Paroles d’un compte erratique 2
Clair Charpentier michel lombardo
Paroles d’un compte erratique
29 avril 2019
la mélancolie jusqu'à la dernière goutte
l’écharpe du ciel accrochée en haut du cèdre au vent se déchire
un signe d'espoir la première page ouverte le sera toujours
patience attentive — depuis son observatoire il guette mes gestes
les yeux fatigués à attendre des ténèbres l'éblouissement
le chant des crapauds — ils répondent aux étoiles qui geignent sans bruit
des reflets d'argent dans la pièce empénombrée — la poussière danse
un coin de pénombre dans lequel se réfugient les mots du silence
30 avril 2019
la phrase bancale et la page maculée — un vers vient de naître
soleil déjà haut il invente des étoiles dans le ciel limpide
je marchais sans but quand craintif un écureuil m'en a donné un
trainer sous les pins et rentrer mine contrite pour un coup de brosse
deux corps assoupis sur le sable du méandre — fragrance d'eau douce
le loriot fâché voudrait bien faire la sieste — n'est-ce' pas tourterelles !
j'ai rêvé de vous vous aux ailes de dragon et langue de feu
ma tête grésille comme l'huile sur le feu et mon cœur trébuche sur chacune de mes côtes de longues traînées de sang
les crapauds se taisent — la nuit a repris sa route et le jardin dort
debout sur la digue le vieil homme échevelé a pris son élan
mon esprit obscur hésite à rendre les armes — j'éteins la veilleuse
il frôle l'écume et d'un dernier battement il tranche la vague
impasse du temps — on se heurte au dernier mur sans s’en retourner
des éclats de sel s’éternisent dans la nuit — le phare agonise
sur le décodeur inexorablement l'heure avance ses pions
les embruns désertent — les pavés ne luisent plus au port de l'ennui
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Paroles d’un compte erratique
mon ombre diffuse accablée par ma fatigue accuse les ans
la récréation me semblait tellement courte le mur si tentant
la vision floutée par une larme incertaine — incertain regard
02 mai 2019 écrit dans le ciel mais les runes et les glyphes restent sibyllins
silence mon cœur je n'entends plus le désordre griffer mes artères
un bonjour au jour le doux minou est rentré se mettre à couvert
au bout du chemin tous presque tous nous pleurons un départ manqué
dans le vent sans force un parfum d’iris sauvage vient me tourmenter mais où donc s’est égaré le souvenir des arômes
01 mai 2019 dans mon sac de rires s'est glissé un éclair jaune un éclat baroque
les crapauds s'accordent à répandre dans la nuit leur cacophonie
l'ordre et le chemin nous les suivons sans connaître ni but ni raison
un archet grinçant sur les cordes de l'ennui
bruissement de feuilles le cauchemar des oiseaux réveille les arbres
le livre est tombé — sur sa poitrine endormie les mots en désordre
la vieille pochette aux encres décolorées un disque rayé
pensif sous les branches — sur mon crâne dégarni des chatons de chêne
mon cœur se rattrape à la rampe comme il peut avant de tomber
sur le bord du gouffre je respire lentement pour m'habituer
peur des nuits qui viennent encombrées du cauchemar des aubes trompeuses
la bile remonte et crisse sur mon gosier — nuit de marécage
le ciel était lourd les collines accablées transpiraient déjà
je lis la pancarte sur la porte de l'enfer : toilettes pour hommes
mois de mai déjà il me semble qu'hier encore je séchais l'école
mauvaise rencontre — doux minou vient de rentrer la queue en panache
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Paroles d’un compte erratique
la lampe s'incline tout doucement vers minuit — paupières pesantes
si j'étais malin j'affréterais une jonque pour draguer le Styx
j'ai marqué la page avec le doux souvenir du grain de sa peau
soirée oublieuse et dans l'étendue de l'ombre un épais silence
je n'ai pas connu le désir de l'aventure — sourde est ma mémoire
de mes mains tremblantes j'ai sculpté dans les nuages l'ombre d'un sourire
rêver de tropiques les pieds calés sur la table dans des charentaises
sur la vitre froide s’est posé un front brûlant
03 mai 2019
de mes dents usées j'ai mordu dans la jeunesse d'un rire innocent
à bord d’un nuage le soleil franchit la mer agitée de ciel
la lampe courbée essaie de lire avant moi ce que j'ai écrit
pensif il contemple au bout de ses longues griffes les chasses manquées
je rêve hors du temps seule reste l’étendue désertée des songes
des lambeaux de brume s'entrelacent sous les pins — mai qu'est-c' que tu fais
04 mai 2019 il semble immuable mais chaque jour les nuages changent ses nuances
je finis mon verre mon ombre quitte la table mais je prends son temps
s’interroge-t-il sur l’état de sa conscience quand il se réveille
entre mes paupières un bataillon de fourmis piétine de rage
une étoile chante d'un silence illuminé dans mon firmament l’aurore encore lointaine a secoué ses cheveux
au fond de mon cœur une odeur de cendre froide passage du temps boulevard des solitudes impasse de vivre
le vent s'est levé hurlant déjà dans la nuit ses obscénités
une gaze lente se dépose sur le pré que la nuit caresse
les branches frissonnent une terreur atavique agite leur sève
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Paroles d’un compte erratique
c'était un été parfumé de mille arômes — ce fut un été
rasés les parfums le jardin sent la poussière d'un bombardement
j'écoutais les vagues dont la volupté languide caressait le sable dans un crépuscule en feu le soleil brûlait la mer
le vide se creuse mes pensées sont submergées d'un néant gluant mes rêves d'enfant se sont fermés sur eux-mêmes comme une allumette
je sentais le sel transporté par les embruns ronger la blessure et dans mon cœur mis à nu explosait un sang de lave
paré de tristesse le marri rejoint le lit de mélancolie
sur le promontoire un pin foudroyé se dresse arrogant et noir
terrasse en désordre jonchée de débris de feuilles œuvre du mistral
mon gosier rechigne — d'une toux rouge je crache le feu et l'écume
l'ombre de sa main au parfum de papillon effleurait la mienne
le vieux fou s'endort rêvant d'un monde apaisé jusqu'à son réveil
dans le mur de pierres un iris décapité par le vent du temps
j'ai lancé les dés ils tournent, tournent encore
le bruit des rafales lui a fait dresser l'oreille un peu seulement
le vent veut entrer — il pousse sur les fenêtres son corps gémissant
la chanson du vent qui d'une amère complainte me tient compagnie
05 mai 2019
ah ce vent jaloux qui a fumé la moitié de ma cigarette
le ciel se déchaine le vent fouette les nuages le soleil complice
la lumière est triste — elle coule sur mes yeux en lames flétries
un petit massage c’est la façon qu’a mon chat d’écrire un message
je revois ses yeux ironiques et hautains qui m'étiquetaient
à sa source fraîche il l'abreuvait de désir mais s'en souvient-elle les ans perdent la mémoire et la source s’est tarie
06 mai 2019
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Paroles d’un compte erratique
un peu affolé le soleil se prend les pieds dans les fil de brume
07 mai 2019 un œil de nuages bien au-delà du cosmos sourit au matin
il vient de manger il attend que je le brosse pour pouvoir dormir
il attend que s’ouvre la porte vers la toiture et sa promenade
mon pays c'est l'enfer des souvenirs de défaites et d’espoirs déchus tout au long de ses frontières des forteresses en ruines
manque de sommeil — après une nuit bien courte les fleurs se réveillent dans les couloirs de l’enfer un cauchemar les poursuit
les voiles ferlées il ne peut plus louvoyer il va sur son erre
surprenant silence même les crapauds bavards retiennent leur souffle
offrande du chat quelques plumes qui volettent et le bout d'un bec
dans le train de nuit sur l'épaisse moleskine un rêve endormi
dans le vase vide un souvenir de muguet
08 mai 2019
le vent traine encore une odeur de chair de poule et un ciel sans joie
j’ouvre la fenêtre sur un printemps sans sourire — le chant du loriot
pensifs l'un et l'autre nous arpentons le jardin mon chat suit mon ombre
un petit coup d’œil vers moi du coin des paupières — il est rassuré
des mots maladroits qu'elle n'a jamais reçus dans le vieux plumier
elle était mon aube le matin de toutes les joies puis s'en vint le soir et les lampes impuissantes ne vomissaient que des ombres
le fauteuil qui grince — pourtant je ne bouge pas pris dans mes chimères
la couleur de l’encre avec laquelle j’écris est parfois si sombre
tempête d'hiver — les vagues échevelées sur la roche avide
la pluie doucement de son chant mélancolique caresse les tuiles
à l'entrée du port secoué par les embruns un bouquet de roses
dans l’incertitude devant la nuit impassible le soir hésitant
parfois d'une larme versée par inadvertance un désert fleurit 4
Paroles d’un compte erratique
la pluie hésitant dans le vent et la nuit froide chante doucement
que de joies passées me reviennent à l'esprit — mémoire encombrée il est temps que le vent souffle sur les feuillets griffonnés
penché sur la feuille complice de mon stylo je gâche des vers
09 mai 2019
dans l'herbe mouillée les premiers coquelicots se sentent des ailes
des gouttes restées — un souvenir de la pluie collées sur le filtre
la mélancolie d'une rage insoupçonnée me saute au gosier
elles ont bougées dans le vent du déclencheur — oreilles sensibles
petite musique un acouphène insistant battant la mesure
l'oubli est facile quand les mots sont le décor d'amis illusoires mais la mémoire s’inquiète de silences trop pesants
il bat de guingois le cœur trop souvent épris de pompeux mirages
un dernier regard au fond de la tasse vide — une île inconnue
une dent malade que l'on ne peut s'empêcher d'aller agacer
silence serein pâle lueur sous l'auvent et l’esprit en pause
ainsi l'homme vit à jamais insatisfait de lui et du temps
j'ai fermé la porte au nez des vieux souvenirs — regard vers demain
pourquoi donc ce soir le souvenir des défaites me meurtrit les tripes
dans ma main ouverte la légèreté du soir où elle a souri
au bout du regard sur le mur de pierres brutes un coquelicot
hallucination — un discret parfum d'iris brise le silence
des embruns glacés m'ont assailli sous l'auvent colère de mai
l'ombre est éphémère il n'y a qu'en plein soleil qu'elle rit de moi
le ciel lilas sombre comme la faïence usée d'une vieille tombe
rivière prégnante — sur la plage de galets des cendres anciennes
au bout de la route sur la borne mal scellée j'entends son rictus
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Paroles d’un compte erratique
des mains si petites qui pourtant serraient le monde que nous espérions
les coquelicots embrassent les pâquerettes la fierté du pré
velours d'abricot dans mes mains ses seins chantaient le printemps
de sa voix de craie elle écrivait sur mes murs des mots insolubles
la mer la rivière deux étés qui se confondent sur la même peau
la lumière sourd des fissures de mon cœur il pleuvait des cordes et les violons s'en servaient pour jouer à chat
un vieux livre offert et sur la page marquée des mots effacés
dans le vieux fauteuil je m'enfonce dans la boue de mes souvenirs
sous le haut plafond une toile d'araignée nargue le balai
les feuilles frissonnent elles lisent mes pensées
elle était la reine qu'un autre roi possédait — j'étais un joker
10 mai 2019
c'était une histoire avec des fleurs de rosée et des points virgules
un ciel de passages où les destins s’entrecroisent et toujours s’ignorent
douceur de la nuit — emmitouflé par l'auvent je rêve d'étoiles
entre-jour subtil dans la pénombre complice d’un regard distrait
oh je n'oublie pas la poussière de l'étoile qui brille pour moi
jamais solitude ne m'a pesé - c'est à croire qu'il faut vivre seul pourtant j’ai longtemps cherché l’autre cerneau de nos noix
un soupir soudain dans le silence blafard et la somnolence minuit est passée un second verre me tente — pourquoi résister
au crapaud répond la complainte de la chouette — accord imparfait
vieillard insolent j'ai bien envie de souffler ma propre chandelle
porté par le fleuve la brindille atteint la mer
mais je ne sais pas quelle est la couleur de l'herbe après l'horizon
lucarne fermée la nuit murmure à la porte
11 mai 2019 6
Paroles d’un compte erratique
brouillon chiffonné le ciel veut passer la main sans se défausser
la source tarie a été l'inspiratrice de tous mes déboires
que regarde-t-il à la porte du grenier — pas même son ombre
le temps est passé je ne sens plus sur ma peau l'odeur de garrigue
le vent qui se lève chante encore dans les branches un air trop connu
sa peau de velours un fruit gorgé de soleil qui riait en mai
ma respiration accompagne le refrain de la somnolence
13 mai 2019 parfois une pie ose traverser le ciel de son vol baroque
tu aurais aimé qu'il existe un univers où le temps serait
maître de son domaine il apaise la lumière d’un regard distrait
une dimension comme une autre tu pourrais la rencontrer plusieurs fois plusieurs fois elle pourrait te laisser ça ne ferait pas mal
je garde de vous une profonde amertume et une nausée comme ces coquelicots qui brûlent sous le soleil
puisque tu pourrais la rencontrer plusieurs fois
dans la rue déserte toutes les façades grises ont fermé les yeux
12 mai 2019
sur les pavés sales coulait la lumière humide de lents réverbères
figé dans l’instant le ciel ignore le vent qui pétrit les nues
sur les tas d'ordures glissaient des rats monstrueux et indifférents
la lucarne ouverte au vent de la nuit qui pèse sur son regard vague
c'est là que vivait la fille au regard brouillé et aux lèvres molles
il est tard ce soir mon désir de vous revoir agite mon ombre or l’attente est inutile et les étoiles éteintes
un rasoir obscène lui a tranché le gosier et les espérances
c'est un vent tranquille une brise nonchalante qui rode la nuit
c'était une nuit où l'automne était paisible et les jupes courtes
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Paroles d’un compte erratique
la fenêtre ouverte sur la nuit douce et docile — afflux de mémoires
l’herbe déjà haute pare les coquelicots d’un écrin de jade
rêver sur le fil du labyrinthe insoluble d'un passé noué
une fleur de chêne est tombée entre les pages du livre entrouvert
l'auvent sans lumière luit des oliviers d'argent que frôle la lune
des oiseaux conversent je ne sais en quelle langue — verger exotique
dans la pièce sombre où le silence suinte des murs menaçants
un éclair bleuté cligne entre les branches— un geai a changé de chêne
14 mai 2019
l’ombre de mon chat plus agile plus féline joue avec mon ombre
le ciel déplumé n’a laissé aucune chance à mon œil marri
dans la nuit de mai le chant silencieux des feuilles accueille le vent
pendant ce temps-là sur un coussin pas très net il rêve et sourit
les pins se recueillent dans une odeur de résine le soleil se couche
la chouette malade dans les branches ténébreuses hulule en tremblant et ses plaintes hérissées terrifient l’ombre des chênes
quand elle marchait je voyais une danseuse au-dessus des nues un sourire étrange quand elle me regardait arrêtait mon cœur
15 mai 2019 le ciel en brouillis grise la mélancolie de toutes ses nues
aucun mot jamais n'a pu sortir de ma gorge et il est trop tard
mon chat se réveille d’une nuit douce et paisible — chiffon de peluche
tant de temps passé maintenant c'est ma mémoire qui la voit danser
ce matin de mai les coquelicots s'éveillent d'un bâillement rouge et dans ma poitrine baye une grande nacre vide
une sauterelle égarée par le parfum bondit sur ma main pour elle j'avais cueilli un bouquet de fleurs des prés
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Paroles d’un compte erratique
au bord de l'étang des couples de demoiselles convolent en cœurs
la nuit équivoque à la fois sombre et légère silencieuse et lourde
16 mai 2019
le vent lui disait d'aller au bout de ses rêves et l'oiseau l'a fait
un ciel illusoire — quelques taches sur le filtre ersatz de nuages
reflet de la lampe et le miroir s'interroge — où est-elle donc
interrogatif aussi haut que son donjon le doute s’installe
17 mai 2019 rassemblant les nues le ciel appelle la pluie le soleil déserte
le soleil s'abreuve de l'herbe gorgée de sève — midi de mai tendre quand je verse dans mon verre la lumière d’un sourire
consciencieusement toutes ses griffes dehors il masse mon ventre
ombre du grand pin auréolé d'un nuage — odeur de la pluie
au bord du sourire comme le coquelicot mes lèvres frissonnent surpris au bout de ma langue un souvenir doucereux
la nuit amoureuse entre frisson et délire — avant goût de fin
sur le pré jauni la pluie comme une semence tombe déjà verte
les fleurs ont fermé leur vêtement de lumière au lent crépuscule
mon âge me pèse — ah revenir en arrière d'une ou deux erreurs
dans ma main sa main d'enfant tachée de couleurs me rendait immense
d'une branche à l'autre un loriot a traversé vert comme un éclair
le jour est levé j'ai à peine l'énergie d'ouvrir le volet
redoutant l'été je voudrais bien cultiver la fraîcheur de mai
je compte le temps dans ma besace de rêves des miettes encore
je pense à demain alors que rien n'est moins sûr — folles espérances
soupir du fauteuil quand avec la lassitude j'y jette mon ombre
lumière timide au-dessus des mots écrits avec arrogance
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Paroles d’un compte erratique
pas de vent - la nuit s'impatiente des chemins couverts de poussière
les arbres pensifs laissent la mélancolie couler sur la nuit
18 mai 2019
pesant sur ma canne je traverse le verger où les fruits pourrissent
serpillières sales les nues enduisent le ciel de mélancolie
19 mai 2019
sur la table basse il interroge la porte ouverte derrière
j'ai pris le manteau du rêve et du souvenir pour courir vers elle il fallait être trop sage pour ne pas capituler
l'orage menace à coups de tambour sonores mais il ne mord pas paisiblement les nuages se sont assis dans le ciel
soleil en retard il boira son café tiède au zinc des nuages
there was a moon in my sky that was crazy
on dirait qu’il songe mais c’est un simulateur en fait il roupille
cette nuit encore je tamise la fatigue de mes mains de sable
la pluie qui chantonne sous un ciel de rose-gris irrite mon cœur
entre deux nuages une étoile fait un signe— mais que veut-il dire ?
la nuit se prolonge et mon chat ne rentre pas — à qui sourit-il ?
il était minuit sur les marches de l'église j'attendais le diable
la pluie a cessé — la lumière de l'auvent brille sur le pré
j'avais dix-sept ans le diable était si joli dans sa jupe courte
les pieds sur la table je laisse passer les heures et les ombres pâles
nous avons couru main dans la main jusqu'au bord de la voie ferrée
petite lucarne comme un rempart à la nuit qui me prend la gorge
j'ai tout mélangé l'enfer et le paradis dans les herbes folles
rentré serpillière mon chat rejoint les peluches et la couette tiède
puis elle a souri clin d'œil quand j'ai pris le train en pleine poitrine
le temps a passé dans la maison endormie ombres souveraines
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Paroles d’un compte erratique
à l'arrêt de bus les gouttes mélancoliques sur l'auvent de verre
rêver tristement pour que ne s'emmêlent pas les vieilles démences
elle est loin déjà bien plus loin que je ne pense dans la ville obscure
mon ombre ricane mais mes doigts tremblent souvent quand je pense à elle
j'avais attendu l'insolence du sourire et ses yeux narquois
était-ce un loriot qui chantait au crépuscule ou bien une alouette
chacun dans son bus l'automne était la saison des serments froissés
seule une hirondelle peut écrire dans le ciel d'improbables runes
première défaite je ne savais pas alors qu'il y en aurait tant
21 mai 2019
20 mai 2019 le soleil prépare une apparition soudaine — tunnel dans les nues
aujourd'hui à la cantine c'était langue de bœuf langue de meuf il en reste au bout de la langue au bout du gland
sur le coussin rouge notre majesté somnole altitude hautaine
deux années bientôt passera l'anniversaire avec la nausée
le train des ténèbres il roule loin vers l'oubli sur des rails qui geignent il convoie avec insolence l’idée même de néant
le cœur se torsade sur le bruit de mes artères et le sang persifle vallée silencieuse je respire sous l'auvent la nuit parfumée
sombre était la nuit les étoiles avaient fui un ciel sans courage
du bout de mes doigts je modèle dans les ombres un pieux souvenir
ils ont accosté le long du quai de l'ennui chargés de mémoire les cauchemars de mes nuits ont bondi hors des armoires
l'odeur du jardin s'est conjuguée au silence et au temps vaincu
la pénombre lasse qui interroge les ombres fait vœu de silence
papillon de nuit autour de la lampe il brûle ses ailes fragiles
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Paroles d’un compte erratique
premières sueurs d'une petite chaleur — le mai se réveille
soupir minuscule à peine un bref chuintement — la nuit me rattrape
mon chat en été se souvient qu'il est un chat et la nuit le grise
fauteuil trop profond persistance des mémoires les vagues submergent
j'ai tant rêvé d'ailes mais jamais je ne serai l'ange bienveillant
les rêves sont fourbes qui ont confondu les larmes au bruit de la mer
23 mai 2019
22 mai 2019
24 mai 2019
douceur de la nuit quand les étoiles murmurent dans le ciel sans tache
un chant dans la nuit remonte de la vallée — parfum d'herbe rase
respiration lente — peu à peu mon corps pesant libère son ombre
sur le banc de bois il songe à un avenir déjà moribond
sur ma vieille peau des écailles de lézard et le temps qui passe
le loriot raconte à sa commère la pie l'histoire du vent
au-dessus de moi elle veille ma fatigue la lampe s'ennuie
le cœur de guingois tremblote dans son clapier — animal craintif
trois fois je relis la même phrase insensée — lourdeur des paupières
25 mai 2019 le temps grain à grain s'égoutte comme la pluie sur le sable tiède
à l'ombre des chênes j'écoute l'herbe pousser — dialogue des fleurs
la nuit est sucrée — des effluves d'herbe douces guident les étoiles
je pose mon livre et je referme les yeux sur l'odeur du pré
le ciel a grogné sous la lumière d'orage mais n'a pas mordu
il se pose enfin sur la frêle pâquerette le bourdon lourdaud
pénombre et silence les fidèles compagnons de mon âme lasse
des pies se chamaillent — vie sauvage d'un jardin qu'on pensait si calme
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Paroles d’un compte erratique
une seule étoile et tout d'un coup le ciel s'illumine d'espoir
26 mai 2019
je passe mon temps à suivre dans ma mémoire des voies incertaines
heure du pastis — le loriot dans mon oreille raconte l'été
27 mai 2019 17 juin 2019
les sons de la nuit étouffés par la pénombre glissent lentement
vagues malheureuses la cime frêle des chênes poudre les nuages
la nuit d'émeraude le long de ses fils amants brode les étoiles
le vent et la nuit qui s'ennuient dans les branchages jouent à qui perd gagne
sur les murs grincheux les portraits mélancoliques de mes souvenirs
les ombres diffuses couvrent d'un voile de cendre un rêve indompté
murmure incertain un aboiement indistinct la nuit fait silence
la nuit oublieuse intarissable conteuse abreuve mes rêves
j'ai soif dit la vie à la tienne dit la mort en vidant mon verre
souvenir fragile où sa peau contre ma peau cernait l'univers
calme vespéral entre nuit et crépuscule murmure des feuilles
histoires toujours épisodes d'une vie dépourvue d'espoir
odeur d'herbe sèche dans la nuit respire à peine mon cœur effrité
majesté du ciel qui domine dans la nuit les frêles étoiles
moiteur sous l'auvent une rivière salée coule sur ma peau
la nuit mélomane dans le champ clair des étoiles le chant de la chouette
au bord de la mer j'écoute le chant salé des rides de sable
le ciel clair encore — la symphonie des étoiles accorde ses violons
brûlé d'insomnie le bruit des routes la nuit couvert de nausée
du haut de mes rêves sur l'étroite passerelle la mer s'est ridée
une brève averse le parfum de l'herbe humide muse dans la nuit 13
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midi sous l'auvent le soleil met tout son poids à trancher les ombres
le soir se la joue les claquettes de la pluie claquent sur les flaques
soupir de la nuit accablée dans la moiteur et le manque d'air
silence accablé dans la nuit pas un soupir même le dernier
perdue dans les branches la lune grave des ombres égarées d'ennui
fauteuil défoncé par le poids des souvenirs l'amer me ravine
comme une aigue-marine ce soir le ciel s'illumine dans le bruit des vagues
dans la nuit sans brume et le vent aventureux bruissent les étoiles
la nuit se fait lente et langoureuse elle va au bout des murmures
elle marchait sur le sable où les vagues se couchaient comme une voile écarlate l'ombre de sa jupe
18 juin 2019
de cruels nuages ont dévoré les étoiles je pleure la mienne
discret je m’installe à l’extrémité du quai — je lis les embruns
un ciel lourd de sable agite ses voiles jaunes de transpiration
les fleurs de lauriers rosissent dans la haie sombre — plaisir écarlate
j'ai trouvé refuge dans le ventre de la terre je ne suis qu'un ver
dans ma tête obtuse le lent murmure des vagues entre les galets
la lumière jaune d'un ciel accablé de sable nargue le soleil
je suivais la digue le regard sur l'horizon bleu mélancolique
accablé de brume mon esprit traîne sa gorge d'un alcool à l'autre
vieux clown fatigué je ne fais rire personne d'autre que mes larmes
le ciel s'éclaircit et la nuit reprend sa route vers l'aube indécise
au-dessus du pin parmi les flocons de nues mon étoile pleure
rieuse mémoire qui ramène aux souvenirs des heures heureuses
sur le toit instable mon chat attend de la lune une facétie sur ma peau les rides
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Paroles d’un compte erratique
comme un désert oublié crissent et se creusent
sur la tombe de mon père — j’irai le rejoindre
entre sombre et bleu les nuages se rassemblent autour de la lune
la lune s'attarde un moment et sur les pins leur couronne dort
la nuit équivoque — dans les canines du loup le chien jappe encore
20 juin 2019 les crapauds rejoignent leur repaire de silence — le cri d'une chouette l’heure noire qui s’impose masque les couleurs de l’aube
19 juin 2019 interrogations — dans un halo de lumière contempler la nuit
d’un bond gigantesque il saute sur le crapaud pour faire la sieste
des traits de lumière que la nuit s'est empressée de vite effacer
un jet d’étincelle quand la meule du soleil frôle le capteur
dans la nuit de juin quand l'auvent respire enfin germe l'espérance
c'est l'heure où les rêves s'éveillent de leur torpeur et secouent la nuit
guenille élimée couvrant des épaules lasses le temps s'effiloche
le long de ses rives un fleuve sans fin dépose des méandres las
dans son regard sombre la lumière de l'espoir prête à s'enflammer
j'ai connu des nuits tellement plus lumineuses qu'un soleil jaloux
mes mains de vieillard tremblent vers le souvenir de ses mains d'enfant
souveraine et nue dans la fumée elle danse la vieille gitane
la pénombre froide glisse sur ma peau couverte de mélancolie
de mes pas usés je foule l'herbe brûlée d’un cruel été
nuit dubitative — que les ombres se rassurent je reste leur proie
son cœur abricot brûlait dans ma main tremblante — premier jour d'été
mes pas incertains sur l'allée de marronniers troublent le silence
minuit sous la lune à l'abri dans les étoiles les anges somnolent
je ne vais jamais
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Paroles d’un compte erratique
matin sans espoir à peine un petit fantôme de vapeur qui passe
21 juin 2019 sur le carrelage il a posé tous ses rêves et s’endort heureux
petite commère il commente les gambades des pies énervées
un ciel insolent encombré de lourdes nues tient tête au soleil
enfin souriante au-dessus de l'horizon voilà mon étoile
devant la maison menton posé sur sa canne le vieillard soupire dans son regard presque aveugle la poussière se dépose
au bord d'une larme je me raccroche à un cil — j'étais sans espoir nuit en embuscade dans les ombres des grands pins retenant leur souffle
le dico des synonymes c’est le pire ami du piètre poète
fraicheur de la nuit dans les frissons de ma peau j'en garde l'espoir
sur les pissenlits un souffle de vent libère des parachutistes
une dent m'agace j'essaie de ne pas la toucher mais c'est impossible
un parfum d'embruns irisait sa chevelure — la mer nous berçait
d'une main rageuse sur ma cuisse endolorie je claque un moustique
dans ses yeux si sombres l'éclat brillant du charbon embrasait ma gorge
nos doigts mal mêlés ne trouvaient plus le chemin de l'effervescence
il y avait un banc sur lequel veillaient mes rêves et le sable humide
j'ai rangé ma plume et l'étui de la mémoire au fond d’un tiroir
elle avait des yeux que même les émeraudes auraient jalousés
un regard regret — au bord des embruns cinglants un château de sable
je rêve de pluie tandis que l'herbe brûlée crisse sous mes pas
23 juin 2019
sur le quai désert la brume effaçait les heures de la vieille horloge
contrails et nuages se conjuguent au-dessus du chant des oiseaux
22 juin 2019
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Paroles d’un compte erratique
d’un grand bâillement il entame sa séance de sieste au long cours à l'ombre des pins nous goûtions le sel des vagues dans l'étroit silence
consent à descendre le dos contre un pin nous regardions la fournaise des kermès ardents pas un souffle d'air qui pourtant semblait tout prêt d'embraser les pins
torpeur de midi dans les verres embués plongeaient nos sourires
odeur de garrigue et de poussière mêlées — le cri des cigales
les cris des mégères qui sur le port s'interpellent à coups de sardines
l'été des collines crissait sur nos peaux fouettée par des parfums âcres
savourer le soir où quelques frissons encore jouent avec les pores
nous étions enfants venus de la ville rance dans l'enfer des ronces
silence du soir le feuillage qui frémit a perdu espoir
le poids de midi dans les verres encombrés de glaçons fondus
le sud se précise on sent déjà son haleine rêver de banquise
elle était murène aux dents longues et pointues j'étais un goujon
au bout du désert quand le sel se mêle au sable l'odeur du néant
25 juin 2019
24 juin 2019
planche surchauffée par un soleil sans mesure le ciel se résigne
un détour par l’est — la nappe de plomb fondu surprend les collines
quelle que soit l’heure c’est l’heure de la toilette juste avant la sieste
la semi-pénombre un halo de pureté le regard du chat
chaleur de la nuit — les rêves se sont noyés dans un lac de lave
couleurs de la nuit — le ciel assombrit les ombres qui bruissent encore
26 juin 2019
couché sur la table le chat attend patiemment devant mon assiette
pourquoi s’obstiner — dès le matin le ciel coule comme de la lave
monté bien trop haut peu à peu le thermomètre
sous le ventilo
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Paroles d’un compte erratique
il s’efforce malgré tout d’éviter le rhume la terre irradiée — de longues langues de feu lèchent les collines
29 juin 2019 même pollution dans le ciel toujours malade d’un coup de chaleur
la nuit est propice aux échanges chaleureux et rêves torrides
un petit coup d’œil avant d’envoyer la langue en reconnaissance
27 juin 2019
les pensée bouillonnent — de grosses bulles éclatent devant mes paupières
toujours le même est charriant un sud torride dans un ciel d’enfer
mon ventilateur a inventé l’harmattan — j’attends la poussière
fauteuil et pénombre pour lutter contre la chaude ambiance aux aguets
pris dans la lumière un vieux papillon de nuit s’y brûle les ailes
la nuit se répand sur les collines fourbues essoufflée et moite
30 juin 2019
la chaleur prend corps — elle s’installe à la table du festin de pierre
même zinc brûlant le ciel ne se souvient plus des aubes fragiles
28 juin 2019
tous deux côte à côte nous nous estimons à l’aune de nos propres siestes
pour ne rien changer dans le ciel aucun auspice n’augure la pluie
dans le lourd silence et torride de la nuit le souffle des arbres
il choisit sa place bien orientée dans le flux du climatiseur
collé sur le ciel un voile de laine blanche retient la chaleur
de l’huile crépite dans le chaudron de la nuit — friture brûlante
je sais les étoiles bien au-delà des nuages je sais qu’elles brillent
lent accablement — dans la nuit les murs transpirent la sueur du jour
le long de sa joue une perle de sueur luit comme une larme
les ombres se fondent dans les buissons recouverts de poussière aride
01 juillet 2019
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Paroles d’un compte erratique
changé d’objectif mais cela n’arrange en rien le rictus du ciel
les lauriers-roses en fleurs de gentils fantômes dans l'herbe brûlée quelques fleurs ont résisté aux dards du soleil
toute position lui convient pour rafraichir sa fourrure dense
le ciel est opaque — la chaleur de la journée se heurte au néant
au bout de mes doigts je garde le souvenir précieux de sa peau
des parfums puissants de foin et d'herbe mouillés traversent la nuit
l'histoire était lente et ne s'arrêtait jamais — le rêve brisé
mes mains de vieillard aussi ridées que la lave sèche des volcans
à la source fraîche ma langue lapait le miel d'une ruche étrange
dans le vent des pales je laisse flotter la nuit sur l'onde des songes
un vent trop léger salue les feuilles du chêne qui s’incline à peine
j'aimais son sourire et sa voix qui déraillait au moindre je t'aime
du haut de la dune il contemple le désert de sa vie de sable
j'aimais la distance et l'élan qu'elle prenait à chaque baiser
la nuit est immense que les étoiles caressent trop timidement
j'aimais sa peau chaude au velours de fruit d'été à peine cueilli
au bord de mes rêves une fée tisse sa toile d'argent et de lune
02 juillet 2019
j'étais si stupide et alors qu'elle m'aimait je l'ai mal aimée
un brin de lavande s’est répandu dans le ciel — le chant des cigales
03 juillet 2019 en convalescence le ciel a repris des forces sur un lit de chênes
au fond de l’armoire parfum des tapis de bain et douce fraicheur
avant de sortir un petit coup d’œil discret sur le temps qu’il fait
la lumière glisse par les fentes des volets — la poussière joue
odeur du jardin quelques gouttes sont tombées
lueur de l'auvent -
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Paroles d’un compte erratique
parfum de la pluie
la nuit inféconde les mots désertent le ciel sans laisser de trace
au loin le tonnerre poursuit sa route éphémère en frappant du pied
petit à petit une montagne d'années dans le sablier
vieux cœur d'artichaut je les ai toutes aimées les feuilles volantes
mes rêves d'enfant comme un coussin de duvet allègent mes nuits
jonque encalminée livrée au gré du courant besogneux du temps
je buvais sa peau de la langue inassouvie d’un rêve de sable
chant d'après la pluie une chouette dans la nuit remercie le ciel
05 juillet 2019
ivresse du soir le corps entier détendu s'abreuve d'air frais
des langues de feu ont labouré dans le ciel des sillons ardents
songer à demain quand les heures sont comptées ça tient du miracle
il semble bouder comme le sphinx incompris de l’humanité
04 juillet 2019
je fixe le ciel qui s'assombrit peu à peu j'attends mon étoile
hier au soir le ciel s’était habillé de pluie — vite dénudé
cultiver l'espoir comme une pomme de terre c'est très nourrissant
attente de soin pour un tout petit bobo avant le brossage
la journée torride me laisse à peine l'espoir d'une soirée tiède
pas de vent ce soir pour illuminer les arbres la nuit seule immense
il y avait ses yeux d'animal qui se posaient au-delà de moi
l'ombre sur le mur figée comme la statue d'une vierge morte
et puis son sourire qui jugeait dans la balance le poids du silence
entre les galets le souvenir des éclats de rire polis
sa peau de sirène que j'osais frôler à peine et son arrogance
le long du rivage égaré dans le chagrin des vagues fourbues
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Paroles d’un compte erratique
ou cette insouciance de ce que je pouvais dire pour nous rapprocher
son visage blême sous sa chevelure noire me rendait malade du désir de l'entourer dans la tiédeur de mes bras
mais elle est restée auprès de moi des années malgré ses absences
07 juillet 2019
petite nigaude que je n'ai pas su aimer comme tu me manques
soleil indécis qui hésite entre moiteur et chaleur torride
de plus en plus vite le train file vers la gare au bout de la ligne
sur la chaise longue le chat hésitant encore à s’endormir là
sur l'ordre d'un dieu sa peau lui fut retirée ainsi que ses yeux que pouvait-il ressentir lui qui était déjà sourd
la nuit qui s'entrouvre dans la chaleur de l'auvent grince sur ses gonds
06 juillet 2019
en ombres chinoises des fantômes essoufflés la cime des arbres
l’objectif prudent contre l’assaut des rayons a mis sa casquette
petit vent fourbu l'odeur brûlée de garrigue crisse dans le soir
à côté de moi dans le flux d’air impalpable il s’endort confiant
comme je voudrais pouvoir sortir de ma peau — la mue de cigale
à l’ombre des chênes j'écoute le gong brûlant frapper le feuillage
collines inquiètes le moindre souffle de vent devient menaçant
le verger brûlé crisse à la moindre étincelle des criquets surpris
l'été qui commence a déjà brûlé la sève du prochain printemps
une coccinelle s'est posée au bord du verre de sirop de fraise
je rêve de pluie et je repense à l'orage quand elle est partie
le chant des cigales dans la torpeur de midi un cri de détresse
la foudre est tombée sur mon cœur désarçonné dans un grand fracas
une fleur séchée entre les mots d'un poème un signet d'oubli
je suis resté là sous un déluge de pluie à n'en plus finir
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Paroles d’un compte erratique
le ciel et la mer indéchiffrable horizon noyaient nos regards
depuis mon cœur sec ne retient plus des averses qu'un vaste désert
le temps vint alors de mettre à bas les barrières entre nos questions
sur les carreaux sales les fleurs tombées du laurier pourrissent sans bruit
un hôtel sans joie ouvert pourtant sur l'écume fut notre repaire
mémoire du ciel la constellation de l'ange brillait dans ses yeux
et fenêtre ouverte sur un lit inconfortable l'hiver a passé
08 juillet 2019 gorgées de soleil les premières figues vertes se mettent à l’ombre
bruits de la vallée comme un rappel de la ville au front du silence
sur la table basse il inspecte son repaire attentivement
cliquetis d'un train au loin sur des rails brûlants voyage en enfer
la respiration moite de la nuit d'été embrasse l'auvent
au fond de mon verre un papillon a noyé son chagrin d'amour
à l'abri des chênes dans la torpeur de l'été le vieux banc complice
sous l'auvent je rêve aux sirènes qui riaient au fond de ses yeux
le vent les rassemble dans la nuit tiède et l'oubli les ombres chuchotent
09 juillet 2019 il n’attend qu’un geste que j’ouvre enfin cette porte qui mène au repaire
les yeux grands ouverts sur la route sans visage je me suis perdu
dans mon sac de billes quelques noyaux de cerises — un air de vacances qu’on sifflait du bout des lèvres en allant à la récré
un long vestibule encadré de cauchemars la porte des songes minuit sur la plage attentifs aux vagues lentes qui contaient le sel
des flammes grésillent — les cigales dans la tête rongent ma cervelle
blottis sur nous-mêmes dans les frissons de décembre nos mains se cherchaient
vautrée sur sa chaise mon ombre lève son verre nous trinquons sans joie
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Paroles d’un compte erratique
malgré les ailes rongées par le sable et les regrets
la pluie du matin a laissé sur le feuillage l'ombre insatisfaite
aujourd'hui silence je ne ferai qu'écourter mes voies intérieures
le ciel est si noir que je ne distingue plus le bord de la nuit
tremblotant encore pour lui la lumière danse — papillon de nuit
j'ai vidé mon verre et mon ombre me demande de la resservir
dans l'antre des songes elle s'était réfugiée en claquant la porte
tiédeur équivoque entre la chaleur humide et la brise fraîche
pleurer pour un rêve égaré dans la garrigue aux essences lourdes
comptine improbable trois tarentes sur un mur gavées de silence
dans mes yeux humides la poussière des années passées dans l'attente
sous l'auvent je rêve et le vent se fait caresse dans la nuit d'été
je frotte ma joue — un crissement me rappelle que je fus un homme
mes mains impatientes courraient sur sa peau fiévreuse jusqu'au cri brutal
sur l'herbe roussie je m'avance au clair de lune — la dernière borne
ce n'était qu'un rêve mais j'ai sur la joue encore le poids d'une larme un rhinocéros subjugué par la lumière a brisé la lampe
11 juillet 2019 sculpteur de nuages un vent taquin improvise sur le ciel distant
10 juillet 2019
sommeil sous la chaise hélas on ne peut pas dire confortablement
et le ciel enfin redevient ce qu’il doit être — bonheur des collines
les portes sont closes où j'ai rangé la tendresse des amours d'été
pose relâchée en somnolant sur la table avant le brossage
une fleur fripée oscille en haut de sa tige dans le vent brûlant
ma noire mémoire dans le vent des souvenirs elle flotte encore
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Paroles d’un compte erratique
le vent était doux qui caressait nos sourires et l'ombre des pins
12 juillet 2019 ce matin le ciel accompagne les nuages au son de la lyre
du fond de mes rides le sel de ces vieilles larmes agace mon cœur
hier pour la sieste il a choisi le fauteuil à côté du mien
il suivit la côte jusqu'en haut de la falaise d'où il s'envola
l'histoire est finie je peux ranger mon stylo là près de mon cœur
démon ou archange je ne sais plus qui je suis quand l'enfer m'assaille
peu à peu la nuit qui se glisse entre mes pores rafraîchit mon âme
fin d'après-midi les cigales se sont tues retour des naufrages
elle me regarde comme on regarde un insecte la grosse tarente
la nuit est venue insouciante mais fidèle aux rives du temps
l'avenir meurtri s'est réfugié dans le bois de ma vieille canne
il pleuvait ce soir et les gouttes sur la vitre creusaient dans la cendre
c'était au printemps nos regards se sont croisés puis j’ai oublié
je la regardais engoncée dans son manteau courir vers l'oubli
je la faisais rire ma petite fiancée du jardin d'enfant
le whisky avait ce goût amer des défaites qu'on n'attendait pas
minuit mon chat prend le frais à l'ombre du lampadaire éteint
la nuit est passée à dériver sur l'alcool et mon impuissance l'automne était froid et j'imaginais déjà un hiver glacial
13 juillet 2019 le ciel irrité par un mistral facétieux se met en colère
l'oubli me dédaigne et mille saisons plus tard, cette odeur de cendre
il tente un regard encore plein de sommeil sur son monde à lui
j'ai rêvé de vous madame au cœur de granit : je grinçais des dents 24
Paroles d’un compte erratique
le vent a cessé quelques feuilles timorées en tremblent encore
encore une énigme que mon sphinx de pacotille me pose aujourd’hui
dans la nuit bleutée me revient la houle lente du sel de sa peau
sur le banc de pierre dans le bois de son bâton il grave un prénom
au-dessus de moi sur le côté de l'auvent la lune m'espionne
de dessous l'auvent je n'ai vu que le vacarme du feu d'artifice
j'ouvre le tiroir et une photo jaunie me saute au visage
depuis la vallée une musique indistincte pimente le vent
accrochée au pin la lune pose insolente un regard de biais
chemin des fourmis dans les aiguilles de pin une énigme passe
j'ai connu des nuits et des jours où le bonheur coulait de mes mains
je mourrai un jour entre les murs malveillants d'un ehpad sordide
une aube d'argent le sillage de la lune traverse la nuit
dans le bruit des routes la vallée a remisé les flonflons absurdes
le vieux sous l'auvent ivre de ses souvenirs s'endort doucement
étoiles perdues dans la lumière des villes sortez du ciel sombre
le cœur en déroute je redoute ces pensées qui rient aigres-douces
éclairez les songes des mendiants de poésie étoiles perdues
perdu dans la nuit le chemin qui mène à l'aube crie son désespoir
15 juillet 2019 un ramier traverse un ciel sans autre ride que le bruit des ailes
plus que quelques pas pourtant j'hésite à franchir l'ultime frontière
14 juillet 2019
le dossier des chaises créneaux de sa forteresse un lit de bébé
après la nuit sombre le soleil presse le ciel de changer de ton
soirée un peu fraîche je me suis couvert d'espoir au lever de lune
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Paroles d’un compte erratique
le chant des cigales s'est incrusté dans ma tête au fond du silence
perdu dans le ciel l'ange aux ailes de charbon ronge les étoiles
le loriot chantait quand je passais sous les chênes un hymne au soleil
il suivait la route qui contournait l'océan de son cœur aride
papillon citron brillant comme la rondelle dans le verre vide
16 juillet 2019 au-dessus des arbres le ciel pèse de ses teintes semblant immuable
tarente trapue la queue perdue qui repousse la rend démoniaque
sur les carreaux tièdes entre clim et ventilo il reprend de force
comme un chercheur d'or tamisant mes souvenirs j'ai trouvé du sable
au bord de la nuit dans sa houppelande bleue berceau des étoiles
les premières feuilles verdissaient sur les platanes boulevard d'avril
marée de fatigue elle monte de mes tripes pour mordre mes yeux
sa main dans la mienne nous respirions le printemps des trottoirs humides
une peine étrange teintée de soulagement quand elle est partie
nous allions en classe et plus souvent dans sa chambre couleur de baisers
lune solitaire depuis le temps qu'elle tourne abreuvée d'ennui
j'espérais l'été en parcourant le verger sa peau de velours
terre dévastée mais les cafards font la fête sur les os des hommes
mais il est passé et dans mes mains orphelines restent des écailles
belles nuits d'été sur le silence des rêves il pleut des étoiles
de cette sirène et le souvenir de seins au goût d'abricot
muette mon ombre jette un regard sur son verre que faut-il comprendre
chargé de whisky mon bateau rongé de vers complètement ivres
17 juillet 2019
savez-vous madame que votre moule salée épice mes nuits
comme sur la plage une arête de poisson jetée dans le ciel
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Paroles d’un compte erratique
vigie improbable il surveille à l’entours les routes du rêve
le cœur est si froid que je mettrais bien le feu à mes souvenirs
18 juillet 2019
dans le framboisier mon chat attentif au vol d'une libellule
l’agence intrépide en avance sur son temps ouvre dans le ciel
le vent a tourné étonnamment la vallée reste silencieuse
la tête baissée il présente son pelage pour un coup de brosse
grincement des rails sous les roues du train aveugle l’enfer métallique
j’ai laissé les mots les tercets et les sentences aux mains de Léthé
la nuit abyssale illumine les coraux des vertes étoiles
pas un mot ce soir qui soit venu tournoyer autour de la lampe
dans leur cheveux d'algues les sirènes de la nuit piquent des étoiles
tarentes muettes — dans le silence du mur la lumière blême
du pli des collines la lune péniblement gravit une marche
la clarté diffuse qui tombe du ciel obscur sur un Booz en rut
20 juillet 2019
19 juillet 2019
des jets de chaleur percutent la peau du ciel qui résonne encore
le soleil surgit derrière le feuillage dans un ciel désert
perché sur les tuiles il m’adresse son rapport rien à signaler
il entrouvre un œil le réveil est difficile au petit matin
la lenteur des gestes dans la poisse de midi — les glaçons fondus
le chant du loriot disperse un peu de couleur sur l’herbe brûlée
dompté de fatigue j'éclipse pour un moment les tweets et rature
grondements lointains — les coups de tonnerre arides d'un feu d'artifice
silence et la nuit comme l'océan se creuse avant la tempête
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Paroles d’un compte erratique
fleurs des lauriers-roses qui brillent dans la lumière perlée de l'auvent
ombres impassibles silhouettes des mensonges sur le mur rugueux
les fleurs sans parfum qui permettent d'oublier le parfum d'une autre
22 juillet 2019 l’ombre des nuages sur le ciel de mon matin cache des fantômes
les sons de la nuit une musique indistincte qui se mêle aux rêves
posé sur l’arête mon cerbère des toitures rêve en équilibre
rouge entre les branches elle pend comme une pomme au jardin d'Eden
21 juillet 2019
le cri des corneilles — les pies et les tourterelles tout d’un coup se taisent
il aurait envie de dormir encore un peu ce ciel hésitant
chaleur de la nuit dans le jardin se répand une odeur de foin
d’un demi-sommeil il surveille mon café refroidi déjà
pensées saugrenues qui parfois me font sourire — soirée sous l'auvent
sortir de la nuit ce corps dont les mains tremblantes craignent la lumière
des fleurs de laurier pourrissent sur la terrasse — l'été est bien mûr
froide et insolente elle danse sur la cime des pins éblouis
sous l'œil des tarentes qui s’agitent sur le mur ma tête est si lourde
j'ai rêvé de vous de vos ongles qui griffaient le sable des nuits
il y avait un mur que je n'ai pas su franchir je reste dans l'ombre
la plage en hiver s'était parée d'algues brunes et de bois flottés l'horizon n'attendait plus que l'écorce du printemps
le vieillard somnole sous la lampe mais en lui un enfant sourit
mon ombre harassée hésite même à porter son verre à mes lèvres
sur les lauriers le ciel devient capricieux mais les arbres veillent
les plaintes d'un chien bousculent ma somnolence la nuit et l'auvent
regard dans les branches les oiseaux y sont encore — va pour cette fois
23 juillet 2019
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Paroles d’un compte erratique
apathie de vivre et pourtant chaque matin je me mets à table
le soleil se couche il a laissé sur la peau un sel surchauffé
immobilité le soir a claqué la porte au moindre frisson
sens incandescents le bruit de l'eau sur mes joues brûle le gosier
les mots sont fourbus ils ont tous quitté les phrases d'un poème absurde
la nuit sous l'auvent je fais provision d'air frais pour le jour torride
superbe ignorance d'une populace avide de belles paroles
tarente curieuse elle jette sur mon livre un regard envieux
c'était un été mes mains jouaient sur le sable et sa peau dorée
mon ombre intrépide s'est emparée de mon verre et le boit cul sec
sans la moindre honte elle roule sous la table mon ombre épuisée
l'herbe a renoncé à sa robe de printemps jusqu'au bal d'automne
la nuit se fait douce la fureur du thermomètre se calme à présent
25 juillet 2019
24 juillet 2019
la même torture — sur les collines sans ombre pèse un ciel cruel
un ciel de métal chauffé à blanc fait son feu sur les collines
somnolent encore il se laisse rafraichir sur le carrelage
au frais sur la nappe il imagine dormir loin sur la banquise
je porte à mes lèvres un carnet rempli de notes parfumées encore
canif sous mes doigts enfant j’étais le gardien de mes poches vides
si loin des étoiles et pourtant quels beaux voyages j'ai faits dans ses yeux
le ventilateur comme un vieux treuil mal graissé grince dans la glu
petite tarente sous les tuiles de l'auvent où as-tu la tête
brume de chaleur — au loin les collines dansent dans un air en feu
dans son cœur brûlait un parfum d'iris sauvage un rêve enivrant
26 juillet 2019 29
Paroles d’un compte erratique
fraicheur de l'auvent ce soir j'ai mis des chaussettes et un gros ticheurte
un ciel immuable lisse comme un drap brûlant recouvre l’été
j'aurais bien aimé qu'il pleuve un peu plus longtemps sur le jardin sec
couché sous l’auvent la table lui sert d’abri à l’ombre de l’ombre
des gouttes de pluie sur les fleurs des lauriers-roses trésor de la nuit
mon château de sable rongé des marées du temps retourne au néant
28 juillet 2019
sur le mur patiente une tarente attendait que l'auvent s'éclaire
un ciel de bataille où un mistral noir féroce éteint le soleil
le soir moite encore espère de la nuit sombre une ombre fraîchie
quand j’ai trébuché je lui ai coupé l’oreille — il m’en veut encore
les ombres boiteuses crissent sur l'herbe brûlée — été sans pitié
les pavés glissants sous les pâles réverbères résonnent sans joie
la maison en pente on peut marcher sur les murs et rire au plafond
le vent par bouffée remonte de la vallée des mauvaises notes
27 juillet 2019
chant de la cascade — dans les reflets du soleil des embruns limpides
changement de ton le ciel est devenu ouate pour un air humide
le ciel en déroute — le vent a froissé la nuit et ses ombres folles
petit aperçu de l’étape de montagne les doigts dans le nez
sur un frêle esquif il navigue entre des vagues de mélancolie
parfum de la pluie qui dans la nuit se promène avec l'herbe sèche
l'essence du mal avait embrasé son cœur qui battait encore
le chat est rentré son doux pelage imprégné d'odeurs de l'été
29 juillet 2019
le ciel est plus noir que les silhouettes sombres qui hantent la nuit
entre cèdre et pin ils jouent à saute-mouton les petits nuages
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Paroles d’un compte erratique
les arbres chuchotent dans le vent qui amoncelle les feuilles meurtries
cerné de pénombre il s’abandonne au sommeil sans aucun complexe
un chien qui aboie une voiture qui passe la soirée paisible
retour en silence dans le grand cirque utopique — nombrils délétères
le bruit de la source — j'avais soif de son eau fraîche et de ses caresses
il a posé son ombre au bord des quais du monde et jamais en retard sans jamais perdre espoir assis sur sa valise il attend l'invisible un signe d'amour mort dans un ennui profond
un champ de bataille — odeur de merde et de chair un rêve en noir et sang
dans la lueur glauque de la lampe fatiguée la tarente verte
une cigarette — la dernière avant d'aller au gibet des songes
le mur des tarentes — j'ai sorti un vieux Canon pour les mitrailler
la sente est trop raide — ce qu'il lui reste de vie il le pose là
31 juillet 2019
aigreur de la nuit — sur ses doigts tremblants il compte les jours sans malheur
au nord ou à l’est encore ce même ciel qui ne vieillit pas
au fond de la tasse il reste un peu de café et l'envie d'en rire
un regard intense une posture propice aux rêves de chat
30 juillet 2019
silence imposant des cigales sans sommeil crissent dans ma tête
odeur d'herbe molle — la pénombre du jardin sur les feuilles mortes
des jets de lumière comme des éclats de rire traversent le ciel attentif au son du ventilateur qui peine sur son pied bancal
de la citadelle je contemplais dans la plaine l'armée des fourmis elles atteignaient déjà la hauteur de mon nombril
silence complice des murmures de la nuit l'ombre pour témoin
un radeau de joncs cahotait dans le courant lourd de coccinelles
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Paroles d’un compte erratique
quand il aborda sur le sable du méandre elles s'envolèrent vers les tiges de rosiers où paissaient les pucerons
dans le lavabo il attend je remplisse son petit bol d’eau tiédeur sous l'auvent les murs chauds encore hésitent à lâcher du lest
sentant le danger les fourmis ont reflué de la citadelle
immobilité une fleur tremblant encore dans le soliflore
le combat fut rude et les coccinelles durent céder le terrain aux trop nombreuses fourmis et à leur bétail vorace
au-dessus de l'eau dans torpeur de l'été une libellule
mais je pus alors dans un tremblement de pierres bouger mes orteils
soudain le silence comme l'ombre d'un nuage tombe sur la nuit
la lueur lointaine à laquelle l'espérance accroche ma nuit
dans le ciel laiteux les étoiles se diluent en éclats de sel
cœur de feu féroce à l'ombre du désespoir des cendres rougeoient
ainsi va le monde l'homme n'admettra jamais qu'il va disparaître
elle s'est blottie sous les mallons de couvert la jeune tarente
02 août 2019 lentement le ciel s’extrait de la couette épaisse qui lui tenait chaud
mais comment font-elles la tête ou la queue en l'air pour coller au mur
le maitre du toit s’aventure au bord du gouffre sans la moindre crainte
poutres de l'auvent la carène d'un galion chargé de mystères
bouffées de musique portées par le vent brûlant — la nuit en sueur
dans la chambre froide les muscles putréfiés pèsent sur les os
01 août 2019
dans la nuit inquiète le vent tutoies l'herbe sèche de beaucoup trop près
derrière les nues se dissimule un fantôme aux ailes d’argent
je revois ma rue — je grimpais ses escaliers en jeune cabri
32
Paroles d’un compte erratique
les jours passent vite de rivières en torrents sur mon corps de sable
sur le sol moins chaud même au milieu du sommeil il suit les carreaux
03 août 2019
un banc de béton sur lequel un moribond fixe l'horizon
soleil dans le dos — les fiers nuages de l’Est prennent du galon
il en a vécues des traversées mal connues des rochers perdus
posture mystère malgré les yeux grands ouverts il se donne aux rêves
l'océan amer et des rêves éphémères au cœur des galères
dans les éboulis nous remontions le torrent de galets brûlants
suivant leur sillage et entre embruns et nuages au loin des rivages
le soleil fouettait nos peaux pourtant protégées de tissus sans force
les îles lointaines aux fragrances magiciennes le chant les sirènes
collants de sueur de poussière et de senteurs nous avons fait halte
tombé sans hasard le vieil albatros s'égare sur un quai hagard
le plateau de pierres les kermès et l'ombre fière d'un pin rabougri ont accueilli nos fatigues calmé nos souffles arides
la nuit sinueuse au détour de mes pensées livre ses secrets
la source apparue au pied d'un aplomb abrupt sourdait faiblement
j'admirai mon père qui savait lire à l'envers — mission typographe
cette résurgence était notre récompense notre pain béni
05 août 2019 espérance lasse les nuages du matin ne font que passer
alors nous sautions dans son courant d'éboulis nous redescendions
d’un air suspicieux il surveille ce qu’on verse dans son écuelle
04 août 2019
la plage déserte abattait de pensées folles les châteaux de sable
été immuable le ciel a pris la couleur d’un brin de lavande
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Paroles d’un compte erratique
caresses des vagues qui roulaient dans le ressac les grains dispersés
au nord du néant l'histoire s'est terminée dans l'embrasement
je longeais ainsi l'univers du sablier qui m'emprisonnait
de dix-sept syllabes j'aurais pu faire un poème mais je suis trop nul
quand l'orage vint je laissais ensevelir mon corps inutile dans l'étroite pesanteur des coulées gluant de sable
06 août 2019
les temps finissaient et les ans sans importance traînaient leur langueur
début de la sieste — un œil encore entrouvert pour le lâcher-prise
vers un autre monde où ma chair devenue cendre prendrait alors forme
assis sous l'auvent quelques pensées vont et viennent en prenant leur temps
d'un crabe ou d'un ver qui à présent se nourrit de mes tripes lasses
une très ancienne alors que j'avais quatre ans au jardin d'enfant
j'écoute la nuit qui parle à mon cœur distrait d'une âme attentive
ma petite amie elle écoutait les histoires que je racontais
un bruit de freinage au loin je suis rassuré je ne conduis plus
sa main dans la mienne nous échangions des bonbons gluants et sucrés
autour de la lampe les insectes de l'été boivent la lumière
d'une bouche à l'autre sans même prendre la peine de les essuyer
je pose mon verre — sur mes lèvres la chaleur d'un baiser doré
sœur Marie-Thérèse qui vraiment n'aimait pas ça faisait ses gros yeux
une cigarette je sais que ce n'est pas bon une cigarette
debout au piquet nous nous retenions de rire sans y parvenir
cigarette un verre – plongé dans la nuit j'oublie toutes mes promesses
au fond de ma poche j'ai retrouvé une bille ce fut un bonbon
ciel jonché de ouate le soleil se démaquille de son air bougon
34
Paroles d’un compte erratique
soixante ans plus tard un psy nous aurait trouvé des poux dans la tête
mais j'étais si minuscule les embruns riaient de moi une vague alors délicatement se pose entre les créneaux
dans le ciel timide une étoile ose apparaître sans la moindre jupe
c'était une fée enfourchant une licorne qui me regardait
traversant la nuit les fleurs blanches du laurier chantent en silence
elle était si belle dans son costume d'écume je restais pantois
ne pas se méprendre ce qu'il reste d'homme en moi ce n'est que l'humain
sous ses airs de fée je devinais la sirène dont j'avais rêvé
la douceur du temps de volupté et tendresse — je buvais sa source
le mur effondré est redevenu la plage ma mère en colère me secouait par le bras c'était l'heure de rentrer
je ne sais quel rêve a sauté du train en marche une nuit fiévreuse
07 août 2019
un sphinx sur le mur a réveillé les tarentes qui s'assoupissaient
un voile de gaze — le soleil mélancolique brûle à l’intérieur
la nuit fait offrande dans les lampes du jardin les lauriers flamboient
il attend patient que la brosse le caresse dans le sens du poil
mes mots sont mystères souvent je ne connais pas la fin de l'histoire
j'avais l'âge encore où l'on rêve de donjons et de fées troublantes
minuit les tarentes patientent sous la lumière jaune de l'auvent
avec les galets rassemblés avec patience sur la page blanche j'ai bâti une muraille des créneaux et une tour
mon chat rêve encore sur la terrasse assombrie par la lune fourbe
au pied de ce mur les vagues le menaçaient d’un effondrement
les ombres s'effacent peu à peu dans la pénombre et mes souvenances
j'ajoutais des roches et du sable compacté jusqu'à bout de bras
08 août 2019
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Paroles d’un compte erratique
les nuages bâillent parfois ils s’étirent même mais ne pleurent pas
un char renversé dont la roue tournait encore s'était embrasé
intrigué sans doute par le rideau qui s’agite — geste interrompu
vint le crépuscule et le râle des mourants parcourut la plaine entre les brasiers fumant et l'odeur des chairs à vif
traversant la mer pour rejoindre la princesse au chemin du nord sur le pont le samouraï vomit tripes et boyaux
09 août 2019
un silence éteint comme le battement d'ailes d'un vol de corneilles s'est abattu sur les champs abreuvés du sang des morts
un ciel sans nuage pour qui jamais ne voyage repos du repos
et enfin la nuit la terrifiante nuit sans un bruit glaciale
offert aux caresses et allongé sur la table il s’est endormi
alors les fantômes se sont extraits des carcasses en pleurant leur corps
la vallée murmure entre ses dents de bitume des chants de départ
transpirant hagard couvert de mon drap humide je me lève enfin et dans la cuisine tiède je me prépare un café
une nuit brûlante commence dans le vacarme des fêtes votives
un vent mollasson s'en vient souffler sous l'auvent je lui tends un verre
un rêve de fer les armures cliquetaient et le sang coulait
les tarentes sont rentrées sous les mallons de couvert elles vont chanter pour elles et la nuit d'été
les têtes tranchées ricanaient dans la poussière et l'acier bleui
lentement se passent les heures et les regrets sans frissons sans larmes
sous un soleil livide des mains des membres sanglants retenaient leur glaives dans un ultime sursaut pour parer le coup fatal
10 août 2019
des chevaux crevés battaient la boue de leurs pattes aux sabots rougis
une histoire en boucle après la nuit sans surprise un ciel identique
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Paroles d’un compte erratique
un gardien de phare au pied du ventilateur scrute ses pensées
vieilles habitudes — il y revient quelquefois pour ne pas les perdre
il y a des soirs où la plume se dérobe et les mots s’ennuient
la lune en jupon danse au-dessus des grands pins ivre de nuages
11 août 2019
un vent cauteleux murmure dans l'herbe sèche un chant incendiaire
nouvel épisode dans lequel rien ne se passe — stupeur des matins
je la regardais — avec ses yeux d'émeraude elle me figeait
comme un suricate il surveille l’horizon au bout des carreaux
des linceuls livides se glissent entre les troncs la nuit fuit le vent
j'ai les pieds sur terre et le nez dans les nuages — un ballon captif
ma tête résonne de pensées comme des gongs de bronze fêlés
comme l'herbe avide ma peau aux pores arides espère un orage
le vieux banc de bois a gémi quand j'ai posé mon ombre fourbue
parfois je me dis qu'il est temps du grand sommeil de l'oubli sans rêves alors je me sers un verre et les yeux ailleurs j'attends
se cachant à peine je sens son regard pointu qui me dévisage
la nuit vient plus vite et le crépuscule dure toujours plus longtemps
13 août 2019
elle se faufile entre branches et nuages lune effervescente
un vent capricieux dans le ciel vêtu de gaze déchire les nues
sur le tronc du pin deux mues de vieilles cigales tiennent un colloque
au fond du fauteuil quand il dort il ne fait qu’un avec l’univers
12 août 2019
c'est le vent du nord qui frappe sur Garlaban puis qui tourbillonne et qui danse sous l'auvent une folle farandole
ce matin le ciel dans sa grande mansuétude promet de la pluie
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Paroles d’un compte erratique
je pose mon verre sur la table la poussière me raille et ricane
l'aboiement d'un chien dans la lointaine pénombre — relief du silence
il se calme un peu mais parfois il tousse encore le vent dans les arbres
couchés sur la plage nous inventions des étoiles aux noms de sourires
le t-shirt suffit à contenir les frissons d'une nuit plus fraîche
la nuit était douce en ce juillet suffoquant et nos corps torrides
le ciel nettoyé s'offre au rire des étoiles qui tremblent pourtant
les vagues lascives murmuraient la voix du sel et l'odeur de l'eau
puis la lune vient comme un lampion de kermesse effacer la nuit
jusqu'au matin frais nous nous sommes endormis la main dans la main
mon corps fatigué me réclame du repos impossible à prendre
petit déjeuner des cafés sur la terrasse d'un bistrot ouvert
le vent cloue le bec au chahut de la vallée emporté au loin
puis sans dire un mot j'ai refermé les volets tu t'étais couchée
le ciel est si clair — la silhouette des pins reprend des couleurs
dans la vallée sombre où un train claque des rails la nuit terrifie
14 août 2019
15 août 2019
un ciel de partage — la part de résignation et la part d’espoir
par la moustiquaire le ramier dans le figuier semble peu inquiet
que regarde-t-il — le compère à la fenêtre garde le silence
dessus les collines des nuages égarés font la sourde oreille
la lune se baigne encore tremblante et nue dans le ciel turquoise
la mue de canon se dresse dans la poussière — ni fine ni conne
un soudain silence et la nuit comme une tombe obstrue ma mémoire les souvenirs piétinent au seuil d’un été ancien
c'est une ombre ancienne une ombre au cœur déchiré qui vient me rejoindre en silence elle soulève le verre que j'ai rempli
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Paroles d’un compte erratique
au fond de mon verre un petit papillon ivre se noie de chagrin
le vent essoufflé s'est posé sur le jardin qui respire enfin
la ville s'endort dans le creux de la vallée les étoiles veillent
une haleine tiède odeur d'herbe calcinée arpente l'auvent
majesté des ombres—la silhouette des pins dans le clair de lune
la lune éclabousse d'une lueur de tombeau les étoiles pâles
dans le pot de terre le citronnier parle au vent de contrées lointaines
grosse pour son âge à peine si elle passe entre les branchages
16 août 2019
d'un seul grain de sable on peut toujours espérer rebâtir le monde
ciel immaculé — seul un jet de dards aigus tente une percée
17 août 2019 entre les nuages des reliques de voyages se traînent d’ennui
le fauteuil profond dans lequel il se blottit un havre de paix
peluche endormie sur le coussin de ma sieste — j’ai poussé mes jambes
un œil de poisson sur un étal imbécile jette un regard morne
je ne sais pas lire alors je fais comme si en posant un livre
un jupon de gaze s'embrase autour de la lune — nuage éphémère
rouge de plaisir la lune sort des collines — un ballon d'enfant
des joies et des peines j'en ai remplies ma besace jusqu'à la nausée
des notes boisées — un saxo joue summertime dans la nuit feutrée
le mur des tarentes dans la lueur de l'auvent joue avec les ombres
ciel désespérant pas le moindre penaillon pour vêtir la lune
fauteuil sous l'auvent le poids de mes souvenirs creuse son empreinte
je repense encore à ces veilles sans entraves où mon corps volait
rêver sur la plage — dans le sable un coquillage a gardé la mer
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Paroles d’un compte erratique
au bord du ruisseau nous échangions nos caresses et l'eau chantait fraîche
il y avait ses yeux comme des lames d'acier qui me transperçaient
l'été pour demeure et nos peaux pour vêtements dans la nuit complice
les effluves lentes se répandent dans la nuit le jardin transpire
une parenthèse — nous étions les clandestins de nos vies réglées
au port de l'angoisse un cargo de tripes fluides embarque mes peurs
quelques jours encore à s'enivrer de péchés et d'espoirs perdus
rivière farouche au long de ses rives sombres sombrent mes espoirs
en fermant la porte aux souvenirs interdits l'oubli pour devise
le disque d'argent cisaillé par les branchages saigne dans le ciel
quelque chose reste un caillou dans la chaussure et boiter en vain
je compte mes ans et plus vieux que je ne pense je reprends le compte
les étoiles tremblent et la lune téméraire enflamme le ciel
j'étais un enfant déjà de mes yeux coulaient des larmes anciennes
c'est le dernier verre en fait je ne suis pas sûr qu'il soit le dernier
en taillant la haie j'ai tranché toutes les fleurs du printemps prochain
que je vous explique je suis un twitterasseur je twitte et je creuse
claquement des rails le train qui passe là-bas roule vers l'enfer
18 août 2019
d'un ongle tremblant je grave dans la poussière le nom d'une erreur
un ciel sans relief — un fantôme de nuage nargue les collines
dernière gorgée dire au-revoir aux tarentes aller se coucher
ce matin il pose toujours couché sur la table comme une soupière
19 août 2019 un vaisseau spatial surgit au dessus des nues éclat du soleil
je pose ça là — je n’ai pas appris à lire durant cette nuit
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Paroles d’un compte erratique
sur la même table toujours le même sommeil la même douceur
lambeaux de nuages étirés par les voyages — dialogues amers
la jeune palombe surprise dans le figuier le bec barbouillé
moustiquaire ouverte — mon chat curieux qui commère conquiert la fenêtre
silence de laine — tapi dans les ombres lasses l'écho de la nuit
la salle de bain ouverte sur le sud-ouest toujours sans promesse
grondements lointains dans le ciel enténébré — l'orage peut-être
la brise légère s'est glissée sous ma chemise les premiers frissons
une tiédeur moite enveloppe la lumière pâle de l'auvent
les feuilles timides se balancent dans le vent avant goût d'automne
et je reste assis triant de mes souvenirs les grains altérés
petite tarente avec tes yeux malicieux tu gobes la nuit
où se cachait-elle la minuscule tarente qui longe le mur
ce soir pas d'étoiles pour indiquer le chemin où paissent les anges
cette dent qui bouge et qui parfois me fait mal faut-il l'arracher
couvert de nuit noire sous le ciel majestueux le jardin s'endort
ma vie a jauni comme l'herbe du jardin dans l'été sans pluie
un frisson me prend mais ce n'est pas la pénombre juste un souvenir
parfois des murmures comblent les brèches du ciel — les étoiles bruissent
tiédeur de nuage l'ivresse mélancolique embue le regard
après les lauriers la nuit profonde s'installe avec ses fantômes
les pieds dans le vide il balance lentement en fermant les yeux
il est l'heure injuste où regrets et remords chassent le désir de vivre
l'espoir joue aux dés sur une piste de cirque où on rit des clowns
20 août 2019
vieillard qui titube ne cherche plus ton bâton les ans l'ont rongé
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Paroles d’un compte erratique
les ans ont passé de défaites en déroutes le goût reste amer
à l’ombre des arbres en profitant d’un rayon les lauriers s’enflamment
minuit elle sort grasse et rongée par les nuits des collines sombres
la pluie sur l’auvent cette pluie tant espérée enfin la voila
21 août 2019
le jardin respire — parfum acre d’herbe sèche mouillée par la pluie
le ciel ce matin une histoire sans parole toujours répétée
un petit orage a souri dans les colline fraicheur de la nuit
du haut du donjon étendu sur sa serviette ce qu’il fait de mieux
venue des ténèbres mon ombre sur les carreaux traîne sa langueur
le figuier désert se prépare à la visite des ramiers gourmands
l'herbe se redresse les feuilles reprennent vie miracle de l'eau
sourires du soir — dans les lueurs de l’auvent les lauriers flamboient
le ciel découvert offre au jardin abreuvé une pluie d'étoiles
la nuit soyeuse — un papillon minuscule posé sur mon verre
les bruits de la nuit aux gémissements se mêlent les pleurs des fantômes
la vallée gémit sur ses pistes de bitume des roues de ténèbres
ce frisson ce soir soudainement un désir d'embrasser la vie
la nuit chante grave un bourdonnement d’insectes venu d’outre monde
sur l'herbe spongieuse mes pas de vieillard hésitent la nuit me rançonne
22 août 2019
23 août 2019
même sous les nues le soleil arrogant fait la nique à la pluie
le ciel nettoyé de ses mauvaises pensées s’est repeint d’azur
d’un grand bâillement il prépare le terrain à un long sommeil
il est attentif mais ne me regarde pas lui seul lui importe
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Paroles d’un compte erratique
tandis que penché à la fenêtre il respire un air matinal
ramier revenu dans le figuier reverdi l’ordre est rétabli
dans le figuier sombre il s’imagine à l’abri de tous les regards
dans la ville basse les rois de la ville haute vont s'encanailler
peuplé de fantômes le silence de la nuit coule dans mes veines
vautré comme un linge soucieux des bruits de mon corps je respire à peine
de grasses tarentes sur le mur illuminé glissent dans l'été
une auberge au loin dans des lueurs insomniaques un marcheur s'approche il porte avec son ennui des nouvelles des royaumes
des chuchotements dans les feuilles somnolentes le rêve des arbres
auprès du foyer il dépose sa besace un soupir fourbu il demande de la soupe et un os gras pour son chien
l'air devient pesant il grince dans ma poitrine comme un gond rouillé le vent a tourné du fond la vallée monte un diffus murmure
il paye d'un conte et d'un adroit tour de cartes il gagne du vin tandis que le chien s'endort le nez posé sur ses pattes
nous étions sourires et n'avions qu'un vêtement c'était notre été
alors il commence et il parle de la terre au bout de la route incendiée par leur mépris et leur superbe arrogance
le vent nous contait des histoires d'outre monde le ciel était lent le soleil chantait dans les feuilles ombragées la chaleur complice
la nuit me murmure dans le silence des arbres l'histoire à venir
perdu dans les heures le temps ne se comptait pas il nous parfumait
en si peu de temps la planète verdoyante devient un brasier
les aubes rosées qui brodaient notre sommeil assemblaient nos peaux
24 août 2019 encore une fois je repousse le volet sur le même éclat
puis l'automne vint la pluie amère des larmes nous a effacés
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Paroles d’un compte erratique
un étang sans ride mais sur le fond peu profond un limon visqueux ainsi va mon existence et chaque jour plus de vase
passées les collines on devine l'horizon au-delà du monde
25 août 2019
je traîne mon ombre à chaque pas hésitant vers l'ultime borne
ce matin le ciel ressemble à une aire d’autoroute un feu d’artifice
je passe ma main comme ont glissé les années sur mon crâne chauve
refus de la brosse et on ne sait pas pourquoi monsieur a ses nerfs
je ne suis qu'une ombre furtive et vieille déjà chassant la lumière
dans l’arbre pillé y a-t-il encor des figues interrogation
l'échelle posée sur le rebord de la lune frémit sous mon poids
je respire enfin après l'assaut du soleil la douceur du soir
odeur d'écurie la voisine aux chevaux dort et son fumier pue
à l'ombre d'un pin les senteurs de la garrigue se souviennent d'elle
il est impossible de voir le monde autrement qu'avec des œillères
l'été finissant avait laissé son fardeau de chaleur pesante
26 août 2019
il traînait dans l'air une odeur de pluie passée et de thym lointain
demain comme hier le ciel file un écheveau d’immobilité
mes mains qui tremblaient se souvenaient de ses mains du grain de ses pores
assis sur les tuiles il surveille le portail comme un chien de garde
il y a si longtemps et tant de sable a coulé entre mes doigts gourds
il reste une figue dans le feuillage verni — ils me l’ont laissée
comme une autre peau le souvenir seul m'habille et le soir descend
assis et rêvant sur les galets de la plage les yeux dans le vague
le fil du rasoir avec lequel j'ai brodé la trame des rêves
toiles d'araignées dérivant entre les poutres et l'auvent obscur
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Paroles d’un compte erratique
des gazes et des poussières occupent mes souvenirs
j’ai un peu bougé mais il n’a rien remarqué de ses yeux brouillés
l'histoire rebelle qui gigote dans ma tête est pourtant finie
j'ai cru aux tonnerres c'étaient les détonations d'un feu d'artifice
souvenirs sournois qui reviennent courant d'air glacer ma mémoire
le silence pèse sur le murmure des feuilles et mon cœur grinçant
ouvrage du temps dans mes rides qui se creusent l'enfer est présent
un petit malaise je suis mort une seconde en me souvenant
pendant une année nous nous sommes regardés sans pouvoir parler il ne reste que l'hiver de ces saisons désolées
le cœur qui divague la pression entre les tempes perte de conscience au fond de mes poches il y a depuis longtemps des poings qui se serrent
son manteau sapin et son regard de charbon brûlent ma mémoire
dans le ciel tendu comme une peau de tambour les nuages grondent
où est-elle allée et qu'est-elle devenue la fille mutique les mots que nous n'avons dits pèsent-ils sur sa mémoire
une averse en août une averse un mois avant prions pour septembre
devenu vieillard je ne l'imagine pas blessée par les ans
plus rien ne bouge aucun son aucun murmure ivresse du soir
quand j'étais enfant j'ai côtoyé la misère je la crains encore
mon ombre s'assoit — son silence est effrayant j'éteins la lumière
au fond du panier même les fruits les plus beaux perdent leur fraîcheur
une cigarette je ne devrais pas fumer mais quelle importance
27 août 2019
elle sanglotait assise en face de moi dans ce restaurant je suivais l'enterrement de notre histoire commune
un voile de gaze posé sur l’ennui du ciel l’été boude un peu
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Paroles d’un compte erratique
une longue histoire de cent retours et ruptures aux cent goûts mêlés
dans le vieux quartier détruit par l'ancienne guerre c'était notre monde
nous étions amants et même parfois amis pendant tant de temps oui nous aurions pu sans doute aller au delà des mots
mais les bulldozers ont mis fin à notre enfance la ville a gagné j'écoute la nuit — dans son silence subtil le chant du jardin
mais pendant douze ans j'ai vu grandir ses enfants et nous deux pâlir
28 août 2019
la pluie aujourd'hui du ciel le bienfait tardif — le pêcher est mort
un ciel hypocrite qui montre tant d’espérance et n’en offre pas
odeurs du jardin juste après la brève averse une symphonie
penser à changer la couche de son donjon mais rien ne le gêne
lueur de l'auvent dans les lauriers-roses brille la dernière goutte de la vallée monte cette odeur de vieille cendre de ville sournoise
le temps pour complice nous nous moquions de la ville nous étions si jeunes
29 août 2019
d'une ruine à l'autre nous sautions en équilibre sur le fil des rires
l’aumône de pluie qu’hier le ciel nous a faite semble être oubliée
sur les murs noircis avec des morceaux de plâtre nous marquions nos noms
frimousse en travers mais ce n’est que l’illusion des poils de son nez
parmi les décombres nous bâtissions des repaires et des forteresses
les fleurs de lauriers sans pudeur en plein soleil mêlent leurs couleurs
des bouts de canisse et du fil de fer forgeaient nos arcs et nos flèches
tiédeur de la nuit sur le mur illuminé glissent les tarentes
de tubes d'acier nous faisions des sarbacanes pour souffler le vent
le jour s'est levé les collines embrumées s'étirent dans l'ombre
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Paroles d’un compte erratique
dans les herbes folles le vent roule des épaules les épis divaguent
l'ennui dilapide le temps qu'il me reste à vivre en rêves futiles
soixante-dix fois j'ai traversé les étés en souhaitant l'automne
enfant je courais dans les rues de mon quartier en hurlant d'effroi
sous la pluie d'étoiles l'orage tant espéré se dérobe encore
je trouvais refuge sous des porches sans pitié où l'ombre brûlait
quelquefois mon père nous conduisait à la gare pour compter les trains
je craignais la ville comme les cris de ma mère ivre de colère
j'ai envie de rien juste compter les étoiles d'un ciel sans couleur
je fuyais les rues butais dans des escaliers aux marches abruptes
même les tarentes ont déserté la chaleur du mur sans lumière
haletant suant je cherchais auprès du port une bienveillance
31 août 2019
odeurs de goudron jurons de matelots ivres et pavés huileux
venus des collines des nuages insolents insultent la terre
je courais plus loin jusqu'après le fort sinistre vers le phare aveugle
par timidité il détourne le regard devant l’objectif
puis je m'éveillais dans l'odeur du café frais les bras de mon père
à l’ombre des chênes le vieux banc de bois complice attend patiemment
30 août 2019
autour de la lampe le festin en amoureux de jeunes tarentes
comme un coup de brosse sur un ciel peint d’aquarelle la trame du temps
une barge rampe sur l'onde épaisse du Styx Charon se promène
il médite encore sur les racines amères et les herbes sèches
les impasses grasses des villes grouillant de vers reniflent la mort
depuis l’auvent le ciel traverse les arbres jusqu’aux lauriers-roses
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Paroles d’un compte erratique
là-bas sur la borne un tas d'os et une faux rêvent de silence
je n'ai plus d'amis ou je ne m'en connais plus douce solitude
les sons de la nuit une musique insoluble agace le vent
larmes hypocrites qui vont suivre ta dépouille tu seras mort seul
sur l'embarcadère qui est-il et d'où vient-il le vieux mage gris
la lumière au fond de la rue enténébrée une maison close
dans sa malle en fer des sortilèges rugissent et voudraient s’enfuir
personne ne sait la journée les volets clos n'ont pas de murmures
quand bien même aigri il a de la compassion pour le genre humain
mais à l'intérieur des poètes jouent aux dames ou au désespoir
mais un jour peut-être à force de railleries la malle béera
dans des verres sales ils se saoulent et leurs muses tricotent des vers
01 septembre 2019
ils paient d'une histoire d'un conte ou bien d'une fable leur ivresse jaune
en bon politique le ciel ne respectera aucune promesse
en montant les marches ils atteignent les étoiles par le toit ouvert
dans le crépuscule sur le toit de la remise le chat veille au grain
ils rêvent de livres et de lecteurs maudissant leur façon d'écrire
un peu gris ce soir — des pièces à convictions traînent sur la table
personne ne sait que la vieille maison close vit de poésie
parfois il me semble avoir épuisé tous les mots — besace tarie
un verre d'alcool en cinq minutes je torche un premier tercet
je gratte mon cou les écailles de ma peau crissent sous les ongles
puis un souvenir un regret une amertume un second tercet
au bout de la digue après des nuits d'insomnie le phare s'endort
un rêve oublié qui remonte à la mémoire voilà le troisième
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Paroles d’un compte erratique
ça ne faisait rien au moins je n'étais plus seul et je m'endormais
je termine là car mon ombre qui oscille me réclame un verre
tout là-bas vers l'est la constellation de l'ange perce les nuages
02 septembre 2019 toujours face à l’Est mon appareil s’exaspère du soleil dans l’œil
fidèle mon ombre s'assoit sur la chaise en face silence complice
il ne boude pas il surveille mes arrières pendant l’apéro
ma tête est trop lourde à l'heure des confidences je n'ai rien à dire
elles se rapprochent pour jacasser toutes deux des malheurs du monde
son verre se vide mon ombre prend la bouteille et boit au goulot
les futurs noircis dans le ventre de la Terre sentent le cadavre
un furtif sourire — l'ivresse du fond de verre frôle les abysses
petite tarente juste née avant l'automne il te faut grandir
désert dans ma tête j'imagine mon squelette blanchir au soleil
enfant de la nuit je suis né avant l'aurore un matin d'hiver
il n'y a jamais de dernier verre vidé c'est le tour des rêves
perdue dans le ciel au milieu de ses compagnes mon étoile geint
Quand mes deux grands-pères, poussés par le fascisme et surtout par la faim, se sont installés à Marseille, ils n'ont pas obligé leurs voisins Corses à manger des pizzas !
les feuilles brûlées par cet été orgueilleux craquent sous mes pas quand j'étais enfant la nuit me terrorisait de brûlants fantômes
03 septembre 2019
j'avais froid pourtant alors j'implorais ma mère qui ne venait pas
ce septembre bleu qui renie ses traditions qu’il a le cœur sec
c'était donc mon père à travers la pièce unique qui criait sur moi
regard intérieur mais oreilles attentives aux couleurs du monde
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Paroles d’un compte erratique
au bout du silence nous avons pris sa voiture vers un bar ouvert d'un geste j'ai commandé des cafés et des croissants
vus depuis l’auvent les lauriers-roses se mêlent entre ombre et soleil paisible soirée en compagnie des tarentes je rêve tout haut
par dessus la table elle m'a tendu ses clés et je suis parti
la grosse tarente sous la poutre de l'auvent me fait un clin d'œil
mon chat m'a offert une petite souris au cœur palpitant
le train suit sa piste en jouant de la trompette sur des rails gauchis
une nuit d'hiver sous l'auvent et dans un verre je l'ai oubliée
04 septembre 2019
le ciel est turquoise je revois l'iris encore qu'elle avait au cou et le parfum d'améthyste du petit jardin d'arômes
apportés par le vent pour habiller le soleil des hardes de nues hésitant encore il patiente une minute avant de plonger
je compte les jours sur le boulier de l'ennui — dernière rangée
les dernières fleurs tout à l’heure la cisaille fera son office
petite sœur petite fleur où vas-tu rêvasser encore le pré cet été a brûlé et l'automne est sans pitié
il y avait du vent ce jour-là sur la Corniche entre les embruns comme une île imaginée elle est apparue soudain
05 septembre 2019 le vent s’est levé et il découvre le ciel de toute espérance
nous n'avons rien dit nous regardions les rochers résister aux vagues
sur les herbes sèches il repose sans vraiment être vigilant
le vent nous blessait dans ce matin lumineux de janvier glacial côte à côte nous restions sans regard et sans parole
le bec barbouillé par le sucre et les reliefs de l’ultime figue
le Frioul au loin et le surfait Château d'If flottaient sur l'écume
le vent est brutal il assèche la garrigue plus qu'un plein été
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Paroles d’un compte erratique
tarentes frileuses rentrez vite sous les tuiles le vent est trop froid
des lambeaux de gaze errent dans le ciel frisquet septembre s’impose
d'une branche à l'autre dans le silence du vent l'écho du vacarme
paupières fermées le monde lui appartient son monde intérieur
le vent est mystère il vient d'un nord improbable claquer sur mes os
la princesse aveugle admire de tout son cœur le prince boiteux
sortilège étrange — le fantôme des pins tremble mon ombre ricane
silence profond — les ailes des papillons font frémir la lampe
un matin j'irai sur la tombe de mon père en reconnaissance
le vent se repose et une feuille de chêne berce son sommeil
d'où vient-il le vent qui me glace les orteils en tenue d’été
la pince pénienne la sournoise malfaisante m'a coincé les burnes
06 septembre 2019
08 septembre 2019
émissaires sombres annonciateurs de la pluie — toujours des promesses
le soleil hautain dans un ciel plein d’arrogance a soumis la terre
un camp retranché il s’installe sur la table — premier jour frisquet
dans les herbes sèches il a trouvé le moyen de se rafraîchir
la nuit cristalline — sous l'auvent la fraîcheur tinte sur mes nerfs tendus
il y a dans le vent des parfums d’outre-mondes des senteurs du levant et des fleurs vagabondes
la ville orgueilleuse de ses larges boulevards oublie ses impasses
10 septembre 2019 bienfaits de la pluie le jardin semble sourire malgré la pénombre
quand les mots me mentent qu'ils s'enfuient ou se dérobent je ferme boutique
journée confinée il s‘occupe comme il peut pour tromper l’ennui
je ne pouvais pas échapper à mon destin de pilleur de lunes
07 septembre 2019 51
Paroles d’un compte erratique
la pluie se présente au rendez-vous de septembre en rougissant presque
oiseaux minuscules ils pillent les pyracanthes sans peur des épines
reflet de la lune sur la table de l'auvent — mon ombre pâlit
deux traits parallèles des rails tracés dans le ciel pour gagner la lune
silhouette sombre mon chat sur le toit humide contemple la lune
c'est un long chemin sombre aride et cahoteux dont je vois le bout
murmure des arbres ils échangent des secrets dans la nuit venteuse
à la nuit le jour c'est la vie cahin-caha qui cède qui passe
la lueur au loin celle d'un petit village à l'âme égarée
12 septembre 2019 les contrails s’étirent et le ciel de bon matin a des airs malades
brume du matin — un miroir au tain terni voile la lumière
en face de moi installé pour l’apéro il compte les doses
dans la pièce sombre ma respiration blafarde couvait ma sueur c'était l'heure où des ténèbres allumaient les cauchemars
la lune hier soir habillait sa chevelure de nues de corail
11 septembre 2019
larmes dans les yeux le soir soulève des rêves remplis de poussière
dans le ciel serein les nuages se souviennent d’un ancien orage
quelques fleurs encore dans les lauriers émondés l'été me pardonne
dans sa forteresse gardé de créneaux de chaise il s’endort paisible
le cœur tristement dans ce vieux corps de malade tremble sans mesure
ma tête disjoncte l'électricité grésille j'éteins la lumière
vallée des ténèbres un train siffle dans la nuit — finir le voyage
bataille de chat — sagement le mien attend sous le lampadaire
13 septembre 2019
une chouette hulule au loin un chien lui répond — la nuit silencieuse
malgré les nuits fraîches l’été fait de l’obstruction dans un ciel soumis
52
Paroles d’un compte erratique
panique au château — le fier donjon devenu une salle d’eau
soir mal inspiré — je cherche dans les archives de quoi vous sourire
encore une lune — la demeure des rêveurs semble désertée
16 septembre 2019 un ciel immuable — l’enfer et l’éternité y dansent ensemble
des cheveux de lune ondulent dans les branchages — filaments d'argent
il n’est pas d’accord — ce que je lui ai servi est pour lui trop peuple
au bord de la table un papillon de nuit pâle bronze sous la lampe
une feuille tombe elle égratigne la lune et meurt d'un sourire
des perles de lune égarées dans l'herbe humide — trésor de la nuit
le cœur grogne et cogne dans la cage de mes côtes un battement d'ailes
14 septembre 2019 le ciel se maquille il emprunte un fond de teint au soleil grimé
les feuilles balancent et ne savent pas quoi dire — brise insignifiante
sur le fenestron il s’est mis lui-même en cage mais il a les clés
mon ombre muette alanguie dans la pénombre oublie ma présence
d'une robe jaune assemblée par des fées nues la lune se pare
la nuit me rassure une caresse frileuse assèche mon front
au bord du ruisseau parfum d'été sur ma peau et les pieds dans l'eau
j'écoute le sang qui gratte dans mes artères un air sans accord
ballon libéré des mains d'un enfant sauvage la lune divague
le silence est lent comme la feuillet tombant de mes souvenirs
15 septembre 2019
silhouettes sombres sentinelles dans ma nuit — veillent les grands pins
la pâleur du ciel filtre les rayons sans force d’un soleil brumeux
figés sur la table une bouteille et un verre hésitent encore
boire à la fontaine qu’on commande d’un regard assis dans l’évier
53
Paroles d’un compte erratique
au fond de ma poche il y a la vie qui bat que je serre fort mais qui finira par fuir dans un hoquet d'amertume
son rire surtout qui abattait mes murailles oui je m'en souviens
17 septembre 2019
et j'entends le rire de cette nuit de tempête qui depuis perdure
grincements d'un train qui peine sur le chemin d'incertaines gares
changer d’objectif n’est pas le meilleur moyen de changer de ciel
j'ai rangé l'espoir d'un soupir d'une caresse en bas dans la cave
depuis son donjon il attend que je lui brosse un poil sans désordre
18 – 19 septembre 2019
la pierre qui roule entraînée par le torrent c'est bien notre vie
lambeaux de nuages jetés aux nez du soleil par un ciel hargneux
lentement je range table et chaises du jardin la journée s'achève
regard en arrière — mais non il n’y a personne pour troubler sa sieste
une pie s'agace dans la nuit sombre du chêne trouble du sommeil
papillon de nuit qui te nourris de lumière prends garde à tes ailes
voyageur sans borne j'ai fait plusieurs fois en rêves le tour de la terre
la nuit a mangé un gros morceau de la lune la nuit est gloutonne
mes doigts qui s'accrochent aux corniches de la vie tremblent de fatigue
parfum de silence dans la nuit énamourée après une averse
levant vers le ciel un regard un verre vide la lune est bien ronde
auprès des licornes les fées dansent et leurs ailes parfument mes rêves
jardin d'un été l'ombre noire des cyprès creuse encor la terre
finie est l'Histoire le temps seul semble infini mais il est muet
ivresse d'un soir je pose le dernier verre et je n'oublie pas
bouffées de chaleur — serais-je une vieille femme que les ans taquinent
54
Paroles d’un compte erratique
dans un dais de brume la lune mélancolique berce ma tristesse
comme d'un fruit sur je garde le goût acide de mes souvenirs
20 septembre 2019
la nuit sans étoiles une chambre sans tendresse des draps sans chaleur
brumes de septembre le soleil joue au fantôme dans les gazes tièdes
22 septembre 2019 un ciel de ténèbres ferme la porte au soleil — le silence est noir
par quoi commencer si je feins l’hésitation c’est pour l’enrager
mon petit dodu médite avant de dormir sur mon gros bidon
au loin la ville scintille depuis qu’est tombé le ciel tous les marchands de couleurs y font leurs emplettes
des rus de ciel bleu déversés entre les nues la pluie dilettante
21 septembre 2019
l'herbe reverdit et les feuilles lavées luisent le jardin se signe
poussées par le vent d’un soleil sans enthousiasme les nues se rassemblent
lueur de l'auvent sur le mur l'ombre est taquine dans la brise lente
enfin il choisit le premier plat matinal ce sera noisettes
j'appuie ça fait mal — ne plus toucher les blessures surtout les anciennes
la pluie a cessé les fragrances de l'automne errent sous l'auvent
je regarde l'heure — il ne devrait pas tarder le train de l'ennui
jardin abreuvé il illumine la nuit de tous ses parfums
tonnerre lointain bien au-delà des collines un autre pays
le vent s'est levé il agite les grands chênes et les fait pleurer
je reprends un verre le liquide aux dents de bronze me ronge les tripes
entre les rafales remontent de la vallée d'aigres geignements
mais où allons nous sur cette barque sans rames dans cette tempête
pensées refluant sur cet estran il ne reste aucune coquille
55
Paroles d’un compte erratique
seul dans cette nuit où j'écoute le silence qui berce et m’envoûte
une dent m'agace le souvenir douloureux d'anciennes défaites
pénombre immature le ciel garde encore en lui l'odeur des blessures
rêve récurent d'une maison que j'élève sur des immondices
ce n'est qu'une averse une petite pluie fine qui embue mes yeux
des bribes de rêves d'une construction immense sans la moindre porte
mes joues étaient rouges quand de ses yeux d'émeraude elle m'a souri
sans une fenêtre et une odeur de charogne et d'eau de vaisselle
23 septembre 2019
un couloir en ruine donnant sur des pièces vides aux murs couleur sang
le ciel s’est repris — les contrails indifférents poursuivent leur route
des sacs de poubelles dissimulés dans des fosses des sacs de vomis
terrasse au soleil le doux minou en profite et plisse des yeux paisible soirée dans la brise et le silence je rêve tout haut
c'est l'hiver la nuit mais j'ai chaud et je distingue mon corps suspendu percé ruisselant de vers et sécrétions brunâtres
à l'ombre des chênes assis sur le banc complice je tutoie le vide
le cou distendu et la langue épaisse et verte jouent un glas lugubre
le long du chemin qui monte dans les collines ma longue fatigue
plus loin la pénombre aussi froide que l'enfer arrache mes tripes
quand je le regarde à travers le fenestron le ciel est petit
les mâche et les hache et les vomit d'un hoquet puis tout recommence
les arbres se taisent ils respectent dans la nuit le sommeil des nids
j'empile des sacs de cadavres et de morve en suant d'effroi
minuscule étoile qui veille sur mon destin secoue-toi un peu
la tâche est trop lourde je n'en viendrai pas à bout la nuit est immense
24 septembre 2019 56
Paroles d’un compte erratique
perdues dans le ciel au-dessus de la vallée des lambeaux de brume
où est ma jeunesse — ensablée sous les années mais toujours présente
nous faisons la sieste avachis l’un comme l’autre au cœur de midi
vieillard sur le sable je la regardais voler la jeune sirène
mon ombre est complice de mon immobilité et de mon silence
l'ivresse a tardé quand elle est partie j'avais la gueule de bois
dans la nuit opaque le reflet des souvenirs irrigue mes yeux
une feuille morte résiste sur la terrasse au souffle du vent
papillon de nuit — en accrochant la lumière un éclair dans l'ombre
26 septembre 2019 voyez-vous le vent dans les replis des nuages — une brise atone
comme un chien fidèle sur le seuil de la maison le vent s'est couché
retour à la source où il s’abreuvait chaton tout près de sa couche
l'orage est passé — dans la cuisine je donne un coup de balai
tanguant doucement dans un rêve encalminé je bois le soleil
j'ai rêvé de vous belle dame au cœur frivole — c'était quand déjà ?
25 septembre 2019
poussant le volet je prends l'Est en plein visage bonheur du matin
velours côtelé — le ciel déjà se prépare à passer l’hiver
le chat dans mes bras bercé comme une peluche nous nous ronronnons
regard en dessous complote-t-il une ruse ou bien s’endort-il
sur le bord du lit l'esprit encore en désordre au bord de l'abîme
les feuilles s'agitent la brise en prend de la graine et souffle plus fort
je laisse mes yeux basculer vers le néant tropisme du vide
petit tintamarre — les premiers glands de l'automne roulent sur les dalles
mon ombre est chimère à la fois rage de vivre et désir de fin
57
Paroles d’un compte erratique
les jours se déchirent comme ces feuillets tachés d'encre encore humide
cheveux de sirène sur les galets de la plage hiver crépuscule
minuit m'accompagne jusqu'à la porte des songes et me laisse là
soyeuse soirée en compagnie des tarentes et des pensées lentes
le rêve était grand pourtant ce n'était qu'un rêve au bord du néant
minuit en automne somnolent je plains les feuilles qui sans un cri meurent
parfums de la nuit je partage avec la brise le chant du silence
le verre de trop ce verre qui sans surprise vous frappe au plexus
je pose mon verre et déjà mon ombre avide s’en ressert un autre
souffrir est un luxe que seuls les cœurs rassasiés peuvent se permettre
j'ai usé mon corps d’alcools et de cigarettes mais je rêve encore
28 septembre 2019
27 septembre 2019
joli ciel sans tache qui ferait prendre septembre pour un mois d’été
le ciel des collines prends les couleurs de l’été et octobre est proche
les yeux dans le vague il se repose épuisé par sa promenade
sur l’abri à bûches qu’il a pris pour promontoire il suit l’horizon
les feuilles écrivent leurs dernières volontés dans le vent d'automne
l'écorce du vent qui transpire insolemment des larmes de feuilles
depuis la vallée des bruissements des rumeurs occupent l'espace
le dragon s'enflamme une haleine de suie noire ronge les poumons
un filet de brume dépose sur l'herbe sèche un baiser humide
la grosse tarente a profité de l'été sous l'auvent prodigue
l’heure où le silence épuisé par la journée bruisse dans la nuit
ma peau de lézard ravinée et maculée crisse sous mes ongles
mauvaise rencontre mon chat vient de rentrer la queue en panache
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Paroles d’un compte erratique
puis il est sorti toujours aussi pétochard pour veiller au grain
fantôme frileux dans la gouttière mon chat plagie Baudelaire
cette male dent qui impose sa dolence sans faire trop mal
le train titubant sur de vieux rails maltraités se perd dans la nuit
je courrais enfant sur le pavé sale et gras de rues sans espoir
la vallée sonore crisse lamentablement sous les roues d'asphalte
un convoi traverse à grand coups de rails meurtris les torrents du crâne
30 septembre 2019
29 septembre 2019
nuances de ciel — des nuages d’aquarelle étirent le vent
un « i » dans le ciel un « i » comme indifférence à la soif de l’herbe
parfois son regard me parait plein de reproches — mais qu’ai-je pu faire ?
pourquoi boit-il là plutôt que sur les carreaux — routine de chat
mémoires d'automne la mélancolie revient hanter mes sentiers
langueur de l'automne peu à peu le ciel se couvre de lambeaux lugubres
papillon de nuit ton ombre sous la lumière joue avec mon ombre
pas un souffle d'air et le feuillage immobile trouve le temps long
il pleut des regrets et chancelant sous l'orage je cherche un abri
mon ombre est mutique et dans la lumière lasse je ne parle pas
un mur de ténèbres entre l'auvent et le ciel nuit impénétrable
ivresse du soir les vibrations du silence tintent sur nos verres
brume du matin — de longs fils entre les pins jouent dans la lumière
ficus de l'auvent hiératique dans le nuit il devient bonsaï
la colline au loin secouée par le soleil s'extrait de la gaze
des glands minuscules choient des chênes malmenés par l'été aride
lever matinal je disperse le brouillard d'un mouvement lent
59
Paroles d’un compte erratique
avant le café je m'occupe de mon chat pitance et caresses
c'était un matin dans la tiédeur de la couette le temps somnolait
01 octobre 2019
les heures passaient sur le gué de nos désirs de lèvres en lèvres
soleil hors saison le ciel ne sait plus comment il doit se vêtir
03 octobre 2019
en lissant ses lèvres il laisse entrevoir sa langue rose de plaisir
mélange de ciel de vapeurs de kérosène et d’espoir de pluie
octobre sans bruit prend la suite de l'été le temps change peu
parfois sur son lit il s’essaie au camouflage version monochrome
poignée de gravier lancée par la brève averse au nez de l'auvent
la brume légère enveloppe le jardin de nacre luisante
cette dent qui bouge contre une autre dent qui bouge me laisse sans dents
sous l'auvent frileux je me cramponne au fauteuil la lampe vacille
petit escargot qui traverse la terrasse message de pluie
lumière propice — les tarentes sur le mur guettent leur pitance
abri sous l'auvent elles ne redoutent pas la pluie les tarentes
il pleut sur l'allée — les lampadaires piteux ont le nez qui coule
02 octobre 2019
04 octobre 2019
le ciel nettoyé par l’orage de la veille sourit à nouveau
arbres toujours verts et pluies toujours attendues — l’automne paresse
il a retrouvé son vieux coussin au grenier et il en profite
petit déjeuner sur l’évier de la cuisine — caprice de chat
on perd tous la tête et le monde perd la boule — tout tourne vinaigre
une soirée tiède un petit vent sous l'auvent des pensées volages
le vent était noir comme la nuit qui semait des étoiles froides
un portail qui claque un chien qui aboie tout près la nuit se déchire
60
Paroles d’un compte erratique
octobre paresse à la douceur de l'automne une saison lente
des ombres farouches gesticulent sur le mur seulement des ombres
avec un soupir auprès d'une feuille morte le vent s'est posé
la lampe ensorcelle les doux papillons de nuit d’ombres gigantesques
la nuit est profonde j'entends mon cœur qui bourdonne tout au fond du puits
prostrées sur le mur deux tarentes se regardent en chiens de faïence
cette étoile-là oui celle au bout de mon doigt sur qui veille-t-elle
le ciel est meurtri les lumières de la ville mangent les étoiles
un bouquet de fleurs j'attendais sous les arcades un rire à la main
06 octobre 2019 rien d’excitant — le portrait d’un paysage avec deux nuages
trop vieux trop malade la vie file entre ses doigts un mauvais coton
profonde plongée sur un coussin bathyscaphe — abysses des rêves
dernière gorgée — sur le verre qui tremblote une trace d’aile
05 octobre 2019
soucieux de demain la trotteuse de la montre ne s'arrête pas
grasse matinée le soleil flambe déjà quand le volet s’ouvre
songes sous l'auvent c'est l'heure mélancolique où le cœur trébuche
la table est propice à ses rêves de festins et chasses promises
les feuilles qui crissent sur le gravier de l'allée pas tout à fait mortes
la tarente verte qui me tenait compagnie change de couleur
une pluie de glands profitent d'une rafale pour sauter de l'arbre
c'est un soir d'automne aussi sec qu'une biscotte et sans confiture
le vent se renforce la lanterne de l'auvent emmêle les ombres
le silence berce une lointaine musique à peine un murmure
dans mes yeux la nuit prend des teintes de lagon d'été éphémère
61
Paroles d’un compte erratique
je ferme les yeux je me souviens d'un jardin accablé d'arômes
écho du soleil sur la membrane du ciel — lumière et musique
illusions tenaces je vieillis au jour le jour — miroir ironique
regard en arrière le flou brumeux se fait dense temps d’aller dormir
même quand le clown en rigolait sur la piste l'histoire était triste
au bord de l'ennui je veux griller une clope mon briquet est vide
07 octobre 2019
mon ombre de gauche demande à celle de droite de la resservir
hier au soir le ciel promettait l’enfer mais c’était hier
ce soir j'ai deux ombres pour me tenir compagnie sous les deux lanternes
il s’entraîne à prendre des postures de statues mon sphinx d’étagère
j'ai changé l'ampoule de la lampe de l'auvent pour fuir les ténèbres
il fait frais ce soir sur mes pensées vagabondes je pose un lainage
ce soir je suis loin de l'amertume du monde et je bois la mienne
la lampe tremblote la fraîcheur venue d'ailleurs sous l'auvent complote
gorgée après l'autre peu à peu l'esprit se vide au rythme des verres
regain de vigueur de joyeuses pâquerettes jouent dans le jardin
09 octobre 2019
ce qu'on voit du ciel n'est que la plage paisible d'une baie sans houle
douceur des nuages — ils recouvrent les collines de mélancolie
je n'ai pas de science de la terre ou la nature je sens leur étreinte
de près on distingue une boule de tendresse lovée dans ses poils
sur le banc de bois feuilles mortes enlacées d'un dernier baiser
soirée mélodique — dans les arbres le vent danse sur un air d'automne
j'ai relu Dune à l’aune de l'islamisme — j'ai froid dans le dos
l'esprit égaré dans les étoiles pensives désordre des sens
08 octobre 2019 62
Paroles d’un compte erratique
poutres de l'auvent une toile d'araignée trouble mon regard
les jours grise mine suivent les nuits sans étoiles froide est la saison
silence des heures j'épuise des souvenirs le cruel vacarme
survivre à l'enfant le vieillard peut-il y croire au fond de ses rides
la nuit est épaisse plusieurs couches de ténèbres étouffent les bruits
12 octobre 2019 par-dessus le ciel sur les nues et les oiseaux l’automne ricane
que devient le monde un orage de silence s'abat sur la terre
un câlin griffu — mon gros chat oublie parfois qu’il n’est plus chaton
sur la chaise-longue une feuille vibre encore charité du vent
11 octobre 2019
une nuit sereine le voile léger d'un ciel embrumé de lune
quand le vent du nord plisse les sourcils des nues le ciel se renfrogne
à un jet de pierre des automates sauvages meurtrissent la terre
pensif il savoure l’indulgence de l’automne et sa somnolence
un Ubu rougeaud s'essuie les pieds sur ses gages et des corps sanglants
linceuls dans le ciel les fantômes des nuages bruissent en silence
nous fermons nos gueules il jubile il est content il a ses harkis
douceur de la nuit la grosse tarente verte estime mon poids
début de l'automne les mois d'hiver s'annoncent comme un sang glacial
l'humanité hurle dans le bruit incandescent des nuits assassines
mes nuits orphelines la mémoire se dilue et mon verre est vide
gesticulations les clowns des nations se couchent sous les aboiements
mon ombre voyage au gré des sautes de vent sous l'auvent distrait
âme vulnérable une flèche empoisonnée au cœur de l'été
13 octobre 2019 le ciel en lambeaux offre pourtant un spectacle de saga nordique
63
Paroles d’un compte erratique
un coussin moelleux et le rêve incomparable d’un tapis volant
14 octobre 2019 l'orage s'approche peu à peu la lune cache son œil dans la brume
sous un ciel de gueules le sang des corps dépecés irrigue le sable
grondements lointains les nuages s'épaississent odeurs électriques
la lune narquoise contemple sans insolence la folie des hommes
le vent de la pluie traverse la terrasse emportant avec lui quelques feuilles lasses
enfants ils jouaient côte à côte aux mêmes jeux puis ils ont grandi
la nuit devient dense et l'ombre des arbres fuit l'étrange menace
ce bruit qu'ils entendent émerger du fond du ciel c'est la mort sans doute
se sentant mourir la vieille chatte est rentrée aux bras de ma mère
dans cette nuit tiède que les ténèbres consument un hibou transi
le tonnerre un train qui peut dire dans la nuit ce qui gronde au loin
mon chat est inquiet il traîne sur la toiture sa peau de fantôme
le pré est couvert de pâquerettes d'automne un printemps tardif
vieillard indocile je me prépare à la mort un verre à la main
combats de fourmis trop de haine sans espoir l'humanité sombre
un verre encore un et mon ombre va se fondre au fond de la nuit
mon chat me raconte les parfums de marjolaine et de romarin
mon ombre titube une cigarette un verre et la nuit se creuse je souris parfois quand je me souviens de celles qui m'ont fait pleurer
15 octobre 2019 collines brumeuses la pluie finit de tomber sur la nuit d’orage
de l'alexandrin que je soudoyais naguère au tercet complice il s'est fallu peu de temps une vie c'est peu de choses
il va s’endormir parmi les vielles peluches après la nuit blanche
64
Paroles d’un compte erratique
le temps a fraichi à la clarté de la lune les étoiles bruissent
torpeur de l'auvent son silence me saisit parfois à la gorge
silence lié au joug de la nuit qui laisse discourir le vent
le rêve et l'ennui d'une vie sans consistance se mêlent souvent
j'entends dans la tête cette ancienne mélodie de mon jeune temps je goûtais cette chanson aux fruits sucrés de ses lèvres
je n'ai plus d'espoir pourtant la résignation n'est pas au programme guidés par la lune les nuages redessinent la carte du Tendre
l'asphalte luisant chuintait sous mes chaussures — seul avec mon ombre
17 octobre 2019
ouvrage imparfait — j'ai cousu mon existence de fils barbelés
dans un ciel tranché une baguette magique fait fléchir la pluie
à l'ombre des rêves je me raconte des fables en niveaux de gris
regard suspicieux — hier un chat malandrin s’est servi en douce
la nuit pour complice je volais à son sommeil des miettes de rêves
au bord de l'ivresse je la regardais danser dans la brume épaisse les soudards lorgnaient son corps moi je contemplais son âme
16 octobre 2019
fumées et sueurs courraient sous le plafond bas en volutes sales
nuancé à peine cet automne s’accommode d’un ciel sans passion retour aux peluches il y a longtemps pourtant qu’il n’est plus bébé
j'ai levé mon verre en pénétrant son regard ses yeux ont brillé après tout j'étais le chef de ce ramassis d'ivrognes
la traîne de lune qui déchire les nuages s'agrippe au feuillage
braillant de plus belle ils n'ont plus fait attention à son corps luisant
étrange nuit claire où le pinceau des nues baigne dans un pot de lune
elle s'est assise provocante de parfum en face de moi
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Paroles d’un compte erratique
avec un rire empâté elle a vidé la bouteille
mais que faire d’autre quand la pluie frappe aux volets sinon s’endormir
elle a pris l'argent crasseux posé sur la table et m'a dit adieu
le ciel magenta a dérobé les étoiles le vent s'en offusque
18 octobre 2019
les nues se rassemblent dans le ciel crépusculaire en langes épais
juste avant qu’il pleuve le soleil entrouvre un œil qu’il referme vite
bien avant la nuit les fleurs se sont refermées dans le vent volage
tournée d’inspection il arpente la toiture en douanier sagace
20 octobre 2019
le vent est venu depuis le fond des âges balayant sa vertu d'un premier outrage
chahut de l’automne — le soleil dispute au vent sa part de nuages
toujours court vêtue elle n'était pas très sage mais était têtue
foutoir de l’automne — de l’herbe et des glands qui tombent au moindre frisson
le bruit de la route escalade la colline poussé par le vent
une averse tiède glisse sur les feuilles lasses lessive d'automne
à dos de chameau ils ont couru le désert jusqu'à l'oasis où la tribu d'Amazones leur a coupé le sourire
le vent et la pluie se poursuivent dans la nuit enfants turbulents l'orage rétif reste au dessus de l'auvent dont les tuiles cèdent
elle joue à chat à la cime du cyprès la lune frivole
une nuit d'orage commence à forger ses armes au feu des tonnerres
le temps m'est compté par un usurier radin près de ses secondes
19 octobre 2019
le calme revient quelques gouttes accompagnent des glands suicidaires
juste avant la pluie le ciel prend une couleur de colère noire
j'aimais cette pluie qui cinglait sur le vitrage nous deux sous la couette
21 octobre 2019 66
Paroles d’un compte erratique
d’un arbre à l’autre en faisant fi de la pluie il se fait soleil
douceur de l'automne où dans le ciel versatile un vent sculpte les nues
aurait-il voulu faire grasse matinée pourtant il est tard
un tapis de glands a recouvert la terrasse ouvrage du vent
un silence épais dans la nuit démesurée — bourdon dans la tête
les fleurs abreuvées la douceur au rendez-vous manque le soleil
adieu les chansons et les rêves dans l'ivresse adieu vers sans rimes
à rebrousse branches le vent a surpris les chênes qui perdent leurs dents
Vénus s'ennuyait et à l'ombre de la vigne Éros était saoul
l'ombre du ficus sur le mur illuminé danse sous l'auvent
je ne sais pas trop qui aura raison de moi l'âge ou le whisky
il y avait le ciel dans la nuit riant d'étoiles et il y avait nous
les ombres des pins dans la lueur de l'auvent — de longs manteaux sombres
23 octobre 2019 l'orage est passé il laisse derrière lui sa traîne de pluie
le bruit du silence — la recette de l'oubli ne m'est pas connue
la pluie opiniâtre besogne sur la toiture — l'auvent se résigne
pourtant sans souffrance mes tripes sont digérées par un vers immense
éclairs et tonnerres ont passé la Sainte-Baume — que cesse la pluie
la brume descend emportant dans sa chemise le chant des étoiles
22 octobre 2019
le verger je crois a bien trop bu aujourd'hui les arbres titubent
sous le ciel serpente un lent cortège de nues en toge d’orage
silence soudain — juste le chuintement des feuilles qui pleurent
trônant sur la table il attend patient un coup de brosse magique
odeur d'herbes ivres — de la terre rassasiée monte le silence
67
Paroles d’un compte erratique
nuit voluptueuse — le murmure des orages au loin de l'auvent
26 octobre 2019
24 octobre 2019
suivez-moi madame dans cette danse macabre qu'est la vie à deux
musique du ciel — dans le silence apeuré roulements de bronze
le soir tombe humide et le jardin embrumé larmoie en silence
les carreaux moussus étaient secs dès le matin — il s’assoit dessus
en haut du verger les feuilles du cerisier un tapis de bronze
la brume s'élève du jardin gorgé de pluie — âme de l'orage
un ciel de coton escamote les étoiles — il triche ce soir
mes jours battent l'air comme un vol effarouché de sombres corneilles ils s'effacent de ma vie en m'abandonnant leur fiente
dans un sac de billes un calot et une agate toujours amoureux une seule larme échappée de mon regard poussière d'étoile
murmures diffus — les oreilles de la nuit ont peur de la brume
perdue dans la nuit une heure reprend son souffle et tout recommence
ni vent ni de lune quelques étoiles bourdonnent dans la nuit brumeuse
les fleurs refermées au milieu de l'herbe humide mêlent leurs racines
les joies illusoires que le flot de la mémoire laisse sur ses berges
27 octobre 2019
nous avions vingt ans et ses lèvres d'abricot un goût de défaite
sous le banc de bois repeint mille et mille fois il compte les glands
25 octobre 2019
un matin d’octobre — la brume diffuse agite la lueur des arbres
entre brume et nues le soleil enfin a pris ses quartiers d’automne
la nuit tombe vite octobre tire à sa fin l'hiver prend ses marques il commence dès le soir à imposer ses frissons
posé sur un lit de vieilles feuilles humides — des pensées d’octobre
68
Paroles d’un compte erratique
au fond des ténèbres il y a toujours l'espoir d'une lueur pâle
loin de l'océan au sommet des monts de sel un poisson ermite
silence des pins majestueux ils s'élancent à l'assaut du ciel
par son inconscience le temps de l'homme s'achève — ère des sauvages
les battements d'ailes d'un papillon minuscule dans la lueur froide
coiffés de nuages les grands chênes vénérables tiennent un colloque
un hiver pluvieux glissait sur la promenade — sa main était chaude
sur la corde raide j'allais comme un somnambule semer le néant
dans ses yeux des braises aussi vives que l'enfer m'ont fait croire au ciel
29 octobre 2019 un soleil voilé remonte des profondeurs de la nuit de brume
parfums de la nuit — souvenir d'iris sauvage et de regard noir
encore endormi c’est tout juste si je vois le flou de ses yeux
d'un plectre de cuivre les notes du shamisen sonnent le tocsin
28 octobre 2019
je compte les bruits qui roulent le long des doigts des bruits de chemins
au changement d’heure le ciel se met à l’automne sans mélancolie
la nuit de la ville jamais ne recouvrira le chœur des étoiles
le flou de la sieste nous a surpris tout les deux avant le sommeil
il pleuvait du sang les éclairs crevaient les veines des morts en suspens
une corde à linge tendue entre ciel et terre où sèchent les nues
et assourdissants les bruits crevaient les tympans des vieilles chapelles
les fées et les elfes dansent dans le clair de lune j'écoute le vent
la nuit était morte par un défaut de silence en pleine lumière
tout au bout du monde l'île au milieu de l'été est toujours déserte
une brume rouge un ricanement d'obus repeignait les arbres
69
Paroles d’un compte erratique
vouloir s'éveiller sortir de ce cauchemar était impossible
vous passiez hautain prince en vêtements brodés sans me regarder la servante que j'étais vous la servez à présent
recroquevillé au fond de ce trou puant j'étais une merde
grincement du lit dans lequel je me retourne en rêvant de nous
Sans vouloir me vanter parfois je suis aussi bon que l'IA du Sony :
odeurs des collines — les rumeurs de la vallée sont à peine audibles
mon pays est un arbre dont la ramure astringente rêve de licorne
je suis gris ce soir grisé par le souvenir de verres vidés
car ce verre-là lecteur à l'œil ironique écrit des poèmes
il ne fait pas froid — l'automne est plein d'attentions et l'auvent me berce
30 octobre 2019
31 octobre 2019
le ciel de l’automne paré d’un rire d’été ne trompe personne
octobre s’achève dans la grisaille et le froid — les collines toussent
le bruit des couleurs — pourtant la photo est nette mon esprit l’est moins
toujours ce regard de félin intimidé devant sa pitance
la nuit se repose — le silence d'un ciel ocre remonte le vent
l'ombre du feuillage pensive sur la muraille — silence des pierres
la lumière lente qui sourd de dessous l'auvent assombrit mes rêves
le regard se fige sur des ténèbres solides — nuit impénétrable
décrire ma nuit mon pauvre vocabulaire n'y suffira pas
elles chantent clair dans le ciel cour de récré — rondes des étoiles
au fond de l'étable le veau sait-il que sa mère va bientôt mourir
vautré sous l'auvent la journée est passée d'hier à demain
minuscule insecte je fais partie de la horde qui va au désastre
l'auvent est mon havre — sans pudeur je m'y arrime au fil des marées
70
Paroles d’un compte erratique
minuit nuit d'hiver — le soleil aux antipodes brûle dans l'été
soleil de novembre — il lui faut battre la brume pour lever le voile
avant de plonger dans la nuit désespérée je crois dans mes rêves
pénombre propice — au royaume des souris il fait un carnage
01 novembre 2019
un vent s'est levé — odeur de dragée sucrée effleurant la pluie
le ciel de novembre chahuté par les nuages rit d’un rire bleu
une goutte encore tombe des tuiles fendues dans mon verre vide
des mines lascives — la séance de brossage lui a fait du bien brume de novembre — un crachin sans épaisseur se perd dans la nuit
le ciel était jaune le vent soulevait le sable des dunes rêvées et l'oasis espérée naviguait sur un mirage
j'ai mal à l'enclume se disait le forgeron en tapant plus fort
la pluie toujours douce ne cache plus la colère des éclairs sonores
tristesse d'automne — le ciel noir pleure en silence ses amours déçues
au sec sous l'auvent j'écoute sans inquiétude le ciel qui s'enflamme
frôlements étranges — une pluie sans consistance caresse les tuiles
entre les nuages les éclairs tatouent le ciel d' "s" effrayants
un à un ils tombent sur les carreaux détrempés les glands dans la brume
03 novembre 2019 les nues de novembre couleur de mélancolie un nœud dans la gorge
la mélancolie a une odeur d'ail sauvage ce soir sous l'auvent
c’est sûr ce matin j’aurais dû rester au lit — du flou et du bruit
chanson de la pluie — une complainte d'amours mortes sur des tuiles sales
peu à peu l'automne a déchiqueté l'été comme un brouillon sale
je me souviens d'elle — oui nous avions rendez-vous tous les jours de pluie
je passe un lainage les tremblements de la nuit se font moins discrets
02 novembre 2019 71
Paroles d’un compte erratique
silence insistant — un vent léger lui murmure qu'il est trop pesant
les fleurs de l'automne que les parfums ont quittées brillent de rosée
à quoi servent les roses on se demande un peu leur beauté indispose un lamentable gueux
l'ombre rend les armes elle s'assoie sous l'auvent et remplit mon verre je twitte et rature des tercets sans importance je n'exige pas
les souvenirs les souvenances qui accourent en rangs serrés à l'assaut de mon insouciance et me dédaignent apeuré
je buvais sans soif sans même un espoir d'ivresse je domptais les verres
un oiseau chantait sur cette branche où mon cœur posait son fardeau
le lierre farouche saute par dessus la haie avec ses abeilles
cette nostalgie — une étrange lame froide me tranche la gorge
elle était si belle cuivrée par le grand soleil d'un été cuisant je ne réponds plus aux échos qui revendiquent un élan caustique
04 novembre 2019 réveil à l’aurore le ciel était plein de signes il pleut à présent
06 novembre 2019
bâillement lointain dans le flou et la pénombre d’un matin pluvieux
disques du soleil — novembre change de ton il est dans le vent
mouvance des sens ce parfum que j'aimais tant me rend nauséeux
torpeur de la sieste qu’un après-midi de pluie berce lentement
le vent court l'automne il rassemble les odeurs de garrigue humide
retour sous l'auvent son silence et sa fraîcheur doublée de fourrure
animal perclus le temps abuse de moi les années me minent
musique grinçante — un souvenir qui trébuche jure dans la nuit
la nuit m'intimide je ne sais comment lui dire l'envie de lumière
aucun frôlement l'immobilité s'empare de l'âme des arbres
72
Paroles d’un compte erratique
sous la lampe maigre parfois mes yeux s'illuminent d'un éclair salé
une seule étoile ce soir dans le ciel trop clair me tient par la main
sous les poutres de l'auvent il n'y a plus de tarentes pour en chasser les fantômes qui se rient de moi
sur le toit mon chat pose son pas délicat de douceur féline silhouettes d'arbres — la nuit devient un théâtre d'ombres maléfiques
une fleur rebelle résiste dans les lauriers — la haie la protège
et si ça se trouve Noé a juste embarqué son chat pour pas qu'il se mouille Noé était marseillais et il s'est pris pour lui-même
minuscule insecte qui tourne autour de la lampe prends soin de tes ailes cette toile d'araignée sous l'auvent depuis l'été que peut-elle raconter à mon cœur blasé
j'ai mal à la nuit elle pèse sur mes tripes et griffe mes yeux
jeune infante capricieuse ta fantaisie et ta moue aux allures délicieuses souvenirs si doux
08 novembre 2019
07 novembre 2019
un œil suspicieux — il pense que je le réveille pour une broutille
soleil d’outre-monde— par delà les galaxies novembre fredonne
une armée de gris — la pluie rassemble ses troupes à l’assaut du ciel
les premières feuilles ont jauni pendant la nuit — j’en frissonne encore
l’arête du toit lui tient lieu de promontoire mais il dort déjà
le froid me saisit malgré les couches épaisses de mélancolie
la mélancolie est venue s'asseoir à table entre l'ombre et moi
murmure lointain la vallée semble transie par un froid précoce
silence bruissant peu à peu les feuilles brunes préparent leur chute
l’été dans mes rides a laissé le goût du sel et l’odeur d'iris
là sur l'étagère sèchent des senteurs d'été dans des pots de grès
j'écoute la nuit qui goutte à goutte remplit mon regard de brume
73
Paroles d’un compte erratique
je suis un vieux chêne rongé de sombre apparence — je tiens à un fil
nous longions le cimetière à nous l'herbe des collines dans l'obscurité le ronronnement du poêle inspire mon souffle
été oublieux mais souviens-toi vieille carne d'un rire enjôleur
de sourds grondements ont parcouru les collines au bord de l'orage
les dernières gouttes d'un verre de nostalgie brisent l'amertume
au bout du couloir un escalier sombre aussi menait en enfer
miroir de l'automne cette nuit de mi-novembre ressemble à l'hiver
sur les murs glacés la pluie de l'hiver creusait de noires rivières
09 novembre 2019 un soleil filtré s’élève sur les collines et franchit les arbres
nous fermions la porte aux vents coulis aux fantômes pour aimer la nuit
fauve au crépuscule il est venu s’abreuver au bord du grand fleuve
il vient de rentrer mouillé des senteurs d'automne mon chat noctambule
une brume froide estompe l'ombre des pins d'un grand coup de gomme
peu à peu mon corps éparpille ses guenilles dans l'oubli sans nom
épaisse pénombre — le chat dort sur mes genoux je bois le silence
11 novembre 2019
10 novembre 2019
le ciel de novembre aussi triste que mes tripes pleure le soleil
un ciel sans couleur dans les brumes de novembre — cœur au bord des lèvres
nous faisons la sieste dans la chaleur mutuelle de notre affection
droit sur son coussin — une parure précieuse au regard lointain
ce soir lèvres closes — mes doigts n'ont rien à dire seulement ils tremblent
je froisse du thym entre mes doigts engourdis et l'été revient
voilées par la lune les étoiles se sont tues — le froid du silence
il y avait un banc sur la place de l'église où je l'attendais
74
Paroles d’un compte erratique
dans le Zanzi Bar les moustiques font la fête en sifflant des verres
ils luisaient pour lui dans la nuit froide et humide pour lui seulement
dans la malle en fer j'ai jeté les vieilles phrases d’un temps de crédule
c’était son trésor ce rêve qu’il traînerait avec lui — ailleurs
aux murs de mon cœur la carte de mes défaites rongée par la rage
13 novembre 2019 dessus les collines un linceul de nues épaisses s’ouvre à la lumière
minées par le temps les fondations de mon âme roulent vers l'enfer
12 novembre 2019
sur les carreaux tièdes il attend que je décide de bouger un peu
plaquée par le vent la brume sert de bavette à un soleil narquois
juché sur les tuiles il attend mélancolique un signe de lune
à quoi songe-t-il pendant de je me prépare à lustrer son poil
novembre est trop froid cette année je me souviens d'automnes plus tristes
une lune froide secouée par le mistral — je rentre la tête
mon chat est rentré avec cette odeur d'hiver qui court sur la neige
nuit impitoyable le vent éreinte les arbres supplice des feuilles
la nuit cristalline comme ce flocon de neige crisse dans ma tête
le vent s'est calmé — en moi reste sa colère et sa lame froide
un filet de nues entre le ciel et l'auvent glace le silence
une étoile brille je ne connais pas son nom et elle m'ignore
le froid sur ma peau venu d'un nord improbable malmène novembre
au bout de la rue il y avait ce vieillard qui rêvait sans cesse dans sa main une sébile sur sa lèvre un chant d'espoir
14 novembre 2019
il était si vieux que même les vieux pavés le reconnaissaient
à côté de moi à la lueur de la lampe — déprime commune
une pluie frileuse lave les couleurs d’automne — ce gris me déprime
75
Paroles d’un compte erratique
des vagues de pluie ont déferlé sous l'auvent — les fesses trempées
l'ombre du passé étend sa poigne glacée sur l'incertitude
le poids de la brume accable les pins transis — la vitre s’embue
le vent s'est levé un poignard mal affûté crisse sur mes dents
le chat dort paisible à l'abri sur son coussin — le vieux fauteuil grince
rivière de sang — dans mes veines coule encore une adolescence
pénombre complice — je remplis encore un verre de silence ambré
le cœur à la pluie — tu les sens tu les entends ces lames qui tombent
sur la verrière une pluie lasse s'obstine à brouiller mes yeux
16 novembre 2019 la lune embrumée promène entre les collines un corps de danseuse
dernière gorgée — en boitillant je rejoins les rêves du chat
15 novembre 2019
fourbus les jours glissent entre aujourd'hui et demain froissant le passé
les lambeaux froissés dans un ciel sans complaisance y vaguent encore
la vallée s'endort dans le murmure indolent de ses routes grasses
patient sur la chaise il attend que je l’approche de la table mise
pénombre et silence accompagnent mes chimères au-delà des songes
le chant de la pluie la complainte monotone des tuiles anciennes
sous l'auvent glacial tu ronchonnes tu maugrées parmi tes errances
la pluie et la brume ont emprisonné le froid dans mes os de sel
17 novembre 2019 un matin d’hiver se lève sous le manteau du cœur de novembre
le souvenir mauve dans un été improbable d'une odeur d'iris
repas impromptu c’est sur mon pouce qu’il mange — j’ai donné le thon
les vieux meubles craquent dans l'obscurité avide de contes de fées
un silence humide a recouvert le jardin et la nuit frissonne
76
Paroles d’un compte erratique
la pluie en embuscade attend bien sûr que je sorte pour tomber sur moi
sur le bord du quai j'attendais qu'elle débarque avec son sourire
entre les branchages la grasse lune gibbeuse me fait un clin d'œil
19 novembre 2019 sur le jardin il pleuviote quelques gouttes fatiguées du froid de novembre
cette nuit frileuse — quand le silence est si lourd qu'il frôle l'angoisse
à côté de moi il s’est enfin endormi comme une peluche
18 novembre 2019
les routes du ciel se sont fermées pour la nuit les anges soupirent
tous ces arbres verts sous l’hiver d’un ciel chagrin — le cœur dans le doute
seul dans le salon je savoure l'amertume ambrée du silence
petite toilette en attendant les caresses d’une brosse douce
le cœur de travers bat le refrain syncopé de marches ratées
silence — le poêle par moment étouffe un murmure
du fond du fauteuil je me conte des histoires à dormir debout
pénombre— la veilleuse de la télé crie son désarroi
d'un noir d'encre à l'est le ciel peu à peu se teinte d'éclats de poussière
immobilité — l'incongruité de mes tripes froisse le fauteuil
j'écoute la nuit un silence sans pitié brûle mes tympans
à l'ouest le ciel est jaune Marseille brille encor d'un passé plaqué or mais ses rues l'abandonnent
20 novembre 2019 une nuit de pluie cède la place au soleil — stupeur de novembre
cette brume froide qui tombe sur le jardin et souille les fleurs sur la tombe de mon père les pétales de l'oubli
il s’est préparé à plonger dans le coussin d’un profond sommeil
le chat est rentré tout le pelage embrumé d'automne féroce
mon ombre est venue assise sur mon fauteuil elle prend mon verre
77
Paroles d’un compte erratique
tentative ultime d’un soleil découragé — la pluie vengeresse
les pieds sur la table je fixe le radiateur il fait un clin d'œil
du haut de son trône il guette mes moindres gestes pour ne rien manquer
la pluie douce-amère qui chantonne sur les tuiles fendues de mon cœur
ruisselant sans hâte sur les façades noircies une longue pluie
épaisse pénombre ces frôlements qui chuchotent derrière la porte
je sais que la nuit un hérisson vient gratter dans le bol du chat
21 novembre 2019 la brume s'enroule autour des pins rugueux et la pluie ricane
je posais ma main avec tendresse toujours sur son poing crispé
le ciel se lamente sur une terre revêche larmes des étoiles
l'orage s'éloigne il abandonne sa bruine au silence ombreux
22 novembre 2019
24 novembre 2019
le soleil se lève et d’un geste somptueux il chasse les nues
entre deux averses le ciel reprend des couleurs qu’il perd tout de suite
il dort en confiance sur ce coussin convoité par mes jambes lasses
jardin interdit par une pluie insistante il rentre au coussin
il pleut sur les arbres et le vent qui s'en mêle pèse sur leur cœur
fauteuil avachi devant la télé éteinte je me passe un rêve
la tendresse reste gravée éternellement dans le cœur des pierres
je goûte au silence qui tombe comme des gouttes sur mes souvenirs
qui écoute encore les fables mirobolantes d'un vieillard gâteux
le jardin frileux enfile un manteau de brume et de nuit humide
les gifles de pluie m'ont chassé de l'auvent il fait doux pourtant
odeur de l'automne — les feuilles transies se serrent aux pieds des vieux chênes
23 novembre 2019
78
Paroles d’un compte erratique
sucré et amer ce vieux whiskey irlandais comme un temps d'automne
le lever du jour sur les jardins embrumés — sourire d’automne
pénombre propice — les jours passent et je glisse vers l'aube fatale
pas de politique — de quel côté se coucher il hésite encore
25 novembre 2019
la soirée languit entre le ronron du poêle et mon verre vide
jour d’après la pluie la lumière est absorbée par les nues buvardes
j'entrebâille un livre la poussière monte aux yeux c'est un livre ancien
d’un regard distrait il surveille l’objectif qu’il s’était fixé
un vieil homme amer frôlant la résignation pas vraiment aigri
odeur de résine mon chat vient de rentrer avec ses aiguilles
je compte mes rides et si je pouvais le faire j'en rajouterais
silence profond sur la terrasse un gland roule le silence encore
sous l'auvent temps calme je ne hisse pas les voiles vers le port des rêves
j'avance sans force et je m'assoie sur la borne au bord du chemin
une feuille tremble dans le petit vent humide elle sait l'automne
il fait presque chaud — depuis l'auvent je contemple l'haleine de l'herbe
dans le verger sombre une odeur de feuilles mortes — ma nuit de novembre
sur le paillasson l'hiver attend immobile que la porte claque
que d'années passées à chercher mon sac de billes — fin de la récré
pénombre amicale j'écoute battre mon cœur je suis rassuré
vent de nulle part dans les feuillages sombres — le jardin panique
au bord du naufrage je me souviens la poussière m'a tendu la main
27 novembre 2019
le cœur sans mémoire compte seulement les heures en dernier ressort
dans la nuit la pluie est tombée sur le jardin sans être invitée
26 novembre 2019 79
Paroles d’un compte erratique
le vent se renforce et dans sa rage il disperse les feuilles fourbues
il ne quitte guère le cousin de mon fauteuil — ils vont bien ensemble
« soyez aussi bon que vous croyez l'être » le monde en sera meilleur suis-je moi-même capable de cette haute ambition
ce soir le silence sourd lentement de ma plume comme une blessure
28 novembre 2019
30 novembre 2019
étroit promontoire sur lequel sans équilibre je bois le vertige
chevauchant les nues l’hiver calmement installe son front au soleil
29 novembre 2019
odeurs de passage sur la terrasse moussue il quête le vent
le soleil troublé par un philtre maléfique en appelle au ciel
au cou de la nuit quelques gouttes de pluie fines brillent doucement
depuis son donjon il examine la plaine d’un œil seulement
sur la verrière les battements de la pluie questionnent mon cœur
le vent dans ma tête agite des souvenirs dont je veux l'oubli
dans la pluie se glisse une complainte d'automne aux chœurs nostalgiques
les feuilles frissonnent dans le vent froid de novembre les jours sont si courts
loin de l'horizon dans une terre stérile j'enfouis mes rêves
les mains dans les poches je promène sous les chênes ma vieille mémoire
le chemin serpente au-dessus de la falaise — je vais sans vertige
sur la table basse j'ai posé une bouteille de chagrin amer encore une fois mon ombre en silence emplit son verre
une auberge morne au bout d'un chemin sans borne — des croix et des tombes
dans le ciel limpide les étoiles dévoilées chuchotent entre elles
la nuit s'épaissit — le silence et la pénombre me prennent la main
rêver lentement comme on respire en dormant les nuits sans tempête
des mots sans substance comme le vent sans poussière — les doigts inaudibles
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Paroles d’un compte erratique
les pluies ont laissé une odeur d'humus fécond couvrir le verger
01 décembre 2019 loin après les arbres le vallon perd ses chemins entre brume et nues
le froid me rattrape — il ne vient pas de l'hiver mais du fond des tripes
pensif attentif on ne sait jamais vraiment la couleur des rêves
ma main tremble un peu quand je prends la vieille plume pour ne rien écrire
02 décembre 2019
chaos apparent — l'univers rit et cynique se moque de l'homme
quelques gouttes brillent encore dans les feuillages et le ciel sourit
04 décembre 2019
voudrait-il garder le soleil dans une cage et se sentir libre
dans les plis du ciel le jour se fraie un passage en chassant les nues
03 décembre 2019
hier soir il dormait abandonné sur mes cuisses et ma somnolence
le jour tarde encore à pousser entre les arbres sa lumière froide
la dernière goutte elle reste au fond du verre — un témoin gênant
réveillé trop tôt séance de rattrapage sur le doux coussin
05 décembre 2019
loin dans la nuit sombre les gémissements d'un chien — solitude amère
en tirant la couette le ciel découvre au soleil un morne pays
en prévision de l'hiver elles se rassemblent en tas bien serrées
rien d’autre à faire que de se tourner les pouces par un temps pareil
la lune est passée sans que je m'en aperçoive — nuit profonde et noire
musique martiale — des petits soldats de plomb dansent dans ma tête
un soir de décembre — quelques étoiles scintillent au-dessus du cèdre
chanson de la brise — branches battant la mesure d'un hiver timide
perdu sous l'auvent dans d'anciennes pensées sombres le froid me saisit
la nuit peu à peu comme un patin sur la glace crisse sur mes os
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Paroles d’un compte erratique
sans l'avoir rencontrée j'ai longtemps rêvé d'elle elle qui n'était belle que d'être racontée
06 décembre 2019 velours côtelé — le ciel couvre les collines de vêtements chauds
silence puissant comme le bruit de la nuit dans laquelle on tombe
le col remonté il surveille un horizon improbable et froid
j'oublie trop souvent que je ne suis qu'une bête de rêve et de sang
de mes mains qui tremblent je tente de retenir le jour qui décline plus aucun insecte pas même une mouche hagarde sur les vitres froides
à mille lieux du monde une étoile s'endort c'est une étoile d'or qui sort de la ronde
un verre à mes lèvres ce n'est que de l'eau trop froide de l'eau de décembre
le poêle ronronne caressant il accompagne un sommeil de chat
j'ai laissé la lampe éclairer dessous l'auvent fanal dérisoire
j'ai rêvé de vous madame au cœur de gravier qui freine mon pas
les fleurs de décembre ayant bu trop peu de jour se referment vite
08 décembre 2019 un ciel sans murmure règne au-dessus des collines — hiver des garrigues
fuseau de mémoire les souvenirs emmêlés un nœud à la gorge
07 décembre 2019
comme une statue immobile sur son socle le regard lointain
en plissant le ciel le soleil pousse les nues entre les branchages
sur un cheval blême le froid traverse la plaine en semant l'hiver
moustache en alerte à travers la baie vitrée il fixe un moineau
au bout de mes doigts les piqûres de l'hiver silence du sang
un train dans la nuit glissait silencieusement c'était un train jaune
la pluie froide et raide sur le jardin déjà sombre se mêle à la brume
la nuit est entrée dans la pièce où je somnole sur un verre vide
murmure des routes — la vallée n’oublie jamais l’instant de bitume
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Paroles d’un compte erratique
des lueurs crépitent sur la terrasse embrumée — poussière d'étoiles
au bord du ruisseau il laissait voguer ses rêves sur une brindille
09 décembre 2019
sur les rives du ciel des fleur de sel scintillent étrange goût de fiel qui meurt sur mes papilles
un nuage froid ondule sur les collines fanion de l’hiver
les mains écorchées — j'ai trébuché en voulant cueillir une rose
il attend patient que je dresse le couvert — petit air rêveur
sur la route des anges un démon qui fait la manche se prend en pitié
dans le ciel nuit noire farouchement un nuage résiste à la brise
sous la couette tiède la respiration du chat et ma somnolence
le vent dans les chênes exaspère la colère d'une nuit farouche
12 décembre 2019
étroite fenêtre qui laisse entrer les ténèbres au fond de mes yeux
inlassablement la pluie sur les feuilles mortes nuit mélancolique
le vent s'encanaille il trousse les vieilles feuilles comme des jupons
13 décembre 2019 la pluie impalpable sur les tuiles qui scintillent glisse en murmurant
la veilleuse bleue fixe sur le radiateur me dit tout va bien
15 décembre 2019 10 décembre 2019
la lune se lève entre les collines noires — sublime étincelle
à travers les chênes qui gardent toutes leurs feuilles le soleil s’applique
16 décembre 2019
la tête au soleil il patiente en attendant que le grenier s’ouvre
la nuit vit en moi — elle pulse dans mes veines un sang de charbon
j'ai posé mon sabre mon vieux katana rouillé sur la pierre froide
grincement des routes qui déchirent la nuit comme un papier gras
83
Paroles d’un compte erratique
17 décembre 2019
un bâillon de pluie impose un sombre silence à la nuit peureuse
tiédeur de l'auvent — la tarente téméraire affronte décembre
21 décembre 2019
18 décembre 2019
un dernier nuage pour faire bonne mesure après le déluge
je laisse éclairé pour que mon chat se repère est-ce bien utile
entre la lucarne et la douceur du coussin il hésite encore
la brise et la pluie — ils échangent leurs murmures dans la nuit mutique
la pluie de nouveau accompagne la soirée de sa chanson triste
19 décembre 2019
22 décembre 2019
dessus la vallée la querelle des nuages agace le ciel
le régime change saison des pluies saison sèche dans le même jour
l’air un peu confus il reprend le premier rôle de la même histoire
un bain de soleil sur le talus l’herbe est sèche et il en profite
juste avant l’aurore les cauchemars se bousculent pour voir le soleil
les jours disloqués et les nuits sans vrai sommeil — le poids de la vie
20 décembre 2019
23 décembre 2019
tous les deux si proches et d’un sieste commune nous passons le jour
sans feuilles déjà les chênes filtrent à peine le matin d’hiver
à travers la vitre entre chêne et oléastre l’automne et la pluie
fauteuil interdit je n’ose cependant pas troubler son sommeil
un si doux décembre — affolée par la pluie l'herbe a des airs d'avril
un chien dans la nuit aboie après les fantômes aux sombres visages
cris de la vallée — applaudissements d'un train qui franchit la nuit
24 décembre 2019
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Paroles d’un compte erratique
secouées par le mistral crissent dans la nuit
tout ce kérosène qui s’égaille dans le ciel – les stations sont vides
27 décembre 2019 un ciel sans couleur s’est posé sur les collines — le poids de l’hiver
il m’a bien aidé à faire un sapin de fer il est fatigué
sans succès il tente de repartir pour un tour pas bien réveillé
la nuit de noël — les étoiles scintillant au-dessus du pin
je suis né tout petit dans un petit taudis je n'en veux à personne à moins que l'on me sonne
25 décembre 2019 croyants et athées avec le même regard — matin de noël
océan de nuit le traverser en aveugle au long des ténèbres
un premier essai avant de se rendormir — vraiment laborieux
rêver sous l'auvent sentir le froid sur la peau et attendre l'heure
dans la nuit sereine je tais la plainte assombrie de mes os qui grincent
surveillance étroite le chat dort sur mes genoux et la journée passe
sur l’herbe et l’humus glissent de grasses limaces pour les hérissons
26 décembre 2019
je ferme les yeux — l'ombre du cèdre d'un bond franchit les étoiles
ciel échevelé après une nuit plus froide — réveil hasardeux
ce matin je passe sous les chênes émondés — lumière d'hiver
reprise de sieste — mon petit sphinx d’étagère garde les réponses
le meuble sourit — avec sa poignée qui pend c'est un hérisson
jardin en hiver — les fleurs endormies attendent l'aube du printemps
sur le bord du rêve un brin de réalité chatouille mon nez
les pieds sur la table je regarde l'écran noir et rêve en couleur
28 décembre 2019
les étoiles blêmes
Garlaban prend soin du hameau ensoleillé qui dort à ses pieds
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Paroles d’un compte erratique
après le tumulte l'hiver a pris ses quartiers dans un froid silence
il a pris le temps d’une toilette soigneuse avant de dormir
pénombre complice — entre les bras du fauteuil tout seul je souris
au fond du jardin une fleur vient de sourire au petit matin
la bûche qui craque — le souvenir d'un hiver sous les couvertures
des fleurs de papier les brouillons de vieilles lettres s'enflamment dans l'âtre
30 décembre 2019
la pénombre coule comme un fleuve de silence sur les vitres sales
le soleil transperce les dernières feuilles brunes d’une flèche d’or
mon chat s'est couché avant de passer au lit sur son doux coussin
qu’a-t-il bien pu voir depuis la haute terrasse au fond du jardin
un bourdonnement — bavardage des étoiles dans la nuit diffuse
des éclats de verre coupants comme des rasoirs dans le ciel glacial
murmure du poêle — les ténèbres lui répondent d'un rêve écarlate
dans ma somnolence le livre glisse des mains — la page se tourne
un rêve sans fin — entre mes doigts coule un sang aux reflets d'asphalte
fruits de pyracanthe—les moineaux ne craignent pas d'en faire pitance
j'écoute la nuit — un chant de sirène fourbe mutile mes rêves
dans ma lassitude j'ai négligé le jardin qui me jette un froid
29 décembre 2019
au bout de la phrase le point sera-t-il final — décembre s'achève
dans le ciel d’hiver le gris de plomb des nuages et l’espoir transi
à travers la vitre la nuit me donne la trame d'un rêve à venir
sur le bord du lit il se demande vraiment s’il va se lever
31 décembre 2019
une étoile pleure au-dessus de son nuage et le ciel sans fond
mince trou d’aiguille dans le ciel à peine clair — dernière lumière
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Paroles d’un compte erratique
malgré la froidure il profite du soleil qu’il met en prison
Provence quantités de Maciste, et au Lenche la strada, le voleur de bicyclette, riz amer... Le dimanche était bien t une journée particulière.
01 janvier 2020
02 janvier 2020
des petits oiseaux jouent dans l’abreuvoir du chat — éclats de lumière
un froid sans vergogne — de bon matin l’hiver gagne ravins et collines
rosée du matin sur le pré ensoleillé des éclats de rire
ah sombre matin — il ne lui a inspiré aucune confiance
réveil plus tardif — le soleil est impatient de chasser la brume
couché sur les tuiles la lune n'est pas venue il s'est endormi
il reprend le cours où s’était interrompue une nuit plus courte
respiration lente murmure de la pénombre — j'écoute les heures
premières froidures — l'année commence et finit au son de l'hiver
l'ancienne photo là sur le mur de mon cœur à peine jaunie
poussées par le vent les feuilles mortes blotties sous le banc de bois
l'hiver passera comme passent toutes choses même les regrets
sur la nappe sale il reste pourtant des miettes — silence à présent
je suis leurs chemins veines noires sur mes mains où conduisent-elles
la vallée s'honore d'un bruit à peine diffus — une année vagit
le vent a tourné — les feuilles ne savent plus où trouver un havre
tard dans le fauteuil on se berce d'aventures aux goûts impossibles
03 janvier 2020 un ciel tavelé qui ne sait où se tourner pour trouver lumière
extrait d'un journal indigeste : Quand j'étais petit, avec mes frères nous allions tous les dimanches au ciné pour laisser un peu d'intimité à nos parents. Vingt mètres-carrés c'est peu quand on y vit à cinq. Il y avait trois salles dans mon quartier. Au Refuge j'ai vu tous les Jerry Lewis, au
sur le bord du toit il avance prudemment en chat téméraire
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Paroles d’un compte erratique
frisquet sous l'auvent — un petit vent est venu taquiner les feuilles
la mort me guette à l'esquisse de mes souffles — habitude à prendre
l'espoir un été s'est invité à ma table — il m'a dévoré
une goutte reste au fond du verre timide — une danse encore
l'histoire s'achève comme finit la journée dans un grand sommeil
05 janvier 2020 les froides étoiles tintent comme les aiguilles d'un peigne de givre
j'ai creusé mes rêves et la terre du jardin sans trouver fortune
ivre sur la berge un faune s'est endormi au chant des naïades
mon regard s'égare — sur l'étagère un vieux livre feuille de ginkgo
sur le bord du temps les heures qui fuient me disent la tienne nous suit
sa peau d'abricot et sa voix d'ombre ébréchée — il pleuvait pourtant
06 janvier 2020
le vent se raconte il exige du feuillage un franc plébiscite
dans le matin clair les coteaux illuminés sourient au soleil
04 janvier 2020
une faim de loup après une nuit de diète — petit déjeuner
des lambeaux de brume étirent le ciel encore — grasse matinée
au bord du regard errent les grimaces sombres de la nuit violente
d’un regard complice il me montre la poignée— j’ouvre le grenier
murmures du poêle — je tends l'oreille pourtant mais ne comprends rien
la nuit est étrange oscillant entre vacarme et profond silence
la lucarne étroite filtre des lambeaux de nuit sous la lampe froide
un croissant de lune accroché dans les branchages — hameçon d'étoiles
sur la solitude s'est incrustée une croûte de mélancolie
couleur d'iris noir le ciel sans étoiles joue les sombres comparses
07 janvier 2020
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Paroles d’un compte erratique
matin de janvier Garlaban est dans la brume — mon esprit aussi
l’hiver s’éclaircit — dans le froid le ciel se pique au soleil blessant
passé les paupières la brume est un vrai plaisir — mon chat en raffole
cet air curieux — qu’aurait-il vu sur le sol qui l’intrigue tant
la brume s'installe elle recouvre les ombres d'une haleine froide
sur la table basse le poids de mes jambes lasses épuise la nuit
dans ce rêve sombre il me semble voir une ombre — ce n'est que ma peur
le bruit des ténèbres comme une plainte sans fin secoue le silence
08 janvier 2020
cette cicatrice qui traverse mon gosier écorche mon cœur
juste après l’aurore un manteau de brume sale ronge les collines
en vieillard frileux j'ai quitté l'auvent trop froid sous la pleine lune
sous cet air pensif mijote-t-il une farce ou un joli rêve
au bout de la digue le fanal pulse son sang dans la nuit brumeuse
dans son pot de verre la compote complote contre une cuillère
minuit est passée je cherche encor le sommeil dans les plis du drap
soudain un sursaut dans la pièce enténébrée — la bûche qui craque
10 janvier 2020
ce soir pas de brume — le ciel clair comme une source berce ses étoiles
ce matin il pleut sur les collines déjà enivrées de brume
une ombre est assise dans le canapé en face silencieuse et blême elle voudrait bavarder je me contente de boire
le temps est humide — il préfère son coussin à l’herbe trempée ivre dans le ciel la lune danse et soulève son jupon de gaze
ce bruit d'eau qui coule dans le radiateur fourbu — les sources du Styx
les vieux meubles craquent et mes os dans la pénombre dialoguent de sourds
09 janvier 2020
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Paroles d’un compte erratique
de la pluie il reste une odeur d'hiver humide accrochée aux branches
12 janvier 2020 deux petits tirets — entre les deux le ciel écrit une histoire
il y a longtemps que je n'ai pas allumé la télé menteuse
c’est presque implorant qu’il attend que je remplisse son bol de croquettes
j'ai ouvert la vitre — nostalgie des âtres libres au parfum de braise
13 janvier 2020
la pièce était sombre mais au profond de ses rêves l'aube a resplendi
l’hiver et ses brumes envahissent les collines — lent recueillement
11 janvier 2020
après la nuit noire une heureuse somnolence vient chasser les ombres
après les averses un ciel plus serein s’empresse de chasser la brume
lumière diffuse — les tuiles luisent déjà dans la brume froide
dans la pièce sombre somnolent sur mes genoux il part en voyage
sur le canapé la nuit efface mon ombre — sombre solitude
en ouvrant la porte dans l'embrasure est tombé un rayon de lune
le guéridon vibre et le fauteuil se lamente — j’ai posé mon verre
dans le vieux grenier et la poussière incrustée j'ai laissé des traces
lanternes frileuses — les étoiles se diluent dans le clair de lune
volés au soleil sur les ailes de la nuit mille diamants brillent
les pâles lueurs qui traversent la vallée arrivent fourbues
la nuit est venue secouant son manteau de perles de brume
chaque jour qui passe nous rapproche du printemps — sourire ou grimace
sa main dans la mienne un présent inespéré un hoquet du temps
14 janvier 2020
je les reconnais — en hiver leurs fleurs patientent puis s'enlisent
manteau de nuages — le ciel peu à peu découvre un œil de lumière
11 janvier 2020 90
Paroles d’un compte erratique
regard suppliant — assis près du bac à brosses il attend son heure
silence du soir — dans la pièce enténébrée la veilleuse veille les souvenirs chantent et la mémoire sourit — dentelle du temps
mes nuits sont couvertes de batailles et de sang — le matin je tremble
dans l'épais silence je prends le pouls de la nuit — vivre au ralenti
le ronron du poêle — mon chat en serait jaloux s’il ne l’endormait
15 janvier 2020
dans mon verre vide il y a le sel encore d'un été torride
le ciel rêve encore — il dérobe la lumière au soleil timide
19 janvier 2020 le soleil d’hiver s’épuise sur les collines noyées dans la brume
toilette furtive — entre ses doigts écartés un peu de résine
petit funambule qui sur l’arête du toit fait ses exercices
16 janvier 2020 un tout petit pas vers l’est et vers le printemps — le soleil se lève
quand je m'interroge jamais je ne me réponds — je ne comprends pas
17 janvier 2020
je rentre fourbu — le fauteuil me tend les bras avec un sourire
poignant de mes brumes les nuages en colère étouffent le ciel
les pieds sur la table je contemple la veilleuse d'un regard troublé
quand il dort ainsi aucun bruit ne le réveille sinon les croquettes
sur une étagère rangés on ne voit des livres que leur dos hautain
plumes sans couleur — au creux de mes mains offertes des rêves picorent
je ressens encore la couleur de sa peau brune sur ma peau fébrile
18 janvier 2020 sculpter les nuages à coup de ciseaux à froid — le mistral sauvage
20 janvier 2020 collines brouillées vent du sud soleil voilé — l’hiver prend racine
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Paroles d’un compte erratique
réveil difficile dans la tiédeur de la chambre — dehors il fait froid
craquements dans l'ombre — le vieux fauteuil avachi répond à mes os
21 janvier 2020
23 janvier 2020
sous les nues divague un vague et sombre soleil qui rêve en hiver
un ciel immuable tout en nuances de gris ploie sur les collines
un étirement avant de se retourner et se rendormir
il semble pensif mais dans quelle position va-t-il s’endormir
dans la pièce sombre la mélancolie étend son voile en silence
lueur tremblotante la lanterne sous l'auvent vient d’éternuer
comme un sac de sable sur un tas de feuilles mortes la nuit est tombée
le chat sur le toit qui suit son chemin de tuiles — tournée d'inspection
les perruches vertes ont niché dans les cyprès pour se camoufler
deux vieux sur le banc se souviennent et sourient dans un grand silence
22 janvier 2020
perdues dans la nuit comme des papillons morts mes pensées se froissent
toujours aussi terne le soleil pousse les nues au-delà du ciel
24 janvier 2020
sur le petit banc dans l’entrée de la maison il fait le concierge
matinée maussade — une tiédeur larmoyante tombe des nuages
petite étincelle là tout au bout de la nuit un œil qui s’entrouvre
quel est donc ce bruit qui le fait se retourner en tirant la langue
de sombres nuages essaient tous les gris possibles pour mater le ciel
le bruit de mes pas sur l'allée crépusculaire et les feuilles mortes
les matins d'hiver le soleil et moi ensemble prenons un café
là entre les tombes errent les vœux oubliés des âmes absentes
épaisse pénombre je ferme les yeux quêtant la lueur des mots
chemin des douaniers — son châle reste accroché au bord du vertige
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Paroles d’un compte erratique
nid abandonné au milieu des pyracanthes coquilles brisées dans la chambre vide un spectre qui me ressemble veut faire illusion
la pluie du matin a laissé sa trace humide dans mon cœur chagrin
27 janvier 2020 un lever tardif le soleil est déjà haut le ciel est d’hiver
les étoiles dansent au-dessus des nues opaques — un jeu sans lumière
25 janvier 2020
mon chat du Cheshire — il s’entraine à disparaitre avec le sourire
un soleil timide mais il prend de l’assurance quand le jour avance
en face de moi épinglé sur le mur sale un cadre sans forme
regard inquiétant vers la fenêtre qui s’ouvre sur l’hiver frileux
des regrets rassis par les fenêtres noires coulent sous les meubles
il y avait ses mains si petites sur mes yeux et son rire aussi
même las de vivre il avance en claudiquant traînant sa besace
écho de ma vie — il revient sans les syllabes du premier vacarme
des étoiles meurent chaque nuit dans le silence d'un cri désespéré
26 janvier 2020
sur le toit humide le chat glisse dans la nuit en quête de lune
regard vers le ciel — décidément rien ne change dans ce gris morose
28 janvier 2020
conserver la forme — pendant ses étirements bâillement surprise
lambeaux de lumière dans les déchirures sales du manteau de nues
la pluie cette estrasse sur les arbres estrancinés a foutu le waï
que peut-il me dire avec cette voix plaintive de porte qui couine
pénombre complice et l'errance des pensées n'a plus de frontière
29 janvier 2020 les pâles lueurs d’un soleil qui se réveille dans la brume jaune
sur la balustrade un rouge-gorge plastronne — un roi en hiver
il est rentré tôt 93
Paroles d’un compte erratique
ce matin et il surveille la porte-fenêtre
30 janvier 2020
c’est un ciel étrange ridé et craquelé comme le vieux qui regarde
nous goûtions alors la pénombre méridienne d’un profond silence douceur de l'hiver mais sous l'auvent il manque les parfums d'été
mon chat sans colère attend depuis son repaire que je le caresse
le vent dans ma tête s'entête à pincer les cordes d'un air de guitare
31 janvier 2020
il vécut un temps de profonde solitude avant sa naissance
un ciel souriant — les nuages farandolent autour du soleil
un souvenir danse devant le regards fermé — mon esprit vacille
à travers la baie il contemple les oiseaux cueillir des olives
le poêle ronronne — il imite le matou qui s'est endormi
01 février 2020
j'ouvre la fenêtre l'air de hiver est plus doux que le thermomètre
un ciel sans saveur — il aura bien fallu filtre et pincée d’épice
04 février 2020
regard cajoleur ainsi je n’oublierai pas son bol de croquettes
les nues s’évaporent sous les assauts répétés du vent de lumière
02 février 2020
de sommeil en veille la banquette de l’entrée lui offre un repaire
le printemps frémit — tous les chênes effeuillés apprêtent leurs pousses au fond du jardin les fleurs d’amandier jonchent le sol
le vent qui tempête secoue les dernières feuilles en hurlant d'effroi
avant les croquettes il surveille ses arrières— jamais trop prudent
je reste impassible à l'abri entre les bras de mon vieux fauteuil
03 février 2020
l'hiver revenu son infanterie bivouaque juste sous les fenêtres
le ciel est plissé comme le drap humide d’une nuit d’épouvante
je la passe en crabe
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Paroles d’un compte erratique
et deux d'entre eux m'accompagnent la porte est étroite
tout en montrant le chemin d’au-delà les nues le panier à buches l’embrasse comme un berceau — il se sait brindille
sur la corde à linge un souvenir claque au vent — vite, au repassage !
glissant dans le noir je promène mes fantômes tout en sifflotant
le vent a faibli je ne l'entend plus se plaindre des portes ouvertes
une vieille mouche est entrée se réchauffer — j'éteins la lumière
05 février 2020 collines et ciel se confondent dans l’hiver gorgé de lumière
au bout de mes doigts froide la sève s'égoutte — début de l'hiver
quelques poils rebelles ultimes arrangements avant de sombrer
lumières éteintes dans la nuit la maison craque comme ma carcasse
c'était un jardin dans lequel poussait la joie au milieu des ruines nous étions enfants encore nous n’en voyions que les fleurs
rayons de soleil — les fleurs de l'hiver ouvertes sourient dans le pré
07 février 2020
une feuille morte remonte contre le vent dans le caniveau
ciel bleu arbres verts feraient oublier l’hiver sinon les frissons
soupir retenu — malgré l'ombre des regrets la lumière blesse
nouvelles croquettes — avant même d’y goûter il aime l’odeur
les chênes sont nus avec impatience ils guettent la saison prochaine
compagnons de nuit le silence et la pénombre effacent l'ennui
les dernières feuilles attendent indifférentes la fin de leur vie
goût de terre rêche — dernier verre pour la route qui mène à la couette
au bout de leur branche elles bavardent déjà avec les bourgeons
dans la pièce sombre un clin d'œil de la veilleuse me rappelle à l'ordre
06 février 2020
dans ma somnolence
s’affranchir des codes
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Paroles d’un compte erratique
elles coulent les ténèbres jusqu'au fond du vide
écho du passé — le murmure du temps qui coule éteint la lumière où est-il l'enfant qui jouait au capitaine dans le caniveau
les pieds sur la table coincé dans le vieux fauteuil je pars en voyage
08 février 2020
au fond des ténèbres le tintement de nos verres — mon ombre se sert
un ciel tout fripé — il ressemble à mon visage que le nuit burine
10 février 2020
il n’est pas resté — la lumière de l’éclair l’a fait sursauter
lumière diffuse — une vague brume enlise un soleil sans force
parfois il m’arrive de rêver tout éveillé — même de sourire
réveil sans douleur — derrière ses paupières un rêve en otage
09 février 2020
au fond du silence une chanson un murmure un puits et le ciel
l’hiver se termine — dans les chênes du talus quelques feuilles brunes
la barque chavire et avant de me noyer chante une sirène
rêvant de voyage il attend bien sagement sur son quai de gare
la lampe tremblote — le vent qui secoue les fils a perdu le sien
oiseaux intrépides qui se gavent des fruits mûrs des buissons d'épines
plus que quelques mètres — sur sa borne elle sourit et me tend sa faux
dans les plis du lierre il y a l'attachement de l'herbe à la pierre
il y a des soirs on se demande pourquoi les heures sont lourdes
sur leur étagère ils tournent le dos au monde les livres rangés
11 février 2020
silence intérieur — tout juste si mon cœur bat sans qu'on le remarque
une aube fragile un voile aux contours diffus ombre les collines
ouvrage du temps — les mains que l'on m'a tendues n'étaient que poussière
quel est donc ce rêve qu’il refuse de quitter quelle chasse inouïe
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Paroles d’un compte erratique
soirée languissante — sur le silence les heures dérivent sans but
poulet ou canard métaphysique du goût avoir faim ou pas
12 février 2020
17 février 2020
un peu barbouillé par la mélasse brumeuse le soleil se lève
il pleut sur les chênes — les jeunes pousses frémissent au bout de l’hiver
dans le lavabo il imagine accoster un monde nouveau
il rentre mouillé — tout doucement il prend soin de lisser son poil
13 février 2020
18 février 2020
les collines froides sous une couette de brume lentement se glissent
un coin du jardin — toujours sur le même banc mes rêves se posent
goûter la pénombre et nager dans le silence — un rêve de chat
c’est en dilettante qu’il procède à sa toilette sur le petit banc
14 février 2020
19 février 2020
un jet de lumière lancé par le vent solaire contre souffle et nue
de son éminence le soleil sur les collines domine les nues
un peu agacé il attend que j’en finisse avec la photo
lui il voudrait bien mettre le soleil en cage en rêver la nuit
15 février 2020
à l'ombre des chênes sur le vieux banc vermoulu un air de printemps
soleil grise mine —97 dans le ciel congestionné sa pâle figure
l'hiver se termine — l'herbe est haute dans le pré des secrets s'y cachent
il ne semble pas se sentir inconfortable sur la poutre en pierre
parfum du fenouil qui a traversé l'hiver sous les amandiers
16 février 2020 sur ce banc de bois je ne m’y assois jamais je ne sais pourquoi
grondement de l'âtre — la flamme lisse la vitre d'une langue ardente
97
Paroles d’un compte erratique
au fond du fauteuil la pénombre est si épaisse qu'on en mangerait
la nuit dans mon dos fait sans doute des grimaces — le miroir me ment
20 février 2020
22 février 2020
petite impatience — il me désigne l’outil pour que je le brosse
il sent qu’il est l’heure il s’éveille lentement en fermant les yeux
c'était un été passé dans l'enchantement au bord des merveilles
un chuintement — la pompe à chaleur s'essouffle blottie près de l’âtre
le vent parfumé s'était glissé sous la porte — nous n'étions pas dupe
brûlante insistance de ces pensées qui reviennent comme des marées
se laisser tomber quelle que soit la hauteur n'est pas lâcher prise
corde trop tendue — l'arc probable d'un futur vient de se briser
j'écoute la nuit — elle bât entre mes tempes un djembé tenace
chevauchant la nuit goule à l'haleine putride un vieux cauchemar
21 février 2020
écouter la nuit c'est parfois être baigné d'illumination
entre les troncs nus déjà le printemps friponne un ciel bleu aux lèvres
traversant les arbres le chemin des écureuils un câble électrique
au fond les collines soutiennent le soleil bleu d’un ciel impavide
23 février 2020
un petit bobo qui met du temps à guérir — on va regarder
un ciel de printemps — un léger voile de brume nargue le soleil
quand viendra l'été je ferai des souvenirs de bouquets ardents
hier sur mes cuisses des questions l’ont assailli puis il a bâillé
la télé éteinte le chat dort sur son coussin je trie les minutes
je n'ai plus la force à courir dans la garrigue — j'en ai le parfum
la voie du silence et dans sa respiration puiser la quiétude
la nuit froide encore tente de fermer la porte au printemps précoce
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Paroles d’un compte erratique
de l’eau des légumes
d'un air désolé je contemple l'herbe haute que je vais faucher tremblant elle attend que j'éteigne la lumière — l'ombre s'impatiente
seul dans la pénombre un bourdonnement intérieur ne tient qu'à un fil je ne l'entends pas il s'approche à pas de loup l'ombre est sa complice
24 février 2020
26 février 2020
un trait dans le ciel — tentative artificielle de lier les hommes
le ciel était clair et puis lentement les taches sont devenues nues
regard vers l’ailleurs bien au-delà des fenêtres — un rêve un espoir
hier soir sous l’auvent sa présence vigilante était ma compagne
soirée équivoque — une marée dans ma tête recouvre l'estran
les chants du silence brandissent entre mes tempes leurs armes de verre
les rues sont désertes — j'écoute le bruit d'un vent qui ne souffle pas
27 février 2020 ciel d’une autre terre — chant du cygne de l’hiver le soleil s’éclipse
la gorge se serre comme les poings dans les poches un jour de colère
regard dans le vide il attend de ses bols pleins le nectar divin
à côté de moi il dort lové sur la couette — la paix se respire
dans le laurier-tin sautillant de branche en branche le fier rouge-gorge
au fond du silence je respire la pénombre — un parfum d'iris
devant le bureau tout au fond de mon fauteuil il s'est endormi
... c'est ouvrir la cage tout en sachant que l'oiseau ne reviendra pas
25 février 2020
il veille sur moi somnolent dans le salon baigné de pénombre
comme un grand oiseau le nuage aux ailes blanches va vers le soleil
et ainsi se passent les soirs sans aspérité auprès de mon chat
sautant sur la pile il s’abreuve dans le tian
il ne juge pas
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Paroles d’un compte erratique
quand mon ombre sert un verre qu'on dit le dernier
à l'horizon des collines autour du regard même ceux que la mer baigne ont une île dans leur dos
parfois je trébuche sur les marches qui conduisent au sommeil profond
28 février 2020
je n'ai plus de dents finalement j'aime bien purées et compotes
là-bas les collines retiennent encor la brume d’un matin paisible
01 mars 2020 la pluie a cessé mais des hordes de nuages menacent encore
au fond de la nuit brille encore dans ses yeux les miettes du jour
couché sous la lampe — je diminue la lumière qui blesse ses yeux
les branches frémissent l'hiver qui tient ses promesses brise leur élan
dans le clair-obscur de la lanterne anémique une ombre surgit mon chat d'un bond si gracile a sauté sur mes genoux
les ronces s'accrochent et le mur en fin d'été offrira des mûres
29 février 2020
tout a été dit avec une telle force — le son du silence
le soleil se cache et le jour a disparu dans l’horreur des nues
malgré les nuages le printemps va exploser comme une étincelle
refermant ses yeux sur un rêve merveilleux il dresse la tête
cette amie pénombre et compère le silence — je me sers un verre
là sur l'étagère dans un flacon de parfum flotte un souvenir
parfum de café — le goût de nuit d'un whisky du soleil levant
sur l'étroit talus les iris sont bien trop vieux pour fleurir encore
sur l'embarcadère les mille-pattes se pressent au comptoir des masques
fenêtres fermées la nuit entre dans la pièce et me fait danser
je me sers un verre — c'est peut-être le dernier de cette bouteille
sur les jours amers l'oubli a fermé la porte et je me souviens
02 mars 2020
l'univers finit
100
Paroles d’un compte erratique
la pluie monotone elle pleure un ciel atone — mars mélancolique
ma respiration est devenue une énigme baignée de mystère
dans l'orbe du ciel les étoiles dissimulent un rêve en diamant
jardin pitoyable — aurai-je encore la force de lui rendre hommage
sur la table basse pour grandir un peu un verre attend le breuvage
les chênes sans ombre attendent sans impatience la sève d'avril
chemin de poussière — des milliers de pas encore avant le granit
dans le pré déjà les pissenlits ont sorti leurs dents de lion
mystérieux bagage que celui du voyageur aux mains dans les poches
05 mars 2020
03 mars 2020
Garlaban voilé — le hameau et les collines baignent dans la brume
quelques attardées — la vent a chassé les nues luisant au soleil
l’arête glissantes des tuiles après la pluie ne l’arrête pas
marquer son repaire — à présent son territoire est le vaste monde
pluie en embuscade — dans le mars imprévisible le printemps fredonne
04 mars 2020
l'ombre de mon ombre accourt du fond du couloir — un verre pour trois
le printemps s’approche un peu plus chaque seconde au nez des nuages
j'ai quelquefois ri pour éviter d'en pleurer — se faire larguer
un tapis d’aiguilles — ne pouvait-on trouver mieux pour graisser la patte
06 mars 2020
cette lassitude qui empoisonne mes os ne me quitte plus
délicatement un petit vent facétieux froisse les nuages
chaque jour qui passe devient plus lourd à traîner pourtant je le fais
regard hypnotique — pupilles presque fermées l’envoûtant spectacle
101
Paroles d’un compte erratique
ces instants fugaces où sans nous connaître encore nous nous observions
il se cache encore dans un recoin de pénombre le bruit de l'angoisse je me dis parfois qu'il faudrait attendre l'aube pour parler de nuit
depuis les racines monte le sang des ramures — ivresse de mars
09 mars 2020
grognements des nuits quand le regard au plafond fouette la mémoire
soleil déjà haut les arbres échevelés ombrent les collines
survivrons les riches et les esclaves choisis pour leur longue langue
issue du néant autour du vide gravite mon inexistence
le ronron du poêle dérive le long des songes jusqu'à mon enfance
j'ai compté les marches qui conduisent en enfer — il y en a peu
07 mars 2020
les ombres des murs dans les toiles d'araignées veillent ma tristesse
là-bas le village est assoupi et la lune veille les collines
cette dent qui bouge faudra-t-il qu'on me l'arrache — non je vis avec
il dort en confiance sa tête sur mes genoux — communion parfaite
08 mars 2020
chaises musicales — entre délire et angoisse où va-t-on donc se poser
soleil affligé — pas le moindre chant d’oiseau dans le ciel boudeur
11 mars 2020 dans le ciel serein le soleil qui joue aux billes retourne en enfance
surpris par un bruit qu’il connait très bien pourtant — le sac de croquettes
il attend sans hâte assis sur son cucul rose et les carreaux ocre
devant le bureau dans le fauteuil qui bascule il s'est endormi comme au bébé sa peluche il apaise mes terreurs
sur le trébuchet où l’ennui fait contrepoids je pèse les heures
je goûte à la nuit — ce soir elle est douce-amère dans son pot de fiel
12 mars 2020
102
Paroles d’un compte erratique
les chemtrails se griment en nuages rayonnant depuis le troène de sa tour de table il examine la plaine entre les créneaux
comme la salle d'attente d'une gare vide
13 mars 2020
le verger sourit — sur le vieil abricotier quelques fleurs écloses
au bord des sourires souvent un peu d'amertume glisse sur le sable
par le fenestron une tourterelle lasse capte son regard
16 mars 2020
un mars versatile brouille dans le ciel sans joie soleil et nuages
quelques coups de griffes dans l’aquarelle du ciel — on s’y habitue
lune énigmatique au-delà de ton front blême que de secrets tus
sans hâte il attend que je plonge la cuillère dans le mascarpone
14 mars 2020
envie de chanter — de temps en temps mon clavier aime la musique
juste une virgule sur la page bleue du ciel — conte sans paroles
l'hiver est fini — un autre hiver se profile et mord le printemps
réveil en douceur d’une sieste en vol plané — rêve de tiédeur
une peste leste invisible et sans pitié va changer le monde
15 mars 2020
il pleuvait sans bruit j'étais seul sous l'abribus et j'ai pris la crève
le ciel en lambeaux — les nuages libérés rêvent au soleil
17 mars 2020
aujourd’hui dimanche il attend que je remplisse son bol de pâtée
un ciel d’outre-monde sur la vallée silencieuse pèse lourdement
à la fin du jour la lune sur le hameau surgit de la brume
vigie impassible qui sur l’arête du toit veille sur lui-même
je me vêts de nuit et me grime de pénombre je suis invisible
18 mars 2020
printemps résigné
un ciel confiné 103
Paroles d’un compte erratique
sur une brume malade — les nues sont en fuite
vers un bruit soudain le petit sphinx de coussin tourne son regard
soleil revenu il le boit avec les yeux à pleines lampées
photo de famille — sur le carton craquelé on compte les morts
je ferme les yeux et la nuit qui entre en moi ferme aussi mon cœur
la télé éteinte — dans le silence soudain je retiens mon souffle
le bois des vieux meubles a gardé le souvenir de mains laborieuses
22 mars 2020 toujours pas de feuilles au rendez-vous des grands chênes — printemps en suspens
sur le bord des larmes un grain de sel a brillé et l'aube a jailli
mon chat confiné sur le bord de la fenêtre compte les oiseaux
qu'importe l'époque il y aura toujours des Jambier à travers Paris
seul dans le silence je me raconte le film que je rembobine
19 mars 2020 voyez l’écureuil qui saute de branche en branche vers l’azur profond
je sens que ma peau est plus tannée que le cuir de mon vieux fauteuil
le chat confiné au dehors sur la terrasse semble bien portant
pénombre indécise et somnolence diffuse — je joue aux tercets
20 mars 2020
au milieu du pré deux étoiles sont tombées — mon chat me regarde
l’arbre de Judée s’enivre de vin nouveau — printemps écarlate
dans ses bas résille ses jambes chantaient le blues comme des saucisses
petit air soucieux devant sont bol presque vide — j’ouvre une autre boîte
23 mars 2020
21 mars 2020
devant la maison l’arbre de Judée s’enfeuille tout en rougissant
entre l’olivier et le cyprès le laurier cherche la lumière
non jamais personne ne te prendra la gamelle ne t’inquiète pas
104
Paroles d’un compte erratique
frappe la terre oubliée de dards affutés les courants d’air chaud peinent entre les murets de pierres saillantes
24 mars 2020 malgré la verdure le jardin est dépouillé sans feuilles de chênes
un murmure pèse sur les poutres consumées d’un feu antérieur
hier soir il jouait à tirer sur l’élastique de mes vieux tercets
et en plein été sous le soleil généreux l’angoisse m’étouffe
la nuit solitaire — une jonque encalminée au bord de mes rêves
26 mars 2020
des couples de masques déambulent sans visage sur le quai désert
enfin on distingue au bout des rameaux des chênes des bourgeons de feuilles
parfois ils s'embrasent et volent à tire d'ailes vers l'horizon noir
petite toilette avant la première sieste celle du matin
revenant par vagues ils lustrent de sel la digue au large du port
27 mars 2020 le ciel sans couleur si ce n’est cette grisaille qui me colle aux tripes
alors ils reprennent leur promenade insensée glissants invisibles
ancienne photo — les souris n’ont plus de queue depuis très longtemps
25 mars 2020 ciel échevelé — une lame de nuages lui coupe la nuque
le printemps hésite l'hiver est toujours trop long et l'été s’étire l'automne lui tient toujours sa promesse de tristesse
il revient du toit raconter le froid des tuiles et le vent humide
28 mars 2020
la pluie raide et froide — les chênes avaient raison de rester sans feuilles
au-dessus des pins et au-delà des collines le ciel se confine
éboulis et ronces veillent sur le vieil amas de ruine brûlantes
petit coup de brosse avant de faire une sieste toujours méritée
le soleil d’été
105
Paroles d’un compte erratique
29 mars 2020
03 avril 2020
le banc a passé l’hiver entier sous les chênes — il m’attend sans doute
ils ont attendu pour accueillir le printemps d’égarer une heure
avant de dormir il s’impose une toilette longue et minutieuse
il reste perplexe faudra-t-il qu’il porte un masque pour sa promenade
04 avril 2020
30 mars 2020
bonjour au jardin qu’illumine le soleil depuis son balcon
derrière le pin Garlaban est dans la brume — le froid confiné
boire à ma hauteur un de ses petits plaisirs dans le lavabo
sur le dos il bâille à s’en péter la mâchoire puis il se rendort
05 avril 2020
31 mars 2020
le petit talus s’ombre un peu plus chaque jour sous l’éclat des feuilles
un peu de soleil entre la brume et les nues — ciel reconnaissant
le fauteuil qui craque est-ce le mien ou le sien — peut-être les deux
avant de dormir il fait un petit bilan du jour confiné
sur l'écorce rude une chenille soudain rêve de couleurs
01 avril 2020 feuillage épaissi mais les collines au loin toujours dans la brume
j'attends impatient les quelques gouttes de sang des coquelicots
il monte la garde comme la tour aux échecs protège son roi
il bondit gaiement jusqu'aux sources du soleil l'olivier d'argent
02 avril 2020
dans les herbes hautes une fleur de pissenlit espère une abeille
voyez Garlaban à travers les feuilles claires nimbé de lumière
Le confinement strict ce n'est pas une solution. Ça rend les gens nerveux, malades, imprévisibles. C’est une sorte de goulag intime. Yaka fokon, oui ! Des masques, des hôpitaux en
d’anxiété latente ne sachant que faire d’autre il ronge ses ongles
106
Paroles d’un compte erratique
ordre de marche, oui ! Tester, tester encore, même la fiente de corbeau… Laissez mourir les vieux, les gens, seuls, non ! Ah, non ! Mengele n'est pas mort car il bande encore. Comme lui, ils ne seront pas punis, et ça les fait jouir !
09 avril 2020 bureau en désordre — il y a toujours sa place près de la lucarne un coin du jardin entre pénombre et lumière — le printemps s’en fout
06 avril 2020 cette trace ancienne du voyage inachevé gravée dans le ciel
10 avril 2020 le même jardin confiné dans le printemps — les chênes s’enfeuillent
parfois il se trompe en augurant de la pluie — il fait grand soleil
parfois il s’endort assis comme on est debout — il respire à peine
07 avril 2020 l’arbre de Judée en perdant son écarlate se métamorphose
ne m’approchez pas — je suis de ceux qui déçoivent sans avoir la peste
en implorant presque il attend que je découvre son bol de bouchées
11 avril 2020 verdure oubliée y avait-il la lumière baignant la rivière
sous la même feuille une épeire et un faucheux se contaient fleurette
il a pris ma place sur le banc que je dois peindre demain ou plus tard
posé sur la table comme un bouddha de faïence mon chat souverain
ébahi j’entends le loriot sur la cascade se confier au vent
joufflue et rosée la lune lentement monte bercer les étoiles
12 avril 2020 08 avril 2020
après le lilas au-dessus de la restanque le bleu infini
à travers les feuilles le ciel bleu en liberté me fait un clin d’œil
gestes immuables dans le doux confinement du sommeil qui vient
sur les gravillons comme une statue vivante — il boit le printemps
107
Paroles d’un compte erratique
13 avril 2020
d’un lézard craintif
le ciel a changé tout à coup il s’encolère de nues équivoques avec minutie il inspecte les créneaux de son fier donjon
18 avril 2020 un chaton de chêne vient de tomber dans mon verre soudain j'éternue odeur du lilas — entre lavande et iris la couleur du vent
indolents nuages dans le ciel sans espérance le printemps s'engorge
un mur au soleil le jasmin s'accroche au lierre et monte à la tête
la pluie de printemps sur les jeunes feuilles cueille des doigts de pianiste
14 avril 2020
messager du vent un écureuil intrépide danse sur un fil
quelques branches mortes — je vais attendre le vent qui s’en chargera
j'ai suivi la route que je n'avais pas choisie — le but est le même
ce matin il boude — il semble ne pas aimer ce que je lui sers
dans l'obscurité une araignée noctambule repeint le plafond
j’ai plongé la main dans l’eau froide du courant — j’ai troublé le ciel
19 avril 2020
15 avril 2020
jardin sous la pluie — l’olivier torturé frôle l’odeur du lilas
à l’abri des chênes le banc goûte le soleil du matin d’avril
tous deux confinés il se goinfre de croquettes moi de chocolat
qu’a-t-il vu bouger une abeille un papillon seulement un songe
ivresse du seuil — franchir ou ne pas franchir la porte des songes
16 avril 2020
la douce pénombre qui berce ma solitude devient oppressante
je me suis levé confiné derrière un ciel couleur de prison
l'idée de prison de devoir justifier ça sent le vomis personne ne se souvient de la couleur de l’étoile
hier à la fenêtre il lorgnait vers l’échappée
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Paroles d’un compte erratique
21 avril 2020
c'est un rêve étrange que vivre dans un roman qu'on n'a jamais lu
autre jour de pluie seul le jardin en sourit — quant à mon moral…
nous avions les feuilles tombées sur la contre-allée pour laissez-passer j'étais bien, avant engoncé dans mon fauteuil je rêvais de vent
rentré serpillière devant son bol de croquette il monte la garde d'un claquement sec le livre s'est refermé avant le mot fin
20 avril 2020
lointain mois d'avril c'était un printemps pluvieux : j'ai compté les gouttes
le ciel confisqué par une horde de nues — un oiseau la nargue
il y avait dans l'air la promesse d'un été de douce paresse
ce regard plaintif — c’est la pluie qui le confine au bord de l’assiette
entre deux averses je flânais sur les allées en quête d'abri
les rues de ma ville sont remplies d'êtres étranges sans regard sans masque
petite terrasse d'une brasserie pimpante un moindre refuge
le même visage sans visage et indistinct la même pâleur
quand soudain l'auvent s'est fendue et mon demi naviguait à vue
la même démarche d'automate articulé semelles de plomb
dans ce désarroi quand les jours sont des années il faut bien survivre
êtres sans oreilles qui ne peuvent distinguer le bruit du silence
22 avril 2020
ni le gris du ciel ni le béton terne et gris ne les interroge
et il pleut encore — les tuiles de la remise se couvrent de mousse
entre les façades ils se déplacent pressés comme des fourmis
regard insistant et pourtant c’est dans le vide qu’il se pose aussi
dans un miroir terne je capte alors un regard je me reconnais
24 avril 2020 déjà les cerises
109
Paroles d’un compte erratique
disputent aux fleurs blanchies leur place au soleil
le ciel n’est pas rose seule l’épaisseur des nues donne l’illusion
rouler le gravier comme on roule sur le sable un de ses plaisirs
il peut bien dormir après avoir dégusté son bol de croquettes
12 mai 2020
17 mai 2020
reprise du ciel par une main malhabile printemps douloureux
jardin délaissé les œillets les herbes folles se côtoient soudain
et pendant qu’il dort il oublie que ses canines ont meurtri ma main
quelle est cette énigme que m’imposent son regard et son attitude
13 mai 2020
19 mai 2020
les mêmes feuillages — un mois de mai larmoyant sous un ciel de zinc
un jardin sauvage — les fleurs indisciplinées sautent hors des pots
regard en dessous c’est pourtant le plus doux de tous les doux minous
les dalles bientôt recouvertes d’herbes folles sèchent au soleil
14 mai 2020
20 mai 2020
la vieille photo du village qui tremblait au fond de l’hiver
dans le ciel limpide échevelés les nuages dansent follement
goûtant au printemps au rebord de la fenêtre il fait sa commère
rêvant de licorne il s’élance sur mes cuisses à l’assaut du monde
15 mai 2020
21 mai 2020
cœur de pissenlit rouge comme une blessure qui ne guérit pas
par bonheur les fleurs m’apaisent de ne pouvoir tondre l’herbe haute
goûtant sous le banc les fragrances du printemps il rêve en couleur
sur le bord des tuiles il somnole en contre ciel — l’hiver est passé
16 mai 2020
110
Paroles d’un compte erratique
26 mai – 03 juin 2020
enfants des nuages ils jouent dans la cour du ciel à sauter les cimes
depuis la fenêtre Marseille fronce le front des nuées frondeuses
07 juin 2020
un puits de chaleur le soleil sur les façades soutient les gabians toutes identiques les fenêtres alignées comme un champ de croix
était-ce le ciel ou la couleur du regard qui se change en sang comme un café filtre cette photo de mon chat a bien refroidi
chambre d'hôpital combien de fronts appuyés sur la vitre sale
08 juin 2020 le jardin sauvage il n’attend plus que ma main pour s’apprivoiser
au loin les collines la ville qui s'en approche en fera des cubes
nez au fond du bol il n’écoute rien d’autre que son estomac
le ciel est brouillé chiffonné sur le béton soleil serpillière
09 juin 2020
04 juin 2020
ciel ensoleillé — un nuage effiloché dans le vent grimace
ils m’ont accueilli les arbres chargées de pluie avec le sourire
à quoi pense-t-il devant son assiette vide — patient il attend
il a retrouvé ses postures sur le lit mon sphinx endormi
11 juin 2020
05 juin 2020
le choix du minou — il vérifie bien d’abord si l’odeur convient
ciel de carton pâte le vent accule les nues au mur des collines
le laurier les roses mêlés dans les herbes hautes comme des baisers
retour au coussin où je repose mes jambes il est fier de lui
12 juin 2020
06 juin 2020
dans le ciel chargé le mistral se joue des nues comme il joue de nous
rêvant sur la chaise le doux poète félin devient le poème
111
Paroles d’un compte erratique
entre les feuillages diffus des plantes en pot il se dissimule
bureau encombré le matou et la pénombre veillent au désordre
13 juin 2020
18 juin 2020
soleil revenu il n’en est que plus gracieux le chant du loriot sieste tentatrice— mes cuisses lui sont un havre lui une berceuse
sur le banc complice une feuille se repose avant de mourir regard de démon — mon chat ne sort pourtant pas du dos d’un bossu
14 juin 2020
20 juin 2020
un coin de jardin de verdure au creux des chênes le banc n’est pas loin
blotti sur le lit la petite boule floue rêve de caresses
un coussin pour deux pour ses yeux somnolents et ma main dolente
sous le ciel lavande l’ombre des pins consciencieux joue dans la lumière
15 juin 2020
24 juin 2020
le soleil caresse la verdure du jardin de rayons sonores
chaleur des cigales — le jardin déjà transpire d’un coup de semonce
rentré de balade il ramène du jardin un trait d’émeraude
pénombre il s’étire sur la table du salon— réveil difficile
16 juin 2020
25 juin 2020
un ciel délavé mais c’est sans doute la faute au polaroïd
d’une main peu sûre je brosse le doux minou aux ronrons sublimes
au milieu de l’herbe en passant de dalle en dalle il suis son chemin
runes nuageuses au-delà de sa clarté le ciel est mystère
17 juin 2020
27 juin 2020
dans les hautes herbes les derniers coquelicots échangent leurs rêves
le ciel s’embarrasse de lourds lambeaux de velours — le soleil hésite
112
Paroles d’un compte erratique
le gardien des livres prend la table du salon en lutrin d’église
le bruit des couvreurs — il préfère s’abriter sous sa couverture
28 juin 2020
04 juillet 2020
couvrant les collines des nues à petites côtes dans le ciel limpide
révélés par l’ombre fruits dont on ne sait quel arbre sort de la lumière
repos sur la table après avoir bien gratté dans le tas de terre
regard vers le plâtre — ont-ils bien œuvré ceux-là qui posent les tuiles
29 juin 2020
05 juillet 2020
les fleurs des lauriers sous les oliviers hésitent sur leur fond de teint
un cadran solaire s’est incrusté dans le ciel — heure qui accable
sur la tour de garde sur le dos et en confiance il s’est endormi
il attend la brosse un déluge de caresses — don au petit dieu
30 juin 2020
06 juillet 2020
fleur de laurier-rose écarlate et dangereux dans l’ombre des feuilles
la fleur d’hibiscus dans sa fragile arrogance me fait un clin d’œil
un chat de faïence au regard sans direction et sans impatience
soudain réveillé par du bruit sur la toiture il serre les dents
01 juillet 2020
07 juillet 2020
une main de nues a recouvert les collines d’une brume chaude
ce coin de jardin à côté de la maison mon eldorado
depuis son donjon il examine ses rêves demi-camouflé
il est rassuré par l’épaisseur de mon ventre mais moi un peu moins
02 juillet 2020
08 juillet 2020
entre ombre et lumière les lauriers s’épanouissent dans l’été brûlant
rose crépuscule — lent dans la touffeur du soir une once de sang
113
Paroles d’un compte erratique
mais quelle potiche ! ah, le voilà devenu graine d’olivier
depuis son perchoir il pose un regard blasé sur son univers
09 juillet 2020
14 juillet 2020
mauvais jardinier qui ne connais pas le nom des fleurs qu’il cultive
d’un clic de souris j’élimine le soleil d’un bout de jardin
le chat dort encore alors que je suis levé depuis un quart d’heure
gardien d’un trésor il règne sur le royaume de la vanité
10 juillet 2020
15 juillet 2020
devant la maison le lierre a pris son envol vers le grand troène
un hommage au chêne qui dans les étés torrides donne une ombre fraîche
vaguement inquiet il sursaute au moindre bruit — ça commence à durer
un brin de toilettes avant d’aller déjeuner de quelques croquettes
11 juillet 2020
16 juillet 2020
autre point de vue et le cœur parfois chavire de trop de verdure
un rosier sauvage au milieu des oliviers et des herbes folles
depuis cette arête il surveille sur l’antenne l’oiseau téméraire
impatient parfois il attend que je décide de l’accompagner
12 juillet 2020
17 juillet 2020
le jardin sauvage qui se prend pour la colline vient à ma rencontre
revoilà encore mon petit coin de sourire où j’aime à rêver
essai réussi de camouflage du ventre — on peut s’endormir
en contreplongée il redevient le chaton que je n’ai connu
13 juillet 2020
18 juillet 2020
sous le ciel lavande les oliviers pré pubères domine le lierre
lauriers au soleil — impatiemment la terrasse une ombre promise
114
Paroles d’un compte erratique
il va s’endormir — il n’attend qu’une caresse pour fermer les yeux
changement de bol et même de position mais pourvu qu’il boive
19 juillet 2020
24 juillet 2020
quelques blancs nuages sont assis sur les collines pour se reposer
le ciel se fracture dans l’immense chaleur moite d’un été sans grâce
enfermé dehors — le matou est prisonnier du rideau de perles
surpris de profil il ne laisse rien paraître — du dédain peut-être
20 juillet 2020
25 juillet 2020
surpris mais curieux il se tourne vers la porte ouverte au jardin
brume de lumière tombant d’un autre soleil — cruauté du ciel
ces deux tourterelles se promènent sur le fil qui nous a reliés
sur la terre cuite il cherche un peu de fraicheur et de courant d’air
21 juillet 2020
27 juillet 2020
des grains de lumière sont tombés entre les arbres — le rire des fées
feuilles de figuier cachées dans l’ombre complice d’un été propice
crapaud interdit mais il essaie tout de même de s’y incruster
écoutez, il parle — il me dit qu’il voudrais bien que je le caresse
22 juillet 2020
30 juillet 2020
eux seuls restent verts chênes aux longues racines puisant l’eau des pierres
ce matin le ciel prend des airs de champ torride les ombres s’inquiètent
son câlin aimant laisse de longues griffures sur mon ventre gras
reposant à l’ombre sur les dalles encore fraîches d’une nuit sereine
23 juillet 2020
31 juillet 2020
le ciel ce matin avait remonté la couette au front du soleil
dans le ciel bougon quelques nues hallucinées par l’amer soleil
115
Paroles d’un compte erratique
la question se pose est-c’ qu’il va pleuvoir peut-être ou bien une blague
pas de passeport dans la poche de mes rêves je vais où ils veulent
01-31 juillet 2020
silence et pénombre hello sadness my old friend un sacré vacarme
froissement de feuilles dans la pénombre un ramier fait un cauchemar
nuit enchanteresse baignés de rayons de lune les oliviers chantonnent
crispée sur l'écorce une frêle carapace se mue en cigale
des fragments de lune retenus dans les branchages lanternes chinoises
dans la nuit le banc se sent bien seul sous les chênes je lui prends la main
rouge et menaçant l'horizon crépusculaire ronge les collines
les troncs accablés un implacable soleil crisse d'étincelles
01 août 2020
la porte entre-ouverte la nuit d'été est entrée dans le grand silence
premier du mois d’août jardin de plus en plus sec sans espoir de pluie
le chant des étoiles mélodieux dans les ténèbres d'un ciel insondable
juché sur la table il houspille son oreille d’une patte ardente
quelquefois la nuit témoigne de la lumière qui sommeille en nous
02 août 2020 brume de lumière — dans l’ombre parcimonieuse la torpeur s’installe
crépuscule moite la lenteur imperceptible d'une nuit sans fin
il semble prier — mais de quel dieu illusoire veut-il les faveurs
à l'ombre des pins sur une couche d'aiguilles le rêve du chat
03 août 2020
des viornes épaisses s'envole aux matins d'été une onde frivole
le temps hésitant pendant que le vent sans force froisse les nuages
là sur l'étagère entre la Bible et Proudhon un signet sans page
curieux de tout le compère à la fenêtre médis des cigales
116
Paroles d’un compte erratique
04 août 2020
09 août 2020
lieu surréaliste ce matin dans mon regard le jardin dérive
le jardin a soif mais peu à peu il s’adapte aux coups de chaleur
rentré tard cette nuit il dort encor sur la table d’un œil seulement
avec conviction et toutes griffes dehors il masse mon ventre
05 août 2020
10 août 2020
le verger aride se réjouit malgré tout de l’ardeur du lierre
le soleil se grime en une grosse baleine de nues irascibles
interrogative son attitude fuyante me met mal à l’aise
portrait d’un chat roi qui pourtant reste immobile au regard distant
06 août 2020
11 août 2020
bouquet de fleurs blanches égaré dans les lauriers — un joli sourire
la fenêtre ouverte sur le jardin accablé d’un midi pesant
deux heures du mat — nous nous sommes endormis dans notre fauteuil
depuis le donjon il surveille son domaine tout en sommeillant
07 août 2020
12 août 2020
une seule figue dans le figuier ombragé murit au soleil
chaleur assaillant jusqu’au seuil de la cuisine je ferme la porte
torpeur de midi — le ventilateur le garde du coup de chaleur
déjà fatigué — la dure journée qui vient fait perdre courage
08 août 2020
13 août 2020
on s’amuse un peu — j’ai bien joué maintenant je vais me baigner
ciel déjà masqué d’un loup encore sauvage— craindre sa colère
preuve de patience — même avec les yeux mi-clos il attend ma main
il ne bouge guère de son donjon surplombant son vaste domaine
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Paroles d’un compte erratique
14 août 2020
19 août 2020
nouvelle journée — le ciel peu à peu recouvre ses oripeaux sales
couleurs immuables dans un ciel toujours limpide — un pin agonise
il semble étonné de s’être échappé enfin du vétérinaire
qu’a-t-il bien pu voir à travers la grande baie au rideau tiré
15 août 2020
20 août 2020
dois-je couper l'arbre pour avoir de Garlaban une vue parfaite
rien dans le ciel qu’une oriflamme d’argent accrochée au cèdre
il semble aller mieux depuis ces quelques piqûres et beaucoup d'amour
dans le lavabo qu’il prend pour une rivière il vient s’abreuver
16 août 2020
21 août 2020
il semble surpris le ramier dans le figuier — eh bien moi aussi
brume de lumière — mon regard troublé s’étend sur la jardin sec
depuis la fenêtre il regarde vers le nord le temps immuable
que regarde-t-il posé là sur cette pierre — toujours des questions
17 août 2020
22 août 2020
génies de l’été parmi les branches qui sèchent vous vous endormez
rien ne change en fait — la même vision troublée d’un jardin flétri
dans ses yeux se lit tout l’amour que je lui porte et qu’il me rend bien
tapi dans l’entrée il jette un petit coup d’œil — on ne sait jamais
18 août 2020
23 août 2020
le ciel s’est couvert d’épais voiles de velours — la pluie se refuse
le ciel et le vent dans la lumière solaire sculptent les nuages
il fait une halte son regard tourné vers moi comme une requête
il vient du couloir encore un peu somnolent sans savoir que dire
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Paroles d’un compte erratique
24 août 2020
présent dérisoire — seules quelques gouttes sales sur la terre aride
atteindre la lumière — combien faut-il en passer de seuils et de portes
portrait d’un infant qui règne sur un domaine rempli de caresses
est-il inconscient — penser que je vais remplir ce plat de croquettes
30 août 2020
après la pluie pingre le vent se lève et assèche un sol assoiffé
25 août 2020
sur les lauriers-roses tant de fleurs renouvelées semblent éternelles
au pied du poteau il dépose un peu d’engrais — débit augmenté
le gardien du sas — le cerbère de salon se repose un peu
31 août 2020
26 août 2020
des pots au jardin des pots de terre ou de grès et un chat posé
quelques taches brunes dans les buissons verts encore — été sècheresse
portrait du matin — malgré le peu de lumière les iris fermés
entre ombre et lumière il dévoile son regard d’obscures pensées
01-31 août 2020
27 août 2020
pas un souffle d'air le ciel s'est couvert ce soir d'une couette sale
sur l’herbe trop sèche le soleil ne parvient pas à s’en amuser
le ventilateur son ronron imperturbable brasse de la glu
dans ses yeux mi-clos une flamme semble luire ce n’est qu’un reflet
chaleur mortifère le feu couve sous les braises d'un été caustique
28 août 2020 l’été ne semble pas vouloir finir de vivre — saison sans pitié
sous l'auvent brûlant j'interroge les tarentes qui guettent la lampe
au milieu du couloir il se repose un peu avant le repas
rentré à pas d'heure il me paie d'une souris son bol de croquettes
29 août 2020
là dans les collines 119
Paroles d’un compte erratique
rode comme une étrangère l'odeur de la mer
pour ne pas trop transpirer deux pies se chamaillent
la fenêtre ouverte sur le mur un fourmilion s'abrite du vent
à l'ombre des chênes cet été est respirable la sieste a l'air libre
perplexe j'écoute les fadaises que chuchote le vent au bois sec
je cherchais sa main que son regard refusait ne plus y songer
Il y a une différence fondamentale, certains diraient essentielle, entre le désir de mourir et le dégoût de vivre. Je cherche encore. Bonne nuit et à votre santé...
sur le voile opaque d'un ciel indécis et las les étoiles boudent larmes du soleil qui inondent les collines pleurent les cigale
la plainte du vent avec pitié pour eux-mêmes les arbres l'écoutent
la fenêtre ouverte sur la nuit soyeuse et douce odeur de grillade
l'écorce ridée des vieux pins - la sépulture des mues de cigale
silence assoupi un train raye la vallée je sursaute à peine
si près de la mort pourtant n'ayant rien appris de la joie de vivre
autour de la lampe les tarentes se rassemblent pour se restaurer
petit papillon qui s'échappe de sa cage quand mes doigts l'effleurent
petit vent discret dans les nuits d'août qui s'allongent septembre sommeille
tout en haut du cèdre contemplant son univers une tourterelle
éclairs de lumière libellules sur l'étang torpeur estivale
au-dessus de l'herbe rase papillon désemparé en quête de fleurs
la nuit s'évapore quand les étoiles se fondent dans l'aube timide
ma main engourdie au bout de mes doigts qui tremblent un souvenir danse
je pèse ma joie à l'aune d'anciens bonheurs je me sens léger
dans la nuit d'été une odeur de cendres chaudes inquiète mes songes
terre de poussière qui prie les nuages fourbes d'une obole d'eau
à l'ombre des pins
parfum d'abricot 120
Paroles d’un compte erratique
ses seins en avait le galbe sa peau la couleur
querelle de pies le chat sort de son sommeil qu'il reprend bien vite
je dansais sur l'eau enjambant joyeux les vagues d'un rêve d'ivresse
la nuit sort ses griffes mais tu peux la caresser les cauchemars veillent
je suis arrivé là où le vent m'a poussé petit brin de paille
parfois je m'assois entre la glace et le feu pour rêver d'enfer
équilibre instable sur la chilienne harassée je tente une sieste
soirée ambiguë les aiguilles du silence tricotent les ombres
j'aimais son sourire son rire et sa voix cassée sa peau d'abricot
les rides des pins n'abritent plus les cigales la fin d'un été
la brève étincelle l'étoile naïve exauce les vœux d'un tyran
la fraicheur soudaine qui s'installe sous l'auvent héraut de septembre
la fraîcheur surprend le silence de la nuit -ma peau mise à nu
mon ombre rêveuse qui s'est couchée sous ma chaise me réclame un verre
le pré effloré il n'y a que de la paille attendant la pluie
quand j'avais vingt ans et vingt-et-un centimètres je ne comptais pas
minuit et demie le chant du ventilateur berce l'insomnie
ce matin j'ai croisé un geai bleu une perruche verte et l'ombre d'un soupir
le fleuve a coulé je suis au bout de la route je n'ai rien pu faire
le banc familier qui m'accueille sous les chênes peinture écaillée
au fond de ces crânes le troupeau des pensées bêle mais suit le bélier
plus d'un mois sans pluie jardin couvert de poussière la désolation
au bord de la route un caillou semblable aux autres marque mon passage
au fond d'un tiroir la vieille photo cornée d'une jalousie
une ampoule à l'aide pour que le vieux papillon préserve ses ailes
l’été se termine avec ferveur prie la terre du ciel un peu d’eau
121
Paroles d’un compte erratique
la fraicheur soudaine qui s'installe sous l'auvent héraut de septembre
un vieux qui titube l'ivresse n'est pas l'alcool mais la solitude
quand j'avais vingt ans et vingt-et-un centimètres je ne comptais pas
le chant du loriot qu'il sera rafraîchissant au printemps prochain
des veines courraient j'aimais sa peau transparente moins son cœur opaque
armoire bancale aux étagères obliques mémoire enlisée
adieux sur un île mais pour revenir sur terre la même galère
les pieds sur la table j'interroge mon whisky et les glaçons tintent
malgré la chaleur il n'y a plus d'hirondelles ni le chant des pins
toujours pas de pluie ce soir c'est en chancelant que je bois un verre
la nuit tombe vite sur une fin d'été morne je ferme la porte
sur les feuilles sales une pluie parcimonieuse s'essaie au ménage
dans mon vieux fauteuil la musique assourdissante de mes souvenirs
petite chenille sur cette feuille de chêne tu défies la pluie
entre deux escales le marin dit à la mer : "ne sois pas jalouse"
mauvaise rencontre un vieux moustique abusé tombé dans mon verre
même à ma naissance les routes n'avaient de but déjà j'hésitais
toute la splendeur de mon chat quand il s'allonge sous les lauriers-roses
les bruits de la nuit dans l'épaisseur du silence forcent la pénombre
elle n'a jamais su que sur le vieux pupitre je gravais son nom
d'un sourire blanc comme une page inutile la porte entre-ouverte
j'avais son sourire et son parfum de printemps gravés dans le cœur
on ne vieillit pas quand les illusions perdurent dans les cœurs d'enfant
café en terrasse juste avant d'aller en cours l'odeur me submerge
je reste pensif dans le silence obscurci pas un train qui passe
nous n'avions pas l'âge mais nous l'avons fait quand même ce château de sable 122
Paroles d’un compte erratique
résistent encore aux nuits plus fraîches d’automne
fraîcheur du mistral des quelques gouttes d'hier c'est tout ce qu'il reste
01 septembre 2020
il semble surpris de trouver ce qu’il regarde que je ne vois pas
razzia sur les figues — un ramier entre les branches surveille ses gains nouvelle lubie qui le prend dès le matin la méditation
je me suis couvert mais sous l'auvent je frissonne ce n'est pas de froid infimes blessures que l'on ne peut effacer germes de rancunes
une demi-lune parmi les branches altières cachée à demi
étranges senteurs dans la nuit de fin d'été vieille pluie moisie
la source était nue les rochers qui l'habillaient n'aimaient pas la mousse
toute jeune encore une mante religieuse me tient compagnie
prête à s'enflammer la garrigue des collines s'est bien rembrunie
04 septembre 2020
02 septembre 2020
quelques filaments dérivent sur les collines — pas d’espoir de pluie
quelques coups de brosse sur la toile bleue du ciel le tour est joué
le sphinx d’étagère descendu de son donjon rejoint son domaine
réveil difficile après la nuit vagabonde on essaie encore
d'un pas incertain sur la route sinueuse nous allions innocents
un banc écaillé dans un coin de la mémoire des souvenirs jaunes
bien après minuit dans la maison endormie mon cœur battait fort
sur la branche instable un ramier fait son festin de figues sucrées
souplesse des jours qui épousent notre humeur parfois ils divorcent
le ventilateur s'essoufflait dans la pénombre un vent de silence
05 septembre 2020 la terre apparaît l’herbe sèche à disparu — c’est pourtant l’automne
03 septembre 2020 les fleurs de lauriers 123
Paroles d’un compte erratique
il dort tellement que ses rêves s’évaporent et je les perçois
c'est un rêve gris et aucun vampire comme une souris pour me faire rire
combien de soirées entre pénombre et silence faudra-t-il subir ---car si les ans sont si courts ma vie boiteuse est bien longue la mémoire étale et la vague au crépuscule caresse le sable
trente ans d'amitié dissoute pour quelques mots que je ne renie du bord de la plage sur des galets bien choisis j'ai franchi la mer
08 septembre 2020 ciel un peu couvert — mais c’est un fieffé filou tiendra-t-il parole
regarder dans le vide un verre sans trop trembler et le vague à l'âme
pénétré de songes sur la faîtière il écoute le chant des oiseaux
06 septembre 2020 soleil matinal sur le banc et le talus — sécheresse avide
l'espace est diffus et le silence incertain je tire le drap
le repas du soir partagé dans la cuisine sous la lampe pâle
ces terreurs nocturnes qui dévorent mon sommeil d'enfant tourmenté
cette cicatrice c'est une bouche sans lèvres qui n'embrasse plus
plus loin que le quai la mer est aussi salée que le sont mes larmes
les écailles tombent de cette peau de lézard outrage des ans
09 septembre 2020
dans une coquille ramassée je ne sais où la mer me berçait
les nues se rassemblent sous le regard du soleil — un frémissement
07 septembre 2020
il mit en marche les fabuleuses berceuses du coussin rêveur
la fleur écarlate la promesse du pistil séduit les abeilles
les soirs sans sommeil jusqu'à l'ivresse je reste dans mon vieux fauteuil
son humeur paraît chaque matin différente — pensive aujourd’hui
un verre un dernier -
124
Paroles d’un compte erratique
mes souvenirs restez sages la nuit m'appartient
quiconque nous prend la main on meurt toujours seul
frôler l'avenir imaginer que les rêves en soient le tremplin
12 septembre 2020 par l’ouest le ciel bleu gagné par son optimisme chasse les nuages
10 septembre 2020
son coussin magique gage d’un sommeil tranquille et de rêves clairs je reprends mon souffle c'est que la pente était raide pour tout oublier
la pluie a cessé — il est l’heure des parfums et des couleurs fausses mise au point ratée — dans le flou de mes pensées je remplis son bol
la nuit vient si vite du crépuscule ne reste qu'un souvenir blême
au fond de la mare la face décomposée des noyés timides
ne pas provoquer la conscience de l'oubli surtout ne rien dire
la table dressée nous attendions qu'on nous serve le cœur de nos pères
13 septembre 2020
carillon douteux du glas ou de la volée mon cœur indécis
dimanche matin — je vois le jardin troublé d’étranges lumières
11 septembre 2020
dimanche matin — c’est dur de quitter la couette on l’adopterait
le soleil soulève une charge de nuage dans un ciel morose
14 septembre 2020
il hume la pluie qui doucement le surprend pendant qu’il médite
lavés des poussières enfin les arbres revêtent leur plus beau sourire
j'ai ouvert un livre j'ai lu les premières pages et je l'ai fermé -----je n'aime pas les romans qui racontent une histoire
l’appui de fenêtre un poste d’observation avant de sauter escalier trop raide le vide rit du néant j'ai trop bu ce soir
baiser sur le front elle avait cette façon d'oublier des choses
parfum enivrant du jardin après la pluie baume au cœur des arbres
on nait toujours seul
125
Paroles d’un compte erratique
soucieux je résiste au verre antépénultième mais combien de temps
une aube insolite signe au-dessus des collines — la fin de l’été
15 septembre 2020
au bord du coussin il s’abandonne au sommeil la main sur le cœur
déjà une feuille se prépare à lâcher prise — cruauté d’automne
ce soir mon poignet me fait mal et la cicatrice pointe vers le nord un frelon entré — c'est une reine engrossée qui cherche un abri
sur la mezzanine il somnole en attendant que je me décide les feuilles jaunissent dans le figuier malmené par l'été aride
la fenêtre s'ouvre sur la fraîcheur de la nuit septembre équivoque
la nuit me convoque ma tâche ? surveiller l'aube pendant qu'elle dort
18 septembre 2020 fuite des nuages dans le ciel embarrassé du poids des collines
odeurs équivoques fin d'été de paille sèche et de mousse moite
subtile lumière qui vient caresser sa nuque — halo de tendresse
16 septembre 2020 couleur de septembre— les lauriers encor fleurissent et l’été en pause
la douce fraîcheur de cette nuit de septembre calme mon front moite
le même coussin la même action soutenue d’un sommeil profond
soleil de septembre de bon matin il hésite à chasser la brume
les meubles se meuvent dans ma semi-somnolence où règnent les songes
respirer septembre la promenade sans masque autour du jardin
il pleuvait si fort — sous un platane effeuillé un premier baiser
19 septembre 2020 fuite de lumière — hésitation de la pluie dans un ciel blasé
sans une parole sa main a saisi la mienne et mon cœur s'est tu
ensemble au réveil nous sommes bien mal cadrés et même un peu flous
17 septembre 2020
126
Paroles d’un compte erratique
le rêve était nu sans parole et sans couleur mais inoubliable
une tiédeur moite sur le jardin résigné traverse l'averse
mon chat fait la sieste sur la litière de pin parfum de résine
c'était l'avant-garde les éclaireurs de l'orage froncent les collines
vingt-six mille fois le soleil s'est endormi sur mes insomnies
parfums de la nuit au loin l'orage s'étiole en vains grognements
20 septembre 2020
22 septembre 2020
salut du soleil juste avant la pluie sans force dans un grand vacarme
jardin sous la pluie — le premier jour de l’automne un cadeau du ciel
parti grignoter dans le fouillis du garage — un matin caprice
en implorant presque d’un regard qui semble vide comme son assiette
la pénombre est sûre les souvenirs y complotent des regrets amers
malgré moi je peste murmuration de moustiques au-dessus du vase
à l'ombre des chênes le vieux banc compte les ans une feuille tombe
la fleur de septembre qui se dresse fièrement seule après l'averse
un banc de nuages les dernières hirondelles ont plié bagage
la lueur des villes exalte même l'éclat d'une seule étoile
21 septembre 2020
23 septembre 2020
pour ce dernier jour le soleil a revêtu ses plus beaux atours
le ciel s’est paré d’une escarboucle de nues volée au soleil
tout contre le mur il profite de l’été encore une fois
couché sur mes cuisses ronronnant comme un monarque il s’est endormi
terrasse d’en-haut il s’empare des rayons pupilles fermées
sous un porche étroit j'ai enlacé le fantôme de la malaimée un écheveau de regrets et de pensées impudiques
l'orage grommelle et tout d'un coup il éclate d'un éclair de rage
au milieu du ciel
127
Paroles d’un compte erratique
ce soir Vénus l'arrogante éclipse la lune
les vieux ils riaient de ma dégaine de fille en passant le pont ont-ils oublié si vite qu'un jour ils ont été mousses
pénombre et silence combien de fois n'ai-je pas joué ce duo gagnant
une heure du mat j'ai envie de boire un verre et d'aller pisser
24 septembre 2020 caché dans les feuilles le ciel devenu blanchâtre se grime en fantôme majesté lascive sur son trône d’éminence il rêve le monde
26 septembre 2020 chassée par le vent une nue échevelée cède sa lumière
une pâquerette a fleuri entre les dalles de l'allée de pierres jalouse du pissenlit qui fier s'ébat dans le pré
la première sieste— aujourd’hui il a choisi le banc de l’entrée la pluie a glissé sur le jardin enivré un châle de brume
la soirée plus fraîche après la journée plus courte les premiers frissons
sur la mousse humide j'ai posé mon vieux caban nous avons rêvé
milieu de la nuit la pie dispute aux corneilles la branche du chêne
à l'embranchement de l'arbre nu et du sable j'irai vers la faux
grande est la distance pourtant deux voix qui s'accordent rompent le silence
27 septembre 2020
25 septembre 2020
à travers la vitre je suis surpris par l’automne aux airs de printemps
une langue bleue au dessus noir des collines— ciel sans équivoque
elle est peu discrète cette caméra qui lorgne sa toilette intime
carreaux de terre ocre et le chat qui s’impatiente me tire la langue
courir sur le sable et le temps qui va si vite rêve foudroyé
mélodie étrange le vent comme un faune fou flûte dans les branches
l'orage est passé comme un amour de jeunesse sans laisser de trace
j'écoutais la fable que le barde fredonnait c'était bien ma vie
sur la nappe sale
128
Paroles d’un compte erratique
ce qu'il reste du festin donne la nausée
de la nuit comme une source sourd un cauchemar
rentré à minuit mon chat d'humeur facétieuse veut qu'on joue à chat
30 septembre 2020
28 septembre 2020
tracé dans le ciel — un désastre en Amérique nous prévient en vain
couverture étrange — le soleil peine à percer la couche de lard mission impossible — il essaie de camoufler ses taches plus sombres
le gardien des livres comme un chien de porcelaine lourdement somnole mon ombre insistante prend le verre et le rapproche du bord de nos lèvres
crépuscule amer le sable qui me submerge est gorgé de sel
tout au bout du quai la douleur intermittente d'un adieu amer
à l'ombre des pins en riant nous nous disputions le tapis d'aiguilles
dans le hall bruyant d'une gare intemporelle des spectres se croisent
ménage dans mes contacts j'efface l'oubli sauf des morts pour leur mémoire
consciencieusement le vieux matou me patoune comme un jeune chat
d'un air inspiré sur l'épaisseur de ma graisse il se fait les griffes
01 octobre 2020
29 septembre 2020
un ciel sans visage — on vient de franchir le seuil du pays d’octobre
deux trous de lumière traversent l’orbe d’un crâne — le ciel ou l’enfer
la lumière jaune qui le force à s’abriter sous le lampadaire
très subtilement il me fait bien remarquer que la vitre est sale
la pluie sur l'auvent musique tant attendue mais jouée trop fort
vieil homme émotif je sursaute chaque fois qu'un souvenir sonne
qu'importe le nom que l'on impose aux saisons la fleur suit la pluie
abysses létales même une gueuse de plomb ne me retient pas
la télé éteinte seule la veilleuse nargue la pénombre épaisse
passant la lucarne
02 octobre 2020 129
Paroles d’un compte erratique
le ciel malmené les nuages fuient le sud contre la lumière
octobre se pose déjà les premiers glands tombent sur les feuilles mortes
assis immobile il pose un regard perplexe sur l’humanité
déluge d'automne la Terre qui s'encolère présente la note
le vent est tombé mon chat compte les étoiles mon ombre somnole un chien qui aboie mon chat perché sur le toit reste indifférent
le pré reverdi me rappelle à ses bons soinsil va falloir tondre main endolorie maintenant elle tremblote pour saisir un verre
blotti sur mes cuisses il dort en pleine confiance cet alter ego
05 octobre 2020
03 octobre 2020
qui peut se mettre en colère
ciel bleu comme un chat et si doux souvent
peu à peu le ciel se fend d’un large sourire — je le lui rends bien
il s’est réveillé et s’étire sur la table la journée commence
chat ensommeillé rêve de tapis volant au-dessus du monde
lumière intérieure elle perce mes ténèbres et me tient au chaud
lumière diffuse qui traverse les nuages ma conscience hésite
comme une musique apaisante et volubile quand les pies se taisent
blottis sur l'étagère même les livres lus gardent des secrets
vagues ténébreuses des noyées aux cheveux d'algues peignent les marées
vieillesse clémente la nuit qui me faisait peur à présent m'apaise
06 octobre 2020
04 octobre 2020
ciel brouillé d’octobre — de temps en temps un sourire trompe sa prudence
dans les oliviers des fruits pour faire passer l’hiver aux oiseaux
il y avait longtemps qu’il n’était plus allé boire à cette fontaine
avec attention il écoute la chanson au bord du jardin
130
Paroles d’un compte erratique
le bois ciré brille odeur de vieille demeure mémoire des ombres
le chat est rentré avec des parfums d'automne de nuit et de brume
pénombre indocile qui éclaire la mémoire sans fuir les ténèbres
09 octobre 2020 le petit talus semble n’avoir pas compris que l’automne est là
autour de la lampe qui oscille sous l'auvent un halo de brume
un léger murmure le détourne brusquement de son déjeuner éternel retour des automnes au jardin et à la mémoire
07 octobre 2020
sous un soleil frêle le ciel se pare d’automne — atonie d’octobre souvent impatient ce matin il prend la pose avant de manger
brusque crépuscule héraut brutal d'une nuit devenue si longue
un spectre amoureux dans les arbres qui se frôlent attise la nuit
messager d'oubli dans la pénombre propice je ferme les yeux
une étoile verte le dernier verre de rhum a été fatal
le ciel s'est couvert et il fait doux sous l'auvent mélancolie tiède
dans la lueur pâle qui s'évade de l'auvent la bruine impalpable
octobre prodigue pissenlits et pâquerettes broutent le verger
08 octobre 2020
octobre déjà qui a grignoté l'automne je pense au printemps
rien dans le ciel que des lambeaux de nuages semblant égarés
10 octobre 2020
assis sur le sol il absorbe la lumière d’un soleil prolixe
le jardin s’éveille et le vert devient poète aux lueurs d’octobre
le soir s'évapore dans la douceur automnale du jardin humide
sur le bord du lit il attend que je me lève pour l’accompagner
ne pas résister quand le temps courbe l'échine il suffit d'attendre
depuis mon fauteuil je ne peux voir les étoiles que le vent caresse
131
Paroles d’un compte erratique
les feuilles des chênes n'ont pas perdu leur vigueur l'automne paresse
les pieds sur la table devant la télé éteinte j'arpente le vide
les pots sont brisés toutes les fleurs du jardin sont des fleurs sauvages
j'ai éteint la lampe je cède à l'obscurité un droit de passage
11 octobre 2020
le vent s'est lassé de courir dans le jardin une feuille tombe il y avait son rire de cette voix qui craquait comme feuilles sèches
le vent dans les branches le frôlement insensible de l’hiver prochain il carde sa couche et se prépare à dormir — je serre les dents
croisière d'automne sur la flaque encalminée une feuille morte
une odeur de vent vient se blottir sur mes cuissesle chat est rentré
plus de chant d'oiseau seuls les remords des corneilles qui brassent l'automne
papillon de nuit n'essaie pas de traverser la lucarne étroite
13 octobre 2020
dans la nuit d'octobre toutes ces feuilles qui tremblent acceptent leur sort
assis sur le banc je contemple les ténèbres d'un temps sans merci
la nuit s'aventure lentement se met à nu pour découvrir l'aube
dans ces vieilles tasses le café de ma grand-mère amer et sucré
le vent s'est calmé mais son souvenir glacé a pelé mes os
une feuille morte qui tombée dans le ruisseau rêve d'Amérique
tremblante lueur qui persiste sous l'auvent à brouiller la nuit
un meubles qui craque dans la pénombre indistincte rêverie rompue
12 octobre 2020
j'écoute le sang pulser dans mes artères silence vivant
la pluie de lumière qui atteint mon objectif brouille le jardin
j'ai rouvert ce livre feuille de ginkgo jaunie et la même page
le chat concurrence les pots baignés de soleil — il profite aussi
14 octobre 2020 132
Paroles d’un compte erratique
la nuit semble m'inviter à broyer du noir
à peine l’automne dans le frôlement des feuilles se fait-il sentir
loin dans la garrigue un petit pin malingre fait de l'ombre aux kermès
au bord de la terrasse il pose un regard surpris sur les faux papyrus
en face de moi posés sur un fauteuil vide deux coussins papotent je plisse des yeux et j'entrevois la lumière perdue dans la nuit
instant vénéré quand je pose ma carcasse dans le vieux fauteuil un petit soupir je viens de fermer la porte le chat est rentré
16 octobre 2020
la mélancolie qui musicienne à ses heures joue un adagio
le vent a cessé les nuages rient et dansent entre les collines
sous un réverbère auréolé dans la brume une odeur d'urine
profonde attention — la fenêtre grande ouverte capte son regard
il y avait ses dents comme joue un jeune chiot mordillant ma joue
le ronron du chauffage l'hiver en avance évince notre été indien
même avant le soir les pâquerettes d'octobre ont fermé la porte
paupières fermées bien calé dans le fauteuil j'écoute la nuit
15 octobre 2020
le chat est rentré pour aller sur la toiture compter les étoiles
les nuages fuient — ciel d’un automne venteux et mine glaciale
dans ma main sans force le verre trop plein frémit de l'ombre à mes lèvres
toujours cet air de potiche énigmatique — mon chat philosophe
malgré le vent froid les pâquerettes ouvertes au soleil du pré
une chaise grince mon ombre vient de poser sa mélancolie
souvenir fugace d'un été où l'on pouvait s'embrasser sans masque
nous avions le ruisseau pour effacer la sueur d'un amour d'été
la soirée paisible mais je ne peux plus écrire l'horreur au gosier
à travers la vitre
133
Paroles d’un compte erratique
passé la chatière odeur de nuit et d'automne mais moi je dormais
17 octobre 2020 lumière d’octobre — le jardin reste dans l’ombre par timidité
que me veulent-ils je me moque éperdument de mes souvenir dans la cheminée j'ai froissé de vieilles lettres il faut oublier
c’est au crépuscule que le fauve d’étagère s’en va à la chasse partout les ténèbres revenus les âges sombres qu'on pensait enfouis
il vient de rentrer pour m'offrir une souris puis il est sorti
la vieille navette du Vieux-Port au Château d'If parfum de croisière
19 octobre 2020
mon cœur bringuebale il cogne à toutes les côtes qui restent fermées
ciel immaculé — cet octobre rêve encore aux anciens automnes
ah le temps béni où les dieux étaient partout mais pas dans un temple
mon chat transformé en rat de bibliothèque — parfois seulement
le ciel s'est couvert les collines se préparent à subir l'orage
rongée du cancer d'une lâcheté cupide la charpente cède
c'est la voile noire l'obscurité a franchi le seuil de l'immonde
si doux d'habitude octobre cloue les collines d'un marteau de glace
18 octobre 2020
lucarnes fermées je n'ai gardé de la nuit que l'odeur du jardin
petit pissenlit dans cet octobre frileux tu restes bien fier
luminaire éteint la pénombre offre à la nuit l'occasion rêvée
dormir sans contrainte et laisser passer le temps d’une vieille image
trop froid sous l'auvent je suis rentré en tremblant me servir un verre
pas un craquement la pénombre se recueille auprès du silence
par la porte close des vents coulis sont entrés jusque dans mes rêves
petite flammèche qui vacille dans la nuit tu es bien fragile
20 octobre 2020 134
Paroles d’un compte erratique
plus de glands sur la terrasse le chêne est moins fier
sur un ciel d’octobre le soleil se lève et bâille de lèvres rongées
silence d'automne blottis dans le grand cyprès les oiseaux chuchotent au bord de la mer un vieux assis sur un banc de mélancolie
somnolent encore rituel matutinal il attend la brosse après les collines qui surlignent l'horizon un autre horizon
les muscles dissous par les ans et la besogne insane vieillesse
le chant des étoiles le silence de la lune masqué par le temps
22 octobre 2020
ma main douloureuse cherche dans ses poils douillets calme et réconfort
au-dessus des toits le ciel se met en colère mais il ne mord pas
sur le bois du lit une araignée à sept pattes veille mon sommeil
position filtrée — il dort sur mon coussin sage comme une violette
la bûche dans l'âtre crépite joyeusement une fée s'enflamme
les veilleuses veillent sur la maison endormie les rêves s'éveillent
lueur des étoiles le soleil sème des miettes pour rejoindre l'aube
le jardin s'endort dans le silence et l'oubli les feuilles se rendent
21 octobre 2020
d'une main tremblante j'essuie sur mes lèvres sèches le goût du silence
attente du vent le pissenlit se prépare au printemps prochain
la structure instable de mes dolentes défaites un pont vers l'enfer
regard implorant il faut que je me décide à ouvrir son bol
au fond de mes poches crissent encore les miettes d'un ancien chagrin
il fait presque doux et dans la nuit qui avance l'automne sourit
lourd sur mes épaules il fait trop nuit à présent pour s'en affranchir
mille pâquerettes dans le pré abandonné hommage à l'oubli
23 octobre 2020
le chêne émondé
il pleut doucement —
135
Paroles d’un compte erratique
Garlaban dans les nuages soupire en rêvant
l'averse est passée et un silence limpide se saisit des flaques la sieste trop longue a eu raison de la nuit je nous sers un verre
couché sur la table il se demande peut-être ce qu’est cet œil neuf tiédeur de l'auvent le ciel cache ses étoiles comme des diamants
la dame de pique sortie au premier tirage je rebats les cartes
une nuit soyeuse une odeur de pluie lointaine rafraîchit mes songes
25 octobre 2020
mélancolie douce cuillère de miel ambré sur les idées noires
ce matin les nues sur les berges du soleil ont pris de l’avance
hypnose des nuits on fait d'un rêve troublant un miroir sans tain
petit air bougon — si son ventre est bien à l’heure il gargouille encore
lent conciliabule entre mon ombre et moi chacun remplit son verre
et contre un couteau la menace nucléaire reste sidérée
un verre un dernier sans sommeil je vais dormir sur mes cauchemars
les dents qui me rongent n'ont aucune consistance mais elles me broient
24 octobre 2020
marcheur fatigué qu'épaisse vieillesse encombre déchirant son ombre
après les averses les oliviers sans poussière brillent au soleil
l'automne se creuse pourtant les feuilles des chênes s'accrochent encore
retour à la source qu’on regarde lentement couler dans le bac
ce soir je m'épuise à trier du sablier la poussière ingrate
coutume vivace chaque nuit tient la promesse de se rendre à l'aube
aucun mot n'accoste au quai de mes rêveries pas même un soupir
offrande de l'eau les pâquerettes fermées montrent leur visage
26 octobre 2020
déjà du figuier les feuilles tombées à terre se recroquevillent
il pleut ce matin malgré la langue de feu qui noie les collines
136
Paroles d’un compte erratique
où le temps n'en finit pas de crier en vain la fenêtre ouverte sur les spectres et les ombres de la nuit d'octobre
nous dormions hier soir engoncés dans le fauteuil d’épaisse pénombre un temps à la pluie l'escargot sur le fenouil se rit du lombric
amour de la vie la peau usée jusqu'aux os vieillard abusé
bataille rangée (en haut du verger) d'un côté les pâquerettes face aux boutons d'or
28 octobre 2020
timide anarchiste parmi la foule innommable je sais qui je suis
dans un ciel changeant les nuages passent libres de rire au soleil
le vent s'est levé par la fenêtre entrouverte je l'entends miauler
c’est au pied du mur qu’on reconnaît mon garçon au milieu du lierre
que me voulez-vous ombres d'un temps révolu mes os sont rongés
le lierre et le mur un rêve d'amour qui dure dur comme la pierre
la nuit se disperse particule élémenteuse de mes cauchemars
si vaste qu'il soit autour de moi l'univers m'étrangle et me noie
27 octobre 2020
la lune est passée au-dessus de la maison hautaine et muette
il est dix-huit heures la lune se lève enfin — trop tôt ou trop tard
j'oublie la rumeur et l'hystérie de la foule quand mon chat s'endort
quitter son donjon est toujours très difficile pour ce grand seigneur
je vais le rejoindre frôler ses yeux endormis et rêver pour deux
spectres dans la nuit cachés par l'ombre des arbres rêvant en silence
un livre au hasard et une page impatiente me saute au visage "Gervaise avait attendu..." "l'Assommoir" c'est donc un signe
la mélancolie comme un moineau apeuré blotti dans les yeux principe du vent ce n'est jamais le même air qui te vient aux lèvres
29 octobre 2020 un matin d’automne et un ciel sans fantaisie
cet étrange espace
137
Paroles d’un compte erratique
dessus les collines
trois sœurs et un frère dans un presbytère troquent des serments écrits
le regard fixé sur un horizon secret que lui seul contemple
pesanteur du corps et le vieillard insomniaque souffle sur ses rêves
je suis le menteur qui crois à ce qu'il invente très sincèrement
dans la lampe éteinte subsistera à jamais l'espoir de lumière
soixante-dix ans -j'ai mon compte d'errements d'erreurs et d'errances
31 octobre 2020
la nuit a fraîchi -l'hiver pourtant loin encore avance masqué
nuage en dentelle déchirée par le soleil — dernier jour d’octobre
les vieux qui promènent un chien fatigué l'entrainent vers la solitude
un tapis volant vole au-dessus du donjon — le seigneur s’éveille
malgré la froidure les fleurs du verger résistent au confinement
ce soir je ne peux tirer les vers du néant -ils sont bien en glaise
le ronron du poêle se colle sur mes paupières la nuit papillonne
30 octobre 2020
quand j'étais enfant je rêvais qu'une princesse me réveillerait je ne suis plus un enfant toutes les princesses ronflent
brume matinale au-dessus des arbres verts encore en automne
pourtant la lumière existe excite mon cœur de vieux timoré
regard curieux pointé sur je ne sais quoi d’intriguant possible
en face de moi dans le reflet sans lumière un visage austère
perdu dans mes songes je cherche un interrupteur pour briser la nuit
conscient de sa mort l'humain ne peut concevoir la fin de l'espèce
vous souvenez-vous du jour de notre rencontre ? hé bien, moi non plus !
petite lucarne entre la nuit froide et moi -écran trop fragile
ma gorge se serre -une inhumanité rance règne sur le monde
01 novembre 2020
138
Paroles d’un compte erratique
l’automne s’installe le premier jour de novembre pleure à la fenêtre
sur leur étagère Emma Bovary complote avec Anna K.
entre les créneaux de sa tour improvisée il régit son monde
la plupart des hommes n'ont pas de cervelle comme les punaises juste des odeurs
chemise froissée la flemme de repasser demain au lavage
la main dans la main une fée sans âge et moi traversons le temps
je ne m'ennuie pas mais je compte les carreaux au sol du salon
mélodie de l'âtre -quelques souvenirs encore partent en fumée
j'aurai dès ce soir ultime goût de la fin consumé la plume
j'ai beau porter un masque il y a toujours des aveugles qui me reconnaissent
coiffées de pénombre les pensées du soir cherchent abri sous la lampe
03 novembre 2020 dans un ciel pesant les nuages se dissolvent autour des collines
la première fois où ses yeux m'ont chaviré c'était en novembre ce ne fut pas la dernière hélas tout a une fin
à travers la vitre il compte les feuilles mortes et il prie pour elles
mon verre se vide sans que je m'en rende compte -regard vers mon ombre
on s'est plaint parfois de ces lits qui s'écartaient et qu'on voulait proches
02 novembre 2020
la télé éteinte n'a même plus de veilleuse pour crier à l'aide
peu après l’aurore l’or dans les cheveux du ciel — éblouissement
un meuble qui craque dans la pièce enténébrée -faux pas d'un fantôme
il est descendu de son piédestal sublime se mêler au peuple
trophées sur le mur -vieilles photos racornies d'un temps éculé
même si je vivais dans un palais je mourrai dans le taudis qui m'a vu naître nul ne peut oublier d'où vient son arrogance dans le chant d'un oiseau reste l'écaille de sa coquille
la nuit pénètre par la lucarne embuée au fond de mes rêves
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Paroles d’un compte erratique
sur ma langue encore qui me réveille la nuit ce goût d'abricot
la frêle allumette qui brusquement fend la nuit s'éteint aussi vite
boire un dernier verre -je me souviens du bistrot où je fus le pourboire
trop de pensées creuses dans mon crâne halluciné se heurtent ce soir
04 novembre 2020
au bord du chemin avant la dernière borne je fais une pause
le ciel se découvre et un soleil bienfaisant se libèrera
06 novembre 2020
à demi-masqué c’est un œil suspicieux qu’il m’a regardé
nourri d’air du temps j’ai déplacé ma jeunesse au seuil de la mort
il n'a pas de nom le frêle oiseau sur la branche, juste une chanson
07 novembre 2020 le ciel ce matin une vieille photo sale comme ma rétine
au fond de l'impasse l'affiche avis de recherche d'un enfant perdu
une image ancienne — il n’était pas décidé à tenir la pose
mon verre sournois se dérobe et je ne peux lui trouver d'excuse
le chat est rentré une odeur de pin brûlé le suit jusqu'au lit
je veille mon chat endormi dans mon fauteuil -à quoi rêve-t-il
chat crépusculaire qui arpente le jardin et me rend inquiet
sur le canapé quatre coussins avachis boivent le silence
ma main douloureuse mais avide de caresses posée sur mon chat
pénombre mutique murmuration de silence -la nuit se confine
08 novembre 2020
05 novembre 2020
des nuages las — le triste ciel de novembre n’est pas fait pour rire
au-dessus des arbres le soleil étire un voile de ciel sans nuages
près de se coucher il apprête mon coussin à sa convenance
douceur du regard ses yeux se sont abreuvés de douceur du temps
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Paroles d’un compte erratique
ce soir j'improvise une folle farandole et un grand silence
j'ai trop bu ce soir -le fantôme de mon ombre me prend par la main
sa bouche était rouge de l'eau froide du torrent -j'ai bu la montagne
veule et sans courage dérobant l'air que je respire -ombre de mon ombre
le jardin est triste sans le soleil ni la pluie -grises mes pensées
11 novembre 2020 au-dessus des toits quelques nuages paressent — la joie des collines
09 novembre 2020
brut de décoffrage — les ondes télépathiques de mon chat surprises
des nuages flottent sur un ciel de transparence — surprenant novembre
parfois je cultive la subtile indifférence du parfait anonyme
il fait ce qu’il peut pour profiter du soleil — même s’encager
le livre fermé -reste sur la couverture le don du poème
chargé de tendresse le galion a accosté au quai de l'ennui
précieuses chimères -la porte de la mémoire restée entrouverte
petite veilleuse sous mon crâne qui sommeille -personne ne souffle
oublier pourtant n'est pas si facile même les vieillards n'y parviennent pas
ni vent ni orage la mélodie du silence -cafard simplement
12 novembre 2020
10 novembre 2020
une laine grise frissonne sur les collines — le soleil s’éteint
au loin la colline sous un ciel pâle et brouillé soupire en silence
posé sur sa chaise il attend dans la cuisine une gourmandise
son tapis volant enfin prêt au décollage il attend mes ordres
il y avait sa peau et la folle odeur de l'aube pour nous réveiller
nostalgie amère -dans l'antre des souvenirs l'ombre se rebelle
141
Paroles d’un compte erratique
je ne comprends pas comment j'ai pu empiler tant d'ans sans sourire
l'automne est bien là le figuier n'a plus de feuilles les chênes jaunissent
écume du temps mon front brûlant dans la paume en est rassasié
la rosée épaisse à contrecœur se sublime dans le matin froid
le chat est rentré il me fait don de la nuit et des feuilles mortes
la trace des pas creuse une trainée brillante dans l'herbe qui glisse
13 novembre 2020
le soleil qui bâille entre les nues et la brume encore frissonne
gros nuages noirs — ils vont pourtant laisser place à un ciel limpide
je marche à pas lents -un cercle de feuilles rousses sous les cerisiers
comme moi il bâille au moment de se lever d’une longue sieste
un café m'attend -le chat resté sur la couette ne m'a pas suivi
j'ouvre la fenêtre -la nuit d'automne suinte d'un parfum tourbé
15 novembre 2020
remontant mon col je frissonne dans la bruine -la nuit suit novembre
un temps à l’orage malgré le soleil hargneux — les nuages gagnent
une feuille tombe lentement si lentement sur l'herbe accablée
il dort bienheureux le museau dans sa moustache sur mon vieux fauteuil
de l'auvent la lampe diffuse une lueur glauque jusque sous les chênes
enfourchant un rêve je cours jusqu'à la bouteille me servir un verre
minuit n'est pas loin je n'ai toujours pas sommeil je n'ai pas sommeil
le fauteuil qui grince dans la pièce enténébrée -le chat tend l'oreille
14 novembre 2020
le ronronnement d'un feu dans la cheminée peuple le silence
des troupeaux de nues broutent au dessus des pins dans le ciel limpide
le poêle et mon chat font un concours de ronrons -douce somnolence
avant de dormir sur mon ventre endolori il carde sa couche
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Paroles d’un compte erratique
posé sur mes cuisses nous allons dormir ensemble sur le canapé
19 novembre 2020
16 novembre 2020
sur la Sainte-Baume le ciel qui reste au bleu fixe attend le mistral
un petit mistral c’est un vent bien sympathique qui nettoie le ciel
mon chat sans pupilles se gorge de la lumière d’un soleil sans fard
qu’a-t-il bien pu voir au travers de la fenêtre que je ne vois pas
mon chat est rentré énervé par le mistral -je le réconforte
un ciel sans étoiles plus noir que la nuit encore pèse sur mon cœur
aujourd'hui le vent ronchonnait dans les feuillages -le ciel s'en moquait
les ombres surgissant de derrière les grands troncs mordent la lumière
moisson de regrets en friche de solitude d'ombre et de silence
taches de vieillesse -sur ma main endolorie rien n'est épargné
les tiroirs secrets de la mémoire renferment d'obscènes pensées
la nuit incommode laisse les ombres lascives hacher le sommeil
20 novembre 2020
18 novembre 2020
le ciel transperçant ne peut se dissimuler au regard des arbres
le ciel lumineux qui traverse le branchage s’oublie en novembre
il monte la garde depuis la table donjon sur la vieille vitrine
museau dans les pattes il garde les yeux ouverts sur ce monde absurde
dans les lauriers-tins les oiseaux piochent les baies -l'hiver sera rude
une dent dolente occupe mon attention -dentiste abhorré
au pied du talus un écureuil étourdi recherche ses glands
lumière indécise -les ombres sont assoupies tout le long des plinthes
peu à peu les chênes changent le teint de leur robe jusqu'à être nus
photo retrouvée dans le fouillis du grenier aussitôt brûlée
murmure du poêle -la respiration du chat somnolent complice
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Paroles d’un compte erratique
qui se souviendra d'un rêveur usurpateur que le vent secoue
21 novembre 2020 brumes dissipées quelques nues traînent encore dans le ciel figé
les coups de boutoir d'un mistral halluciné -les volets gémissent
il rêve éveillé attendant je ne sais quoi de miraculeux
le vent a cessé il reste le froid tranchant et les feuilles mortes
from the snowy peaks across meadows and forests -cold windy weather
23 novembre 2020
des pics enneigés à travers prés et forêts -temps froid et venteux
dans le ciel ridé sur la route du soleil lumière égarée
la crainte du vent qui frappe et hurle à la porte -furies dans la tête
regard attentif — à travers la grande baie une tourterelle
dans la nuit sans fond chargé de trop de mémoires je glisse sans fin
elle me taquine la lune se lève au nord -moi je l'ai perdu
cette vie de doutes qui va de rien au néant abreuve les temples
24 novembre 2020
22 novembre 2020
à l’est sur les collines malgré la lumière et les flammes le ciel est resté froid
sans métamorphose le ciel est resté de marbre les arbres figés
soleil dans les yeux ils en prennent la couleur et se font sauvages
chat de porcelaine sur la table du salon — dur à digérer
25 novembre 2020 photo sans rideau mais si on regarde bien il reste la tringle
la nuit de novembre sous son diadème de brume frissonne à la porte
un rai de lumière semble trancher le rêveur — reflet des carreaux
cette dent malade qu'il faudra bien arracher me perce les tripes
la lune gibbeuse encore endormie se lève bien après l'aurore
mémoire insoluble dans cette soirée paisible -je vais me coucher
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Paroles d’un compte erratique
26 novembre 2020
les noirs nuages pesant de mélancolie
sur l'attestation vingt kilomètres trois heures contents les chasseurs
son regard pointé sur la baie engrisaillée je n’existe plus
paresseux nuages qui ondulent dans le vent au gré de novembre
tout petit vestige d'un minuscule voyage sur le petit meuble
son petit doudou est un petit âne gris — mieux qu’une souris
je retiens souvent et garde par devers moi la fin de la phrase
02 décembre 2020
pour parer les murs des paysages abstraits grattés dans le plâtre
le soleil se lève dans les brumes de décembre— arbres verts encore
05 décembre 2020
sur le fenestron il absorbe quelques gouttes du soleil d’hiver
au loin la palombe dans le ciel désespérant garde encore espoir
03 décembre 2020
portrait matinal il n’a pas l’air de s’en plaindre et ça tombe bien
changement de ton — la nudité de l’hiver a surpris l’automne
il pleuvait lentement ce décembre d'avant elle marchait courbée sous le poids de l'année lentement et si lents reviennent les serments foulés et la mémoire laisse une trace noire sur son cœur éclaté un jour en plein été elle fuit en silence cette ancienne existence qui accroche à ses yeux ce printemps merveilleux au bord du quai si proche poings serrés dans les poches elle ne saute pas et revient sur ses pas au comptoir de la gare elle allume un cigare
d’un coup il se dresse il saute de son donjon pour quelques croquettes cette nuit glaciale l'a fait rentrer bien plus tôt réchauffer mon cœur il dort comme un ange -mais est-ce que les anges dorment en rêvant de sexe sur la mezzanine le chat dort dans mon fauteuil -d'en bas je le veille
04 décembre 2020 après les averses
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Paroles d’un compte erratique
commande un petit noir et un verre d'espoir quelques fleurs sauvages -j'en avais fait un bouquet qu'un âne a brouté
des arbres figés
sa jupe volait dans la chaleur de l'été comme un papillon
puis mon cœur s'arrête et reprend la route inquiète vers l'indescriptible
c'était en décembre et je me souviens encore du sel de ses larmes
cette pluie brouillonne brillant sur les feuilles mortes et brouillant le cœur
elle avait ce regard pathétique qui me faisait pleurer quand nous faisions l'amour
caché sous les feuilles le souvenir d'un printemps que mortes racontent
il hésite encore peut-être va-t-il pleuvoir — n’anticipons pas
le mur était haut -il fallait avec un rêve affranchir les pierres
06 décembre 2020
08 décembre 2020
le soleil d’hiver entre pins et oliviers paresseux se lève
un ciel aussi vieux que les plus vieux automnes que j’ai parcourus
un peu flou il dort sur les rondeurs de mes cuisses — la sieste complice
posé sur la table comme un chat de porcelaine presque une soupière
murmure du poêle -les feuilles mortes déroulent tapis à l'hiver
longtemps j'ai goûté aux fruits amers de l'angoisse -jeunesse est passée
dans la grande pièce un silence sans mesure berce mes pensées
j'étais prévenu je l'ai prise en pleine face -pourtant la vieillesse
la pénombre glisse dans le murmure du poêle comme une aube tiède
peu à peu mon verre se vide et la terre tourne plutôt mal que bien
symphonie de l'âtre et de mon chat somnolent -une ode au silence
l'univers borné aux dimensions de ma chambre -ma raison de vivre
07 décembre 2020
09 décembre 2020
soleil de décembre un ciel immensément bleu
le vent a chassé
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Paroles d’un compte erratique
au loin les épais nuages — il reste leu ombre assis sur le toit il cherche dans les feuillages un os à ronger
le vieux barde est aveugle aux rumeurs du monde
11 décembre 2020 après les nuages qui ronds emplissent le ciel la pluie droite et raide
je levais le masque -sur le chemin des douaniers je passais en fraude
portrait d’un matin où la pluie l’a confiné derrière la vitre
à travers mon verre la douce lueur ambrée d'un désir d'ivresse
au funérarium de cet hôpital sans âme j'ai veillé mon père
la mémoire hésite entre cuisante défaite et cri de victoire
une tourterelle sur un fil parade encore au mois de décembre
je ne cueille plus les frêles roses d'hiver j'ai assez d'épines
je pose mon verre au beau milieu de la table -je m'en sers un autre
10 décembre 2020 le ciel se prépare d’un ciel lumineux encore mais la pluie arrive
les fleurs se confinent jusqu'au réveil du printemps -l'hiver prend soin d'elles
regard scintillant posé au-delà des mondes sur son horizon
cette nuit il gèle -dans la coupelle du chat l'eau bientôt se fige
les gueux filent doux -avant de croiser le fouet ils mettent un masque
12 décembre 2020 le ciel reprend vie — lassées d’une nuit de pluie les nues se dissolvent
à la télé rance il y a plus d'escamoteurs que de badauds niais pour s'en ébahir
dans le clair-obscur d’un matin crépusculaire il hésite encore
vouliez-vous de moi princesse aux yeux de féline pour user vos griffes
les embruns glacés qui lacèrent mon visage se rient de mes larmes
faveurs d'une reine -bien qu'intrépide je crains de perdre la tête
son rire coulait comme une gourde d'eau fraîche un midi d'été
assis sur le seuil
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Paroles d’un compte erratique
je n'ai su rien d'elle sinon qu'elle a pris plaisir à me rendre dingue assis sur la plage au tout début de l'hiver l'horizon m'échappe
pesant sur le coussin mon chat qui parle en dormant raconte ses rêves au fond du couloir la pénombre trop épaisse cache des fantômes
je suis survivant d'un naufrage très ancien -mon propre naufrage
le vieux rosier sur la tombe de la chatte ne fleurira plus
13 décembre 2020
des grains de poussière voltigent dans la pénombre -je trie mes pensées
libéré par le vent l’intense soleil d’hiver éblouit les arbres
le fauteuil qui grince et mon chat dort agité -mauvaise rencontre
de l’autre côté le ciel est tout aussi bleu — il s’en rassasie
15 décembre 2020
outrage du temps -mon visage est moins ridé que mon âme l'est
dans la forêt sombre malgré le froid de décembre les fées farandolent
mon corps me ressemble gras et lourd comme une olive qu'une pie dépèce
petite terrasse d'où tous les matins je fixe un horizon vide
la fuite des ans -on devrait en avoir cent avant d'avoir vingt
des feuillets jaunis dans l'armoire aux secrets dorment -j'ai perdu la clé
douceur des soirées traversées dans la pénombre et la solitude
le long de la route une timide lanterne montre le chemin
sur le marque-page un numéro de portable -de qui s'agit-il
la lune insouciante paressait sur les nuages -mon âme était sombre
14 décembre 2020
16 décembre 2020
appareil malade — dès qu’il sombre dans le noir le ciel devient pâle
grasse matinée et le ciel me reproche — je ferai avec
assis à mon bureau il planche sur un dossier dont il n’a que faire
cette nuit mon chat a troqué une souris pour de la salade
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Paroles d’un compte erratique
mon esprit concave n'a pas encore bien saisi que la fin est proche je ne sais plus lire las de lire cette histoire que j'écris si mal
un temps à l’orage — la pluie qui se fait attendre est parcimonieuse son rôle au sérieux le gardien des papillotes s’est déjà servi
panne de courant -la veilleuse mon repère m'a abandonné
20 décembre 2020 ne plus rien dire -un maladroit trait de plume coupe ma parole
pensées sans relief murmure de la pénombre -la saison mauvaise
j'ai soumis mes rêves à l'épreuve de l'espoir -devinez la suite
le pont tenait bon -j'ai traversé sans encombre jusqu'à la vieillesse
cette nuit sans étoiles égarées dans le coton de nues invisibles
17 décembre 2020 des larmes épaisses solitude et dépression -le prix d'un sourire
21 décembre 2020
malgré ses yeux tristes il voit la vie en couleur -sourire grimé
traversant la brume les feuillages et les nues le soleil paraît
affiche écornée d'un vieux péplum suranné -cruelle mémoire
sur le coussin sombre il se prépare à la sieste — il n’est pas trop tard
par dessus la haie le ciel d'hiver a bondi -un éclat de rire
tache de lumière sur les coussins du salon -la pénombre inquiète
un halo blanchâtre dérivait sur les ténèbres -mon ombre peut-être
brouillon de silence -le bois qui brûle dans l'âtre marmonne en dormant l'hiver s'impatiente il piétine le paillasson qui garde la porte
18 décembre 2020 reflex sans rideau — pour protéger le capteur un miroir fragile
22 décembre 2020
19 décembre 2020
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Paroles d’un compte erratique
la brume collante qui imprègne le vallon soutient Garlaban
la nuit de noël mon chat arpente les tuiles et poursuit les rennes
la terrasse humide lui offre pourtant l’abri d’une plante en pot la nuit la plus longue d'une année interminable -reprendre son souffle
je lève mon verre -sous le sapin les présents attendront l'été dans la cheminée le feu impatient dévore la bûche soumise
je poursuis ma route accompagnant les méandres d'une vie brouillonne
25 décembre 2020 alors c’est noël et on ne m’a rien dit — où sont mes cadeaux
quand le jour se lève malgré tous les cauchemars j'ouvre la fenêtre
matin de noël — et dans le ciel quelques brumes d’un coucher tardif
23 décembre 2020 effeuillés les chênes les nuages effrayés effaré le ciel
dans les pyracanthes profitant du chat qui dort les oiseaux festoient
mon chat est inquiet — il surveille de la poutre la baie du salon
il y a longtemps il pleuvait sur nos espoirs -ils n'ont pas séché
à l'ombre pérenne du grand mur du pensionnat j'ai tenu sa main
étrange soirée -des ombres fuient des ténèbres mon chat rêve inquiet
à l'arrêt de bus exposé à tous les vents la brève rencontre
26 décembre 2020
c'est un être rude dont les poils sont rebroussés sur son cœur de laine
dans la nuit pesante les coussins du canapé ronflent comme moi
24 décembre 2020
vivre inaperçu -le rouge-gorge en hiver a changé de masque
le ciel se dévoile pour que la magie du jour enchante la terre
dans la lueur d'ambre qui traverse la carafe tant de rêves bus
portrait au fond bleu — parfois il me déconcerte en prenant la pose
27 décembre 2020 150
Paroles d’un compte erratique
sur la table entre les fêtes — gardien à la noix
un ciel barbouillé comme un lendemain de fête le soleil titube
l'hiver mains tendues -les passants pressés passaient d'un regard glissant au milieu des ruines sans conviction le vieux tire sa chaîne de montre
tu devrais plutôt que de prendre des photos remplir ma gamelle le fleuve était lent boueux et sans complaisance -mais j'ai bu son eau
où va-t-il ce train qui traverse le vitrage d'un bruit de ferraille
une nuit humide retient de l'ombre un frisson une envie de vivre
30 décembre 2020
elle souriait mais je ne savais que dire -un silence oblique
le ciel ne sait pas de quel côté se tourner — étrange désordre
28 décembre 2020
l’appareil m’échappe — alors que je peux capturer le rêve du chat
hiver plus vieux encore de quelques jours — la pluie indolente
pénombre propice aux marées de la mémoire -vase de l'estran
il poursuit ses rêves en embarquant sur la nef du sommeil du juste
vallée silencieuse -la pluie et le vent s'accordent enfin une pause
gazon recouvert de feuilles mortes humides -soir au cimetière
les journées se creusent comme les vagues du large que l'ennui taquine
des traces d'argent dans la brume matinale -chaussettes trempées
31 décembre 2020 les nues sont venues la pluie s’est mise à l’ouvrage gâcher la journée
il bruine ce soir -le jardin brumeux frissonne mon chat l'abandonne
29 décembre 2020
il reste impassible tout au milieu du salon il attend un geste
se frayant passage entre les nues vagabondes le soleil émerge
le ronron du poêle et la brume de pénombre entrelacs des sens
il garde les plats
i am an old man
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Paroles d’un compte erratique
without wanting or power but how I love life je suis un vieil homme sans volonté ni puissance mais j'aime la vie Menu du félin Matin : Croquettes Un petit oiseau Midi : Croquettes Saumon fumé Miettes de crabe Provolone Une petite souris Goûter : Croquettes Petit lingot de chocolat au lait Croquettes (pas de souris, il pleuvait) Soir : Croquettes Saumon mariné Huitres Noix de Saint-Jacques Parmesan Une petite souris le temps se balance à droite à gauche tic-tac toujours il avance "À vous tou.te.s que l'on aima et que l'on aime, "Comme une coupe de vin à la table d'un festin "Je lève mon crâne rempli de poèmes. Merci Vladimir Maïakovski de me prêter quelques mots pour souhaiter une merveilleuse nouvelle année.
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