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3- La mémoire collective

« La ville elle-même est la mémoire des peuples ; et comme la mémoire est liée à des faits et à des lieux, on peut dire que la ville est le locus de la mémoire collective ».9

N’ayant pas de consensus quant à la manière de la définir, la mémoire collective reste une expression polysémique qui a fait l’objet d’études de plusieurs disciplines essentiellement psychologiques, anthropologiques et philosophiques. Il semble important de distinguer et comprendre les différentes orientations et significations retenues par les pionniers de cette étude.

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Pour commencer, on évoque le sociologue Maurice Halbwachs, étant le premier à définir le terme de « mémoire collective ». Analysant la formation de la mémoire individuelle, cet auteur souligne d’abord le caractère éminemment social de l’être humain. Ensuite, il en déduit que la plupart de nos expériences se déroulent dans des « cadres sociaux » que nous partageons avec d’autres (appartenance sociale, pratiques sociales, langages, etc…). Mais ces cadres sociaux sont aussi des repères que nous utilisons lorsque nous nous souvenons d’un événement, et que la mémoire individuelle est nécessairement affectée par le phénomène d’interaction sociale. Ainsi, la mémoire collective peut être définie comme le produit de l’activité convergente des individus qui se souviennent du passé en tant que membres d’un groupe ou d’une communauté. La mémoire est liée à de nombreuses questions différentes qui peuvent être examinées dans une perspective interdisciplinaire.

Selon Maurice Halbwachs, la mémoire collective est essentielle et ne peut fonctionner en dehors du groupe qui affecte et caractérise la mémoire individuelle qui se réfère à la mémoire d’évènements expérimentés par l’individu. La mémoire collective joue aussi un rôle prédominant dans la construction de l’identité d’un groupe et sa valorisation. Halbwachs évoque le concept de « l’histoire » comme une « mémoire morte » qui ne représente pas d’enjeu identitaire sur les groupes sociaux contrairement à la mémoire collective qui la considère comme une mémoire vivante.

Quant à Denis Peschanski, historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et directeur de recherche au CNRS, définit la mémoire collective comme « l’ensemble des représentations sociales du passé dans une société donnée » 10 « Au filtre de cette mémoire ne sont retenus que les événements perçus comme structurants dans la construction de notre identité collective. ». 11Cela signifie que certaines expériences vécues par un grand nombre d’individus ne feront pas forcement partie de la mémoire collective d’un groupe, cependant d’autres évènements concernant une minorité qui peuvent être plus significatifs et seront stockés dans la mémoire d’un groupe. « La mémoire collective n’est pas la somme algébrique des mémoires individuelles », 12insiste l’historien. Denis Peschanski évoque aussi l’aspect plastique et mutant de la mémoire de nos sociétés d’aujourd’hui. Au fil de l’actualité, la mémoire de nos sociétés a tendance à effacer de notre « disque dur » certains évènements et symboles qui n’ont plus vraiment de signification laissant la place à d’autres.

9 Halbwachs, cité par Rossi, 1981 [1966]: 171 10 Pascal Moliner, Christian Guimelli, les representations sociales,2015 :13 11 https://www.ac-strasbourg.fr/fileadmin/pedagogie/lettres/La_memoire_collective_de_la_France.pdf 12 Idem

La mémoire collective est, selon Pierre Nora, « le souvenir ou l’ensemble de souvenirs, conscients ou non,

d’une expérience vécue et/ou mythifiée par une collectivité vivante de l’identité dans laquelle le sentiment du passé fait partie intégrante »13

Maurice Halbwachs

•la mémoire collective est essentielle et ne peut fonctionner en dehors du groupe qui affecte et caractérise la mémoire individuelle

Denis Peschanski

• l’ensemble des représentations sociales du passé dans une société donnée LA MÉMOIRE COLLECTIVE

Pierre Nora

• le souvenir ou l’ensemble de souvenirs, conscients ou non, d’une expérience vécue et/ou mythifiée par une collectivité

Figure 3: La mémoire collective. Source : personnelle

Pour conclure, la mémoire collective ou sociale se rattache à une approche collectiviste, définie en tant que représentations collectives d’images mentales, de pensées, de souvenirs, de symboles et repères, d’évènements et d’expériences vécues et ressenties au sein d’un groupe social permettant l’élaboration et la structuration identitaire d’une société.

« La mémoire collective est constituée de symboles, de récits, de narrations, et d’images qui participent

à la construction identitaire d’une communauté. »14

La mémoire collective constitue un socle commun pour un groupe social, un patrimoine partagé et transmis d’une génération a une autre.

« Les lieux de mémoire, ce sont d’abord des restes. La forme extrême où subsiste une conscience commémorative dans une histoire qui l’appelle, parce qu’elle l’ignore. (…) Musées, archives, cimetières et collections, fêtes, anniversaires, traités, procès-verbaux, monuments, sanctuaires, associations, ce

sont les buttes témoins d’un autre âge, des illusions d’éternité. (…)»15

13 Pierre Nora, « La mémoire collective », in La nouvelle histoire sous la direction de Jacques Le Goff, Retz-CEPL, Paris, 1978, p. 398

14 https://presse.inserm.fr/la-memoire-collective-faconne-la-construction-des-souvenirs-personnels/37623/ 15 Pierre Nora « Entre mémoire et histoire, la problématique des lieux », anthologie Flammarion, pp.114-116

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