Paroles d'un compte en suspens 02

Page 1

Paroles d’un compte erratique 2

Clair Charpentier michel lombardo


Paroles d’un compte erratique

29 avril 2019

la mélancolie jusqu'à la dernière goutte

l’écharpe du ciel accrochée en haut du cèdre au vent se déchire

un signe d'espoir la première page ouverte le sera toujours

patience attentive — depuis son observatoire il guette mes gestes

les yeux fatigués à attendre des ténèbres l'éblouissement

le chant des crapauds — ils répondent aux étoiles qui geignent sans bruit

des reflets d'argent dans la pièce empénombrée — la poussière danse

un coin de pénombre dans lequel se réfugient les mots du silence

30 avril 2019

la phrase bancale et la page maculée — un vers vient de naître

soleil déjà haut il invente des étoiles dans le ciel limpide

je marchais sans but quand craintif un écureuil m'en a donné un

trainer sous les pins et rentrer mine contrite pour un coup de brosse

deux corps assoupis sur le sable du méandre — fragrance d'eau douce

le loriot fâché voudrait bien faire la sieste — n'est-ce' pas tourterelles !

j'ai rêvé de vous vous aux ailes de dragon et langue de feu

ma tête grésille comme l'huile sur le feu et mon cœur trébuche sur chacune de mes côtes de longues traînées de sang

les crapauds se taisent — la nuit a repris sa route et le jardin dort

debout sur la digue le vieil homme échevelé a pris son élan

mon esprit obscur hésite à rendre les armes — j'éteins la veilleuse

il frôle l'écume et d'un dernier battement il tranche la vague

impasse du temps — on se heurte au dernier mur sans s’en retourner

des éclats de sel s’éternisent dans la nuit — le phare agonise

sur le décodeur inexorablement l'heure avance ses pions

les embruns désertent — les pavés ne luisent plus au port de l'ennui

0


Paroles d’un compte erratique

mon ombre diffuse accablée par ma fatigue accuse les ans

la récréation me semblait tellement courte le mur si tentant

la vision floutée par une larme incertaine — incertain regard

02 mai 2019 écrit dans le ciel mais les runes et les glyphes restent sibyllins

silence mon cœur je n'entends plus le désordre griffer mes artères

un bonjour au jour le doux minou est rentré se mettre à couvert

au bout du chemin tous presque tous nous pleurons un départ manqué

dans le vent sans force un parfum d’iris sauvage vient me tourmenter mais où donc s’est égaré le souvenir des arômes

01 mai 2019 dans mon sac de rires s'est glissé un éclair jaune un éclat baroque

les crapauds s'accordent à répandre dans la nuit leur cacophonie

l'ordre et le chemin nous les suivons sans connaître ni but ni raison

un archet grinçant sur les cordes de l'ennui

bruissement de feuilles le cauchemar des oiseaux réveille les arbres

le livre est tombé — sur sa poitrine endormie les mots en désordre

la vieille pochette aux encres décolorées un disque rayé

pensif sous les branches — sur mon crâne dégarni des chatons de chêne

mon cœur se rattrape à la rampe comme il peut avant de tomber

sur le bord du gouffre je respire lentement pour m'habituer

peur des nuits qui viennent encombrées du cauchemar des aubes trompeuses

la bile remonte et crisse sur mon gosier — nuit de marécage

le ciel était lourd les collines accablées transpiraient déjà

je lis la pancarte sur la porte de l'enfer : toilettes pour hommes

mois de mai déjà il me semble qu'hier encore je séchais l'école

mauvaise rencontre — doux minou vient de rentrer la queue en panache

1


Paroles d’un compte erratique

la lampe s'incline tout doucement vers minuit — paupières pesantes

si j'étais malin j'affréterais une jonque pour draguer le Styx

j'ai marqué la page avec le doux souvenir du grain de sa peau

soirée oublieuse et dans l'étendue de l'ombre un épais silence

je n'ai pas connu le désir de l'aventure — sourde est ma mémoire

de mes mains tremblantes j'ai sculpté dans les nuages l'ombre d'un sourire

rêver de tropiques les pieds calés sur la table dans des charentaises

sur la vitre froide s’est posé un front brûlant

03 mai 2019

de mes dents usées j'ai mordu dans la jeunesse d'un rire innocent

à bord d’un nuage le soleil franchit la mer agitée de ciel

la lampe courbée essaie de lire avant moi ce que j'ai écrit

pensif il contemple au bout de ses longues griffes les chasses manquées

je rêve hors du temps seule reste l’étendue désertée des songes

des lambeaux de brume s'entrelacent sous les pins — mai qu'est-c' que tu fais

04 mai 2019 il semble immuable mais chaque jour les nuages changent ses nuances

je finis mon verre mon ombre quitte la table mais je prends son temps

s’interroge-t-il sur l’état de sa conscience quand il se réveille

entre mes paupières un bataillon de fourmis piétine de rage

une étoile chante d'un silence illuminé dans mon firmament l’aurore encore lointaine a secoué ses cheveux

au fond de mon cœur une odeur de cendre froide passage du temps boulevard des solitudes impasse de vivre

le vent s'est levé hurlant déjà dans la nuit ses obscénités

une gaze lente se dépose sur le pré que la nuit caresse

les branches frissonnent une terreur atavique agite leur sève

2


Paroles d’un compte erratique

c'était un été parfumé de mille arômes — ce fut un été

rasés les parfums le jardin sent la poussière d'un bombardement

j'écoutais les vagues dont la volupté languide caressait le sable dans un crépuscule en feu le soleil brûlait la mer

le vide se creuse mes pensées sont submergées d'un néant gluant mes rêves d'enfant se sont fermés sur eux-mêmes comme une allumette

je sentais le sel transporté par les embruns ronger la blessure et dans mon cœur mis à nu explosait un sang de lave

paré de tristesse le marri rejoint le lit de mélancolie

sur le promontoire un pin foudroyé se dresse arrogant et noir

terrasse en désordre jonchée de débris de feuilles œuvre du mistral

mon gosier rechigne — d'une toux rouge je crache le feu et l'écume

l'ombre de sa main au parfum de papillon effleurait la mienne

le vieux fou s'endort rêvant d'un monde apaisé jusqu'à son réveil

dans le mur de pierres un iris décapité par le vent du temps

j'ai lancé les dés ils tournent, tournent encore

le bruit des rafales lui a fait dresser l'oreille un peu seulement

le vent veut entrer — il pousse sur les fenêtres son corps gémissant

la chanson du vent qui d'une amère complainte me tient compagnie

05 mai 2019

ah ce vent jaloux qui a fumé la moitié de ma cigarette

le ciel se déchaine le vent fouette les nuages le soleil complice

la lumière est triste — elle coule sur mes yeux en lames flétries

un petit massage c’est la façon qu’a mon chat d’écrire un message

je revois ses yeux ironiques et hautains qui m'étiquetaient

à sa source fraîche il l'abreuvait de désir mais s'en souvient-elle les ans perdent la mémoire et la source s’est tarie

06 mai 2019

3


Paroles d’un compte erratique

un peu affolé le soleil se prend les pieds dans les fil de brume

07 mai 2019 un œil de nuages bien au-delà du cosmos sourit au matin

il vient de manger il attend que je le brosse pour pouvoir dormir

il attend que s’ouvre la porte vers la toiture et sa promenade

mon pays c'est l'enfer des souvenirs de défaites et d’espoirs déchus tout au long de ses frontières des forteresses en ruines

manque de sommeil — après une nuit bien courte les fleurs se réveillent dans les couloirs de l’enfer un cauchemar les poursuit

les voiles ferlées il ne peut plus louvoyer il va sur son erre

surprenant silence même les crapauds bavards retiennent leur souffle

offrande du chat quelques plumes qui volettent et le bout d'un bec

dans le train de nuit sur l'épaisse moleskine un rêve endormi

dans le vase vide un souvenir de muguet

08 mai 2019

le vent traine encore une odeur de chair de poule et un ciel sans joie

j’ouvre la fenêtre sur un printemps sans sourire — le chant du loriot

pensifs l'un et l'autre nous arpentons le jardin mon chat suit mon ombre

un petit coup d’œil vers moi du coin des paupières — il est rassuré

des mots maladroits qu'elle n'a jamais reçus dans le vieux plumier

elle était mon aube le matin de toutes les joies puis s'en vint le soir et les lampes impuissantes ne vomissaient que des ombres

le fauteuil qui grince — pourtant je ne bouge pas pris dans mes chimères

la couleur de l’encre avec laquelle j’écris est parfois si sombre

tempête d'hiver — les vagues échevelées sur la roche avide

la pluie doucement de son chant mélancolique caresse les tuiles

à l'entrée du port secoué par les embruns un bouquet de roses

dans l’incertitude devant la nuit impassible le soir hésitant

parfois d'une larme versée par inadvertance un désert fleurit 4


Paroles d’un compte erratique

la pluie hésitant dans le vent et la nuit froide chante doucement

que de joies passées me reviennent à l'esprit — mémoire encombrée il est temps que le vent souffle sur les feuillets griffonnés

penché sur la feuille complice de mon stylo je gâche des vers

09 mai 2019

dans l'herbe mouillée les premiers coquelicots se sentent des ailes

des gouttes restées — un souvenir de la pluie collées sur le filtre

la mélancolie d'une rage insoupçonnée me saute au gosier

elles ont bougées dans le vent du déclencheur — oreilles sensibles

petite musique un acouphène insistant battant la mesure

l'oubli est facile quand les mots sont le décor d'amis illusoires mais la mémoire s’inquiète de silences trop pesants

il bat de guingois le cœur trop souvent épris de pompeux mirages

un dernier regard au fond de la tasse vide — une île inconnue

une dent malade que l'on ne peut s'empêcher d'aller agacer

silence serein pâle lueur sous l'auvent et l’esprit en pause

ainsi l'homme vit à jamais insatisfait de lui et du temps

j'ai fermé la porte au nez des vieux souvenirs — regard vers demain

pourquoi donc ce soir le souvenir des défaites me meurtrit les tripes

dans ma main ouverte la légèreté du soir où elle a souri

au bout du regard sur le mur de pierres brutes un coquelicot

hallucination — un discret parfum d'iris brise le silence

des embruns glacés m'ont assailli sous l'auvent colère de mai

l'ombre est éphémère il n'y a qu'en plein soleil qu'elle rit de moi

le ciel lilas sombre comme la faïence usée d'une vieille tombe

rivière prégnante — sur la plage de galets des cendres anciennes

au bout de la route sur la borne mal scellée j'entends son rictus

5


Paroles d’un compte erratique

des mains si petites qui pourtant serraient le monde que nous espérions

les coquelicots embrassent les pâquerettes la fierté du pré

velours d'abricot dans mes mains ses seins chantaient le printemps

de sa voix de craie elle écrivait sur mes murs des mots insolubles

la mer la rivière deux étés qui se confondent sur la même peau

la lumière sourd des fissures de mon cœur il pleuvait des cordes et les violons s'en servaient pour jouer à chat

un vieux livre offert et sur la page marquée des mots effacés

dans le vieux fauteuil je m'enfonce dans la boue de mes souvenirs

sous le haut plafond une toile d'araignée nargue le balai

les feuilles frissonnent elles lisent mes pensées

elle était la reine qu'un autre roi possédait — j'étais un joker

10 mai 2019

c'était une histoire avec des fleurs de rosée et des points virgules

un ciel de passages où les destins s’entrecroisent et toujours s’ignorent

douceur de la nuit — emmitouflé par l'auvent je rêve d'étoiles

entre-jour subtil dans la pénombre complice d’un regard distrait

oh je n'oublie pas la poussière de l'étoile qui brille pour moi

jamais solitude ne m'a pesé - c'est à croire qu'il faut vivre seul pourtant j’ai longtemps cherché l’autre cerneau de nos noix

un soupir soudain dans le silence blafard et la somnolence minuit est passée un second verre me tente — pourquoi résister

au crapaud répond la complainte de la chouette — accord imparfait

vieillard insolent j'ai bien envie de souffler ma propre chandelle

porté par le fleuve la brindille atteint la mer

mais je ne sais pas quelle est la couleur de l'herbe après l'horizon

lucarne fermée la nuit murmure à la porte

11 mai 2019 6


Paroles d’un compte erratique

brouillon chiffonné le ciel veut passer la main sans se défausser

la source tarie a été l'inspiratrice de tous mes déboires

que regarde-t-il à la porte du grenier — pas même son ombre

le temps est passé je ne sens plus sur ma peau l'odeur de garrigue

le vent qui se lève chante encore dans les branches un air trop connu

sa peau de velours un fruit gorgé de soleil qui riait en mai

ma respiration accompagne le refrain de la somnolence

13 mai 2019 parfois une pie ose traverser le ciel de son vol baroque

tu aurais aimé qu'il existe un univers où le temps serait

maître de son domaine il apaise la lumière d’un regard distrait

une dimension comme une autre tu pourrais la rencontrer plusieurs fois plusieurs fois elle pourrait te laisser ça ne ferait pas mal

je garde de vous une profonde amertume et une nausée comme ces coquelicots qui brûlent sous le soleil

puisque tu pourrais la rencontrer plusieurs fois

dans la rue déserte toutes les façades grises ont fermé les yeux

12 mai 2019

sur les pavés sales coulait la lumière humide de lents réverbères

figé dans l’instant le ciel ignore le vent qui pétrit les nues

sur les tas d'ordures glissaient des rats monstrueux et indifférents

la lucarne ouverte au vent de la nuit qui pèse sur son regard vague

c'est là que vivait la fille au regard brouillé et aux lèvres molles

il est tard ce soir mon désir de vous revoir agite mon ombre or l’attente est inutile et les étoiles éteintes

un rasoir obscène lui a tranché le gosier et les espérances

c'est un vent tranquille une brise nonchalante qui rode la nuit

c'était une nuit où l'automne était paisible et les jupes courtes

7


Paroles d’un compte erratique

la fenêtre ouverte sur la nuit douce et docile — afflux de mémoires

l’herbe déjà haute pare les coquelicots d’un écrin de jade

rêver sur le fil du labyrinthe insoluble d'un passé noué

une fleur de chêne est tombée entre les pages du livre entrouvert

l'auvent sans lumière luit des oliviers d'argent que frôle la lune

des oiseaux conversent je ne sais en quelle langue — verger exotique

dans la pièce sombre où le silence suinte des murs menaçants

un éclair bleuté cligne entre les branches— un geai a changé de chêne

14 mai 2019

l’ombre de mon chat plus agile plus féline joue avec mon ombre

le ciel déplumé n’a laissé aucune chance à mon œil marri

dans la nuit de mai le chant silencieux des feuilles accueille le vent

pendant ce temps-là sur un coussin pas très net il rêve et sourit

les pins se recueillent dans une odeur de résine le soleil se couche

la chouette malade dans les branches ténébreuses hulule en tremblant et ses plaintes hérissées terrifient l’ombre des chênes

quand elle marchait je voyais une danseuse au-dessus des nues un sourire étrange quand elle me regardait arrêtait mon cœur

15 mai 2019 le ciel en brouillis grise la mélancolie de toutes ses nues

aucun mot jamais n'a pu sortir de ma gorge et il est trop tard

mon chat se réveille d’une nuit douce et paisible — chiffon de peluche

tant de temps passé maintenant c'est ma mémoire qui la voit danser

ce matin de mai les coquelicots s'éveillent d'un bâillement rouge et dans ma poitrine baye une grande nacre vide

une sauterelle égarée par le parfum bondit sur ma main pour elle j'avais cueilli un bouquet de fleurs des prés

8


Paroles d’un compte erratique

au bord de l'étang des couples de demoiselles convolent en cœurs

la nuit équivoque à la fois sombre et légère silencieuse et lourde

16 mai 2019

le vent lui disait d'aller au bout de ses rêves et l'oiseau l'a fait

un ciel illusoire — quelques taches sur le filtre ersatz de nuages

reflet de la lampe et le miroir s'interroge — où est-elle donc

interrogatif aussi haut que son donjon le doute s’installe

17 mai 2019 rassemblant les nues le ciel appelle la pluie le soleil déserte

le soleil s'abreuve de l'herbe gorgée de sève — midi de mai tendre quand je verse dans mon verre la lumière d’un sourire

consciencieusement toutes ses griffes dehors il masse mon ventre

ombre du grand pin auréolé d'un nuage — odeur de la pluie

au bord du sourire comme le coquelicot mes lèvres frissonnent surpris au bout de ma langue un souvenir doucereux

la nuit amoureuse entre frisson et délire — avant goût de fin

sur le pré jauni la pluie comme une semence tombe déjà verte

les fleurs ont fermé leur vêtement de lumière au lent crépuscule

mon âge me pèse — ah revenir en arrière d'une ou deux erreurs

dans ma main sa main d'enfant tachée de couleurs me rendait immense

d'une branche à l'autre un loriot a traversé vert comme un éclair

le jour est levé j'ai à peine l'énergie d'ouvrir le volet

redoutant l'été je voudrais bien cultiver la fraîcheur de mai

je compte le temps dans ma besace de rêves des miettes encore

je pense à demain alors que rien n'est moins sûr — folles espérances

soupir du fauteuil quand avec la lassitude j'y jette mon ombre

lumière timide au-dessus des mots écrits avec arrogance

9


Paroles d’un compte erratique

pas de vent - la nuit s'impatiente des chemins couverts de poussière

les arbres pensifs laissent la mélancolie couler sur la nuit

18 mai 2019

pesant sur ma canne je traverse le verger où les fruits pourrissent

serpillières sales les nues enduisent le ciel de mélancolie

19 mai 2019

sur la table basse il interroge la porte ouverte derrière

j'ai pris le manteau du rêve et du souvenir pour courir vers elle il fallait être trop sage pour ne pas capituler

l'orage menace à coups de tambour sonores mais il ne mord pas paisiblement les nuages se sont assis dans le ciel

soleil en retard il boira son café tiède au zinc des nuages

there was a moon in my sky that was crazy

on dirait qu’il songe mais c’est un simulateur en fait il roupille

cette nuit encore je tamise la fatigue de mes mains de sable

la pluie qui chantonne sous un ciel de rose-gris irrite mon cœur

entre deux nuages une étoile fait un signe— mais que veut-il dire ?

la nuit se prolonge et mon chat ne rentre pas — à qui sourit-il ?

il était minuit sur les marches de l'église j'attendais le diable

la pluie a cessé — la lumière de l'auvent brille sur le pré

j'avais dix-sept ans le diable était si joli dans sa jupe courte

les pieds sur la table je laisse passer les heures et les ombres pâles

nous avons couru main dans la main jusqu'au bord de la voie ferrée

petite lucarne comme un rempart à la nuit qui me prend la gorge

j'ai tout mélangé l'enfer et le paradis dans les herbes folles

rentré serpillière mon chat rejoint les peluches et la couette tiède

puis elle a souri clin d'œil quand j'ai pris le train en pleine poitrine

le temps a passé dans la maison endormie ombres souveraines

10


Paroles d’un compte erratique

à l'arrêt de bus les gouttes mélancoliques sur l'auvent de verre

rêver tristement pour que ne s'emmêlent pas les vieilles démences

elle est loin déjà bien plus loin que je ne pense dans la ville obscure

mon ombre ricane mais mes doigts tremblent souvent quand je pense à elle

j'avais attendu l'insolence du sourire et ses yeux narquois

était-ce un loriot qui chantait au crépuscule ou bien une alouette

chacun dans son bus l'automne était la saison des serments froissés

seule une hirondelle peut écrire dans le ciel d'improbables runes

première défaite je ne savais pas alors qu'il y en aurait tant

21 mai 2019

20 mai 2019 le soleil prépare une apparition soudaine — tunnel dans les nues

aujourd'hui à la cantine c'était langue de bœuf langue de meuf il en reste au bout de la langue au bout du gland

sur le coussin rouge notre majesté somnole altitude hautaine

deux années bientôt passera l'anniversaire avec la nausée

le train des ténèbres il roule loin vers l'oubli sur des rails qui geignent il convoie avec insolence l’idée même de néant

le cœur se torsade sur le bruit de mes artères et le sang persifle vallée silencieuse je respire sous l'auvent la nuit parfumée

sombre était la nuit les étoiles avaient fui un ciel sans courage

du bout de mes doigts je modèle dans les ombres un pieux souvenir

ils ont accosté le long du quai de l'ennui chargés de mémoire les cauchemars de mes nuits ont bondi hors des armoires

l'odeur du jardin s'est conjuguée au silence et au temps vaincu

la pénombre lasse qui interroge les ombres fait vœu de silence

papillon de nuit autour de la lampe il brûle ses ailes fragiles

11


Paroles d’un compte erratique

premières sueurs d'une petite chaleur — le mai se réveille

soupir minuscule à peine un bref chuintement — la nuit me rattrape

mon chat en été se souvient qu'il est un chat et la nuit le grise

fauteuil trop profond persistance des mémoires les vagues submergent

j'ai tant rêvé d'ailes mais jamais je ne serai l'ange bienveillant

les rêves sont fourbes qui ont confondu les larmes au bruit de la mer

23 mai 2019

22 mai 2019

24 mai 2019

douceur de la nuit quand les étoiles murmurent dans le ciel sans tache

un chant dans la nuit remonte de la vallée — parfum d'herbe rase

respiration lente — peu à peu mon corps pesant libère son ombre

sur le banc de bois il songe à un avenir déjà moribond

sur ma vieille peau des écailles de lézard et le temps qui passe

le loriot raconte à sa commère la pie l'histoire du vent

au-dessus de moi elle veille ma fatigue la lampe s'ennuie

le cœur de guingois tremblote dans son clapier — animal craintif

trois fois je relis la même phrase insensée — lourdeur des paupières

25 mai 2019 le temps grain à grain s'égoutte comme la pluie sur le sable tiède

à l'ombre des chênes j'écoute l'herbe pousser — dialogue des fleurs

la nuit est sucrée — des effluves d'herbe douces guident les étoiles

je pose mon livre et je referme les yeux sur l'odeur du pré

le ciel a grogné sous la lumière d'orage mais n'a pas mordu

il se pose enfin sur la frêle pâquerette le bourdon lourdaud

pénombre et silence les fidèles compagnons de mon âme lasse

des pies se chamaillent — vie sauvage d'un jardin qu'on pensait si calme

12


Paroles d’un compte erratique

une seule étoile et tout d'un coup le ciel s'illumine d'espoir

26 mai 2019

je passe mon temps à suivre dans ma mémoire des voies incertaines

heure du pastis — le loriot dans mon oreille raconte l'été

27 mai 2019 17 juin 2019

les sons de la nuit étouffés par la pénombre glissent lentement

vagues malheureuses la cime frêle des chênes poudre les nuages

la nuit d'émeraude le long de ses fils amants brode les étoiles

le vent et la nuit qui s'ennuient dans les branchages jouent à qui perd gagne

sur les murs grincheux les portraits mélancoliques de mes souvenirs

les ombres diffuses couvrent d'un voile de cendre un rêve indompté

murmure incertain un aboiement indistinct la nuit fait silence

la nuit oublieuse intarissable conteuse abreuve mes rêves

j'ai soif dit la vie à la tienne dit la mort en vidant mon verre

souvenir fragile où sa peau contre ma peau cernait l'univers

calme vespéral entre nuit et crépuscule murmure des feuilles

histoires toujours épisodes d'une vie dépourvue d'espoir

odeur d'herbe sèche dans la nuit respire à peine mon cœur effrité

majesté du ciel qui domine dans la nuit les frêles étoiles

moiteur sous l'auvent une rivière salée coule sur ma peau

la nuit mélomane dans le champ clair des étoiles le chant de la chouette

au bord de la mer j'écoute le chant salé des rides de sable

le ciel clair encore — la symphonie des étoiles accorde ses violons

brûlé d'insomnie le bruit des routes la nuit couvert de nausée

du haut de mes rêves sur l'étroite passerelle la mer s'est ridée

une brève averse le parfum de l'herbe humide muse dans la nuit 13


Paroles d’un compte erratique

midi sous l'auvent le soleil met tout son poids à trancher les ombres

le soir se la joue les claquettes de la pluie claquent sur les flaques

soupir de la nuit accablée dans la moiteur et le manque d'air

silence accablé dans la nuit pas un soupir même le dernier

perdue dans les branches la lune grave des ombres égarées d'ennui

fauteuil défoncé par le poids des souvenirs l'amer me ravine

comme une aigue-marine ce soir le ciel s'illumine dans le bruit des vagues

dans la nuit sans brume et le vent aventureux bruissent les étoiles

la nuit se fait lente et langoureuse elle va au bout des murmures

elle marchait sur le sable où les vagues se couchaient comme une voile écarlate l'ombre de sa jupe

18 juin 2019

de cruels nuages ont dévoré les étoiles je pleure la mienne

discret je m’installe à l’extrémité du quai — je lis les embruns

un ciel lourd de sable agite ses voiles jaunes de transpiration

les fleurs de lauriers rosissent dans la haie sombre — plaisir écarlate

j'ai trouvé refuge dans le ventre de la terre je ne suis qu'un ver

dans ma tête obtuse le lent murmure des vagues entre les galets

la lumière jaune d'un ciel accablé de sable nargue le soleil

je suivais la digue le regard sur l'horizon bleu mélancolique

accablé de brume mon esprit traîne sa gorge d'un alcool à l'autre

vieux clown fatigué je ne fais rire personne d'autre que mes larmes

le ciel s'éclaircit et la nuit reprend sa route vers l'aube indécise

au-dessus du pin parmi les flocons de nues mon étoile pleure

rieuse mémoire qui ramène aux souvenirs des heures heureuses

sur le toit instable mon chat attend de la lune une facétie sur ma peau les rides

14


Paroles d’un compte erratique

comme un désert oublié crissent et se creusent

sur la tombe de mon père — j’irai le rejoindre

entre sombre et bleu les nuages se rassemblent autour de la lune

la lune s'attarde un moment et sur les pins leur couronne dort

la nuit équivoque — dans les canines du loup le chien jappe encore

20 juin 2019 les crapauds rejoignent leur repaire de silence — le cri d'une chouette l’heure noire qui s’impose masque les couleurs de l’aube

19 juin 2019 interrogations — dans un halo de lumière contempler la nuit

d’un bond gigantesque il saute sur le crapaud pour faire la sieste

des traits de lumière que la nuit s'est empressée de vite effacer

un jet d’étincelle quand la meule du soleil frôle le capteur

dans la nuit de juin quand l'auvent respire enfin germe l'espérance

c'est l'heure où les rêves s'éveillent de leur torpeur et secouent la nuit

guenille élimée couvrant des épaules lasses le temps s'effiloche

le long de ses rives un fleuve sans fin dépose des méandres las

dans son regard sombre la lumière de l'espoir prête à s'enflammer

j'ai connu des nuits tellement plus lumineuses qu'un soleil jaloux

mes mains de vieillard tremblent vers le souvenir de ses mains d'enfant

souveraine et nue dans la fumée elle danse la vieille gitane

la pénombre froide glisse sur ma peau couverte de mélancolie

de mes pas usés je foule l'herbe brûlée d’un cruel été

nuit dubitative — que les ombres se rassurent je reste leur proie

son cœur abricot brûlait dans ma main tremblante — premier jour d'été

mes pas incertains sur l'allée de marronniers troublent le silence

minuit sous la lune à l'abri dans les étoiles les anges somnolent

je ne vais jamais

15


Paroles d’un compte erratique

matin sans espoir à peine un petit fantôme de vapeur qui passe

21 juin 2019 sur le carrelage il a posé tous ses rêves et s’endort heureux

petite commère il commente les gambades des pies énervées

un ciel insolent encombré de lourdes nues tient tête au soleil

enfin souriante au-dessus de l'horizon voilà mon étoile

devant la maison menton posé sur sa canne le vieillard soupire dans son regard presque aveugle la poussière se dépose

au bord d'une larme je me raccroche à un cil — j'étais sans espoir nuit en embuscade dans les ombres des grands pins retenant leur souffle

le dico des synonymes c’est le pire ami du piètre poète

fraicheur de la nuit dans les frissons de ma peau j'en garde l'espoir

sur les pissenlits un souffle de vent libère des parachutistes

une dent m'agace j'essaie de ne pas la toucher mais c'est impossible

un parfum d'embruns irisait sa chevelure — la mer nous berçait

d'une main rageuse sur ma cuisse endolorie je claque un moustique

dans ses yeux si sombres l'éclat brillant du charbon embrasait ma gorge

nos doigts mal mêlés ne trouvaient plus le chemin de l'effervescence

il y avait un banc sur lequel veillaient mes rêves et le sable humide

j'ai rangé ma plume et l'étui de la mémoire au fond d’un tiroir

elle avait des yeux que même les émeraudes auraient jalousés

un regard regret — au bord des embruns cinglants un château de sable

je rêve de pluie tandis que l'herbe brûlée crisse sous mes pas

23 juin 2019

sur le quai désert la brume effaçait les heures de la vieille horloge

contrails et nuages se conjuguent au-dessus du chant des oiseaux

22 juin 2019

16


Paroles d’un compte erratique

d’un grand bâillement il entame sa séance de sieste au long cours à l'ombre des pins nous goûtions le sel des vagues dans l'étroit silence

consent à descendre le dos contre un pin nous regardions la fournaise des kermès ardents pas un souffle d'air qui pourtant semblait tout prêt d'embraser les pins

torpeur de midi dans les verres embués plongeaient nos sourires

odeur de garrigue et de poussière mêlées — le cri des cigales

les cris des mégères qui sur le port s'interpellent à coups de sardines

l'été des collines crissait sur nos peaux fouettée par des parfums âcres

savourer le soir où quelques frissons encore jouent avec les pores

nous étions enfants venus de la ville rance dans l'enfer des ronces

silence du soir le feuillage qui frémit a perdu espoir

le poids de midi dans les verres encombrés de glaçons fondus

le sud se précise on sent déjà son haleine rêver de banquise

elle était murène aux dents longues et pointues j'étais un goujon

au bout du désert quand le sel se mêle au sable l'odeur du néant

25 juin 2019

24 juin 2019

planche surchauffée par un soleil sans mesure le ciel se résigne

un détour par l’est — la nappe de plomb fondu surprend les collines

quelle que soit l’heure c’est l’heure de la toilette juste avant la sieste

la semi-pénombre un halo de pureté le regard du chat

chaleur de la nuit — les rêves se sont noyés dans un lac de lave

couleurs de la nuit — le ciel assombrit les ombres qui bruissent encore

26 juin 2019

couché sur la table le chat attend patiemment devant mon assiette

pourquoi s’obstiner — dès le matin le ciel coule comme de la lave

monté bien trop haut peu à peu le thermomètre

sous le ventilo

17


Paroles d’un compte erratique

il s’efforce malgré tout d’éviter le rhume la terre irradiée — de longues langues de feu lèchent les collines

29 juin 2019 même pollution dans le ciel toujours malade d’un coup de chaleur

la nuit est propice aux échanges chaleureux et rêves torrides

un petit coup d’œil avant d’envoyer la langue en reconnaissance

27 juin 2019

les pensée bouillonnent — de grosses bulles éclatent devant mes paupières

toujours le même est charriant un sud torride dans un ciel d’enfer

mon ventilateur a inventé l’harmattan — j’attends la poussière

fauteuil et pénombre pour lutter contre la chaude ambiance aux aguets

pris dans la lumière un vieux papillon de nuit s’y brûle les ailes

la nuit se répand sur les collines fourbues essoufflée et moite

30 juin 2019

la chaleur prend corps — elle s’installe à la table du festin de pierre

même zinc brûlant le ciel ne se souvient plus des aubes fragiles

28 juin 2019

tous deux côte à côte nous nous estimons à l’aune de nos propres siestes

pour ne rien changer dans le ciel aucun auspice n’augure la pluie

dans le lourd silence et torride de la nuit le souffle des arbres

il choisit sa place bien orientée dans le flux du climatiseur

collé sur le ciel un voile de laine blanche retient la chaleur

de l’huile crépite dans le chaudron de la nuit — friture brûlante

je sais les étoiles bien au-delà des nuages je sais qu’elles brillent

lent accablement — dans la nuit les murs transpirent la sueur du jour

le long de sa joue une perle de sueur luit comme une larme

les ombres se fondent dans les buissons recouverts de poussière aride

01 juillet 2019

18


Paroles d’un compte erratique

changé d’objectif mais cela n’arrange en rien le rictus du ciel

les lauriers-roses en fleurs de gentils fantômes dans l'herbe brûlée quelques fleurs ont résisté aux dards du soleil

toute position lui convient pour rafraichir sa fourrure dense

le ciel est opaque — la chaleur de la journée se heurte au néant

au bout de mes doigts je garde le souvenir précieux de sa peau

des parfums puissants de foin et d'herbe mouillés traversent la nuit

l'histoire était lente et ne s'arrêtait jamais — le rêve brisé

mes mains de vieillard aussi ridées que la lave sèche des volcans

à la source fraîche ma langue lapait le miel d'une ruche étrange

dans le vent des pales je laisse flotter la nuit sur l'onde des songes

un vent trop léger salue les feuilles du chêne qui s’incline à peine

j'aimais son sourire et sa voix qui déraillait au moindre je t'aime

du haut de la dune il contemple le désert de sa vie de sable

j'aimais la distance et l'élan qu'elle prenait à chaque baiser

la nuit est immense que les étoiles caressent trop timidement

j'aimais sa peau chaude au velours de fruit d'été à peine cueilli

au bord de mes rêves une fée tisse sa toile d'argent et de lune

02 juillet 2019

j'étais si stupide et alors qu'elle m'aimait je l'ai mal aimée

un brin de lavande s’est répandu dans le ciel — le chant des cigales

03 juillet 2019 en convalescence le ciel a repris des forces sur un lit de chênes

au fond de l’armoire parfum des tapis de bain et douce fraicheur

avant de sortir un petit coup d’œil discret sur le temps qu’il fait

la lumière glisse par les fentes des volets — la poussière joue

odeur du jardin quelques gouttes sont tombées

lueur de l'auvent -

19


Paroles d’un compte erratique

parfum de la pluie

la nuit inféconde les mots désertent le ciel sans laisser de trace

au loin le tonnerre poursuit sa route éphémère en frappant du pied

petit à petit une montagne d'années dans le sablier

vieux cœur d'artichaut je les ai toutes aimées les feuilles volantes

mes rêves d'enfant comme un coussin de duvet allègent mes nuits

jonque encalminée livrée au gré du courant besogneux du temps

je buvais sa peau de la langue inassouvie d’un rêve de sable

chant d'après la pluie une chouette dans la nuit remercie le ciel

05 juillet 2019

ivresse du soir le corps entier détendu s'abreuve d'air frais

des langues de feu ont labouré dans le ciel des sillons ardents

songer à demain quand les heures sont comptées ça tient du miracle

il semble bouder comme le sphinx incompris de l’humanité

04 juillet 2019

je fixe le ciel qui s'assombrit peu à peu j'attends mon étoile

hier au soir le ciel s’était habillé de pluie — vite dénudé

cultiver l'espoir comme une pomme de terre c'est très nourrissant

attente de soin pour un tout petit bobo avant le brossage

la journée torride me laisse à peine l'espoir d'une soirée tiède

pas de vent ce soir pour illuminer les arbres la nuit seule immense

il y avait ses yeux d'animal qui se posaient au-delà de moi

l'ombre sur le mur figée comme la statue d'une vierge morte

et puis son sourire qui jugeait dans la balance le poids du silence

entre les galets le souvenir des éclats de rire polis

sa peau de sirène que j'osais frôler à peine et son arrogance

le long du rivage égaré dans le chagrin des vagues fourbues

20


Paroles d’un compte erratique

ou cette insouciance de ce que je pouvais dire pour nous rapprocher

son visage blême sous sa chevelure noire me rendait malade du désir de l'entourer dans la tiédeur de mes bras

mais elle est restée auprès de moi des années malgré ses absences

07 juillet 2019

petite nigaude que je n'ai pas su aimer comme tu me manques

soleil indécis qui hésite entre moiteur et chaleur torride

de plus en plus vite le train file vers la gare au bout de la ligne

sur la chaise longue le chat hésitant encore à s’endormir là

sur l'ordre d'un dieu sa peau lui fut retirée ainsi que ses yeux que pouvait-il ressentir lui qui était déjà sourd

la nuit qui s'entrouvre dans la chaleur de l'auvent grince sur ses gonds

06 juillet 2019

en ombres chinoises des fantômes essoufflés la cime des arbres

l’objectif prudent contre l’assaut des rayons a mis sa casquette

petit vent fourbu l'odeur brûlée de garrigue crisse dans le soir

à côté de moi dans le flux d’air impalpable il s’endort confiant

comme je voudrais pouvoir sortir de ma peau — la mue de cigale

à l’ombre des chênes j'écoute le gong brûlant frapper le feuillage

collines inquiètes le moindre souffle de vent devient menaçant

le verger brûlé crisse à la moindre étincelle des criquets surpris

l'été qui commence a déjà brûlé la sève du prochain printemps

une coccinelle s'est posée au bord du verre de sirop de fraise

je rêve de pluie et je repense à l'orage quand elle est partie

le chant des cigales dans la torpeur de midi un cri de détresse

la foudre est tombée sur mon cœur désarçonné dans un grand fracas

une fleur séchée entre les mots d'un poème un signet d'oubli

je suis resté là sous un déluge de pluie à n'en plus finir

21


Paroles d’un compte erratique

le ciel et la mer indéchiffrable horizon noyaient nos regards

depuis mon cœur sec ne retient plus des averses qu'un vaste désert

le temps vint alors de mettre à bas les barrières entre nos questions

sur les carreaux sales les fleurs tombées du laurier pourrissent sans bruit

un hôtel sans joie ouvert pourtant sur l'écume fut notre repaire

mémoire du ciel la constellation de l'ange brillait dans ses yeux

et fenêtre ouverte sur un lit inconfortable l'hiver a passé

08 juillet 2019 gorgées de soleil les premières figues vertes se mettent à l’ombre

bruits de la vallée comme un rappel de la ville au front du silence

sur la table basse il inspecte son repaire attentivement

cliquetis d'un train au loin sur des rails brûlants voyage en enfer

la respiration moite de la nuit d'été embrasse l'auvent

au fond de mon verre un papillon a noyé son chagrin d'amour

à l'abri des chênes dans la torpeur de l'été le vieux banc complice

sous l'auvent je rêve aux sirènes qui riaient au fond de ses yeux

le vent les rassemble dans la nuit tiède et l'oubli les ombres chuchotent

09 juillet 2019 il n’attend qu’un geste que j’ouvre enfin cette porte qui mène au repaire

les yeux grands ouverts sur la route sans visage je me suis perdu

dans mon sac de billes quelques noyaux de cerises — un air de vacances qu’on sifflait du bout des lèvres en allant à la récré

un long vestibule encadré de cauchemars la porte des songes minuit sur la plage attentifs aux vagues lentes qui contaient le sel

des flammes grésillent — les cigales dans la tête rongent ma cervelle

blottis sur nous-mêmes dans les frissons de décembre nos mains se cherchaient

vautrée sur sa chaise mon ombre lève son verre nous trinquons sans joie

22


Paroles d’un compte erratique

malgré les ailes rongées par le sable et les regrets

la pluie du matin a laissé sur le feuillage l'ombre insatisfaite

aujourd'hui silence je ne ferai qu'écourter mes voies intérieures

le ciel est si noir que je ne distingue plus le bord de la nuit

tremblotant encore pour lui la lumière danse — papillon de nuit

j'ai vidé mon verre et mon ombre me demande de la resservir

dans l'antre des songes elle s'était réfugiée en claquant la porte

tiédeur équivoque entre la chaleur humide et la brise fraîche

pleurer pour un rêve égaré dans la garrigue aux essences lourdes

comptine improbable trois tarentes sur un mur gavées de silence

dans mes yeux humides la poussière des années passées dans l'attente

sous l'auvent je rêve et le vent se fait caresse dans la nuit d'été

je frotte ma joue — un crissement me rappelle que je fus un homme

mes mains impatientes courraient sur sa peau fiévreuse jusqu'au cri brutal

sur l'herbe roussie je m'avance au clair de lune — la dernière borne

ce n'était qu'un rêve mais j'ai sur la joue encore le poids d'une larme un rhinocéros subjugué par la lumière a brisé la lampe

11 juillet 2019 sculpteur de nuages un vent taquin improvise sur le ciel distant

10 juillet 2019

sommeil sous la chaise hélas on ne peut pas dire confortablement

et le ciel enfin redevient ce qu’il doit être — bonheur des collines

les portes sont closes où j'ai rangé la tendresse des amours d'été

pose relâchée en somnolant sur la table avant le brossage

une fleur fripée oscille en haut de sa tige dans le vent brûlant

ma noire mémoire dans le vent des souvenirs elle flotte encore

23


Paroles d’un compte erratique

le vent était doux qui caressait nos sourires et l'ombre des pins

12 juillet 2019 ce matin le ciel accompagne les nuages au son de la lyre

du fond de mes rides le sel de ces vieilles larmes agace mon cœur

hier pour la sieste il a choisi le fauteuil à côté du mien

il suivit la côte jusqu'en haut de la falaise d'où il s'envola

l'histoire est finie je peux ranger mon stylo là près de mon cœur

démon ou archange je ne sais plus qui je suis quand l'enfer m'assaille

peu à peu la nuit qui se glisse entre mes pores rafraîchit mon âme

fin d'après-midi les cigales se sont tues retour des naufrages

elle me regarde comme on regarde un insecte la grosse tarente

la nuit est venue insouciante mais fidèle aux rives du temps

l'avenir meurtri s'est réfugié dans le bois de ma vieille canne

il pleuvait ce soir et les gouttes sur la vitre creusaient dans la cendre

c'était au printemps nos regards se sont croisés puis j’ai oublié

je la regardais engoncée dans son manteau courir vers l'oubli

je la faisais rire ma petite fiancée du jardin d'enfant

le whisky avait ce goût amer des défaites qu'on n'attendait pas

minuit mon chat prend le frais à l'ombre du lampadaire éteint

la nuit est passée à dériver sur l'alcool et mon impuissance l'automne était froid et j'imaginais déjà un hiver glacial

13 juillet 2019 le ciel irrité par un mistral facétieux se met en colère

l'oubli me dédaigne et mille saisons plus tard, cette odeur de cendre

il tente un regard encore plein de sommeil sur son monde à lui

j'ai rêvé de vous madame au cœur de granit : je grinçais des dents 24


Paroles d’un compte erratique

le vent a cessé quelques feuilles timorées en tremblent encore

encore une énigme que mon sphinx de pacotille me pose aujourd’hui

dans la nuit bleutée me revient la houle lente du sel de sa peau

sur le banc de pierre dans le bois de son bâton il grave un prénom

au-dessus de moi sur le côté de l'auvent la lune m'espionne

de dessous l'auvent je n'ai vu que le vacarme du feu d'artifice

j'ouvre le tiroir et une photo jaunie me saute au visage

depuis la vallée une musique indistincte pimente le vent

accrochée au pin la lune pose insolente un regard de biais

chemin des fourmis dans les aiguilles de pin une énigme passe

j'ai connu des nuits et des jours où le bonheur coulait de mes mains

je mourrai un jour entre les murs malveillants d'un ehpad sordide

une aube d'argent le sillage de la lune traverse la nuit

dans le bruit des routes la vallée a remisé les flonflons absurdes

le vieux sous l'auvent ivre de ses souvenirs s'endort doucement

étoiles perdues dans la lumière des villes sortez du ciel sombre

le cœur en déroute je redoute ces pensées qui rient aigres-douces

éclairez les songes des mendiants de poésie étoiles perdues

perdu dans la nuit le chemin qui mène à l'aube crie son désespoir

15 juillet 2019 un ramier traverse un ciel sans autre ride que le bruit des ailes

plus que quelques pas pourtant j'hésite à franchir l'ultime frontière

14 juillet 2019

le dossier des chaises créneaux de sa forteresse un lit de bébé

après la nuit sombre le soleil presse le ciel de changer de ton

soirée un peu fraîche je me suis couvert d'espoir au lever de lune

25


Paroles d’un compte erratique

le chant des cigales s'est incrusté dans ma tête au fond du silence

perdu dans le ciel l'ange aux ailes de charbon ronge les étoiles

le loriot chantait quand je passais sous les chênes un hymne au soleil

il suivait la route qui contournait l'océan de son cœur aride

papillon citron brillant comme la rondelle dans le verre vide

16 juillet 2019 au-dessus des arbres le ciel pèse de ses teintes semblant immuable

tarente trapue la queue perdue qui repousse la rend démoniaque

sur les carreaux tièdes entre clim et ventilo il reprend de force

comme un chercheur d'or tamisant mes souvenirs j'ai trouvé du sable

au bord de la nuit dans sa houppelande bleue berceau des étoiles

les premières feuilles verdissaient sur les platanes boulevard d'avril

marée de fatigue elle monte de mes tripes pour mordre mes yeux

sa main dans la mienne nous respirions le printemps des trottoirs humides

une peine étrange teintée de soulagement quand elle est partie

nous allions en classe et plus souvent dans sa chambre couleur de baisers

lune solitaire depuis le temps qu'elle tourne abreuvée d'ennui

j'espérais l'été en parcourant le verger sa peau de velours

terre dévastée mais les cafards font la fête sur les os des hommes

mais il est passé et dans mes mains orphelines restent des écailles

belles nuits d'été sur le silence des rêves il pleut des étoiles

de cette sirène et le souvenir de seins au goût d'abricot

muette mon ombre jette un regard sur son verre que faut-il comprendre

chargé de whisky mon bateau rongé de vers complètement ivres

17 juillet 2019

savez-vous madame que votre moule salée épice mes nuits

comme sur la plage une arête de poisson jetée dans le ciel

26


Paroles d’un compte erratique

vigie improbable il surveille à l’entours les routes du rêve

le cœur est si froid que je mettrais bien le feu à mes souvenirs

18 juillet 2019

dans le framboisier mon chat attentif au vol d'une libellule

l’agence intrépide en avance sur son temps ouvre dans le ciel

le vent a tourné étonnamment la vallée reste silencieuse

la tête baissée il présente son pelage pour un coup de brosse

grincement des rails sous les roues du train aveugle l’enfer métallique

j’ai laissé les mots les tercets et les sentences aux mains de Léthé

la nuit abyssale illumine les coraux des vertes étoiles

pas un mot ce soir qui soit venu tournoyer autour de la lampe

dans leur cheveux d'algues les sirènes de la nuit piquent des étoiles

tarentes muettes — dans le silence du mur la lumière blême

du pli des collines la lune péniblement gravit une marche

la clarté diffuse qui tombe du ciel obscur sur un Booz en rut

20 juillet 2019

19 juillet 2019

des jets de chaleur percutent la peau du ciel qui résonne encore

le soleil surgit derrière le feuillage dans un ciel désert

perché sur les tuiles il m’adresse son rapport rien à signaler

il entrouvre un œil le réveil est difficile au petit matin

la lenteur des gestes dans la poisse de midi — les glaçons fondus

le chant du loriot disperse un peu de couleur sur l’herbe brûlée

dompté de fatigue j'éclipse pour un moment les tweets et rature

grondements lointains — les coups de tonnerre arides d'un feu d'artifice

silence et la nuit comme l'océan se creuse avant la tempête

27


Paroles d’un compte erratique

fleurs des lauriers-roses qui brillent dans la lumière perlée de l'auvent

ombres impassibles silhouettes des mensonges sur le mur rugueux

les fleurs sans parfum qui permettent d'oublier le parfum d'une autre

22 juillet 2019 l’ombre des nuages sur le ciel de mon matin cache des fantômes

les sons de la nuit une musique indistincte qui se mêle aux rêves

posé sur l’arête mon cerbère des toitures rêve en équilibre

rouge entre les branches elle pend comme une pomme au jardin d'Eden

21 juillet 2019

le cri des corneilles — les pies et les tourterelles tout d’un coup se taisent

il aurait envie de dormir encore un peu ce ciel hésitant

chaleur de la nuit dans le jardin se répand une odeur de foin

d’un demi-sommeil il surveille mon café refroidi déjà

pensées saugrenues qui parfois me font sourire — soirée sous l'auvent

sortir de la nuit ce corps dont les mains tremblantes craignent la lumière

des fleurs de laurier pourrissent sur la terrasse — l'été est bien mûr

froide et insolente elle danse sur la cime des pins éblouis

sous l'œil des tarentes qui s’agitent sur le mur ma tête est si lourde

j'ai rêvé de vous de vos ongles qui griffaient le sable des nuits

il y avait un mur que je n'ai pas su franchir je reste dans l'ombre

la plage en hiver s'était parée d'algues brunes et de bois flottés l'horizon n'attendait plus que l'écorce du printemps

le vieillard somnole sous la lampe mais en lui un enfant sourit

mon ombre harassée hésite même à porter son verre à mes lèvres

sur les lauriers le ciel devient capricieux mais les arbres veillent

les plaintes d'un chien bousculent ma somnolence la nuit et l'auvent

regard dans les branches les oiseaux y sont encore — va pour cette fois

23 juillet 2019

28


Paroles d’un compte erratique

apathie de vivre et pourtant chaque matin je me mets à table

le soleil se couche il a laissé sur la peau un sel surchauffé

immobilité le soir a claqué la porte au moindre frisson

sens incandescents le bruit de l'eau sur mes joues brûle le gosier

les mots sont fourbus ils ont tous quitté les phrases d'un poème absurde

la nuit sous l'auvent je fais provision d'air frais pour le jour torride

superbe ignorance d'une populace avide de belles paroles

tarente curieuse elle jette sur mon livre un regard envieux

c'était un été mes mains jouaient sur le sable et sa peau dorée

mon ombre intrépide s'est emparée de mon verre et le boit cul sec

sans la moindre honte elle roule sous la table mon ombre épuisée

l'herbe a renoncé à sa robe de printemps jusqu'au bal d'automne

la nuit se fait douce la fureur du thermomètre se calme à présent

25 juillet 2019

24 juillet 2019

la même torture — sur les collines sans ombre pèse un ciel cruel

un ciel de métal chauffé à blanc fait son feu sur les collines

somnolent encore il se laisse rafraichir sur le carrelage

au frais sur la nappe il imagine dormir loin sur la banquise

je porte à mes lèvres un carnet rempli de notes parfumées encore

canif sous mes doigts enfant j’étais le gardien de mes poches vides

si loin des étoiles et pourtant quels beaux voyages j'ai faits dans ses yeux

le ventilateur comme un vieux treuil mal graissé grince dans la glu

petite tarente sous les tuiles de l'auvent où as-tu la tête

brume de chaleur — au loin les collines dansent dans un air en feu

dans son cœur brûlait un parfum d'iris sauvage un rêve enivrant

26 juillet 2019 29


Paroles d’un compte erratique

fraicheur de l'auvent ce soir j'ai mis des chaussettes et un gros ticheurte

un ciel immuable lisse comme un drap brûlant recouvre l’été

j'aurais bien aimé qu'il pleuve un peu plus longtemps sur le jardin sec

couché sous l’auvent la table lui sert d’abri à l’ombre de l’ombre

des gouttes de pluie sur les fleurs des lauriers-roses trésor de la nuit

mon château de sable rongé des marées du temps retourne au néant

28 juillet 2019

sur le mur patiente une tarente attendait que l'auvent s'éclaire

un ciel de bataille où un mistral noir féroce éteint le soleil

le soir moite encore espère de la nuit sombre une ombre fraîchie

quand j’ai trébuché je lui ai coupé l’oreille — il m’en veut encore

les ombres boiteuses crissent sur l'herbe brûlée — été sans pitié

les pavés glissants sous les pâles réverbères résonnent sans joie

la maison en pente on peut marcher sur les murs et rire au plafond

le vent par bouffée remonte de la vallée des mauvaises notes

27 juillet 2019

chant de la cascade — dans les reflets du soleil des embruns limpides

changement de ton le ciel est devenu ouate pour un air humide

le ciel en déroute — le vent a froissé la nuit et ses ombres folles

petit aperçu de l’étape de montagne les doigts dans le nez

sur un frêle esquif il navigue entre des vagues de mélancolie

parfum de la pluie qui dans la nuit se promène avec l'herbe sèche

l'essence du mal avait embrasé son cœur qui battait encore

le chat est rentré son doux pelage imprégné d'odeurs de l'été

29 juillet 2019

le ciel est plus noir que les silhouettes sombres qui hantent la nuit

entre cèdre et pin ils jouent à saute-mouton les petits nuages

30


Paroles d’un compte erratique

les arbres chuchotent dans le vent qui amoncelle les feuilles meurtries

cerné de pénombre il s’abandonne au sommeil sans aucun complexe

un chien qui aboie une voiture qui passe la soirée paisible

retour en silence dans le grand cirque utopique — nombrils délétères

le bruit de la source — j'avais soif de son eau fraîche et de ses caresses

il a posé son ombre au bord des quais du monde et jamais en retard sans jamais perdre espoir assis sur sa valise il attend l'invisible un signe d'amour mort dans un ennui profond

un champ de bataille — odeur de merde et de chair un rêve en noir et sang

dans la lueur glauque de la lampe fatiguée la tarente verte

une cigarette — la dernière avant d'aller au gibet des songes

le mur des tarentes — j'ai sorti un vieux Canon pour les mitrailler

la sente est trop raide — ce qu'il lui reste de vie il le pose là

31 juillet 2019

aigreur de la nuit — sur ses doigts tremblants il compte les jours sans malheur

au nord ou à l’est encore ce même ciel qui ne vieillit pas

au fond de la tasse il reste un peu de café et l'envie d'en rire

un regard intense une posture propice aux rêves de chat

30 juillet 2019

silence imposant des cigales sans sommeil crissent dans ma tête

odeur d'herbe molle — la pénombre du jardin sur les feuilles mortes

des jets de lumière comme des éclats de rire traversent le ciel attentif au son du ventilateur qui peine sur son pied bancal

de la citadelle je contemplais dans la plaine l'armée des fourmis elles atteignaient déjà la hauteur de mon nombril

silence complice des murmures de la nuit l'ombre pour témoin

un radeau de joncs cahotait dans le courant lourd de coccinelles

31


Paroles d’un compte erratique

quand il aborda sur le sable du méandre elles s'envolèrent vers les tiges de rosiers où paissaient les pucerons

dans le lavabo il attend je remplisse son petit bol d’eau tiédeur sous l'auvent les murs chauds encore hésitent à lâcher du lest

sentant le danger les fourmis ont reflué de la citadelle

immobilité une fleur tremblant encore dans le soliflore

le combat fut rude et les coccinelles durent céder le terrain aux trop nombreuses fourmis et à leur bétail vorace

au-dessus de l'eau dans torpeur de l'été une libellule

mais je pus alors dans un tremblement de pierres bouger mes orteils

soudain le silence comme l'ombre d'un nuage tombe sur la nuit

la lueur lointaine à laquelle l'espérance accroche ma nuit

dans le ciel laiteux les étoiles se diluent en éclats de sel

cœur de feu féroce à l'ombre du désespoir des cendres rougeoient

ainsi va le monde l'homme n'admettra jamais qu'il va disparaître

elle s'est blottie sous les mallons de couvert la jeune tarente

02 août 2019 lentement le ciel s’extrait de la couette épaisse qui lui tenait chaud

mais comment font-elles la tête ou la queue en l'air pour coller au mur

le maitre du toit s’aventure au bord du gouffre sans la moindre crainte

poutres de l'auvent la carène d'un galion chargé de mystères

bouffées de musique portées par le vent brûlant — la nuit en sueur

dans la chambre froide les muscles putréfiés pèsent sur les os

01 août 2019

dans la nuit inquiète le vent tutoies l'herbe sèche de beaucoup trop près

derrière les nues se dissimule un fantôme aux ailes d’argent

je revois ma rue — je grimpais ses escaliers en jeune cabri

32


Paroles d’un compte erratique

les jours passent vite de rivières en torrents sur mon corps de sable

sur le sol moins chaud même au milieu du sommeil il suit les carreaux

03 août 2019

un banc de béton sur lequel un moribond fixe l'horizon

soleil dans le dos — les fiers nuages de l’Est prennent du galon

il en a vécues des traversées mal connues des rochers perdus

posture mystère malgré les yeux grands ouverts il se donne aux rêves

l'océan amer et des rêves éphémères au cœur des galères

dans les éboulis nous remontions le torrent de galets brûlants

suivant leur sillage et entre embruns et nuages au loin des rivages

le soleil fouettait nos peaux pourtant protégées de tissus sans force

les îles lointaines aux fragrances magiciennes le chant les sirènes

collants de sueur de poussière et de senteurs nous avons fait halte

tombé sans hasard le vieil albatros s'égare sur un quai hagard

le plateau de pierres les kermès et l'ombre fière d'un pin rabougri ont accueilli nos fatigues calmé nos souffles arides

la nuit sinueuse au détour de mes pensées livre ses secrets

la source apparue au pied d'un aplomb abrupt sourdait faiblement

j'admirai mon père qui savait lire à l'envers — mission typographe

cette résurgence était notre récompense notre pain béni

05 août 2019 espérance lasse les nuages du matin ne font que passer

alors nous sautions dans son courant d'éboulis nous redescendions

d’un air suspicieux il surveille ce qu’on verse dans son écuelle

04 août 2019

la plage déserte abattait de pensées folles les châteaux de sable

été immuable le ciel a pris la couleur d’un brin de lavande

33


Paroles d’un compte erratique

caresses des vagues qui roulaient dans le ressac les grains dispersés

au nord du néant l'histoire s'est terminée dans l'embrasement

je longeais ainsi l'univers du sablier qui m'emprisonnait

de dix-sept syllabes j'aurais pu faire un poème mais je suis trop nul

quand l'orage vint je laissais ensevelir mon corps inutile dans l'étroite pesanteur des coulées gluant de sable

06 août 2019

les temps finissaient et les ans sans importance traînaient leur langueur

début de la sieste — un œil encore entrouvert pour le lâcher-prise

vers un autre monde où ma chair devenue cendre prendrait alors forme

assis sous l'auvent quelques pensées vont et viennent en prenant leur temps

d'un crabe ou d'un ver qui à présent se nourrit de mes tripes lasses

une très ancienne alors que j'avais quatre ans au jardin d'enfant

j'écoute la nuit qui parle à mon cœur distrait d'une âme attentive

ma petite amie elle écoutait les histoires que je racontais

un bruit de freinage au loin je suis rassuré je ne conduis plus

sa main dans la mienne nous échangions des bonbons gluants et sucrés

autour de la lampe les insectes de l'été boivent la lumière

d'une bouche à l'autre sans même prendre la peine de les essuyer

je pose mon verre — sur mes lèvres la chaleur d'un baiser doré

sœur Marie-Thérèse qui vraiment n'aimait pas ça faisait ses gros yeux

une cigarette je sais que ce n'est pas bon une cigarette

debout au piquet nous nous retenions de rire sans y parvenir

cigarette un verre – plongé dans la nuit j'oublie toutes mes promesses

au fond de ma poche j'ai retrouvé une bille ce fut un bonbon

ciel jonché de ouate le soleil se démaquille de son air bougon

34


Paroles d’un compte erratique

soixante ans plus tard un psy nous aurait trouvé des poux dans la tête

mais j'étais si minuscule les embruns riaient de moi une vague alors délicatement se pose entre les créneaux

dans le ciel timide une étoile ose apparaître sans la moindre jupe

c'était une fée enfourchant une licorne qui me regardait

traversant la nuit les fleurs blanches du laurier chantent en silence

elle était si belle dans son costume d'écume je restais pantois

ne pas se méprendre ce qu'il reste d'homme en moi ce n'est que l'humain

sous ses airs de fée je devinais la sirène dont j'avais rêvé

la douceur du temps de volupté et tendresse — je buvais sa source

le mur effondré est redevenu la plage ma mère en colère me secouait par le bras c'était l'heure de rentrer

je ne sais quel rêve a sauté du train en marche une nuit fiévreuse

07 août 2019

un sphinx sur le mur a réveillé les tarentes qui s'assoupissaient

un voile de gaze — le soleil mélancolique brûle à l’intérieur

la nuit fait offrande dans les lampes du jardin les lauriers flamboient

il attend patient que la brosse le caresse dans le sens du poil

mes mots sont mystères souvent je ne connais pas la fin de l'histoire

j'avais l'âge encore où l'on rêve de donjons et de fées troublantes

minuit les tarentes patientent sous la lumière jaune de l'auvent

avec les galets rassemblés avec patience sur la page blanche j'ai bâti une muraille des créneaux et une tour

mon chat rêve encore sur la terrasse assombrie par la lune fourbe

au pied de ce mur les vagues le menaçaient d’un effondrement

les ombres s'effacent peu à peu dans la pénombre et mes souvenances

j'ajoutais des roches et du sable compacté jusqu'à bout de bras

08 août 2019

35


Paroles d’un compte erratique

les nuages bâillent parfois ils s’étirent même mais ne pleurent pas

un char renversé dont la roue tournait encore s'était embrasé

intrigué sans doute par le rideau qui s’agite — geste interrompu

vint le crépuscule et le râle des mourants parcourut la plaine entre les brasiers fumant et l'odeur des chairs à vif

traversant la mer pour rejoindre la princesse au chemin du nord sur le pont le samouraï vomit tripes et boyaux

09 août 2019

un silence éteint comme le battement d'ailes d'un vol de corneilles s'est abattu sur les champs abreuvés du sang des morts

un ciel sans nuage pour qui jamais ne voyage repos du repos

et enfin la nuit la terrifiante nuit sans un bruit glaciale

offert aux caresses et allongé sur la table il s’est endormi

alors les fantômes se sont extraits des carcasses en pleurant leur corps

la vallée murmure entre ses dents de bitume des chants de départ

transpirant hagard couvert de mon drap humide je me lève enfin et dans la cuisine tiède je me prépare un café

une nuit brûlante commence dans le vacarme des fêtes votives

un vent mollasson s'en vient souffler sous l'auvent je lui tends un verre

un rêve de fer les armures cliquetaient et le sang coulait

les tarentes sont rentrées sous les mallons de couvert elles vont chanter pour elles et la nuit d'été

les têtes tranchées ricanaient dans la poussière et l'acier bleui

lentement se passent les heures et les regrets sans frissons sans larmes

sous un soleil livide des mains des membres sanglants retenaient leur glaives dans un ultime sursaut pour parer le coup fatal

10 août 2019

des chevaux crevés battaient la boue de leurs pattes aux sabots rougis

une histoire en boucle après la nuit sans surprise un ciel identique

36


Paroles d’un compte erratique

un gardien de phare au pied du ventilateur scrute ses pensées

vieilles habitudes — il y revient quelquefois pour ne pas les perdre

il y a des soirs où la plume se dérobe et les mots s’ennuient

la lune en jupon danse au-dessus des grands pins ivre de nuages

11 août 2019

un vent cauteleux murmure dans l'herbe sèche un chant incendiaire

nouvel épisode dans lequel rien ne se passe — stupeur des matins

je la regardais — avec ses yeux d'émeraude elle me figeait

comme un suricate il surveille l’horizon au bout des carreaux

des linceuls livides se glissent entre les troncs la nuit fuit le vent

j'ai les pieds sur terre et le nez dans les nuages — un ballon captif

ma tête résonne de pensées comme des gongs de bronze fêlés

comme l'herbe avide ma peau aux pores arides espère un orage

le vieux banc de bois a gémi quand j'ai posé mon ombre fourbue

parfois je me dis qu'il est temps du grand sommeil de l'oubli sans rêves alors je me sers un verre et les yeux ailleurs j'attends

se cachant à peine je sens son regard pointu qui me dévisage

la nuit vient plus vite et le crépuscule dure toujours plus longtemps

13 août 2019

elle se faufile entre branches et nuages lune effervescente

un vent capricieux dans le ciel vêtu de gaze déchire les nues

sur le tronc du pin deux mues de vieilles cigales tiennent un colloque

au fond du fauteuil quand il dort il ne fait qu’un avec l’univers

12 août 2019

c'est le vent du nord qui frappe sur Garlaban puis qui tourbillonne et qui danse sous l'auvent une folle farandole

ce matin le ciel dans sa grande mansuétude promet de la pluie

37


Paroles d’un compte erratique

je pose mon verre sur la table la poussière me raille et ricane

l'aboiement d'un chien dans la lointaine pénombre — relief du silence

il se calme un peu mais parfois il tousse encore le vent dans les arbres

couchés sur la plage nous inventions des étoiles aux noms de sourires

le t-shirt suffit à contenir les frissons d'une nuit plus fraîche

la nuit était douce en ce juillet suffoquant et nos corps torrides

le ciel nettoyé s'offre au rire des étoiles qui tremblent pourtant

les vagues lascives murmuraient la voix du sel et l'odeur de l'eau

puis la lune vient comme un lampion de kermesse effacer la nuit

jusqu'au matin frais nous nous sommes endormis la main dans la main

mon corps fatigué me réclame du repos impossible à prendre

petit déjeuner des cafés sur la terrasse d'un bistrot ouvert

le vent cloue le bec au chahut de la vallée emporté au loin

puis sans dire un mot j'ai refermé les volets tu t'étais couchée

le ciel est si clair — la silhouette des pins reprend des couleurs

dans la vallée sombre où un train claque des rails la nuit terrifie

14 août 2019

15 août 2019

un ciel de partage — la part de résignation et la part d’espoir

par la moustiquaire le ramier dans le figuier semble peu inquiet

que regarde-t-il — le compère à la fenêtre garde le silence

dessus les collines des nuages égarés font la sourde oreille

la lune se baigne encore tremblante et nue dans le ciel turquoise

la mue de canon se dresse dans la poussière — ni fine ni conne

un soudain silence et la nuit comme une tombe obstrue ma mémoire les souvenirs piétinent au seuil d’un été ancien

c'est une ombre ancienne une ombre au cœur déchiré qui vient me rejoindre en silence elle soulève le verre que j'ai rempli

38


Paroles d’un compte erratique

au fond de mon verre un petit papillon ivre se noie de chagrin

le vent essoufflé s'est posé sur le jardin qui respire enfin

la ville s'endort dans le creux de la vallée les étoiles veillent

une haleine tiède odeur d'herbe calcinée arpente l'auvent

majesté des ombres—la silhouette des pins dans le clair de lune

la lune éclabousse d'une lueur de tombeau les étoiles pâles

dans le pot de terre le citronnier parle au vent de contrées lointaines

grosse pour son âge à peine si elle passe entre les branchages

16 août 2019

d'un seul grain de sable on peut toujours espérer rebâtir le monde

ciel immaculé — seul un jet de dards aigus tente une percée

17 août 2019 entre les nuages des reliques de voyages se traînent d’ennui

le fauteuil profond dans lequel il se blottit un havre de paix

peluche endormie sur le coussin de ma sieste — j’ai poussé mes jambes

un œil de poisson sur un étal imbécile jette un regard morne

je ne sais pas lire alors je fais comme si en posant un livre

un jupon de gaze s'embrase autour de la lune — nuage éphémère

rouge de plaisir la lune sort des collines — un ballon d'enfant

des joies et des peines j'en ai remplies ma besace jusqu'à la nausée

des notes boisées — un saxo joue summertime dans la nuit feutrée

le mur des tarentes dans la lueur de l'auvent joue avec les ombres

ciel désespérant pas le moindre penaillon pour vêtir la lune

fauteuil sous l'auvent le poids de mes souvenirs creuse son empreinte

je repense encore à ces veilles sans entraves où mon corps volait

rêver sur la plage — dans le sable un coquillage a gardé la mer

39


Paroles d’un compte erratique

au bord du ruisseau nous échangions nos caresses et l'eau chantait fraîche

il y avait ses yeux comme des lames d'acier qui me transperçaient

l'été pour demeure et nos peaux pour vêtements dans la nuit complice

les effluves lentes se répandent dans la nuit le jardin transpire

une parenthèse — nous étions les clandestins de nos vies réglées

au port de l'angoisse un cargo de tripes fluides embarque mes peurs

quelques jours encore à s'enivrer de péchés et d'espoirs perdus

rivière farouche au long de ses rives sombres sombrent mes espoirs

en fermant la porte aux souvenirs interdits l'oubli pour devise

le disque d'argent cisaillé par les branchages saigne dans le ciel

quelque chose reste un caillou dans la chaussure et boiter en vain

je compte mes ans et plus vieux que je ne pense je reprends le compte

les étoiles tremblent et la lune téméraire enflamme le ciel

j'étais un enfant déjà de mes yeux coulaient des larmes anciennes

c'est le dernier verre en fait je ne suis pas sûr qu'il soit le dernier

en taillant la haie j'ai tranché toutes les fleurs du printemps prochain

que je vous explique je suis un twitterasseur je twitte et je creuse

claquement des rails le train qui passe là-bas roule vers l'enfer

18 août 2019

d'un ongle tremblant je grave dans la poussière le nom d'une erreur

un ciel sans relief — un fantôme de nuage nargue les collines

dernière gorgée dire au-revoir aux tarentes aller se coucher

ce matin il pose toujours couché sur la table comme une soupière

19 août 2019 un vaisseau spatial surgit au dessus des nues éclat du soleil

je pose ça là — je n’ai pas appris à lire durant cette nuit

40


Paroles d’un compte erratique

sur la même table toujours le même sommeil la même douceur

lambeaux de nuages étirés par les voyages — dialogues amers

la jeune palombe surprise dans le figuier le bec barbouillé

moustiquaire ouverte — mon chat curieux qui commère conquiert la fenêtre

silence de laine — tapi dans les ombres lasses l'écho de la nuit

la salle de bain ouverte sur le sud-ouest toujours sans promesse

grondements lointains dans le ciel enténébré — l'orage peut-être

la brise légère s'est glissée sous ma chemise les premiers frissons

une tiédeur moite enveloppe la lumière pâle de l'auvent

les feuilles timides se balancent dans le vent avant goût d'automne

et je reste assis triant de mes souvenirs les grains altérés

petite tarente avec tes yeux malicieux tu gobes la nuit

où se cachait-elle la minuscule tarente qui longe le mur

ce soir pas d'étoiles pour indiquer le chemin où paissent les anges

cette dent qui bouge et qui parfois me fait mal faut-il l'arracher

couvert de nuit noire sous le ciel majestueux le jardin s'endort

ma vie a jauni comme l'herbe du jardin dans l'été sans pluie

un frisson me prend mais ce n'est pas la pénombre juste un souvenir

parfois des murmures comblent les brèches du ciel — les étoiles bruissent

tiédeur de nuage l'ivresse mélancolique embue le regard

après les lauriers la nuit profonde s'installe avec ses fantômes

les pieds dans le vide il balance lentement en fermant les yeux

il est l'heure injuste où regrets et remords chassent le désir de vivre

l'espoir joue aux dés sur une piste de cirque où on rit des clowns

20 août 2019

vieillard qui titube ne cherche plus ton bâton les ans l'ont rongé

41


Paroles d’un compte erratique

les ans ont passé de défaites en déroutes le goût reste amer

à l’ombre des arbres en profitant d’un rayon les lauriers s’enflamment

minuit elle sort grasse et rongée par les nuits des collines sombres

la pluie sur l’auvent cette pluie tant espérée enfin la voila

21 août 2019

le jardin respire — parfum acre d’herbe sèche mouillée par la pluie

le ciel ce matin une histoire sans parole toujours répétée

un petit orage a souri dans les colline fraicheur de la nuit

du haut du donjon étendu sur sa serviette ce qu’il fait de mieux

venue des ténèbres mon ombre sur les carreaux traîne sa langueur

le figuier désert se prépare à la visite des ramiers gourmands

l'herbe se redresse les feuilles reprennent vie miracle de l'eau

sourires du soir — dans les lueurs de l’auvent les lauriers flamboient

le ciel découvert offre au jardin abreuvé une pluie d'étoiles

la nuit soyeuse — un papillon minuscule posé sur mon verre

les bruits de la nuit aux gémissements se mêlent les pleurs des fantômes

la vallée gémit sur ses pistes de bitume des roues de ténèbres

ce frisson ce soir soudainement un désir d'embrasser la vie

la nuit chante grave un bourdonnement d’insectes venu d’outre monde

sur l'herbe spongieuse mes pas de vieillard hésitent la nuit me rançonne

22 août 2019

23 août 2019

même sous les nues le soleil arrogant fait la nique à la pluie

le ciel nettoyé de ses mauvaises pensées s’est repeint d’azur

d’un grand bâillement il prépare le terrain à un long sommeil

il est attentif mais ne me regarde pas lui seul lui importe

42


Paroles d’un compte erratique

tandis que penché à la fenêtre il respire un air matinal

ramier revenu dans le figuier reverdi l’ordre est rétabli

dans le figuier sombre il s’imagine à l’abri de tous les regards

dans la ville basse les rois de la ville haute vont s'encanailler

peuplé de fantômes le silence de la nuit coule dans mes veines

vautré comme un linge soucieux des bruits de mon corps je respire à peine

de grasses tarentes sur le mur illuminé glissent dans l'été

une auberge au loin dans des lueurs insomniaques un marcheur s'approche il porte avec son ennui des nouvelles des royaumes

des chuchotements dans les feuilles somnolentes le rêve des arbres

auprès du foyer il dépose sa besace un soupir fourbu il demande de la soupe et un os gras pour son chien

l'air devient pesant il grince dans ma poitrine comme un gond rouillé le vent a tourné du fond la vallée monte un diffus murmure

il paye d'un conte et d'un adroit tour de cartes il gagne du vin tandis que le chien s'endort le nez posé sur ses pattes

nous étions sourires et n'avions qu'un vêtement c'était notre été

alors il commence et il parle de la terre au bout de la route incendiée par leur mépris et leur superbe arrogance

le vent nous contait des histoires d'outre monde le ciel était lent le soleil chantait dans les feuilles ombragées la chaleur complice

la nuit me murmure dans le silence des arbres l'histoire à venir

perdu dans les heures le temps ne se comptait pas il nous parfumait

en si peu de temps la planète verdoyante devient un brasier

les aubes rosées qui brodaient notre sommeil assemblaient nos peaux

24 août 2019 encore une fois je repousse le volet sur le même éclat

puis l'automne vint la pluie amère des larmes nous a effacés

43


Paroles d’un compte erratique

un étang sans ride mais sur le fond peu profond un limon visqueux ainsi va mon existence et chaque jour plus de vase

passées les collines on devine l'horizon au-delà du monde

25 août 2019

je traîne mon ombre à chaque pas hésitant vers l'ultime borne

ce matin le ciel ressemble à une aire d’autoroute un feu d’artifice

je passe ma main comme ont glissé les années sur mon crâne chauve

refus de la brosse et on ne sait pas pourquoi monsieur a ses nerfs

je ne suis qu'une ombre furtive et vieille déjà chassant la lumière

dans l’arbre pillé y a-t-il encor des figues interrogation

l'échelle posée sur le rebord de la lune frémit sous mon poids

je respire enfin après l'assaut du soleil la douceur du soir

odeur d'écurie la voisine aux chevaux dort et son fumier pue

à l'ombre d'un pin les senteurs de la garrigue se souviennent d'elle

il est impossible de voir le monde autrement qu'avec des œillères

l'été finissant avait laissé son fardeau de chaleur pesante

26 août 2019

il traînait dans l'air une odeur de pluie passée et de thym lointain

demain comme hier le ciel file un écheveau d’immobilité

mes mains qui tremblaient se souvenaient de ses mains du grain de ses pores

assis sur les tuiles il surveille le portail comme un chien de garde

il y a si longtemps et tant de sable a coulé entre mes doigts gourds

il reste une figue dans le feuillage verni — ils me l’ont laissée

comme une autre peau le souvenir seul m'habille et le soir descend

assis et rêvant sur les galets de la plage les yeux dans le vague

le fil du rasoir avec lequel j'ai brodé la trame des rêves

toiles d'araignées dérivant entre les poutres et l'auvent obscur

44


Paroles d’un compte erratique

des gazes et des poussières occupent mes souvenirs

j’ai un peu bougé mais il n’a rien remarqué de ses yeux brouillés

l'histoire rebelle qui gigote dans ma tête est pourtant finie

j'ai cru aux tonnerres c'étaient les détonations d'un feu d'artifice

souvenirs sournois qui reviennent courant d'air glacer ma mémoire

le silence pèse sur le murmure des feuilles et mon cœur grinçant

ouvrage du temps dans mes rides qui se creusent l'enfer est présent

un petit malaise je suis mort une seconde en me souvenant

pendant une année nous nous sommes regardés sans pouvoir parler il ne reste que l'hiver de ces saisons désolées

le cœur qui divague la pression entre les tempes perte de conscience au fond de mes poches il y a depuis longtemps des poings qui se serrent

son manteau sapin et son regard de charbon brûlent ma mémoire

dans le ciel tendu comme une peau de tambour les nuages grondent

où est-elle allée et qu'est-elle devenue la fille mutique les mots que nous n'avons dits pèsent-ils sur sa mémoire

une averse en août une averse un mois avant prions pour septembre

devenu vieillard je ne l'imagine pas blessée par les ans

plus rien ne bouge aucun son aucun murmure ivresse du soir

quand j'étais enfant j'ai côtoyé la misère je la crains encore

mon ombre s'assoit — son silence est effrayant j'éteins la lumière

au fond du panier même les fruits les plus beaux perdent leur fraîcheur

une cigarette je ne devrais pas fumer mais quelle importance

27 août 2019

elle sanglotait assise en face de moi dans ce restaurant je suivais l'enterrement de notre histoire commune

un voile de gaze posé sur l’ennui du ciel l’été boude un peu

45


Paroles d’un compte erratique

une longue histoire de cent retours et ruptures aux cent goûts mêlés

dans le vieux quartier détruit par l'ancienne guerre c'était notre monde

nous étions amants et même parfois amis pendant tant de temps oui nous aurions pu sans doute aller au delà des mots

mais les bulldozers ont mis fin à notre enfance la ville a gagné j'écoute la nuit — dans son silence subtil le chant du jardin

mais pendant douze ans j'ai vu grandir ses enfants et nous deux pâlir

28 août 2019

la pluie aujourd'hui du ciel le bienfait tardif — le pêcher est mort

un ciel hypocrite qui montre tant d’espérance et n’en offre pas

odeurs du jardin juste après la brève averse une symphonie

penser à changer la couche de son donjon mais rien ne le gêne

lueur de l'auvent dans les lauriers-roses brille la dernière goutte de la vallée monte cette odeur de vieille cendre de ville sournoise

le temps pour complice nous nous moquions de la ville nous étions si jeunes

29 août 2019

d'une ruine à l'autre nous sautions en équilibre sur le fil des rires

l’aumône de pluie qu’hier le ciel nous a faite semble être oubliée

sur les murs noircis avec des morceaux de plâtre nous marquions nos noms

frimousse en travers mais ce n’est que l’illusion des poils de son nez

parmi les décombres nous bâtissions des repaires et des forteresses

les fleurs de lauriers sans pudeur en plein soleil mêlent leurs couleurs

des bouts de canisse et du fil de fer forgeaient nos arcs et nos flèches

tiédeur de la nuit sur le mur illuminé glissent les tarentes

de tubes d'acier nous faisions des sarbacanes pour souffler le vent

le jour s'est levé les collines embrumées s'étirent dans l'ombre

46


Paroles d’un compte erratique

dans les herbes folles le vent roule des épaules les épis divaguent

l'ennui dilapide le temps qu'il me reste à vivre en rêves futiles

soixante-dix fois j'ai traversé les étés en souhaitant l'automne

enfant je courais dans les rues de mon quartier en hurlant d'effroi

sous la pluie d'étoiles l'orage tant espéré se dérobe encore

je trouvais refuge sous des porches sans pitié où l'ombre brûlait

quelquefois mon père nous conduisait à la gare pour compter les trains

je craignais la ville comme les cris de ma mère ivre de colère

j'ai envie de rien juste compter les étoiles d'un ciel sans couleur

je fuyais les rues butais dans des escaliers aux marches abruptes

même les tarentes ont déserté la chaleur du mur sans lumière

haletant suant je cherchais auprès du port une bienveillance

31 août 2019

odeurs de goudron jurons de matelots ivres et pavés huileux

venus des collines des nuages insolents insultent la terre

je courais plus loin jusqu'après le fort sinistre vers le phare aveugle

par timidité il détourne le regard devant l’objectif

puis je m'éveillais dans l'odeur du café frais les bras de mon père

à l’ombre des chênes le vieux banc de bois complice attend patiemment

30 août 2019

autour de la lampe le festin en amoureux de jeunes tarentes

comme un coup de brosse sur un ciel peint d’aquarelle la trame du temps

une barge rampe sur l'onde épaisse du Styx Charon se promène

il médite encore sur les racines amères et les herbes sèches

les impasses grasses des villes grouillant de vers reniflent la mort

depuis l’auvent le ciel traverse les arbres jusqu’aux lauriers-roses

47


Paroles d’un compte erratique

là-bas sur la borne un tas d'os et une faux rêvent de silence

je n'ai plus d'amis ou je ne m'en connais plus douce solitude

les sons de la nuit une musique insoluble agace le vent

larmes hypocrites qui vont suivre ta dépouille tu seras mort seul

sur l'embarcadère qui est-il et d'où vient-il le vieux mage gris

la lumière au fond de la rue enténébrée une maison close

dans sa malle en fer des sortilèges rugissent et voudraient s’enfuir

personne ne sait la journée les volets clos n'ont pas de murmures

quand bien même aigri il a de la compassion pour le genre humain

mais à l'intérieur des poètes jouent aux dames ou au désespoir

mais un jour peut-être à force de railleries la malle béera

dans des verres sales ils se saoulent et leurs muses tricotent des vers

01 septembre 2019

ils paient d'une histoire d'un conte ou bien d'une fable leur ivresse jaune

en bon politique le ciel ne respectera aucune promesse

en montant les marches ils atteignent les étoiles par le toit ouvert

dans le crépuscule sur le toit de la remise le chat veille au grain

ils rêvent de livres et de lecteurs maudissant leur façon d'écrire

un peu gris ce soir — des pièces à convictions traînent sur la table

personne ne sait que la vieille maison close vit de poésie

parfois il me semble avoir épuisé tous les mots — besace tarie

un verre d'alcool en cinq minutes je torche un premier tercet

je gratte mon cou les écailles de ma peau crissent sous les ongles

puis un souvenir un regret une amertume un second tercet

au bout de la digue après des nuits d'insomnie le phare s'endort

un rêve oublié qui remonte à la mémoire voilà le troisième

48


Paroles d’un compte erratique

ça ne faisait rien au moins je n'étais plus seul et je m'endormais

je termine là car mon ombre qui oscille me réclame un verre

tout là-bas vers l'est la constellation de l'ange perce les nuages

02 septembre 2019 toujours face à l’Est mon appareil s’exaspère du soleil dans l’œil

fidèle mon ombre s'assoit sur la chaise en face silence complice

il ne boude pas il surveille mes arrières pendant l’apéro

ma tête est trop lourde à l'heure des confidences je n'ai rien à dire

elles se rapprochent pour jacasser toutes deux des malheurs du monde

son verre se vide mon ombre prend la bouteille et boit au goulot

les futurs noircis dans le ventre de la Terre sentent le cadavre

un furtif sourire — l'ivresse du fond de verre frôle les abysses

petite tarente juste née avant l'automne il te faut grandir

désert dans ma tête j'imagine mon squelette blanchir au soleil

enfant de la nuit je suis né avant l'aurore un matin d'hiver

il n'y a jamais de dernier verre vidé c'est le tour des rêves

perdue dans le ciel au milieu de ses compagnes mon étoile geint

Quand mes deux grands-pères, poussés par le fascisme et surtout par la faim, se sont installés à Marseille, ils n'ont pas obligé leurs voisins Corses à manger des pizzas !

les feuilles brûlées par cet été orgueilleux craquent sous mes pas quand j'étais enfant la nuit me terrorisait de brûlants fantômes

03 septembre 2019

j'avais froid pourtant alors j'implorais ma mère qui ne venait pas

ce septembre bleu qui renie ses traditions qu’il a le cœur sec

c'était donc mon père à travers la pièce unique qui criait sur moi

regard intérieur mais oreilles attentives aux couleurs du monde

49


Paroles d’un compte erratique

au bout du silence nous avons pris sa voiture vers un bar ouvert d'un geste j'ai commandé des cafés et des croissants

vus depuis l’auvent les lauriers-roses se mêlent entre ombre et soleil paisible soirée en compagnie des tarentes je rêve tout haut

par dessus la table elle m'a tendu ses clés et je suis parti

la grosse tarente sous la poutre de l'auvent me fait un clin d'œil

mon chat m'a offert une petite souris au cœur palpitant

le train suit sa piste en jouant de la trompette sur des rails gauchis

une nuit d'hiver sous l'auvent et dans un verre je l'ai oubliée

04 septembre 2019

le ciel est turquoise je revois l'iris encore qu'elle avait au cou et le parfum d'améthyste du petit jardin d'arômes

apportés par le vent pour habiller le soleil des hardes de nues hésitant encore il patiente une minute avant de plonger

je compte les jours sur le boulier de l'ennui — dernière rangée

les dernières fleurs tout à l’heure la cisaille fera son office

petite sœur petite fleur où vas-tu rêvasser encore le pré cet été a brûlé et l'automne est sans pitié

il y avait du vent ce jour-là sur la Corniche entre les embruns comme une île imaginée elle est apparue soudain

05 septembre 2019 le vent s’est levé et il découvre le ciel de toute espérance

nous n'avons rien dit nous regardions les rochers résister aux vagues

sur les herbes sèches il repose sans vraiment être vigilant

le vent nous blessait dans ce matin lumineux de janvier glacial côte à côte nous restions sans regard et sans parole

le bec barbouillé par le sucre et les reliefs de l’ultime figue

le Frioul au loin et le surfait Château d'If flottaient sur l'écume

le vent est brutal il assèche la garrigue plus qu'un plein été

50


Paroles d’un compte erratique

tarentes frileuses rentrez vite sous les tuiles le vent est trop froid

des lambeaux de gaze errent dans le ciel frisquet septembre s’impose

d'une branche à l'autre dans le silence du vent l'écho du vacarme

paupières fermées le monde lui appartient son monde intérieur

le vent est mystère il vient d'un nord improbable claquer sur mes os

la princesse aveugle admire de tout son cœur le prince boiteux

sortilège étrange — le fantôme des pins tremble mon ombre ricane

silence profond — les ailes des papillons font frémir la lampe

un matin j'irai sur la tombe de mon père en reconnaissance

le vent se repose et une feuille de chêne berce son sommeil

d'où vient-il le vent qui me glace les orteils en tenue d’été

la pince pénienne la sournoise malfaisante m'a coincé les burnes

06 septembre 2019

08 septembre 2019

émissaires sombres annonciateurs de la pluie — toujours des promesses

le soleil hautain dans un ciel plein d’arrogance a soumis la terre

un camp retranché il s’installe sur la table — premier jour frisquet

dans les herbes sèches il a trouvé le moyen de se rafraîchir

la nuit cristalline — sous l'auvent la fraîcheur tinte sur mes nerfs tendus

il y a dans le vent des parfums d’outre-mondes des senteurs du levant et des fleurs vagabondes

la ville orgueilleuse de ses larges boulevards oublie ses impasses

10 septembre 2019 bienfaits de la pluie le jardin semble sourire malgré la pénombre

quand les mots me mentent qu'ils s'enfuient ou se dérobent je ferme boutique

journée confinée il s‘occupe comme il peut pour tromper l’ennui

je ne pouvais pas échapper à mon destin de pilleur de lunes

07 septembre 2019 51


Paroles d’un compte erratique

la pluie se présente au rendez-vous de septembre en rougissant presque

oiseaux minuscules ils pillent les pyracanthes sans peur des épines

reflet de la lune sur la table de l'auvent — mon ombre pâlit

deux traits parallèles des rails tracés dans le ciel pour gagner la lune

silhouette sombre mon chat sur le toit humide contemple la lune

c'est un long chemin sombre aride et cahoteux dont je vois le bout

murmure des arbres ils échangent des secrets dans la nuit venteuse

à la nuit le jour c'est la vie cahin-caha qui cède qui passe

la lueur au loin celle d'un petit village à l'âme égarée

12 septembre 2019 les contrails s’étirent et le ciel de bon matin a des airs malades

brume du matin — un miroir au tain terni voile la lumière

en face de moi installé pour l’apéro il compte les doses

dans la pièce sombre ma respiration blafarde couvait ma sueur c'était l'heure où des ténèbres allumaient les cauchemars

la lune hier soir habillait sa chevelure de nues de corail

11 septembre 2019

larmes dans les yeux le soir soulève des rêves remplis de poussière

dans le ciel serein les nuages se souviennent d’un ancien orage

quelques fleurs encore dans les lauriers émondés l'été me pardonne

dans sa forteresse gardé de créneaux de chaise il s’endort paisible

le cœur tristement dans ce vieux corps de malade tremble sans mesure

ma tête disjoncte l'électricité grésille j'éteins la lumière

vallée des ténèbres un train siffle dans la nuit — finir le voyage

bataille de chat — sagement le mien attend sous le lampadaire

13 septembre 2019

une chouette hulule au loin un chien lui répond — la nuit silencieuse

malgré les nuits fraîches l’été fait de l’obstruction dans un ciel soumis

52


Paroles d’un compte erratique

panique au château — le fier donjon devenu une salle d’eau

soir mal inspiré — je cherche dans les archives de quoi vous sourire

encore une lune — la demeure des rêveurs semble désertée

16 septembre 2019 un ciel immuable — l’enfer et l’éternité y dansent ensemble

des cheveux de lune ondulent dans les branchages — filaments d'argent

il n’est pas d’accord — ce que je lui ai servi est pour lui trop peuple

au bord de la table un papillon de nuit pâle bronze sous la lampe

une feuille tombe elle égratigne la lune et meurt d'un sourire

des perles de lune égarées dans l'herbe humide — trésor de la nuit

le cœur grogne et cogne dans la cage de mes côtes un battement d'ailes

14 septembre 2019 le ciel se maquille il emprunte un fond de teint au soleil grimé

les feuilles balancent et ne savent pas quoi dire — brise insignifiante

sur le fenestron il s’est mis lui-même en cage mais il a les clés

mon ombre muette alanguie dans la pénombre oublie ma présence

d'une robe jaune assemblée par des fées nues la lune se pare

la nuit me rassure une caresse frileuse assèche mon front

au bord du ruisseau parfum d'été sur ma peau et les pieds dans l'eau

j'écoute le sang qui gratte dans mes artères un air sans accord

ballon libéré des mains d'un enfant sauvage la lune divague

le silence est lent comme la feuillet tombant de mes souvenirs

15 septembre 2019

silhouettes sombres sentinelles dans ma nuit — veillent les grands pins

la pâleur du ciel filtre les rayons sans force d’un soleil brumeux

figés sur la table une bouteille et un verre hésitent encore

boire à la fontaine qu’on commande d’un regard assis dans l’évier

53


Paroles d’un compte erratique

au fond de ma poche il y a la vie qui bat que je serre fort mais qui finira par fuir dans un hoquet d'amertume

son rire surtout qui abattait mes murailles oui je m'en souviens

17 septembre 2019

et j'entends le rire de cette nuit de tempête qui depuis perdure

grincements d'un train qui peine sur le chemin d'incertaines gares

changer d’objectif n’est pas le meilleur moyen de changer de ciel

j'ai rangé l'espoir d'un soupir d'une caresse en bas dans la cave

depuis son donjon il attend que je lui brosse un poil sans désordre

18 – 19 septembre 2019

la pierre qui roule entraînée par le torrent c'est bien notre vie

lambeaux de nuages jetés aux nez du soleil par un ciel hargneux

lentement je range table et chaises du jardin la journée s'achève

regard en arrière — mais non il n’y a personne pour troubler sa sieste

une pie s'agace dans la nuit sombre du chêne trouble du sommeil

papillon de nuit qui te nourris de lumière prends garde à tes ailes

voyageur sans borne j'ai fait plusieurs fois en rêves le tour de la terre

la nuit a mangé un gros morceau de la lune la nuit est gloutonne

mes doigts qui s'accrochent aux corniches de la vie tremblent de fatigue

parfum de silence dans la nuit énamourée après une averse

levant vers le ciel un regard un verre vide la lune est bien ronde

auprès des licornes les fées dansent et leurs ailes parfument mes rêves

jardin d'un été l'ombre noire des cyprès creuse encor la terre

finie est l'Histoire le temps seul semble infini mais il est muet

ivresse d'un soir je pose le dernier verre et je n'oublie pas

bouffées de chaleur — serais-je une vieille femme que les ans taquinent

54


Paroles d’un compte erratique

dans un dais de brume la lune mélancolique berce ma tristesse

comme d'un fruit sur je garde le goût acide de mes souvenirs

20 septembre 2019

la nuit sans étoiles une chambre sans tendresse des draps sans chaleur

brumes de septembre le soleil joue au fantôme dans les gazes tièdes

22 septembre 2019 un ciel de ténèbres ferme la porte au soleil — le silence est noir

par quoi commencer si je feins l’hésitation c’est pour l’enrager

mon petit dodu médite avant de dormir sur mon gros bidon

au loin la ville scintille depuis qu’est tombé le ciel tous les marchands de couleurs y font leurs emplettes

des rus de ciel bleu déversés entre les nues la pluie dilettante

21 septembre 2019

l'herbe reverdit et les feuilles lavées luisent le jardin se signe

poussées par le vent d’un soleil sans enthousiasme les nues se rassemblent

lueur de l'auvent sur le mur l'ombre est taquine dans la brise lente

enfin il choisit le premier plat matinal ce sera noisettes

j'appuie ça fait mal — ne plus toucher les blessures surtout les anciennes

la pluie a cessé les fragrances de l'automne errent sous l'auvent

je regarde l'heure — il ne devrait pas tarder le train de l'ennui

jardin abreuvé il illumine la nuit de tous ses parfums

tonnerre lointain bien au-delà des collines un autre pays

le vent s'est levé il agite les grands chênes et les fait pleurer

je reprends un verre le liquide aux dents de bronze me ronge les tripes

entre les rafales remontent de la vallée d'aigres geignements

mais où allons nous sur cette barque sans rames dans cette tempête

pensées refluant sur cet estran il ne reste aucune coquille

55


Paroles d’un compte erratique

seul dans cette nuit où j'écoute le silence qui berce et m’envoûte

une dent m'agace le souvenir douloureux d'anciennes défaites

pénombre immature le ciel garde encore en lui l'odeur des blessures

rêve récurent d'une maison que j'élève sur des immondices

ce n'est qu'une averse une petite pluie fine qui embue mes yeux

des bribes de rêves d'une construction immense sans la moindre porte

mes joues étaient rouges quand de ses yeux d'émeraude elle m'a souri

sans une fenêtre et une odeur de charogne et d'eau de vaisselle

23 septembre 2019

un couloir en ruine donnant sur des pièces vides aux murs couleur sang

le ciel s’est repris — les contrails indifférents poursuivent leur route

des sacs de poubelles dissimulés dans des fosses des sacs de vomis

terrasse au soleil le doux minou en profite et plisse des yeux paisible soirée dans la brise et le silence je rêve tout haut

c'est l'hiver la nuit mais j'ai chaud et je distingue mon corps suspendu percé ruisselant de vers et sécrétions brunâtres

à l'ombre des chênes assis sur le banc complice je tutoie le vide

le cou distendu et la langue épaisse et verte jouent un glas lugubre

le long du chemin qui monte dans les collines ma longue fatigue

plus loin la pénombre aussi froide que l'enfer arrache mes tripes

quand je le regarde à travers le fenestron le ciel est petit

les mâche et les hache et les vomit d'un hoquet puis tout recommence

les arbres se taisent ils respectent dans la nuit le sommeil des nids

j'empile des sacs de cadavres et de morve en suant d'effroi

minuscule étoile qui veille sur mon destin secoue-toi un peu

la tâche est trop lourde je n'en viendrai pas à bout la nuit est immense

24 septembre 2019 56


Paroles d’un compte erratique

perdues dans le ciel au-dessus de la vallée des lambeaux de brume

où est ma jeunesse — ensablée sous les années mais toujours présente

nous faisons la sieste avachis l’un comme l’autre au cœur de midi

vieillard sur le sable je la regardais voler la jeune sirène

mon ombre est complice de mon immobilité et de mon silence

l'ivresse a tardé quand elle est partie j'avais la gueule de bois

dans la nuit opaque le reflet des souvenirs irrigue mes yeux

une feuille morte résiste sur la terrasse au souffle du vent

papillon de nuit — en accrochant la lumière un éclair dans l'ombre

26 septembre 2019 voyez-vous le vent dans les replis des nuages — une brise atone

comme un chien fidèle sur le seuil de la maison le vent s'est couché

retour à la source où il s’abreuvait chaton tout près de sa couche

l'orage est passé — dans la cuisine je donne un coup de balai

tanguant doucement dans un rêve encalminé je bois le soleil

j'ai rêvé de vous belle dame au cœur frivole — c'était quand déjà ?

25 septembre 2019

poussant le volet je prends l'Est en plein visage bonheur du matin

velours côtelé — le ciel déjà se prépare à passer l’hiver

le chat dans mes bras bercé comme une peluche nous nous ronronnons

regard en dessous complote-t-il une ruse ou bien s’endort-il

sur le bord du lit l'esprit encore en désordre au bord de l'abîme

les feuilles s'agitent la brise en prend de la graine et souffle plus fort

je laisse mes yeux basculer vers le néant tropisme du vide

petit tintamarre — les premiers glands de l'automne roulent sur les dalles

mon ombre est chimère à la fois rage de vivre et désir de fin

57


Paroles d’un compte erratique

les jours se déchirent comme ces feuillets tachés d'encre encore humide

cheveux de sirène sur les galets de la plage hiver crépuscule

minuit m'accompagne jusqu'à la porte des songes et me laisse là

soyeuse soirée en compagnie des tarentes et des pensées lentes

le rêve était grand pourtant ce n'était qu'un rêve au bord du néant

minuit en automne somnolent je plains les feuilles qui sans un cri meurent

parfums de la nuit je partage avec la brise le chant du silence

le verre de trop ce verre qui sans surprise vous frappe au plexus

je pose mon verre et déjà mon ombre avide s’en ressert un autre

souffrir est un luxe que seuls les cœurs rassasiés peuvent se permettre

j'ai usé mon corps d’alcools et de cigarettes mais je rêve encore

28 septembre 2019

27 septembre 2019

joli ciel sans tache qui ferait prendre septembre pour un mois d’été

le ciel des collines prends les couleurs de l’été et octobre est proche

les yeux dans le vague il se repose épuisé par sa promenade

sur l’abri à bûches qu’il a pris pour promontoire il suit l’horizon

les feuilles écrivent leurs dernières volontés dans le vent d'automne

l'écorce du vent qui transpire insolemment des larmes de feuilles

depuis la vallée des bruissements des rumeurs occupent l'espace

le dragon s'enflamme une haleine de suie noire ronge les poumons

un filet de brume dépose sur l'herbe sèche un baiser humide

la grosse tarente a profité de l'été sous l'auvent prodigue

l’heure où le silence épuisé par la journée bruisse dans la nuit

ma peau de lézard ravinée et maculée crisse sous mes ongles

mauvaise rencontre mon chat vient de rentrer la queue en panache

58


Paroles d’un compte erratique

puis il est sorti toujours aussi pétochard pour veiller au grain

fantôme frileux dans la gouttière mon chat plagie Baudelaire

cette male dent qui impose sa dolence sans faire trop mal

le train titubant sur de vieux rails maltraités se perd dans la nuit

je courrais enfant sur le pavé sale et gras de rues sans espoir

la vallée sonore crisse lamentablement sous les roues d'asphalte

un convoi traverse à grand coups de rails meurtris les torrents du crâne

30 septembre 2019

29 septembre 2019

nuances de ciel — des nuages d’aquarelle étirent le vent

un « i » dans le ciel un « i » comme indifférence à la soif de l’herbe

parfois son regard me parait plein de reproches — mais qu’ai-je pu faire ?

pourquoi boit-il là plutôt que sur les carreaux — routine de chat

mémoires d'automne la mélancolie revient hanter mes sentiers

langueur de l'automne peu à peu le ciel se couvre de lambeaux lugubres

papillon de nuit ton ombre sous la lumière joue avec mon ombre

pas un souffle d'air et le feuillage immobile trouve le temps long

il pleut des regrets et chancelant sous l'orage je cherche un abri

mon ombre est mutique et dans la lumière lasse je ne parle pas

un mur de ténèbres entre l'auvent et le ciel nuit impénétrable

ivresse du soir les vibrations du silence tintent sur nos verres

brume du matin — de longs fils entre les pins jouent dans la lumière

ficus de l'auvent hiératique dans le nuit il devient bonsaï

la colline au loin secouée par le soleil s'extrait de la gaze

des glands minuscules choient des chênes malmenés par l'été aride

lever matinal je disperse le brouillard d'un mouvement lent

59


Paroles d’un compte erratique

avant le café je m'occupe de mon chat pitance et caresses

c'était un matin dans la tiédeur de la couette le temps somnolait

01 octobre 2019

les heures passaient sur le gué de nos désirs de lèvres en lèvres

soleil hors saison le ciel ne sait plus comment il doit se vêtir

03 octobre 2019

en lissant ses lèvres il laisse entrevoir sa langue rose de plaisir

mélange de ciel de vapeurs de kérosène et d’espoir de pluie

octobre sans bruit prend la suite de l'été le temps change peu

parfois sur son lit il s’essaie au camouflage version monochrome

poignée de gravier lancée par la brève averse au nez de l'auvent

la brume légère enveloppe le jardin de nacre luisante

cette dent qui bouge contre une autre dent qui bouge me laisse sans dents

sous l'auvent frileux je me cramponne au fauteuil la lampe vacille

petit escargot qui traverse la terrasse message de pluie

lumière propice — les tarentes sur le mur guettent leur pitance

abri sous l'auvent elles ne redoutent pas la pluie les tarentes

il pleut sur l'allée — les lampadaires piteux ont le nez qui coule

02 octobre 2019

04 octobre 2019

le ciel nettoyé par l’orage de la veille sourit à nouveau

arbres toujours verts et pluies toujours attendues — l’automne paresse

il a retrouvé son vieux coussin au grenier et il en profite

petit déjeuner sur l’évier de la cuisine — caprice de chat

on perd tous la tête et le monde perd la boule — tout tourne vinaigre

une soirée tiède un petit vent sous l'auvent des pensées volages

le vent était noir comme la nuit qui semait des étoiles froides

un portail qui claque un chien qui aboie tout près la nuit se déchire

60


Paroles d’un compte erratique

octobre paresse à la douceur de l'automne une saison lente

des ombres farouches gesticulent sur le mur seulement des ombres

avec un soupir auprès d'une feuille morte le vent s'est posé

la lampe ensorcelle les doux papillons de nuit d’ombres gigantesques

la nuit est profonde j'entends mon cœur qui bourdonne tout au fond du puits

prostrées sur le mur deux tarentes se regardent en chiens de faïence

cette étoile-là oui celle au bout de mon doigt sur qui veille-t-elle

le ciel est meurtri les lumières de la ville mangent les étoiles

un bouquet de fleurs j'attendais sous les arcades un rire à la main

06 octobre 2019 rien d’excitant — le portrait d’un paysage avec deux nuages

trop vieux trop malade la vie file entre ses doigts un mauvais coton

profonde plongée sur un coussin bathyscaphe — abysses des rêves

dernière gorgée — sur le verre qui tremblote une trace d’aile

05 octobre 2019

soucieux de demain la trotteuse de la montre ne s'arrête pas

grasse matinée le soleil flambe déjà quand le volet s’ouvre

songes sous l'auvent c'est l'heure mélancolique où le cœur trébuche

la table est propice à ses rêves de festins et chasses promises

les feuilles qui crissent sur le gravier de l'allée pas tout à fait mortes

la tarente verte qui me tenait compagnie change de couleur

une pluie de glands profitent d'une rafale pour sauter de l'arbre

c'est un soir d'automne aussi sec qu'une biscotte et sans confiture

le vent se renforce la lanterne de l'auvent emmêle les ombres

le silence berce une lointaine musique à peine un murmure

dans mes yeux la nuit prend des teintes de lagon d'été éphémère

61


Paroles d’un compte erratique

je ferme les yeux je me souviens d'un jardin accablé d'arômes

écho du soleil sur la membrane du ciel — lumière et musique

illusions tenaces je vieillis au jour le jour — miroir ironique

regard en arrière le flou brumeux se fait dense temps d’aller dormir

même quand le clown en rigolait sur la piste l'histoire était triste

au bord de l'ennui je veux griller une clope mon briquet est vide

07 octobre 2019

mon ombre de gauche demande à celle de droite de la resservir

hier au soir le ciel promettait l’enfer mais c’était hier

ce soir j'ai deux ombres pour me tenir compagnie sous les deux lanternes

il s’entraîne à prendre des postures de statues mon sphinx d’étagère

j'ai changé l'ampoule de la lampe de l'auvent pour fuir les ténèbres

il fait frais ce soir sur mes pensées vagabondes je pose un lainage

ce soir je suis loin de l'amertume du monde et je bois la mienne

la lampe tremblote la fraîcheur venue d'ailleurs sous l'auvent complote

gorgée après l'autre peu à peu l'esprit se vide au rythme des verres

regain de vigueur de joyeuses pâquerettes jouent dans le jardin

09 octobre 2019

ce qu'on voit du ciel n'est que la plage paisible d'une baie sans houle

douceur des nuages — ils recouvrent les collines de mélancolie

je n'ai pas de science de la terre ou la nature je sens leur étreinte

de près on distingue une boule de tendresse lovée dans ses poils

sur le banc de bois feuilles mortes enlacées d'un dernier baiser

soirée mélodique — dans les arbres le vent danse sur un air d'automne

j'ai relu Dune à l’aune de l'islamisme — j'ai froid dans le dos

l'esprit égaré dans les étoiles pensives désordre des sens

08 octobre 2019 62


Paroles d’un compte erratique

poutres de l'auvent une toile d'araignée trouble mon regard

les jours grise mine suivent les nuits sans étoiles froide est la saison

silence des heures j'épuise des souvenirs le cruel vacarme

survivre à l'enfant le vieillard peut-il y croire au fond de ses rides

la nuit est épaisse plusieurs couches de ténèbres étouffent les bruits

12 octobre 2019 par-dessus le ciel sur les nues et les oiseaux l’automne ricane

que devient le monde un orage de silence s'abat sur la terre

un câlin griffu — mon gros chat oublie parfois qu’il n’est plus chaton

sur la chaise-longue une feuille vibre encore charité du vent

11 octobre 2019

une nuit sereine le voile léger d'un ciel embrumé de lune

quand le vent du nord plisse les sourcils des nues le ciel se renfrogne

à un jet de pierre des automates sauvages meurtrissent la terre

pensif il savoure l’indulgence de l’automne et sa somnolence

un Ubu rougeaud s'essuie les pieds sur ses gages et des corps sanglants

linceuls dans le ciel les fantômes des nuages bruissent en silence

nous fermons nos gueules il jubile il est content il a ses harkis

douceur de la nuit la grosse tarente verte estime mon poids

début de l'automne les mois d'hiver s'annoncent comme un sang glacial

l'humanité hurle dans le bruit incandescent des nuits assassines

mes nuits orphelines la mémoire se dilue et mon verre est vide

gesticulations les clowns des nations se couchent sous les aboiements

mon ombre voyage au gré des sautes de vent sous l'auvent distrait

âme vulnérable une flèche empoisonnée au cœur de l'été

13 octobre 2019 le ciel en lambeaux offre pourtant un spectacle de saga nordique

63


Paroles d’un compte erratique

un coussin moelleux et le rêve incomparable d’un tapis volant

14 octobre 2019 l'orage s'approche peu à peu la lune cache son œil dans la brume

sous un ciel de gueules le sang des corps dépecés irrigue le sable

grondements lointains les nuages s'épaississent odeurs électriques

la lune narquoise contemple sans insolence la folie des hommes

le vent de la pluie traverse la terrasse emportant avec lui quelques feuilles lasses

enfants ils jouaient côte à côte aux mêmes jeux puis ils ont grandi

la nuit devient dense et l'ombre des arbres fuit l'étrange menace

ce bruit qu'ils entendent émerger du fond du ciel c'est la mort sans doute

se sentant mourir la vieille chatte est rentrée aux bras de ma mère

dans cette nuit tiède que les ténèbres consument un hibou transi

le tonnerre un train qui peut dire dans la nuit ce qui gronde au loin

mon chat est inquiet il traîne sur la toiture sa peau de fantôme

le pré est couvert de pâquerettes d'automne un printemps tardif

vieillard indocile je me prépare à la mort un verre à la main

combats de fourmis trop de haine sans espoir l'humanité sombre

un verre encore un et mon ombre va se fondre au fond de la nuit

mon chat me raconte les parfums de marjolaine et de romarin

mon ombre titube une cigarette un verre et la nuit se creuse je souris parfois quand je me souviens de celles qui m'ont fait pleurer

15 octobre 2019 collines brumeuses la pluie finit de tomber sur la nuit d’orage

de l'alexandrin que je soudoyais naguère au tercet complice il s'est fallu peu de temps une vie c'est peu de choses

il va s’endormir parmi les vielles peluches après la nuit blanche

64


Paroles d’un compte erratique

le temps a fraichi à la clarté de la lune les étoiles bruissent

torpeur de l'auvent son silence me saisit parfois à la gorge

silence lié au joug de la nuit qui laisse discourir le vent

le rêve et l'ennui d'une vie sans consistance se mêlent souvent

j'entends dans la tête cette ancienne mélodie de mon jeune temps je goûtais cette chanson aux fruits sucrés de ses lèvres

je n'ai plus d'espoir pourtant la résignation n'est pas au programme guidés par la lune les nuages redessinent la carte du Tendre

l'asphalte luisant chuintait sous mes chaussures — seul avec mon ombre

17 octobre 2019

ouvrage imparfait — j'ai cousu mon existence de fils barbelés

dans un ciel tranché une baguette magique fait fléchir la pluie

à l'ombre des rêves je me raconte des fables en niveaux de gris

regard suspicieux — hier un chat malandrin s’est servi en douce

la nuit pour complice je volais à son sommeil des miettes de rêves

au bord de l'ivresse je la regardais danser dans la brume épaisse les soudards lorgnaient son corps moi je contemplais son âme

16 octobre 2019

fumées et sueurs courraient sous le plafond bas en volutes sales

nuancé à peine cet automne s’accommode d’un ciel sans passion retour aux peluches il y a longtemps pourtant qu’il n’est plus bébé

j'ai levé mon verre en pénétrant son regard ses yeux ont brillé après tout j'étais le chef de ce ramassis d'ivrognes

la traîne de lune qui déchire les nuages s'agrippe au feuillage

braillant de plus belle ils n'ont plus fait attention à son corps luisant

étrange nuit claire où le pinceau des nues baigne dans un pot de lune

elle s'est assise provocante de parfum en face de moi

65


Paroles d’un compte erratique

avec un rire empâté elle a vidé la bouteille

mais que faire d’autre quand la pluie frappe aux volets sinon s’endormir

elle a pris l'argent crasseux posé sur la table et m'a dit adieu

le ciel magenta a dérobé les étoiles le vent s'en offusque

18 octobre 2019

les nues se rassemblent dans le ciel crépusculaire en langes épais

juste avant qu’il pleuve le soleil entrouvre un œil qu’il referme vite

bien avant la nuit les fleurs se sont refermées dans le vent volage

tournée d’inspection il arpente la toiture en douanier sagace

20 octobre 2019

le vent est venu depuis le fond des âges balayant sa vertu d'un premier outrage

chahut de l’automne — le soleil dispute au vent sa part de nuages

toujours court vêtue elle n'était pas très sage mais était têtue

foutoir de l’automne — de l’herbe et des glands qui tombent au moindre frisson

le bruit de la route escalade la colline poussé par le vent

une averse tiède glisse sur les feuilles lasses lessive d'automne

à dos de chameau ils ont couru le désert jusqu'à l'oasis où la tribu d'Amazones leur a coupé le sourire

le vent et la pluie se poursuivent dans la nuit enfants turbulents l'orage rétif reste au dessus de l'auvent dont les tuiles cèdent

elle joue à chat à la cime du cyprès la lune frivole

une nuit d'orage commence à forger ses armes au feu des tonnerres

le temps m'est compté par un usurier radin près de ses secondes

19 octobre 2019

le calme revient quelques gouttes accompagnent des glands suicidaires

juste avant la pluie le ciel prend une couleur de colère noire

j'aimais cette pluie qui cinglait sur le vitrage nous deux sous la couette

21 octobre 2019 66


Paroles d’un compte erratique

d’un arbre à l’autre en faisant fi de la pluie il se fait soleil

douceur de l'automne où dans le ciel versatile un vent sculpte les nues

aurait-il voulu faire grasse matinée pourtant il est tard

un tapis de glands a recouvert la terrasse ouvrage du vent

un silence épais dans la nuit démesurée — bourdon dans la tête

les fleurs abreuvées la douceur au rendez-vous manque le soleil

adieu les chansons et les rêves dans l'ivresse adieu vers sans rimes

à rebrousse branches le vent a surpris les chênes qui perdent leurs dents

Vénus s'ennuyait et à l'ombre de la vigne Éros était saoul

l'ombre du ficus sur le mur illuminé danse sous l'auvent

je ne sais pas trop qui aura raison de moi l'âge ou le whisky

il y avait le ciel dans la nuit riant d'étoiles et il y avait nous

les ombres des pins dans la lueur de l'auvent — de longs manteaux sombres

23 octobre 2019 l'orage est passé il laisse derrière lui sa traîne de pluie

le bruit du silence — la recette de l'oubli ne m'est pas connue

la pluie opiniâtre besogne sur la toiture — l'auvent se résigne

pourtant sans souffrance mes tripes sont digérées par un vers immense

éclairs et tonnerres ont passé la Sainte-Baume — que cesse la pluie

la brume descend emportant dans sa chemise le chant des étoiles

22 octobre 2019

le verger je crois a bien trop bu aujourd'hui les arbres titubent

sous le ciel serpente un lent cortège de nues en toge d’orage

silence soudain — juste le chuintement des feuilles qui pleurent

trônant sur la table il attend patient un coup de brosse magique

odeur d'herbes ivres — de la terre rassasiée monte le silence

67


Paroles d’un compte erratique

nuit voluptueuse — le murmure des orages au loin de l'auvent

26 octobre 2019

24 octobre 2019

suivez-moi madame dans cette danse macabre qu'est la vie à deux

musique du ciel — dans le silence apeuré roulements de bronze

le soir tombe humide et le jardin embrumé larmoie en silence

les carreaux moussus étaient secs dès le matin — il s’assoit dessus

en haut du verger les feuilles du cerisier un tapis de bronze

la brume s'élève du jardin gorgé de pluie — âme de l'orage

un ciel de coton escamote les étoiles — il triche ce soir

mes jours battent l'air comme un vol effarouché de sombres corneilles ils s'effacent de ma vie en m'abandonnant leur fiente

dans un sac de billes un calot et une agate toujours amoureux une seule larme échappée de mon regard poussière d'étoile

murmures diffus — les oreilles de la nuit ont peur de la brume

perdue dans la nuit une heure reprend son souffle et tout recommence

ni vent ni de lune quelques étoiles bourdonnent dans la nuit brumeuse

les fleurs refermées au milieu de l'herbe humide mêlent leurs racines

les joies illusoires que le flot de la mémoire laisse sur ses berges

27 octobre 2019

nous avions vingt ans et ses lèvres d'abricot un goût de défaite

sous le banc de bois repeint mille et mille fois il compte les glands

25 octobre 2019

un matin d’octobre — la brume diffuse agite la lueur des arbres

entre brume et nues le soleil enfin a pris ses quartiers d’automne

la nuit tombe vite octobre tire à sa fin l'hiver prend ses marques il commence dès le soir à imposer ses frissons

posé sur un lit de vieilles feuilles humides — des pensées d’octobre

68


Paroles d’un compte erratique

au fond des ténèbres il y a toujours l'espoir d'une lueur pâle

loin de l'océan au sommet des monts de sel un poisson ermite

silence des pins majestueux ils s'élancent à l'assaut du ciel

par son inconscience le temps de l'homme s'achève — ère des sauvages

les battements d'ailes d'un papillon minuscule dans la lueur froide

coiffés de nuages les grands chênes vénérables tiennent un colloque

un hiver pluvieux glissait sur la promenade — sa main était chaude

sur la corde raide j'allais comme un somnambule semer le néant

dans ses yeux des braises aussi vives que l'enfer m'ont fait croire au ciel

29 octobre 2019 un soleil voilé remonte des profondeurs de la nuit de brume

parfums de la nuit — souvenir d'iris sauvage et de regard noir

encore endormi c’est tout juste si je vois le flou de ses yeux

d'un plectre de cuivre les notes du shamisen sonnent le tocsin

28 octobre 2019

je compte les bruits qui roulent le long des doigts des bruits de chemins

au changement d’heure le ciel se met à l’automne sans mélancolie

la nuit de la ville jamais ne recouvrira le chœur des étoiles

le flou de la sieste nous a surpris tout les deux avant le sommeil

il pleuvait du sang les éclairs crevaient les veines des morts en suspens

une corde à linge tendue entre ciel et terre où sèchent les nues

et assourdissants les bruits crevaient les tympans des vieilles chapelles

les fées et les elfes dansent dans le clair de lune j'écoute le vent

la nuit était morte par un défaut de silence en pleine lumière

tout au bout du monde l'île au milieu de l'été est toujours déserte

une brume rouge un ricanement d'obus repeignait les arbres

69


Paroles d’un compte erratique

vouloir s'éveiller sortir de ce cauchemar était impossible

vous passiez hautain prince en vêtements brodés sans me regarder la servante que j'étais vous la servez à présent

recroquevillé au fond de ce trou puant j'étais une merde

grincement du lit dans lequel je me retourne en rêvant de nous

Sans vouloir me vanter parfois je suis aussi bon que l'IA du Sony :

odeurs des collines — les rumeurs de la vallée sont à peine audibles

mon pays est un arbre dont la ramure astringente rêve de licorne

je suis gris ce soir grisé par le souvenir de verres vidés

car ce verre-là lecteur à l'œil ironique écrit des poèmes

il ne fait pas froid — l'automne est plein d'attentions et l'auvent me berce

30 octobre 2019

31 octobre 2019

le ciel de l’automne paré d’un rire d’été ne trompe personne

octobre s’achève dans la grisaille et le froid — les collines toussent

le bruit des couleurs — pourtant la photo est nette mon esprit l’est moins

toujours ce regard de félin intimidé devant sa pitance

la nuit se repose — le silence d'un ciel ocre remonte le vent

l'ombre du feuillage pensive sur la muraille — silence des pierres

la lumière lente qui sourd de dessous l'auvent assombrit mes rêves

le regard se fige sur des ténèbres solides — nuit impénétrable

décrire ma nuit mon pauvre vocabulaire n'y suffira pas

elles chantent clair dans le ciel cour de récré — rondes des étoiles

au fond de l'étable le veau sait-il que sa mère va bientôt mourir

vautré sous l'auvent la journée est passée d'hier à demain

minuscule insecte je fais partie de la horde qui va au désastre

l'auvent est mon havre — sans pudeur je m'y arrime au fil des marées

70


Paroles d’un compte erratique

minuit nuit d'hiver — le soleil aux antipodes brûle dans l'été

soleil de novembre — il lui faut battre la brume pour lever le voile

avant de plonger dans la nuit désespérée je crois dans mes rêves

pénombre propice — au royaume des souris il fait un carnage

01 novembre 2019

un vent s'est levé — odeur de dragée sucrée effleurant la pluie

le ciel de novembre chahuté par les nuages rit d’un rire bleu

une goutte encore tombe des tuiles fendues dans mon verre vide

des mines lascives — la séance de brossage lui a fait du bien brume de novembre — un crachin sans épaisseur se perd dans la nuit

le ciel était jaune le vent soulevait le sable des dunes rêvées et l'oasis espérée naviguait sur un mirage

j'ai mal à l'enclume se disait le forgeron en tapant plus fort

la pluie toujours douce ne cache plus la colère des éclairs sonores

tristesse d'automne — le ciel noir pleure en silence ses amours déçues

au sec sous l'auvent j'écoute sans inquiétude le ciel qui s'enflamme

frôlements étranges — une pluie sans consistance caresse les tuiles

entre les nuages les éclairs tatouent le ciel d' "s" effrayants

un à un ils tombent sur les carreaux détrempés les glands dans la brume

03 novembre 2019 les nues de novembre couleur de mélancolie un nœud dans la gorge

la mélancolie a une odeur d'ail sauvage ce soir sous l'auvent

c’est sûr ce matin j’aurais dû rester au lit — du flou et du bruit

chanson de la pluie — une complainte d'amours mortes sur des tuiles sales

peu à peu l'automne a déchiqueté l'été comme un brouillon sale

je me souviens d'elle — oui nous avions rendez-vous tous les jours de pluie

je passe un lainage les tremblements de la nuit se font moins discrets

02 novembre 2019 71


Paroles d’un compte erratique

silence insistant — un vent léger lui murmure qu'il est trop pesant

les fleurs de l'automne que les parfums ont quittées brillent de rosée

à quoi servent les roses on se demande un peu leur beauté indispose un lamentable gueux

l'ombre rend les armes elle s'assoie sous l'auvent et remplit mon verre je twitte et rature des tercets sans importance je n'exige pas

les souvenirs les souvenances qui accourent en rangs serrés à l'assaut de mon insouciance et me dédaignent apeuré

je buvais sans soif sans même un espoir d'ivresse je domptais les verres

un oiseau chantait sur cette branche où mon cœur posait son fardeau

le lierre farouche saute par dessus la haie avec ses abeilles

cette nostalgie — une étrange lame froide me tranche la gorge

elle était si belle cuivrée par le grand soleil d'un été cuisant je ne réponds plus aux échos qui revendiquent un élan caustique

04 novembre 2019 réveil à l’aurore le ciel était plein de signes il pleut à présent

06 novembre 2019

bâillement lointain dans le flou et la pénombre d’un matin pluvieux

disques du soleil — novembre change de ton il est dans le vent

mouvance des sens ce parfum que j'aimais tant me rend nauséeux

torpeur de la sieste qu’un après-midi de pluie berce lentement

le vent court l'automne il rassemble les odeurs de garrigue humide

retour sous l'auvent son silence et sa fraîcheur doublée de fourrure

animal perclus le temps abuse de moi les années me minent

musique grinçante — un souvenir qui trébuche jure dans la nuit

la nuit m'intimide je ne sais comment lui dire l'envie de lumière

aucun frôlement l'immobilité s'empare de l'âme des arbres

72


Paroles d’un compte erratique

sous la lampe maigre parfois mes yeux s'illuminent d'un éclair salé

une seule étoile ce soir dans le ciel trop clair me tient par la main

sous les poutres de l'auvent il n'y a plus de tarentes pour en chasser les fantômes qui se rient de moi

sur le toit mon chat pose son pas délicat de douceur féline silhouettes d'arbres — la nuit devient un théâtre d'ombres maléfiques

une fleur rebelle résiste dans les lauriers — la haie la protège

et si ça se trouve Noé a juste embarqué son chat pour pas qu'il se mouille Noé était marseillais et il s'est pris pour lui-même

minuscule insecte qui tourne autour de la lampe prends soin de tes ailes cette toile d'araignée sous l'auvent depuis l'été que peut-elle raconter à mon cœur blasé

j'ai mal à la nuit elle pèse sur mes tripes et griffe mes yeux

jeune infante capricieuse ta fantaisie et ta moue aux allures délicieuses souvenirs si doux

08 novembre 2019

07 novembre 2019

un œil suspicieux — il pense que je le réveille pour une broutille

soleil d’outre-monde— par delà les galaxies novembre fredonne

une armée de gris — la pluie rassemble ses troupes à l’assaut du ciel

les premières feuilles ont jauni pendant la nuit — j’en frissonne encore

l’arête du toit lui tient lieu de promontoire mais il dort déjà

le froid me saisit malgré les couches épaisses de mélancolie

la mélancolie est venue s'asseoir à table entre l'ombre et moi

murmure lointain la vallée semble transie par un froid précoce

silence bruissant peu à peu les feuilles brunes préparent leur chute

l’été dans mes rides a laissé le goût du sel et l’odeur d'iris

là sur l'étagère sèchent des senteurs d'été dans des pots de grès

j'écoute la nuit qui goutte à goutte remplit mon regard de brume

73


Paroles d’un compte erratique

je suis un vieux chêne rongé de sombre apparence — je tiens à un fil

nous longions le cimetière à nous l'herbe des collines dans l'obscurité le ronronnement du poêle inspire mon souffle

été oublieux mais souviens-toi vieille carne d'un rire enjôleur

de sourds grondements ont parcouru les collines au bord de l'orage

les dernières gouttes d'un verre de nostalgie brisent l'amertume

au bout du couloir un escalier sombre aussi menait en enfer

miroir de l'automne cette nuit de mi-novembre ressemble à l'hiver

sur les murs glacés la pluie de l'hiver creusait de noires rivières

09 novembre 2019 un soleil filtré s’élève sur les collines et franchit les arbres

nous fermions la porte aux vents coulis aux fantômes pour aimer la nuit

fauve au crépuscule il est venu s’abreuver au bord du grand fleuve

il vient de rentrer mouillé des senteurs d'automne mon chat noctambule

une brume froide estompe l'ombre des pins d'un grand coup de gomme

peu à peu mon corps éparpille ses guenilles dans l'oubli sans nom

épaisse pénombre — le chat dort sur mes genoux je bois le silence

11 novembre 2019

10 novembre 2019

le ciel de novembre aussi triste que mes tripes pleure le soleil

un ciel sans couleur dans les brumes de novembre — cœur au bord des lèvres

nous faisons la sieste dans la chaleur mutuelle de notre affection

droit sur son coussin — une parure précieuse au regard lointain

ce soir lèvres closes — mes doigts n'ont rien à dire seulement ils tremblent

je froisse du thym entre mes doigts engourdis et l'été revient

voilées par la lune les étoiles se sont tues — le froid du silence

il y avait un banc sur la place de l'église où je l'attendais

74


Paroles d’un compte erratique

dans le Zanzi Bar les moustiques font la fête en sifflant des verres

ils luisaient pour lui dans la nuit froide et humide pour lui seulement

dans la malle en fer j'ai jeté les vieilles phrases d’un temps de crédule

c’était son trésor ce rêve qu’il traînerait avec lui — ailleurs

aux murs de mon cœur la carte de mes défaites rongée par la rage

13 novembre 2019 dessus les collines un linceul de nues épaisses s’ouvre à la lumière

minées par le temps les fondations de mon âme roulent vers l'enfer

12 novembre 2019

sur les carreaux tièdes il attend que je décide de bouger un peu

plaquée par le vent la brume sert de bavette à un soleil narquois

juché sur les tuiles il attend mélancolique un signe de lune

à quoi songe-t-il pendant de je me prépare à lustrer son poil

novembre est trop froid cette année je me souviens d'automnes plus tristes

une lune froide secouée par le mistral — je rentre la tête

mon chat est rentré avec cette odeur d'hiver qui court sur la neige

nuit impitoyable le vent éreinte les arbres supplice des feuilles

la nuit cristalline comme ce flocon de neige crisse dans ma tête

le vent s'est calmé — en moi reste sa colère et sa lame froide

un filet de nues entre le ciel et l'auvent glace le silence

une étoile brille je ne connais pas son nom et elle m'ignore

le froid sur ma peau venu d'un nord improbable malmène novembre

au bout de la rue il y avait ce vieillard qui rêvait sans cesse dans sa main une sébile sur sa lèvre un chant d'espoir

14 novembre 2019

il était si vieux que même les vieux pavés le reconnaissaient

à côté de moi à la lueur de la lampe — déprime commune

une pluie frileuse lave les couleurs d’automne — ce gris me déprime

75


Paroles d’un compte erratique

des vagues de pluie ont déferlé sous l'auvent — les fesses trempées

l'ombre du passé étend sa poigne glacée sur l'incertitude

le poids de la brume accable les pins transis — la vitre s’embue

le vent s'est levé un poignard mal affûté crisse sur mes dents

le chat dort paisible à l'abri sur son coussin — le vieux fauteuil grince

rivière de sang — dans mes veines coule encore une adolescence

pénombre complice — je remplis encore un verre de silence ambré

le cœur à la pluie — tu les sens tu les entends ces lames qui tombent

sur la verrière une pluie lasse s'obstine à brouiller mes yeux

16 novembre 2019 la lune embrumée promène entre les collines un corps de danseuse

dernière gorgée — en boitillant je rejoins les rêves du chat

15 novembre 2019

fourbus les jours glissent entre aujourd'hui et demain froissant le passé

les lambeaux froissés dans un ciel sans complaisance y vaguent encore

la vallée s'endort dans le murmure indolent de ses routes grasses

patient sur la chaise il attend que je l’approche de la table mise

pénombre et silence accompagnent mes chimères au-delà des songes

le chant de la pluie la complainte monotone des tuiles anciennes

sous l'auvent glacial tu ronchonnes tu maugrées parmi tes errances

la pluie et la brume ont emprisonné le froid dans mes os de sel

17 novembre 2019 un matin d’hiver se lève sous le manteau du cœur de novembre

le souvenir mauve dans un été improbable d'une odeur d'iris

repas impromptu c’est sur mon pouce qu’il mange — j’ai donné le thon

les vieux meubles craquent dans l'obscurité avide de contes de fées

un silence humide a recouvert le jardin et la nuit frissonne

76


Paroles d’un compte erratique

la pluie en embuscade attend bien sûr que je sorte pour tomber sur moi

sur le bord du quai j'attendais qu'elle débarque avec son sourire

entre les branchages la grasse lune gibbeuse me fait un clin d'œil

19 novembre 2019 sur le jardin il pleuviote quelques gouttes fatiguées du froid de novembre

cette nuit frileuse — quand le silence est si lourd qu'il frôle l'angoisse

à côté de moi il s’est enfin endormi comme une peluche

18 novembre 2019

les routes du ciel se sont fermées pour la nuit les anges soupirent

tous ces arbres verts sous l’hiver d’un ciel chagrin — le cœur dans le doute

seul dans le salon je savoure l'amertume ambrée du silence

petite toilette en attendant les caresses d’une brosse douce

le cœur de travers bat le refrain syncopé de marches ratées

silence — le poêle par moment étouffe un murmure

du fond du fauteuil je me conte des histoires à dormir debout

pénombre— la veilleuse de la télé crie son désarroi

d'un noir d'encre à l'est le ciel peu à peu se teinte d'éclats de poussière

immobilité — l'incongruité de mes tripes froisse le fauteuil

j'écoute la nuit un silence sans pitié brûle mes tympans

à l'ouest le ciel est jaune Marseille brille encor d'un passé plaqué or mais ses rues l'abandonnent

20 novembre 2019 une nuit de pluie cède la place au soleil — stupeur de novembre

cette brume froide qui tombe sur le jardin et souille les fleurs sur la tombe de mon père les pétales de l'oubli

il s’est préparé à plonger dans le coussin d’un profond sommeil

le chat est rentré tout le pelage embrumé d'automne féroce

mon ombre est venue assise sur mon fauteuil elle prend mon verre

77


Paroles d’un compte erratique

tentative ultime d’un soleil découragé — la pluie vengeresse

les pieds sur la table je fixe le radiateur il fait un clin d'œil

du haut de son trône il guette mes moindres gestes pour ne rien manquer

la pluie douce-amère qui chantonne sur les tuiles fendues de mon cœur

ruisselant sans hâte sur les façades noircies une longue pluie

épaisse pénombre ces frôlements qui chuchotent derrière la porte

je sais que la nuit un hérisson vient gratter dans le bol du chat

21 novembre 2019 la brume s'enroule autour des pins rugueux et la pluie ricane

je posais ma main avec tendresse toujours sur son poing crispé

le ciel se lamente sur une terre revêche larmes des étoiles

l'orage s'éloigne il abandonne sa bruine au silence ombreux

22 novembre 2019

24 novembre 2019

le soleil se lève et d’un geste somptueux il chasse les nues

entre deux averses le ciel reprend des couleurs qu’il perd tout de suite

il dort en confiance sur ce coussin convoité par mes jambes lasses

jardin interdit par une pluie insistante il rentre au coussin

il pleut sur les arbres et le vent qui s'en mêle pèse sur leur cœur

fauteuil avachi devant la télé éteinte je me passe un rêve

la tendresse reste gravée éternellement dans le cœur des pierres

je goûte au silence qui tombe comme des gouttes sur mes souvenirs

qui écoute encore les fables mirobolantes d'un vieillard gâteux

le jardin frileux enfile un manteau de brume et de nuit humide

les gifles de pluie m'ont chassé de l'auvent il fait doux pourtant

odeur de l'automne — les feuilles transies se serrent aux pieds des vieux chênes

23 novembre 2019

78


Paroles d’un compte erratique

sucré et amer ce vieux whiskey irlandais comme un temps d'automne

le lever du jour sur les jardins embrumés — sourire d’automne

pénombre propice — les jours passent et je glisse vers l'aube fatale

pas de politique — de quel côté se coucher il hésite encore

25 novembre 2019

la soirée languit entre le ronron du poêle et mon verre vide

jour d’après la pluie la lumière est absorbée par les nues buvardes

j'entrebâille un livre la poussière monte aux yeux c'est un livre ancien

d’un regard distrait il surveille l’objectif qu’il s’était fixé

un vieil homme amer frôlant la résignation pas vraiment aigri

odeur de résine mon chat vient de rentrer avec ses aiguilles

je compte mes rides et si je pouvais le faire j'en rajouterais

silence profond sur la terrasse un gland roule le silence encore

sous l'auvent temps calme je ne hisse pas les voiles vers le port des rêves

j'avance sans force et je m'assoie sur la borne au bord du chemin

une feuille tremble dans le petit vent humide elle sait l'automne

il fait presque chaud — depuis l'auvent je contemple l'haleine de l'herbe

dans le verger sombre une odeur de feuilles mortes — ma nuit de novembre

sur le paillasson l'hiver attend immobile que la porte claque

que d'années passées à chercher mon sac de billes — fin de la récré

pénombre amicale j'écoute battre mon cœur je suis rassuré

vent de nulle part dans les feuillages sombres — le jardin panique

au bord du naufrage je me souviens la poussière m'a tendu la main

27 novembre 2019

le cœur sans mémoire compte seulement les heures en dernier ressort

dans la nuit la pluie est tombée sur le jardin sans être invitée

26 novembre 2019 79


Paroles d’un compte erratique

le vent se renforce et dans sa rage il disperse les feuilles fourbues

il ne quitte guère le cousin de mon fauteuil — ils vont bien ensemble

« soyez aussi bon que vous croyez l'être » le monde en sera meilleur suis-je moi-même capable de cette haute ambition

ce soir le silence sourd lentement de ma plume comme une blessure

28 novembre 2019

30 novembre 2019

étroit promontoire sur lequel sans équilibre je bois le vertige

chevauchant les nues l’hiver calmement installe son front au soleil

29 novembre 2019

odeurs de passage sur la terrasse moussue il quête le vent

le soleil troublé par un philtre maléfique en appelle au ciel

au cou de la nuit quelques gouttes de pluie fines brillent doucement

depuis son donjon il examine la plaine d’un œil seulement

sur la verrière les battements de la pluie questionnent mon cœur

le vent dans ma tête agite des souvenirs dont je veux l'oubli

dans la pluie se glisse une complainte d'automne aux chœurs nostalgiques

les feuilles frissonnent dans le vent froid de novembre les jours sont si courts

loin de l'horizon dans une terre stérile j'enfouis mes rêves

les mains dans les poches je promène sous les chênes ma vieille mémoire

le chemin serpente au-dessus de la falaise — je vais sans vertige

sur la table basse j'ai posé une bouteille de chagrin amer encore une fois mon ombre en silence emplit son verre

une auberge morne au bout d'un chemin sans borne — des croix et des tombes

dans le ciel limpide les étoiles dévoilées chuchotent entre elles

la nuit s'épaissit — le silence et la pénombre me prennent la main

rêver lentement comme on respire en dormant les nuits sans tempête

des mots sans substance comme le vent sans poussière — les doigts inaudibles

80


Paroles d’un compte erratique

les pluies ont laissé une odeur d'humus fécond couvrir le verger

01 décembre 2019 loin après les arbres le vallon perd ses chemins entre brume et nues

le froid me rattrape — il ne vient pas de l'hiver mais du fond des tripes

pensif attentif on ne sait jamais vraiment la couleur des rêves

ma main tremble un peu quand je prends la vieille plume pour ne rien écrire

02 décembre 2019

chaos apparent — l'univers rit et cynique se moque de l'homme

quelques gouttes brillent encore dans les feuillages et le ciel sourit

04 décembre 2019

voudrait-il garder le soleil dans une cage et se sentir libre

dans les plis du ciel le jour se fraie un passage en chassant les nues

03 décembre 2019

hier soir il dormait abandonné sur mes cuisses et ma somnolence

le jour tarde encore à pousser entre les arbres sa lumière froide

la dernière goutte elle reste au fond du verre — un témoin gênant

réveillé trop tôt séance de rattrapage sur le doux coussin

05 décembre 2019

loin dans la nuit sombre les gémissements d'un chien — solitude amère

en tirant la couette le ciel découvre au soleil un morne pays

en prévision de l'hiver elles se rassemblent en tas bien serrées

rien d’autre à faire que de se tourner les pouces par un temps pareil

la lune est passée sans que je m'en aperçoive — nuit profonde et noire

musique martiale — des petits soldats de plomb dansent dans ma tête

un soir de décembre — quelques étoiles scintillent au-dessus du cèdre

chanson de la brise — branches battant la mesure d'un hiver timide

perdu sous l'auvent dans d'anciennes pensées sombres le froid me saisit

la nuit peu à peu comme un patin sur la glace crisse sur mes os

81


Paroles d’un compte erratique

sans l'avoir rencontrée j'ai longtemps rêvé d'elle elle qui n'était belle que d'être racontée

06 décembre 2019 velours côtelé — le ciel couvre les collines de vêtements chauds

silence puissant comme le bruit de la nuit dans laquelle on tombe

le col remonté il surveille un horizon improbable et froid

j'oublie trop souvent que je ne suis qu'une bête de rêve et de sang

de mes mains qui tremblent je tente de retenir le jour qui décline plus aucun insecte pas même une mouche hagarde sur les vitres froides

à mille lieux du monde une étoile s'endort c'est une étoile d'or qui sort de la ronde

un verre à mes lèvres ce n'est que de l'eau trop froide de l'eau de décembre

le poêle ronronne caressant il accompagne un sommeil de chat

j'ai laissé la lampe éclairer dessous l'auvent fanal dérisoire

j'ai rêvé de vous madame au cœur de gravier qui freine mon pas

les fleurs de décembre ayant bu trop peu de jour se referment vite

08 décembre 2019 un ciel sans murmure règne au-dessus des collines — hiver des garrigues

fuseau de mémoire les souvenirs emmêlés un nœud à la gorge

07 décembre 2019

comme une statue immobile sur son socle le regard lointain

en plissant le ciel le soleil pousse les nues entre les branchages

sur un cheval blême le froid traverse la plaine en semant l'hiver

moustache en alerte à travers la baie vitrée il fixe un moineau

au bout de mes doigts les piqûres de l'hiver silence du sang

un train dans la nuit glissait silencieusement c'était un train jaune

la pluie froide et raide sur le jardin déjà sombre se mêle à la brume

la nuit est entrée dans la pièce où je somnole sur un verre vide

murmure des routes — la vallée n’oublie jamais l’instant de bitume

82


Paroles d’un compte erratique

des lueurs crépitent sur la terrasse embrumée — poussière d'étoiles

au bord du ruisseau il laissait voguer ses rêves sur une brindille

09 décembre 2019

sur les rives du ciel des fleur de sel scintillent étrange goût de fiel qui meurt sur mes papilles

un nuage froid ondule sur les collines fanion de l’hiver

les mains écorchées — j'ai trébuché en voulant cueillir une rose

il attend patient que je dresse le couvert — petit air rêveur

sur la route des anges un démon qui fait la manche se prend en pitié

dans le ciel nuit noire farouchement un nuage résiste à la brise

sous la couette tiède la respiration du chat et ma somnolence

le vent dans les chênes exaspère la colère d'une nuit farouche

12 décembre 2019

étroite fenêtre qui laisse entrer les ténèbres au fond de mes yeux

inlassablement la pluie sur les feuilles mortes nuit mélancolique

le vent s'encanaille il trousse les vieilles feuilles comme des jupons

13 décembre 2019 la pluie impalpable sur les tuiles qui scintillent glisse en murmurant

la veilleuse bleue fixe sur le radiateur me dit tout va bien

15 décembre 2019 10 décembre 2019

la lune se lève entre les collines noires — sublime étincelle

à travers les chênes qui gardent toutes leurs feuilles le soleil s’applique

16 décembre 2019

la tête au soleil il patiente en attendant que le grenier s’ouvre

la nuit vit en moi — elle pulse dans mes veines un sang de charbon

j'ai posé mon sabre mon vieux katana rouillé sur la pierre froide

grincement des routes qui déchirent la nuit comme un papier gras

83


Paroles d’un compte erratique

17 décembre 2019

un bâillon de pluie impose un sombre silence à la nuit peureuse

tiédeur de l'auvent — la tarente téméraire affronte décembre

21 décembre 2019

18 décembre 2019

un dernier nuage pour faire bonne mesure après le déluge

je laisse éclairé pour que mon chat se repère est-ce bien utile

entre la lucarne et la douceur du coussin il hésite encore

la brise et la pluie — ils échangent leurs murmures dans la nuit mutique

la pluie de nouveau accompagne la soirée de sa chanson triste

19 décembre 2019

22 décembre 2019

dessus la vallée la querelle des nuages agace le ciel

le régime change saison des pluies saison sèche dans le même jour

l’air un peu confus il reprend le premier rôle de la même histoire

un bain de soleil sur le talus l’herbe est sèche et il en profite

juste avant l’aurore les cauchemars se bousculent pour voir le soleil

les jours disloqués et les nuits sans vrai sommeil — le poids de la vie

20 décembre 2019

23 décembre 2019

tous les deux si proches et d’un sieste commune nous passons le jour

sans feuilles déjà les chênes filtrent à peine le matin d’hiver

à travers la vitre entre chêne et oléastre l’automne et la pluie

fauteuil interdit je n’ose cependant pas troubler son sommeil

un si doux décembre — affolée par la pluie l'herbe a des airs d'avril

un chien dans la nuit aboie après les fantômes aux sombres visages

cris de la vallée — applaudissements d'un train qui franchit la nuit

24 décembre 2019

84


Paroles d’un compte erratique

secouées par le mistral crissent dans la nuit

tout ce kérosène qui s’égaille dans le ciel – les stations sont vides

27 décembre 2019 un ciel sans couleur s’est posé sur les collines — le poids de l’hiver

il m’a bien aidé à faire un sapin de fer il est fatigué

sans succès il tente de repartir pour un tour pas bien réveillé

la nuit de noël — les étoiles scintillant au-dessus du pin

je suis né tout petit dans un petit taudis je n'en veux à personne à moins que l'on me sonne

25 décembre 2019 croyants et athées avec le même regard — matin de noël

océan de nuit le traverser en aveugle au long des ténèbres

un premier essai avant de se rendormir — vraiment laborieux

rêver sous l'auvent sentir le froid sur la peau et attendre l'heure

dans la nuit sereine je tais la plainte assombrie de mes os qui grincent

surveillance étroite le chat dort sur mes genoux et la journée passe

sur l’herbe et l’humus glissent de grasses limaces pour les hérissons

26 décembre 2019

je ferme les yeux — l'ombre du cèdre d'un bond franchit les étoiles

ciel échevelé après une nuit plus froide — réveil hasardeux

ce matin je passe sous les chênes émondés — lumière d'hiver

reprise de sieste — mon petit sphinx d’étagère garde les réponses

le meuble sourit — avec sa poignée qui pend c'est un hérisson

jardin en hiver — les fleurs endormies attendent l'aube du printemps

sur le bord du rêve un brin de réalité chatouille mon nez

les pieds sur la table je regarde l'écran noir et rêve en couleur

28 décembre 2019

les étoiles blêmes

Garlaban prend soin du hameau ensoleillé qui dort à ses pieds

85


Paroles d’un compte erratique

après le tumulte l'hiver a pris ses quartiers dans un froid silence

il a pris le temps d’une toilette soigneuse avant de dormir

pénombre complice — entre les bras du fauteuil tout seul je souris

au fond du jardin une fleur vient de sourire au petit matin

la bûche qui craque — le souvenir d'un hiver sous les couvertures

des fleurs de papier les brouillons de vieilles lettres s'enflamment dans l'âtre

30 décembre 2019

la pénombre coule comme un fleuve de silence sur les vitres sales

le soleil transperce les dernières feuilles brunes d’une flèche d’or

mon chat s'est couché avant de passer au lit sur son doux coussin

qu’a-t-il bien pu voir depuis la haute terrasse au fond du jardin

un bourdonnement — bavardage des étoiles dans la nuit diffuse

des éclats de verre coupants comme des rasoirs dans le ciel glacial

murmure du poêle — les ténèbres lui répondent d'un rêve écarlate

dans ma somnolence le livre glisse des mains — la page se tourne

un rêve sans fin — entre mes doigts coule un sang aux reflets d'asphalte

fruits de pyracanthe—les moineaux ne craignent pas d'en faire pitance

j'écoute la nuit — un chant de sirène fourbe mutile mes rêves

dans ma lassitude j'ai négligé le jardin qui me jette un froid

29 décembre 2019

au bout de la phrase le point sera-t-il final — décembre s'achève

dans le ciel d’hiver le gris de plomb des nuages et l’espoir transi

à travers la vitre la nuit me donne la trame d'un rêve à venir

sur le bord du lit il se demande vraiment s’il va se lever

31 décembre 2019

une étoile pleure au-dessus de son nuage et le ciel sans fond

mince trou d’aiguille dans le ciel à peine clair — dernière lumière

86


Paroles d’un compte erratique

malgré la froidure il profite du soleil qu’il met en prison

Provence quantités de Maciste, et au Lenche la strada, le voleur de bicyclette, riz amer... Le dimanche était bien t une journée particulière.

01 janvier 2020

02 janvier 2020

des petits oiseaux jouent dans l’abreuvoir du chat — éclats de lumière

un froid sans vergogne — de bon matin l’hiver gagne ravins et collines

rosée du matin sur le pré ensoleillé des éclats de rire

ah sombre matin — il ne lui a inspiré aucune confiance

réveil plus tardif — le soleil est impatient de chasser la brume

couché sur les tuiles la lune n'est pas venue il s'est endormi

il reprend le cours où s’était interrompue une nuit plus courte

respiration lente murmure de la pénombre — j'écoute les heures

premières froidures — l'année commence et finit au son de l'hiver

l'ancienne photo là sur le mur de mon cœur à peine jaunie

poussées par le vent les feuilles mortes blotties sous le banc de bois

l'hiver passera comme passent toutes choses même les regrets

sur la nappe sale il reste pourtant des miettes — silence à présent

je suis leurs chemins veines noires sur mes mains où conduisent-elles

la vallée s'honore d'un bruit à peine diffus — une année vagit

le vent a tourné — les feuilles ne savent plus où trouver un havre

tard dans le fauteuil on se berce d'aventures aux goûts impossibles

03 janvier 2020 un ciel tavelé qui ne sait où se tourner pour trouver lumière

extrait d'un journal indigeste : Quand j'étais petit, avec mes frères nous allions tous les dimanches au ciné pour laisser un peu d'intimité à nos parents. Vingt mètres-carrés c'est peu quand on y vit à cinq. Il y avait trois salles dans mon quartier. Au Refuge j'ai vu tous les Jerry Lewis, au

sur le bord du toit il avance prudemment en chat téméraire

87


Paroles d’un compte erratique

frisquet sous l'auvent — un petit vent est venu taquiner les feuilles

la mort me guette à l'esquisse de mes souffles — habitude à prendre

l'espoir un été s'est invité à ma table — il m'a dévoré

une goutte reste au fond du verre timide — une danse encore

l'histoire s'achève comme finit la journée dans un grand sommeil

05 janvier 2020 les froides étoiles tintent comme les aiguilles d'un peigne de givre

j'ai creusé mes rêves et la terre du jardin sans trouver fortune

ivre sur la berge un faune s'est endormi au chant des naïades

mon regard s'égare — sur l'étagère un vieux livre feuille de ginkgo

sur le bord du temps les heures qui fuient me disent la tienne nous suit

sa peau d'abricot et sa voix d'ombre ébréchée — il pleuvait pourtant

06 janvier 2020

le vent se raconte il exige du feuillage un franc plébiscite

dans le matin clair les coteaux illuminés sourient au soleil

04 janvier 2020

une faim de loup après une nuit de diète — petit déjeuner

des lambeaux de brume étirent le ciel encore — grasse matinée

au bord du regard errent les grimaces sombres de la nuit violente

d’un regard complice il me montre la poignée— j’ouvre le grenier

murmures du poêle — je tends l'oreille pourtant mais ne comprends rien

la nuit est étrange oscillant entre vacarme et profond silence

la lucarne étroite filtre des lambeaux de nuit sous la lampe froide

un croissant de lune accroché dans les branchages — hameçon d'étoiles

sur la solitude s'est incrustée une croûte de mélancolie

couleur d'iris noir le ciel sans étoiles joue les sombres comparses

07 janvier 2020

88


Paroles d’un compte erratique

matin de janvier Garlaban est dans la brume — mon esprit aussi

l’hiver s’éclaircit — dans le froid le ciel se pique au soleil blessant

passé les paupières la brume est un vrai plaisir — mon chat en raffole

cet air curieux — qu’aurait-il vu sur le sol qui l’intrigue tant

la brume s'installe elle recouvre les ombres d'une haleine froide

sur la table basse le poids de mes jambes lasses épuise la nuit

dans ce rêve sombre il me semble voir une ombre — ce n'est que ma peur

le bruit des ténèbres comme une plainte sans fin secoue le silence

08 janvier 2020

cette cicatrice qui traverse mon gosier écorche mon cœur

juste après l’aurore un manteau de brume sale ronge les collines

en vieillard frileux j'ai quitté l'auvent trop froid sous la pleine lune

sous cet air pensif mijote-t-il une farce ou un joli rêve

au bout de la digue le fanal pulse son sang dans la nuit brumeuse

dans son pot de verre la compote complote contre une cuillère

minuit est passée je cherche encor le sommeil dans les plis du drap

soudain un sursaut dans la pièce enténébrée — la bûche qui craque

10 janvier 2020

ce soir pas de brume — le ciel clair comme une source berce ses étoiles

ce matin il pleut sur les collines déjà enivrées de brume

une ombre est assise dans le canapé en face silencieuse et blême elle voudrait bavarder je me contente de boire

le temps est humide — il préfère son coussin à l’herbe trempée ivre dans le ciel la lune danse et soulève son jupon de gaze

ce bruit d'eau qui coule dans le radiateur fourbu — les sources du Styx

les vieux meubles craquent et mes os dans la pénombre dialoguent de sourds

09 janvier 2020

89


Paroles d’un compte erratique

de la pluie il reste une odeur d'hiver humide accrochée aux branches

12 janvier 2020 deux petits tirets — entre les deux le ciel écrit une histoire

il y a longtemps que je n'ai pas allumé la télé menteuse

c’est presque implorant qu’il attend que je remplisse son bol de croquettes

j'ai ouvert la vitre — nostalgie des âtres libres au parfum de braise

13 janvier 2020

la pièce était sombre mais au profond de ses rêves l'aube a resplendi

l’hiver et ses brumes envahissent les collines — lent recueillement

11 janvier 2020

après la nuit noire une heureuse somnolence vient chasser les ombres

après les averses un ciel plus serein s’empresse de chasser la brume

lumière diffuse — les tuiles luisent déjà dans la brume froide

dans la pièce sombre somnolent sur mes genoux il part en voyage

sur le canapé la nuit efface mon ombre — sombre solitude

en ouvrant la porte dans l'embrasure est tombé un rayon de lune

le guéridon vibre et le fauteuil se lamente — j’ai posé mon verre

dans le vieux grenier et la poussière incrustée j'ai laissé des traces

lanternes frileuses — les étoiles se diluent dans le clair de lune

volés au soleil sur les ailes de la nuit mille diamants brillent

les pâles lueurs qui traversent la vallée arrivent fourbues

la nuit est venue secouant son manteau de perles de brume

chaque jour qui passe nous rapproche du printemps — sourire ou grimace

sa main dans la mienne un présent inespéré un hoquet du temps

14 janvier 2020

je les reconnais — en hiver leurs fleurs patientent puis s'enlisent

manteau de nuages — le ciel peu à peu découvre un œil de lumière

11 janvier 2020 90


Paroles d’un compte erratique

regard suppliant — assis près du bac à brosses il attend son heure

silence du soir — dans la pièce enténébrée la veilleuse veille les souvenirs chantent et la mémoire sourit — dentelle du temps

mes nuits sont couvertes de batailles et de sang — le matin je tremble

dans l'épais silence je prends le pouls de la nuit — vivre au ralenti

le ronron du poêle — mon chat en serait jaloux s’il ne l’endormait

15 janvier 2020

dans mon verre vide il y a le sel encore d'un été torride

le ciel rêve encore — il dérobe la lumière au soleil timide

19 janvier 2020 le soleil d’hiver s’épuise sur les collines noyées dans la brume

toilette furtive — entre ses doigts écartés un peu de résine

petit funambule qui sur l’arête du toit fait ses exercices

16 janvier 2020 un tout petit pas vers l’est et vers le printemps — le soleil se lève

quand je m'interroge jamais je ne me réponds — je ne comprends pas

17 janvier 2020

je rentre fourbu — le fauteuil me tend les bras avec un sourire

poignant de mes brumes les nuages en colère étouffent le ciel

les pieds sur la table je contemple la veilleuse d'un regard troublé

quand il dort ainsi aucun bruit ne le réveille sinon les croquettes

sur une étagère rangés on ne voit des livres que leur dos hautain

plumes sans couleur — au creux de mes mains offertes des rêves picorent

je ressens encore la couleur de sa peau brune sur ma peau fébrile

18 janvier 2020 sculpter les nuages à coup de ciseaux à froid — le mistral sauvage

20 janvier 2020 collines brouillées vent du sud soleil voilé — l’hiver prend racine

91


Paroles d’un compte erratique

réveil difficile dans la tiédeur de la chambre — dehors il fait froid

craquements dans l'ombre — le vieux fauteuil avachi répond à mes os

21 janvier 2020

23 janvier 2020

sous les nues divague un vague et sombre soleil qui rêve en hiver

un ciel immuable tout en nuances de gris ploie sur les collines

un étirement avant de se retourner et se rendormir

il semble pensif mais dans quelle position va-t-il s’endormir

dans la pièce sombre la mélancolie étend son voile en silence

lueur tremblotante la lanterne sous l'auvent vient d’éternuer

comme un sac de sable sur un tas de feuilles mortes la nuit est tombée

le chat sur le toit qui suit son chemin de tuiles — tournée d'inspection

les perruches vertes ont niché dans les cyprès pour se camoufler

deux vieux sur le banc se souviennent et sourient dans un grand silence

22 janvier 2020

perdues dans la nuit comme des papillons morts mes pensées se froissent

toujours aussi terne le soleil pousse les nues au-delà du ciel

24 janvier 2020

sur le petit banc dans l’entrée de la maison il fait le concierge

matinée maussade — une tiédeur larmoyante tombe des nuages

petite étincelle là tout au bout de la nuit un œil qui s’entrouvre

quel est donc ce bruit qui le fait se retourner en tirant la langue

de sombres nuages essaient tous les gris possibles pour mater le ciel

le bruit de mes pas sur l'allée crépusculaire et les feuilles mortes

les matins d'hiver le soleil et moi ensemble prenons un café

là entre les tombes errent les vœux oubliés des âmes absentes

épaisse pénombre je ferme les yeux quêtant la lueur des mots

chemin des douaniers — son châle reste accroché au bord du vertige

92


Paroles d’un compte erratique

nid abandonné au milieu des pyracanthes coquilles brisées dans la chambre vide un spectre qui me ressemble veut faire illusion

la pluie du matin a laissé sa trace humide dans mon cœur chagrin

27 janvier 2020 un lever tardif le soleil est déjà haut le ciel est d’hiver

les étoiles dansent au-dessus des nues opaques — un jeu sans lumière

25 janvier 2020

mon chat du Cheshire — il s’entraine à disparaitre avec le sourire

un soleil timide mais il prend de l’assurance quand le jour avance

en face de moi épinglé sur le mur sale un cadre sans forme

regard inquiétant vers la fenêtre qui s’ouvre sur l’hiver frileux

des regrets rassis par les fenêtres noires coulent sous les meubles

il y avait ses mains si petites sur mes yeux et son rire aussi

même las de vivre il avance en claudiquant traînant sa besace

écho de ma vie — il revient sans les syllabes du premier vacarme

des étoiles meurent chaque nuit dans le silence d'un cri désespéré

26 janvier 2020

sur le toit humide le chat glisse dans la nuit en quête de lune

regard vers le ciel — décidément rien ne change dans ce gris morose

28 janvier 2020

conserver la forme — pendant ses étirements bâillement surprise

lambeaux de lumière dans les déchirures sales du manteau de nues

la pluie cette estrasse sur les arbres estrancinés a foutu le waï

que peut-il me dire avec cette voix plaintive de porte qui couine

pénombre complice et l'errance des pensées n'a plus de frontière

29 janvier 2020 les pâles lueurs d’un soleil qui se réveille dans la brume jaune

sur la balustrade un rouge-gorge plastronne — un roi en hiver

il est rentré tôt 93


Paroles d’un compte erratique

ce matin et il surveille la porte-fenêtre

30 janvier 2020

c’est un ciel étrange ridé et craquelé comme le vieux qui regarde

nous goûtions alors la pénombre méridienne d’un profond silence douceur de l'hiver mais sous l'auvent il manque les parfums d'été

mon chat sans colère attend depuis son repaire que je le caresse

le vent dans ma tête s'entête à pincer les cordes d'un air de guitare

31 janvier 2020

il vécut un temps de profonde solitude avant sa naissance

un ciel souriant — les nuages farandolent autour du soleil

un souvenir danse devant le regards fermé — mon esprit vacille

à travers la baie il contemple les oiseaux cueillir des olives

le poêle ronronne — il imite le matou qui s'est endormi

01 février 2020

j'ouvre la fenêtre l'air de hiver est plus doux que le thermomètre

un ciel sans saveur — il aura bien fallu filtre et pincée d’épice

04 février 2020

regard cajoleur ainsi je n’oublierai pas son bol de croquettes

les nues s’évaporent sous les assauts répétés du vent de lumière

02 février 2020

de sommeil en veille la banquette de l’entrée lui offre un repaire

le printemps frémit — tous les chênes effeuillés apprêtent leurs pousses au fond du jardin les fleurs d’amandier jonchent le sol

le vent qui tempête secoue les dernières feuilles en hurlant d'effroi

avant les croquettes il surveille ses arrières— jamais trop prudent

je reste impassible à l'abri entre les bras de mon vieux fauteuil

03 février 2020

l'hiver revenu son infanterie bivouaque juste sous les fenêtres

le ciel est plissé comme le drap humide d’une nuit d’épouvante

je la passe en crabe

94


Paroles d’un compte erratique

et deux d'entre eux m'accompagnent la porte est étroite

tout en montrant le chemin d’au-delà les nues le panier à buches l’embrasse comme un berceau — il se sait brindille

sur la corde à linge un souvenir claque au vent — vite, au repassage !

glissant dans le noir je promène mes fantômes tout en sifflotant

le vent a faibli je ne l'entend plus se plaindre des portes ouvertes

une vieille mouche est entrée se réchauffer — j'éteins la lumière

05 février 2020 collines et ciel se confondent dans l’hiver gorgé de lumière

au bout de mes doigts froide la sève s'égoutte — début de l'hiver

quelques poils rebelles ultimes arrangements avant de sombrer

lumières éteintes dans la nuit la maison craque comme ma carcasse

c'était un jardin dans lequel poussait la joie au milieu des ruines nous étions enfants encore nous n’en voyions que les fleurs

rayons de soleil — les fleurs de l'hiver ouvertes sourient dans le pré

07 février 2020

une feuille morte remonte contre le vent dans le caniveau

ciel bleu arbres verts feraient oublier l’hiver sinon les frissons

soupir retenu — malgré l'ombre des regrets la lumière blesse

nouvelles croquettes — avant même d’y goûter il aime l’odeur

les chênes sont nus avec impatience ils guettent la saison prochaine

compagnons de nuit le silence et la pénombre effacent l'ennui

les dernières feuilles attendent indifférentes la fin de leur vie

goût de terre rêche — dernier verre pour la route qui mène à la couette

au bout de leur branche elles bavardent déjà avec les bourgeons

dans la pièce sombre un clin d'œil de la veilleuse me rappelle à l'ordre

06 février 2020

dans ma somnolence

s’affranchir des codes

95


Paroles d’un compte erratique

elles coulent les ténèbres jusqu'au fond du vide

écho du passé — le murmure du temps qui coule éteint la lumière où est-il l'enfant qui jouait au capitaine dans le caniveau

les pieds sur la table coincé dans le vieux fauteuil je pars en voyage

08 février 2020

au fond des ténèbres le tintement de nos verres — mon ombre se sert

un ciel tout fripé — il ressemble à mon visage que le nuit burine

10 février 2020

il n’est pas resté — la lumière de l’éclair l’a fait sursauter

lumière diffuse — une vague brume enlise un soleil sans force

parfois il m’arrive de rêver tout éveillé — même de sourire

réveil sans douleur — derrière ses paupières un rêve en otage

09 février 2020

au fond du silence une chanson un murmure un puits et le ciel

l’hiver se termine — dans les chênes du talus quelques feuilles brunes

la barque chavire et avant de me noyer chante une sirène

rêvant de voyage il attend bien sagement sur son quai de gare

la lampe tremblote — le vent qui secoue les fils a perdu le sien

oiseaux intrépides qui se gavent des fruits mûrs des buissons d'épines

plus que quelques mètres — sur sa borne elle sourit et me tend sa faux

dans les plis du lierre il y a l'attachement de l'herbe à la pierre

il y a des soirs on se demande pourquoi les heures sont lourdes

sur leur étagère ils tournent le dos au monde les livres rangés

11 février 2020

silence intérieur — tout juste si mon cœur bat sans qu'on le remarque

une aube fragile un voile aux contours diffus ombre les collines

ouvrage du temps — les mains que l'on m'a tendues n'étaient que poussière

quel est donc ce rêve qu’il refuse de quitter quelle chasse inouïe

96


Paroles d’un compte erratique

soirée languissante — sur le silence les heures dérivent sans but

poulet ou canard métaphysique du goût avoir faim ou pas

12 février 2020

17 février 2020

un peu barbouillé par la mélasse brumeuse le soleil se lève

il pleut sur les chênes — les jeunes pousses frémissent au bout de l’hiver

dans le lavabo il imagine accoster un monde nouveau

il rentre mouillé — tout doucement il prend soin de lisser son poil

13 février 2020

18 février 2020

les collines froides sous une couette de brume lentement se glissent

un coin du jardin — toujours sur le même banc mes rêves se posent

goûter la pénombre et nager dans le silence — un rêve de chat

c’est en dilettante qu’il procède à sa toilette sur le petit banc

14 février 2020

19 février 2020

un jet de lumière lancé par le vent solaire contre souffle et nue

de son éminence le soleil sur les collines domine les nues

un peu agacé il attend que j’en finisse avec la photo

lui il voudrait bien mettre le soleil en cage en rêver la nuit

15 février 2020

à l'ombre des chênes sur le vieux banc vermoulu un air de printemps

soleil grise mine —97 dans le ciel congestionné sa pâle figure

l'hiver se termine — l'herbe est haute dans le pré des secrets s'y cachent

il ne semble pas se sentir inconfortable sur la poutre en pierre

parfum du fenouil qui a traversé l'hiver sous les amandiers

16 février 2020 sur ce banc de bois je ne m’y assois jamais je ne sais pourquoi

grondement de l'âtre — la flamme lisse la vitre d'une langue ardente

97


Paroles d’un compte erratique

au fond du fauteuil la pénombre est si épaisse qu'on en mangerait

la nuit dans mon dos fait sans doute des grimaces — le miroir me ment

20 février 2020

22 février 2020

petite impatience — il me désigne l’outil pour que je le brosse

il sent qu’il est l’heure il s’éveille lentement en fermant les yeux

c'était un été passé dans l'enchantement au bord des merveilles

un chuintement — la pompe à chaleur s'essouffle blottie près de l’âtre

le vent parfumé s'était glissé sous la porte — nous n'étions pas dupe

brûlante insistance de ces pensées qui reviennent comme des marées

se laisser tomber quelle que soit la hauteur n'est pas lâcher prise

corde trop tendue — l'arc probable d'un futur vient de se briser

j'écoute la nuit — elle bât entre mes tempes un djembé tenace

chevauchant la nuit goule à l'haleine putride un vieux cauchemar

21 février 2020

écouter la nuit c'est parfois être baigné d'illumination

entre les troncs nus déjà le printemps friponne un ciel bleu aux lèvres

traversant les arbres le chemin des écureuils un câble électrique

au fond les collines soutiennent le soleil bleu d’un ciel impavide

23 février 2020

un petit bobo qui met du temps à guérir — on va regarder

un ciel de printemps — un léger voile de brume nargue le soleil

quand viendra l'été je ferai des souvenirs de bouquets ardents

hier sur mes cuisses des questions l’ont assailli puis il a bâillé

la télé éteinte le chat dort sur son coussin je trie les minutes

je n'ai plus la force à courir dans la garrigue — j'en ai le parfum

la voie du silence et dans sa respiration puiser la quiétude

la nuit froide encore tente de fermer la porte au printemps précoce

98


Paroles d’un compte erratique

de l’eau des légumes

d'un air désolé je contemple l'herbe haute que je vais faucher tremblant elle attend que j'éteigne la lumière — l'ombre s'impatiente

seul dans la pénombre un bourdonnement intérieur ne tient qu'à un fil je ne l'entends pas il s'approche à pas de loup l'ombre est sa complice

24 février 2020

26 février 2020

un trait dans le ciel — tentative artificielle de lier les hommes

le ciel était clair et puis lentement les taches sont devenues nues

regard vers l’ailleurs bien au-delà des fenêtres — un rêve un espoir

hier soir sous l’auvent sa présence vigilante était ma compagne

soirée équivoque — une marée dans ma tête recouvre l'estran

les chants du silence brandissent entre mes tempes leurs armes de verre

les rues sont désertes — j'écoute le bruit d'un vent qui ne souffle pas

27 février 2020 ciel d’une autre terre — chant du cygne de l’hiver le soleil s’éclipse

la gorge se serre comme les poings dans les poches un jour de colère

regard dans le vide il attend de ses bols pleins le nectar divin

à côté de moi il dort lové sur la couette — la paix se respire

dans le laurier-tin sautillant de branche en branche le fier rouge-gorge

au fond du silence je respire la pénombre — un parfum d'iris

devant le bureau tout au fond de mon fauteuil il s'est endormi

... c'est ouvrir la cage tout en sachant que l'oiseau ne reviendra pas

25 février 2020

il veille sur moi somnolent dans le salon baigné de pénombre

comme un grand oiseau le nuage aux ailes blanches va vers le soleil

et ainsi se passent les soirs sans aspérité auprès de mon chat

sautant sur la pile il s’abreuve dans le tian

il ne juge pas

99


Paroles d’un compte erratique

quand mon ombre sert un verre qu'on dit le dernier

à l'horizon des collines autour du regard même ceux que la mer baigne ont une île dans leur dos

parfois je trébuche sur les marches qui conduisent au sommeil profond

28 février 2020

je n'ai plus de dents finalement j'aime bien purées et compotes

là-bas les collines retiennent encor la brume d’un matin paisible

01 mars 2020 la pluie a cessé mais des hordes de nuages menacent encore

au fond de la nuit brille encore dans ses yeux les miettes du jour

couché sous la lampe — je diminue la lumière qui blesse ses yeux

les branches frémissent l'hiver qui tient ses promesses brise leur élan

dans le clair-obscur de la lanterne anémique une ombre surgit mon chat d'un bond si gracile a sauté sur mes genoux

les ronces s'accrochent et le mur en fin d'été offrira des mûres

29 février 2020

tout a été dit avec une telle force — le son du silence

le soleil se cache et le jour a disparu dans l’horreur des nues

malgré les nuages le printemps va exploser comme une étincelle

refermant ses yeux sur un rêve merveilleux il dresse la tête

cette amie pénombre et compère le silence — je me sers un verre

là sur l'étagère dans un flacon de parfum flotte un souvenir

parfum de café — le goût de nuit d'un whisky du soleil levant

sur l'étroit talus les iris sont bien trop vieux pour fleurir encore

sur l'embarcadère les mille-pattes se pressent au comptoir des masques

fenêtres fermées la nuit entre dans la pièce et me fait danser

je me sers un verre — c'est peut-être le dernier de cette bouteille

sur les jours amers l'oubli a fermé la porte et je me souviens

02 mars 2020

l'univers finit

100


Paroles d’un compte erratique

la pluie monotone elle pleure un ciel atone — mars mélancolique

ma respiration est devenue une énigme baignée de mystère

dans l'orbe du ciel les étoiles dissimulent un rêve en diamant

jardin pitoyable — aurai-je encore la force de lui rendre hommage

sur la table basse pour grandir un peu un verre attend le breuvage

les chênes sans ombre attendent sans impatience la sève d'avril

chemin de poussière — des milliers de pas encore avant le granit

dans le pré déjà les pissenlits ont sorti leurs dents de lion

mystérieux bagage que celui du voyageur aux mains dans les poches

05 mars 2020

03 mars 2020

Garlaban voilé — le hameau et les collines baignent dans la brume

quelques attardées — la vent a chassé les nues luisant au soleil

l’arête glissantes des tuiles après la pluie ne l’arrête pas

marquer son repaire — à présent son territoire est le vaste monde

pluie en embuscade — dans le mars imprévisible le printemps fredonne

04 mars 2020

l'ombre de mon ombre accourt du fond du couloir — un verre pour trois

le printemps s’approche un peu plus chaque seconde au nez des nuages

j'ai quelquefois ri pour éviter d'en pleurer — se faire larguer

un tapis d’aiguilles — ne pouvait-on trouver mieux pour graisser la patte

06 mars 2020

cette lassitude qui empoisonne mes os ne me quitte plus

délicatement un petit vent facétieux froisse les nuages

chaque jour qui passe devient plus lourd à traîner pourtant je le fais

regard hypnotique — pupilles presque fermées l’envoûtant spectacle

101


Paroles d’un compte erratique

ces instants fugaces où sans nous connaître encore nous nous observions

il se cache encore dans un recoin de pénombre le bruit de l'angoisse je me dis parfois qu'il faudrait attendre l'aube pour parler de nuit

depuis les racines monte le sang des ramures — ivresse de mars

09 mars 2020

grognements des nuits quand le regard au plafond fouette la mémoire

soleil déjà haut les arbres échevelés ombrent les collines

survivrons les riches et les esclaves choisis pour leur longue langue

issue du néant autour du vide gravite mon inexistence

le ronron du poêle dérive le long des songes jusqu'à mon enfance

j'ai compté les marches qui conduisent en enfer — il y en a peu

07 mars 2020

les ombres des murs dans les toiles d'araignées veillent ma tristesse

là-bas le village est assoupi et la lune veille les collines

cette dent qui bouge faudra-t-il qu'on me l'arrache — non je vis avec

il dort en confiance sa tête sur mes genoux — communion parfaite

08 mars 2020

chaises musicales — entre délire et angoisse où va-t-on donc se poser

soleil affligé — pas le moindre chant d’oiseau dans le ciel boudeur

11 mars 2020 dans le ciel serein le soleil qui joue aux billes retourne en enfance

surpris par un bruit qu’il connait très bien pourtant — le sac de croquettes

il attend sans hâte assis sur son cucul rose et les carreaux ocre

devant le bureau dans le fauteuil qui bascule il s'est endormi comme au bébé sa peluche il apaise mes terreurs

sur le trébuchet où l’ennui fait contrepoids je pèse les heures

je goûte à la nuit — ce soir elle est douce-amère dans son pot de fiel

12 mars 2020

102


Paroles d’un compte erratique

les chemtrails se griment en nuages rayonnant depuis le troène de sa tour de table il examine la plaine entre les créneaux

comme la salle d'attente d'une gare vide

13 mars 2020

le verger sourit — sur le vieil abricotier quelques fleurs écloses

au bord des sourires souvent un peu d'amertume glisse sur le sable

par le fenestron une tourterelle lasse capte son regard

16 mars 2020

un mars versatile brouille dans le ciel sans joie soleil et nuages

quelques coups de griffes dans l’aquarelle du ciel — on s’y habitue

lune énigmatique au-delà de ton front blême que de secrets tus

sans hâte il attend que je plonge la cuillère dans le mascarpone

14 mars 2020

envie de chanter — de temps en temps mon clavier aime la musique

juste une virgule sur la page bleue du ciel — conte sans paroles

l'hiver est fini — un autre hiver se profile et mord le printemps

réveil en douceur d’une sieste en vol plané — rêve de tiédeur

une peste leste invisible et sans pitié va changer le monde

15 mars 2020

il pleuvait sans bruit j'étais seul sous l'abribus et j'ai pris la crève

le ciel en lambeaux — les nuages libérés rêvent au soleil

17 mars 2020

aujourd’hui dimanche il attend que je remplisse son bol de pâtée

un ciel d’outre-monde sur la vallée silencieuse pèse lourdement

à la fin du jour la lune sur le hameau surgit de la brume

vigie impassible qui sur l’arête du toit veille sur lui-même

je me vêts de nuit et me grime de pénombre je suis invisible

18 mars 2020

printemps résigné

un ciel confiné 103


Paroles d’un compte erratique

sur une brume malade — les nues sont en fuite

vers un bruit soudain le petit sphinx de coussin tourne son regard

soleil revenu il le boit avec les yeux à pleines lampées

photo de famille — sur le carton craquelé on compte les morts

je ferme les yeux et la nuit qui entre en moi ferme aussi mon cœur

la télé éteinte — dans le silence soudain je retiens mon souffle

le bois des vieux meubles a gardé le souvenir de mains laborieuses

22 mars 2020 toujours pas de feuilles au rendez-vous des grands chênes — printemps en suspens

sur le bord des larmes un grain de sel a brillé et l'aube a jailli

mon chat confiné sur le bord de la fenêtre compte les oiseaux

qu'importe l'époque il y aura toujours des Jambier à travers Paris

seul dans le silence je me raconte le film que je rembobine

19 mars 2020 voyez l’écureuil qui saute de branche en branche vers l’azur profond

je sens que ma peau est plus tannée que le cuir de mon vieux fauteuil

le chat confiné au dehors sur la terrasse semble bien portant

pénombre indécise et somnolence diffuse — je joue aux tercets

20 mars 2020

au milieu du pré deux étoiles sont tombées — mon chat me regarde

l’arbre de Judée s’enivre de vin nouveau — printemps écarlate

dans ses bas résille ses jambes chantaient le blues comme des saucisses

petit air soucieux devant sont bol presque vide — j’ouvre une autre boîte

23 mars 2020

21 mars 2020

devant la maison l’arbre de Judée s’enfeuille tout en rougissant

entre l’olivier et le cyprès le laurier cherche la lumière

non jamais personne ne te prendra la gamelle ne t’inquiète pas

104


Paroles d’un compte erratique

frappe la terre oubliée de dards affutés les courants d’air chaud peinent entre les murets de pierres saillantes

24 mars 2020 malgré la verdure le jardin est dépouillé sans feuilles de chênes

un murmure pèse sur les poutres consumées d’un feu antérieur

hier soir il jouait à tirer sur l’élastique de mes vieux tercets

et en plein été sous le soleil généreux l’angoisse m’étouffe

la nuit solitaire — une jonque encalminée au bord de mes rêves

26 mars 2020

des couples de masques déambulent sans visage sur le quai désert

enfin on distingue au bout des rameaux des chênes des bourgeons de feuilles

parfois ils s'embrasent et volent à tire d'ailes vers l'horizon noir

petite toilette avant la première sieste celle du matin

revenant par vagues ils lustrent de sel la digue au large du port

27 mars 2020 le ciel sans couleur si ce n’est cette grisaille qui me colle aux tripes

alors ils reprennent leur promenade insensée glissants invisibles

ancienne photo — les souris n’ont plus de queue depuis très longtemps

25 mars 2020 ciel échevelé — une lame de nuages lui coupe la nuque

le printemps hésite l'hiver est toujours trop long et l'été s’étire l'automne lui tient toujours sa promesse de tristesse

il revient du toit raconter le froid des tuiles et le vent humide

28 mars 2020

la pluie raide et froide — les chênes avaient raison de rester sans feuilles

au-dessus des pins et au-delà des collines le ciel se confine

éboulis et ronces veillent sur le vieil amas de ruine brûlantes

petit coup de brosse avant de faire une sieste toujours méritée

le soleil d’été

105


Paroles d’un compte erratique

29 mars 2020

03 avril 2020

le banc a passé l’hiver entier sous les chênes — il m’attend sans doute

ils ont attendu pour accueillir le printemps d’égarer une heure

avant de dormir il s’impose une toilette longue et minutieuse

il reste perplexe faudra-t-il qu’il porte un masque pour sa promenade

04 avril 2020

30 mars 2020

bonjour au jardin qu’illumine le soleil depuis son balcon

derrière le pin Garlaban est dans la brume — le froid confiné

boire à ma hauteur un de ses petits plaisirs dans le lavabo

sur le dos il bâille à s’en péter la mâchoire puis il se rendort

05 avril 2020

31 mars 2020

le petit talus s’ombre un peu plus chaque jour sous l’éclat des feuilles

un peu de soleil entre la brume et les nues — ciel reconnaissant

le fauteuil qui craque est-ce le mien ou le sien — peut-être les deux

avant de dormir il fait un petit bilan du jour confiné

sur l'écorce rude une chenille soudain rêve de couleurs

01 avril 2020 feuillage épaissi mais les collines au loin toujours dans la brume

j'attends impatient les quelques gouttes de sang des coquelicots

il monte la garde comme la tour aux échecs protège son roi

il bondit gaiement jusqu'aux sources du soleil l'olivier d'argent

02 avril 2020

dans les herbes hautes une fleur de pissenlit espère une abeille

voyez Garlaban à travers les feuilles claires nimbé de lumière

Le confinement strict ce n'est pas une solution. Ça rend les gens nerveux, malades, imprévisibles. C’est une sorte de goulag intime. Yaka fokon, oui ! Des masques, des hôpitaux en

d’anxiété latente ne sachant que faire d’autre il ronge ses ongles

106


Paroles d’un compte erratique

ordre de marche, oui ! Tester, tester encore, même la fiente de corbeau… Laissez mourir les vieux, les gens, seuls, non ! Ah, non ! Mengele n'est pas mort car il bande encore. Comme lui, ils ne seront pas punis, et ça les fait jouir !

09 avril 2020 bureau en désordre — il y a toujours sa place près de la lucarne un coin du jardin entre pénombre et lumière — le printemps s’en fout

06 avril 2020 cette trace ancienne du voyage inachevé gravée dans le ciel

10 avril 2020 le même jardin confiné dans le printemps — les chênes s’enfeuillent

parfois il se trompe en augurant de la pluie — il fait grand soleil

parfois il s’endort assis comme on est debout — il respire à peine

07 avril 2020 l’arbre de Judée en perdant son écarlate se métamorphose

ne m’approchez pas — je suis de ceux qui déçoivent sans avoir la peste

en implorant presque il attend que je découvre son bol de bouchées

11 avril 2020 verdure oubliée y avait-il la lumière baignant la rivière

sous la même feuille une épeire et un faucheux se contaient fleurette

il a pris ma place sur le banc que je dois peindre demain ou plus tard

posé sur la table comme un bouddha de faïence mon chat souverain

ébahi j’entends le loriot sur la cascade se confier au vent

joufflue et rosée la lune lentement monte bercer les étoiles

12 avril 2020 08 avril 2020

après le lilas au-dessus de la restanque le bleu infini

à travers les feuilles le ciel bleu en liberté me fait un clin d’œil

gestes immuables dans le doux confinement du sommeil qui vient

sur les gravillons comme une statue vivante — il boit le printemps

107


Paroles d’un compte erratique

13 avril 2020

d’un lézard craintif

le ciel a changé tout à coup il s’encolère de nues équivoques avec minutie il inspecte les créneaux de son fier donjon

18 avril 2020 un chaton de chêne vient de tomber dans mon verre soudain j'éternue odeur du lilas — entre lavande et iris la couleur du vent

indolents nuages dans le ciel sans espérance le printemps s'engorge

un mur au soleil le jasmin s'accroche au lierre et monte à la tête

la pluie de printemps sur les jeunes feuilles cueille des doigts de pianiste

14 avril 2020

messager du vent un écureuil intrépide danse sur un fil

quelques branches mortes — je vais attendre le vent qui s’en chargera

j'ai suivi la route que je n'avais pas choisie — le but est le même

ce matin il boude — il semble ne pas aimer ce que je lui sers

dans l'obscurité une araignée noctambule repeint le plafond

j’ai plongé la main dans l’eau froide du courant — j’ai troublé le ciel

19 avril 2020

15 avril 2020

jardin sous la pluie — l’olivier torturé frôle l’odeur du lilas

à l’abri des chênes le banc goûte le soleil du matin d’avril

tous deux confinés il se goinfre de croquettes moi de chocolat

qu’a-t-il vu bouger une abeille un papillon seulement un songe

ivresse du seuil — franchir ou ne pas franchir la porte des songes

16 avril 2020

la douce pénombre qui berce ma solitude devient oppressante

je me suis levé confiné derrière un ciel couleur de prison

l'idée de prison de devoir justifier ça sent le vomis personne ne se souvient de la couleur de l’étoile

hier à la fenêtre il lorgnait vers l’échappée

108


Paroles d’un compte erratique

21 avril 2020

c'est un rêve étrange que vivre dans un roman qu'on n'a jamais lu

autre jour de pluie seul le jardin en sourit — quant à mon moral…

nous avions les feuilles tombées sur la contre-allée pour laissez-passer j'étais bien, avant engoncé dans mon fauteuil je rêvais de vent

rentré serpillière devant son bol de croquette il monte la garde d'un claquement sec le livre s'est refermé avant le mot fin

20 avril 2020

lointain mois d'avril c'était un printemps pluvieux : j'ai compté les gouttes

le ciel confisqué par une horde de nues — un oiseau la nargue

il y avait dans l'air la promesse d'un été de douce paresse

ce regard plaintif — c’est la pluie qui le confine au bord de l’assiette

entre deux averses je flânais sur les allées en quête d'abri

les rues de ma ville sont remplies d'êtres étranges sans regard sans masque

petite terrasse d'une brasserie pimpante un moindre refuge

le même visage sans visage et indistinct la même pâleur

quand soudain l'auvent s'est fendue et mon demi naviguait à vue

la même démarche d'automate articulé semelles de plomb

dans ce désarroi quand les jours sont des années il faut bien survivre

êtres sans oreilles qui ne peuvent distinguer le bruit du silence

22 avril 2020

ni le gris du ciel ni le béton terne et gris ne les interroge

et il pleut encore — les tuiles de la remise se couvrent de mousse

entre les façades ils se déplacent pressés comme des fourmis

regard insistant et pourtant c’est dans le vide qu’il se pose aussi

dans un miroir terne je capte alors un regard je me reconnais

24 avril 2020 déjà les cerises

109


Paroles d’un compte erratique

disputent aux fleurs blanchies leur place au soleil

le ciel n’est pas rose seule l’épaisseur des nues donne l’illusion

rouler le gravier comme on roule sur le sable un de ses plaisirs

il peut bien dormir après avoir dégusté son bol de croquettes

12 mai 2020

17 mai 2020

reprise du ciel par une main malhabile printemps douloureux

jardin délaissé les œillets les herbes folles se côtoient soudain

et pendant qu’il dort il oublie que ses canines ont meurtri ma main

quelle est cette énigme que m’imposent son regard et son attitude

13 mai 2020

19 mai 2020

les mêmes feuillages — un mois de mai larmoyant sous un ciel de zinc

un jardin sauvage — les fleurs indisciplinées sautent hors des pots

regard en dessous c’est pourtant le plus doux de tous les doux minous

les dalles bientôt recouvertes d’herbes folles sèchent au soleil

14 mai 2020

20 mai 2020

la vieille photo du village qui tremblait au fond de l’hiver

dans le ciel limpide échevelés les nuages dansent follement

goûtant au printemps au rebord de la fenêtre il fait sa commère

rêvant de licorne il s’élance sur mes cuisses à l’assaut du monde

15 mai 2020

21 mai 2020

cœur de pissenlit rouge comme une blessure qui ne guérit pas

par bonheur les fleurs m’apaisent de ne pouvoir tondre l’herbe haute

goûtant sous le banc les fragrances du printemps il rêve en couleur

sur le bord des tuiles il somnole en contre ciel — l’hiver est passé

16 mai 2020

110


Paroles d’un compte erratique

26 mai – 03 juin 2020

enfants des nuages ils jouent dans la cour du ciel à sauter les cimes

depuis la fenêtre Marseille fronce le front des nuées frondeuses

07 juin 2020

un puits de chaleur le soleil sur les façades soutient les gabians toutes identiques les fenêtres alignées comme un champ de croix

était-ce le ciel ou la couleur du regard qui se change en sang comme un café filtre cette photo de mon chat a bien refroidi

chambre d'hôpital combien de fronts appuyés sur la vitre sale

08 juin 2020 le jardin sauvage il n’attend plus que ma main pour s’apprivoiser

au loin les collines la ville qui s'en approche en fera des cubes

nez au fond du bol il n’écoute rien d’autre que son estomac

le ciel est brouillé chiffonné sur le béton soleil serpillière

09 juin 2020

04 juin 2020

ciel ensoleillé — un nuage effiloché dans le vent grimace

ils m’ont accueilli les arbres chargées de pluie avec le sourire

à quoi pense-t-il devant son assiette vide — patient il attend

il a retrouvé ses postures sur le lit mon sphinx endormi

11 juin 2020

05 juin 2020

le choix du minou — il vérifie bien d’abord si l’odeur convient

ciel de carton pâte le vent accule les nues au mur des collines

le laurier les roses mêlés dans les herbes hautes comme des baisers

retour au coussin où je repose mes jambes il est fier de lui

12 juin 2020

06 juin 2020

dans le ciel chargé le mistral se joue des nues comme il joue de nous

rêvant sur la chaise le doux poète félin devient le poème

111


Paroles d’un compte erratique

entre les feuillages diffus des plantes en pot il se dissimule

bureau encombré le matou et la pénombre veillent au désordre

13 juin 2020

18 juin 2020

soleil revenu il n’en est que plus gracieux le chant du loriot sieste tentatrice— mes cuisses lui sont un havre lui une berceuse

sur le banc complice une feuille se repose avant de mourir regard de démon — mon chat ne sort pourtant pas du dos d’un bossu

14 juin 2020

20 juin 2020

un coin de jardin de verdure au creux des chênes le banc n’est pas loin

blotti sur le lit la petite boule floue rêve de caresses

un coussin pour deux pour ses yeux somnolents et ma main dolente

sous le ciel lavande l’ombre des pins consciencieux joue dans la lumière

15 juin 2020

24 juin 2020

le soleil caresse la verdure du jardin de rayons sonores

chaleur des cigales — le jardin déjà transpire d’un coup de semonce

rentré de balade il ramène du jardin un trait d’émeraude

pénombre il s’étire sur la table du salon— réveil difficile

16 juin 2020

25 juin 2020

un ciel délavé mais c’est sans doute la faute au polaroïd

d’une main peu sûre je brosse le doux minou aux ronrons sublimes

au milieu de l’herbe en passant de dalle en dalle il suis son chemin

runes nuageuses au-delà de sa clarté le ciel est mystère

17 juin 2020

27 juin 2020

dans les hautes herbes les derniers coquelicots échangent leurs rêves

le ciel s’embarrasse de lourds lambeaux de velours — le soleil hésite

112


Paroles d’un compte erratique

le gardien des livres prend la table du salon en lutrin d’église

le bruit des couvreurs — il préfère s’abriter sous sa couverture

28 juin 2020

04 juillet 2020

couvrant les collines des nues à petites côtes dans le ciel limpide

révélés par l’ombre fruits dont on ne sait quel arbre sort de la lumière

repos sur la table après avoir bien gratté dans le tas de terre

regard vers le plâtre — ont-ils bien œuvré ceux-là qui posent les tuiles

29 juin 2020

05 juillet 2020

les fleurs des lauriers sous les oliviers hésitent sur leur fond de teint

un cadran solaire s’est incrusté dans le ciel — heure qui accable

sur la tour de garde sur le dos et en confiance il s’est endormi

il attend la brosse un déluge de caresses — don au petit dieu

30 juin 2020

06 juillet 2020

fleur de laurier-rose écarlate et dangereux dans l’ombre des feuilles

la fleur d’hibiscus dans sa fragile arrogance me fait un clin d’œil

un chat de faïence au regard sans direction et sans impatience

soudain réveillé par du bruit sur la toiture il serre les dents

01 juillet 2020

07 juillet 2020

une main de nues a recouvert les collines d’une brume chaude

ce coin de jardin à côté de la maison mon eldorado

depuis son donjon il examine ses rêves demi-camouflé

il est rassuré par l’épaisseur de mon ventre mais moi un peu moins

02 juillet 2020

08 juillet 2020

entre ombre et lumière les lauriers s’épanouissent dans l’été brûlant

rose crépuscule — lent dans la touffeur du soir une once de sang

113


Paroles d’un compte erratique

mais quelle potiche ! ah, le voilà devenu graine d’olivier

depuis son perchoir il pose un regard blasé sur son univers

09 juillet 2020

14 juillet 2020

mauvais jardinier qui ne connais pas le nom des fleurs qu’il cultive

d’un clic de souris j’élimine le soleil d’un bout de jardin

le chat dort encore alors que je suis levé depuis un quart d’heure

gardien d’un trésor il règne sur le royaume de la vanité

10 juillet 2020

15 juillet 2020

devant la maison le lierre a pris son envol vers le grand troène

un hommage au chêne qui dans les étés torrides donne une ombre fraîche

vaguement inquiet il sursaute au moindre bruit — ça commence à durer

un brin de toilettes avant d’aller déjeuner de quelques croquettes

11 juillet 2020

16 juillet 2020

autre point de vue et le cœur parfois chavire de trop de verdure

un rosier sauvage au milieu des oliviers et des herbes folles

depuis cette arête il surveille sur l’antenne l’oiseau téméraire

impatient parfois il attend que je décide de l’accompagner

12 juillet 2020

17 juillet 2020

le jardin sauvage qui se prend pour la colline vient à ma rencontre

revoilà encore mon petit coin de sourire où j’aime à rêver

essai réussi de camouflage du ventre — on peut s’endormir

en contreplongée il redevient le chaton que je n’ai connu

13 juillet 2020

18 juillet 2020

sous le ciel lavande les oliviers pré pubères domine le lierre

lauriers au soleil — impatiemment la terrasse une ombre promise

114


Paroles d’un compte erratique

il va s’endormir — il n’attend qu’une caresse pour fermer les yeux

changement de bol et même de position mais pourvu qu’il boive

19 juillet 2020

24 juillet 2020

quelques blancs nuages sont assis sur les collines pour se reposer

le ciel se fracture dans l’immense chaleur moite d’un été sans grâce

enfermé dehors — le matou est prisonnier du rideau de perles

surpris de profil il ne laisse rien paraître — du dédain peut-être

20 juillet 2020

25 juillet 2020

surpris mais curieux il se tourne vers la porte ouverte au jardin

brume de lumière tombant d’un autre soleil — cruauté du ciel

ces deux tourterelles se promènent sur le fil qui nous a reliés

sur la terre cuite il cherche un peu de fraicheur et de courant d’air

21 juillet 2020

27 juillet 2020

des grains de lumière sont tombés entre les arbres — le rire des fées

feuilles de figuier cachées dans l’ombre complice d’un été propice

crapaud interdit mais il essaie tout de même de s’y incruster

écoutez, il parle — il me dit qu’il voudrais bien que je le caresse

22 juillet 2020

30 juillet 2020

eux seuls restent verts chênes aux longues racines puisant l’eau des pierres

ce matin le ciel prend des airs de champ torride les ombres s’inquiètent

son câlin aimant laisse de longues griffures sur mon ventre gras

reposant à l’ombre sur les dalles encore fraîches d’une nuit sereine

23 juillet 2020

31 juillet 2020

le ciel ce matin avait remonté la couette au front du soleil

dans le ciel bougon quelques nues hallucinées par l’amer soleil

115


Paroles d’un compte erratique

la question se pose est-c’ qu’il va pleuvoir peut-être ou bien une blague

pas de passeport dans la poche de mes rêves je vais où ils veulent

01-31 juillet 2020

silence et pénombre hello sadness my old friend un sacré vacarme

froissement de feuilles dans la pénombre un ramier fait un cauchemar

nuit enchanteresse baignés de rayons de lune les oliviers chantonnent

crispée sur l'écorce une frêle carapace se mue en cigale

des fragments de lune retenus dans les branchages lanternes chinoises

dans la nuit le banc se sent bien seul sous les chênes je lui prends la main

rouge et menaçant l'horizon crépusculaire ronge les collines

les troncs accablés un implacable soleil crisse d'étincelles

01 août 2020

la porte entre-ouverte la nuit d'été est entrée dans le grand silence

premier du mois d’août jardin de plus en plus sec sans espoir de pluie

le chant des étoiles mélodieux dans les ténèbres d'un ciel insondable

juché sur la table il houspille son oreille d’une patte ardente

quelquefois la nuit témoigne de la lumière qui sommeille en nous

02 août 2020 brume de lumière — dans l’ombre parcimonieuse la torpeur s’installe

crépuscule moite la lenteur imperceptible d'une nuit sans fin

il semble prier — mais de quel dieu illusoire veut-il les faveurs

à l'ombre des pins sur une couche d'aiguilles le rêve du chat

03 août 2020

des viornes épaisses s'envole aux matins d'été une onde frivole

le temps hésitant pendant que le vent sans force froisse les nuages

là sur l'étagère entre la Bible et Proudhon un signet sans page

curieux de tout le compère à la fenêtre médis des cigales

116


Paroles d’un compte erratique

04 août 2020

09 août 2020

lieu surréaliste ce matin dans mon regard le jardin dérive

le jardin a soif mais peu à peu il s’adapte aux coups de chaleur

rentré tard cette nuit il dort encor sur la table d’un œil seulement

avec conviction et toutes griffes dehors il masse mon ventre

05 août 2020

10 août 2020

le verger aride se réjouit malgré tout de l’ardeur du lierre

le soleil se grime en une grosse baleine de nues irascibles

interrogative son attitude fuyante me met mal à l’aise

portrait d’un chat roi qui pourtant reste immobile au regard distant

06 août 2020

11 août 2020

bouquet de fleurs blanches égaré dans les lauriers — un joli sourire

la fenêtre ouverte sur le jardin accablé d’un midi pesant

deux heures du mat — nous nous sommes endormis dans notre fauteuil

depuis le donjon il surveille son domaine tout en sommeillant

07 août 2020

12 août 2020

une seule figue dans le figuier ombragé murit au soleil

chaleur assaillant jusqu’au seuil de la cuisine je ferme la porte

torpeur de midi — le ventilateur le garde du coup de chaleur

déjà fatigué — la dure journée qui vient fait perdre courage

08 août 2020

13 août 2020

on s’amuse un peu — j’ai bien joué maintenant je vais me baigner

ciel déjà masqué d’un loup encore sauvage— craindre sa colère

preuve de patience — même avec les yeux mi-clos il attend ma main

il ne bouge guère de son donjon surplombant son vaste domaine

117


Paroles d’un compte erratique

14 août 2020

19 août 2020

nouvelle journée — le ciel peu à peu recouvre ses oripeaux sales

couleurs immuables dans un ciel toujours limpide — un pin agonise

il semble étonné de s’être échappé enfin du vétérinaire

qu’a-t-il bien pu voir à travers la grande baie au rideau tiré

15 août 2020

20 août 2020

dois-je couper l'arbre pour avoir de Garlaban une vue parfaite

rien dans le ciel qu’une oriflamme d’argent accrochée au cèdre

il semble aller mieux depuis ces quelques piqûres et beaucoup d'amour

dans le lavabo qu’il prend pour une rivière il vient s’abreuver

16 août 2020

21 août 2020

il semble surpris le ramier dans le figuier — eh bien moi aussi

brume de lumière — mon regard troublé s’étend sur la jardin sec

depuis la fenêtre il regarde vers le nord le temps immuable

que regarde-t-il posé là sur cette pierre — toujours des questions

17 août 2020

22 août 2020

génies de l’été parmi les branches qui sèchent vous vous endormez

rien ne change en fait — la même vision troublée d’un jardin flétri

dans ses yeux se lit tout l’amour que je lui porte et qu’il me rend bien

tapi dans l’entrée il jette un petit coup d’œil — on ne sait jamais

18 août 2020

23 août 2020

le ciel s’est couvert d’épais voiles de velours — la pluie se refuse

le ciel et le vent dans la lumière solaire sculptent les nuages

il fait une halte son regard tourné vers moi comme une requête

il vient du couloir encore un peu somnolent sans savoir que dire

118


Paroles d’un compte erratique

24 août 2020

présent dérisoire — seules quelques gouttes sales sur la terre aride

atteindre la lumière — combien faut-il en passer de seuils et de portes

portrait d’un infant qui règne sur un domaine rempli de caresses

est-il inconscient — penser que je vais remplir ce plat de croquettes

30 août 2020

après la pluie pingre le vent se lève et assèche un sol assoiffé

25 août 2020

sur les lauriers-roses tant de fleurs renouvelées semblent éternelles

au pied du poteau il dépose un peu d’engrais — débit augmenté

le gardien du sas — le cerbère de salon se repose un peu

31 août 2020

26 août 2020

des pots au jardin des pots de terre ou de grès et un chat posé

quelques taches brunes dans les buissons verts encore — été sècheresse

portrait du matin — malgré le peu de lumière les iris fermés

entre ombre et lumière il dévoile son regard d’obscures pensées

01-31 août 2020

27 août 2020

pas un souffle d'air le ciel s'est couvert ce soir d'une couette sale

sur l’herbe trop sèche le soleil ne parvient pas à s’en amuser

le ventilateur son ronron imperturbable brasse de la glu

dans ses yeux mi-clos une flamme semble luire ce n’est qu’un reflet

chaleur mortifère le feu couve sous les braises d'un été caustique

28 août 2020 l’été ne semble pas vouloir finir de vivre — saison sans pitié

sous l'auvent brûlant j'interroge les tarentes qui guettent la lampe

au milieu du couloir il se repose un peu avant le repas

rentré à pas d'heure il me paie d'une souris son bol de croquettes

29 août 2020

là dans les collines 119


Paroles d’un compte erratique

rode comme une étrangère l'odeur de la mer

pour ne pas trop transpirer deux pies se chamaillent

la fenêtre ouverte sur le mur un fourmilion s'abrite du vent

à l'ombre des chênes cet été est respirable la sieste a l'air libre

perplexe j'écoute les fadaises que chuchote le vent au bois sec

je cherchais sa main que son regard refusait ne plus y songer

Il y a une différence fondamentale, certains diraient essentielle, entre le désir de mourir et le dégoût de vivre. Je cherche encore. Bonne nuit et à votre santé...

sur le voile opaque d'un ciel indécis et las les étoiles boudent larmes du soleil qui inondent les collines pleurent les cigale

la plainte du vent avec pitié pour eux-mêmes les arbres l'écoutent

la fenêtre ouverte sur la nuit soyeuse et douce odeur de grillade

l'écorce ridée des vieux pins - la sépulture des mues de cigale

silence assoupi un train raye la vallée je sursaute à peine

si près de la mort pourtant n'ayant rien appris de la joie de vivre

autour de la lampe les tarentes se rassemblent pour se restaurer

petit papillon qui s'échappe de sa cage quand mes doigts l'effleurent

petit vent discret dans les nuits d'août qui s'allongent septembre sommeille

tout en haut du cèdre contemplant son univers une tourterelle

éclairs de lumière libellules sur l'étang torpeur estivale

au-dessus de l'herbe rase papillon désemparé en quête de fleurs

la nuit s'évapore quand les étoiles se fondent dans l'aube timide

ma main engourdie au bout de mes doigts qui tremblent un souvenir danse

je pèse ma joie à l'aune d'anciens bonheurs je me sens léger

dans la nuit d'été une odeur de cendres chaudes inquiète mes songes

terre de poussière qui prie les nuages fourbes d'une obole d'eau

à l'ombre des pins

parfum d'abricot 120


Paroles d’un compte erratique

ses seins en avait le galbe sa peau la couleur

querelle de pies le chat sort de son sommeil qu'il reprend bien vite

je dansais sur l'eau enjambant joyeux les vagues d'un rêve d'ivresse

la nuit sort ses griffes mais tu peux la caresser les cauchemars veillent

je suis arrivé là où le vent m'a poussé petit brin de paille

parfois je m'assois entre la glace et le feu pour rêver d'enfer

équilibre instable sur la chilienne harassée je tente une sieste

soirée ambiguë les aiguilles du silence tricotent les ombres

j'aimais son sourire son rire et sa voix cassée sa peau d'abricot

les rides des pins n'abritent plus les cigales la fin d'un été

la brève étincelle l'étoile naïve exauce les vœux d'un tyran

la fraicheur soudaine qui s'installe sous l'auvent héraut de septembre

la fraîcheur surprend le silence de la nuit -ma peau mise à nu

mon ombre rêveuse qui s'est couchée sous ma chaise me réclame un verre

le pré effloré il n'y a que de la paille attendant la pluie

quand j'avais vingt ans et vingt-et-un centimètres je ne comptais pas

minuit et demie le chant du ventilateur berce l'insomnie

ce matin j'ai croisé un geai bleu une perruche verte et l'ombre d'un soupir

le fleuve a coulé je suis au bout de la route je n'ai rien pu faire

le banc familier qui m'accueille sous les chênes peinture écaillée

au fond de ces crânes le troupeau des pensées bêle mais suit le bélier

plus d'un mois sans pluie jardin couvert de poussière la désolation

au bord de la route un caillou semblable aux autres marque mon passage

au fond d'un tiroir la vieille photo cornée d'une jalousie

une ampoule à l'aide pour que le vieux papillon préserve ses ailes

l’été se termine avec ferveur prie la terre du ciel un peu d’eau

121


Paroles d’un compte erratique

la fraicheur soudaine qui s'installe sous l'auvent héraut de septembre

un vieux qui titube l'ivresse n'est pas l'alcool mais la solitude

quand j'avais vingt ans et vingt-et-un centimètres je ne comptais pas

le chant du loriot qu'il sera rafraîchissant au printemps prochain

des veines courraient j'aimais sa peau transparente moins son cœur opaque

armoire bancale aux étagères obliques mémoire enlisée

adieux sur un île mais pour revenir sur terre la même galère

les pieds sur la table j'interroge mon whisky et les glaçons tintent

malgré la chaleur il n'y a plus d'hirondelles ni le chant des pins

toujours pas de pluie ce soir c'est en chancelant que je bois un verre

la nuit tombe vite sur une fin d'été morne je ferme la porte

sur les feuilles sales une pluie parcimonieuse s'essaie au ménage

dans mon vieux fauteuil la musique assourdissante de mes souvenirs

petite chenille sur cette feuille de chêne tu défies la pluie

entre deux escales le marin dit à la mer : "ne sois pas jalouse"

mauvaise rencontre un vieux moustique abusé tombé dans mon verre

même à ma naissance les routes n'avaient de but déjà j'hésitais

toute la splendeur de mon chat quand il s'allonge sous les lauriers-roses

les bruits de la nuit dans l'épaisseur du silence forcent la pénombre

elle n'a jamais su que sur le vieux pupitre je gravais son nom

d'un sourire blanc comme une page inutile la porte entre-ouverte

j'avais son sourire et son parfum de printemps gravés dans le cœur

on ne vieillit pas quand les illusions perdurent dans les cœurs d'enfant

café en terrasse juste avant d'aller en cours l'odeur me submerge

je reste pensif dans le silence obscurci pas un train qui passe

nous n'avions pas l'âge mais nous l'avons fait quand même ce château de sable 122


Paroles d’un compte erratique

résistent encore aux nuits plus fraîches d’automne

fraîcheur du mistral des quelques gouttes d'hier c'est tout ce qu'il reste

01 septembre 2020

il semble surpris de trouver ce qu’il regarde que je ne vois pas

razzia sur les figues — un ramier entre les branches surveille ses gains nouvelle lubie qui le prend dès le matin la méditation

je me suis couvert mais sous l'auvent je frissonne ce n'est pas de froid infimes blessures que l'on ne peut effacer germes de rancunes

une demi-lune parmi les branches altières cachée à demi

étranges senteurs dans la nuit de fin d'été vieille pluie moisie

la source était nue les rochers qui l'habillaient n'aimaient pas la mousse

toute jeune encore une mante religieuse me tient compagnie

prête à s'enflammer la garrigue des collines s'est bien rembrunie

04 septembre 2020

02 septembre 2020

quelques filaments dérivent sur les collines — pas d’espoir de pluie

quelques coups de brosse sur la toile bleue du ciel le tour est joué

le sphinx d’étagère descendu de son donjon rejoint son domaine

réveil difficile après la nuit vagabonde on essaie encore

d'un pas incertain sur la route sinueuse nous allions innocents

un banc écaillé dans un coin de la mémoire des souvenirs jaunes

bien après minuit dans la maison endormie mon cœur battait fort

sur la branche instable un ramier fait son festin de figues sucrées

souplesse des jours qui épousent notre humeur parfois ils divorcent

le ventilateur s'essoufflait dans la pénombre un vent de silence

05 septembre 2020 la terre apparaît l’herbe sèche à disparu — c’est pourtant l’automne

03 septembre 2020 les fleurs de lauriers 123


Paroles d’un compte erratique

il dort tellement que ses rêves s’évaporent et je les perçois

c'est un rêve gris et aucun vampire comme une souris pour me faire rire

combien de soirées entre pénombre et silence faudra-t-il subir ---car si les ans sont si courts ma vie boiteuse est bien longue la mémoire étale et la vague au crépuscule caresse le sable

trente ans d'amitié dissoute pour quelques mots que je ne renie du bord de la plage sur des galets bien choisis j'ai franchi la mer

08 septembre 2020 ciel un peu couvert — mais c’est un fieffé filou tiendra-t-il parole

regarder dans le vide un verre sans trop trembler et le vague à l'âme

pénétré de songes sur la faîtière il écoute le chant des oiseaux

06 septembre 2020 soleil matinal sur le banc et le talus — sécheresse avide

l'espace est diffus et le silence incertain je tire le drap

le repas du soir partagé dans la cuisine sous la lampe pâle

ces terreurs nocturnes qui dévorent mon sommeil d'enfant tourmenté

cette cicatrice c'est une bouche sans lèvres qui n'embrasse plus

plus loin que le quai la mer est aussi salée que le sont mes larmes

les écailles tombent de cette peau de lézard outrage des ans

09 septembre 2020

dans une coquille ramassée je ne sais où la mer me berçait

les nues se rassemblent sous le regard du soleil — un frémissement

07 septembre 2020

il mit en marche les fabuleuses berceuses du coussin rêveur

la fleur écarlate la promesse du pistil séduit les abeilles

les soirs sans sommeil jusqu'à l'ivresse je reste dans mon vieux fauteuil

son humeur paraît chaque matin différente — pensive aujourd’hui

un verre un dernier -

124


Paroles d’un compte erratique

mes souvenirs restez sages la nuit m'appartient

quiconque nous prend la main on meurt toujours seul

frôler l'avenir imaginer que les rêves en soient le tremplin

12 septembre 2020 par l’ouest le ciel bleu gagné par son optimisme chasse les nuages

10 septembre 2020

son coussin magique gage d’un sommeil tranquille et de rêves clairs je reprends mon souffle c'est que la pente était raide pour tout oublier

la pluie a cessé — il est l’heure des parfums et des couleurs fausses mise au point ratée — dans le flou de mes pensées je remplis son bol

la nuit vient si vite du crépuscule ne reste qu'un souvenir blême

au fond de la mare la face décomposée des noyés timides

ne pas provoquer la conscience de l'oubli surtout ne rien dire

la table dressée nous attendions qu'on nous serve le cœur de nos pères

13 septembre 2020

carillon douteux du glas ou de la volée mon cœur indécis

dimanche matin — je vois le jardin troublé d’étranges lumières

11 septembre 2020

dimanche matin — c’est dur de quitter la couette on l’adopterait

le soleil soulève une charge de nuage dans un ciel morose

14 septembre 2020

il hume la pluie qui doucement le surprend pendant qu’il médite

lavés des poussières enfin les arbres revêtent leur plus beau sourire

j'ai ouvert un livre j'ai lu les premières pages et je l'ai fermé -----je n'aime pas les romans qui racontent une histoire

l’appui de fenêtre un poste d’observation avant de sauter escalier trop raide le vide rit du néant j'ai trop bu ce soir

baiser sur le front elle avait cette façon d'oublier des choses

parfum enivrant du jardin après la pluie baume au cœur des arbres

on nait toujours seul

125


Paroles d’un compte erratique

soucieux je résiste au verre antépénultième mais combien de temps

une aube insolite signe au-dessus des collines — la fin de l’été

15 septembre 2020

au bord du coussin il s’abandonne au sommeil la main sur le cœur

déjà une feuille se prépare à lâcher prise — cruauté d’automne

ce soir mon poignet me fait mal et la cicatrice pointe vers le nord un frelon entré — c'est une reine engrossée qui cherche un abri

sur la mezzanine il somnole en attendant que je me décide les feuilles jaunissent dans le figuier malmené par l'été aride

la fenêtre s'ouvre sur la fraîcheur de la nuit septembre équivoque

la nuit me convoque ma tâche ? surveiller l'aube pendant qu'elle dort

18 septembre 2020 fuite des nuages dans le ciel embarrassé du poids des collines

odeurs équivoques fin d'été de paille sèche et de mousse moite

subtile lumière qui vient caresser sa nuque — halo de tendresse

16 septembre 2020 couleur de septembre— les lauriers encor fleurissent et l’été en pause

la douce fraîcheur de cette nuit de septembre calme mon front moite

le même coussin la même action soutenue d’un sommeil profond

soleil de septembre de bon matin il hésite à chasser la brume

les meubles se meuvent dans ma semi-somnolence où règnent les songes

respirer septembre la promenade sans masque autour du jardin

il pleuvait si fort — sous un platane effeuillé un premier baiser

19 septembre 2020 fuite de lumière — hésitation de la pluie dans un ciel blasé

sans une parole sa main a saisi la mienne et mon cœur s'est tu

ensemble au réveil nous sommes bien mal cadrés et même un peu flous

17 septembre 2020

126


Paroles d’un compte erratique

le rêve était nu sans parole et sans couleur mais inoubliable

une tiédeur moite sur le jardin résigné traverse l'averse

mon chat fait la sieste sur la litière de pin parfum de résine

c'était l'avant-garde les éclaireurs de l'orage froncent les collines

vingt-six mille fois le soleil s'est endormi sur mes insomnies

parfums de la nuit au loin l'orage s'étiole en vains grognements

20 septembre 2020

22 septembre 2020

salut du soleil juste avant la pluie sans force dans un grand vacarme

jardin sous la pluie — le premier jour de l’automne un cadeau du ciel

parti grignoter dans le fouillis du garage — un matin caprice

en implorant presque d’un regard qui semble vide comme son assiette

la pénombre est sûre les souvenirs y complotent des regrets amers

malgré moi je peste murmuration de moustiques au-dessus du vase

à l'ombre des chênes le vieux banc compte les ans une feuille tombe

la fleur de septembre qui se dresse fièrement seule après l'averse

un banc de nuages les dernières hirondelles ont plié bagage

la lueur des villes exalte même l'éclat d'une seule étoile

21 septembre 2020

23 septembre 2020

pour ce dernier jour le soleil a revêtu ses plus beaux atours

le ciel s’est paré d’une escarboucle de nues volée au soleil

tout contre le mur il profite de l’été encore une fois

couché sur mes cuisses ronronnant comme un monarque il s’est endormi

terrasse d’en-haut il s’empare des rayons pupilles fermées

sous un porche étroit j'ai enlacé le fantôme de la malaimée un écheveau de regrets et de pensées impudiques

l'orage grommelle et tout d'un coup il éclate d'un éclair de rage

au milieu du ciel

127


Paroles d’un compte erratique

ce soir Vénus l'arrogante éclipse la lune

les vieux ils riaient de ma dégaine de fille en passant le pont ont-ils oublié si vite qu'un jour ils ont été mousses

pénombre et silence combien de fois n'ai-je pas joué ce duo gagnant

une heure du mat j'ai envie de boire un verre et d'aller pisser

24 septembre 2020 caché dans les feuilles le ciel devenu blanchâtre se grime en fantôme majesté lascive sur son trône d’éminence il rêve le monde

26 septembre 2020 chassée par le vent une nue échevelée cède sa lumière

une pâquerette a fleuri entre les dalles de l'allée de pierres jalouse du pissenlit qui fier s'ébat dans le pré

la première sieste— aujourd’hui il a choisi le banc de l’entrée la pluie a glissé sur le jardin enivré un châle de brume

la soirée plus fraîche après la journée plus courte les premiers frissons

sur la mousse humide j'ai posé mon vieux caban nous avons rêvé

milieu de la nuit la pie dispute aux corneilles la branche du chêne

à l'embranchement de l'arbre nu et du sable j'irai vers la faux

grande est la distance pourtant deux voix qui s'accordent rompent le silence

27 septembre 2020

25 septembre 2020

à travers la vitre je suis surpris par l’automne aux airs de printemps

une langue bleue au dessus noir des collines— ciel sans équivoque

elle est peu discrète cette caméra qui lorgne sa toilette intime

carreaux de terre ocre et le chat qui s’impatiente me tire la langue

courir sur le sable et le temps qui va si vite rêve foudroyé

mélodie étrange le vent comme un faune fou flûte dans les branches

l'orage est passé comme un amour de jeunesse sans laisser de trace

j'écoutais la fable que le barde fredonnait c'était bien ma vie

sur la nappe sale

128


Paroles d’un compte erratique

ce qu'il reste du festin donne la nausée

de la nuit comme une source sourd un cauchemar

rentré à minuit mon chat d'humeur facétieuse veut qu'on joue à chat

30 septembre 2020

28 septembre 2020

tracé dans le ciel — un désastre en Amérique nous prévient en vain

couverture étrange — le soleil peine à percer la couche de lard mission impossible — il essaie de camoufler ses taches plus sombres

le gardien des livres comme un chien de porcelaine lourdement somnole mon ombre insistante prend le verre et le rapproche du bord de nos lèvres

crépuscule amer le sable qui me submerge est gorgé de sel

tout au bout du quai la douleur intermittente d'un adieu amer

à l'ombre des pins en riant nous nous disputions le tapis d'aiguilles

dans le hall bruyant d'une gare intemporelle des spectres se croisent

ménage dans mes contacts j'efface l'oubli sauf des morts pour leur mémoire

consciencieusement le vieux matou me patoune comme un jeune chat

d'un air inspiré sur l'épaisseur de ma graisse il se fait les griffes

01 octobre 2020

29 septembre 2020

un ciel sans visage — on vient de franchir le seuil du pays d’octobre

deux trous de lumière traversent l’orbe d’un crâne — le ciel ou l’enfer

la lumière jaune qui le force à s’abriter sous le lampadaire

très subtilement il me fait bien remarquer que la vitre est sale

la pluie sur l'auvent musique tant attendue mais jouée trop fort

vieil homme émotif je sursaute chaque fois qu'un souvenir sonne

qu'importe le nom que l'on impose aux saisons la fleur suit la pluie

abysses létales même une gueuse de plomb ne me retient pas

la télé éteinte seule la veilleuse nargue la pénombre épaisse

passant la lucarne

02 octobre 2020 129


Paroles d’un compte erratique

le ciel malmené les nuages fuient le sud contre la lumière

octobre se pose déjà les premiers glands tombent sur les feuilles mortes

assis immobile il pose un regard perplexe sur l’humanité

déluge d'automne la Terre qui s'encolère présente la note

le vent est tombé mon chat compte les étoiles mon ombre somnole un chien qui aboie mon chat perché sur le toit reste indifférent

le pré reverdi me rappelle à ses bons soinsil va falloir tondre main endolorie maintenant elle tremblote pour saisir un verre

blotti sur mes cuisses il dort en pleine confiance cet alter ego

05 octobre 2020

03 octobre 2020

qui peut se mettre en colère

ciel bleu comme un chat et si doux souvent

peu à peu le ciel se fend d’un large sourire — je le lui rends bien

il s’est réveillé et s’étire sur la table la journée commence

chat ensommeillé rêve de tapis volant au-dessus du monde

lumière intérieure elle perce mes ténèbres et me tient au chaud

lumière diffuse qui traverse les nuages ma conscience hésite

comme une musique apaisante et volubile quand les pies se taisent

blottis sur l'étagère même les livres lus gardent des secrets

vagues ténébreuses des noyées aux cheveux d'algues peignent les marées

vieillesse clémente la nuit qui me faisait peur à présent m'apaise

06 octobre 2020

04 octobre 2020

ciel brouillé d’octobre — de temps en temps un sourire trompe sa prudence

dans les oliviers des fruits pour faire passer l’hiver aux oiseaux

il y avait longtemps qu’il n’était plus allé boire à cette fontaine

avec attention il écoute la chanson au bord du jardin

130


Paroles d’un compte erratique

le bois ciré brille odeur de vieille demeure mémoire des ombres

le chat est rentré avec des parfums d'automne de nuit et de brume

pénombre indocile qui éclaire la mémoire sans fuir les ténèbres

09 octobre 2020 le petit talus semble n’avoir pas compris que l’automne est là

autour de la lampe qui oscille sous l'auvent un halo de brume

un léger murmure le détourne brusquement de son déjeuner éternel retour des automnes au jardin et à la mémoire

07 octobre 2020

sous un soleil frêle le ciel se pare d’automne — atonie d’octobre souvent impatient ce matin il prend la pose avant de manger

brusque crépuscule héraut brutal d'une nuit devenue si longue

un spectre amoureux dans les arbres qui se frôlent attise la nuit

messager d'oubli dans la pénombre propice je ferme les yeux

une étoile verte le dernier verre de rhum a été fatal

le ciel s'est couvert et il fait doux sous l'auvent mélancolie tiède

dans la lueur pâle qui s'évade de l'auvent la bruine impalpable

octobre prodigue pissenlits et pâquerettes broutent le verger

08 octobre 2020

octobre déjà qui a grignoté l'automne je pense au printemps

rien dans le ciel que des lambeaux de nuages semblant égarés

10 octobre 2020

assis sur le sol il absorbe la lumière d’un soleil prolixe

le jardin s’éveille et le vert devient poète aux lueurs d’octobre

le soir s'évapore dans la douceur automnale du jardin humide

sur le bord du lit il attend que je me lève pour l’accompagner

ne pas résister quand le temps courbe l'échine il suffit d'attendre

depuis mon fauteuil je ne peux voir les étoiles que le vent caresse

131


Paroles d’un compte erratique

les feuilles des chênes n'ont pas perdu leur vigueur l'automne paresse

les pieds sur la table devant la télé éteinte j'arpente le vide

les pots sont brisés toutes les fleurs du jardin sont des fleurs sauvages

j'ai éteint la lampe je cède à l'obscurité un droit de passage

11 octobre 2020

le vent s'est lassé de courir dans le jardin une feuille tombe il y avait son rire de cette voix qui craquait comme feuilles sèches

le vent dans les branches le frôlement insensible de l’hiver prochain il carde sa couche et se prépare à dormir — je serre les dents

croisière d'automne sur la flaque encalminée une feuille morte

une odeur de vent vient se blottir sur mes cuissesle chat est rentré

plus de chant d'oiseau seuls les remords des corneilles qui brassent l'automne

papillon de nuit n'essaie pas de traverser la lucarne étroite

13 octobre 2020

dans la nuit d'octobre toutes ces feuilles qui tremblent acceptent leur sort

assis sur le banc je contemple les ténèbres d'un temps sans merci

la nuit s'aventure lentement se met à nu pour découvrir l'aube

dans ces vieilles tasses le café de ma grand-mère amer et sucré

le vent s'est calmé mais son souvenir glacé a pelé mes os

une feuille morte qui tombée dans le ruisseau rêve d'Amérique

tremblante lueur qui persiste sous l'auvent à brouiller la nuit

un meubles qui craque dans la pénombre indistincte rêverie rompue

12 octobre 2020

j'écoute le sang pulser dans mes artères silence vivant

la pluie de lumière qui atteint mon objectif brouille le jardin

j'ai rouvert ce livre feuille de ginkgo jaunie et la même page

le chat concurrence les pots baignés de soleil — il profite aussi

14 octobre 2020 132


Paroles d’un compte erratique

la nuit semble m'inviter à broyer du noir

à peine l’automne dans le frôlement des feuilles se fait-il sentir

loin dans la garrigue un petit pin malingre fait de l'ombre aux kermès

au bord de la terrasse il pose un regard surpris sur les faux papyrus

en face de moi posés sur un fauteuil vide deux coussins papotent je plisse des yeux et j'entrevois la lumière perdue dans la nuit

instant vénéré quand je pose ma carcasse dans le vieux fauteuil un petit soupir je viens de fermer la porte le chat est rentré

16 octobre 2020

la mélancolie qui musicienne à ses heures joue un adagio

le vent a cessé les nuages rient et dansent entre les collines

sous un réverbère auréolé dans la brume une odeur d'urine

profonde attention — la fenêtre grande ouverte capte son regard

il y avait ses dents comme joue un jeune chiot mordillant ma joue

le ronron du chauffage l'hiver en avance évince notre été indien

même avant le soir les pâquerettes d'octobre ont fermé la porte

paupières fermées bien calé dans le fauteuil j'écoute la nuit

15 octobre 2020

le chat est rentré pour aller sur la toiture compter les étoiles

les nuages fuient — ciel d’un automne venteux et mine glaciale

dans ma main sans force le verre trop plein frémit de l'ombre à mes lèvres

toujours cet air de potiche énigmatique — mon chat philosophe

malgré le vent froid les pâquerettes ouvertes au soleil du pré

une chaise grince mon ombre vient de poser sa mélancolie

souvenir fugace d'un été où l'on pouvait s'embrasser sans masque

nous avions le ruisseau pour effacer la sueur d'un amour d'été

la soirée paisible mais je ne peux plus écrire l'horreur au gosier

à travers la vitre

133


Paroles d’un compte erratique

passé la chatière odeur de nuit et d'automne mais moi je dormais

17 octobre 2020 lumière d’octobre — le jardin reste dans l’ombre par timidité

que me veulent-ils je me moque éperdument de mes souvenir dans la cheminée j'ai froissé de vieilles lettres il faut oublier

c’est au crépuscule que le fauve d’étagère s’en va à la chasse partout les ténèbres revenus les âges sombres qu'on pensait enfouis

il vient de rentrer pour m'offrir une souris puis il est sorti

la vieille navette du Vieux-Port au Château d'If parfum de croisière

19 octobre 2020

mon cœur bringuebale il cogne à toutes les côtes qui restent fermées

ciel immaculé — cet octobre rêve encore aux anciens automnes

ah le temps béni où les dieux étaient partout mais pas dans un temple

mon chat transformé en rat de bibliothèque — parfois seulement

le ciel s'est couvert les collines se préparent à subir l'orage

rongée du cancer d'une lâcheté cupide la charpente cède

c'est la voile noire l'obscurité a franchi le seuil de l'immonde

si doux d'habitude octobre cloue les collines d'un marteau de glace

18 octobre 2020

lucarnes fermées je n'ai gardé de la nuit que l'odeur du jardin

petit pissenlit dans cet octobre frileux tu restes bien fier

luminaire éteint la pénombre offre à la nuit l'occasion rêvée

dormir sans contrainte et laisser passer le temps d’une vieille image

trop froid sous l'auvent je suis rentré en tremblant me servir un verre

pas un craquement la pénombre se recueille auprès du silence

par la porte close des vents coulis sont entrés jusque dans mes rêves

petite flammèche qui vacille dans la nuit tu es bien fragile

20 octobre 2020 134


Paroles d’un compte erratique

plus de glands sur la terrasse le chêne est moins fier

sur un ciel d’octobre le soleil se lève et bâille de lèvres rongées

silence d'automne blottis dans le grand cyprès les oiseaux chuchotent au bord de la mer un vieux assis sur un banc de mélancolie

somnolent encore rituel matutinal il attend la brosse après les collines qui surlignent l'horizon un autre horizon

les muscles dissous par les ans et la besogne insane vieillesse

le chant des étoiles le silence de la lune masqué par le temps

22 octobre 2020

ma main douloureuse cherche dans ses poils douillets calme et réconfort

au-dessus des toits le ciel se met en colère mais il ne mord pas

sur le bois du lit une araignée à sept pattes veille mon sommeil

position filtrée — il dort sur mon coussin sage comme une violette

la bûche dans l'âtre crépite joyeusement une fée s'enflamme

les veilleuses veillent sur la maison endormie les rêves s'éveillent

lueur des étoiles le soleil sème des miettes pour rejoindre l'aube

le jardin s'endort dans le silence et l'oubli les feuilles se rendent

21 octobre 2020

d'une main tremblante j'essuie sur mes lèvres sèches le goût du silence

attente du vent le pissenlit se prépare au printemps prochain

la structure instable de mes dolentes défaites un pont vers l'enfer

regard implorant il faut que je me décide à ouvrir son bol

au fond de mes poches crissent encore les miettes d'un ancien chagrin

il fait presque doux et dans la nuit qui avance l'automne sourit

lourd sur mes épaules il fait trop nuit à présent pour s'en affranchir

mille pâquerettes dans le pré abandonné hommage à l'oubli

23 octobre 2020

le chêne émondé

il pleut doucement —

135


Paroles d’un compte erratique

Garlaban dans les nuages soupire en rêvant

l'averse est passée et un silence limpide se saisit des flaques la sieste trop longue a eu raison de la nuit je nous sers un verre

couché sur la table il se demande peut-être ce qu’est cet œil neuf tiédeur de l'auvent le ciel cache ses étoiles comme des diamants

la dame de pique sortie au premier tirage je rebats les cartes

une nuit soyeuse une odeur de pluie lointaine rafraîchit mes songes

25 octobre 2020

mélancolie douce cuillère de miel ambré sur les idées noires

ce matin les nues sur les berges du soleil ont pris de l’avance

hypnose des nuits on fait d'un rêve troublant un miroir sans tain

petit air bougon — si son ventre est bien à l’heure il gargouille encore

lent conciliabule entre mon ombre et moi chacun remplit son verre

et contre un couteau la menace nucléaire reste sidérée

un verre un dernier sans sommeil je vais dormir sur mes cauchemars

les dents qui me rongent n'ont aucune consistance mais elles me broient

24 octobre 2020

marcheur fatigué qu'épaisse vieillesse encombre déchirant son ombre

après les averses les oliviers sans poussière brillent au soleil

l'automne se creuse pourtant les feuilles des chênes s'accrochent encore

retour à la source qu’on regarde lentement couler dans le bac

ce soir je m'épuise à trier du sablier la poussière ingrate

coutume vivace chaque nuit tient la promesse de se rendre à l'aube

aucun mot n'accoste au quai de mes rêveries pas même un soupir

offrande de l'eau les pâquerettes fermées montrent leur visage

26 octobre 2020

déjà du figuier les feuilles tombées à terre se recroquevillent

il pleut ce matin malgré la langue de feu qui noie les collines

136


Paroles d’un compte erratique

où le temps n'en finit pas de crier en vain la fenêtre ouverte sur les spectres et les ombres de la nuit d'octobre

nous dormions hier soir engoncés dans le fauteuil d’épaisse pénombre un temps à la pluie l'escargot sur le fenouil se rit du lombric

amour de la vie la peau usée jusqu'aux os vieillard abusé

bataille rangée (en haut du verger) d'un côté les pâquerettes face aux boutons d'or

28 octobre 2020

timide anarchiste parmi la foule innommable je sais qui je suis

dans un ciel changeant les nuages passent libres de rire au soleil

le vent s'est levé par la fenêtre entrouverte je l'entends miauler

c’est au pied du mur qu’on reconnaît mon garçon au milieu du lierre

que me voulez-vous ombres d'un temps révolu mes os sont rongés

le lierre et le mur un rêve d'amour qui dure dur comme la pierre

la nuit se disperse particule élémenteuse de mes cauchemars

si vaste qu'il soit autour de moi l'univers m'étrangle et me noie

27 octobre 2020

la lune est passée au-dessus de la maison hautaine et muette

il est dix-huit heures la lune se lève enfin — trop tôt ou trop tard

j'oublie la rumeur et l'hystérie de la foule quand mon chat s'endort

quitter son donjon est toujours très difficile pour ce grand seigneur

je vais le rejoindre frôler ses yeux endormis et rêver pour deux

spectres dans la nuit cachés par l'ombre des arbres rêvant en silence

un livre au hasard et une page impatiente me saute au visage "Gervaise avait attendu..." "l'Assommoir" c'est donc un signe

la mélancolie comme un moineau apeuré blotti dans les yeux principe du vent ce n'est jamais le même air qui te vient aux lèvres

29 octobre 2020 un matin d’automne et un ciel sans fantaisie

cet étrange espace

137


Paroles d’un compte erratique

dessus les collines

trois sœurs et un frère dans un presbytère troquent des serments écrits

le regard fixé sur un horizon secret que lui seul contemple

pesanteur du corps et le vieillard insomniaque souffle sur ses rêves

je suis le menteur qui crois à ce qu'il invente très sincèrement

dans la lampe éteinte subsistera à jamais l'espoir de lumière

soixante-dix ans -j'ai mon compte d'errements d'erreurs et d'errances

31 octobre 2020

la nuit a fraîchi -l'hiver pourtant loin encore avance masqué

nuage en dentelle déchirée par le soleil — dernier jour d’octobre

les vieux qui promènent un chien fatigué l'entrainent vers la solitude

un tapis volant vole au-dessus du donjon — le seigneur s’éveille

malgré la froidure les fleurs du verger résistent au confinement

ce soir je ne peux tirer les vers du néant -ils sont bien en glaise

le ronron du poêle se colle sur mes paupières la nuit papillonne

30 octobre 2020

quand j'étais enfant je rêvais qu'une princesse me réveillerait je ne suis plus un enfant toutes les princesses ronflent

brume matinale au-dessus des arbres verts encore en automne

pourtant la lumière existe excite mon cœur de vieux timoré

regard curieux pointé sur je ne sais quoi d’intriguant possible

en face de moi dans le reflet sans lumière un visage austère

perdu dans mes songes je cherche un interrupteur pour briser la nuit

conscient de sa mort l'humain ne peut concevoir la fin de l'espèce

vous souvenez-vous du jour de notre rencontre ? hé bien, moi non plus !

petite lucarne entre la nuit froide et moi -écran trop fragile

ma gorge se serre -une inhumanité rance règne sur le monde

01 novembre 2020

138


Paroles d’un compte erratique

l’automne s’installe le premier jour de novembre pleure à la fenêtre

sur leur étagère Emma Bovary complote avec Anna K.

entre les créneaux de sa tour improvisée il régit son monde

la plupart des hommes n'ont pas de cervelle comme les punaises juste des odeurs

chemise froissée la flemme de repasser demain au lavage

la main dans la main une fée sans âge et moi traversons le temps

je ne m'ennuie pas mais je compte les carreaux au sol du salon

mélodie de l'âtre -quelques souvenirs encore partent en fumée

j'aurai dès ce soir ultime goût de la fin consumé la plume

j'ai beau porter un masque il y a toujours des aveugles qui me reconnaissent

coiffées de pénombre les pensées du soir cherchent abri sous la lampe

03 novembre 2020 dans un ciel pesant les nuages se dissolvent autour des collines

la première fois où ses yeux m'ont chaviré c'était en novembre ce ne fut pas la dernière hélas tout a une fin

à travers la vitre il compte les feuilles mortes et il prie pour elles

mon verre se vide sans que je m'en rende compte -regard vers mon ombre

on s'est plaint parfois de ces lits qui s'écartaient et qu'on voulait proches

02 novembre 2020

la télé éteinte n'a même plus de veilleuse pour crier à l'aide

peu après l’aurore l’or dans les cheveux du ciel — éblouissement

un meuble qui craque dans la pièce enténébrée -faux pas d'un fantôme

il est descendu de son piédestal sublime se mêler au peuple

trophées sur le mur -vieilles photos racornies d'un temps éculé

même si je vivais dans un palais je mourrai dans le taudis qui m'a vu naître nul ne peut oublier d'où vient son arrogance dans le chant d'un oiseau reste l'écaille de sa coquille

la nuit pénètre par la lucarne embuée au fond de mes rêves

139


Paroles d’un compte erratique

sur ma langue encore qui me réveille la nuit ce goût d'abricot

la frêle allumette qui brusquement fend la nuit s'éteint aussi vite

boire un dernier verre -je me souviens du bistrot où je fus le pourboire

trop de pensées creuses dans mon crâne halluciné se heurtent ce soir

04 novembre 2020

au bord du chemin avant la dernière borne je fais une pause

le ciel se découvre et un soleil bienfaisant se libèrera

06 novembre 2020

à demi-masqué c’est un œil suspicieux qu’il m’a regardé

nourri d’air du temps j’ai déplacé ma jeunesse au seuil de la mort

il n'a pas de nom le frêle oiseau sur la branche, juste une chanson

07 novembre 2020 le ciel ce matin une vieille photo sale comme ma rétine

au fond de l'impasse l'affiche avis de recherche d'un enfant perdu

une image ancienne — il n’était pas décidé à tenir la pose

mon verre sournois se dérobe et je ne peux lui trouver d'excuse

le chat est rentré une odeur de pin brûlé le suit jusqu'au lit

je veille mon chat endormi dans mon fauteuil -à quoi rêve-t-il

chat crépusculaire qui arpente le jardin et me rend inquiet

sur le canapé quatre coussins avachis boivent le silence

ma main douloureuse mais avide de caresses posée sur mon chat

pénombre mutique murmuration de silence -la nuit se confine

08 novembre 2020

05 novembre 2020

des nuages las — le triste ciel de novembre n’est pas fait pour rire

au-dessus des arbres le soleil étire un voile de ciel sans nuages

près de se coucher il apprête mon coussin à sa convenance

douceur du regard ses yeux se sont abreuvés de douceur du temps

140


Paroles d’un compte erratique

ce soir j'improvise une folle farandole et un grand silence

j'ai trop bu ce soir -le fantôme de mon ombre me prend par la main

sa bouche était rouge de l'eau froide du torrent -j'ai bu la montagne

veule et sans courage dérobant l'air que je respire -ombre de mon ombre

le jardin est triste sans le soleil ni la pluie -grises mes pensées

11 novembre 2020 au-dessus des toits quelques nuages paressent — la joie des collines

09 novembre 2020

brut de décoffrage — les ondes télépathiques de mon chat surprises

des nuages flottent sur un ciel de transparence — surprenant novembre

parfois je cultive la subtile indifférence du parfait anonyme

il fait ce qu’il peut pour profiter du soleil — même s’encager

le livre fermé -reste sur la couverture le don du poème

chargé de tendresse le galion a accosté au quai de l'ennui

précieuses chimères -la porte de la mémoire restée entrouverte

petite veilleuse sous mon crâne qui sommeille -personne ne souffle

oublier pourtant n'est pas si facile même les vieillards n'y parviennent pas

ni vent ni orage la mélodie du silence -cafard simplement

12 novembre 2020

10 novembre 2020

une laine grise frissonne sur les collines — le soleil s’éteint

au loin la colline sous un ciel pâle et brouillé soupire en silence

posé sur sa chaise il attend dans la cuisine une gourmandise

son tapis volant enfin prêt au décollage il attend mes ordres

il y avait sa peau et la folle odeur de l'aube pour nous réveiller

nostalgie amère -dans l'antre des souvenirs l'ombre se rebelle

141


Paroles d’un compte erratique

je ne comprends pas comment j'ai pu empiler tant d'ans sans sourire

l'automne est bien là le figuier n'a plus de feuilles les chênes jaunissent

écume du temps mon front brûlant dans la paume en est rassasié

la rosée épaisse à contrecœur se sublime dans le matin froid

le chat est rentré il me fait don de la nuit et des feuilles mortes

la trace des pas creuse une trainée brillante dans l'herbe qui glisse

13 novembre 2020

le soleil qui bâille entre les nues et la brume encore frissonne

gros nuages noirs — ils vont pourtant laisser place à un ciel limpide

je marche à pas lents -un cercle de feuilles rousses sous les cerisiers

comme moi il bâille au moment de se lever d’une longue sieste

un café m'attend -le chat resté sur la couette ne m'a pas suivi

j'ouvre la fenêtre -la nuit d'automne suinte d'un parfum tourbé

15 novembre 2020

remontant mon col je frissonne dans la bruine -la nuit suit novembre

un temps à l’orage malgré le soleil hargneux — les nuages gagnent

une feuille tombe lentement si lentement sur l'herbe accablée

il dort bienheureux le museau dans sa moustache sur mon vieux fauteuil

de l'auvent la lampe diffuse une lueur glauque jusque sous les chênes

enfourchant un rêve je cours jusqu'à la bouteille me servir un verre

minuit n'est pas loin je n'ai toujours pas sommeil je n'ai pas sommeil

le fauteuil qui grince dans la pièce enténébrée -le chat tend l'oreille

14 novembre 2020

le ronronnement d'un feu dans la cheminée peuple le silence

des troupeaux de nues broutent au dessus des pins dans le ciel limpide

le poêle et mon chat font un concours de ronrons -douce somnolence

avant de dormir sur mon ventre endolori il carde sa couche

142


Paroles d’un compte erratique

posé sur mes cuisses nous allons dormir ensemble sur le canapé

19 novembre 2020

16 novembre 2020

sur la Sainte-Baume le ciel qui reste au bleu fixe attend le mistral

un petit mistral c’est un vent bien sympathique qui nettoie le ciel

mon chat sans pupilles se gorge de la lumière d’un soleil sans fard

qu’a-t-il bien pu voir au travers de la fenêtre que je ne vois pas

mon chat est rentré énervé par le mistral -je le réconforte

un ciel sans étoiles plus noir que la nuit encore pèse sur mon cœur

aujourd'hui le vent ronchonnait dans les feuillages -le ciel s'en moquait

les ombres surgissant de derrière les grands troncs mordent la lumière

moisson de regrets en friche de solitude d'ombre et de silence

taches de vieillesse -sur ma main endolorie rien n'est épargné

les tiroirs secrets de la mémoire renferment d'obscènes pensées

la nuit incommode laisse les ombres lascives hacher le sommeil

20 novembre 2020

18 novembre 2020

le ciel transperçant ne peut se dissimuler au regard des arbres

le ciel lumineux qui traverse le branchage s’oublie en novembre

il monte la garde depuis la table donjon sur la vieille vitrine

museau dans les pattes il garde les yeux ouverts sur ce monde absurde

dans les lauriers-tins les oiseaux piochent les baies -l'hiver sera rude

une dent dolente occupe mon attention -dentiste abhorré

au pied du talus un écureuil étourdi recherche ses glands

lumière indécise -les ombres sont assoupies tout le long des plinthes

peu à peu les chênes changent le teint de leur robe jusqu'à être nus

photo retrouvée dans le fouillis du grenier aussitôt brûlée

murmure du poêle -la respiration du chat somnolent complice

143


Paroles d’un compte erratique

qui se souviendra d'un rêveur usurpateur que le vent secoue

21 novembre 2020 brumes dissipées quelques nues traînent encore dans le ciel figé

les coups de boutoir d'un mistral halluciné -les volets gémissent

il rêve éveillé attendant je ne sais quoi de miraculeux

le vent a cessé il reste le froid tranchant et les feuilles mortes

from the snowy peaks across meadows and forests -cold windy weather

23 novembre 2020

des pics enneigés à travers prés et forêts -temps froid et venteux

dans le ciel ridé sur la route du soleil lumière égarée

la crainte du vent qui frappe et hurle à la porte -furies dans la tête

regard attentif — à travers la grande baie une tourterelle

dans la nuit sans fond chargé de trop de mémoires je glisse sans fin

elle me taquine la lune se lève au nord -moi je l'ai perdu

cette vie de doutes qui va de rien au néant abreuve les temples

24 novembre 2020

22 novembre 2020

à l’est sur les collines malgré la lumière et les flammes le ciel est resté froid

sans métamorphose le ciel est resté de marbre les arbres figés

soleil dans les yeux ils en prennent la couleur et se font sauvages

chat de porcelaine sur la table du salon — dur à digérer

25 novembre 2020 photo sans rideau mais si on regarde bien il reste la tringle

la nuit de novembre sous son diadème de brume frissonne à la porte

un rai de lumière semble trancher le rêveur — reflet des carreaux

cette dent malade qu'il faudra bien arracher me perce les tripes

la lune gibbeuse encore endormie se lève bien après l'aurore

mémoire insoluble dans cette soirée paisible -je vais me coucher

144


Paroles d’un compte erratique

26 novembre 2020

les noirs nuages pesant de mélancolie

sur l'attestation vingt kilomètres trois heures contents les chasseurs

son regard pointé sur la baie engrisaillée je n’existe plus

paresseux nuages qui ondulent dans le vent au gré de novembre

tout petit vestige d'un minuscule voyage sur le petit meuble

son petit doudou est un petit âne gris — mieux qu’une souris

je retiens souvent et garde par devers moi la fin de la phrase

02 décembre 2020

pour parer les murs des paysages abstraits grattés dans le plâtre

le soleil se lève dans les brumes de décembre— arbres verts encore

05 décembre 2020

sur le fenestron il absorbe quelques gouttes du soleil d’hiver

au loin la palombe dans le ciel désespérant garde encore espoir

03 décembre 2020

portrait matinal il n’a pas l’air de s’en plaindre et ça tombe bien

changement de ton — la nudité de l’hiver a surpris l’automne

il pleuvait lentement ce décembre d'avant elle marchait courbée sous le poids de l'année lentement et si lents reviennent les serments foulés et la mémoire laisse une trace noire sur son cœur éclaté un jour en plein été elle fuit en silence cette ancienne existence qui accroche à ses yeux ce printemps merveilleux au bord du quai si proche poings serrés dans les poches elle ne saute pas et revient sur ses pas au comptoir de la gare elle allume un cigare

d’un coup il se dresse il saute de son donjon pour quelques croquettes cette nuit glaciale l'a fait rentrer bien plus tôt réchauffer mon cœur il dort comme un ange -mais est-ce que les anges dorment en rêvant de sexe sur la mezzanine le chat dort dans mon fauteuil -d'en bas je le veille

04 décembre 2020 après les averses

145


Paroles d’un compte erratique

commande un petit noir et un verre d'espoir quelques fleurs sauvages -j'en avais fait un bouquet qu'un âne a brouté

des arbres figés

sa jupe volait dans la chaleur de l'été comme un papillon

puis mon cœur s'arrête et reprend la route inquiète vers l'indescriptible

c'était en décembre et je me souviens encore du sel de ses larmes

cette pluie brouillonne brillant sur les feuilles mortes et brouillant le cœur

elle avait ce regard pathétique qui me faisait pleurer quand nous faisions l'amour

caché sous les feuilles le souvenir d'un printemps que mortes racontent

il hésite encore peut-être va-t-il pleuvoir — n’anticipons pas

le mur était haut -il fallait avec un rêve affranchir les pierres

06 décembre 2020

08 décembre 2020

le soleil d’hiver entre pins et oliviers paresseux se lève

un ciel aussi vieux que les plus vieux automnes que j’ai parcourus

un peu flou il dort sur les rondeurs de mes cuisses — la sieste complice

posé sur la table comme un chat de porcelaine presque une soupière

murmure du poêle -les feuilles mortes déroulent tapis à l'hiver

longtemps j'ai goûté aux fruits amers de l'angoisse -jeunesse est passée

dans la grande pièce un silence sans mesure berce mes pensées

j'étais prévenu je l'ai prise en pleine face -pourtant la vieillesse

la pénombre glisse dans le murmure du poêle comme une aube tiède

peu à peu mon verre se vide et la terre tourne plutôt mal que bien

symphonie de l'âtre et de mon chat somnolent -une ode au silence

l'univers borné aux dimensions de ma chambre -ma raison de vivre

07 décembre 2020

09 décembre 2020

soleil de décembre un ciel immensément bleu

le vent a chassé

146


Paroles d’un compte erratique

au loin les épais nuages — il reste leu ombre assis sur le toit il cherche dans les feuillages un os à ronger

le vieux barde est aveugle aux rumeurs du monde

11 décembre 2020 après les nuages qui ronds emplissent le ciel la pluie droite et raide

je levais le masque -sur le chemin des douaniers je passais en fraude

portrait d’un matin où la pluie l’a confiné derrière la vitre

à travers mon verre la douce lueur ambrée d'un désir d'ivresse

au funérarium de cet hôpital sans âme j'ai veillé mon père

la mémoire hésite entre cuisante défaite et cri de victoire

une tourterelle sur un fil parade encore au mois de décembre

je ne cueille plus les frêles roses d'hiver j'ai assez d'épines

je pose mon verre au beau milieu de la table -je m'en sers un autre

10 décembre 2020 le ciel se prépare d’un ciel lumineux encore mais la pluie arrive

les fleurs se confinent jusqu'au réveil du printemps -l'hiver prend soin d'elles

regard scintillant posé au-delà des mondes sur son horizon

cette nuit il gèle -dans la coupelle du chat l'eau bientôt se fige

les gueux filent doux -avant de croiser le fouet ils mettent un masque

12 décembre 2020 le ciel reprend vie — lassées d’une nuit de pluie les nues se dissolvent

à la télé rance il y a plus d'escamoteurs que de badauds niais pour s'en ébahir

dans le clair-obscur d’un matin crépusculaire il hésite encore

vouliez-vous de moi princesse aux yeux de féline pour user vos griffes

les embruns glacés qui lacèrent mon visage se rient de mes larmes

faveurs d'une reine -bien qu'intrépide je crains de perdre la tête

son rire coulait comme une gourde d'eau fraîche un midi d'été

assis sur le seuil

147


Paroles d’un compte erratique

je n'ai su rien d'elle sinon qu'elle a pris plaisir à me rendre dingue assis sur la plage au tout début de l'hiver l'horizon m'échappe

pesant sur le coussin mon chat qui parle en dormant raconte ses rêves au fond du couloir la pénombre trop épaisse cache des fantômes

je suis survivant d'un naufrage très ancien -mon propre naufrage

le vieux rosier sur la tombe de la chatte ne fleurira plus

13 décembre 2020

des grains de poussière voltigent dans la pénombre -je trie mes pensées

libéré par le vent l’intense soleil d’hiver éblouit les arbres

le fauteuil qui grince et mon chat dort agité -mauvaise rencontre

de l’autre côté le ciel est tout aussi bleu — il s’en rassasie

15 décembre 2020

outrage du temps -mon visage est moins ridé que mon âme l'est

dans la forêt sombre malgré le froid de décembre les fées farandolent

mon corps me ressemble gras et lourd comme une olive qu'une pie dépèce

petite terrasse d'où tous les matins je fixe un horizon vide

la fuite des ans -on devrait en avoir cent avant d'avoir vingt

des feuillets jaunis dans l'armoire aux secrets dorment -j'ai perdu la clé

douceur des soirées traversées dans la pénombre et la solitude

le long de la route une timide lanterne montre le chemin

sur le marque-page un numéro de portable -de qui s'agit-il

la lune insouciante paressait sur les nuages -mon âme était sombre

14 décembre 2020

16 décembre 2020

appareil malade — dès qu’il sombre dans le noir le ciel devient pâle

grasse matinée et le ciel me reproche — je ferai avec

assis à mon bureau il planche sur un dossier dont il n’a que faire

cette nuit mon chat a troqué une souris pour de la salade

148


Paroles d’un compte erratique

mon esprit concave n'a pas encore bien saisi que la fin est proche je ne sais plus lire las de lire cette histoire que j'écris si mal

un temps à l’orage — la pluie qui se fait attendre est parcimonieuse son rôle au sérieux le gardien des papillotes s’est déjà servi

panne de courant -la veilleuse mon repère m'a abandonné

20 décembre 2020 ne plus rien dire -un maladroit trait de plume coupe ma parole

pensées sans relief murmure de la pénombre -la saison mauvaise

j'ai soumis mes rêves à l'épreuve de l'espoir -devinez la suite

le pont tenait bon -j'ai traversé sans encombre jusqu'à la vieillesse

cette nuit sans étoiles égarées dans le coton de nues invisibles

17 décembre 2020 des larmes épaisses solitude et dépression -le prix d'un sourire

21 décembre 2020

malgré ses yeux tristes il voit la vie en couleur -sourire grimé

traversant la brume les feuillages et les nues le soleil paraît

affiche écornée d'un vieux péplum suranné -cruelle mémoire

sur le coussin sombre il se prépare à la sieste — il n’est pas trop tard

par dessus la haie le ciel d'hiver a bondi -un éclat de rire

tache de lumière sur les coussins du salon -la pénombre inquiète

un halo blanchâtre dérivait sur les ténèbres -mon ombre peut-être

brouillon de silence -le bois qui brûle dans l'âtre marmonne en dormant l'hiver s'impatiente il piétine le paillasson qui garde la porte

18 décembre 2020 reflex sans rideau — pour protéger le capteur un miroir fragile

22 décembre 2020

19 décembre 2020

149


Paroles d’un compte erratique

la brume collante qui imprègne le vallon soutient Garlaban

la nuit de noël mon chat arpente les tuiles et poursuit les rennes

la terrasse humide lui offre pourtant l’abri d’une plante en pot la nuit la plus longue d'une année interminable -reprendre son souffle

je lève mon verre -sous le sapin les présents attendront l'été dans la cheminée le feu impatient dévore la bûche soumise

je poursuis ma route accompagnant les méandres d'une vie brouillonne

25 décembre 2020 alors c’est noël et on ne m’a rien dit — où sont mes cadeaux

quand le jour se lève malgré tous les cauchemars j'ouvre la fenêtre

matin de noël — et dans le ciel quelques brumes d’un coucher tardif

23 décembre 2020 effeuillés les chênes les nuages effrayés effaré le ciel

dans les pyracanthes profitant du chat qui dort les oiseaux festoient

mon chat est inquiet — il surveille de la poutre la baie du salon

il y a longtemps il pleuvait sur nos espoirs -ils n'ont pas séché

à l'ombre pérenne du grand mur du pensionnat j'ai tenu sa main

étrange soirée -des ombres fuient des ténèbres mon chat rêve inquiet

à l'arrêt de bus exposé à tous les vents la brève rencontre

26 décembre 2020

c'est un être rude dont les poils sont rebroussés sur son cœur de laine

dans la nuit pesante les coussins du canapé ronflent comme moi

24 décembre 2020

vivre inaperçu -le rouge-gorge en hiver a changé de masque

le ciel se dévoile pour que la magie du jour enchante la terre

dans la lueur d'ambre qui traverse la carafe tant de rêves bus

portrait au fond bleu — parfois il me déconcerte en prenant la pose

27 décembre 2020 150


Paroles d’un compte erratique

sur la table entre les fêtes — gardien à la noix

un ciel barbouillé comme un lendemain de fête le soleil titube

l'hiver mains tendues -les passants pressés passaient d'un regard glissant au milieu des ruines sans conviction le vieux tire sa chaîne de montre

tu devrais plutôt que de prendre des photos remplir ma gamelle le fleuve était lent boueux et sans complaisance -mais j'ai bu son eau

où va-t-il ce train qui traverse le vitrage d'un bruit de ferraille

une nuit humide retient de l'ombre un frisson une envie de vivre

30 décembre 2020

elle souriait mais je ne savais que dire -un silence oblique

le ciel ne sait pas de quel côté se tourner — étrange désordre

28 décembre 2020

l’appareil m’échappe — alors que je peux capturer le rêve du chat

hiver plus vieux encore de quelques jours — la pluie indolente

pénombre propice aux marées de la mémoire -vase de l'estran

il poursuit ses rêves en embarquant sur la nef du sommeil du juste

vallée silencieuse -la pluie et le vent s'accordent enfin une pause

gazon recouvert de feuilles mortes humides -soir au cimetière

les journées se creusent comme les vagues du large que l'ennui taquine

des traces d'argent dans la brume matinale -chaussettes trempées

31 décembre 2020 les nues sont venues la pluie s’est mise à l’ouvrage gâcher la journée

il bruine ce soir -le jardin brumeux frissonne mon chat l'abandonne

29 décembre 2020

il reste impassible tout au milieu du salon il attend un geste

se frayant passage entre les nues vagabondes le soleil émerge

le ronron du poêle et la brume de pénombre entrelacs des sens

il garde les plats

i am an old man

151


Paroles d’un compte erratique

without wanting or power but how I love life je suis un vieil homme sans volonté ni puissance mais j'aime la vie Menu du félin Matin : Croquettes Un petit oiseau Midi : Croquettes Saumon fumé Miettes de crabe Provolone Une petite souris Goûter : Croquettes Petit lingot de chocolat au lait Croquettes (pas de souris, il pleuvait) Soir : Croquettes Saumon mariné Huitres Noix de Saint-Jacques Parmesan Une petite souris le temps se balance à droite à gauche tic-tac toujours il avance "À vous tou.te.s que l'on aima et que l'on aime, "Comme une coupe de vin à la table d'un festin "Je lève mon crâne rempli de poèmes. Merci Vladimir Maïakovski de me prêter quelques mots pour souhaiter une merveilleuse nouvelle année.

152


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.