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2- Les Caractères identitaires du lieu
2- Les Caractères identitaires du lieu
Sur la base des concepts de Heidegger, Norberg-Schulz développe ses écrits sur la compréhension du lieu, pour mieux caractériser le lieu et ses qualités spatiales essentielles ainsi que le génie du lieu. Selon l’auteur, l’essence du lieu se définit à travers trois différents aspects : l’orientation, la mémoire et l’identification. D’après lui, « L’orientation – sans laquelle on ne peut voyager ni atteindre une destination ;
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l’identification au genius loci – sans quoi l’accord avec le lieu est impossible ; et le souvenir des éléments constitutifs d’un lieu – sans quoi l’expérience de l’appartenance est impossible ».
C’est donc à travers l’orientation, l’identification et la mémoire que Norberg-Schulz définit la dimension antérieure du lieu et en fait de ces éléments une phénoménologie qui sera la clé de compréhension, d’accessibilité et d’usage de tout lieu. Ces paramètres sont omniprésents et sont partie intégrante pour chaque espace ou paysage. L’interaction entre ces trois éléments fait d’un lieu un paysage distinct et unique en son genre. Il serait inutile d’introduire d’autres paramètres à un lieu affligé par la modernité qui a en quelque sorte fait de l’ombre au caractère identitaire d’un lieu accumulé d’artifices au fil du temps.
L’orientation
L’identification
LE LIEU
La mémoire
Figure 2 : Les caractères identitaire du lieu. Source : personnelle
La combinaison des caractères identitaires sous les dimensions de mémoire, d’orientation et d’identification alimentera ainsi la création d’une interface d’échange entre le lieu, le contexte local et le paysage. La mémoire se référera aux images emblématiques, l’orientation à l’espace et l’identification aux formes concrètes du bâti.
La mémoire
La mémoire joue un rôle clé dans la compréhension et l’utilisation du lieu. C’est à travers les points de repères figurés, des traces matérielles et des images emblématiques qu’on arrive à connaitre et reconnaitre un lieu. Ce dernier est doté de particularités et de certaines caractéristiques qui lui permettent de se démarquer en tant qu’identité distincte et de s’inscrire dans le souvenir de l’individu. Dans un lieu crée par L’Homme, l’individu a tendance à designer les édifices les plus élevés comme principaux points de repères. Cela dit, des réalisations moins monumentales peuvent s’imposer par leur situation et leurs formes. Ainsi, nature et constructions constituent un ensemble unitaire qui laisse dans la mémoire une image symbolique et singulière.
Dans un lieu fait par l'homme, le principal point de repère sera généralement l'édifice le plus élevé, bien que des réalisations plus petites puissent s'imposer par leur situation ou par leurs formes. Parfois nature et constructions constituent une totalité unitaire qui laisse dans la mémoire une image unique.
« Il est intéressant de noter que cartes postales et brochures touristiques reprennent précisément ces motifs qui nourrissent la mémoire. Un lieu dénué ne servant de points de repère a une identité pauvre, et l'orientation comme l'identification y sont difficiles, voire impossibles. Ces points de repère ont donc une fonction de conclusion, même quand ils ne sont pas objets de voyage, preuve supplémentaire que l'usage du lieu ne peut être réduit à la somme de ses fonctions. »4
L’orientation
Le lieu doit être doté d’une structure spatiale compréhensible comprenant routes et structures cohérentes permettant à l’individu de s’orienter. Dans le cas contraire, cela mène à l’aliénation. En effet, L’Homme doit savoir d’où il vient et où il va et c’est grâce aux repères développés par Kevin Lynch dans ses œuvres qui identifient des concepts tels le « parcours », les « nœuds » et les « districts » qui sont la base des structures spatiales que l’individu arrive à s’orienter dans son milieu. La relation entre ces concepts ou ces éléments constitue une « image du milieu ». Selon Lynch, « une bonne image du milieu donne à son détenteur un sens de profonde sécurité émotive ». 5
Il existe donc des « systèmes d’orientations » développés dans toutes les cultures facilitant le processus d’une bonne image du milieu où le monde serait reparti en points focaux divisés en régions reliés par des itinéraires qui seront enregistrés dans la mémoire de chaque individu. Loin des repères et de cette image, l’Homme perd le sens de l’orientation, la signification du lieu qu’il pratique et éprouve un sentiment d’insécurité. Cet égarement va à l’encontre de la notion de « l’habiter » qui, selon le sens Heidegger, signifie être en paix dans un lieu protégé.
« L’angoisse de se perdre vient de la nécessite pour un organisme mobile de s’orienter dans son
milieu »6 . Dans ce contexte, Lynch développe le concept de « l’imaginabilité » définie comme l’ensemble des caractéristiques qualitatives d’un milieu qui protège l’individu de ne pas s’égarer.
L’identification
Dans la continuité des recherches élaborées par Heidegger, Norberg-Schulz rapproche le concept d’« habiter » dans le sens où « l’homme habite lorsqu’il réussit à s’orienter dans un milieu et à s’identifier à
lui ou, plus simplement, lorsqu’il expérimente la signification d’un milieu ».
7Habiter le lieu est donc synonyme d’orientation et d’identification.
« Cette forme, couleur ou ordonnance qui rend plus facile la construction d’images mentales du milieu, au point d’être bien identifiées, fortement structurées et donc assez utiles »8
Selon Norberg-Schulz, l’identification désigne le fait de se familiariser avec le milieu auquel l’individu appartient, autrement dit, s’identifier à un lieu signifie devenir « amis » avec un milieu donné. NorbergSchulz prend comme exemple les peuples nordiques qui sont « amis » de la neige, du brouillard et du vent froid qui le décrit comme une sorte de signification poétique du caractère du milieu habité comme les
4 Christian Norberg-Schulz,L’Art du lieu. Architecture et paysage, permanence et mutations,1997 : 47 5 Kevin Lynch, L’image de la cité, 1971 : 26 6 Christian Norberg-Schulz, Genius Loci : paysage, ambiance, architecture, 1979 : 20 7 Sabine Vassart, Pensée plurielle,2006 : 9 8 Christian Norberg-Schulz, Genius Loci : paysage, ambiance, architecture, 1979 : 20
arabes « amis » du Sahara, du soleil et sa chaleur. Néanmoins, chez le citadin moderne, l’amitié entre le citadin moderne et son milieu naturel semble être fragmentée. L’Homme a besoin de s’identifier à travers une matérialité, un bâti, des choses créées par lui-même, c’est à ce moment-là, qu’il noue une très forte relation concrète et émotive. Ainsi, mis à part l’orientation, ce dernier s’identifie à travers des objets concrets avec lesquels il arrive à s’identifier. L’identification est étroitement reliée au sentiment d’appartenance, s’identifier à un lieu insinue appartenir à un lieu.