tripes dessinaient des cœurs
on a quelquefois l’impression désagréable de se faire avoir le tonnerre a aboyé mais pas une seule goutte
lorsque vint septembre nous nous sommes éloignés de nos souvenirs
il aime dormir dans mon fauteuil à l’étage et tout près de moi alors je prends une chaise et le regarde dormir
07 août 2018 un index levé dans une main de nuages — c’est la voie à suivre
la nuit fait silence je n'entends plus que les plaintes de mon propre corps
ses yeux interrogent — il me pose une charade que je n’entends pas
deux pies convoitaient une branche de figuier aux fruits verts encore
premières fraicheurs — sous le regard des tarentes je respire enfin
le fil du rasoir que j'ai suivi pour elle m'a coupé du monde
elle était si jeune et moi si vieux dans ma tête — le rêve impossible
nous avions treize ans et nous sortions de l'enfance par la grande porte
comme une fissure — sur mon cœur une tarente guette la lumière
sa voix éraillée comme on marche sur le sable abreuvait mon cœur
d’un grand coup de faux je couche dans les andains l’épis d'une vie
ses petites dents qui mordillaient mes oreilles parlaient en diamant
08 août 2018
et ses seins naissants n'avaient soif que de mes mains pour tendre leur tige
une aube écarlate a marouflé les nuages sur un ciel de bronze
c'était un été dans les hautes herbes sèches nous avions le temps
voici l’heure heureuse où débute sa journée de testeur de sieste
nous parlions si peu car nos langues étaient prises à d'autres jargons
un sacré veinard : journée internationale des chats de coussin
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la mélancolie sur le chemin de la nuit je l'ai rencontrée et depuis cette seconde nous ne nous séparons plus
odeurs dans la nuit de terre et d'herbe mouillée -fraîcheur retrouvée s’il y a un oiseau sur l'aurore boréale c'est un porte-plume
elle dort au chaud se blottit tout contre moi la nuit pour complice
un matin d'orage les grêlons tombaient obliques de l'antre du diable
il est des soirs las pourtant elle m'insupporte et me colle à l'âme avec une telle force qu'elle m'étouffe et me broie
la nuit se sent moite même les bruits sont liquides — une pluie d'été
elle m’est fidèle et mon humeur détestable lui importe peu
un malin silence gauchit les bruits de la nuit — mon cœur bat si mal
parfois elle manque quand trop de bonheur sourit et que je l'oublie mais elle revient très vite jeter du fiel sur mon cœur
le ciel s'éclaircit les étoiles jouent des coudes pour chasser les nues
10 août 2018
nous nous comprenons ses baisers sont bien plus doux qu'on ne l'imagine
le ciel est de marbre figé entre le soleil et l’ombre des chênes
le petit mulot qui visitait le cellier est-il en vacances
pensif il écoute la chronique de ses rêves et ses chants intimes
09 août 2018
derrière le pin malmené par les grêlons veille Garlaban
peu à peu s’éteint le cœur d’azur dans le ciel mangé par les nues
guetteur impassible du haut de la haute tour ses yeux réverbèrent
prudent il écoute le chant de la pluie qui berce les tuiles avides
le ciel d'encre bleue souligne l'ombre des arbres d'un halo blafard
entre les tonnerres qui effarouchent les collines le chant des cigales
sur la frange obscure de ce rêve inassouvi la nuit se parfume
nous avons dormi tout l’après-midi ensemble bercé par l’orage
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le cœur en avance il s'allonge sur le sable de mes heures lasses
autour de la table l'espoir et la nostalgie se toisent des yeux
un été trop chaud aiguise les souvenirs d'un été torride
tous deux ont joué ma vie à qui perd gagne chacun à son tour
j'aimais ces dialogues qui nous prenaient la journée mais c'était un leurre
quand l'espoir riait la nostalgie s'effaçait du cours de ma vie
plus jamais question de paroles chaleureuses l'hiver fut très froid
quand la nostalgie bridait l'élan de mon cœur l'espoir s'enfuyait
en suivant le fleuve d'une vie trouble et boueuse on atteint l'amer
au bout de la route ils se sont réconciliés en trinquant ensemble
11 août 2018
autour de la table nous faisons bonne figure à nos verres pleins
par le fenestron le jardin ensoleillé rit dans le cellier
je verse à nouveau ce philtre d'oubli sans goût : la mélancolie
la même posture immobile dans sa tête les mêmes pensées
monostiche rêvé d'une histoire engloutie : « Sur l'écorce du vent j'avais gravé nos noms »
un ciel sans surprise inonde les oliviers de flambeaux d’argent
elle lira sans doute avant d'être éblouie que ces mots sans espoir signaient mon abandon
que regardes-tu avec tes yeux d’émeraudes prince du coussin
12 août 2018
au loin la vallée danse — le son diffus des flonflons parfume l'auvent
sous le ciel lavande les ombres glissent farouches entre les collines
les rayons bondissent sur le ventre des collines et jouent avec l'ombre
avant de dormir il fait le tri dans sa tête de son inaction
la nuit me méprise pour déchiffrer ses mystères je suis bien trop clair
dans les taches d’ombre on devine l’impatience du soleil naissant
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13 août 2018
un peu endormi il attend que je le brosse devant ses croquettes
quelques traînées pourpres comme un voile suranné dans le ciel d’orage
le ciel noir reflète les éclats tonitruants d'un feu d'artifice
les lourds grondements l’ont ramené au bercail comme en plein hiver
il se voit déjà sur le bord de l'horizon près à basculer
un jardin si vert par un temps de canicule — parfum d’herbe humide
au fond de l'impasse sous le lampadaire éteint la nuit se maquille
un bain de soleil quand le temps est à la pluie — pas besoin de crème
la bêtise humaine à l'aube du dernier jour crânera encore
un frelon perdu bourdonne autour de la lampe — les tarentes guettent
j'en ai mangé deux -j'attends le troisième crabe et ses pinces froides
ciel noir ciel d'ébène la lumière de l'auvent frôle les ténèbres
j'ai vieilli tout seul comme un fromage oublié au fond du frigo
la vallée sournoise — le silence s'est brisé dans l'œil des collines
j'ai tout déballé à présent je cherche un point pour finir l'histoire
nuances de noir — du noir sans mélancolie au noir des regrets
il guette le ciel sur la route abandonné par ses propres rêves
14 août 2018 au-dessus de l’aube de son vol incandescent il trouble le vent
le vent me l'a dit ne compte pas sur moi je ne fais que passer
sur mon ventre il songe à ce qu’il aurait perdu à être un humain
je remplis mon verre de cette liqueur ambrée comme était sa peau
un loup dans le ciel — le vent se grime de nues pour son bal masqué
sur le front du vent je lis le dernier poème qu'elle a murmuré
parfois il dérive entre attention somnolente et sommeil profond
le vent est tombé — il a laissé sur le sol une fable morte 57
le petit auvent qui s'ouvrait sur les arômes comment l'oublier
fin d’après-midi sur les dalles maculées de feuilles froissées faudra que je lui demande de me faire place nette
oublier le lit au matelas capricieux qui jouait de nous
au bout de sa tige le citron devenu vert est pris de vertige
cet été torride qui embrasait les collines et nos corps fiévreux
le regard flouté par la maladresse humaine il tourne la tête
comment oublier ce premier matin d'été ce premier regard
mémoire insolente qui à l'orée de la nuit me secoue le cœur
et ce dernier soir dans les relents de fournaise où je l'ai quittée
dans le vent léger de ma mémoire faseye un parfum d’iris
dans ce hall de gare au milieu des interdits nous étions meurtris
parfois ils m'échappent comme un vent inconvenant mes tercets pour rire
elle a pris l'oubli comme on part en voyage me laissant la mémoire
15 août 2018
surveillance étroite — les poings serrés dans les poches gardent le sourire
petit matin rouge — mes yeux toujours somnolents brouille la lumière
parle-moi encore disait-elle en minaudant j'aime ton langage
toujours somnolent il s’assure que je suis prêt à le servir
des pensées abstraites voilà tout ce qu'il me reste des amours terrestres
lèvres entrouvertes au bout du pistil tendu — attente fébrile
16 août 2018
il s’est endormi guetteur sans mélancolie sur la haute table
bonjour aux lauriers qui matin après matin ouvrent leurs volets
ce fruit incarnat dans lequel je voudrais mordre il est presque mûr
il est attentif à ce que raconte l’arbre sous lequel il rêve
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reflets contre-jour ce matins tous les fantômes étaient de sortie
parfum de garrigue — crépuscule rougissant derrière les pins
parfois son regard semble vouloir refuser la douleur de vivre
prêt à s’élancer il hésite encore un peu le regard figé
ses petits yeux noirs deux braises qui m'interrogent depuis le plafond monsieur mulot du cellier est revenu de vacances
madame mulot habite chez monsieur chat par commodité je ne dirai rien mais me faire mettre ainsi je n’apprécie guère
un pont dans la nuit tu ne sais ce qu'il enjambe ni même où il mène tu le suis sans réfléchir confiant en ton inconscience
la nuit est épaisse elle déborde l'auvent jusque sous mon crâne
je craignais le vide cette absence d'émotion quand l'amour se meurt mais après y avoir bu je me moque du néant
trop cher pour un coup d'un soir pas assez pour la semaine il n'empêche que j'ai cru son honnêteté
sous la lampe molle qui somnole sous l'auvent — marée de mémoire
le lierre s'agrippe à la façade rugueuse — le cœur lanterné
malgré le silence que je ne peux bâillonner un cri couve encore
au port de l'extrême il n'y a plus de bateaux pour fuir l'horizon
mes doigts se souviennent de ce chemin granuleux qui menait au cri
et je rêve d'elle malgré l'ardente blessure de mon cœur en feu
confiance trahie ? je savais dès le début payer une pute
18 août 2018
17 août 2018
dans l’œil du poisson les nuages décomposent l’ordre du monde
terreur dans le ciel le Nautilus de Nemo va naitre des nues
ne pas s’y fier il ne dort pas tout le temps quelquefois il mange
je suis Domino le plus beau de la toiture et salut à vous
sur les oliviers le nuage en chantilly n’attend qu’une fraise
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repu il s’endort à l’ombre des lauriers-roses fraichement taillés
le bruit de mes larmes qui ont roulé sous la table quand j'ai perdu pied
le pré reverdit — la couleur des papillons abuse les fleurs
perdu sur la mer de tant de fatals naufrages je navigue à vue
son corps l'abandonne et en virtuose il donne un dernier cancer
j'avais rencontré la plus gracile des fées — adieu la sorcière
une nuit d'été elle a eu besoin de moi — de quoi être fier
le masque m'en tombe — je ne me reconnais plus dans cette colère
l'auvent me recouvre il protège mes pensées des fantômes sombres
je m'étais assis à l'ombre des souvenances prendre un coup de vieux
elle avait l'allure d'une jeune infante hautaine au parfum de pute
ma vie m'émerveille je n'en reviens toujours pas d'être aussi naïf
qu’il est beau son mac ! mais ce n’est qu’un maquereau grimé en marsouin
elle a dit je t'aime comme on demande une miche à la boulangère
19 août 2018
la chienne est partie je peux sans aucun regret raccrocher ma laisse
le matin s’ébroue — un léger voile de brume glisse entre mes cils
20 août 2018
fin de promenade — un petit brin de toilette à l’ombre des chênes
pas un seul nuage pour assombrir d’un poème ce ciel trop limpide
au nord les nuages incendiés par le couchant tournent sur eux-mêmes
il se met à table pour pouvoir finir son rêve et manger ensuite
Est-ce que tu te souviens Alice d’un sourire de chat tigré qui disparaissait par malice et revenait de mauvais gré ? ” All mimsy were the borogoves” chantais-tu au doux pain d’épice qui descendait des arbres chauves
il voulait m’aider à dépoussiérer l’armoire je l’ai empêché dans le ventre de la terre pourrissent les anges morts il n'y a aucun mystère la fin monte à bord
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sur les murs en ruines le printemps reverra-t-il un coquelicot ?
il brille au soleil — les fentes de ses pupilles boivent la lumière
au son de la nuit je gambadais dans ma tête — c'était le printemps
chaud et lourd le ciel traîne sa besace de nuages noirs
une fleur s'envole en agitant ses pétales comme un papillon
la sieste dehors — profitant d’une éclaircie pour se mettre à l’ombre
mêlés emmêlés nous étreignions nos rivages au sel de l'été
nous étions perdus entre colère rancune et désir d'oubli
tenir sa parole lui est bien plus difficile que tenir sa langue que serrer les lèvres que fermer les cuisses que garder son slip
marcher dans le sable ne laisser aucune empreinte pas même une larme sur une étagère dans un pot d'étain noirci le sel d'une larme
un énorme sphinx vient provoquer les tarentes sur leur territoire
une robe rouge l'entêtant parfum d'iris et mes mains qui tremblent
l'étoile était creuse une lumière sinistre éteignait son cœur
22 août 2018
une pluie d'étoile couvre les feuilles de chêne la lune sourit
après les averses de ces dernières semaines il faudra bien tondre
a shower of stars is flooding the leaves of oaks the moon is smiling
il n’ira pas loin malgré la mine farouche son vaisseau spécial
la hyène s'enfuit et le chacal qui la suit pue toujours l'ennui
entre Garlaban et la Sainte-Baume des tonnerres de discordes l'orage est passé et les arbres qui s'ébrouent sifflotent de joie
21 août 2018 dans l’œil du poisson les empreintes de voyages gravissent le ciel
une lune ronde comme un ballon de rugby entre les poteaux
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une rose noire et le parfum de la nuit tombent des ténèbres
le voile est tombé de son regard de gorgone quand elle s'est tue
sous les arches du ciel habite une sirène la bouche aux mots de fiel le cœur rempli de haine c'est qu'on l'a abîmée cette pauvre baleine elle avait tant aimé son cœur est plein de peine ses jours ne sont que nuits courant à perdre haleine dans l'enfer et le bruit de la folie humaine
mes journées de plomb entre les nuits de banquise courent vers le gouffre trois vers sans rime trois vers sans queue ni tête trois vers en vain sous l'œil des tarentes je lézarde sous l'auvent et la nuit s'écaille comment être sûr que celui qui m'emportera aura pinces douces
les héritiers de l'Homme auront des os de sable qui tiendra le récit de la mort de l'Histoire
j'ai joué le jeu auquel elle croyait seule connaitre les règles
quand j'aurai admis alors je lui donnerai le denier du cul
24 août 2018
la source est profonde là où je pourrai puiser mon ressentiment
je la vois sur le fil à travers la moustiquaire reprendre son souffle
23 août 2018
que veut-il me dire posé là sur cette table comme sur un trône
sur le même fil pour pouvoir mieux écouter leur monde intérieur
aucune d’habitude mais il est très routinier ce chat d’étagère
il prétend vouloir se préparer un café au lieu de croquettes
le ciel outremer et la trace du passage d’un rêve fugace
dans le champ voisin deux pies glanent leur pitance tout en s’épiant
retour de la lune au beau milieu des étoiles qui brillent de joie
réveil de la sieste — c’est encore un peu brumeux entre les oreilles
malgré les rafales d'un vent sournois la chaleur brûle encore en moi
ils étaient si proches mais la distance infinie en si peu de temps
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un soir de noël je m'étais vu en Scrooge rédimé meurtri
j'ai puisé son sel de mes lèvres insatiables — elle était aride
je me sens froissé au plus profond de mon être comme un bouillon gras
elle a ri de moi de mon rêve de vieillard labouré de rides
le rêve a pris fin duquel je sors sans espoir éperdu d'angoisse
son rire était aigre semant dans mes yeux brûlés un bruit de défaite
tellement sournoise que je n'ai rien vu venir de ses manigances
je veux oublier pourtant sa peau était douce et l'oubli me fuit
reste sur la table le seul message inaudible d'une tasse vide
ce grain de poussière perdu dans le sablier quand on le retourne
25 août 2018
26 août 2018
ciel échevelé — entre les nues distendues les cris des collines
le vent inlassable étire et tisse les nues au métier du ciel
matin dans le flou d’une lumière indécise il hésite encore
dans un endroit sûr il s’abreuve pour chasser les miettes de nuit
c’est le même vent dans les mêmes déchirures qui geint dans le ciel
arrière saison — les dernières hirondelles vibrent dans le ciel
sieste à l’intérieur à l’abri d’un vent féroce sur le canapé
petite toilette avant la petite sieste — tout coussin est bon
la lune contemple le vent qui balaie la terre d'un regard narquois
j'ai mis des chaussettes et enfilé une laine — l'auvent m'a surpris
ivre de colère le vent humilie les arbres qui n'en peuvent mais
la lune étincelle comme une pièce d'argent dans l'œil d'un faussaire
sur sa lande amère un rêve inassouvi court devant son mépris
le temps est compté par un aveugle aux doigts gourds un jour de grand froid
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pour gruger les niais la mémoire sélective un dard redoutable le ciel s’est paré de la houppelande bleue du roi des étoiles
Une personne peut vous décevoir de nombreuses manières, et même de plusieurs manières à la fois. Il arrive aussi qu'elle en invente de nouvelles.
je ne fus pour elle que baudruche mal gonflée perdue sur le sable
en fermant les yeux j'ai rallumé la chandelle qui m'avait brûlé
elle avait des perles noires et bien affûtées au fond de ses yeux
la vie est si courte la preuve j'arrive au bout sans être essoufflé
27 août 2018
j’ai passé ma vie dans la peau d’un étranger que je n’aime guère
en haut du grand cèdre la tourterelle aux aguets prend soin de son nid
28 août 2018
en toute saison quelle que soit la raison il dort à foison
les dernières fleurs du massif de lauriers-roses — septembre bientôt
fin de la journée — négligemment un nuage souffle sa fumée
dernière roulade avant de chercher un lieu où poser ses rêves
quand il me demande de lui chatouiller le ventre il gratte son dos
matin lumineux sur les marches inégales vers le Garlaban
la nuit accompagne le chant muet de mes rêves au son de la lune
dans le vieux verger a fleuri la marjolaine — senteur des balades
c'est l'été encore mais il y a je ne sais quoi qui tient de l'automne
abandon confiant — il dort d’un sommeil puissant pour seule défense
au bord du néant je fais un pas en arrière sans me souvenir
ravis de l'aubaine les arbres prennent un bain de lune bien frais
Dans un fauteuil de rotin je me prends pour un penseur. Il ne faut pas exagérer :
je ne pensais pas atteindre l'âge que j'ai et j'en suis marri
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rêve de la chouette elle écaille les syllabes — je ne peux répondre
perdu dans l'enfer de mon incompréhension j'ouvre un dictionnaire
la lumière fauve lentement déchiquetée par le crépuscule
je tourne les pages une après l'autre pourtant les mots se dérobent
souveraine et moite elle émerge de l'écume — obscure lumière
ah j'étais trop vieux trop abîmé trop naïf pour son cœur d'ébène
30 août 2018
l'ombre des marins sur la jonque encalminée joue aux osselets
le flou matinal entre la brumaille et clarté — vapeur du café
sur la rive aride d'un Styx épuisé et lent Charon s'impatiente
regard intrigué par le feuillage agité dans les lauriers-tins
29 août 2018
couleur crépuscule dans les feuilles de lauriers une flamme danse
rouge comme un cœur l’hibiscus au pistil jaune nargue les murs gris
la pâle lueur crépusculaire caresse l’or de son sommeil
sommeil de lavande au milieu des feuilles sèches — réveil parfumé
la girelle était morue et le marsouin maquereau avec mépris ils ont fait dindon le pigeon
fleurs de laurier-rose votre pâleur me conduit au bord du vertige
éreinté je pose mes ennuis et mes emmerdes sous l'auvent complice
montrer patte blanche on n’y parvient pas toujours quand on marche sur les mains
d'une main experte elle éloigne les nuages et s'offre à la nuit
le long de ses rives je suivais son courant lent et mélancolique elle était fleuve indolent sans pont sans barge et sans gué
le diable s'éveille son museau sans indulgence broute les collines
autour de la lune des flammèches de nuages soufflent les étoiles
dans cette uchronie vous disiez m'aimer madame et je vous croyais
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sa bouche embrasée offre à la nuit un baiser dépourvu de fièvre
elle émerge enfin entre les sombres collines la lune frivole
le vent s'est levé — il plonge dans mon néant un regard sans gène
sur l'ordre d'un dieu qu'importe le nom du dieu je vais me coucher
la suivre peut-être mais n'oublier surtout pas de rester soi-même
au large du cap le sel l’écume et les vagues couleur émeraude
31 août 2018
café sur le port — le chant du vent et des drisses rit dans son arôme
soleil déjà haut sur l’étagère des nues — du blues dans les yeux
01 septembre 2018
dose quotidienne sans lui je serais un autre tant pis les grincheux
autour de la lune un oiseau devenu flou le jet d’un voyage
du masque d’acier s’étirent des filaments de lumière aiguë
dans l’herbe d’automne il roule comme un enfant ratant la rentrée
parfois quand il bâille on pourrait voir un félin lui un doux minou
des points dans le ciel un nuage échevelé envoie un message
le vent me murmure ses aventures absurdes vécues outre monde
le vent la lumière à travers la moustiquaire et un chat curieux
ombre de mémoire — je ne suis plus ébloui par les souvenirs
le soleil se voile quand la reine des étoiles passe un pyjama
l'histoire inutile qui rampe de ma naissance au seuil du trépas la fable insipide et terne d'une existence bâclée
amant de la nuit sans dormir je rêve d'elle — amant éconduit dessus les vallons nord-est la lune se lève et comble les brèches
sur le mur plus sombre les tarentes ont grossi et l'été prend fin
je sens son venin quand elle a piqué au cœur exciter ma langue
un silence inquiet après la plainte des arbres quand le vent s'essouffle
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le frelon nerveux vient disperser les tarentes — festin reporté
comme un vieux marin nostalgique d'océan j'ajoute du sel
02 septembre 2018
03 septembre 2018
un ciel d’océan sur son écume navigue un grand oiseau blanc
matin de septembre — dans un ciel tout en lenteur la nuit s’effiloche
il rêve de sable et de parfums exotiques sur le canapé
coup de peigne à table une drôle d’habitude mais qui lui plaît bien
les deux tourterelles ne s’attendaient pas à voir l’invité surprise
à travers le pin les pins sur la crête au loin se sentent bien seuls
couché à mes pieds sous la table de l’auvent mon fidèle ami
à côté de moi il attend une caresse avant de dormir
retour en silence dans le grand cirque utopique — nombrils délétères
couchés sur le sable nous regardions le soleil embraser nos corps
quand la nuit se pose sous l'auvent enténébré les mots s'illuminent
la nuit pour repère nous allons vers le néant les yeux grands ouverts
la haie d'arbres morts qui ceinture mon repaire ne verdira plus
le flot incessant de paroles non tenues — dormir et se taire
elle semblait pure la source où je m'abreuvais — la langue me brûle
sur le mur en ruine qui longeait notre frontière fleurit le bleuet
sa peau et ses lèvres je peux bien les oublier mais ses mots jamais
dans mes entrailles le fruit de mon cancer est ravi
que l'animal me pardonne cet éclat en forme de dodoitsu
04 septembre 2018
je sens leurs mains froides jouer avec mes entrailles — les crabes m'adorent
la touche d’automne peinte dans le ciel réveille ma mélancolie
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le flou du matin mon appareil et mon chat n’y échappent pas
c’est là qu’il demande de prendre mon tour de garde — toujours aux aguets
taches de soleil — le murmure du silence à l’ombre des chênes
il prend son envol vers le grand cèdre où l’attendent des becs affamés
il se cache dans ce qu’il reste de lavande — il s’est endormi
blotti sur mon ventre il m’aide par sa douceur à aimer la vie
le temps des soupçons s'est installé dans ma tête pour longtemps sans doute
l'ombre suit la courbe et le long cheminement que la nuit emprunte
que sont devenus les souvenirs d'améthyste que chérissaient mes nuits
c'était en automne — toutes mes dents sont tombées brisées de tristesse
au bord de la nuit d'improbables souvenances claquent des molaires
la terre était grise et le ciel plus noir encore sur les os de l'homme la lumière gémissait de ses cendres déjà froides
un torrent me guide jusqu'aux rapides cascades de l'oubli sans fond
dans les rues désertes l'odeur seule règne encore l'odeur des cadavres sur l'insouciance des villes l'apocalypse a frappé
le temps viendra-t-il de me fondre dans la nuit et l'oubli du monde le puits est profond — la charogne ensevelie y pourrit d'ennui
06 septembre 2018 le ciel bougon bat sa carpette de nuages sous un soleil pâle
les chiens ont saigné le pauvre daim acculé dans son cœur de pierre
près du trou à feu il ordonne à mon café de rester bien chaud
parce qu'il n'a pas de costard et qu'il se promène nu l'animal que l'on pourchasse serait sans conscience
05 septembre 2018
une forte averse est venue fort à propos nettoyer les feuilles
une aube imprécise se répand sur l’horizon — encre ensommeillée
encore un peu flou il a pris de la hauteur avec ses croquettes
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cette nuit des temps le jour ne la suivra pas -le soleil s'épuise
bientôt il faut tondre — je laisse les pâquerettes aux derniers bourdons
les ponts et les tours dans un grand cri nucléaire deviendrons poussière
shooté de lumière un papillon immobile rêve de tarente
le "ecce homo" n'aura plus de raison d'être après la moisson
mon cœur s'est blessé dans un buisson aux épines rouges de mépris
le fruit défendu ils le régurgiteront avec l'insolence
la gorge nouée je rêve encore de celle qui m'a détroussé
la nuit est imberbe — douce quand elle m'embrasse d'un rêve de soie
08 septembre 2018 peu à peu ils ouvrent leur portique de vapeur sur un ciel liquide
07 septembre 2018 la tête embrumée loin de ses rêves d’orage Garlaban s’enrhume
instant décisif où se pose la question du lieu de la sieste à l’entrée du temple seules deux colonnes fluides résistent encore
sur les dalles humides il est intrigué d’un souffle qui vient dans son dos
son altesse attend que soient écartées les perles pour sa grande entrée
il compte les gouttes sur la table de l’auvent — impassible sphinx
à flanc de colline la nuit dépose un parfum d'été qui s'achève
juste après la pluie quelques fées ont refleuri dans l’air du jardin
l'été est passé — en rangs serrés les fourmis rentrent le fourrage
il faisait un temps à ne pas sortir le chien pourtant j'attendais frissonnant sous les averses le bon vouloir de mon chat
au fond de leur cale grâce aux errements des hommes les rats font la fête
c'étaient des matins où l'aube était sale et triste nous nous réveillions heureux de nuits lumineuses et retournions sous la couette
un doute m'obsède — vous laissez votre parole dans le caniveau il en restera des traces qui vous monteront au nez
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papillon de nuit à l'envergure intrépide défiant l'auvent
sanglots sur le temps qui coule sans espérance — abreuver le sable
10 septembre 2018
retenez-le bien à mille post je m'arrête batterie à plat
il affole les tarentes comme une chauve-souris tournant autour de la lampe j’ai refait la nuit
dans son propre nid on s'attendrit d'un coucou qui mentait si bien
09 septembre 2018
encore un peu flou — il aime un bon coup de peigne et en redemande
le ciel s’est rayé des filaments de l’automne — les oiseaux d’acier
dans le plomb des nues on sent l’odeur de la poudre — du blues dans le ciel
sur la table il prend souvent la même attitude — évasive et tendre
voilées les étoiles n'ont aucune religion que l'enchantement
sur ce banc mal peint les ans et les feuilles mortes ont laissé leurs marques
les sources taries — le ventre creux des enfants digèrent leurs os
quand il me regarde avec ces yeux hermétiques à quoi pense-t-il
les ombres s'allongent — un crépuscule sans force griffe les collines
c'était une nuit de septembre en bord d'automne que s'en vint l'hiver
la nuit de septembre mêle les mélancolies de chaque saison
il était vêtu des derniers mots de marbre qu'ont lancés ses yeux
un oisillon geint dans la nuit tiède pourtant — quelque mauvais rêve
fracas du silence dont les débris s'amoncellent sur mon cœur figé
une nuit épaisse -je n'ai pu la traverser la glu m'emprisonne
qui croire à présent alors que j'ai cru en elle et qu'elle a tant ri
mes jours sont comptés depuis ma première larme -personne est comptable
il reste un cœur froid grelottant dans ma poitrine et des souvenirs
je songe au venin qu'elle a glissé dans mes veines -je le lui rendrai
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j'étais un crédule une proie facile offerte à des crocs voraces
un matin tranquille — septembre joue de ses heures au rythme estival
11 septembre 2018
mon sphinx d’étagère somnole encore un moment et se met à table
matin sans nuage — le ciel une mer sans ride profonde et lavande il goûte au soleil et s’en lèche les babines — heureux comme un chat
papillon de nuit sur l’armoire du salon posé en plein jour trop vite prise et trop floue je ne connais pas son nom
sous les parasols septembre garde un parfum d’été mystérieux
réveil en douceur — une toilette rapide et zou au croquettes
il dort sur mon ventre libre de toute inquiétude — petite personne
funambule experte sur un fil la tourterelle se gratte l’oreille
sur la longue route il y a trop peu d'auberges pour se reposer
sur le mur de sable un chat fond entre les dalles et l’ombre des feuilles
quand survient la nuit on s'allonge sous un pin pour rêver de vin d'un feu dans la cheminée et d'un estomac rempli
je reste un enfant malgré le cœur qui chahute et le ventre ouvert sur un fil tendu j'ai traversé l'existence en fermant les yeux
on s'éveille à l'aube on s'ébroue on se secoue pour marcher encore sur des cailloux acérés et des semelles percées
petite pluie fine — septembre se manifeste à notre attention
mais la route dure et les auberges sont rares le long de la vie
l'automne s'approche — par moment il est si près qu'on sent son haleine
l'automne est la route que prend la mélancolie et l'hiver la suit
13 septembre 2018 ciel toujours changeant — le soleil grime les nues pour le bal masqué
12 septembre 2018
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il plisse les yeux — son regard en contre ciel reste énigmatique
un bel acouphène prend le relais des cigales — l'été dans ma tête
le ciel effrayé — crépuscule de cobalt au loin l’espérance il attend un signe — que voudrait-il que j’ajoute dans ce grand bol d’eau
les nuits sont plus fraîches mais dans l'arrière saison l'été chante encore plus aucun murmure même les arbres respectent ma nuit intérieure
ce soir l'encre est sèche — désespérément ma plume essaie de voler
le vieux volet grince quand parfois je le repousse sur mes souvenirs
petite virgule dans le soleil déclinant — dernière hirondelle
sur le quai de l'aube dociles les nues attendent un signe du vent
tiédeur de la nuit — j'offre ma peau au moustique qui m'en laisse un peu
fantasmagorie des ombres que déchiquette l'auvent des mystères
curieuse tarente — du toit elle m'examine d'un œil malicieux
15 septembre 2018
j’ai savouré l'heure au goût d'intranquillité qui troublait la nuit
je ne comprends pas ce qu’écrivent les nuages sur la mer du ciel
14 septembre 2018
c’est l’heure mon chat de penser à te lever ! paré pour la sieste ?
victorieux et fier sur les cendres de la terre le soleil se lève
le petit talus sur lequel poussent les chênes change de couleur
plus tard dans la haie sur des feuilles déjà sèches le dos au soleil
il ne sait pas bien sur quoi j’ai posé mes doigts — un clavier peut-être
ordre dispersé — les nues précèdent le ciel sur les doigts du vent
la nuit je respire les anciens parfums d'été quand j'étais minot
et l’après-midi il pose sur un coussin ses rêves de chat
c'étaient les pavés qui luisaient sous le soleil brûlant sans merci
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il y avait les vagues ce goût et l'odeur du sel qui léchait les roches
c'était un auvent tout petit parmi les ronces au cœur de l'été
et puis quelquefois la garrigue et les pinèdes la chaleur d'un four tombant sur le thym fourbu le romarin torturé nous quittions la ville dans un car nauséabond vers l'odeur de sève
un été très court intense et incandescent sous un ciel lavande l'olivier sauvage tout près nous offrait une ombre à peine plus fraîche nous nous allongions sans nous frôler côte à côte dans les herbes sèches
je rentrais le soir égratigné de kermès collant de sueur
et nous attendions la caresse du soleil sur nos peaux fragiles
dès le lendemain le port la mer et la ville me prenaient la main
nous ne bougions pas nous ne pensions même pas nous étions si faibles
entre les pavés grandissaient les fleurs sauvages de mes souvenirs
des bébés langés qu'on essayait de soustraire aux flammes du ciel
l'amour est une course contre la montre il faut se dépêcher d'y goûter avant que le soupçon baisse son drapeau
traversant le Styx j'ai croisé un gros crapaud qui tendait la patte
16 septembre 2018
17 septembre 2018
sur la cheminée les nuages s’imaginent dominer le monde
peu de changements — nues et soleil jouent à chat au seuil de l’automne
nouvelle lubie : boire au cellier dans sa tasse perché sur l’évier
avant le selfie il n’a pas pu résister il s’est rendormi
en pot les tropiques — bientôt si j’en crois ma peau ils seront en terre
doigt sur l’objectif du smart-phone — il a laissé une brume grasse
je n’ai pas osé lui proposer un pastis des fois qu’il accepte
il faisait très chaud de la sueur au bout des doigts brume digitale
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du tiroir en ordre j'ai extrait le feuillet vierge qui le restera
malgré le silence « beaucoup de bruit pour rien » sur mon vieux fauteuil
mon stylo est plein d'une encre noire de sang il reste en suspens au-dessus des mots non dits qui se pressent en tremblant
arête de toit — il fait une courte pause arrêt sur un rêve septembre s'avance dans les gorges de l'automne toujours en été
par où commencer les premiers mots échangés le premier regard par la première question qui restera sans réponse
la pluie aujourd'hui a laissé entrebâillé le seuil de l'automne
peut-on commencer par la première rencontre devant un café
des parfums poivrés et humides à la fois — jardin sous la pluie
on pourrait peut-être cocher le premier je t'aime soufflé sans se voir après un si long échange sur un réseau asocial
je sais ce sourire cette insane souricière sauvage et servile je lui sers un verre — d'un claquement de mâchoire elle dit merci
à quoi bon tout ça il est bien temps d'en finir avec ces pudeurs
I serve her a drink — with a banging of her jaw she says me thank you
sur la page vide pas trace de mot, de sang juste un peu de sel quand les larmes ont séché dans le tiroir rabattu
19 septembre 2018 une aube rosée chasse les quelques nuages encore endormis
the moth on the wall is trying to lift the world with its wings open
le corps assoupi il laisse au soleil le soin de le caresser
papillon de nuit essaie de lever le monde de ton aile ouverte
18 septembre 2018
les fleurs de yucca autour de leur longue hampe narguent le laurier
maladroitement il essaye d’encercler un couple de nues
goûter au cellier — cette nouvelle habitude semble perdurer
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j'ai plongé ma main — son eau était dure et froide comme un assassin
les dards de l'été ont calciné le verger — l'automne est trop lent
petite sirène avec tes dents de murène qui veux-tu saigner
d'une voix de craie sur le tableau de mes rêves elle souriait
eh little mermaid what man do you want to bleed with your moray teeth
je sentais frémir sa peau de cuivre brûlant quand je m'approchais j'aurais voulu m'affranchir de l'attraction de ses lèvres malgré la rocaille elle parlait douce et fraiche comme une cascade
le ciel s'émerveille — Vénus s'est cassé un ongle et la lune est née le ciel et merveilles — le sablier s'est rompu sable de diamant
nous avions vingt ans et peu d'envie de vieillir mais la vie traitresse en décida autrement et accumula les ans
le ciel sans merveille — dans les ténèbres opaques abysses nocturnes le ciel se rendort — la constellation de l'ange ne bat plus des ailes
parfois je remue dans le sac des souvenirs un parfum de cuivre
dans un néant rouge la cendre âcre de la terre est froide à jamais
la lumière est nue — sur les murs crus de l'auvent j'égrène les heures
20 septembre 2018
21 septembre 2018
couché sur la table tout près de moi sous l’auvent il tutoie la nuit
le ciel sans complexe posé sur la cheminée se rit de l’automne
une chaleur moite enrobe troncs et feuillages d’une gaze floue
il dort au bureau et il n’a même pas mis le PC en route
non mon doux minou — les croquettes sont pour toi pour personne d’autre
au bout de mes doigts l’ombre d’un coin de jardin — l’esprit se repose
soirée de septembre — dans la lumière diffuse les tarentes veillent
il n’hésite pas à savourer la douceur d’une fin d’été
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sur un pont de liane je traverserai le fleuve des enfers glacés
22 septembre 2018 il s’est bien levé le dernier jour de l’été — maelström de nuages
of the frozen hell on a thin liana bridge I will cross the flow
réfléchir — à quoi — regarder passer le temps perdu sur les dalles
petite rieuse elle capturait ma main et comptait mes doigts
sur ce banc de bois je regardais vers le nord et l’indifférence
je faisais semblant d'un index inquisiteur de compter son nez
même quand il court pour quêter une caresse il prend tout son temps
je lui racontais qu'elle en avait deux un là et l'autre au menton
la nuit d'équinoxe à la porte de l'automne invoque l'été
ses yeux se pinçaient et elle lâchait ma main pour vérifier
night of equinox standing at the gate of fall summons the summer
nous riions si fort que Sœur Jeanne nous grondait et nous séparait chacun dans un coin de salle nous pouffions de rire encore
vieil homme à présent je peux faire le bilan des heures déchues
petite amoureuse de quatre ans moi un de plus au jardin d'enfants
dans la vieille armoire des sabliers retournés sur chaque étagère
souviens-toi des fées celles que tu ne rencontres que quand tu t'envoles
le sable figé lavé par la pluie du temps sur de vieilles bornes
la lampe vacille l'auvent se met à tanguer et mon verre est vide
chacun a des traces des stigmates de cœur bu par des dents profondes
lamp is flickering awning is starting to pitch and my glass empty
l'armoire sent vieux même l'odeur de lavande devient foin humide
le vent s'est levé — il nous quitte brusquement mais je reste assis
sabliers sans nombre j'ai passé mon existence de mes mains crédules
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à façonner grain à grain de puérils châteaux de sable
nous laissions chanter les gourdes qui débordaient et nos corps aussi
posture zazen la constellation de l'ange oublie l'univers
23 septembre 2018
et au crépuscule nous avons repris la route du petit refuge où nous étions attendus avec les gourdes remplies
dès le premier jour le jardin prend les couleurs rousses de l’automne
les bruits de l'automne — sur la dalle un premier gland tinte dans la nuit
posture bizarre gymnastique matinale mon chat est un clown
the sounds of autumn — on the slab the first acorns tinkle in the night
pyrale du buis — l’automne et le crépuscule la même journée
les dernières fleurs de lauriers-roses flétrissent — cruauté d’automne
il est intrigué — que voit-il par la fenêtre que je ne vois pas
then the last flowers of oleanders wither — cruelty of fall
silence imposant loin très loin une sirène murmure sans joie
rêve transparent — la nuit m'a laissé y croire jusqu'à l'aube opaque
mince filet d'eau souriant en plein soleil dans les éboulis
24 septembre 2018 une aube incertaine des arbres échevelés — le vent de l’automne
nous avions si soif nous sommes restés longtemps à remplir les gourdes nous avons même eu très peur que s'assèche la colline
la lumière est rousse sur les dalles où il toilette — sentiments d’automne
un pin torturé nous a proposé son ombre maigre mais une ombre
un trait hésitant — le ciel d’un bleu mal lavé tremble encore un peu
dos contre l'écorce nous goûtions la mélodie de la source claire nos mains se frôlèrent puis nos regards puis nos peaux en pleine garrigue
couché sur le dos il attend de sa posture l’illumination dans l'œil de la lune il y a une poussière — d'or en est le grain
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si j'étais un ange j'irais d'un battement d'aile consoler la lune
souveraine et fière sa houppelande de reine s'impose à la nuit
quand l'homme n'aura plus à porter ce corps lourd alors il pourra se tourner vers les étoiles si elles le veulent bien
sweat-shirt et chaussettes — l'auvent me fait bien sentir les fruits de l'automne la sirène noire sur sa licorne d'argent affronte les vagues
nous garderons ensemble la meute des idées sombres l'ombre pâle et moi
the young black siren on her silver unicorn is fighting the waves
un automne sec crisse sur les feuilles mortes — fraîcheur sous l'auvent
avec son poignard il attise le brasier qui rougeoie en lui
dans le crépuscule le ciel perd ses oripeaux — lambeaux de nuages
la petite fée aux longues ailes de gaze sur le pot de miel
d'un trait d'ombre pâle sur l'échine des collines la nuit s'est couchée
le fleuve est en crue — sur les berges inondées les pingouins jacassent
comme tu ronronnes — viens mon chat viens mon amour tu sais que je t'aime
25 septembre 2018
26 septembre 2018
dans un ciel troublé le soleil se démaquille — bouts de coton sales
vite dissipés les nuages et la brume paradaient pourtant
le flou de ses yeux est-il le reflet diffus de ses pensées troubles
pendant qu’il s’étire le soleil donne à son poil des pièces d’argent
si j’avais voulu j’aurais pu jouer aux quilles — j’ai joué aux lunes
l’hibiscus fleurit de nouveau après l’été — les saisons s’emmêlent
avant de dormir il jette un coup d’œil vers moi pour m’encourager
terrasse en automne — qu’importe la position insouciant il dort
lune étincelante — une auréole d'argent sacre les nuages
l'histoire s'achève — le vieux mage du jardin a repris son souffle
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sous le lit du fleuve l'amoureux de la naïade cache bien son jeu
déjà grignotée la lune montre les dents dans le ciel vorace
l'écorce des pins se souvient dans ses replis du cri des cigales
nuit mélancolique — l'automne s'est assoupi dans le cœur des arbres
encore affamé dans le champ de lespédèzes le rônin s'endort
les fruits défendus par une armée de frelons pourrissent sur l'arbre
sur la fourmilière un gnome au nez rubicond compte les recrues
sous l'auvent plus frais les tarentes se font rares — je suis un peu seul
la vague était haute — les hommes ensevelis en ont bu le sel
la nuit de velours sur l'épaisseur des collines glisse lourdement
de tous les amours on se souvient du dernier comme un ex-voto
sur le quai régnait la forte odeur creuse et âcre du goudron brûlant un ragrément de carène pour quitter cette galère
elle était rivière je n'étais qu'une brindille posé sur son rire
je voulais partir fuir cet horizon bouché mais je suis resté au bord de la mer obtuse à rêver mon existence
la Terre se meurt — les experts en assurance cherchent un coupable
l'eau du port brillait d'huile et de vieilles bouteilles sans aucun message quand je regardais les voiles je ne voyais que linceuls
27 septembre 2018 mêlé d’herbe jaune et d’herbe jeune le pré espère une tonte
mer libératrice tu m'as lié aux pavés aux caniveaux sales je lève les yeux au ciel je suis jaloux des nuages
mon explorateur cherche encore la souris qu’il a égarée pause sous les chênes — la promenade peut-être était bien trop longue
28 septembre 2018
portrait d’un félin encore bien hébété quand il se réveille
un regard coupant qui peut passer sous les portes des âmes fermées
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un trait de vapeur a rayé le crépuscule — le cri du silence
29 septembre 2018 avec nonchalance ils flânent sur les collines puis ils s’évaporent
l’ombre sur le mur aussi aigüe que ses griffes — un soleil farouche
un œil soupçonneux ou bien quémandeur de quelques caresses
entre deux collines une première lueur puis elle apparaît dans une immense splendeur l'énorme lune gibbeuse
quelques fleurs encore osent provoquer l'automne dans les lauriers-roses
le printemps pluvieux témoin de notre rencontre n’est toujours pas sec
avec sa démarche de vieux matou fatigué il trompe son monde
les doigts des nuages sur l'établi d'un ciel noir pétrissent la lune
soirée nonchalante — j'ai laissé à mes pensées le choix du sujet
les nues s'amoncellent devant la lune qui peut respirer à peine
les étoiles pâles tissent une toile lâche — une gaze brume
où se cachent-ils les rêves évaporés quand on se réveille
si peu de labeur une si grande fatigue — vieillesse implacable
sa peau d'abricot je m'en souviendrai encore en mangeant des poires
j'avais quatorze ans à peine et je me sentais si vieux comme ce vieux pull de laine au ras de mes yeux
ses lèvres sucrées avaient posé sur mes lèvres son goût de Cassis
je n'osais la regarder la fille aux yeux d'émeraude pour elle j'aurais brodé un poème une ode
son rire de soie — il m'habille encor de joie quand j'ouvre les yeux
mais j'étais trop indécis trop maladroit trop timide il m'aurait suffi merci d'un regard humide
elle m'a menti mais c'était dans sa nature donc sans importance
jamais je n'ai dit un mot car par ses yeux d'émeraude luisant comme des émaux ma langue est pataude
c'était sans compter sur l'habileté des fées à mentir aux gnomes
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rongée par les rats qui gangrènent les étoiles la lune gémit
au fantôme en face je demande un café double pour me réchauffer
30 septembre 2018
un seau de goudron bondissant sur le comptoir me saute au visage
le soleil se lève — sur la cendre des nuages il refait son lit
sans sucre merci même s'il est très épais je le bois ainsi
à peine éveillé déjà il cherche un endroit où faire la sieste
j'aime l'amertume l'odeur âcre des fumées et le goût du fiel
fin de la journée — le soir tombe un peu plus tôt sur les fleurs fragiles
je rejoins ma place les passagers revenus ouvrent leurs cartons
il prenait le frais au rebord de la fenêtre — puis on l’a changée
ils piochent des mains des yeux des foies et des cœurs qu'ils croquent en chœur
silence d'orfèvre — dans cette profonde nuit les étoiles bruissent
on m'offre une langue violette et rongée de vers — je ne sais que dire
un train passe au loin — destination inconnue je pars en voyage
claquement des roues qui sautent les aiguillages grincements de freins
dans ma tête il roule sur une voie éphémère de rêve et d'acier
une gare enfin je repousse l'ouverture bondis sur le quai
le ballast gémit — les traverses sont les bornes de mes nuits passées
et je me retrouve hébété et somnolent assis sous l'auvent
d'un wagon à l'autre je traverse les parois — les sièges sont vides
je souffle et transpire en me servant un grand verre de whisky glacé
la voiture-bar m'accueille d'un rictus — dehors il fait nuit
jamais le besoin d'écrire ne sera plus fort que ma flemme
les vitres opaques ne peuvent laisser filtrer qu'un éclair fugace
01 octobre 2018
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écouter le ciel quand le cyprès parle au vent — ratisser les nues
le vent se déchaine et les chênes encor vifs y laissent des plumes
un matin frisquet — il prend cependant ses aises et reste couvert
les yeux des fées luisent dans la clarté de la lune — rire des étoiles
l’automne est bien là dans cet arbuste inconnu aux feuilles qui toussent
02 octobre 2018
à l’abri du vent dans le coin de la terrasse il dort nostalgique
une pie traverse un ciel encombré de nues — elle cherche un arbre
premiers jours d'octobre — les dieux ont abandonné la route des hommes
il dormait si bien couché en travers du lit — je l’ai réveillé
le vent est inquiet — il essaie de se cacher dans les hautes herbes
fin d’un jour d’automne — une lumière sans force épuise les couleurs
le temps dépassé — soixante-dix ans bientôt et ils pèsent lourd
le même air pensif toujours la même attitude détachée du monde
mais malgré ce poids et les rides dans les yeux j'ai le cœur léger
la soirée paresse dans la fraicheur de l'automne — le jardin somnole
tous mes souvenirs même les plus douloureux font danser leurs ailes
loin de la lumière qui palpite sous l'auvent règnent les ténèbres
je peux bien avouer que j'ai acquis le pouvoir de tout oublier
le fil du rasoir sur lequel je déambule me meurtrit les pieds
à l'abri du vent la tarente solitaire tente un papillon
c'était une fée aux sortilèges brisés la vieille marraine mais pour moi elle est restée la fée aux ailes d'argent
dans l'immense nuit que le vent violet déchire les étoiles tremblent
she was a fairy a fairy with broken spells the old godmother but for me she will remain the fairy with silver wings
in the mighty night that the purple wind’s shredding the stars are shaking
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03 octobre 2018
je ne saurai dire s’il avait de l’inquiétude il m’a attendu
grasse matinée — il dort en pleine confiance posé sur ma cuisse
revenu de tout sans jamais y être allé je descends du train
étoiles brisées leurs éclats se sont grimés en fleurs de nuages
les ondes sonores d'une courte anesthésie — voir la vie en rouge
il a peu grandi l’olivier que j’ai planté l’année du cancer
mon esprit vacille — le silence incandescent d'un réveil douteux
réveil de la sieste — une couche de sommeil englue ses paupières
my wavering mind — of a doubtful awakening the burning silence
attentif j'écoute les bruissements de la nuit — l'orchestre s'accorde
à côté de moi sur les carreaux de l'auvent une feuille morte
la soie impalpable de la lumière du soir — la peau de mes rêves
souvent je repense — l’odeur de sauge et de menthe un petit auvent
chemin du mystère — le vol lent du papillon qui cherche sa fleur
la poutre se vrille et parfois les tuiles tintent — le temps manque un pied
the stars are sliding -like gentle dancers they skate on the icy sky and from time to time they sow their lightly diamond dust
sa robe incarnat et son parfum d'iris fauve je n'y pense plus
les étoiles glissent -danseuses elles patinent sur le ciel glacé de temps en temps elles sèment leur poussière de diamant
une fleur aux dents et le rêve en bandoulière je défie le vent je suis bien trop vieux pour cultiver l'espérance rêver me suffit
des yeux des enfants coulent des larmes de sang — mères sauvez nous
04 octobre 2018
05 octobre 2018
voir le crépuscule les arbres en contre-jour et se voir soi-même
ciel énigmatique — ses runes de gaze floue restent insolubles
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soucieux il examine sur la table de l’auvent l’automne qui rampe
pause sur la table avant d’aller au grenier pour la longue sieste
il y a des fleurs qui traverseront l’automne sans jamais se plaindre
parfum du jardin — du talus la marjolaine envoie des messages
regard de côté — la lumière le couronne de timidité
sur la dalle humide un pot et une potiche posent côte à côte
la vie sans histoire je ne l'ai pas contournée je passais à gué
l'école est finie — le jour range ses cahiers dans le crépuscule
l'automne s'installe — sur la terrasse déjà les feuilles frissonnent
de l'ancien smart-phone j'ai relu d'anciens messages — le cœur qui se gerce
souvent je disais qu'il était temps de partir pourtant dans mon cœur il y a de la place encore pour y aimer mille vies
amitiés discrètes amitiés tentaculaires amours plurielles ces mots chuchotés ces mots parfum d'arc-en-ciel parole écrasée
dès mon plus jeune âge je rêvais d'amours sublimes — j'étais un rêveur
nous nous disions vous un vous qui nous rapprochait puis le tu lointain
de mon vieux plumier j'ai revu la tache d'encre que j'avais laissée en ne sachant pas écrire mon premier billet d'amour
ah petite sœur ton souvenir n’est qu'un spectre aux ailes noircies
s'il en avait une mon chat connaîtrait le jardin comme sa poche
le vent a tourné au tout début d'un automne aux griffes de chat
le ciel est opaque — quand elle ne brille pas je suis mon étoile
l'orage s'avance les nuages s'engrisaillent — je baisse la tête si elle savait combien, comment j'ai eu mal comme elle rirait après avoir bu mes larmes et vidé mon cœur de sang
06 octobre 2018 frais matin d’octobre — pour chasser les nuages le soleil s’essouffle
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Après deux cancers... Comment peut-on parler d'amour quand on n'a sur le pubis qu'un mince tuyau qui fuit et qu'une tonne de Cialis ne saurait faire applaudir ? Peut-on parler une langue qu'on écoute avec les doigts ?
soixante et dix ans et toujours un cœur de laine — pour quand le granit
07 octobre 2018 le jour s’est levé étendant son manteau noir sur la peur des arbres
08 octobre 2018
le regard questionne mais je n’ai pas bien compris le sens du message
sous l’œil du soleil les nues ont livré bataille pour gagner le ciel
pause des nuages — ils se reposent un moment dans le ciel soucieux
dans sa somnolence il s’installe sur mon fauteuil — je prends une chaise
après la balade il s’occupe de ses pattes — c’est très important
l’automne s’attarde sous les arbres verts encore — chant mélancolique
a stone is burning deep, so deep in my bowels heavy and hungry
abri sous la table parce qu’on ne sait jamais il pourrait pleuvoir
une pierre brûle tout au fond de mes entrailles lourde et affamée
de l'ancien smart-phone j'ai effacé les messages qui parlaient d'un temps ... que les moins de...
de son cœur fendu une aubépine a jailli avec ses épines
non rien, je rigole !
les routes bien droites dissimulent des ornières dans leur cœur d’asphalte
quelques gouttes tombent depuis les feuilles des chênes que le vent caresse
on distingue encore la lividité des nues dans les dents du ciel
entre les nuages la nuit étire l'espace et prend tout le temps
j'ai tendu les mains vers l'insatiable appétit de l'obscurité
la ville insouciante qui a l'âme de ses artères sent le renfermé
je somnole un peu — sous l'auvent les tuiles teintent la nuit d'arcs-en-ciel
des ombres chahutent au fond du jardin la nuit — ombres juvéniles
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j'avais besoin d'ailes comme le jour a besoin d'une aube nouvelle
l'été nous couvait et quand nous avons éclos l’automne guettait pour disperser notre nid parmi les aiguilles sèches
une pluie de sable tombe drue sur mes épaules — un plein sablier
mais nous étions nous et nous avions eu le temps d'enhardir nos ailes
j'ai rêvé en rouge tout le sang que j'ai versé de ma vessie lasse
nous savions voler et n'étions plus les oies blanches d'une basse-cour
je sors de ma poche une boite d'amulettes prête à s'enflammer
il était grand temps tous deux nous sommes partis conquérir l'été
miction accomplie — si j'avais un peu d'humour j'aurais pu le dire
09 octobre 2018
10 octobre 2018
vent d’après la pluie — les nuages qui s’enfuient saluent Garlaban
un ciel chaotique — le soleil ouvre les yeux au pays d’octobre
un sphinx assoupi — avant l’endormissement la dernière étape
brève promenade dans le calme vespéral — parfums de l’automne
un trait de passage — il prend appui sur les nues et crée son nuage
crépuscule gris quelques couleurs sans nuance essaient de parler
terrasse dans l’ombre — il attend le crépuscule et rêve éveillé
que veut-il me dire avec ses yeux qui bégaient dans l’éclair confus
l'ombre tergiverse entre la droite et la gauche au gré de la brise
les mots sont venus de nulle part peut-être rendre la parole
les graffitis sombres sur les murs de ma mémoire lentement s'effacent
il pleut sans arrêt il ne sait où se poser — alors mes genoux
à l'ombre des pins de nos doigts gauches d'enfants nous lissions nos plumes
sous l'auvent venteux nous écoutons le refrain des gouttes qui tombent
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j'ai écrit si mal des phrases que je pensais tellement lisibles
quelques vers timides dans le ventre de la terre ne riment à rien
voilà mon chaton de six kilos de tendresse autant de paresse
sur un coin de table j'ai déposé une mise -elle était trop faible
demain ou plus tard aux caresses du soleil l'herbe répondra
les dés se culbutent sur la piste sans relief et leurs faces blêmes
des heures de pluie la toiture rassasiée le jardin déborde
avant de montrer son squelette dénudé elle hésite un peu
quand on devient vieux la cornée s'opacifie les tympans durcissent on est l'ombre de soi-même une vielle ombre sans ombre
s'aidant de sa faux elle grimpe l'escalier puis sort de ma tombe
11 octobre 2018
bien sûr je plaisante et l'histoire se termine en éclats de verres
dans un autre temps je n'étais qu'un revenant secouant ses vers
le ciel détrempé semble vouloir colmater un horizon de sable
12 octobre 2018
derrière le pin il imite un chat perché dans le crépuscule
visage fripé par des marques d’oreiller le ciel bâille encore
le nuage noir veut dévorer la nue blanche — crabe dans le ciel
brève promenade tout autour de la terrasse avant de rentrer
l'étoile s'enflamme puis elle se dissimule au sommet du pin
troupeau de moutons perdu dans la bergerie immense du ciel
ah je vous dois tant mes compagnes au long cours mes étoiles ivres
peut-être attend-il qu’on lui serve son repas toujours sur la table
la supercherie a duré assez longtemps je ne sais pas lire
couchée à mes pieds infidèle et attachante mon ombre sommeille
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d'un rêve inutile inopportun et grisâtre je coupe les fils
13 octobre 2018 soleil déjà clair le ciel s’habille en bâillant de nuages roses
je voudrais courir sur l'échine des collines roussies par l'automne
c’est un jeu pour lui il croit que le tronc trop mince le cache à mes yeux
amadouer la garrigue et capturer son parfum mais je n'ai plus l'âge de traverser les kermès d'un éclat de rire
taille des yuccas ils vont sécher tout l’hiver avant le broyage
le soleil me brûle il ne m'illumine plus au bout de la route impotent et sans vigueur je subis le crépuscule
premier jour de pluie les collines ont souri saluant l'automne reflets sur l'étang — les feuilles vertes encore en oublient l'automne
reste le sourire de quelques moments joyeux et brillants d'enfance
touristes partis — les vagues moins timorées assaillent le sable
de ces souvenirs je ne peux faire une histoire mais ils sont ma peau ma chair mes os ma charpente grâce à eux je me tiens droit
je l'appelais ombre partout elle me suivait la mélancolie
et face au soleil qui se lève encor' pour moi je souris toujours
peu à peu la ville taille en pièces les collines comme un rat vorace
douceur de l'automne — elles ne se cachent plus du jour les tarentes
son cri met au pas l'indolence du silence couvre les parfums d'une couche de bitume qui étouffe les cigales
l'ombre de mes lèvres se pose au bord de mon verre — la lanterne danse
et pourtant la ville a une âme qui palpite dans les nuits humides qui s'empare de mon âme et pleure ou danse avec elle
l'ombre de mes lèvres comme un papillon de nuit posée sur ses lèvres sur la cendre ardente d'une terre à l'agonie des hommes festoient
quand je l'habitais c'est elle qui m'habitait de son souffle chaud
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je l'aimais pourtant comme un amant insatiable mais j'avais peur d'elle
j'aimais cette plage une plage de galets jamais surpeuplée
j'ai quitté ses rues mais elle m'a poursuivi jusque dans mes rêves dans l'odeur de la garrigue et dans l'ombre des pinèdes
ça a bien changé car à présent tous les corps bronzent sur la tranche un jour nous avons marché bien plus loin sous la falaise jusqu'à une petite anse de rochers tombés
14 octobre 2018
et c'est enfin là sur la dalle presque plate que nos corps ont lui
une mince fente dans l’épaisseur des nuages le ciel ouvre un œil
elle était mon île et cet arbre sous lequel l'ombre était si douce
un chat sur la tête dans un cadre plein de bruit mon chat impassible
mes ailes de nain ne peuvent rien dans le vent sourd de la mémoire
tous les verts se fondent dans l’instable crépuscule d’un silence mauve
il est difficile de séduire un papillon sans briser ses ailes
craignait-il la pluie sous la table de l’auvent — partout à sa place
15 octobre 2018
le feuillage danse sous les caresses du vent — bal de fin d'année
un matin froissé le soleil le sais plus où est sa brosse à dent
je n'ai plus l'espoir de courir dans les collines — mon corps m'abandonne
un brin de toilette après la courte balade dans le vent mauvais
on sait qu'elle est brève en tirant le dernier brin — la vie courte-paille
c’est le seul arbuste aux vraie couleurs de l’automne au nom inconnu
je l'attendais sur un banc dans le square de la poste nous allions jusqu'à la plage c'était en été
un coup d’œil derrière pour voir si le crépuscule est au rendez-vous
nous parlions très peu en fait je ne disais rien juste son parfum
la pluie tombait douce légère comme une gaze — mon regard s'embue
89
je n'ai pu parler à mon amie pourtant chère de cet épisode le lendemain le soleil avait estompé les taches
l'automne en octobre est un pays merveilleux — odeur de la pluie j'ai ramé si loin au nord de toute espérance — j'écope le vide
16 octobre 2018 le ciel ce matin quelques nuances de gris noyées dans l’eau sale
c'était en octobre il pleuvait sur les platanes de la contre-allée sous l'abribus trop petit nous échangions nos sueurs
dimanche il cueillait les olives à sa portée — il faisait très beau
serrés prisonniers de ces visages fermés nous étions blottis moi sur son manteau humide elle sur mon cœur battant
et le ciel étale fièrement cette grisaille à désespérer cuisses pour perchoir mon matou se croit léger comme un papillon
je l'ai embrassée quand le bus est arrivé et je l'ai quittée
la pluie a cessé et le ciel comme une ardoise colmate les brèches
plus serré encore sur l'étroite plate-forme je respirais mal
la soirée de soie dépose sur mes épaules des plumes de songe
un vieux porc soufflant s'est mis à coller de près mais j'étais si mal que je ne pouvais rien dire et encore moins bouger
j'ouvre ma mémoire comme les pages cassantes d'un livre épuisé
mon cerveau vidé et mon visage trop fin me jouaient des tours
dans les mots salis que trace sa main tremblante il y a du sang
après trois arrêts la plateforme se vide éjectant le mec sur le trottoir détrempé alors j'ai pu respirer
longtemps j'ai été même au soleil de midi un homme sans ombre des joies et des peines avec mon ombre à présent j'en écris les fables
arrivé chez moi je me suis mis à pleurer dans ma chambre close rageant contre mon silence et cette bestialité
17 octobre 2018
90
soleil en colère il repousse hors de son nid le gris des nuages
18 octobre 2018 lever du soleil — d’un souffle majestueux il part en voyage
le tapis d’aiguilles sur lequel il s’est couché doit être bien doux
il frottait ses pattes dans le pot de basilic — comme il sentait bon
une pie glaneuse dans la tache de soleil — elle semble inquiète
traversant l’espace au-dessus des oliviers une pie muette
mon gros chat somnole mais il sait que je suis là pour veiller au grain
regard sans douceur — quelquefois on se demande ce qui le tracasse
parfum de la pluie les arbres sont envoûtés et le ciel larmoie
soirée indolente — le chahut de la vallée s’estompe et murmure
délicieusement mélancolique l'automne invite Verlaine
la terre se venge et les hommes ont perdu leur humanité
les bruits sont feutrés par la brume indiscernable qui flotte des arbres
personne ne donne mais les plus goulus exigent toujours plus encore
il repassa son col de chemise la lame du rasoir et enfin l'arme à gauche
l'orgueil veut l'espace mais il est vain d'espérer secours des étoiles
pas doué pour le tir à l'arc ni même au fusil d'assaut j'ai choisi le tire au flanc précieuse paresse
la terre se moque que l'air devienne goudron d'être bleue ou sombre
l'histoire fut courte il suffit de peu de mots : ce fut un été
elle tournera jusqu'à la fin de son temps sans le bruit des hommes
j'enfourche mon rêve je galope dans la nuit et je me rendors
elle tournera encore encore et encore vide et sans Histoire
une brève averse vient inonder mes pensées — ténèbres d'automne
j'entends le silence qui craque tout doucement dans la nuit d'automne
la nuit sent la mort elle sent la pourriture des rêves perdus 91
toute joie se paie et un amour partagé bien plus cher encore
feuilles de figuier — avant de tomber à terre elles prennent peur
gouffre des années dans lequel je suis tombé tête la première
d'une branche à l'autre elle s'accroche et me suit la lune implorante
malgré mes années je n'ai pas suivi mon cœur seulement la pente
j'étais un têtard que nourrissait l'espérance me voilà crapaud
comme une allumette qui se tord après la flamme qui se tord et meurt
il pleut sur la vigne et le raisin moins sucré cède un vin amer
un fil trop ténu nous a maintenu pourtant sur ce pont instable qu'elle a traversé d'un bond tandis que je m'abîmais
19 octobre 2018 ce matin les nues semblent avoir pris la clé des champs et du ciel
c'est la vie qui court bien plus vite que nos ombres la vie simplement
double égoportrait — en fait nous ne sommes qu’un — avant le pastis
je voudrais qu'il m'aime comme on aime d'amitié mais ce n'est qu'un chat
le ciel clair encore juste avant le crépuscule — automne indulgent
j'ai lancé les dés ils sont sortis de la piste — avec qui danser ?
avec nonchalance sur le gravier il s’étire — fin d’après-midi
20 octobre 2018
la vallée est triste — les clochettes du muguet inclinent leur tête
que disent les runes avec la vapeur diffuse d’un ciel enroué
le soir m'appartient je ne le cède à la nuit que contre un poème
là sur mon fauteuil il enjolive les rêves que je ne fais plus
je suis mal assis — cette barre dans le dos qui tord le dossier
les vieux lauriers-roses essaient de garder pour eux leurs dernières fleurs
la vie suit son cours de minuscules souffrances en grandes douleurs
entre ciel et tuiles il somnole en équilibre assis sur l’arête
92
l'été était tendre il m'a permis de l'aimer à n'en plus finir
la photo vieillie qui semble sortie de l’ombre intrigue mon chat
des ombres lointaines s'entremêlent sur le mur frissonnant à peine
et le soir venu seule la forme des nues a changé l’espace
dans un pot de terre des pensées ont pris racine — j'ai dû les tailler un pot ce n'est pas la place de fleurs libres et sauvages
jaune inflorescence sur le profil de mon chat — faut changer la lampe le vent s'est levé — une averse de glands tinte sur la terrasse
je marche derrière mon vieux père et nous aurons alors le même âge
ce soir est plus frais et la nuit qui m'emmaillote remonte mon col
un rayon de lune emportera pour bagage tous mes souvenirs
murmure du vent dans les arbres qui gémissent -plaintes de l'automne
comme un dard aigu les arômes du jardin me clouent au poteau l'histoire claudique — à force d'être contée elle a mal au pieds
au bout de la digue le fanal cligne des yeux pour m'ensorceler viens dit-il viens dans les vagues les rochers te berceront
des mots des fadaises que je pose bout à bout pour remplir le vide
je connais trop bien ce langage aigu comme une lame de rasoir
je suivais sa trace le long des sables mouvants et mes souvenances
je pose les rames et lui oppose mon dos mais la barque tangue
mes cent jours à moi furent cent jours de bonheur sans restauration
voilà que le jour qui se lève le bâillonne et gifle la nuit
21 octobre 2018
je m'éveille enfin mon corps est couvert du sel d'une mer de peurs et de terrible attirance pour les abîmes sans fond
or rien dans le ciel ne laisserait présager que rien ne se passe
tous ceux qui se suivent ont des problèmes d'ego oui eux sur Twitter 93
la plage accablée de soleil l’odeur de sel et de résine nous ont secoués en plein sommeil dans l'enfer des trombes marines
mon chat un peu triste pose encore ce matin un regard inquiet
22 octobre 2018
un trou dans le ciel par lequel passe la lune et ses fils d'argent
le pays d’octobre ne s’en laisse plus conter — il se grime en gris
a hole in the sky through which the moon is crossing with her silver sons
il quêtait l’été aux fenêtres périlleuses et il s’endormait
fraîcheur sous l'auvent — la nuit me prend par la main elle est sèche et froide
le lierre amoureux d’une lanterne rouillée — un conte d’automne
sur les joues des fées reste la trace salée de leur vie de femme
sur la mezzanine aussi il étire son dos et bat la mesure
trahi par la lune qui éclaire le chemin un rêve s'efface
dans cette nuit claire je ne sais plus où poser mon sac de ténèbres
respirant à peine je guette les battements de mon cœur usé
j'aime me lover dans l'âpre mélancolie — murmures d’automne
tapie sous les chênes je sens l'ombre qui me guette dans le clair de lune
je ferme les yeux quand les étoiles dévoilent leur lueur intime
24 octobre 2018 je sème ma route de tercets mal apprêtés de mots équivoques
sur l'étrange estran des marées mélancoliques des cônes de rêves
compagne éphémère la lune revient pourtant arroser le ciel
l'averse est venue depuis le cœur des nuages abreuver la terre
23 octobre 2018
années de lycée — c'était un temps d'amourettes brèves et dolentes
je fais une pause — le premier jour s’est levé d’une courte pause
les allées glissantes — sur les feuilles de platanes mon pas hésitant
94
les quelques étoiles qui veulent narguer la lune sont bien téméraires
il sourit encore puis son visage se ferme — la porte qui claque
nager éveillé dans le flux des souvenirs — mon sport favori
sur le ciel obscur j'imagine un grand navire mais ce n'est qu'un ange
j'aimais son sourire et le souffle de ses mots — j’aimais cet été
le ciel est si clair et cette lune embrumée parait si soucieuse
sur l'arête aiguë de ses dernières paroles j'ai perdu mon sang
elles tuent le ciel et emprisonnent la lune les nues de l'automne
25 octobre 2018
tarentes absentes sous le voile de l'auvent — l'hiver fait un pas
26 octobre 2018
automne indulgent — la journée était si belle au soleil d'octobre
heure de l'auvent — je m'en vais à la rencontre d'un obscur silence
un banc une allée — le soleil sur son visage un vieillard sourit
sur le ciel blafard la silhouette des arbres devient menaçante
il se voit marcher sur la même allée luisante il avait vingt ans et il venait d'acheter ce disque qu'elle aimait tant
le ciel était jaune juste avant que ne s'abatte une pluie de sabres
il la voit au loin qui s'avance et qui sourit serrant un sachet
les dernières nuits d'un automne bienveillant je veux m'en repaître
il lui tend le disque son sourire devient rire en ouvrant ses bras le sachet qu'elle lui montre contient un disque identique
la nuit s'emmitoufle — opulente houppelande douillette des nues du ciel sans espoir tombe une pluie aussi fine qu'un fil de rasoir
les gens se retournent sur leur joie sans retenue communicative deux fois le même cadeau au premier anniversaire
27 octobre 2018
95
clin d’œil matinal — de la poussière de rêve glisse des paupière
il cherche sa place en laissant dans la poussière des traces de pas
dans le soir qui tombe la tourterelle s’accroche au fil pitoyable
le ciel chiffonné ne laisse pas un seul doute sur ses intentions
il ne change pas toujours la même posture la même distance
c’est un ambitieux il va de plus en plus haut même pour manger
fraîcheur insistante — sous l'auvent l'hiver a mis un pied dans la porte
l'averse finie les odeurs semblent figées par la nuit peureuse
la lune embrumée semble prise de frissons troublés de nuit froide
enfant je courais sur le sable d’une plage de rêve impossible
une brume humide étouffe même les sons de mon propre corps
les galets luisants ricochaient vers l'horizon où ils s'égaillaient dans le désordre salé des vagues et du soleil
la pluie a laissé les arbres pétrifiés et dégoulinants
parfois je restais somnolent comme un vieux phoque sur le sable nu je regardais le lointain et le néant me berçait
des lambeaux de brume se glissent dans la lumière froide de l'auvent ce n'est pas l'hiver mais après tant de caresses l'automne est bien fourbe
j'étais un enfant je ne voulais pas grandir je fermais les portes aux années qui voulaient mordre dans la chair de mon présent
la lune s'allume dans son beau manteau de brume et rit de mon rhume
je ne savais pas qu'on ne freine pas la course des nuits et du temps
souviens-toi ma belle comme il pleuvait sur Marseille quand on s’embrassait
me voilà vieux phoque déchiré par les hivers sur le dernier quai
28 octobre 2018
je regarde encore se lever de l'horizon les galets jetés à la face du soleil toutes ces aubes perdues
je suis à côté à droite de nulle part voilà mon chaos
96
une ancre rouillée cherche encor mon cœur d'enfant pour s'y arrimer
un fond d'améthyste le ciel est rose ce soir — souvenir de soie
…et je me souviens que bien au dessus des nues brillent les étoile
la pluie et le vent ont accordé leurs violons ballade d'automne
29 octobre 2018
il faisait trop froid je suis rentré sous la lampe silencieuse et lente
Garlaban s’embrume dans les entrelacs lugubres des nuages froids
la pluie inlassable trace sur les vitres froides un sombre message
dehors il pleut trop il s’endort sur un coussin et oublie la pluie
j'étais sans constance et maintenant je suis seul à craindre le froid
le ciel était sombre la pluie tombait sans répit sur mon âme grise
pénombre complice dans le fauteuil défoncé je pèse mes mots
à côté de moi il laisse filer le temps et rêve d’espace
"la chambre d'ami" sur le lit dort mon complice ce chat insouciant
une pluie si froide qu'on dirait que des aiguilles cousent mon visage
au cœur de la nuit il viendra tout contre moi ”par pure amitié“
puis le vent s'en mêle des dents glacées et humides me rongent les os
pour l'instant j'écoute le silence de mes tripes un verre à la main
c'était un automne qui se prenait pour l'été l'hiver le corrige
et un de ceux-ci finira bien par m'avoir au détour d'un rot
des gifles cuisantes venues du fond des ténèbres traversent l'auvent
ne trouvez-vous pas que pour un vieil alcoolique j'ai bien fait mon temps
pourtant bien couvert tout au fond de moi l'hiver me gerce les tripes
30 octobre 2018
je revois encore son sourire parfumé de chant de lavande
ce matin le ciel scintillait comme un diamant dans de l’eau glacée
97
retour des nuages — une serpillière sale sur un sol malpropre
il vient de rentrer avec dans ses poils floutés l’eau des herbes hautes
il joue au soleil et il fixe le calcium tout en même temps
les olives luisent délavées par les averses drues et incessantes
c’est un jeu qu’il aime et si ce n’étaient ses griffes ce serait bien doux
quelques coups de langues il fignole sa toilette avant de dormir
Qui se souvient, Pivot vs Bukovski ? Ah, Pivot sait lire, très bien même, mais Bukovski sait écrire ! Un écrivain sobre, c'est un clerc de notaire (je les admire ! Ouf, je m'en sors bien, non ?)
l'auvent fuit un peu une goutte sur la tête je mets la capuche voilà bien des jours et des jours qu'il pleut à verse je sens le moisi
manteau de la nuit frissonnant d'humidité les nuages piaffent
ma mère disait qu'il lui poussait des branchies quand il pleuvait fort
une phrase vient — d'un regard je la soupèse je compte ses pieds
dans combien de jours la pluie va-t-elle cesser une quarantaine
bancale souvent je l'abandonne à son sort de vain bavardage
il fait doux pourtant — juste l'odeur de l'automne et d'herbe mouillée
bruit de la vallée ce soir il est insistant le temps change-t-il ?
répit de la pluie le fracas de la vallée brise mon repos
les façades grises luisantes de longues pluies semblent se dissoudre
la nuit apaisée a repris son ancien rôle de point-virgule
dans le vieux Panier les commères aux fenêtres se traitent de putes assises sur leur pliant les veuves en noir approuvent
le train de nuit glisse sur des rails que j'imagine luisant sous la pluie
01 novembre 2018
31 octobre 2018
il se fait la belle — mais il est vite repris par les surveillants
la pluie tarde un peu mais dans le ciel en colère les nues se déchirent
98
je l’ai mis au lit — sans être vraiment d’accord il s’est endormi
plusieurs fois encore nos verres se sont vidés dans un grand silence
à travers le fenestron de l’étroite mezzanine je compte les hallebardes tomber sur midi
je titube un peu elle me suit dans la chambre titubant aussi et quand j'éteins la lumière elle a déjà pris ma place
sur mon ventre il pose son regard sur moi — je fonds comme un chocolat
je vais rêver d'elle — mon ombre qui le saura essuiera mon front
retour du silence — les tuiles ne claquent plus des dents sur le toit
novembre déjà — la tarente sous lampe ne s'en doute pas
odeur de la terre et de l'herbe détrempées sous l'auvent humide dans la nuit frileuse les carreaux de la terrasse timidement luisent
02 novembre 2018 là-haut rien ne change — les nuages sont collés sur un ciel sans joie
sous l'abri de bus j'attendais de la rejoindre et un rhume vint
mon chat est rentré accompagné d’une odeur d’automne et de pluie
les odeurs sont froides tranchantes comme la lame d'un poignard sanglant
ce vert tout ce vert qui envahit le jardin jusqu’à la nausée
la nuit est épaisse et noire comme un canal d'encre filandreuse
sur le bord du toit il interroge le vent juste après la pluie
mes os me le disent je sais qu'elle finira l'histoire sans fin
la fraicheur humide qui enveloppe l'auvent se perd sous mon pull
j'ai fini mon verre et il ne fait pas si froid je m'en sers un autre
nous irons plus loin que les vastes marécages et nous nous perdrons
mon ombre se dresse puis s'assoit sur une chaise et trinque avec moi
l'ivresse passée il faudra bien ramasser les éclats de rire
nous levons nos verres moi de l'avoir pour amie elle d'être une ombre 99
tous les soirs je tarde à croiser mes cauchemars au bord du sommeil alors je reste éveillé et je m'abrutis de rêves
il vient de rentrer couvert d'aiguilles de pin et d'odeurs de nuit au soleil de midi elles étendent leurs ailes frêles pâquerettes
every night I'm late to meet at the edge of sleep my awful nightmares I stay awake a long time and I am drowning in dreams
elles se referment et dans la fraicheur du soir rêvent d'une étoile
sans autre lumière que la lampe de l'auvent pour pouvoir écrire tous ces mots sans importance et éclairer mon chemin
un vieux promeneur laisse des traces luisantes sur le pré humide bernés par la pluie deux vers de terre enlacés sèchent sous l'auvent
elle avait mon cœur en bandoulière sur ses hanches et elle courait
déposés dans l'herbe ils ont laissé dans ma main des traces de boue
sur l'étroit plongeoir je me prépare au grand saut — y a-t-il de l'eau ?
la solitude est un état d'esprit une façon de ne plus voir le monde l'avoir connu en le sachant immonde et d'être loin de tous les malappris
on the diving board I am preparing to jump — is there some water?
la nuit son silence remplit mon corps du vacarme de mes acouphènes
03 novembre 2018
je suis batelier d'une barge au fond percé où se noient les mots
ce matin le ciel dans sa robe de nuages sentait la lavande
ce rêve est étrange il me semble si réel que j'en perds le souffle
dans la chambre tiède profitant de la pénombre il s’est rendormi
parfois il m'arrive de me souvenir des rêves d’une vie passée
silhouettes sombres contre le ciel de midi fantômes de bois
au fond de l'estuaire une plage sans lumière ensable nos corps
lentement il ouvre sur le monde dont il doute des yeux soupçonneux
100
je l'avais remplie à la citerne rouillée avant de partir
04 novembre 2018 j’ai un peu triché le ciel est plus gris que bleu dans mes yeux malades
mais c'était si bon que le goût importait peu et j'en buvais moins
on dirait qu’il dort mais sous ses paupières closes il critique Kant
je redescendais glissant sur les éboulis c'était mon bonheur
novembre et les chênes qui répugnent à l’automne toujours aussi verts
et à la colo quand je me pointait tout seul on me punissait
il pose sur moi un regard tellement flou que l’appareil tremble
pas de promenade mais je m’en foutais vraiment j’avais eu la mienne
le vent s'est levé il bâille dans les feuillages déjà endormis
autour de la lampe un frelon à pattes jaunes trouble la tarente
j'aimais la garrigue sous l'écrasante chaleur des étés d'enfant
novembre pourtant des frelons et des tarentes on en croise encore
une odeur de thym de laurier et de poussière collait à ma peau
05 novembre 2018
entre les cailloux des kermès cuisants rampaient pour chercher de l'ombre
un oiseau prend peur et s’élance vers les nues d’un ciel incolore
les pins étaient rares ils avançaient par bouquets dans les éboulis
est-il vulnérable lorsqu’ainsi il s’abandonne au sommeil profond
leur ombre brulante pleine d'odeur de résine coulait sur les pierres
le figuier comprend qu’il va traverser l’hiver nu et torturé
soufflant transpirant j'appuyais mon dos raidi sur l'écorce rouge
posé sur mon ventre il craint que je ne m’envole alors il s’accroche
de ma gourde pleine je buvais avide une eau au goût de ferraille
d’un petit murmure je peux rafraichir le front d’un enfant fiévreux
101
with a small whisper I can refresh the forehead of a feverish child
06 novembre 2018 la pluie de novembre assaille les toits glissants froide et incessante
sur la verrière une pluie fine tapote de ses doigts légers
chaleur de la lampe qui se perd dans son pelage en couches d’orange
il vient de sortir une brève et vive averse le fait hésiter
quelque fois le ciel d’un ricanement cruel nous promet l’espoir
puis il s'enhardit et s'enfonce dans la nuit et l'herbe mouillée
il n’est plus chaton mais il me prend pour sa mère avant de dormir
quand reviendra-t-il c'est toujours un grand mystère pour moi insoluble
encore une averse sur les dalles de l'allée couverte de mousse
par bonheur je sais qu'il ne va jamais très loin dans le grand jardin
au bout de la digue il l'a regardée figé piétiner ses rêves
il a dû trouver une tanière abritée dans laquelle il rêve
du grand paquebot il ne reste à l'horizon qu'un point sans réponse
comme tous les chats négligeant mon désarroi il pense à lui-même
je ne sais pas lire — tous les mots qu'elle écrivait étaient des énigmes
puis il rentrera quand je serai las d'attendre et serai couché
l'histoire fut brève quelques jour d'un seul été très vite oubliés
après ses croquettes il viendra alors trempé dormir contre moi
je n'aime pas exposer le fracas de mes défaites mais je n'ai pas de victoire à faire valoir
je pourrai ainsi m'agrippant à sa tendresse affronter mes ombres les nues se dispersent entre leurs blêmes contours glissent les étoiles
07 novembre 2018 feuilles toujours vertes — en profitant des averses l’automne se grime
puis la nuit s'apaise plus de vent de pluie de bruit mais le lourd silence 102
il en a assez il aimerait bien sortir sans mouiller ses pattes
quelques gouttes frappent les tuiles mal ajustées — bourdon de novembre
le ciel est si sale que les pies qui le traversent sont comme des taches
une veine noire pulse sur sa tempe raide — son cœur bat encore
ce regard dehors au travers de la fenêtre rayée par la pluie
enfant il rêvait aux merveilles de la vie — il ne rêve plus
la mélancolie dans le calme de la nuit larmoie doucement
le ciel en jachères — les étoiles oxydées pleurent la lumière
depuis tant de jours il attend au bord du quai que s'arrête un train
08 novembre 2018
posé sur le sol le sac de ses souvenirs ne pèse pas lourd
le ciel est rayé de multiples coups de sabre — il garde son calme
il n'a pas d'amis et sa famille le hait c'est un solitaire
plus jeune il portait un collier qui lui allait — mais il a grandi
il fuit son passé il n'a aucun avenir le présent lui pèse
des faux plis encore — pour le beau temps aujourd’hui on repassera
il attend un train qu'il ne prendra même pas un train vers l'orage
petite toilette avant d’aller sur son lit et faire la sieste
il est devenu fantôme dans cette gare oubliée du monde
au bord du chemin ont poussé des pâquerettes — le vent les salue
il hante les salles le ballast et les wagons qui rouillent sur place
je ne sais que faire de ma carcasse bouffie de mélancolie
un vieux lampadaire dans la nuit humide et froide qui tremble de brume
tantôt je la pose entre des mots mal écrits tantôt je l'arrose de larmes et de whisky j'essaie de gommer la nuit
des lombrics s'égarent sur la terrasse luisante de mauvaise pluie 103
quelquefois je sens son souffle tourner les pages fragiles du livre que je n'ai pas su écrire une vie d'hésitations
souper dans la nuit — sur la paillasse encombrée il n’hésite pas une étoile conte son histoire galactique aux arbres prudents
mais je l'aime bien elle me tient compagnie comme un feu de bois comme un chat sur les genoux quand l'hiver grogne dehors
le ciel se découvre la nuit épouse un vent tiède — un douillet novembre
tous deux sans gémir nous traversons immobiles le poids des saisons
au loin dans mes rêves les lumières transparentes du palais des fées
l'avoir pour compagne ce n'est pas de la souffrance c'est … je ne sais pas
elles brillent d'espoir il faut avoir l'âme noire pour ne pas les voir
les souvenirs vagues de mes sourires d'enfant puis la déchéance
en fermant les yeux je franchis le portail d'or et sa grille d'air
pas de nostalgie le temps passe et c'est la vie qui frôle la fin avec le rire ironique de celle qui a perdu
traversant la cour je marche sur des pavés de pure émeraude me voilà enfin au pied du dais de velours et de soie mêlés
sur la cheminée quelques pots d'étain lustrés puisent la lumière
souriante assise sur un trône en pain d'épice elle joint ses mains la reine des fées se lève et lentement lisse ses ailes de gaze
09 novembre 2018 combat de titans — le soleil prend l’avantage sur les nues fébriles
là je m'agenouille et pose mon front brûlant sur ses lèvres fraîches
un tour sur lui-même les doudous sont toujours là il peut se coucher
elle me redresse et plonge des crocs aigus dans mon cou pulsant
le chêne encor vert qui veille sur le vieux banc se rit de l’automne
je m'éveille brusque et vois dans ma main le sang d'un moustique énorme 104
au fond de l'abîme quand mon corps aura tiédi je dirai encore ces mots d'un été d'arômes qu'on a si mal entendu
le soleil tombait lentement sous la courbure de la mer immense je me le rappelle elle saisissait ma main et me souriait
pensif sous l'auvent la nuit me paraissait douce cet automne encore
elle la posait sur sa cuisse sèche et nue il faisait plus sombre
profondeur du noir que quelques étoiles le teintent d'éclairs minuscules
mes doigts lentement sans que je m'en aperçoive glissaient vers sa source alors nous allions à l'intérieur sur le lit mêler nos embruns
10 novembre 2018 le soleil se hisse au-dessus du ciel de zinc sans grand enthousiasme
le soleil caché avait laissé sur nos peaux l'écume des vagues
somnolence amère je viens de lui dérober une proie vivante
le ciel cette nuit garde entre ses nues le chant du cœur des pétales
dans le vieux figuier les grandes mains de l’automne commencent leur œuvre
une nuit d’automne sans ombre et claire pourtant sous l'auvent chantonne
vigie sur l’arête du toit il n’est descendu qu’à la nuit tombée
ah ces souvenirs qui se pressent à la porte de ma somnolence
les pieds sur la chaise posé en face de moi le temps se murmure
un rat de labo — je cours dans mon labyrinthe rongé de cancers
mes pensées oscillent sur les vagues qui berçaient le lent crépuscule
11 novembre 2018
une odeur de sel d'algue et de lumière rouge caressait nos yeux
un temps d’armistice — le bleu et le gris répondent la même défaite
assis sous l'auvent d'un modeste cabanon nous fixions l'horizon
un grand bol d’eau fraîche vite puisée à la source pour chasser les miasmes
105
pendant seize jours entre matin et midi vue sur Garlaban
12 novembre 2018 encore un matin où le ciel s’est défaussé de sa carte bleue
être au garde à vous en ce jour de l’armistice c’est de bonne guerre
il a eu la flemme de monter jusqu’à la chambre — resté au salon
une nuit de laine — il fait doux comme au printemps l'espérance en moins
les feuilles de chêne qui prennent part à la fête se parent de cuivre
couette de nuages — le ciel prend soin d’une terre glissant vers l'hiver
si de temps en temps il redresse un peu la tête c’est pour respirer
le ciel est opaque — quelques étoiles s’obstinent à rompre le charme
à l’autre bout de la terre c’est un beau jour de printemps ici l’automne s’incruste et la nuit patiente
doucement il bruine — une tiède humidité rampe sous l'auvent le ciel parait clair — il a pris la couleur nacrée d'une perle sombre
13 novembre 2018 l’horizon s’approche chaque matin un peu plus — ciel mélancolique
les arbres ont pris une posture guerrière — samouraïs de bois
quand il s’abandonne dans le sommeil sur mes cuisses je ne bouge plus
le vent s'est levé il a repoussé sa chaise et s'en va au loin
je marche à pas lents pour laisser aux pâquerettes le temps de s’ouvrir
nous marchions ensemble sur le chemin sans ornières et j'ai trébuché
pendant un moment le bleu du ciel a déteint sur les nues livides
le museau dans l'herbe je sentais l'odeur puissante de la solitude
il a retrouvé au dessus du radiateur son panier d’osier
we walked together on the road without a rut and then I stumbled
peu à peu novembre devient ce qu’il devait être un mois dans l’automne
muzzle in the grass I felt the powerful smell of the loneliness
106
ce bruit dans ma tête un torrent impétueux roulant des rochers
cil dans l’œil du ciel — le maquillage a coulé sur les cotons sales
au bord de l'abîme une humanité obèse compte ses deniers
sur la mezzanine là où il est à l’abri il reste aux aguets
novembre en roue libre — au pied du vieux cerisier un tapis de cuivre
le genévrier a pris une telle ampleur qu’il nargue l’automne
les fruits des épines qui fascinent les oiseaux tintent sur les feuilles
sur le banc de bois pause après la promenade il va s’endormir
après tant de pluie l'herbe est si verte et si drue que j'ai la nausée
dans mon vieux fauteuil je me conte des histoires à dormir debout
dans la haie d'épines les petits oiseaux se gardent des griffes du chat
au bord du cratère j'hésite encore un instant avant de sauter
sur le mont du nord un vieux fou sème ses rêves pour l'apocalypse
mes cendres s'envolent et des milliers d'escarbilles toussent dans le ciel
douceur de novembre — quand le gel était de mise j'étais un enfant
dans les turbulences un grand oiseau de lumière peu à peu prend forme
dans mes tripes la nuit complote on ne sait quel fatal désastre
le cœur rougeoyant dans la poitrine de flammes bat frappe et scintille
il neige des plumes tous les anges foudroyés ont laissé les leurs
les ailes se tendent entre les deux horizons sombre et lumineux
il reste prostré au milieu des ruines froides d'une nuit sans fin
des plumes de bronze s'agitent et virevoltent dans l'enfer de lave
la terre a vomi cendres et vagues ardentes de ses bouches mortes
l'oiseau gigantesque se dresse sur ses ergots et prend son envol
14 novembre 2018
battant l'air ses ailes éclatent comme un tonnerre dans l'orage sec 107
dans la nuit il grimpe jusqu'aux étoiles vaincues et il prend leur place
le jardin ne sait de quelle couleur farder le ciel et les nues
une bûche roule sur la braise incandescente je m'éveille alors
patient il attend que j’enfile mes chaussures pour la promenade
le verre m'échappe et glisse sur les carreaux je m'en sers un autre
à travers la vitre je le regardais s'enfuir le temps qui comptait
sous l'auvent reviennent ces étés quand je courais entre les arômes
je ne bougeais pas dans cette immobilité il fuyait moins vite
j'étais le captif d'une flamme d'allumette un fétu de cendre
la nuit me harcèle de mauvais rêves des dards à couper le souffle
la nuit de novembre — bercées de lumière rousse les étoiles bruissent
je revois ses yeux brillants comme de la houille deux poignards de jet
il est temps mon cœur d'oublier cette saison où nous geignions tant
l'auvent a fraichi le temps se met à l'automne — mes mains dans les poches
direction nord-ouest — dans la nuit déboussolée mon regard se brouille
un léger frisson — une pluie de feuilles mortes recouvre le banc
je ne pleure pas c'est juste ma souvenance qui rêve de pluie
je reste incrédule sur la carte de l'espoir le nord est absent
enfourchant un rêve j'ai traversé des pairies d'herbe empoisonnée
puisqu'il faut rêver je rêverai donc de vous et vos yeux de boue
15 novembre 2018
le vent soufflait fort mes yeux se sont embrumés au bout de la digue
les olives vertes sous la protection des chênes lentement murissent
la nuit est novembre — à l'ouest la lune se couche sur la grande ville
perdu dans le vague son regard a effleuré l’écho du mystère
night is November — far west the moon is setting on the big city 108
l'histoire s'achève aux trois points suspendus au cou de mes rêves
l'hiver vient d'un coup comme est survenu l'automne de ma vie bancale
16 novembre 2018
j'ai rêvé ma vie plus que je ne l'ai vécue et je me réveille
toc-toc c’est l’hiver qui vient frapper à la porte — le diable l’emporte !
malgré les lainages j'ai froid et mon cœur se gerce entre ses fissures
runes dans le ciel — poèmes venus du nord sur un bleu lavande
je rêve souvent de ma vie froissée passée d'un écueil à l'autre
vue aérienne du doux minou dans ses œuvres — le coussin consent
je m'assois parfois sur la berge monotone d'un fleuve d'espoir
la langue de braise ce soir lèche les collines comme un sucre d’orge
faut-il que je loue pour un repos éternel un lit de torrent
petit tour dehors il s’abreuve un long moment juste avant la sieste
17 novembre 2018
un cœur immature joue dans mon corps de vieillard un air équivoque
le ciel ce matin dès l’aube s’est teint d’étain — ah journée de plomb !
le ciel s'ennuage et peu à peu il dérobe leur chant aux étoiles
pas d’ombre marquée — au milieu des couleurs ternes il doute du monde
quand j'étais archange j'affrontais mes vieux démons avec un crayon
fin d’après midi — le ciel peu à peu se couvre d’une laine sale
musique de nuit cacophonie des étoiles en plein désaccord
pesant sur mes cuisses il dort depuis tant de temps que j’en oublie l’heure
l'espoir s'est noyé dans la tourbière glacée de ses idées noires
je me suis couvert et j'ai replié mon âme sous l'auvent frileux
quand viendra le jour il pourra couper les fleurs brûlées par le gel
dans ce corps usé mes pensées respirent mal étouffant mes rêves
109
traverser le gué j’aurais bien aimé le faire sans rompre mes os
petit déjeuner sur la paillasse encombrée de torchons humides
une sombre histoire que je lis entre les lignes de mes chairs pourries
peu à peu l’automne grignote les feuilles mortes qui encor résistent
je ris sous l'auvent puis seul je lève mon verre aux jours qu'il me reste
un peu impatient il attend que je le peigne pour aller dormir
souvenir d'été sous un auvent minuscule la nuit était douce
l'ivresse me gagne — dans les profondeurs du corps rit un scarabée
je repense à vous qui m'avez fait entrevoir les portes du ciel
souveraine et nue dans les pins échevelés la lune frissonne
ne plus y penser ce n'est pas si difficile mais je ne peux pas
ce soir il fait froid emmitouflé sous l'auvent je cherche mes mots
ou je ne veux pas cette volonté m'échappe et vous restez là
je rentre mon verre mon mégot ma solitude dans la pièce vide
dans le creux des songes un cadeau inespéré au bout de ma vie
première froidure qui m’éloigne de l'auvent — l’automne est plus triste
je vous laisse alors à vos espoirs de bonheur je ronge mes ailes
j'ai mal à mes rêves que le froid tient prisonniers de mes doigts de glace
soyez donc heureuse dans votre avenir d'espace et oubliez-moi
sur la plage de cendre le corps d'un rêve perdu gisant dans la nuit
le temps me tamise — je ne suis qu'un grain de sable perdu sur la dune
on the beach of ash the corpse of a lost dream lying in the night depuis les étoiles le froid tombe sur les feuilles qui meurent d’ennui
18 novembre 2018 le ciel ce matin s’est levé en sifflotant sur les carreaux froids
l'espoir tout à coup comme un glaçon dans un verre craque et se fissure 110
the hope suddenly like an ice cube in a glass cracks and falls apart
c'était un hiver quand le ciel était brillant mon cœur insouciant mais cet hiver-là ma trace était solitaire le long de l'estran
19 novembre 2018 le dieu des nuages confirme la trajectoire — direction nord-ouest
je suis remonté vers le seul café ouvert je me suis assis
il resterait bien sur le couvre-lit douillet — réveil difficile
j'ai passé commande d'un grand bol de larmes chaudes et d'un horizon
les couches d’hiver s’empilent dans les nuages — c’est le froid qui danse
je n'ai pas compris que je n'étais qu'une étape pour son seul périple
sur la tiédeur douce de son coussin préféré il rêve d’été
20 novembre 2018
l’automne est vaincu — subitement la banquise lamine mes os
le soleil se lève dans les feuilles métalliques d’un journal d’automne
au bord de la mer je marche en frôlant les vagues et le sel d'hiver
qu’aurait-il trouvé qu’il n’aurait pas découvert avant la balade
dans un autre temps la solitude du sable brisait ma tristesse
requiem d’automne — sur les feuilles qui se meurent le bruit de la pluie
la plage déserte et l'inquiétude des vagues apaisaient mes nerfs
sous les yeux fermés juste un bout de langue rose — note en noir et blanc
engoncé de laine sous la ouate des nuages je narguais l'hiver
j'écoute la pluie qui gifle les feuilles mortes musique cruelle
je pensais galets et rêvais de ricochets j'oubliais un peu
le vent se rapproche il s'agite sous l'auvent et me jette un sort
nous avions laissé nos empreintes parallèles dans le sable humide
la lune égarée teinte le ciel de nuages d'un rose lugubre
111
la pluie sans violence couvre les bruits de la route — j’écoute l’automne
douceur de l'automne à peine si l'on entend gémir le feuillage
verrière percée un filet d'eau insidieux qui frappe à la porte
un novembre tiède parfum de la pluie cessée dans la nuit paisible
le chat est rentré — avec une odeur de pluie il court se coucher
murmures lointains d'une ville qui s'endort son âme apaisée
j'avais attendu sous un petit parapluie qu'elle me rejoigne
au fond des impasses personne ne s'aventure que la nuit discrète
la pluie était douce même en ce mois de novembre de platanes nus
des lambeaux de brume de hasardent dans les cimes des arbres frileux
je l'ai embrassée sous ce minuscule abri nous avons marché
j'ai posé ma veste sur le dossier de la chaise où pèsent mes rêves
nous sommes entrés dans le hall d'un cinéma c'était Love Story
voyez-vous le ciel qui dévore les étoiles — je vois un navire aux larges voiles tendues sur une mer de lumière
21 novembre 2018
entre les nuages la constellation de l'ange apparaît enfin ses grandes ailes ployées et la tête qui chancelle
l’arc-en-ciel s’élance pour couronner Garlaban — un pin l’en empêche je suis bien trop lent pour arriver à capter ses subtilités
signe des étoiles ou vision de mon esprit la constellation est le guide de mes rêves dans la nuit incandescente
je mets dans mes verres citronnier et un cactus sans bouger de place les feux de l’amour ne semblent pas perturber le sommeil du chat
Dans cent millions d'années on trouvera des traces du passage de l'homme mais qui sera ce "on" ?
c’était un dimanche dans le parc des enfants rient et elle est passée
22 novembre 2018
112
un œil de lumière entre les nues menaçantes — le ciel en sursis
entre deux sanglots j'ai commandé des croissants pour les éponger
un brin de toilette avant de pouvoir poser son tas de fatigue
des cafés encore et elle reprenait pied dans l’alcôve tiède
pilier du portail — une tourterelle hautaine remplace le lion
je l'ai ramenée tout doucement à sa porte et je l'ai laissée
cette fois ça y est il s’est très bien endormi pour de longues heures
je m'en suis allé comment pouvais-je lui dire qu'elle me tuait
un voile de soie qui tamise sa lumière et la lune danse
23 novembre 2018 il pleut ce matin — une pluie si paresseuse que les flaques rient
l'espoir émietté — des graines de tournesol lancées aux pigeons
mon sphinx d’étagère s’est réveillé en sursaut quand je suis passé
douce et silencieuse cette nuit enchanteresse apaise mon cœur
le figuier résiste à la charge de la pluie — il rouille pourtant
la lanterne oscille les ombres alors sont prises d'un muet fou-rire
à quoi rêve-t-il dans le flou de sa torpeur — c’est un gros bébé
nous avons marché dans la ville illuminée jusqu'à l'aube pâle
chat et moi tristesse — les feuilles ploient sous la pluie et nous sous les ans
dans le premier bar nous nous sommes étalés sur la moleskine
lentement il glisse dans l’abîme de l’oubli — auvent des arômes
devant un café elle a fini son histoire et je l'écoutais
les bruits de la route comme une marée furieuse montent sous l'auvent
son chagrin d'amour sa détresse sa tristesse tout y est passé
uniformément les nues recouvrent le ciel et mon âme grise
il l'avait plaquée elle a dit que j'étais seul à pouvoir l'entendre 113
vie à la dérive je ne sais comment barrer la mélancolie
la pluie s'impatiente elle gonfle dans le ciel et soudain éclate
entre les averses les battements de mon cœur des coups de tonnerre
la voila qui tombe une ruée de criquets humide et glacée
une nuit blafarde soumise aux haillons de brume coule sur les murs
tombereau de pierres qui déboule dans le ciel collines meurtries
elle avait mon âge ou un peu plus jeune à peine dans la même classe nos regards se sont croisés s'en était fini de moi
enfant il le fut mais déjà vieux avant l'âge il perd la mémoire
j'étais pétrifié jamais je n'ai pu lui dire ce que j'espérais de ses yeux de nuit profonde et son sourire de sainte
brume de novembre — tu repousses les volets tu frottes tes yeux
24 novembre 2018
mist in November — you push the window shutters and you rub your eyes
j'aurais bien voulu qu'elle fasse un premier pas un geste vers moi mais elle restait lointaine et son regard me perçait
une gaze fine divague entre les collines — bâillement d’automne
ainsi passa l'an les saisons et les semaines d'un mutique élan que jamais je n'ai su prendre et qui maintenant me blesse
retour au fauteuil une petite toilette pour veiller sur moi un ciel sans couleur sans espoir et sans courage couvre la vallée
assis et pensif vieillard de longue mémoire il conte en silence
les petits nuages ont tenté de s’évader de leur prison grise
il connais la fin de cette histoire inutile qu'a été sa vie
regard dans le vague ou dans son monde intérieur — je ne saurais dire
du fond de la nuit qui accompagne les rêves le tonnerre gronde
dans mon vieux fauteuil la lampe veille sur nous — je m'égare en moi
l'orage s'approche tous les arbres du jardin retiennent leur souffle 114
j'ai perdu le fil d'une pensée cabossée mon esprit cahote
c'était un été ce n'en fut qu'un seul pourtant mais c'est sans regret que nous nous sommes quittés sur le bord du souvenir
l'ordre et le désordre s'emmêlent puis se démêlent dans ma tête floue
25 novembre 2018
écoute mon cœur qui bat qui vient et s'en va qui bégaie parfois
des lames d’argent coupent des tranches de ciel au goût bien glacé
la nuit de novembre — elle glisse sous la porte son fardeau humide
il a l’air soucieux mais c’est un grand comédien qui cache son rire
dans le grand salon les silences vont et viennent — qui les comprendra
pas sorti ce soir alors un air de dedans pour garder le rythme
le ronron du poêle répond à mes acouphènes — inquiétant silence
position d’attente il surveille bien la brosse — peur que la range
fermant le volet je vois la lune embrumée me faire un clin d'œil
le vent est tombé sur le jardin de pénombre — les feuilles se taisent
nous nous étendions sur la berge immaculée dans nos nudités en plein soleil de midi l'été était notre otage
silence intérieur — les tremblements de mes doigts, sons imperceptibles peu à peu les feuilles ont parsemé le vieux banc sans couvrir ma place
sur les rives lentes du petit ruisseau d'argent nos pensées coquines qui crissaient comme le sable d'une plage des tropiques
les brèves journées avec si peu de lumière — tristesse des soirs
nous nous observions sous le coin de nos sourires et nous attendions les papillons de son ventre se sont posés sur ma branche
fraicheur de la nuit elle incommoderait presque la mélancolie je ne voudrais pas me laisser séduire encore par la fée mensonge
c’était un accroc la parenthèse magique dans nos vie réglées comme un papier à musique et les heures de repas
j'ai souvent dormi là où j'étais malvenu — le champ des sirènes
115
cortège de nues où conduisez-vous la lune dans les cris du vent
il n'était pas tard mais nous avions bien trop bu pour prendre la route
les bras du fauteuil où je cultive mes rêves sont glacés ce soir
près des Catalans au début de la Corniche un hôtel sans mine un hôtel pour les amants clandestins sans papiers
j'ai fermé la porte aux rafales sinueuses qui giflent l'auvent
la chambre sans charme ouvrait sur la mer le port et au loin les îles
c'est un vent d'hiver chargé de glace et de griffes un vent hors saison
la fenêtre ouverte nous avons fait un amour incommensurable dans l'odeur du sel d'hiver et la musique des vagues
grignotée la lune par le vent et la nuit froide ne se défend plus je reste prostré en compagnie du silence et le bruit du sang
j'ai prié le vent de faire le tour du monde sans me décoiffer
elle n'aimait pas cette allure de rêveur qui m'allait pourtant elle criait 'au menteur' que je trompais tout le monde
un sursaut de vent — sous l'auvent les feuilles mortes grattent à la porte dans le vieux fauteuil sous la lampe paresseuse j'embrasse la nuit
j'avais beau lui dire que je rêvais tout le temps que j'étais ainsi que la vie sans rêve était une impossibilité
26 novembre 2018 là entre les arbres se plaçant en embuscade — nuages sournois
elle n'en croyait rien me harcelait de questions sur leur profondeur leur épaisseur leur couleur mais que pouvais-je répondre
assis sur la table avant que je ne le brosse — sa moue de dédain
les jours et les nuits devenaient insupportables quand je m'aperçus qu'elle aussi était un rêve faisandé un cauchemar
avant de partir le soleil incandescent salue le jardin filé rotatif — vitesse lente ou rapide ça dépend pour qui
rugir dans les branches qui se vrillent de frayeur comme un lion en rut
116
il s'est endormi comme un vieux chat fatigué à bout de mémoire
on lui avait dit de prendre le dernier train sur le dernier quai mais ils se ressemblent tous du même gris uniforme
la lune papote et la nuit lisse les plumes des chats dans le ciel
dans le hall désert personne à qui demander pas une âme morte qui pourrait lui faire un signe seulement des courants d'air
vautré sous la lampe d'un doigt hésitant je tape encore un tercet encor quelques gouttes dans le fond du dernier verre qui en doute encore
il prends sa valise en hésitant malgré tout se tient sur le bord du premier quai qu'il devine à travers la brume froide
battre les volets ça l'hiver sait bien le faire et on s'y croirait
27 novembre 2018
saute sur la voie et s'assoit entre les rails alors il attend qu'un train n'importe quel train le prenne en pleine poitrine
le vent qui balaie à la porte du soleil me gèle les pieds
un hachoir d'argent découpe le ciel transi en éclats de givre
grasse matinée — lentement il se réveille sur mon coussin rouge
le vent s'est calmé il a laissé sa colère pourrir dans le froid
cette étrange lune qui roule au-dessus des arbres sans jamais faiblir
pays des sirènes les vagues sont trop salées pour ma langue tiède
position bizarre mais qui demande à un chat de se bien tenir
un petit fanal une lueur chancelante flotte à ma surface
la route fut longue mais presqu'arrivé au bout on la trouve brève
je suis océan vaste étendue de néant et de nuit épaisse
dans le hall glacial il pose un petit bagage sur le sol glissant et d'un regard somnambule il cherche le dernier quai
les fées sont assises tout autour d'un être étrange un glaçon ardent que faire de lui de curiosité leurs ailes frissonnent et luisent 117
si elles tentaient il pourrait très bien le faire réchauffer leur thé
douce souvenance des pauses sur le vieux banc après le verger
28 novembre 2018
le vent s'est perdu dans les chemins de traverse et je l'ai suivi
le soleil élève sa splendeur sur les collines battues par le vent
au-dessus des chênes le chant furtif des étoiles pour les feuilles mortes
il se fout de tout des déserts et des famines là sur son coussin
j'étais bien trop vieux pour cette histoire rebelle — j'ai claqué le livre
un petit montage pour voir la lune en plein jour ça me fait sourire
il pleuvait si fort elle n'a pas vu mes larmes quand elle est partie
parfois il s’éveille mais le plus souvent il est dans des limbes tièdes
dans le salon tiède je regarde la télé éteinte et j'ai froid
dernières lueurs d’une trop vieille chandelle — repos de la nuit
il pleure de joie ou de tristesse on ne sait — le clown sans lumière
un vieux chien malade — le vent s'est couché au pied de la nostalgie
il gratte le sel de ses ongles malhabiles sur ses joues sans fard
sur la table un livre une feuille et un stylo — désordre des mots
29 novembre 2018
la nuit doucement chantonne d’une voix froide pour les ombres blêmes
filaments de laine — le ciel avec prévoyance se tricote un pull
le rêve était grand des crêtes d'espoir pulsaient sur l’estran désert
debout sur la table sur laquelle il a dormi — réveil difficile
j'ai compté les nuits et les jours et les semaines jusqu'à l'abandon
j’ai éternué le monde alors a dansé du sol au plafond
j'oublie les années qui me pèsent sur l'esquine — j'avais dix sept ans
il va faire fuir à l’affût sur la terrasse un vol d’étourneaux
118
au fond de mes tripes comme un arbre solitaire l’hiver prend racine
de longs bois flottés nous avons fait notre havre et passé l'hiver
j'admirais le prince des crapauds qui regardait une libellule
nous mangions le sel qui collait à nos écailles et buvions la brume
posée sur son nez on aurait dit une fée sur son destrier
le gel et le vent courraient sur nos os de laine nous étions au chaud
au bord de l'étang moucheron inoffensif je craignait sa langue
l'été revenu nous avons repris nos corps de touriste ingrat
quand une rainette furtive vint dans mon dos m'avalant tout cru
j'ai toqué la porte mais personne n'a ouvert j'ai poussé la porte et la terre de ma tombe a comblé mon corps putride
le poète mange sa plume il ne restait qu'elle pour calmer sa faim une étrange histoire celle de mes souliers qui se mêlent de tout
30 novembre 2018 un ciel hésitant le soleil pousse la couette maintenant il pleut
au bord de la nuit la lenteur du crépuscule échange son or
somnolence lente — mais cependant il est vif pour chasser croquettes
nous étions des ombres qui lentement sans passion passions en décembre
est-ce bien l’automne avec le vert des cyprès et des oliviers
j'avais mon sourire encore au bout de sa langue et je l'ai apprise
combien de douceur dans ce regard qui franchit l’huis de mon regard
quand viendra la nuit d'ouvrir le livre de contes je n'aurais plus d'ancre
la soirée me pèse — cette barre sur le front comme une prison
un vaisseau d'argent vapeur de bric et de broc vient frôler la lune
là dans l'embrasure un petit rêve innocent tente une sortie
mêlant nos embruns nous roulions comme des vagues sur la mer de sable 119
je les tiens au chaud toutes les belles pensées que l'on m'a offertes
au bord du sommeil la nuit a repris sa place de douce compagne
cinquante ans déjà et on se secoue un peu — tenir la distance
le chant de la pluie sur les tuiles mal scellées frêle somnolence
par le fenestron la nuit tente une percée — j'ai ma lampe torche -
peu à peu la nuit glisse dans l'humidité des âmes frileuses
éclair de génie
toutes les histoires ont commencé dans la fièvre et fini glacées
sur le banc humide songeur je me suis assis saluant les feuilles
le vieillard ermite qu'hébergent les roches froides rêvait d’un été
elle allait légère dans son sillage luisait un doux parfum d'elle
elle était si belle avant qu'un sort ne la change en froide gorgone
cette brume froide qui se pose sur les pierres — soir de cimetière
le vent était froid quand j'ai couvert la banquise de baisers ardents
en suivant ses traces il avait atteint la source — elle était tarie
01 décembre 2018
je chantais au vin au soir qui tombe en automne aux amours défuntes
elle part du cèdre pour un vol dans le ciel pur l’ombre tourterelle
ce soir je suis ivre libéré de mon angoisse libre de rêver
nous nous réveillons il attend que je me lève — odeur du café
je nourris ainsi les deux crabes venimeux qui rongent ma fin
l’automne promène sa mélancolie amère dans les branches mortes
je suis fatigué de prendre soin de mon corps — pour ce qu'il m'en reste
il avait trop faim j’ai pris soin de sa coiffure pendant qu’il mangeait
je veux être ivre et si demain la douleur m'arrache la tête au moins j'aurais été libre pendant un instant fugace
des miettes de jours luisent encore dans l’herbe — un don de la pluie
120
02 décembre 2018
ils semblent figés réfugiés l'un contre l'autre comme une statue leurs vêtements dégoulinent d'une humidité salée
lumière dissoute dans l’enfer froid des nuages — je respire à peine il entrouvre un œil quand je bouge pour me lever puis reprend la pose
un grand bateau blanc vient se ranger tout près d'eux luisant de lumière je sors du bar je m'approche je m'arrête à leur hauteur
à l’abri des chênes les premières feuilles rousses soignent leur teinture
d'un coup de couteau rapide je les égorge et je jette à l'eau un passé sans avenir qui jamais ne s'est passé
début de la nuit dans un moment il viendra à côté de moi un froid crépuscule pointe ses rayons noircis au fond de mes yeux
l'eau grasse du port a englouti nos deux corps je revois encore le sang giclant de nos gorges pendant que je l'oubliais
dans le soir silence je déchiffre les cahots de mon cœur boiteux
il faisait si doux l'auvent était mon complice — je pensais à elle
assis sur un banc en haut de l'entrée du port la chanson des vagues
03 décembre 2018
épaisse tristesse d'une brume presque tiède posée sur mes yeux
le ciel embrasé de long filaments blanchâtres le jour bâille encore
dans un petit bar et le tumulte du port j'avale un café et un croissant en vitesse regard rivé vers le quai
sur le coussin rouge doucement il se réveille en bâillant aussi quelquefois l’automne se maquille de lumière se coiffe en printemps
la salle enfumée et moite mes yeux traversent la vitre graisseuse les palabres des dockers couvrent un peu mes pensées
un effet de nuit sur les taches du pelage le blanc paraît sombre
la salle se vide quand les chalutiers accostent sur le quai d'en face seul un couple d'amoureux patiente dans le brouillard
sous le crépuscule se cache l’âme assombrie d’une nuit d’automne
121
dans l'étroit silence se glisse furtivement l'envie de rêver
à l'ombre des étoiles s'épanouit un palmier sous lequel je rêve
les joueurs assis autour de la table immense ont posé leur mise
un petit vent frais pour tempérer la tiédeur de dessous l'auvent
le croupier cupide d'un geste ample et précis les attire à lui
sa peau d'abricot ses seins de pomme reinettes — le goût m’est resté
d'un coup d’œil il compte et les fourre dans ses poches ses yeux étincellent
sa robe écarlate sa démarche dans le sable m'ont fait chavirer
il manque une mise celle de l'ange là-bas en face de lui
j'ai cherché les rames et à retrouver mon souffle dans l'été d’arôme
qui sourit des ailes et qui attend sans mot dire que l'orage approche
04 décembre 2018 matin de décembre le ciel pourrait être bleu — il est juste là
d'un bond le croupier déjà traverse la table glissant jusqu'à l'intrus
il cache ses yeux pour ne plus voir la lumière de ses escapades
de son regard noir qu'il plonge jusque dans l’âme il le prend au col
sait-il où il va et qu'il bat d'un rythme faux mon cœur en désordre
alors l'angelo on ne verse plus au pot pour sauver sa mort
au mois de décembre j'ai cueilli dans le verger un grand désespoir
très calmement l'ange lui rétorque d'une voix à peine soufflée
je ne rêve plus tout ce que la nuit sait faire c'est des cauchemars
je serai la banque désormais tu n'es plus rien que cendre et vapeur
je cherchais un livre sur l'étagère du ciel un livre de nues
sur la table il reste un peu de cendre fumante et l'odeur du soufre
c'était une nuit froide pleine du murmure des ombres dissoutes
sans la moindre hâte de dessous son aile il tire un cigare et l'allume 122
une nuit salée on sent à peine le vent que la mer traverse
laissant leur cornette les fourmis en mal d’amour quittent le couvent
je sens sa caresse ses doigts gluants et glacés sa caresse immonde
décembre insouciant — l’automne s’est installé dans le pré fleuri
elle ouvre ma bouche elle glisse entre mes lèvres sa langue visqueuse
il sort de la sieste et s’étire longuement avant la toilette
sa peau de cadavre mêle à ma transpiration une odeur de cave
la barque tanguait roulait mais tenait toujours cap vers l'horizon
l'effroi me tisonne mais je ne peux pas bouger et son corps ondule
il aurait suffi d'une vague un peu plus forte pour qu'elle chavire
ses bras m'emprisonnent me pressent contre ses seins et son ventre flasques
mais le timonier maintenait ferme la barre dans les embruns froids
elle me vomit une bile aigre et amère au fond de la gorge
les rameurs souquaient à la limite des forces de leurs bras puissants
mon corps m'abandonne je ne peux plus me tenir et j'éclate en elle
le vent d'ouragan s'acharnait sur leur visage ruisselant de sel
et tout se dissout je viens de faire l'amour l'amour à la mort
ils faisaient un mètre mais ils reculaient de deux entre les rafales d'un coup la tempête se calme quand le bambin cesse de souffler
05 décembre 2018 un matin d’hiver dans un ciel de cristal bleu tintent les glaçons
il part en riant et enfin la feuille morte peut passer la flaque
le sphinx d’étagère me pose toujours la même énigme insoluble
la nuit est tentante sous le fanal de l'auvent je pars en voyage
c’était en été il pleuvait sur mon visage — l’orage était beau
the night is tempting and under the roof lantern I take a journey 123
je suis une étoile là dans la constellation qu'a créé un ange
mélange de cris et de sanglots venimeux de verres brisés
I follow a star here in the constellation built by an angel
les mots volaient bas mais nous relevions la tête et les cris pleuvaient
elle me soulève loin au delà de mes rêves et mes souvenirs
il était bien temps que la désolation cesse j'ai baissé les bras
and it lifts me up far and far beyond my dreams and my memories
et de Pulp Fiction nous sommes allés pleurer Ghost dans un ciné
06 décembre 2018
07 décembre 2018
le long de la haie le soleil inonde d’or le jardin d’automne
lever de soleil dans un ciel couvert de brume — sombre est la lumière
il dort et qu’importe les petits bruits que je fais à côté de lui
à côté de moi — satisfaction de le voir dormir apaisé
dans le petit bois l’automne reste à la porte — parfum d’herbe folle
couleurs de l’automne qui enlumine les feuilles de mélancolie
un léger sursaut curieux il dresse la tête puis il se rendort
surpris par un songe, il essaie de l’enfermer en fermant les yeux
l’automne chantonne il prend des airs de printemps de danse légère
j’ai ouvert les bras et seul un grand courant d’air s’est jeté dedans
il faisait trop chaud le temps était à l'orage et nos cœurs aussi
c'était le printemps au temps des coquelicots j'étais impatient
c'était le moment où la corde tendue casse de trop de colère
le pollen dansait dans la lumière timide qui frôlait les arbres
quand elle a rompu nous avons sombré tous deux dans notre rancœur
assis sur le banc où je rêvassais souvent j'égrappais le temps
124
la page marquée par une feuille de chêne je posais mon livre "Baltique" de Tranströmer qu'il faudrait que je reprenne
dans un livre j'ai trouvé une feuille de ginkgo encore plus desséchée que mon souvenir le chant des étoiles vient à moi comme l'écho d'un cri de douleur
des papillons jaunes caressaient les pâquerettes et les pissenlits
il pleuvait si fort l'orage était dans ma tête — la porte a claqué
le bourdonnement diffus des petites mouches m'agaçait un peu
je n'étais personne et me voilà moins que rien au seuil du néant
mais je somnolais et je me suis allongé sur les lames raides
08 décembre 2018
elle ne vint pas et je m'en moquai pourtant tant j'avais rêvé que j'attendais sur un banc dans les parfums du printemps
le soleil s’élève — une sorte de phénix l’extrait des ténèbres les jours se ressemblent je suis toujours envoûté par son existence
la nuit silencieuse écoute le vent qui froisse la jupe des arbres
l'ombre atteint l'auvent elle s'affale épuisée sous la lampe pâle
c'était un dimanche dans une boum de garage je m'emmerdais ferme elle a posé son béret et elle m'a embrassé
le vent est entré par les larmes de mes yeux dans les plis du crâne
elle sentait bon la fraise et le chèvrefeuille un parfum d'ado
bal de fin d'année les premières feuilles mortes dansent dans le vent
je savais rêver je n'ai jamais su parler quand il faut le faire
dans l'indifférence de son regard je lisais mon peu d'épaisseur
j'étais un idiot cœur battant gorge nouée j'ai choisi la fuite
des fruits venimeux puaient sur les arbres morts d'une terre usée
le poêle murmure dans mon dos je suis certain qu'il médit de moi
toutes ces années à butiner j'ai mangé ma part de pain blanc
125
frôler le désastre et ne rien en retirer qu'un nouveau désastre
elle prend sa main et l'entraine dans la cendre qui se mêle au vin
en y repensant parfois mon cœur joue encore à saute mouton
et tout devient sang dans l'auberge qui s'enflamme au feu des étoiles
une vapeur noire ondule dans la lumière de mes yeux rougis
serrés l’un à l’autre ils dansent jusqu’au matin au dessus des braises
09 décembre 2018
une aube se lève sur la charpente fumante et les cendres froides
entre les nuages on dirait qu’une hirondelle essaie de s’enfuir
il est temps pour eux de reprendre leur chemin de lourde poussière
reflet de lumière dans son œil de chat blasé — dehors ou dedans ?
reprendre la route laisser loin derrière soi l'ombre et le passé
armé de kleenex et de tisanes brulantes j'affronte l'auvent
un soir de décembre il y a déjà longtemps sa peau d'abricot frôlait mes mains maladroites mon cœur garde le noyau
le vent insolent a chassé les feuilles mortes jusque sous la porte
le porche timide m'a permis de l'embrasser de voir dans ses yeux une flamme incandescente et un désir de caresses
il ne fait pas froid l'automne s'est épuisé a bridé l'hiver venus d'un nord improbable les colonnes de nuages installent leur campement dans un ciel soumis
sur son lit étroit nous nous sommes étendus et nos vêtements ont volé aux quatre coins d'un univers d'aventure
sur la route sombre une auberge sans lumière s'ouvre au désespoir il s'assoit à table on lui sert un vin suri et des os de chien
nous avons cueilli les premiers fruits de nos corps notre adolescence se terminait dans la joie de son parfum d'abricot
devant l'âtre froid devant la braise épuisé danse une gitane
10 décembre 2018
126
dans mon vieux fauteuil patiné par tant d'années je distrais mes rêves
un petit nuage qui se cramponne aux collines résiste au mistral
j'étais un petit navire que l'appétit d'océan et de caresses du sel tenaillait sans cesse
la démarche fière sur la table du salon il cherche sa place violence du vent entre les branches sans sève il cri sa colère
juste après la pluie je sautais de flaque en flaque en riant très fort ce temps est bien révolu maintenant je les contourne
quand l'hiver frappait la rue fontaine des vents portait bien son nom
il pleut sur ma vie même quand il fait soleil j'ai les yeux humides
des lames de glace — le vent qui vient des collines hache la vallée
au bord de la mer sur le sable de la plage nous comptions les vagues
une feuille morte ou une branche pourrie peut cacher la lune
c'était au printemps juste avant que ne surgisse l'été des touristes
j'ai eu mal parfois mais je ne peux oublier que j'ai fait souffrir
quelques ricochets et le galet s'enfonçait avec nos espoirs
peu à peu en moi la vie se recroqueville et ses digues craquent
nous étions amis c'est ce que nous nous disions en mentant un peu
j'écoutais le vieux qui racontait les histoires que j'avais vécues
c'était le printemps mais l'été ne vint jamais et le sable crisse
si le vent s'apaise il a laissé sous l'auvent sa mixture froide
11 décembre 2018
12 décembre 2018
lever matinal — le soleil entre les arbres s’étirait encore
ils percent les nues pour l’instant sans grand dommage pour le vent du nord
à côté de moi il s’est endormi gardant la queue dans les yeux
est-ce une quenelle qu’il fait pendant qu’il se lave ou sa gymnastique
127
au bord du ruisseau sous un petit coin à l'ombre nous comptions nos pores
quand le jour se lève mon cœur se remet à battre comme par miracle
nus dans la douceur d'une soirée de juillet nos mains s'emmêlaient
les moineaux ont froid je voudrais bien les couvrir de chaudes pensées
elles suivaient l'ordre erratique de nos creux et nos rondeurs
13 décembre 2018 une serpillière à la propreté douteuse macule le ciel
nous faisions l'amour sous le voile des étoiles sans doute jalouses
sur le coussin rouge lentement il se réveille d’une nuit troublée
puis nous rentrions dans la fraicheur de la chambre éclaircir le monde
dans la nuit brumeuse la silhouette des pins mime leur fantôme
c'était un grand chêne qui ombrageait la clairière du pays des fées
il rêvait de vous même dans les nuits sans rêve il rêvait de vous
puis un grand vacarme résonna dans la forêt — l'arbre était tombé
blotties près du feu les filles de réconfort pansent leurs blessures avant de monter en chambre ou rejoindre l'écurie
sous de grosses pierres alors les fées s'enterrèrent avant de mourir un soir de septembre on peut les voir qui renaissent dans un vol d'aludes
dans la vieille auberge dans l'odeur du riz trop cuit et des fumées grasses les notes d'un shamisen interrompent le vacarme
sur le bord du gouffre je ne ferai pas ce pas même dans la nuit
le joueur de luth se met alors à chanter un conte connu de porte la nuit de femme de mari et d'assassin
le ciel s'est couvert la constellation de l'ange glisse entre mes mains je me sens si vieux que même mes souvenirs sentent la lavande
on y voit des ombres qui progressent dans la brume et la bruine froide tout le monde écoute l'homme à la voix de chemin creux
la nuit de décembre se vêt d’une robe froide et s’en va valser 128
il ouvre la porte alors entrent dans l'auberge de blêmes fantômes qui s'assoient sur les genoux des voyageurs sidérés
tous les spaghetti glissaient sur mon pantalon et sur mon veston il fallait voir la couleur de ma plus belle chemise
peu à peu ils prennent la forme de ces derniers et il les remplacent en écoutant les histoires du shamisen magicien
en face de moi elle est prise d'un fou-rire énorme et bruyant elle s'est presque étranglée en regardant mon état
dans la nuit ils sortent et s'égaillent dans le froid puis sous chaque porte de ce village endormi ils glissent un cauchemar
deux serveurs s'empressent de réparer les dégâts avec leur serviette sur la nappe et sur la moquette mais je ne savais que faire
qui s'en souviendra c'est ainsi toutes les nuits quand l'orage gronde sur les bambous qui fléchissent et les susukis craintifs
au bout d'un moment je finis par détacher de mes vêtements les brins de pâtes gluants et la bolognaise grasse
sur sa barque instable Charon compte sa monnaie — on le paie bien peu
j'étais si honteux que j'ai manqué oublier de payer la note et celle-ci a été bien plus salée que la sauce
je marchais dans la garrigue le romarin et le thym précédaient ma promenade — jardin des arômes
nous sommes partis et nous n'avions même pas pu boire un seul verre de ce Chianti si délicieux que l'on m'avait tant vanté
14 décembre 2018
et rentrés chez moi j'ai changé de vêtements je nous ai servi deux grands pur malt cacahuètes et j'ai ouvert une boîte
le ciel se craquelle comme une vieille faïence dans un vieux grenier il ouvre les yeux déjà très préoccupé des fracas du monde
frissons sous l'auvent il a gelé cette nuit — whisky sans glaçons
je voulais montrer comment on mange les pâtes avec la cuillère et je m'y suis si bien pris que j'ai renversé l'assiette
les arbres figés semblent retenir leur souffle dans la nuit glaciale
129
pas un seul murmure la nuit absorbe les bruits comme un jour de neige
toc-toc c'est l'hiver qui vient frapper à nos portes couvrons bien nos cœurs
poinçon dans l'oreille il charcute ma cervelle — besoin de crier
la glace a fondu dans l'abreuvoir des oiseaux — un don du soleil
où va-t-il le temps sautant de fil en aiguille sur un grain de sable
j'aurai bien aimé être un homme véritable — je reste un enfant portant depuis si longtemps un fardeau mélancolique
j'ai perdu le nord et mêm’ la rose des vents tant j'étais à l'ouest
il me reste encor de l'existence imparfaite à passer l'hiver
des étoiles brillent rouges des éclats du verre brisé dans ma paume
quelques moucherons tournant autour de la lampe apprennent à vivre
un verre en colère je l'avais serré si fort qu'il a éclaté
je fixe la led rouge et la télé éteinte — je vois le silence
restent à présent seulement des cicatrices mais je me souviens
pure poésie — elle naît dans les murmures de l'hésitation
tout ce sang versé qui se mélangeant au vin coulait sur la table
quel joyeux suicide un moucheron s'est noyé dans du single malt
c’était le tribut comme un sacrifice intime aux serments foulés
au bout de la vie il n'y a pas de chemin pour aller plus loin
15 décembre 2018
nous avions usé tout notre temps de parole — l’affaire était close
le ciel est figé seuls quelques petits nuages échappent au froid
16 décembre 2018
rester au dehors juste le temps nécessaire et après dormir
la pluie insistante triche en rebattant les cartes — même jeu minable
je passe mon doigt sur la plaie mal refermée elle saigne encore
130
il n’a même pas essayé d’ouvrir un œil — il connait le monde
il pleuvait sur l'herbe et je chantais dans les flaques — j'étais amoureux la brume du soir se lamente entre les arbres — un triste silence
j'écoute la pluie qui tristement me rappelle un amour d'automne
les feuilles scintillent dans la lueur de l'auvent — paix après la pluie
il y a longtemps que les histoires anciennes étaient enterrées
au lointain le vent — le bruit d'un train qui traverse la nuit sans étoile
mais goutte après goutte ce soir elles me reviennent dans ces flaques sales qu'elles remplissent sans joie en faisant des ronds dans l'eau
17 décembre 2018 sculpteur de nuages le vent façonne leurs plumes jusqu’à l’étincelle
elles s'entremêlent tissent entre elles des liens douteux mais probables
sous le luminaire il patiente sans bouger sûr de son assiette
quand mon cœur volage bondissait de l'une à l'autre se croyant sincère
hiver sur la digue ses mots giflaient mon visage de griffes salées
étrange ce ciel dans la lumière violette — nuit après la pluie
elle me criait qu'elle ne supportait plus de rêver sans moi
ce n'était qu'un rêve nous marchions dans les venelles d'une ville morte
j'écoutais ses mots qui sans cesse revenaient comme les embruns
nous savions déjà que de nos âmes blotties naîtrait un fantôme
tantôt pleins de sel le plus souvent pleins de sable au fond de mes larmes
spectre inaccessible notre vie n'a pu durer que le temps d'un rêve
la mer me hurlait comme une amante jalouse alors j'ai plongé
j'étais un vieillard et toi frileuse menteuse tu n'étais que bonds
premier bar ouvert dans la lumière de l'aube je bois un café là bas sur le bord du quai un paquebot s'impatiente
comme on se rappelle le parfum de la lavande l'odeur de l'iris
131
dans la nuit paisible tombe une légère bruine sur les âmes calmes
le prendrai-je ou pas je laisse la décision à mon désespoir
c'était au printemps j'avais cueilli un iris pour marquer la page
sur le vent j'écris un conte sans importance emporté au loin
chantait la fontaine dans la joie de l'eau limpide et je m'abreuvais
mon doux chat poète la nuit sur le toit humide il baye à la lune
une ligne d'algues pour masquer l'essoufflement du sable en hiver
au bord de l'enfer des anges aux ailes noires hésitent encore
j'aimais son parfum comme on est fier d'apprendre une langue étrange
la robe de brume qui enveloppe la lune frémit dans les branches
le printemps disait venez entrez ma demeure ouvre son parfum mais après l'été torride l'automne a noyé tout ça
je restais assis sur la plage en espérant la dernière vague celle qui ferait de moi les ruines d'un vieux donjon
l'hiver est resté à la porte des saisons et depuis j'ai froid
18 décembre 2018 quelques bancs de brume au-dessus de la maison — le ciel en écharpe
le chant de la pluie amer et mélancolique dans la nuit d'hiver
il me tend le peigne et fixe sans impatience mes gestes trop lents
19 décembre 2018 il pleut ce matin sur le jardin vert encore encore trop vert
j'arrachais les pages d'un carnet rempli de notes que je lui glissais elle semblait apprécier ces mots témoins de tendresse
d’un geste subtil il me dit qu’il va pleuvoir et il se rendort
j'ai appris plus tard qu'au lieu d'enflammer son cœur ils allaient au feu
j'élève des loirs ainsi je ferai fortune car le loir est cher j'aime les jeux de mots laids car j'embête les gens bêtes
il y a longtemps j'étais un têtard docile — je suis un crapaud
132
j'ai croisé une ombre sur la route de l'enfer et c'était la mienne
odeur de fumée — mains tendues vers l'âtre maigre les vieux se réchauffent
sous l'auvent humide j'écoute le chant des gouttes qui suintent des feuilles
dans la pièce sombre je tourne les pages frêles de mes souvenirs
la ciel s'éclaircit la nuit se met à chanter avec les étoiles
quand je la voyais je l'imaginais toujours en coquelicot
vieillard fatigué je n'ai plus que l'énergie de me souvenir
elle avait pourtant un grand manteau vert sapin qui la serrait trop
fauteuil avachi — il supporte bien pourtant le poids de mes rêves
un visage blême et des yeux de braise éteinte sous des cheveux noirs
mon âme indocile refuse le mors tranquille souvent indolore de la vie que j'ai vécue pourtant je la vis encore
je ne sais pourquoi quand je la voyais si frêle mon cœur s'emballait j'aurais bien aimé la protéger dans mes bras — j'étais un nigaud
20 décembre 2018 c’est un ciel d’hiver charriant des nues frileuses parcourues de rides
son regard de fée n'a jamais croisé le mien — je fermais les yeux
respiration lente son sommeil est si profond qu’on le voit à peine
21 décembre 2018 c’est un ciel d’hiver entre étain poli et plomb qui tremble de froid
quand la nuit me ment je ris et me réfugie loin dans ses mensonges
sur le fenestron il essaie de profiter d’un pâle soleil
traversant le ciel comme un escargot d'argent — piste de la lune
une feuille morte seule tombée sur la table me tient compagnie
elle m'a mordu pourtant je veux la sauver des griffes du chat
mon esprit tendu comme la corde d'un arc espère une flèche
dans les herbes hautes qui miroitent sous la lune mon chat nuit et blanc
133
sur une autre rive il y avait c'est possible un port accueillant
ayant traversé la longue nuit du solstice le ciel se relâche
de ma main rugueuse je frotte mon front ridé — je me sens usé
le ciel était gris des filaments de nuages traversaient mes tempes
je traîne avec moi la boule que j'ai au ventre un sac de regrets
assis sur un banc je suivais un papillon d'un morne regard
il pleut sur la ville — dans les lueurs embrumées un chien chasse un rat
sans crainte du vent il allait de fleur en fleur dans les herbes hautes
un journal trempé se colle sur la vitrine de la librairie
elle était ainsi après avoir butiné mon rêve elle a fui
au coin de la rue tout près la baraque à frites semble prendre feu
je reste immobile attendant d'un papillon un coin de ciel bleu
une odeur de sel et de poisson pourrissant remonte du port
il manque des pages à l'histoire de ma vie elle est illisible
il fait sombre et froid je traverse cette ville qui m'est inconnue
la lune cruelle arrache des feuilles mortes le cri de leur ombre
partout où je vais je reste cet étranger qui ne sourit pas
l'instant est propice dans la pénombre et l'ennui à l'introspection
des lueurs brumeuses — c'est l'heure où les fées s'abreuvent de rayons de lune
hélas je dois dire qu'il n'y a rien en moi qui vaille à penser
j'ai marché longtemps sur les dunes de la vie jusqu'à m'ensabler
la route ondulait sous la chaleur d'un midi qui m'assassinait
22 décembre 2018
le goudron fondait sous mes pieds incandescents alors j'ai pris feu
sur le toit humide il cherche un peu de chaleur en fermant les yeux
peu à peu mes cendres sont retournées au bitume dans un dernier souffle
134
et je me retrouve à calfater la carène d’un ancien navire
démarche légère elle voletait sur l'herbe sans froncer les fleurs
empêchant le sel de ronger le bois fragile d'une caravelle
j'ai passé l'été accroché à ses cheveux comme un papillon
la mer traversée j'ai pu enfin reposer dans mon Amérique
elle était ma fée je n'étais que le parfum vibrant de ses ailes
avec un poème on peut franchir les espaces et boucler le temps
par dessus l'étang la gracieuse libellule salue les rainettes
quand un physicien commence à pincer des cordes il devient poète
ce soir je suis niais je m'invente des fadaises dignes d'un enfant
23 décembre 2018
sur la plage échoue un insolite manège de chevaux de bois
l’ample chevelure ébouriffée du soleil dans le ciel naissant
des châteaux de sable sortent alors les favouilles pour chasser les gueux
il reste endormi malgré le bruit que je fais avec le clavier
24 décembre 2018
sous le clair de lune le pré se met à danser au son du silence
de la même place le ciel revêt chaque jour un nouveau pourpoint
je goûtais ses lèvres sur lesquelles se mêlaient le sel et la fraise
dans le lavabo il adore s’abreuver près de la fontaine
sa peau était frêle comme le papier de soie qu'on craint de froisser
c’est un tweet sans marque parfois ça fait un bien fou d’être inaperçu
ses yeux sentaient bon les montagnes enneigées l'hiver en été
la lune a trop bu elle tremble dans la brume en levant mon verre
dans ma main sa main me semblait bien plus fragile qu'un coquelicot
la nuit sera courte dans les rires et l'ivresse on a tout le temps
135
la nuit sera longue sous les vieux cartons humides ils comptent les heures
le long du ruisseau un enfant suit la brindille jusqu'à l'océan
lueur de la lune sous l'auvent enténébré — l'esprit papillonne
elle était cruelle son sourire d'Érinyes m'a tranché la langue
sur les dalles froides une armée de feuilles mortes veille le silence
quand il entre en scène le montreur de marionnettes a les yeux qui pleurent
une histoire brève dont le souvenir pourtant prolonge les heures
changez de sujet — je ne peux parler de moi car je mentirai
l'écorce des pins conserve encore en hiver le chant des cigales
délicatement dans sa main elle brûlait la fée aux dents blanches
entre les créneaux de la forteresse en ruine un bruit de ferrailles
oublieux du ciel des démons aux lèvres closes mordent les licornes
quand la lune glisse derrière les collines la nuit s'épaissit
l'horreur est sans cri invisible dans l'impasse sous des cartons sales
sur le banc de bois s'assoit un rayon de lune juste sur mon ombre
divine paresse — flemme de limer mes ongles alors je les ronge
25 décembre 2018
26 décembre 2018
le cœur seulement sert de papier de Noël c’est bien suffisant
et le jour d’après l’hiver a repris sa place — le vol des corneilles
depuis hier au soir il semble n’avoir pas bougé — ah, si vous saviez !
il entrouvre un œil quand je le frôle en passant — bonjour le chaton
les berges du temps — chacun de ses grains de sable invente une histoire
au pied du rosier la tombe de la petite chatte s'égaie de pâquerettes
une tourterelle plane entre les oliviers nouvelle colombe
le roi est trop jeune par bonheur il a mémère pour veiller aux gains
136
parmi les décombres les ruines du vieux quartier nous montions des forts
un verre de trop demain je serai encore à côté de moi
nous faisions la guerre avec des sabres en bois et des lance-pierre
j'ai choisi ma bière un long tronc de désespoir creusé d'amertume
l'ennemi sans voix invisible et inventé était dans nos cris
27 décembre 2018 toujours cette brume sans épaisseur mais présente au dessus des routes
nous frappions des ombres à grands coups de bâtons frêles et de bouts de briques
mon chat lui aussi a répandu dans l’hiver son sommeil douillet
il faisait si chaud que la poussière de plâtre collait à nos peaux
au fond du grenier un sac de billes s'endort avec mon enfance
nous ne savions plus sur qui tombaient nos attaques nous ou les fantômes
l'espoir perd ses feuilles — nul ne sait s'il survivra au froid de l'hiver
nous gardions le fort de nos propres offensives nous gagnions toujours
j'ai froid je frissonne l'auvent que je chéris tant ouvert à l'hiver
après la bataille ma mère arrivait avec le pain du goûter
retour près du poêle le souvenir de l'été réchauffe mes mains
nuit sans équivoque l’hiver a dressé le camp— buée sur la vitre
la lune mangée par les ténèbres voraces pleure des étoiles
outrages du temps je ne cours plus quand je monte rejoindre mon lit
poussière de lune — entre les arbres dans l'herbe des joyaux scintillent
la nuit est légère — avachi dans mon fauteuil elle pèse à peine
dans l'aube brumeuse et glaciale de l'hiver silence des freux
j’ai du mal à lire les ans ont brisé ma vue comme un œuf de caille et si je pleure parfois ce n'est pas de nostalgie
l'été est passé madame aux cheveux d'ébène — l'hiver me poignarde
137
main droite main gauche ils lancent du grain aux moineaux de leurs mains ridées
il fait froid ce soir sous l'auvent mon ombre tremble — ou bien est-ce moi
sur le banc du parc au milieu des feuilles mortes un même sourire
j'ai peur de la nuit qui peut être la dernière — étrange pensée
ils ne parlent pas ils échangent leur mémoire épaule contre épaule
29 décembre 2018 quand l’œil se fatigue les paysages s’estompent — néant de lumière
tout emmitouflés dans le soleil de l'hiver silence complice
je pose un regard las et embué de larmes sur mon chat qui dort
le temps passe vite voila qu'ils doivent rejoindre les vieux leur coquille
28 décembre 2018
les ombres des pins les unes contre les autres blotties dans le froid
la plage du ciel une arête de poisson s’échoue vaporeuse
je casse la glace au-dessus de l'abreuvoir des oiseaux frileux
avant de dormir d’un bref regard il s’assure que je suis bien là
la nuit a gelé dans le ciel brillent encore des cristaux de glace
un matin d'hiver — tremblants les petits oiseaux s'ébrouent dans les pins
un matin d'hiver je l'attendais à sa porte qui ne s'ouvrait pas
le soleil malade hésite entre les collines — paresse en décembre
j'avais eu le temps dans le courant d'air glacial d'attraper un rhume
cette nuit encore j'ai parcouru les couloirs d'un rêve insoluble
elle, elle dormait bien au chaud sous la couette et n'entendait pas
la nuit bleue marine les grains de sel des étoiles des reflets sur l'eau
quand elle a ouvert je me suis précipité tout nu dans son lit
un silence opaque — dans la nuit froide et l'oubli une porte claque
je me suis vengé en posant mes pieds glacés sur ses pieds tout chauds
138
c'est ainsi que j'ai refilé un bon gros rhume au mari jaloux
la nuit sans nuage une porte large ouverte sur les galaxies
il pleut sur la digue et si fort que l'horizon lointain se dérobe
chemin en hiver les cailloux tintent et brillent dans le clair de lune
les bateaux à quai flottent sur la mer de brume le ciel les dissout
sur la vitre froide je souffle et d’un doigt je trace un cœur embrumé
là bas le fanal tout au bout de la jetée glisse dans la nuit
les roues du train claquent sur la jointure des rails — une branche craque
une nuit d'hiver de pluie glaciale et de brume j'attends un départ
quand j'étais enfant dans mon coin de pièce unique je rêvais d'espace
il ne viendra pas j'ai seulement fait un rêve et il fait trop froid
sur le pré blanchi deux pies âpres se disputent une souris morte
à travers la vitre les ténèbres sont profondes mon regard perdu
rives inconnues là où le vent essoufflé pose son bagage
un peu de soleil sous les chênes presque nus et mes mains frileuses
au poste frontière j'ai montré mon passeport il n'est plus valable
je pense à l'été l'été ancien et sucré de mon insouciance
sur un coin de nappe j'avais écrit un poème comme sur le sable
30 décembre 2018
et c'était sans doute le plus émouvant jamais écrit de ma vie
un matin d’hiver — quelques taches de soleil frôlent les façades c'est un chat garou toutes les nuits sous la lune il hante le pré
j'étais sous l'auvent quand un fantôme est venu se servir un verre
dans l'immensité froide qui coule du nord des goules de glace
nous avons parlé de tout de rien et du temps qui fuit je pensais à vous qui m'avez laissé perdu dans un hall d’aérogare
139
c'était en été il faisait une chaleur à fondre l'espoir
sait-il ce que c’est une année un siècle une heure un calendrier
l'hiver à présent joue une valse glacée dans les feuilles mortes
une brume fluide étire ses filaments sur le pré transi
31 décembre 2018
je fendrai le pôle sur un brise-glace russe jusqu'à Magadan et je foulerai la neige rouge de la Kolyma
couleurs barbouillées d’une année passée si vite le dernier matin il prend un peu l’air avant de rentrer dormir au chaud sur son lit
de Vladivostok par le transsibérien j'irai à Moscou puis dans les camps de Pologne à l'ombre des barbelés
nuit de nouvel an toute la vallée aboie — pétards inconscients
imprégné du sang d'une humanité brisée je traverserai de l'Allemagne à l'Autriche des rivières d'os
entre deux années froide est la nuit implacable pour les sans logis à l'abri des chênes au milieu des feuilles mortes les glands font la fête
pour ces hommes morts par la soif d'usurpateurs de la liberté j'immolerai l'animal qu'au fond de moi je nourris
une étoile brille bien plus que toutes les autres — ciel reconnaissant
je pourrai alors rentrer du vagabondage l'esprit apaisé dans mon Aubagne tranquille que je n'ai jamais quittée
silence peuplé d'étranges bruits de tuyaux ma respiration le jardin s'apprête à courir vers le printemps de l'année nouvelle
mon ombre a pâli je lui tapote les joues lumière d'hiver mélodie du poêle le chat dort sur mes genoux je ferme les yeux
01 janvier 2019 le premier matin il ressemble à s’y méprendre au dernier matin
la nuit silencieuse emmitouflé sous l'auvent un rêve prend vie
140
aussi sombre que la nuit et lourd de nuages gris
l'hiver passera comme auparavant tant d'autres ont perdu leurs griffes j'avance à pas lents dans les dernières ténèbres — ne pas trébucher
peu à peu la glace enveloppe le navire d'un manteau de givre et on ne distingue plus le fantôme ni les spectres
les années me pèsent or j'appréciais pourtant leur agilité
seulement un bloc de glace qui tourne et tinte au fond de mon verre
02 janvier 2019
dans le lourd silence du fauteuil qui m'enveloppe j'empile des mots
à travers les branches le soleil fend la lumière froide de l’hiver sans le moindre bruit il occupe tout l’espace de mon affection
un mot deux mots trois l'un après l'autre ils se glissent sur le fil inerte de mes pensées sans contrôle bien sûr ils sont insensés
un froid de banquise blême et noir de ténèbres traverse l'auvent
je pose mon verre sur la table de l'auvent une feuille morte
une jonque noire glisse sur la mer de glace dans la nuit sans lune
cette feuille morte qui grince au petit vent froid le cri d'une porte
à bord du silence un fantôme aux yeux sans fond s'accroche à la barre
j'éteins la télé que je ne regardais pas je n'ai pas sommeil
des spectres brumeux vont et viennent sur le pont sans raison précise
peu à peu la nuit qui traverse mes paupières éteint mon ennui
se croisant sans cesse ils longent le bastingage ou tendent les voiles
sur le guéridon je viens de poser mon verre — un autre peut-être ?
parfois même ils sautent par dessus bord et s'enfoncent dans la glace sombre
j'ai recommencé à pisser un peu de sang — il me lâche pas
au bout du voyage enfin la jonque s'arrime à un brin de ciel
03 janvier 2019
141
le ciel tire à lui la couverture des nues — le soleil frissonne
le fleuve était large la rive était bien trop loin et le gué noyé
sur la tuile froide il dénombre les nuages qui se sont enfuient
en comptant les étoiles je me suis assoupi sur Aldébaran
j'attrape le froid de mes vieilles mains tremblantes il me mord les doigts
le ciel brille encore dans la lueur de charbon de la nuit d'hiver
c'était un printemps nous grimpions dans la garrigue et la nuit épaisse
un vent s'est levé qui poursuit les feuilles mortes jusque sous l'auvent
nous montions là-haut au sommet de la colline sur un rocher nu
il pleut des étoiles sur les feuilles insomniaques des vieux oliviers
nous allions attendre qu'une aurore fabuleuse embrase le ciel
le lutin marchait serrant la main d'une fée qui battait des ailes
nous avons atteint la place bien indiquée et bien en avance
je n'ai pas rêvé je l'ai tenue dans mes bras la fée aux yeux mauves
nous avons posé nos corps remplis de sommeil sur les jeunes herbes
par le fenestron la nuit d'hiver veut rentrer souiller mon sommeil
tous deux allongés nous nous sommes endormis sous le ciel d'étoiles
je suis un vieux spectre un vieux fantôme malade gorgé de mémoire
du lever du jour nous n'avons rien aperçu qu'un mutuel rêve
04 janvier 2019 le soleil se lève dans la bruine cotonneuse froide de l’hiver
mais quelle importance le soleil brillait en nous pour longtemps encore
reflet du coussin sur ses poils immaculés lever de soleil
la nuit grogne en moi comme une bête sauvage aux crocs acérés
au bord de la mer assis sur un banc de pierre ils comptent les vagues
je sens qu'elle ronge le peu de vie qu'il me reste et tout mon espoir 142
au soleil d'hiver elles viennent lentement mourir sur le sable
c'est un lieu paisible les moineaux sifflent gaiement dans un cimetière
ils sont là deux vieux leur regard à la fois vague et vif de malice
il y a des fleurs sur les dalles de granit souvent oubliées
plus tourné vers eux que sur ceux qui les entourent la main dans la main
silence serein rempli du chuchotement des vieux marronniers
ils ne disent rien et pourtant ils communiquent leur sérénité
d'une dalle à l'autre le frôlement des fantômes troquant leur mémoire
le soleil se couche à l'horizon brumeux ils ne bougent pas
coquilles gravées sur la pierre de calcaire qui sera la mienne
ils fixent toujours le ciel la mer qui rougeoient la plage et les vagues
mon père m'attend au fond du caveau humide nous jouerons aux dés
la nuit les surprends alors qu'ils se sont changés en statue de sel
même en plein été quel que soit le cimetière c'est toujours novembre
prenez donc ma main qu'importent les regards torves et dansons madame
05 janvier 2019 encore un matin où l’hiver mélancolique pèse entre les branches
je suis vieux je sais et vous êtes bien agile mais dansons madame
quand il me regarde il décortique mon âme en éclats de joie
la musique est faite pour rajeunir les esprits alors dansons-nous ?
sous l'auvent glacial je fume une cigarette — fumée ou buée
je ne veux rien d'autre surtout pas votre jeunesse seulement danser
cette nuit le ciel a recouvert mes pensées d'un linceul glacé
une seule fois mon rêve est votre sourire nous valsons madame ?
dans l'aube frileuse je marchais sur la banquise d'un rêve de glace
lentement je glisse sur l'allée de feuilles mortes entre les tombeaux
143
j'ai longtemps marché et le soleil de midi a fondu mes pieds
elle sert les cartes dans un grand éclat de rire — mon ombre facétieuse
la nuit est venue après le froid crépuscule je restais figé
elle sait d'avance avant d’avoir vu son jeu qu'elle va gagner
passant les ténèbres j'attendais avec patience que tout recommence
assis sur le banc je compte les feuilles mortes d'une seule branche
puis je suis resté comme un croc de la banquise bonhomme de neige
il y a trois saisons entre osselets et les billes celle des bagarres
les guerriers de glace ont traversé la garrigue dans l'odeur du thym
nous allions jouer sur les quais de la Joliette — rien à chaparder
au feu de l'auberge ils ont posé leur manteau et ont bu du vin
quand l'hiver se glisse dans les plis du souvenir même l'âme tremble
sous le banc boiteux ne reste d'eux à présent qu’un ruisseau de sang
on n'échange pas un passé sans consistance contre un avenir
06 janvier 2019
la voile gonflée ils allaient à l'aventure sur la flaque d'eau
levé depuis peu le ciel porte encor la marque des rides du drap
la lampe timide qui peine au-dessus de moi surveille mes rêves
encore embrumé dans le vacarme des songes il attend le calme
d'un regard distrait je parcours le dos des livres que j'ai déjà lus
le sang s’est figé dans le ciel du crépuscule — le ciel meurt à l’ouest
sur leurs étagères comme des bocaux de miel ils tentent les mouches
dans la fourmilière les fourmis sont endormies mais la reine veille
le figuier sans feuille avec son tronc torturé attend de guérir
un vent sans rafale couvre la rumeur du train couleur du silence
07 janvier 2019
144
si l’on ne prend garde au froid qui pourrait penser qu’on est en hiver
08 janvier 2019 lumière dehors panne de courant dedans pénombre et froidure
il prend tout son temps toilette méticuleuse avant de dormir
matin de janvier je n’imagine encor pas manquer de lumière
dodo mon gros chat — quand il s'endort dans mes bras le monde ronronne
le vent a forci la fureur des feuilles mortes glisse sous les tuiles
aiguilles de glace qui tricotent sur mes doigts des gants d'engelures
la nuit s'accommode malgré les fortes rafales des portes qui claquent
l’étrange pénombre enveloppe mes pensées de papier de soie
je les vois courir tout au long de la terrasse — mille feuilles mortes
infinie douceur — j'accompagne le silence d'un chant sans musique
en ouvrant mon cœur je l'ai laissé piétiné sur le paillasson
il gèle dehors — où dorment-ils les moineaux riant au soleil
un hiver mauvais quand le vent geint aux fenêtres et qu'il veut entrer
l'odeur du café couvre un relent de soupe — chaleur en cuisine
les heures s'égrènent — le long chapelet du temps bientôt se termine
la mer me surveille de son regard de sel vague — je suis une plage en hiver et mes galets crissent sous leurs pas sinistres
je somnole un peu pour laisser le temps aux rêves de finir leur verre
deux âmes tragiques qui inlassablement passent sur mes souvenirs
09 janvier 2019
au bout de la digue le fanal fuit dans la brume — une aube en hiver
le vent secoue l’aube peu à peu le ciel se vêt d’un soleil glacé
l'auvent est tout triste quand l'hiver vient me saisir de ses yeux de glace
il a pris sa place tout en haut de son donjon tout près de ses rêves
145
tartine de nuit — le vent étale le froid sans hésitation
repos immuable mais il faudra que je songe à secouer sa couche
le vent se repose d'avoir battu la campagne par monts et par vaux
petite fenêtre — la nuit force sur la vitre pour pouvoir entrer
molle somnolence — les étoiles dans ma tête tintent doucement
musique lointaine en bas dans le salon vide Glenn Gould spielt nicht Bach
je suivais le vent sans savoir où il allait en tourbillonnant j'étais une jeune feuille amoureuse du mistral
du livre de contes il me reste quelques pages à noircir encore dans la nuit frissonnent les âmes des feuilles mortes et l'ombre des pins
il m'a laissée là à sécher dans la garrigue très loin du printemps
le vent s'est posé comme un papillon mourant sur les fleurs fermées
le feu avait pris dans son cœur adolescent il y brûle encore son corps se rétracte sous le feu des souvenirs il tisonne encore
un bout de papier le vestige d'un naufrage flotte sur la flaque et dans l'encre diluée le sillage d'un poème
il regarde l'heure elle ne reviendra pas en retard d'un mot
il était écrit avec la couleur des larmes d'un enfant perdu
la petite fille aux précieuses nattes brunes était une goule deux mauvais portraits de spectres imaginés perdus sur le mur
il y avait aussi au milieu du désespoir le filet de sang qu'il n'avait pu retenir de son cœur pulvérisé
et sur l'étagère un gobelet sombre éteint — douloureux fardeau
et j'imaginais que le papier me parlait qu'il voulait mon aide
10 janvier 2019
que pouvais-je faire il pleuvait fort ce soir-là d'un triste novembre accroché au parapluie moi-même je divaguais
hiver lumineux comme un glaçon le ciel brille dans les arbres nus
146
11 janvier 2019
sur les feuilles mortes et entre les flaques grasses d'une vie en ruines
un ciel de métal qu’un soleil sans émotion ne réchauffe pas
j'entendais l'écho les froissements et les pleurs de ma propre histoire écrite dans la journée déchirée par les orages
il devient sujet au milieu de mes objets mais toujours le roi son rire frivole couvrait ma peau de frissons — le vent en hiver
j'ai pris le feuillet et tous deux sommes allés nous mettre à l'abri
il faisait si froid que mon cœur cessa de battre quand elle est entrée
le vent a lissé deux gros tas de feuilles mortes — un joli travail
l'eau dans la coupelle a commencé à geler — surface du ciel
silence du vent — un minuscule murmure dans la nuit des arbres
vieil homme frileux je serre autour de mon cou les ans pour écharpe
à l'étranglement du sablier retourné les grains se bousculent
la nuit se contracte prise dans la gangue froide d'un hiver féroce
la mélancolie a un goût de single malt — je m'en sers une autre
cousus sur le ciel de petits éclats de glace comme des étoiles
dans la pièce sombre et le silence feutré dansent mes fantômes ce soir je rameute la troupe des souvenirs aux rires d'enfant
la terre spongieuse ne gardera pas la trace de l'humanité
dans le sucrier je ramasse un grain d'espoir pour mon âme amère
tout ce que nous croyons éternel et immuable tout disparaitra
zéro-zéro-sept permis de tuer le temps — je foudroie ma montre
Mozart Babylone les livres saints les poèmes seront oubliés
elle virevolte — fumée de ma cigarette dans le vent glacial
et notre arrogance ne fera même plus rire — qui s'en souviendra ?
147
nous ne verrons pas l'agonie de nos enfants qui déjà suffoquent
quand elles se croisent elles murmurent des bribes incompréhensibles
12 janvier 2019
dans le noir j'écoute les miettes de leurs histoires et j'ai mal pour elles
le ciel s’est paré de verroterie de glace et d’un trait d’humeur
une nuit d'hiver enfin je l'ai rencontrée sous l'auvent glacé
même position — c’est à l’heure du sommeil que le monde est bon
mon ombre assoiffée mon ombre désespérée mon ombre insoluble
samedi midi — je bois la dernière tasse et le premier verre
quand j'étais grenouille je m'inventais des histoires de prince charmant
soleil de janvier — il me rejoint sous l’auvent pour briser la glace
crapaud devenu j'attends toujours le baiser d'une belle infante
ciel couleur d’été et je frotte mon visage de mes mains gantées
j’ai cru la trouver dans la vase de l’étang c’était un jouet
là dans la vitrine d'une fleuriste inconnue un bouquet séché
une poupée sale qui n’avait que trop servi pas une sirène
peu à peu l'hiver fatigué mordra moins fort la main du printemps
ses yeux se fermaient lorsque je la renversais c’était mécanique
des ombres austères à la chevelure hirsute errent dans la nuit
amère pénombre qui pleut sur mes souvenirs — je retiens mes larmes
déguisées en chênes elles trainent leur silence dans les feuilles mortes
ce soir de janvier il me revient sur les lèvres un goût d'abricot
chacune a son lot de souvenirs à porter indéfiniment
les jours sont plus longs mais je ferme les volets à l'heure d'hiver
des souvenirs gris parfois sanglants parfois blêmes et toujours pesants
13 janvier 2019
148
comme un gong de bronze dans le ciel gris métallique le soleil résonne
je rêve de vous vous mes ombres sans visage au seuil de la nuit
fitness matinal — étirement de mâchoire avant le dodo
le temps m'est compté et un épicier avare garde la monnaie
le vent vient de l’ouest peut-être vient il du nord les feuilles hésitent
viens petit insecte viens déposer sur mon cœur ton humanité
assis en terrasse malgré le vent qui ricane — un café brûlant
je quitte la nuit et j'entre dans le sommeil par la porte étroite
mon ombre est absente partie sous d’autres tropiques au soleil de miel
14 janvier 2019 la froide lentille joue des rayons du soleil du vent et des nues
tiédeur sous l'auvent après avoir tant hurlé la brise murmure
m’en veut-il vraiment d’avoir passé une nuit sans pouvoir manger ?
crépuscule rouge — mis à nu dans les nuages les arbres s'embrasent
les dards du soleil ne parviennent pourtant pas à bloquer le vent
après avoir fait un tour complet de la terre la nuit se repose
encore le vent qui s'emmêle dans les branches — silence brisé
le fauteuil enrobe d'une douceur caressante ma soirée rêveuse
dans la pièce sombre les vieux meubles qui murmurent épient le silence
la lune frivole parmi ses jupons de brume danse en frémissant
la nuit est immense et du crépuscule à l'aube je navigue à vue
musique sans poids dans les ombres somnolentes je rêve en silence
pénombre soluble dans la nuit de mon hiver — la mélancolie
courant sous l'averse il n'a trouvé de refuge que sous ses baisers
sur une étagère les souvenirs alignés couverts de poussière
perdu dans l'hiver petit papillon de nuit en quête d'été
149
ce soir-là il pleuvait c'est à peine si je sentais l'averse de sarcasmes
je m'assoie souvent sous les chênes dénudés — j'écoute l'hiver
j'ai fini de rire je m'étouffe maintenant entre les sanglots
au plafond trop haut des toiles d'araignée pendent — ex-voto des rêves
la route était sèche personne ne pouvait voir mes larmes couler
je sens son haleine qui frissonne sur mon cou — le passé me suit
c'était un navire aux voiles resplendissantes qui couvait la peste
étrange la vie — elle joue le mauvais tour de se terminer
le vieillard imberbe m’a raconté une histoire tirée par les cheveux
j'ai posé mes pieds sur la table du salon— sans réprobation
vers l'ombre promise nous marchons en plein midi sur l'odeur des morts
la lampe est penchée sur son ombre délaissée — lumière sans force
qu'on me laisse en paix mon asperger me démange et je n'ai plus d'ongles
j'ai tendu la main celle qui s'est agrippée ne la perdra pas
15 janvier 2019
l'hiver finira il pleuvra sur le jardin — les fleurs se préparent
lointaine rocaille garrigue et ciel bleu lavande quelques pins s’accrochent
elle était mirage une source imaginée sur le sable aride
près de l’âtre éteint il attend plein de patience le lit de mes bras
dans mon vieux fauteuil la nuit me conduit au fond de mon labyrinthe
je ne comprends pas — le poids de ma tête vide est lourd à porter
16 janvier 2019
l'hiver hésitait entre la douceur des flammes et l'ombre des pins
au fond la vallée traîne encore un peu de brume sur les arbres nus
des gouttes de nuit ruissellent sur mes paupières — j'ai éteint la lampe
comme un rituel guetteur sans mélancolie il chauffe les tuiles
150
dans cette contrée tout au bout d'un autre monde les arbres sont gris
17 janvier 2019
entre les nuages la lumière de colère tente une évasion
dans les maisons froides la misère coule à flot sur les sols bourbeux
il fixe intrigué cet étrange œil de cyclope — en fait il s’en moque
le vent frappe aux portes et gifle les habitants qui jamais ne dorment
froid le vent murmure à l'oreille des grands chênes — les branches frissonnent
des coulées de cendre engrisaillent les moissons qu'ils laissent moisir
j'ai ouvert un rêve engoncé dans le fauteuil la nuit pour compagne
ce pays est le leur on leur dit qu'il y fait beau et ils le croient tous
dès les premiers mots j'ai su que j'avais affaire à un cauchemar
une pâquerette au milieu des herbes folles a perdu la tête
le bateau tanguait — crispé aux bras du fauteuil mon cœur chavirait
un hiver trop tendre qui me conduit sous l'auvent trop tôt dans la nuit
la mer était creuse trop forte pour mon esquif et je me noyais
la nuit s'est parée d'une brume aussi légère qu’un voile de soie
j'ai ouvert les yeux sur la couverture du livre de mon odyssée
papillons de nuit — les mots qui peuplent ma tête ne se posent pas
il fait doux ce soir dans la grande pièce obscure et pourtant j'ai froid
je n'ai pas acquis cette profonde sagesse qu'on prête à mon âge mais mes os grinçants me disent qu'il ne me faut plus rêver
dans les feuilles mortes qui courent après le vent mes rires d'enfant
18 janvier 2019
une dent qui bouge une épaule endolorie — le temps sans merci
un coup de pinceau un ciel de papier humide et la main du vent
le chat est rentré — il est temps pour tous les deux d'affronter la nuit
il n’est pas reclus dans une prison d’acier il joue à Zorro
151
portrait sur le mur — un miroir au tain usé où je vois un mort
le ciel bleu profond s'est revêtu de joyaux aux lueurs tremblantes
l'histoire fut brève elle demeure pourtant clouée sur ma peau
la télé qui veille d'une petite lueur me fait un clin d'œil
dans le petit port le chant des drisses répond à l'odeur du sel
j'attends qu'il revienne de sa tournée d'inspection dans les herbes froides
les coques se frôlent s'effarouchent du roulis des barques plus lourdes
ils sont là qui tremblent se poussent et s'entremêlent mes souvenirs sombres
assis en terrasse un parasol recousu promettais son ombre
je pose mes cartes et mon ombre abat les siennes elle gagne encore
je tenais sa main pendant que refroidissaient nos deux cafés crèmes
une nuit d'hiver j'ai attendu que la neige lui ouvre la porte
nous ne disions rien nous laissions le temps au temps de passer sans nous
elle revenait après l'avoir attendue une vie entière
un bout de vacances la parenthèse magique d'un été précoce
cette nuit glaciale je suivais mon téléphone comme le messie
un après-midi nous reprendrons la navette pour ne plus nous voir
l'autoroute était la dernière barricade avant nos sourires
le froid est venu il s'invite sous l'auvent pour un thé glacé
quand elle est entrée une odeur d'hiver glacé l'avait précédée
le vent s'est caché sous un tas de feuilles mortes qui frémit encore
19 janvier 2019 des lueurs rosées dans les brumes matinales — soleil en suspens
dans la cendre froide les derniers mots d'une lettre jamais envoyée
on le voit à peine prendre soin de sa fourrure dans l’ombre complice
tisonnant la bûche les joues les yeux et mon âme constellés d'étoiles
152
pincement de froid — la fenêtre mal fermée l'encre devient bleue
la boule de poil comme un dé un domino sur le tapis rouge
reflet de la lampe sur l'écran de la télé — je change de chaine
la jonque remplie du vacarme des combats sentait le sang noir
je pose un vinyle sur mon antique platine — du bon vieux reggae
contre des fantômes les marins ne pouvaient rien et ils reculaient
odeur dans la pièce ce n'est pas de la ganja — un café tout simple
ils eurent l'idée folle de s'entretuer délaissant leur corps
un verre à vodka que je remplis de bourbon — un petit sourire
spectres devenus ils ont pu alors lutter à armes égales
une soirée lente dans le silence et la paix je retiens mon souffle
la jonque a pris feu et dans cet embrasement les flammes mordaient
mes cheveux sentaient les parfums de la garrigue — j’avais des cheveux
brumeuse soirée — lueurs blêmes de la lune dans le ciel trop pâle
je ne bouge pas au-dessus de moi dans l'arbre des feuilles frissonnent
un fleuve de lave une gorgée trop épaisse enflamme ma langue
petit funambule le long d'un fil l'écureuil franchit le jardin
le chat somnolent — son rêve attend que je vienne dormir près de lui
l'étroit fenestron permet pourtant à la nuit d'éclairer mon cœur
douceur du silence un parfum de tilleul chaud la pénombre autour
ce bruit dans la tête le long souvenir des vagues du sable en hiver
les ombres s'estompent dans les contours flous des meubles un rêve en partance
20 janvier 2019
le livre est tombé des mains qui n’ont pas écrit la fin de l'histoire
entre les nuages une pièce d’argent glisse jusqu’au cœur de l’aube
parfois je me dis que j'ai vécu trop longtemps mais ai-je vécu ? 153
pil' poil sur ma tête la lune a chassé les nues je suis démasqué
on le sentait lent mais le sablier se vide à toute vitesse
dernière gorgée je viens de poser mon verre au bord du sommeil
depuis quelques lignes la plume racle le fond du vieil encrier
21 janvier 2019
parfois je me glisse dans le ventre de la nuit quêter la lumière
sur la brume froide dans le ciel d’aigue-marine des cristaux de glace
la lune perchée sur les branches nues des chênes ombre des racines
par le fenestron il vient de rentrer couvert du soleil d’hiver
mon ombre dissoute dans l'écho de la pénombre le son du néant
la lune se lève sur le fil du katana le sang a séché
c'est un bruit sans corde sans cuivre et sans mélodie la voix des murmures
après le combat au moment du crépuscule règne du silence
22 janvier 2019
l'épave fumante dérive sur l'océan étrangement calme
l’hiver incrusté la houppelande de glace a figé le ciel
les corps ont brûlé l'odeur de chair calcinée flotte sur la brise
dans le flux d’air chaud il attend que je le peigne pour aller manger
pas un seul fantôme pour raconter cette histoire un sabre peut-être
de longues écharpes en travers du ciel d'hiver tremblements de lune
je sens dans mon ventre le froid d'un hiver sans fin si ce n'est la mienne
la nuit insondable et la lune solitaire un œil embué
la nuit semble claire mais je ne distingue plus l'ombre de mes mots
au bras de sa mère un enfant ne pleure plus la folie des hommes
la bouteille d'encre au fil des écrits se vide je n'en ai plus d'autre
partout le désert de la cendre et la fumée des villes en ruines
154
au milieu des corps les squelettes de béton crucifient les rues
elles parlaient fort avec un accent profond et des rires gras
et dans leurs poumons ceux qui respirent encore filtrent la poussière
premiers jours d'été premiers jours de nos vacances les derniers matins
je ferme les yeux je n'ai même plus la force de verser des larmes
j'écoute mon corps si bruyant dans le silence on dirait qu'il joue
sur le vieux bahut endormi depuis longtemps trône un vase vide
voilà bien longtemps que j'ai rangé mes jouets au fond du grenier
d'un doigt malhabile je tape sur le clavier un tercet stupide
le plumier en bois — j'ai retrouvé le stylo du premier poème
le ronron du poêle il dirige le silence comme un chef d'orchestre
le livre d'Histoire — jauni mon premier brouillon un coquelicot
23 janvier 2019
j'étais amoureux et je ne le savais pas — c’était un murmure
neige en embuscade dans le velours cauteleux de nues sardoniques
silence et pénombre je délaisse le vacarme de mes souvenirs
portrait d’un tyran heureux que son seul sujet comble ses caprices
c'est une nuit froide et l'hiver s'est engouffré dans un cœur saignant
au nez de la lune le vent déchire les nues une nuit inquiète
quand le chat s'endort dans le silence on entend des miettes de nuit
premiers jours d'été nous marchions le long du quai brillant de soleil
plus rien ne bouge la nuit a figé le vent au sort des étoiles
quelques vieux pêcheurs raccommodaient des filets encor plus vieux qu'eux
la lampe bascule sans vraiment s'en rendre compte du côté obscur
plus loin des matrones rangeaient sur l'étal de bois sardines et sars
tiédeur de la pièce — même le poêle a compris ce qu’est le silence
155
nous nous promenions un petit moment encore et nous rentrions
24 janvier 2019 la lune hier soir ayant pris des airs d’artiste sculptait les nuages
la fenêtre ouverte sur le chant lointain des vagues nous nous endormions
les chiens aboyaient et sur la plus haute tour il s’est réfugié
sur les feuilles mortes sous le regard de la lune mon corps s'évapore
une nuit plus froide l'hiver ne se laisse pas oublier ainsi
mon ventre trébuche j'ai beau serrer la ceinture je pisse du sang
une lune rouge et dans l'âtre à peine tiède la dernière braise
j'aime ce silence où enfin j'entends mon corps se penser vivant
la petite plage sous l'imposante falaise et nos corps blottis
je chasse la nuit d'un simple revers de main— j'ai soif de lumière
juste un peu de sable des galets longtemps roulés au sel de la mer
reflet de la lampe sur l'écran de la télé qui s'anime enfin
quelques bois flottés des bouts de liège et un bout une vieille épave
je rêve de pluie d'une grande pluie d'étoiles dans mon âme obscure
et nos deux serviettes faisant face à l'horizon désir de voyage
toutes mains tendues malgré leur volonté bonne sont des mains de spectres
fin d'après-midi nous rentrions nous doucher et faire l'amour
le jardin en friche ne peut plus compter sur moi — je suis une ruine
la petite chambre qui restait dans la pénombre était notre nid
dans la pièce sombre c'est à peine si je vois les miroirs obliques
le soir nous mangions de petits poissons grillés sur le port sonore
j'aimais cette histoire du poète et l'amoureuse guignol et la lune
nous buvions du vin au goût amer de résine nous étions heureux
on n'oublie jamais pour qui on aurait donné l'ombre de ses yeux
156
sa peau d'abricot cette peau douce et salée je m'y noie encore
entre ombre et pénombre l'armoire et ses étagères brillent sans lumière
25 janvier 2019
dans ma paume ouverte une pelote de lignes — des chemins d'acier
collines brumeuses — un hypothétique oiseau tente le grand saut
bouchez-vous le nez l'avenir sent le cadavre c'est le temps qui passe
au-dessus du vide il est plus léger qu’un rêve — il me le raconte
l'humanité disparue — comme un témoin du passé appuyé sur une ruine un fusil chargé
un très long couloir je serrais sa main craintive de mes doigts tremblants
au fond de la malle un vieux costume de scène celui d'un banquier
au bout du couloir une volée de marches jusqu’au palier sombre
26 janvier 2019
une porte rouge en grinçant elle s’écarte sur un gouffre noir
paresseux le ciel tire lentement à lui le duvet d’hiver
la lumière alors jaillit comme par magie dans la chambre claire
il s’est endormi sans même aller voir dehors le temps qu’il faisait
ce sera un nid pour nos deux corps d’oisillons pendant un été
le port était vide aucun bateau amarré sur le quai personne et pas d'oiseaux dans le ciel seule l'idée de la mer
janvier se termine sur des rails d’acier glacés — l'hiver suit son train
le vent a tourné au fond du couloir à droite — on l'a bien senti
sur le front de mer prête à manger l'océan une barque avide
le vieil olivier — quel joli tremplin docile pour l'écureuil roux
des éclats de rires et puis des éclats de voix des éclats de verre
bientôt sous les chênes assemblée des feuilles mortes — leur dernier conclave
la mer traversée je n'ai plus assez de larmes pour recommencer
27 janvier 2019
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entre les collines l’hiver couve malgré tout un petit brasier
et quand je rentrais le carreau de chocolat était mon festin
le gros Domino s’est endormi sur mes cuisses — je ne bouge plus
toutes ces lumières scintillant devant mes yeux — changer de lunettes
la barque roulait prenant la houle en travers — p'tit dej aux poissons
la pénombre grise comme un papillon de nuit au bord de mes yeux
je pose mon livre — en face dans le fauteuil mon ombre soupire
je me souviens d'elle et sa peau de fruit dorée — j'ai le cœur sucré
le dernier whisky la dernière cigarette un petit soupir
28 janvier 2019 le soleil se lève — un nuage dort encore aux bras du cyprès
un visage blême un regard aux cernes noirs — reflet dans la vitre
même position et toujours à la même heure — un chat routinier
murmure du vent dans les branches effeuillées le chant de l'hiver
dans mon sac de billes il y a la belle agate offerte autrefois
le poêle ronronne le chat qui s'est endormi rêve auprès de lui
j'en avais plusieurs celle-là je l'ai gardée toujours près de moi
un rai de lumière comme une ombre souvenue caresse ma joue
elle était baroque vraiment pas tout à fait ronde comme un œuf de caille
dans la cour d'école souverains de nombreux mondes nous jouions aux billes
cette agate-là jamais je ne l'ai sortie du sac de mes billes
au fond de ma poche je lustrait mon opinel comme un katana
je visais si mal je ne voulais pas la perdre ma belle imparfaite
grâce à lui j'avais soumis des îles lointaines et conquis l'Amérique
de quoi a-t-il peur le vent d'hiver qui s'affole dans les feuilles mortes
la règle de trois et Saint-Louis sous son chêne étaient mes vassaux
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dans un vase vide le fantôme d'une rose secoue son suaire
mon cœur bat sans moi il cahote dans les côtes peine dans les pentes
la soirée prolonge un silence ténébreux au seuil de la nuit
lueur de chandelle — entre les gifles du vent la lampe vacille
petite fenêtre — c'est à peine si la nuit me fait un clin d'œil
30 janvier 2019 le vent tord les nues dans les nattes du soleil — récré de dix heures
j'écoute le vent qui claque devant la porte et je m’impatiente
il s’est endormi malgré le bruit sur le toit — question d’habitude
les pieds sur la table les fesses dans le fauteuil et la tête ailleurs
29 janvier 2019
un petit sursaut — le cri d'un train dans la nuit surpris par son ombre
le matin d’hiver toujours égal à lui-même dans le ciel qui boude
un peu de tendresse dans l'échange d'un sourire — la vie me désarme
du bruit sur le toit — d’un regard plein de questions il cherche à comprendre
le vieux meuble craque — tant d'années pèsent sur lui et le bois se fend
une neige morte tombe et une brume froide glisse sur la nuit
trop d'hivers passés à raccommoder mon âme — le fil s'est usé
une porte claque — j'ai froid, non, pas sur la peau, mais mon ventre usé
un vase un bouquet — les épines cependant ont griffé mes doigts
les tempes fébriles qu'importe où mes yeux se posent reflets écarlates
une main tendue il l'aurait bien attrapée mais qui la tendra
ce bruit dans la tête un train sur des rails gauchis roule vers l'enfer
si j'étais un peintre j'échangerais mes pinceaux contre un nez de clown mais je ne suis qu'un rêveur et le cirque est dans ma tête
je soupçonne mon chat de s'ébattre sous la pluie pour que je le sèche
31 janvier 2019
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flèche entre les nues — le ciel se met à saigner les arbres s’enflamment
j’ai goûté aux fruits mûris au soleil sucré d’un été magique
le livre de conte ou mon dossier médical que veut-il ouvrir
il fait doux ce soir — l'hiver sous l'auvent humide a un goût d'avril
au bord du ruisseau dans la flaque encalminée un crapaud soupire
ciel inaccessible — les étoiles sous leur voile ont fermé la porte
poussière d'étoile ordonnance de l'hiver la bruine des neiges
l'orage de haine est tombé dru sur la terre où régnait la paix la paix n'est jamais qu'un rêve et le réveil sent le sang
le vent était jaune chargé du sable et des fables de mon cœur désert
sept kilos d'amour c'est peu pour cette tendresse que nous partageons
comme un galet gras je roulais dans un torrent de mélancolie
un train dans la nuit éclabousse tous mes rêves de cauchemars noirs
01 février 2019
j'avais dix-sept ans — entre l'enfant et l'adulte qui s’est égaré
brume et bruine se mêlent entre les branches figées — les collines pleurent
ne cherchez pas madame avec des phrases pompeuses à vous dédouaner
flibustier des rêves à la barre du sommeil il franchit le jour
ma main votre main ne se sont jamais quittées que pour un adieu
je pose le front encore un peu transpirant dans ma paume sèche
je rejoins la nuit au début du cauchemar revécu sans cesse
à travers la vitre sur les vieux carreaux noircis je compte les gouttes
le ciel était vide déserté par les étoiles mais tu étais là
il pleut sur l’hiver et les branches dénudées frissonnent de brume
02 février 2019
l’enveloppe brune — j’en extrais quelques photos que je range vite
sans éclat et lourds l’hiver accroche aux collines des lambeaux de pluie
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mon petit coquet apprécie le coup de peigne juste avant la sieste
c'était une étape nous avons repris la route qui mène au dédain
le chant de la pluie — des arpèges dans les arbres et les feuilles mortes
le vent se réveille — dans le ciel des monstres blancs dévorent la pluie
silence prégnant comme une angoisse égarée au fond de ma nuit
03 février 2019 le vent déchiquète la page blanche des nues — adieu au poème
silence craintif sous les tas de feuilles mortes l'âme de l'hiver
la pie sur le toit qui picore on ne sait quoi — mais il se rendort
la plume s'élance dans la quête du poème avec insouciance
la chambre douillette de pénombre et de silence — le chat qui ronronne
des portes qui claquent des talons sur les carreaux ma petite-fille
quelques feuilles brunes dans les chênes désolés — l'hiver s'enracine
un verre entamé des miettes dans le couloir ma petite fille
au cœur du silence je me raconte une histoire et je ris tout seul
l'évier qui déborde et tout mon amour aussi ma petite fille
l'été était nôtre— sous l'avant-toit de canisses nous le dégustions
j'ai donné tant d'ans au temps mais il est gourmand et il me dévore
une seule pièce un robinet dans un coin — le soleil dehors
j'aimais son sourire j'aimais sa peau d'abricot j'aimais tous ses fruits
autour la garrigue et ses parfums de poussière — odeurs de résine
sur la place vide nous nous tenions par la main et par le sourire
plus loin le ruisseau — seulement un filet d'eau au murmure frais
seul le bruit de l'ombre qui tombait sur notre table remplissait le temps
nous parlions si peu mais nos peaux se conjuguaient
l'odeur du tilleul comme nos verres de bière coulait sous la langue 161
dans la même langue
la lune ricane
je pose mon livre le chat vient sur mes genoux nous nous endormons
que le printemps vienne pour que je puisse revoir un coquelicot
déjà la nuit tombe — lentement nous émergeons bâillement sonore
j'éteins la télé la nuit envahit la pièce enfin je respire
il quitte mes cuisses — il a faim il me demande d'ouvrir le cellier
au bord du néant je recherche un point d'appui qui n'existe pas la cosmologie — tout ce que mon chat en sait tient dans son assiette
il sort promener rêvasser dans le jardin ou tout autre chose
05 février 2019
il va revenir quand la nuit sera profonde le sommeil pressant
marqué par les rides le soleil pousse le ciel dans les plis du drap
le ciel se craquelle les constellations se brisent la nuit me harcèle
avant d’entamer un long marathon de siestes toilette sommaire
un hiver sans force une nuit à peine froide — j'ai peur de l'été
le soleil s’élève par-dessus l’humanité sans la remarquer la nuit l’ensevelira dans le néant sans témoin
la nuit se patine sur un ciel de glace mauve — l'hiver est timide
06 février 2019
04 février 2019
une aube frileuse se dissimule à l’abri des collines noires
clin d’œil du soleil et les collines s’enflamment — sourire d’hiver
inquiet il surveille depuis l’étroite terrasse l’état des travaux
quelques gorgées d’eau chassent le goût de la nuit avant les croquettes
bruits et roulements — les routes de la vallée perdues dans la nuit
quelques pas sur l'herbe — la plainte des feuilles mortes déchire la nuit
filaments de nuits — sombres vents-coulis qui glissent
tout au bout du ciel entre l'ombre et les collines
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sous les paupières
elle marque encor la page des mots oubliables
bruler les étapes j'ai fait ça toute ma vie — le briquet est vide
les branches fredonnent dans le vent d'une nuit tiède un hymne au printemps
assis sur le sable le refrain mélancolique des vagues fourbues
08 février 2019 un lever tardif — le ciel était déjà haut sur son étagère
le soleil mangé par la courbe d'horizon crépuscule froid
soudain il s’éveille — que suit-il par la fenêtre quel rêve équivoque
les pensées glissant par le trou du sablier nostalgie du temps
la nuit s'évapore — dans la buée de mes lèvres le goût du passé
regard égaré les souvenirs emmêlés le fil de la vie
je traîne mon ombre dans un voyage sans but autour de ma chambre
début de la nuit ignorance du destin immobilité
mon lit est trop grand pour les rêves minuscules que cède la nuit
sur l'aile du vent j'ai essayé de glisser des mots malhabiles
la côte est en vue mais la jonque encalminée cède à la paresse
07 février 2019 ce matin le ciel un mille-feuille de brumes et une chandelle
les marins rêvassent aucun n'aura le courage de prendre une rame
il se fond dans l’air comme le chat du Cheshire le sourire en moins
couchés sur le pont ils attendent la bourrasque qui ne viendra pas
les feuilles d'orchis ont poussé sur le talus et bientôt leurs fleurs couvriront de magenta le tapis d'herbe nouvelle
la terre a cessé de tourner et il ne reste que le crépuscule c'est la fin du monde et tout l'univers connu plonge dans l'abîme
loin dans ma mémoire reviennent le bruit des vagues et son goût de sel
nous étions enfants — j'avais sa peau pour refuge
feuille de ginkgo -
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et ses yeux comme armes
tout semble immobile une secousse parfois fait trembler les rails
sur son front un dieu avait imprimé le sceau de sa délivrance
il se sert un verre allume une cigarette et attend son tour
dans le ciel d'hiver la murmuration des aigles signe la déroute
peut-être qu'un jour on cessera d'agiter cette boule à neige
pour franchir le fleuve pas de pont pas même un gué seulement l'espoir
la place était libre alors je me suis assis sur mon avenir
la rive était lente le limon devenu sable — j'y perdais ma trace
rangée de vinyles je tire de sa pochette les quatre saisons
09 février 2019 les coups d’un pinceau trempé dans un gobelet rempli d’une eau sale
fin d'après-midi — il pleuvait et j'avais froid quand elle est passée
il s’est installé sur le fauteuil réparé en attendant mieux
d'un doigt hésitant les mots coulent sur l'écran — mentent-ils vraiment ?
assis à la porte le vieil impotent regarde le fleuve couler
il y avait son rire qui tournoyait dans l'été — l'hiver vint trop vite
ce soir-là il neige quelque part sur la campagne et sur le silence
la lampe en étain n'a jamais connu la flamme — potiche inutile
un train immobile lentement est recouvert de flocons épais
les ans ont passé — sur le gravier de l'allée le chiendent repousse
lumières diffuses dans la nuit fantomatique les fenêtres pleurent
la nuit ne veut plus recouvrir les hurlements de mes cauchemars
un seul passager dans un seul compartiment compte les flocons
une vie de rêves plus noirs les uns que les autres les yeux grands ouverts
il fume et il boit il ne sait pas où il va d'ailleurs il s'en moque
j'étais l'estuaire ensablé de ses désirs un fleuve tronqué 164
10 février 2019
j'aimais cette chambre au matelas capricieux et l'auvent d'arômes
soleil par endroit — mais aujourd’hui les nuages gagnent la partie
sur le vent chevauche l’odeur de neige lointaine d'un nord improbable
réveil plutôt lent — même avant de s’étirer il goûte le monde
sur le plateau tourne le disque cent fois joué d'un rêve rayé
silence sans poids — sur la table s'est posée une feuille morte
tombe dans mon cœur une pluie de vieilles larmes au sel sans saveur
j'ouvre la fenêtre — une envolée de moineaux avec mon sourire
la lumière est lente et la lampe qui vacille appelle la nuit
dans l'abreuvoir vide couvert de feuilles mortes une pie se baigne
12 février 2019
je faisais semblant de pêcher pourtant ma ligne n'avait pas d'appât
le soleil démêle un entrelacs de nuages frisé par le vent
nuit noire et profonde — le puits de mes souvenirs a perdu son seau
un bruit une odeur simplement un mauvais rêve il tourne la tête
le vent court la dune et au fond de mon regard la larme résonne
au bord de la nuit les rêves du papillon prennent leur envol
11 février 2019
écume des vagues au fond du ciel les nuages ont un goût de sel
les bras du cyprès bercent encore un nuage dans le ciel serein
posé sur le mur le parfum de la garrigue joue avec l'hiver
vigie impassible il surveille l’horizon du portail ouvert
mur de pierres sèches les mousses sont tes compagnes même en plein midi
accrochée aux branches la lune au premier quartier — un premier refrain
j'avais rêvé d'ailes mais ange aux plumes roussies le rêve s'enfuit
le vent a forci mais dans les branches du chêne des feuilles résistent
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bateau de papier tu ratures tous les mots pour passer le Styx
le ciel est strié des trainées de longs voyages et rêves de brume
j'avais fait naufrage au bord d'une flaque d'eau un soir de novembre
ombre du matin — il accroche la lumière et somnole encore
cette peau cuivrée au goût de sel et de sucre et ce grand soleil sur les ombres de ses plis dans lesquels je voyageais
15 février 2019
13 février 2019
sur la chaise vide à table en face de moi l'ombre devient flou
aboiements d'un chien feulement de la vallée je frissonne un peu
le ciel sans nuage et tranchant comme une lame — le soleil d’hiver
un liquide amer la bile mal distillée de la nostalgie
parti en voyage sur la barque du sommeil — brillants paysages
surface indistincte y flottent les souvenirs des âmes noyés
longtemps j'ai aimé des femmes molles et lentes — corps de feu qui couve égaré sous la chair blanche et s’embrase au premier souffle
j'aurais bien voulu hélas jamais je n'ai pu retenir mes larmes
les braises dans l'âtre ont gardé dans leur mémoire l'odeur de résine
lumière blafarde — dans la pénombre et les larmes je relis ses mots pourquoi ai-je conservé cette lame de papier
deux traces de pas se rapprochent puis s'éloignent — caprice du sable
la nuit prend patience elle ne craint pas le froid qui sourd de mes tripes
le vent me chuchote un secret si bien gardé que j'oublie déjà
mes mains de vieillard n'ont pas oublié ses cris de jeune gazelle
j'irai dès demain chercher mon vieux sac de billes au bout de l'enfance
il y avait des nuits où le temps passait si vite qu'on ne dormait pas
ce chemin étroit m'accompagne néanmoins au bout de l'ennui
sur le guéridon brusquement mon verre tremble — la nuit se rapproche
14 février 2019 166
une larme coule — lentement elle rejoint les rives du Styx
c'est toujours l'hiver — la nuit pose son silence sur les feuilles mortes
un peu de déprime beaucoup de mélancolie le sommeil s'enfuit
un cœur une flèche et un cupidon stupide l'amour empenné
derrière la vitre l'écureuil n'est pas venu me dire bonjour
17 février 2019 du ciel sans nuages s’élancent les rayons froids de brume sans poids
dans les viornes-tins des oiseaux si minuscules font trembler les feuilles
hiératiquement posé au bord de la table il dompte le temps
16 février 2019 matin sans chaleur — la brume entre les collines comme un souvenir
la nuit s'ennuage — l'ennui abuse d'un ciel pesant et livide
le même fauteuil — nous échangeons les chaleurs de nos somnolences
je me perds à l'aube dans un rêve où je suffoque sous le ciel salé
j'ai l'air bien pensif dans la lumière livide de mes acouphènes mais entre mes deux oreilles un grand vide est installé
parfois au souper nous mangions des cheveux d'ange — j'ai gardé les plumes
le regard se perd sur la crête des collines mon cœur bat si loin
l'ombre du tilleul nous paraissait si légère dans la chaleur moite le chemin restant à faire était pourtant bien trop lourd
l'ombre était féroce elle tranchait la lumière et l'odeur d'été
18 février 2019
les cailloux roulaient sous nos pas mal assurés — le ciel se mérite
sur le bord du puits sereine la mort attend qu'il se jette à l'eau
en toute conscience l'homme a escroqué la terre à coups de notaires
la lune insolente gonflée comme une baudruche garde le silence
les ombres diffusent à la lueur de la lune et l'esprit s'égare
les jours s'évaporent — les nuits sans même combattre déposent les armes
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plantée dans le sable une vieille croix de bois que la mer submerge
les premières feuilles pointent le bout de leur nez dans le lilas blanc
qui viendra s'asseoir à la dernière tablée boire un dernier verre
est-ce bien la fin ? déjà les fleurs d'amandier tombent sur le sol
odeur d'abricot et parfum d'iris sauvage — mémoire emmêlée
parfois sur un banc de la contre allée ombreuse nous posions nos rêves pour ne pas les fatiguer mais il était bien trop tard
estomac brûlant — je me retiens de vomir sur mes souvenirs
20 février 2019
peur des crépuscules je prolonge les veillées jusqu'aux aubes rouges
ce silence intime qui désespère et me mine — je n'ai plus la clé
sa main dans ma main nous nous asseyions souvent sur le bord du soir dans le silence et la paix des collines parfumées
dans la nuit farouche les ailes frêles des rêves ont laissé des plumes
les fleurs d'amandiers ont recouvert les cheveux du vieux moine zen
des rivières d'or coulant sur des lits de perles roulaient des diamants c'était un pays étrange où les rêves prenaient vie
19 février 2019
chant de la vallée — la nuit figée sous l'auvent entretient la peur
parole envolée — mais quand elle reviendra je vous sourirai
21 février 2019
du sommet du ciel la lune au regard glacé émiette ses dards
entre les collines écarlate elle se dresse au-dessus des ombres
dans la contre lune la silhouette des arbres érige un palais
c'est un vent lointain dont j'écoutais les histoires le long du chemin
dans la nuit lunaire le tapis de feuilles mortes devient de la soie
lié au destin l'avenir n'existe pas seul le présent passe
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les petits bonheurs ceux qui nous ont fait sourire ont cette importance
23 février 2019 matin en lambeaux — la brume entre les collines sans bruit se déchire
taches sur les mains et rousseurs sur le visage — l'automne est passé
vigie attentive il guette avec impatience le printemps furtif
je ne compte plus et la sixième saison lentement s'efface
on sent dans les branches un fort désir de bourgeon une envie de vivre
22 février 2019
je ferme mon livre — les yeux me brûlent un peu sous la lampe terne
étrange pays que le pays de la nuit aux gares absentes
c'était une histoire de vent de désert de sable et d’iris aussi
j'ai ouvert un livre — une maiko joue du luth sous les sakura
au bord de la route il y avait une auberge retirée dans l'ombre parfaitement invisible où les rêves faisaient halte
la nuit prend ma main et guide ma rêverie vers la nostalgie le premier pollen sur la table de l'auvent j'ai tracé son nom
ils s'y reposaient des fatigues du chemin des combats menés contre des armées de spectres et de zombies déguisés
je ferme les yeux j'imagine son visage tout contre le mien
le vieil aubergiste leur servait contes et fables et versait du vin des vignes dans les nuages qui pétillait sur la langue
parfum d'abricot — sur ma peau je sens sa peau qui frissonne encore la branche encor nue comme un kanji sur la lune — pêcheur de lumière
c'était une auberge qui n'existait pas vraiment mais s'il le voulait un rêve y trouvait pitance avant de s'évaporer
je lève mon verre et mon ombre fait de même — nous nous saluons
dans la cheminée les flammes ont dévoré sa dernière lettre
brumes matinales coulant entre les collines — la vallée s'éveille
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le vase était vide — je l'ai rempli d'espérance mais les fleurs se fanent
syllabe de trop qui me perce le gosier — compter me rassure
sirène lugubre elle court et effarouche la vallée tremblante
silence de trop — la musique interrompue plonge dans la nuit
je range mes songes dans l'ordre de leur couleur du gris sombre au noir
25 février 2019 matin dans la brume l’haleine de la vallée est bien froide encore
oiseau sur la branche — dans cet équilibre instable l'histoire finit
il s’est rendormi après le petit salut aux tuiles du toit
24 février 2019 l’écharpe de nues s’étend mollement aux pieds du vieux Garlaban posture de sieste — à croire qu’il veut gagner un concours absurde
Macro climat serein. Galoubet et Buccin jouent le même refrain sur l'île aux enfants où tout le temps c’est le printemps.
l'année du cancer j'ai planté un olivier qui me le rend bien
un soir il neigeait ma voiture a patiné j'ai pris un congé
soirée sans secousse vers l'îlot des rêveries je tiens bon le cap
au bord de la mer par un soir d'hiver j'ai vu l'horizon se tendre
pénombre soluble et silence incandescent — papillons de nuit
la terre s'en fout — en un siècle nous avons banni tout espoir
les ombres des meubles dans le silence immobiles — des gouffres de nuit
je l'ai retrouvé dans un vieux livre de classe mon premier amour
mystère des nuits qui commencent dans la crainte d'égarer le jour
des îles si proches sur lesquelles rien ne pousse que la soif du large
douleur dans les dents — à peine si je peux mordre mes expirations
pas de vent ni bruit mais sur la route immobile la poussière épaisse
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une borne au loin — on ne la distingue pas mais elle est bien là
parfum de lilas — dans les bourgeons j'imagine la couleur des fleurs
rendez-moi le vent qui raconte des histoires que je peux comprendre
j'essaie de savoir quelle odeur aura l'oubli quand je serai mort
26 février 2019
tant de verres bus ! y en aura-t-il assez pour un seul poème ?
lentement les branches accompagnent les bourgeons tendus vers le ciel
27 février 2019
l’antenne télé sert peut-être de perchoir à quelques bouchées
le ciel ne sais plus avec quel pinceau jouer — une brosse ronde ?
à la fin du jour j'attends des heures qui viennent une délivrance
à table il médite comme un gros sage gourmand couvert de fourrure
la nuit le repaire des ombres enténébrées et rêves obscurs
la jeune princesse dissimulait son sourire derrière un tessen les lames d’acier pourtant scintillaient comme des crocs
une main tendue que je n'ai pas su saisir au-delà du gouffre
à l’abri des arbres les feuilles mortes pourrissent comme ma mémoire
elle va et vient se jouant d'un vent léger une feuille morte
je veille mon chat — sur le coussin il somnole d'un sommeil malade
sur la table instable j'ai nettoyé la poussière et les ronds dans l'eau
ses vibrisses brillent sa respiration se fige il rêve qu'il chasse
à travers la vitre le refrain mélancolique d'un rayon de lune
le poids de la nuit est tombé sur son pelage — je le vois à peine
à l'ombre des pins une fleur de pissenlit offre ses racines
son flanc est plus calme son souffle devient profond il s'endort vraiment
qu'il est maladroit ! mon cœur a raté la marche qui mène aux nuages
chemin sous la lune l'ombre démente des arbres ricane en silence
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28 février 2019
il frotte ses mains froides d'une terre aride l'une contre l'autre
brume matinale mêlée de fumées plaquées — l’air de la campagne
il plisse les yeux pour bien figer les collines mais le flou persiste
il attend peut-être que je lui fasse un shampooing mon petit dodu
sa peau d'abricot dans les rides de ses mains reste encor gravée
le vent prend son temps les dernières feuilles mortes tombent mollement
il sentait la joie qui coulait avec ses larmes un jour de printemps
vingt-huit février quinze degrés à minuit sacré thermomètre !
la barque arrimée au bord du quai de l'espoir n'est jamais partie
ma tête bourdonne une abeille dans l'oreille pille mes neurones
la feuille éreintée qui est tombée dans mon verre est ressortie ivre
le vent s'embourrasque les feuilles mortes s'abritent au seuil des ténèbres
02 mars 2019
01 mars 2019
entre les nuages le matin cherche une place à mettre au soleil
un lointain portique monte à l’assaut des nuages que le vent balaie
il se sent en forme suffisamment pour grimper manger sur l’évier
mon chat égaré dans l’ombre de ses pensées voyage insouciant
ainsi se termine un petit livre de contes écrits bien trop vite
là au fond du ciel une étoile s'illumine rouge de mon sang
le vent s'est calmé les feuilles mortes reposent en paix sur le pré
assis immobile sur le vieux banc de bois tiédi au soleil
pénombre propice aux gambades des pensées mais tout va trop vite
vieillard taciturne il se raconte des fables et ses rides tremblent
fierté d'écolier dans sa poche il y avait un opinel huit
une feuille morte s'est posée sur son béret pour l'apprivoiser
172
son allure avait l'élégance d'une flèche qui atteint son but
fichu noir serré sur ses vêtements de veuve grand-mère de l'ombre
mais mal empennée elle était si sûre d'elle que j'ai débandé
04 mars 2019 retour des nuages ils ne pouvaient pas laisser gagner le printemps
j'ai brisé la corde détendue et dissonante perdue sans le sol
donc réfléchissons je bois ou bien je me couche dans le lavabo
à quoi sert un arc fut-il des meilleures fibres sans la corde à tendre
soirée indolente dans le silence furtif la lampe somnole
je voudrais poser mon âme et mon corps fourbus au bord de la route
les orchis fleurissent au bord du petit talus planté d'oléastres
dans le figuier nu sans craindre qu'on les remarque quelques pies papotent
il pleuvait ce matin-là je marchais sans parapluie sur le trottoir inondé et je l'ai croisée
03 mars 2019 toujours pas de feuilles pour parer les branches nues — l’hiver se déguise
entre les graviers le chiendent robuste gagne toute la terrasse
pause sur la table avant d’aller se poser sur son coussin rouge
s’il pouvait pleuvoir une douce pluie sans force et mélancolique
un premier crapaud dans la nuit sombre de mars fait des vocalises
c'est l'esprit de mars égaré dans les bourrasques qui vaincra l'hiver
le cœur bien au sec on les attend de pieds fermes folles eaux de mars
sur ma terre plate il n'y a pas de montagnes il n'y a rien
dans mes mains ridées la terre prend tout son sens et un arbre germe
je voudrais dormir et ne plus me réveiller — rester dans le rêve
je ne me souviens de ma vie sans importance que des jours de pluie
sept milliards d'humains sept milliards de revenants ne plus respirer
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comme des enfants nous gambadions sur la plage enfants nous étions
05 mars 2019 grimée en hameau lentement la ville avide ronge la garrigue
cet été était le repaire de nos jeux sa rose des vents
petit exercice — quelques pas dans la lumière et retour au lit
parmi les arômes au vent du sud nous laissions notre porte ouverte
un fier tourtereau déclame à sa tourterelle un bruyant poème
quand soufflait l'autan nous enfermions nos caresses sous un lit d'ivresse
odeurs de printemps dans le vent léger qui joue des feuilles naissantes
mais un vent du nord un soir d'automne mauvais nous a dispersés
l'herbe déjà haute n'attend plus qu'un peu de pluie pour frôler le ciel
06 mars 2019
phare minuscule — veilleuse de la télé que je n'éteins pas
mars se rit de nous — l’hiver bloqué par la porte des nuages froids
lumière cruelle dans le jardin du voisin — mais un grand silence
pour lui rien ne change — toujours l’heure de dormir quelle que soit l’heure
cadre un peu penché — on dirait que le voilier coule sur le mur
plus rien à dire je laisse à mon âme aphone le soin de conclure
sur la berge ombreuse absout de tous ses péchés un pêcheur sans canne
contre le volet le rideau de perles grogne après les rafales
jupon indécis va-t-il profiter du vent pour se soulever
je n'ai plus la force d'en poser sur la platine — rangée de vinyles
jeunesse insoumise et vieillesse sans courage un rien vous sépare
et ces deux gros baffles à quoi me servent-ils donc dans le grand silence
de mes lèvres closes un mot resté prisonnier tente une évasion
j'ai mis au grenier les souvenirs des voyages que je n'ai pas faits
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un gros coquillage essaie de me rappeler la chanson des vagues
malgré le printemps et le ciel ensoleillé il pleut sur mes rêves
comme un clandestin sur le marchepied du temps je voyage à l'œil
je vois sur l'écran une immense chevauchée la télé éteinte
nuit sous les étoiles sur la porte de la chambre ne pas déranger
lent épuisement de toutes les facultés — je grave ma pierre
hôtel de passage — seul dans la nuit il regarde le jour se lever
je déambulais sous l'allée de marronniers — le conte des morts
la fenêtre ouverte il écoute au loin les vagues mordre les rochers
l'alcool et les larmes d'aventures oxydées coulaient dans mon verre
un matin d'hiver le froid venu le saisir ne le lâche plus
en face de moi le mur blanchi à la chaux est devenu gris
puis il est parti un oiseau par la fenêtre oubliant le nid
un instant d'ivresse et on se réveille avec la gueule de bois
07 mars 2019
le bruit lent des vagues qui déroulent sur la plage leur mélancolie
il ne fait pas froid les rêves me tiennent chaud la nuit sous l'auvent
le château de sable peu à peu anéanti dans l'ordre du sel
une pensée folle efface d'un pas de danse la mélancolie
la gorge nouée par un garrot d'amertume je n'ai rien pu dire
bilan du labo — il va falloir que je cueille ces fleurs dans mon ventre
08 mars 2019
la nuit se faufile dans le cœur de mon silence — petite lucarne
déjà des bougeons tendent les nouvelles branches — l’archer et sa flèche
cueillies par le vent les dernières feuilles tombent entre les bourgeons
mon chat indistinct dans le bruit et le brouillard — photo du Cheshire
175
chaque jour son lot de surprises aujourd'hui mon chat m'offre un lapereau
aboiement d'un chien au loin sur la route sombre — la nuit intranquille
10 mars 2019
ouvrage du temps — même dans les cimetières les pierres s'effacent
au fond du vallon la brume se colle encore aux routes douteuses
sourire au passé et pleurer sur l'avenir qu'on sait sans espoir
rentré de balade ébouriffé – ça mérite un peu de coiffure
l'ombre se referme comme un couvercle de plomb dessus ma mémoire
la barque chavire et voilà comment on meurt noyé dans le Styx
j'avais dix-sept ans je ne voulais pas vieillir — comme le temps passe !
ces vieilles photos — mon regard d'enfant déjà si mélancolique
de fil en aiguille le suaire se referme sur l'âme endormie
les pieds sur la table j'attends que d'un bond mon chat saute sur mes cuisses
09 mars 2019
je glisse un CD — la béance de la nuit joue Bach par Glenn Gould
un ciel cent chemins qui ne mènent nulle part — nuage égaré
la langue du fleuve rassasiée des boues humaines ronge l'océan
quelques taches blanches — mon chat maquille la nuit d’un pinceau de rêves
depuis des années j'ai perdu le goût de lire et j'écris très mal
trop près de la lampe petit papillon de nuit ne t'approche pas
voilà dix mille ans que je me vois immobile sur le banc des chênes
petit lapereau par le gros chat apeuré tu ne crains plus rien
vite et par surprise je voudrais qu'elle survienne — j'en demande trop ?
douceur de la nuit propice aux enchantements de rêves promis
j'ai ouvert la main aucun oiseau n'est venu picorer mes pores
le vent me confie l'histoire de l'éléphant et de la souris
176
pénombre et silence accompagnent mon humeur au bord du sommeil
quelques fleurs encore sur le vieil abricotier — mémoire insoumise
le sel et les vagues — les bords de mer en hiver sont mélancoliques
gravés dans le sable les serments et les promesses des adolescents
prémisses du vent — au nord le ciel était rouge et mon cœur aussi
c'était la promesse d'un été sans concession — un été brisé
11 mars 2019
12 mars 2019
dans le ciel de vent les nuages malmenés s’enfuient vers le sud
même ciel brumeux sur la vallée qui s’étire et bâille en rêvant
prélude à la sieste une petite toilette est indispensable
fauteuil réparé voilà qui mérite bien la place au soleil
en pleine lumière le cri des pies qui convoitent un morceau de pain
elle avait six mots qu’elle agençait en bon ordre — puis elle est partie
quand le vent mugit les tourterelles se taisent le jardin aussi
contre le ciel blême le fantôme des grands pins l'ombre de la nuit
un temps favorable un peu de tonte aujourd'hui — je suis fatigué
couché sous les chênes le museau entre les pattes le vent se recueille
dans les lauriers-tins des milliers de fleurs écloses pour quelques abeilles
sur mes jambes lourdes une tonne de tendresse doucement ronronne
morne saison sèche — un mois de mars décevant couvert de poussière
derrière la vitre la nuit se met à grogner — je lui jette un sort
entre les étoiles mon esprit s'est élancé sans trouver la sienne
silence de l'âtre la bûche craque parfois — caresses des flammes
au creux de l'épaule le souvenir de sa tempe a laissé son manque
démarche légère j'ai arpenté le jardin un matin de mars
177
assis sur sa chaise il attend que je dépose son plat de croquettes
13 mars 2019 lissées par le vent la brume et les nues se tassent au fond du vallon
je ponds des tercets comme on poinçonne aux Lilas sans y prendre garde
un dernier regard par la petite fenêtre avant de dormir
le vent se tempête dans les tas de feuilles mortes — remise en désordre
murmure du vent — les bourgeons et leurs violons grincent dans la nuit
j'imagine au loin le soleil sur l'horizon orné d'un sourire
dans le courant d'air le pollen et la poussière dansent sous l'auvent
je sais être doux pourtant sans raison je griffe — mon chat m'a appris
au bord du regard une larme sans raison brouille la lumière
sans savoir pourquoi je suis de mauvaise humeur pourtant je me soigne
un coussin moelleux — le gros chat et sa paresse creusent leur repaire
le front douloureux je referme les paupières un feu d'artifice
de lentes gorgées peu à peu vident mon verre de larmes amères
première tarente — il semble que c'était hier que j'ai vu la dernière
ces années épaisses qui me collent au gosier comme un cri de haine
odeur d'herbe rase — je viens de me promener avec la tondeuse
lentement la barque en raclant le fond parfois suis le cours du fleuve
la lune passée s'est agrippée aux branchages avant de tomber
14 mars 2019 15 mars 2019
j'ai longtemps pleuré parfois des larmes de joie souvent de chagrin mais le temps irrémédiable a épuisé mon regard
un bal dans le ciel à la musique des nues — toujours pas de pluie il boit à la source — le domaine de mon chat est plein de déserts
course des nuages dans le ciel d’un bleu de Prusse — le vent gifle encore
178
les crapauds se plaignent d'un mois de mars trop aride — ils ont la toux sèche
souveraine et nue la lune a couvert mes yeux d'un linceul d'argent
j'ai semé du sel dans les sillons de mon cœur les vagues fleurissent
le chat s'est couché sur son coussin préféré à l'abri du vent
perclus de pénombre le silence geint craintif sur ma somnolence
dans les herbes hautes les orchis se sont cachés — odeur d'ail sauvage
en ouvrant mes mains pour une offrande à la vie le sable s'échappe
une étrange histoire de vent et de feuilles mortes griffe ma mémoire
son jupon de brume vaguement plissé la lune a des airs de fée
lent pourrissement de mon corps mal arrimé au quai de l'oubli
je monte à tâtons — réveiller le chat qui dort vous n'y pensez pas
je ne suis pas poète je chie les mots dans la douleur d'une constipation
17 mars 2019
je fuis et je fuis d'orifices mal fermés soumis à la fuite
ils étaient si proches mais la distance infinie en si peu de temps s’est creusée d’un gouffre immense une sorte de trou noir
écrire est un art que je ne maîtrise pas : je jappe et je crie
chassant les nuages le soleil est assez haut pour pendre la veste
16 mars 2019 au-dessus des toits entre la brume et nuages le soleil hésite
devant le grenier il attend que je lui ouvre pour son inspection
la petite sieste sur mes cuisses rembourrées il n’hésite pas
entre chien et loup le silence de la brume et souffle des arbres
des trains jouent des trompes l'un sans doute très pressé veut dépasser l'autre la symphonie ferroviaire n’enchante pas la vallée
les crapauds s'essoufflent à coasser dans le vent — que vienne la pluie ! petite lucarne qui ouvre sur les ténèbres du jardin aveugle
179
un filet de brume lie le chêne et l'olivier jusqu’à l’aube froide demain ou une autre nuit ce lien de gaze rompra
au fond de son cœur restait un noyau d'amour dur et desséché nous n'avions plus peur de l'orage et des tempêtes sa main dans la mienne
au bord du chemin les pissenlits matinaux m’offrent leur sourire
pour un seul sourire je vends la peau de cet ours qui bougonne en moi
j'ai donné aux mots une soirée de vacance ils n'en disent rien
j'ai le vague à l'âme depuis que j'ai égaré l'ombre de mes mots
dans le clair de lune l'ombre des branches frivoles taquine mon ombre
la vieille télé — lui manque-t-il des images depuis tout ce temps
pourquoi cette larme coule-t-elle sur ma joue quand je me souviens
l'ombre du crapaud contre le bahut de chêne — la sombre chimère
il y a longtemps un soir de mars il pleuvait sur ma solitude
la nuit s'effarouche des rafales insoumises qui plient dans les branches
éclat de charbon dans mon cœur incandescent — la nuit me fait mal
18 mars 2019
19 mars 2019
à grands coups de fouet il repousse les nuages loin dans les collines comme un cocher de télègue le vent aboie aux oreilles
soleil insipide — dans un ciel martyrisé les nues se bousculent il a retrouvé pour un seul matin sans doute son adolescence
griffées par le vent ensorcellement de nues autour du soleil
Les vieux Ils chassaient les loups avec des cailloux. Quand ils n'eurent plus de pierres, les loups n'en voulurent pas tant ils étaient maigres.
le fond de mes yeux est abreuvé de merveilles quand je vois ses yeux d'une rive à l'autre l'incertitude du gué attise la crainte
je baisse la garde la nuit en profite alors pour mordre au gosier
180
pour voir dans son cœur j'ai posé ma bouche humide sur son doux sourire pourtant j’étais si timide c’était un premier baiser
le ciel chante bleu et tisse un écrin de soie à la pleine lune un boulet d’années — j'avance si lentement le temps me dépasse
flotte dans la nuit l'air léger d'un printemps de fraîche musique
21 mars 2019
c'est la nuit de mars qui a piétiné mon cœur — je l'ai su trop tard
dans le ciel, rien sur les collines non plus — les arbres sans feuilles
la mélancolie la pénombre et le silence — pivots de ma vie
posé sur la table et à moitié somnolent il plisse les yeux
un chat assoupi — la mélancolie soyeuse ronronne à mes pieds
lune échevelée dans la houppelande bleue du ciel sans étoiles
hérissé d'épines comme une rose sauvage mon cœur se défend
lumière frileuse — elle attendrit sous l'auvent mes pensées nerveuses
20 mars 2019
voguer sur le vent jeter l'ancre n'importe où embraser le ciel
les nues se rassemblent au-dessus de la vallée — présage trompeur
il fait froid encore ivre de mélancolie je monte mon col
le nez sur un pied il respire son sommeil d’une lenteur douce
au fond du gosier ce goût de vieille défaite — le sel de mes larmes
le chat sur le toit dans cette nuit équivoque rêve au clair de lune
fauteuil avachi ses cousins ont pris la forme de mon avenir
souvenirs anciens rameutés par la marée — le cœur bat plus vire
22 mars 2019
preuve de la nuit — il fait si sec dans mon cœur et pourtant il saigne
le ciel flou de brume encore à l’heure tardive cache des secrets
parole éclatée — le murmure d’un sanglot noyé sous les vagues
l’évier du cellier la nouvelle découverte du chat des fontaines
181
assurément non je ne suis pas le poète de cette âme absurde dans les abysses des signes je ne suis qu’une virgule
la mare est petite un seul crapaud dans la nuit crie sa solitude un ballon d'enfant comme on n'en voit plus jamais la lune se lève
23 mars 2019 aussitôt levées les nuées en pyjama se frottent les yeux
la nuit me submerge une vague d'alcool fort draine mes paupières
petit coup de brosse avant d’aller au jardin pour son inspection
illusion de vivre ne rien faire pour mourir les algues du temps
au bout de la ligne comme une anguille ferrée les souvenirs gigotent ils glissent entre les doigts aussi fourbes que visqueux
un vieux cauchemar aux arêtes émoussées me tient lieu de rêve
25 mars 2019
rouge et essoufflée la lune escalade un arbre
table sous l'auvent le pollen poussière d'or me la rend précieuse
balade immobile la paresse m'accompagne
sous l'auvent le vent invente de vaines fables incompréhensibles
les pieds sur la table un rêve court dans ma tête la nuit me surprend quand je déterre un soupir
je sombre la nuit dans un cauchemar houleux couvert d'icebergs
la lampe chancelle je me raccroche à mon ombre
26 mars 2019
la flamme ronronne couchée sur son lit de braises
l’arbre de Juda s’est réveillé écarlate — je cherche un pendu
le bruit de la nuit respiration du silence
devant le grenier il se gorge de soleil — les carreaux rougissent
musique lointaine une soirée d'inconscience
une pluie de rires de mépris et de sarcasmes sur mon cœur percé j’ai ouvert un parapluie aux baleines disloquées
24 mars 2019 petite tarente sous les mallons de couvert il doit faire doux
182
sous l'auvent je fume une cigarette amère
la lune à l'affût des étoiles arrogantes
la lampe timide craint les ombres gigantesques
petite lucarne elle filtre les ténèbres
le soir me repose d'une journée de néant
frêles doigts du vent qui infatigablement sculptent les nuages
sur le banc de bois l'ombre des chênes somnole
au bord des paupières le froid amer de l'absence
dans le soliflore une rose s'ennuie ferme
sur la langue le goût de l'absente
carnet moleskine dans lequel nous dialoguions — les traces s'incrustent
dans la nuit frileux je resserre les cordons de mes souvenirs
les sables du temps figés dans l'oubli sans fond — plus un grain ne bouge
combien de soupirs vont précéder le dernier
une étoile rouge est dressée sur l'horizon — le ciel prend parti
28 mars 2019 feuilles du figuier qui pointent leurs jeunes pousses — torture des branches
dans mes tripes fluides l'envie de vivre résiste aux tristes marées
dans le rituel on sacrifie un peu d’eau avant de la boire
27 mars 2019 au bout des rameaux les jeunes feuilles insistent auprès du printemps
les nids endormis dans le silence et la nuit bruissent doucement le gros matou sur mes cuisses vient de dresser une oreille
sur le lac sans ride une barque est immobile elle est vide aussi absurdes les rames trainent inutiles corps sans vie
lumière de miel — sous la lampe du salon des lettres d'amour
je suis fatigué un vent souffre dans ma tête
l'histoire est finie — je poserais bien un point mais mon cœur hésite
le fauteuil creusé comme une vieille tempête
assis sur le banc je respire l'univers clos de mon jardin
183
l'ombre était complice et mon corps incandescent cherchaient sa tanière
penser à demain c'est penser à mon trépas — je pense au passé
mots de tous les jours pour la parole évidente — tercets sans énigme
combien de trésors qui ne valent pas un clou dans la vieille armoire
parfums à mes trousses je courais dans la garrigue — j'étais innocent
à mes pieds le vide incommensurable et vain d'un gouffre de sable
un bruit de rocaille comme une alarme essoufflée vient rayer la nuit
les chênes s'habillent le chant joyeux des oiseaux exalte les feuilles
la télé éteinte je rembobine le film de mes illusions
l'ombre de la fleur pose sur la coccinelle un voile léger
29 mars 2019
dans les viornes-tins le partage des oiseaux
un ciel sans couleur couvre l’ombre des collines saison languissante
30 mars 2019 les nuages passent indifférents et hautains sans espoir de pluie
le portrait d’un chat égaré dans l’univers des rêves félins
changement d’étage il retrouve son bol bleu — le retour aux sources
en plongée profonde je m’abreuve de l’eau sale de mes souvenances par lentes déglutitions je bois le sel de mes larmes mailles de mémoire — gout de sel et d'abricot mêlés sur mes lèvres
l'ombre du feuillage — des bouquets en noir et blanc que le vent caresse — toutes ces vieilles photos qui bruissent sous le couvercle
les photos passées d'une rencontre éphémère
le chant des oiseaux et le printemps sort de terre
arêtes tranchantes — mon cœur à mal supporté ses éclats de rires
petites gorgées le verre dure longtemps une heure éreintée en pause au bord de l'horloge
trop de passagers sur la barque de mémoire — naufrage du temps
184
couvert de fatigue je secoue mon existence
promesse de pluie — sera-t-elle enfin tenue par le ciel timide
personne ne peut imaginer le néant
un rêve pénible a agité ses vibrisses — le réveil inquiet
à l'ombre des pins un nuage de pollen
le ciel sans chaleur cède la place aux nuages — quand tomberont-elles les ondées tant espérées par les herbes déjà jaunes
saison des fleurs jaunes les pâquerettes patientent j'ai remis de l'ordre dans le tiroir poussiéreux
pour un verre d'eau la mélodie des crapauds — chanson pour la pluie
mois de mars sans pluie désespérance du pré et des fleurs atones
première hirondelle un éclair sous les nuages clin d'œil du printemps
le morne silence et la lumière sans joie — la mélancolie
fin d'après-midi — le soleil nous offre encore de longues lumières
31 mars 2019 au changement d'heure mon chat a perdu le nord
les feuilles des chênes s'enhardissent tout au long des nouveaux rameaux
où sont-ils allés tous les rêves oubliés
de petits points jaunes entre les troncs du verger festin des insectes
changer de trottoir pour ne plus la rencontrer
vient l'apaisement — soupirer quitter la route et sécher les larmes
01 avril 2019 dans le ciel malade le printemps est au chevet des nuages blêmes
la lampe de bronze la soirée devient pesante
patient il attend que je dresse le couvert il ne m’aide pas
chambre d'hôpital la fièvre sur les murs jaunes sur le banc de bois les fantômes se bousculent
le soleil sans force essaie de chasser les nues le ciel est tenace sous la menace il ne cède aucun éclat de nuage
pendue au plafond une toile d'araignée — refuge des songes
02 avril 2019 185
traverser à gué et se noyer malgré tout
de vieilles cassettes alignées dans un carton — l'ère des péplums
livre à peine ouvert et voir la dernière page
au détour d'un conte mon ombre a croisé la sienne
une main tendue quelle que soit l'intention c'est déjà une arme
les feuilles figées dans la crainte des fantômes
tout est vieux chez moi les objets et la mémoire
05 avril 2019 soleil sans chaleur l’eau froide du robinet m’a mordu les doigts mais il fallait bien pourtant arroser ce cœur flétri
03 avril 2019 sous l'auvent silence les pensées font le ménage de mes nuits grinçantes la pluie commence à tomber sur les tuiles mal scellées
un coin de jardin entre l’ombre et le lumière d’un matin d’avril
petite fissure dans la muraille de nues — le jour en profite
douceur du soleil — dans ses pupilles fermées il fait provision
du donjon il guette les gouttes de pluie qui coulent sur la vitre froide
la nuit se recueille à la lueur des étoiles
la pluie sur l'auvent qui tout doucement fredonne la chanson des tuiles
silence des feuilles trop jeunes pour bruire encore
04 avril 2019
étrange bruit sourd qui secoue le mur aveugle
lumière tremblante les ombres furtives dansent
souvenirs d'été sourire de la mémoire
des frissons encore — le soir d'avril se souvient du bruit de l'hiver
je glisse un CD la platine se renfrogne lumière profonde — le requiem de Mozart secoue les ténèbres
jour après la pluie j'écoute l'herbe pousser
par la porte ouverte l'odeur du jardin humide
au milieu du pré je devine l'espérance des coquelicots
des matins d'avril s'échappe la nostalgie d'un parfum d'hiver
un chameau au mur cherche à sortir de son cadre
186
ombres du salon — je les surprends quelquefois au coin des paupières
sur la toile écrue pas même un coup de pinceau
06 avril 2019
07 avril 2019
sont venues les nues ambassades de la pluie promise au printemps
le ciel ne sait plus comment sculpter ses nuages — la pluie amnésique
retour à la source — sur ses vibrisses sensibles l’eau est une joie
du haut du donjon il attend les coups de brosse mais s’endort déjà
la nuit insoluble tourne autour du dernier verre de whisky doré petit papillon de nuit déjà ivre de lumière
j'ai offert ma peau à l'usure de la nuit et au temps complices devenue ruine de rides et amas visqueux et gras
le froid de la nuit s'est glissé sous le chandail épais de mes rêves
auprès de la lampe une tarente frileuse soigne ses écailles
j'écris le soleil à la lueur de l'écran
un cri de grenaille — une chouette s'est blottie dans la nuit humide
la pluie a cessé — bruit des branches qui s'ébrouent dans le froid humide
affronter la nuit plutôt que des cauchemars
j'ai fait un totem d'un vieux bout de bois flotté lissé par le sel
les crapauds dialoguent dans une mare cachée par la nuit humide
assis sur le sable j'ai essayé dans ma paume d'en compter les grains
le chat est rentré avec l'odeur de la nuit collée aux moustaches
les mains vers demain le regard dans le passé
des pierres d'eau froide pèsent sur les herbes hautes
un rai de lumière sous la porte de l'enfer
contre les ténèbres mes pensées tirent des bords
un fleuve de cendre explose dans mon gosier
brume dans mes yeux faut-il changer de lunettes
en buvant un verre je me raconte des fables et je ris tout seul
pénombre et oubli le silence du fauteuil
187
c'était un jour gris le vent d'est courbait l'échine du saule pleureur
l'encre a traversé le papier du vieux cahier — poésie dissoute
d'un index tremblant il me montre le tarif de la traversée
09 avril 2019 le matin d’avril se souvient des nues rêvées le mois précédent
ses seins abricot avait un goût de soleil dans l'obscurité
petit déjeuner puis quelques gorgées d’eau fraîche pour faire passer
du fond d’un tiroir je tire une vieille lettre au parfum d'iris
un petit vent froid souvenir d'un long hiver succède à la pluie sous l’auvent empénombré je me blottis dans les rêves
les verres se vident sur le zinc de la mémoire
08 avril 2019
lugubre une chouette au silence du crapaud répond c'est la nuit
des lambeaux de gaze s’accrochent encore aux feuilles juste défroissées
sa main et ma main l'une dans l'autre mêlées comptaient les étoiles
la toilette intime dévoile ses opinions — cuisse de quenelle
un torrent sourdait hors de ses cris assouvis
le soir nonchalant entraîne mon indolence dans le lit des songes je m’éveille et me demande si le monde existe encore
tremblant d'impatience avril fait la sourde oreille soirée sous la lampe je troque un instant mon livre contre une gorgée
le chat est sorti — rendez-vous avec la nuit je la suis des yeux hélas mon ombre est sournoise
avec le canif compagnon de mon enfance j'ai gravé ma canne
paré de joyaux le ciel profond de la nuit
petit acrobate il traverse le jardin sur un fil tendu
je suivais les rives le long de son estuaire d'une langue avide
les herbes sont hautes bientôt je pourrai rêver à l'ombre des fleurs
sur sa peau de cuivre brûlaient mes lèvres humides
188
silence profond j'entends le débordement du sang dans mes rêves
un soupir suffit pour qu'un rêve se déguise en cauchemar gris
l'envers de mon rêve jusqu'à la dernière goutte — verlan de mon verre
la petite plage au bord du petit ruisseau où j'ai bu son eau
son corps de sirène — là où mon cœur s'est noyé sur le bord du ciel
je lis sous la lampe et les lettres se maquillent en fourmis futiles
j'écoute la chanson rouge des galets roulés
11 avril 2019
10 avril 2019
un peu d’aquarelle sans trop d’imagination — ciel d’après la pluie
pâleur du soleil elle embrume les collines au loin dans le ciel
la lucarne ouverte sur la chanson du jardin — pensées vagabondes
il attend que claquent les serrures du grenier pour son inspection
dans le courant d'air le grincement des crapauds qui ferment la porte
minuscule insecte je pousse mon gros boulet de bouse et d'ennui sur les traces de Sisyphe dans la pente cahoteuse
odeur de la pluie sur le tas de feuilles mortes au milieu des tombes la façade humide dévoile des territoires aux contours solubles
sur la page vierge mes pensées tournent en boucle je reste infertile
le chat s'est couché il doit en avoir assez du pré détrempé
les mots sont restés tapis entre l'épaisseur de l'encre et la plume
sa peau veloutée était un fruit qui tentait ma langue curieuse
sa voix éraillée a accroché à mon cœur des noyaux de pêche
regard de charbon et ses lèvres entrouvertes je me consumais
ce n'est pas la nuit ce n'est que le crépuscule qui brouille mes yeux
quelques gouttes jouent sur les tuiles mal scellées — l'auvent se rebiffe
le fauteuil est large mais mon ombre à mes côtés prend toute la place
189
la nuit reste intacte — seul un éclat de lumière â travers la vitre
une fausse note le crapaud est enroué
13 avril 2019
je rêve pénombre et le silence répond
dans un ciel sans ride la pie tente l’aventure du pin au cyprès
sur les carreaux lisses glisse l'ombre de mon chat
une même soif toujours à la même source après les croquettes
un rêve fragile a laissé dans ma mémoire un éclat de rire
je ne souffre plus je ne ressens plus rien — serait-ce la mort qui vient prendre soin du corps d’un vieil homme tourmenté
le carnet fermé une larme prisonnière entre les feuillets sur ma peau demeure la mélodie de ses pores
le fier vent coulis sous la porte de l'entrée entre sans frapper
dans mes yeux brumeux le soleil de sa lumière
poussé par le vent le pollen dessine d’ improbables dunes
12 avril 2019 brume matinale — le soleil grimé en lune ne trompe personne
cris et châtiments par moment mon cœur s'arrête
oui, ferme les yeux respire le parfum frais d’un matin brumeux
la langue qui râpe — j'avais besoin de me taire à la fin les mots refusent de vouloir dire
la cuillère tinte sur le bord de la soucoupe — sirène de brume sirène de l’océan dans la vapeur je dérive
cheese ou ouistiti sourire de contrebande silence épaissi d'une longue somnolence
tiédeur de la nuit les crapauds et les grenouilles sont au rendez-vous
14 avril 2019
j'écoute la nuit qui doucement se murmure un clapotis d’eau
nuances de vert sous l’écharpe de nuages — printemps sur ses gardes
il pleut dans ma tête jusqu'au fond de la mémoire
le filtre yeux rouges devenu une émeraude — drôle de miracle
190
15 avril 2019
mon ombre diffuse qui pourtant n'est pas soumise à ma pesanteur se traine comme un boulet et couche les herbes hautes
le ciel se souvient de cette nuit aux étoiles trop grandes pour lui
les mots sont trompeurs — nous n’étions qu’un disait-elle
son regard se fige sur la petite lucarne remplie de pénombre
il y a longtemps que j'ai perdu la mémoire
16 avril 2019
nous étions enfants malgré nos gestes d'adultes
le ciel se fracture et les flammes amoureuses giflent le soleil
un soir ce fut tout ce qu'il est resté de nous
sous la lampe pâle et dans le bruit des pixels il s’est rendormi
mon chat sur les cuisses il ronronne à perdre haleine
l'oubli est tenace la mémoire elle, est vivace
en plissant les yeux parfois il me regarde et je lui souris
l'oubli espéré coupe à vif dans la mémoire — guerre de tranchée
à présent il dort dans l'insouciance feutrée du fauteuil usé
un instant fugace volé à l'éternité — le temps d'un sourire
mon chat de gouttière un chat extraordinaire mon chat mon poto mon seul ami ma tendresse
l'univers sphérique commence avec ma conscience finit avec elle
la télé éteinte la mémoire du néant
tout au fond du puits le ciel ronge les ténèbres
la barque qui tangue où va-t-elle me conduire
la lune essoufflée crache une vapeur de nues dans la nuit brumeuse
poussière oubliée dans la source d'une larme
dans la lune un petit lapin broute les étoiles
la brève conscience et la vague me submerge
je marche sans but le long des façades grises — l'ennui est rugueux
animal meurtri qui traverse le désert tu n'as donc plus soif ?
191
je savais courir sur les plages en hiver dans le sel glacial
les jeunes abeilles bourdonnent dans les lilas — moisson hasardeuse
allée de gravier — sur la tombe s’est posée une fleur fanée
petites fleurs jaunes — je ne saurai donc jamais leur donner un nom
ouvrir une porte sur les ténèbres glacées d'un néant jovial
toutes ces fleurs jaunes — autant de petits soleils perdus dans le pré
la nuit au salon le vieux fauteuil grince un peu
le chat est rentré — il est grand temps pour nous deux de soigner nos rêves
17 avril 2019
paupières fermées la clarté me monte au nez
dans le ciel rayé les souvenirs s’entrecroisent — traînées de voyages
des lueurs brumeuses larmes dans l'œil du village
sur les carreaux sales il expose sa fourrure aux yeux des nuages
rouge de colère l'œil de la télé éteinte
18 avril 2019
les petits crapauds se racontent des histoires — ça les fait marrer
une égratignure dans ciel trop délavée d’une brosse humide
la plage déserte — les souvenirs de l'hiver gravés dans le sable
on dirait qu’il rêve dans la pénombre discrète de l’après-midi
les chênes s'éveillent — le vert tendre du printemps prend de la hauteur
les mots sont rangés et le stylo se repose
épaisse pénombre — tous les meubles se rassemblent autour du fauteuil
à l'ombre des chênes feuille blanche feuilles vertes j'écris le printemps
j'ouvre le tiroir où j'avais rangé ses lettres — une odeur de cendre
de vieilles cassettes et la guerre des étoiles
sauvage la nuit a avalé les collines
reflet de la lampe sur le néant des ténèbres
un iris un seul a fleuri sur le talus — promesse d'oubli
le vieux banc de bois s'est refait une beauté — il me tend les bras
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des démangeaisons — de petites araignées tirent mes chaussettes
combien de merveilles tapies sous les feuilles mortes ont trouvé refuge
un petit crapaud sautille sur la terrasse au clair de la lune
le tian sur la pile où dessalait la morue avant le ragoût sur la vieille cuisinière un bruissement de légumes
mes mains se souviennent des ombres de son visage et du feu dans l'âtre
dans la rue en pente l'hiver brisait les conduits — de belles glissades
comme une aube blanche un nuage s'effiloche au feu de la lune
il fait doux ce soir le printemps reprend des forces — mon chat en profite
sur le petit mur il surveille le chemin par lequel j'arrive
sur le canapé un couple de coussins veille
ma peau qui s'écaille me ramène aux origines
parfum de lilas — le silence des crapauds berce sous l'auvent
20 avril 2019 la lune s’élève au-dessus de la vallée d’ombres silencieuses
c'est le dernier verre — à la fontaine des songes j'ai déjà trop bu
le long de mes cuisses comme dans une gouttière il est bien calé
la belle orientale avec sa voix de voyage à bord d'une jonque le goût des embruns tout au bout de son regard
la lampe vacille l'ombre de mes souvenirs frémit sous l'auvent
19 avril 2019
21 avril 2019
le ciel semble fuir sous les assauts du soleil — les nues se dépêchent
le ciel est bougon il n’a pas trouvé les œufs cachés dans le pré
regard dans le vague il est posé sur la table comme une potiche
toilette pascale pourquoi est-elle si longue il ne peut répondre
insolente et nue la lune enflamme le ciel d'un baiser d'argent
et je l’oublierai malgré ce peu de désir la vie c'est l'oubli
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il y avait ses yeux — combien de saisons encore avant d’oublier cent mille fois le soleil aura recouvert la terre
22 avril 2019
comme des enfants les parfums flous du printemps rient dans le jardin
sous le lampadaire puisant des révélations de ses yeux fermés
qui pourrait dormir dans l’ombre tranchante et crue d’une pleine lune
ce lent fleuve sale qui se couche sous les saules ce n’est qu’une vie
bercé par mes songes sur les rives du sommeil je pose mes hardes
Je ne le dirai plus que je rejoins la faux je dirai que je vais chercher des allumettes
dans le vent du sud quelques gouttes sablonneuses crissent sur le filtre
mon verre se vide au rythme du balancier de mes nostalgies
la plainte du vent couvre le cris des crapauds — requiem sinistre
une odeur d'encens de rhum et de fumées glauques planait la musique passé longtemps dépassé les vapeurs de la mémoire
le mur de béton des tarentes silencieuses carreaux de faïence craquelés comme un message
un reflet de cendre quand s'éclaire le miroir
la gorge serrée et le cœur pulvérisé
une chaise vide et sur la table un flacon vide lui aussi
fauteuil sous l'auvent dans la nuit et le vent fous
le vent se réveille à la tombée de la nuit pour aller danser
une ombre s'assoit sous la lumière incertaine je remplis son verre
une fleur des champs sauvage et désespérée est couchée dans l'herbe
nous parlons d'amours nécessairement futiles de la part des ombres
un épais silence avec la nuit les questions font beaucoup de bruit
nos verres se vident ainsi que nos cœurs éteints
au bord du regard le sable et le sel d'une larme
quand l'aube apparaît parée de lambeaux d'étoiles mon ombre s'incline
des rêves cloués sur les murs de la pénombre 194
et posant son verre sans bruit elle disparaît
pour qui te prends-tu ? le clown en habit de fête ressemble à un clown
le vent se souvient de ces ombres insoumises aux éclats de verre
sourire confus — dans le pot de confiture la trace d’un doigt
libres des éclairs elles errent dans la quête d'une ombre sans ombre
la chambre se vide les moutons que j'ai comptés dorment sous le lit
un sable infertile avec la crainte des vagues a franchi la mer
sourire à la nuit comme l'enfant que j'étais
je ferme le livre dont toutes les phrases lues attendent un point
donne moi la main oublions toutes les routes et rêvons ensemble
23 avril 2019 lumière d’orage quand les nues se resserrent pour braver le ciel
une amie a mal et tu ne sais pas t'y prendre pour la soulager les murs seront toujours là droits contre les mains offertes
entre ciel et tuiles il a trouvé le moyen d’atteindre le toit
silence du soir je m'invente des soupirs pénombre moelleuse les yeux clos sur la clarté
plus rien à dire mais attentif aux mots jusqu’au bout de l’ennui
je me sens si vieux et pourtant je sais que j'ai l'âge de mes rêves
24 avril 2019 une aube de pluie et les lourds nuages gris pèsent sur le cœur
un désir d'oubli — j'ai planté dans mon jardin des graines de vent
il ne reste plus qu’à se fondre dans la nuit — et la pluie le berce
25 avril 2019
le soir est venu pendre son manteau de vent au croc de mon crâne
le ciel se découvre il abat toutes les cartes et garde le pot
murmure du soir sur la route la poussière lentement se pose
à côté de moi il s’occupe de lisser son si doux pelage
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matin de printemps — un parfum subtil et frais en tient la promesse
le clapot des vagues courant le long de la coque — le sel du passé qui chantonne sur son erre odeur d’un soleil d’été
l’ombre du nuage que cisèle un vent léger frise le verger
ombre sur le mur — la lanterne prend des airs de cygne inquiétant
les étoiles bruissent entre les flocons de nues et la nuit frémit
la pluie qui frissonne sur les tuiles de l'auvent — mélodie sans note
un livre d'images au fond d'une vieille malle enfin assagi
feuille de ginkgo pour marquer la page vide et la fin du rêve
l'herbe se redresse après avoir bu la pluie
les crapauds se taisent la pluie est leur confesseur
délicatement j'ai coupé les pissenlits près de leurs racines
la pluie a cessé — les fleurs se sont refermées sur les perles d'eau
le jardin attend que je m'occupe de lui avec impatience
silencieux j'écoute le chant des gouttes qui gouttent des feuilles repues
voilà une année que je le guette impatient le chant du loriot
l'ombre me rejoint sous la lampe du salon — la nuit nous rassemble
le vent et les arbres me récitent des poèmes
27 avril 2019
26 avril 2019
la même couleur intemporelle immuable le ciel du printemps
un peu de vapeur et dans le ciel réfléchie la brume de l’aube
abritant son ombre il absorbe le soleil de ses yeux fermés
retour au coussin tous les jours à la même heure à côté de moi
le bourdon bourru lourdement quand il se pose fait frémir l'iris
sur le front de mer les barques tirées au sec rêvent de glaciers — au loin le soleil transpire des gouttes de plomb fondu
comme un ver de terre je me nourris d’un limon au goût de ténèbres
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boire le venin du long serpent de la vie
vols de pissenlits avant de céder la place aux coquelicots
le jeu de la vie les rêves comme les cartes d'un tarot fétide
quelques pâquerettes en effeuillant leur jupon se parlent d'amour
trouver un trésor en creusant profond en soi troublante chimère
l'hiver est passé ce fut presque une surprise de voir le printemps
le sort est étrange l'impression d'avoir perdu sans avoir joué
la lampe boiteuse lit le journal de la veille par dessus l'épaule
la nuit sans répit avec la force d'un cœur me secoue les côtes
odeur de résine dans la fourrure du chat des fleurs de cyprès
le vent se souvient des fables qu'il racontait quand j'étais enfant
une ancienne lettre innocente mais ouverte et tachée de sel
marcher dans la nuit et vénérer la lumière
le ciel était noir comme un océan cosmique la nuit sans étoiles
28 avril 2019 cousues de fil blanc les nues se plient dans un ciel de pâte brisée
cauchemar sans fin— sous le drap qu'il faut changer la transpiration
encore un peu flou il essaie de retenir un éclat de nuit
dans un corridor interminable et visqueux les pas d'un fantôme
assis dans le noir je me raconte des fables à dormir debout
des escaliers sombres escaladés dans l'angoisse au milieu des rats
épicier du temps j'égrène mes souvenirs au vent du néant
une pièce noire sans fenêtre et des cafards grouillant sur le sol
la jeune tarente sur le dossier de la chaise s'abrite du vent
réveil en sursaut en quête d'une lueur renégate et fourbe
la poutre se vrille et parfois les tuiles tintent — le temps manque un pied
crainte de dormir pourtant rompu de fatigue— aube sans remède 197
une ville est née dans mon imagination — une ville morte il se voit déjà sur le bord de l'horizon près à basculer elle avait l'allure d'une jeune infante hautaine au parfum de pute autour de la lune des flammèches de nuages soufflent les étoiles au fond de leur cale grâce aux errements des hommes les rats font la fête
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