Haïkus
Sumitaku Kenshin
Les gouttes d’eau ont chacune le sourire aux lèvres
Sumitaku Kenshin
Extraits de : INACHEVÉ Traduits et présentés en français par Makoto KEMMOKU et Patrick Blanche
Pâle clair de lune Le long d'un chemin tout droit je marche
Matin tranquille On n'a fait que Prendre mon pouls
Je voudrais au moins tirer les rideaux Toujours malade
Peu à peu Le jour point je m'approche De la fenêtre
Moment sans douleur Une lune pâle en plein jour
L'oeuf dur Décortiqué par mes Doigts de malade
Sortie permise Marcher vers la lune indécise du jour
Mon ombre Prend aussi son Humble repas
Des médicaments au chevet je fête encore un an nouveau
Rien qu'un peu Je puis marcher Et laisser Entrer le soleil du jour
En file indienne nos frêles corps pour la pesée du jour
Je tire les longs rideaux Dans le ciel Pas une étoile
On appelle mon nom Ouvrir la lourde porte de la salle d'examen
Mon petit garçon Qui veut toucher les étoiles Lève haut les mains
Une poussée de fièvre déforme la lune
Un chien solitaire Qui remue la queue Comme un chien
Si seulement venait le printemps Dans mon cœur déjà fleurit le cerisier
Une chenille Je voudrais survivre même En rampant par terre
Froid des rayons X J'aspire une profonde bouffée dans ma maigre poitrine
Dans une flaque tremble le ciel d'hiver
Mon pauvre cœur mis à nu par les rayons X
Perdu à la fenêtre un nuage qui n'a pas de but
Deux yeux à une fenêtre de la colline contemplent la nuit
Le cartable au dos son ombre courbée au soleil couchant
Matin froid Rien que des dos de gens qui s'en vont
Une tasse de thé préparée pour moi j'ai le cœur ému
J'ai la tête rasée Chaleur du soleil
Une main froide qui prend mon pouls Je pense au lendemain
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Sumitaku Kenshin
Avec ce corps malade Je donne bien du souci à mes parents
Il n'y a rien dans mes poches rien que mes mains
Sous un soleil maigre se chauffent ensemble hommes et moineaux
De mes doigts solitaires les ongles ont poussé
La peau sur les os mais ce corps mon seul bien je l'essuie avec soin
Dehors au soleil le chemin de l'hôpital a l'air déformé
On m'apprend à ma mauvaise oreille la mort d'un ami
Libellule d'été aux ailes diaphanes Es-tu malade aussi ?
La côte une fois grimpée on dirait qu'il va venir l'été
Imitant son père inconsciemment mon fils se ronge les ongles
Début de l'été Bondit une sauterelle haut et loin
Essuyant la vitre je puis voir la ville dans le matin froid
Tout à coup la nuit tombe sur les visages du cortège funèbre
Dans le ciel du matin s'attarde la lune Je réfléchis à hier
Il n'y a personne d'autre Je m'assois près du mur
Aussi loin que je voie le ciel déploie son azur froid
Malade au lit En bas où porte mes yeux : un vol d'hirondelles
On peut voir la cheminée du crématoire sur la montagne l'hiver
Pour moi tout seul éclairer la pièce avec grand éclat
Froide est la lune dans l'eau du bassin Je rince ma bouche
Une balançoire grince avec tristesse après l'averse
Ses épaules menues trempées par la pluie se serrent contre moi
Pleine nuit Une fine aiguille cherche la veine
Trempé jusqu'aux os Un chiot
Trop faible pour le soulever je m'assieds à hauteur de mon fils
Prière au Bouddha Mon haleine blanche de froid
Après le bain je commence par essuyer mon oreille dure
Tournant la tête Je vois mon ombre sous le clair de lune
Dans une pièce étouffante je tue une fourmi il en sort une autre
Sous un soleil maigre se chauffent ensemble hommes et moineaux
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Sumitaku Kenshin
Le poème court japonais d’aujourd’hui Corinne Atlan – Zéno Bianu Sur sa pierre tombale :
Une chenille ! même en rampant sur terre je veux survivre
les gouttes d'eau une à une sont de souriants visages
Quand je me lève il titube — le ciel étoilé Dans les brumes de l’anesthésie — à la fenêtre la lune en plein jour
Anthologie du poème court japonais : Corinne Atlan – Zéno Bianu
À l’annonce du typhon la radio se brouille
Le corps cassé toujours vivant je traverse l’été
L’hiver à nouveau — même dans les mots glacés des visiteurs
Je souffre – le cri des cigales monte des jours lointains
En priant le Bouddha salvateur je souffle une haleine blanche
Suspendu dans la nuit la poche de perfusion la lune blanche
Bonne année ! seule la télévision me la souhaite
De plus en plus froid le téléphone noir de la nuit
Couchant en feu — dans la montagne des morts une tombe brille
Du morse dans la nuit – Le vent envoie un SOS
La pluie commence à tomber – c’est le battement du cœur de la nuit
Ôtant la coquille de l’œuf dur – mes doigts de malade
Soleil matinal — le rouge du sceau sur le formulaire de l’opération
Ce feu qui brûle en moi – désir de suicide
Dressée contre un ciel impassible la couronne funéraire noire
Mon visage déformé – je le puise dans la cuvette
Dans la nuit triste quelqu’un s’est mis à rire
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Sumitaku Kenshin
Trouvés sur internet
Moment sans douleur Une lune pâle en plein jour Matin froid Rien que des dos de gens qui s'en vont À la fenêtre de l'ennuyeuse chambre d'hôpital je remercie la pluie Au clair de lune, bleue est ma toux
http://www.simplyhaiku.com Adaptés de la traduction anglaise de Hiroaki Sato, "Sumitaku Kenshin & His 'Free-Rhythm' Haiku" par ML
Aki ga kita koto o mazu chôshinki no tsumetasa That the autumn has come first the stethoscope’s coldness
L'automne est venu avant la froideur du stéthoscope
Asari, ukkari toji wasureta kuchi o tojiru The clam closes the mouth it had absently forgotten to close
La palourde ferme la bouche, elle avait distraitement oublié de la fermer
Amaoto, yoru no ike fukaku ochiru The sound of rain falls deeply into the night pond
Cette nuit le bruit de la pluie tombe profondément sur l'étang Le son de la pluie tombe profondément dans l’étang de la nuit
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Sumitaku Kenshin
Amaoto ni mezamete yori furituduku ame Since waking with the sound of rain the rain has continued to fall
Réveillé par le bruit de la pluie elle continue à tomber
Arukitai rôka ni sawayakana natsu no hi no sasu Into the hall where I’d like to walk shines the refreshing summer sun
Dans la salle où je voudrais marcher brille un soleil d'été rafraîchissant
Utsumuite aruku machi ni kage ga nai Head down I walk the town with no shadow
La tête inclinée vers la ville je marche sans ombre
O-cha o tsuide morau watashi ga ippai ni naru Tea poured for me I fill up
Ce thé versé par moi me rempli de fierté
Omoide no kumo ga sono kao ni naru A cloud in my memory turns into that face
Un nuage dans ma mémoire devient ce visage
Kage mo somatsuna shokuji o sihteiru My shadow also taking a shabby meal
Mon ombre aussi prend un repas minable
Gasshô suru te ga ka o utsu The very hands joined to pray slap a mosquito
Les mêmes mains jointes pour prier claquent un moustique
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Sumitaku Kenshin
Kâten kurai wa jibun de to yandeiru It’s just a curtain I tell myself I am sick
C'est juste un rideau, je me dis que je suis malade
Ki no nuketa saidâ ga boku no jinsei A cider gone flat is my life
Une bière éventée, voilà ma vie
Keikôtô no oto nomi no no shizukesa ni oru In the quietness of the sound of the phosphorescent lamp alone I am
Dans le silence de la lampe phosphorescente je suis seul
Sakazuki ni ureshii kao ga afureru The sake cup overflows with a happy face
La coupe de saké déborde d’un visage heureux
Sabishii inu no inu rashiku o o furu A lonesome dog wags his tail like a dog
Un chien solitaire remue la queue comme un chien
Sabishisa wa yoru no denwa no kôtaku Loneliness is the black sheen of a night telephone
Solitude, reflet du téléphone noir de la nuit
Jisatsu ganbô, meramera to moeru hi ga aru Suicide wish, there is fire burning in hissing flames
Désir de suicide, un feu qui brûle, flammes sifflantes
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Sumitaku Kenshin
Suterareta ningyô ga miseta karakuri An abandoned doll reveals its mechanisms
Une poupée délaissée dévoile ses mécanismes
Zubunurete inukoro Soaking wet a doggie
Complètement trempé un petit chien
Taikutsuna byôshitsu no mado ni ame wo itadaku In the boring hospital ward window I thank the rain
À la fenêtre de l’ennuyeuse chambre d’hôpital je remercie la pluie
Dakiagete yarenai ko no takasani suwaru I sit up to the height of the child I can’t lift in my arms
Je m'assieds à la hauteur de l'enfant, incapable de le hisser dans mes bras
Tachiagareba yoromeku hoshizora I rise to my feet and the starry sky reels
Je me lève et le ciel étoilé vacille
Damatte tenjô o miteiru Silently I’m staring at the night ceiling
Silencieusement, je contemple le plafond de la nuit
Tsuki, shizukani kôrimakura no kôri ga kuzurezu The moon, quietly the ice in the ice pack collapses
La lune, tranquillement la poche de glace s'effondre
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Sumitaku Kenshin
Tôku kara anata to wakaru shiroi burausu From the distance I can tell it is you the white blouse
De loin je reconnais la blouse blanche
Nani mo nai poketto ni te ga aru The pocket with nothing in it has a hand
Rien dans la poche que ma main
Nenbutsu no kuchi ga guchi iuteita The mouth for prayers was grumbling
Pour prier la bouche grondait
Myaku o totta dake no heian na asa desu Took the pulse is all this halcyon morning
On a pris juste le pouls c’est tout, matin serein
Yume ni sae tsukisoi no imôto no epuron Even in my dream my caretaker sister’s apron
Même dans mon rêve le tablier de ma sœur protectrice
Yurusareta shawâ ga asa no niji to naru The permitted shower turns into a morning rainbow
La douche autorisée devient un arc en ciel matinal
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