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PAIX LIBERTÉ NATIONALITÉ magazine d’art et de culture I www.monokromemag.com
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MONOKROME NUMÉRO 01 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION | Idris FELFOUL RÉDACTRICE EN CHEF
| -Yara-Rim MENIA
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
| Hikma OUTTAS
ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO | Noussaiba MERAH Nour TAIEB EZZRAIMI | Fariza CHEMAKH | Smail LIF Manel DRARENI | Zhor BENSEDDIK | Amir GUERMI
© Photo de couverture | BADIS ZAMOUN
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MONOKROME Magazine 2019
ÉDITO Idéaliser la paix et clamer la liberté, c’est quelque part, entre ces deux griffures, que l’art intervient. Ce sont les aspirations artistiques du peuple Algérien. Nationalité. Est-ce un devoir ? Est-ce un droit ? Ou est-ce tout simplement la carte verte que nous portons ? EDITO – 01, notre « perturbation pacifique ».
TAHYA EL JAZAIR.
-Yara-Rim MENIA Rédactrice en chef
SOMMAIRE ISSUE 01 - AVRIL / MAI / JUIN 2019
ARCHITECTURE 10 LA CASBAH D’ALGER : HWANET SIDI ABDELLAH 12 ARCHITECTURE MADE BY NATURE IN ALGERIA
LITTÉRATURE ET POÉSIE 16 PARTURITION DE LA LITTÉRATURE ALGÉRIENNE DE LA DÉCENNIE NOIRE 18 SPLEEN : COUP DE CŒUR BORIS VIAN 20 PRINTEMPS LITTÉRAIRE 21 LA LITTÉRATURE NATIONALISTE : MOTIVATION OU NÉCESSITÉ
ARTS PLASTIQUES 24 28 30 32
ARDEUR ET ENGAGEMENT : EL PANCHOW DU VÉCU AU FIGURATIF : SARAH EL HAMED L’ART PLASTIQUE EN ALGÉRIE : PLUS QU’UN ART. . . UNE CULTURE ! UNE PASSION POUR UNE VIE : AHMED MECHEDDAL
ARTS DE LA SCÈNE ET MUSIQUE 38 LE BLUES TOUAREG ... LE SAHARA RACONTE ! 40 THÉÂTRE ALGÉRIEN : CULTURE ET IDENTITÉ
HYBRIDE 46 OSEZ VIVRE VOTRE MEILLEURE VERSION 48 L’ART ! UNE THÉRAPIE ENTRE L’INDIVIDU ET LA MASSE 50 SONIA MERABET Ou l’intrication esthético-réflexive
ARTS NUMÉRIQUES 54 LE DIGITAL AU DELÀ DES FRONTIÉRES : LIIS PERMAN 56 REMÈDE À LA MÉLANCOLIE : D’ZART 58 ARTS : CONTESTATION ET RÉSILIENCE 60 PHOTOGRAPHE DE PAIX POÉTHIQUE : RANOUGRAPHY
ARTS MÉDIATHÈQUES ET CINÉMA 64 UNE SI JEUNE PAIX – LE FILM 65 NOUVEAUTÉ ZAPPING ! 66 LE MÉTIER D’ASSISTANT RÉALISATEUR
ARTISANAT DE L’ART 70 DÉSORMAIS, L’ART NAIT D’UNE CANNETTE 72 RENAISSANCE DU DÉJÀ-VU : BERBERISM
VOYAGE ET DÉCOUVERTE 76 ALGÉRIANITÉ RADIOSCOPIE D’UN SENTIMENT NATIONAL ASSEZ PARTICULIER 78 LE TOURISTE 80 2.382 MILLIONS KM² DE LIBERTÉ DE CHOIX
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ARCHITECTURE ARCHITECTURE 8 I www.monokromemag.com
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LA CASBAH D’ALGER : HWANET SIDI ABDELLAH Imene AZAZGA
Notre pays est un paradis d’une multitude d’éléments architecturaux ; du nord au Sud et de l’est à l’ouest. L’architecture de ses immeubles anciens et modernes a des histoires à raconter. En effet, la Casbah d’Alger est une illustration parfaite où l’aspect technique s’est entrelacé avec l’esprit de l’abstraction. En d’autres termes, les formes géométriques de l’architecture de la Casbah soulèvent des émotions de nostalgie et de liberté pour le spectateur. Le terme Casbah signifie : Citadelle; plus tard, il décrivait l’ancienne ville d’Alger qui a été construite pendant la présence Ottomane en Algérie. Elle est classée patrimoine international par l’UNESCO en 1992. Elle se situe sur une colline d’une superficie de plus de 105 hectares avec une vue ouverte sur la côte méditerranéenne. Ses fondations ont été fixées pendant la domination du corsaire Ottoman Khayr ad-Din BARBEROUSSE (1466-1546) pendant la première moitié du XVIe siècle.
©startimes
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La Casbah dispose d’un nombre important de mosquées et de mausolées dont plusieurs avaient été détruites pendant l’occupation française. En outre, elle est devenue un patrimoine national protégé en Algérie. En fait, contempler dans ses monuments architecturaux et ses immeubles est une source d’inspiration. Les rues et les résidences étroites de la Casbah attirent également les yeux et les cœurs. À cet égard, Hwanet Sidi Abdellah dans la Casbah d’Alger reflète les échos de la fusion du technique, de l’esthétique et l’esprit de la nostalgie et de la liberté dans l’architecture. Ce quartier qui se situe dans la haute Casbah est un lieu de rencontre entre le calme et l’écho de la vie sociale et entre le passé et le présent. Tous les visiteurs d’Alger se sentent attirés par la Casbah ; cette dernière impose sa chaleur à travers son architecture qui évoque et les souvenirs et la nostalgie. En effet, en marchant dans ses rues, le spectateur perd le sens du temps et remonte aux ères anciennes de nos grands-pères. En fait, les vieilles échelles et les passages étroits du quartier de Sidi Abdellah dessinent un mouvement dynamique de perméabilité ; ils ouvrent au visiteur un accès afin de poursuivre son déplacement en toute liberté entre des différents passages. L’accessibilité que l’architecture de la Casbah offre aux visiteurs illumine des sentiments de liberté car elle facilite leurs circulations et mouvements pour qu’ils se sentent ouverts à prolonger leur expéditions dans la Casbah. En fait, le quartier de Hwanet Sidi Abdellah reflète l’abondance au sein de la Casbah à travers la diversité des activités exercées par ses habitants. En outre, il englobe une multitude de fonctions que les immeubles étroits offraient dans le passé ; Il y avait de petits commerces, des services artisanaux, des maisons avec des terrasses carrées et des symboles religieux comme la mosquée de Sidi M’hamed Chereif. Bien que la plupart d’entre eux ne sont pas accessibles de nos jours ; cependant, le visiteur remarque que les immeubles du Hwanet Sidi Abdellah sont enveloppés dans un modèle architectural qui crée un mouvement d’alternance devant le spectateur. Cela enflamme en lui le désir de marcher librement et souplement entre les passages étroits et longs à la fois du Hwanet. Le reflet de la lumière naturelle sur les parois extérieures des immeubles influe également sur les sens des visiteurs. Malgré ses perspectives étroites, Hwanet Sidi Abdellah englobe une diversité d’activités humaine et aspects architecturaux. Cela peut être perçu par le spectateur comme une sensation de liberté dans sa nature abstraite qui est matérialisée par l’architecture.
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ARCHITECTURE MADE BY NATURE IN ALGERIA Manel DRARENI
L’architecture créée par la nature en Algérie. Architecture que la nature crée. Une production d’espaces.
Roche, Roche érodée par les eaux, Puis par les vents.
Espace, espaces.
Toute une vie, pour se construire. Et nous inspirer le possible. Le possible est beau. Il nous fait libre.
Ephémères pour les nomades. Éternelles pour l’histoire. Une leçon de structure. Stabilité, instabilité. Instabilité Stable ou simple perception démesurée. Land art naturel. Paysage. Paysage construit Construisant, Construisons, Construire. Construire ensembles, pourquoi pas. Construire des bribes de libertés Construire pour des bribes de libertés. Comme à Tikoubaouine. Ce lieu qui signifie mille épées en Touareg. Car légende dit, Construit par les épées des guerriers. Épée dans le sable. Épées dans le sable. Devenues roches.
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Comme à Tikoubaouine, ou ailleurs aussi. L’architecture se crée par elle-même. Une aspiration faite à travers la pensée, le geste. Le geste, Le geste d’une idée. Une idée dans l’espace, dans l’immatériel. L’idée qui vit dans la conscience qui régule la nature. L’idée de l’espace libre, La liberté vécue dans l’espace. Saupoudrée par le sable passant. La liberté vivra dans le lieu, dans l’espace et dans la mémoire.
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LITTÉRATURE ET POÉSIE ARCHITECTURE 14 I www.monokromemag.com
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PARTURITION DE LA LITTÉRATURE ALGÉRIENNE DE LA DÉCENNIE NOIRE WACINY LAREDJ Manel BEN KHALIFA
L’identité de chacun réside dans la capacité de surfer son passé et son présent et appréhender son avenir. La littérature quant à elle, a toujours été une lampe qui éclaire l’esprit des gens pour leur permettre de mieux connaître leur histoire et à établir un lien entre ce qu’ils vivent et ce qu’ont vécu leurs aïeux. La mémoire collective algérienne a été marquée, essentiellement, par la guerre de libération nationale ainsi que la décennie noire. Cette dernière a connu une stagnation médiatique et littéraire assez sévère, et mis à part les quelques témoignages des personnes qui l’ont vécu, on en parle jamais. Par contre, au cours de mes recherches, un livre a attiré mon attention. Il s’agit de « Le royaume des papillons » du grand romancier algérien Waciny Laredj où il parlait des facettes et des effets de la décennie noire sur les citoyens tous confondus, et plus particulièrement, des esprits audacieux du domaine de la médecine, et plus important encore que l’impact soit resté jusqu’à nos jours. « le Royaume du papillon » est un roman publié par la maison « Dar al Adab » et qui a décroché le « Prix Katara » du roman Arabe dans la catégorie du « meilleur roman publié et adaptable ». « Le royaume du papillon un royaume de fragilité et de puissance silencieuse », d’où nous concluons que le silence dont parle Waciny Laredj est le silence du monde vis-à-vis de la crise algérienne de la décennie noire, une crise qui a laissé le peuple démuni et seul face à ses
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problèmes et ses guerres visibles et invisibles dans une dictature écrasante et sans la médiatisation de l’opinion publique internationale. « La guerre ce n’est pas seulement ce qui brûle notre présent, mais c’est aussi ce qui continue d’exister en nous comme des cendres après la fin des feux de la mort », le roman donc traite ce qu’a enduré l’Algérie durant cette guerre civile connue sous le nom de « décennie noire » qui a éclaté en janvier 1992 et a coûté la vie à des centaines de milliers de personnes, laissant derrière elle, une cicatrice impérissable dans l’âme des algériens. Des événements qui ont gravé leur atrocité dans la mémoire populaire. « Triangle de la mort », des massacres qui ont ravagé des villages entiers, assassinant tout le monde, ne faisant la différence ni entre bébé et personne âgée, ni entre femme et homme, cite le Middle East Online. L’écrivain algérien s’est impliqué dans l’interaction avec les violences qui ont saccagé le pays dans les années 1990, où la scène littéraire algérienne a connu de vifs débats dans ce qu’a nommé Tahar Ouettar « la littérature de l’urgence », qualifiant ses auteurs d’arbitraires dans le traitement de l’information. Waciny Laredj l’a, quant à lui, définit comme étant une interaction naturelle dans un état en mouvance continue où le héros incontestable était la mort anormale. Bien que le roman mime la réalité algérienne
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durant cette guerre civile, il ne se concentre pas que sur les événements mais plutôt sur leur impact sur le psychique des algériens, et donc son « intrigue » ne paraît pas axée sur les incidents de la guerre civile : comment a-t-elle commencé ? Ou comment certains faits ont eu lieu ? mais c’est plutôt comment a été l’état psychologique et morale des personnages pendant cette période : comment ont-ils grandi ? comment ontils été brisé ? Comment ont-ils lutté et fait face ? et ainsi de suite... D’ailleurs, les prénoms dupliqués créés par « Yama » ne font que mettre en évidence les niveaux – apparent et secondaire – des personnages. Le narrateur a été habile dans sa plongée dans les profondeurs des âmes, à écouter les secrets et à ouvrir les portes des maisons pour découvrir des détails, des intimités. Mais en plus de la critique sociale, il a critiqué de nombreux comportements et lois autoritaires à l’exemple de la loi sur l’octroi des autorisations aux pharmacies et aux laboratoires et ce que ça engendre en terme de favoritisme et de corruption financière et administrative, s’ajoutant à ceci, l’influence de la mafia et des milices sur les institutions gouvernementales, et aussi la critique des comportements sectaires, de l’intolérance religieuse et doctrinale et la justification des massacres par le slogan de la « réforme ». En termes des changements survenus après la décennie noire, Waciny Laredj a mentionné, dans une interview accordée à « Aswat Magharbia » que cette dernière a semé la peur en lui et c’est ainsi qu’il est devenue le héros de ses romans, « Ça a beaucoup influencé ma vie et changé ma manière de penser, alors qu’avant la décennie noire, je ne pensais jamais à la « peur », maintenant, la peur est devenue une partie de ma vie et de mes écrits », dit-il. Il mentionne également que « la quantités massives de la puanteur du sang et des meurtres qu’on retrouvait partout, m’a poussé à écrire une hexalogie sur le sujet. Mais en même temps, on ne doit pas devenir obsédé d’un seul sujet, car plus on écrit que sur le terrorisme, avec le temps, on se trouve incapable de s’en sortir. Dans le roman, l’écrivain doit faire attention de ne pas tuer son texte ou le réduire dans un cercle politique et réducteur, son devoir est de faire appel à la vie, et c’est peut-être ce qui me motive à choisir des artistes et des écrivains comme personnages dans mes romans, car ils ne meurent pas et donnent l’envie de rêver ».
©auteur inconnu La complexité suivie d’une tentative de compréhension du sujet de la décennie noire dans la littérature algérienne, diffère d’un écrivain à un autre, ainsi que les techniques et les méthodes littéraires d’analyse. Waciny Laredj a exposé le thème de la décennie noire en représentant sa peur dans les caractères de ses personnages depuis sa propre perspective, tandis que d’autres auteurs ont tiré leurs déclarations des échos entendus sur ce fait, ce qui a créé un étendu d’interprétations et de représentations de ce qu’a réellement été cette période. Chaque lecteur doit donc choisir l’écrivain qui a de la profondeur dans ses écrits et pas seulement de la formalité dans l’intrigue de ces derniers, comme l’a bien fait Wacyni Laredj dans son récit du silence et de la fragilité : « le royaume des papillons ».
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SPLEEN : COUP DE CŒUR BORIS VIAN Amir GUERMI Écrivain, poète, critique et musicien de jazz français. 109 Livres, 947 Critiques. « J’irai cracher sur vos tombes », qui a fait scandale et a été interdit pendant un temps. Anarchique et antisystème, Boris VIAN luttait à travers ses écrits pour la liberté.
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L’évadé Il a dévalé la colline Ses pieds faisaient rouler des pierres Là-haut, entre les quatre murs La sirène chantait sans joie Il respirait l’odeur des arbres De tout son corps comme une forge La lumière l’accompagnait Et lui faisait danser son ombre Pourvu qu’ils me laissent le temps Il sautait à travers les herbes Il a cueilli deux feuilles jaunes Gorgées de sève et de soleil Les canons d’acier bleu crachaient De courtes flammes de feu sec Pourvu qu’ils me laissent le temps Il est arrivé près de l’eau Il y a plongé son visage Il riait de joie, il a bu Pourvu qu’ils me laissent le temps Il s’est relevé pour sauter Pourvu qu’ils me laissent le temps Une abeille de cuivre chaud L’a foudroyé sur l’autre rive Le sang et l’eau se sont mêlés Il avait eu le temps de voir Le temps de boire à ce ruisseau Le temps de porter à sa bouche Deux feuilles gorgées de soleil Le temps de rire aux assassins Le temps d’atteindre l’autre rive Le temps de courir vers la femme Il avait eu le temps de vivre.
Boris Vian
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PRINTEMPS LITTÉRAIRE Amir GUERMI
Selon certains critiques, la littérature est un état de grâce factuel qui ne dépend aucunement des lois du récit historique, mais plutôt de l’extension de l’espoir et du rêve permis, le récit du monde tel qu’il aurait dû être fait, ou de la dénonciation de sa dérive, ou ce que les hommes en ont fait du domaine, l’inspiration et l’impulsion qui donne naissance au pur génie et à la prouesse intellectuelle, les guerres et les révolutions ont toujours été un moteur prolifique à la production littéraire. Au début de ce siècle, le monde moderne a connu certains frissons quand des peuples entiers se sont insurgés contre leurs autorités donnant une multitude de révolutions, touchant ainsi une partie du monde en particulier qu’on a appelée : « le printemps arabe ». Cette période a eu son lot de changement et de nouvel élan. En littérature, et hors du fait d’avoir prédit dans certaines œuvres le mouvement naissant, de nombreux auteurs ont tiré leurs inspirations du mouvement populaire, ce qui leur a valu le nom d’ « écrivains de la révolution » où eux même sont au cœur du mouvement, le peignant et le dépeignant, car la littérature ne suit pas, elle guide !
Textes prémonitoires Un texte en particulier peut être considéré comme fédérateur du mouvement paru en 2002 intitulé « L’Immeuble Yacoubian » de l’écrivain « Alaa al-Aswany » où est dénoncé un monde ou plutôt un système politico-financier corrompu, la montée de l’intégrisme et des inégalités sociales, mais ce microcosme raconte aussi la nostalgie éprouvée des anciens temps où paix et tolérance régnaient.
Textes phares et dénonciateurs Leur objectif a été de surtout témoigner de ce qui se passait durant les révolutions, le récit de ce que voient ou entendent les écrivains. « Tahar Ben Jelloun » s’est illustré avec son œuvre « Par le feu » parue en 2011, où il fait une reconstitution de ce qu’a été le sacrifice de Mohamed Bouazizi. Aussi, nous trouvons l’intellectuel tunisien Abdelwahhab Meddab qui se pose une question très pertinente de « Comment un peuple décide de se soulever contre la dictature ? » à travers son livre « Tunis : la métamorphose de l’histoire ». Deux écrivains algériens ont émergé dans le bain révolutionnaire, il s’agit de « Djamel eddine Merdaci » dans son œuvre « l’impasse du maltais », où il raconte l’inversion des valeurs et l’absence de la culture du mérite. Et « le souffle du printemps » de « Kamel Guerroua », entre proses et poèmes, l’auteur propose une réflexion sur le dit « printemps arabe » depuis une perspective de citoyen algérien. Ces deux livres sont parus en 2012.
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LA LITTÉRATURE NATIONALISTE : MOTIVATION OU NÉCESSITÉ Amir GUERMI
Le nationalisme est considéré comme étant une doctrine politique dont la force ne dépend pas essentiellement de son influence idéologique, mais aussi de la ferveur populaire qui peut naître d’un amour pour sa patrie. Le nationalisme est né du désir de créer sa nation comme état de droit commun et la préservation de ce dernier. Le paradoxe qui existe entre les convictions littéraires et politiques ont, dans une sorte de force attractive, été lié par l’impulsion, l’envie et surtout l’amour de la création. C’est du nationalisme que l’auteur tire sa verve et sa force productive ! En effet, le nationalisme littéraire passe par la création artistique, outre l’écriture, chaque artiste, à travers son art, exprime sa liberté ou, pour certains, son microcosme ou sa patrie où il loge. Cette création est différente d’un peuple à un autre car chaque population a ses convictions et traditions comme outil de lutte d’abord, et ensuite comme moyen d’expression. Cette création représente également le combat des idées.
© Faiz sofiane belkacemi
« L’art instrumentalisé » comme arme contre la répression du pouvoir en place, pour le combat des idées mais aussi la dénonciation. La nation, comme identité qui va contre les préceptes du socialisme anarchique et les états pacifiques et mondialistes, occulte l’esprit créatif et les besoins irrationnels constructifs de l’art. Au Maghreb par exemple, le nationalisme passe forcément par l’impulsion occidentale et l’impact du colonialisme sur la tradition littéraire locale pratiquement inexistante, ceci traduit une certaine aporie flagrante. La littérature nationaliste est un mélange d’engagement politique, de culture urbaine et de pensée collective. C’est donc l’écrivain promoteur de la société profonde contre le système. Les nationalistes proposent naturellement la présence d’une base lexicale qui se réfère à la nation mais pour définir une littérature dite nationaliste, d’autres critères plus complexes rentrent en jeu. Le nationalisme en littérature donc ne se limite pas à l’amour et la mention de la nation dans un texte.
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ARTS PLASTIQUES ARCHITECTURE 22 I www.monokromemag.com
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ARDEUR ET ENGAGEMENT EL PANCHOW Amel BENMOHAMED
Une jeunesse en quête d’identité commence à s’impliquer dans la nouvelle scène artistique algérienne, issue des beaux-arts et résolument dans l’air du temps. Militant pour la liberté d’expression et la reprise de possession de l’espace public. Nos jeunes osent et créent de nouvelles perspectives et choisissent l’art urbain, un procédé authentique d’expression créative, dans le but de réhabiliter les édifices et de se réapproprier l’espace public tout en véhiculant un message engagé. Le « Street Art » est un mouvement artistique contemporain né aux États-Unis dans les années 70. Il s’est étendu par la suite en Europe au début des années 80. Il réunit toutes les formes d’art effectuées dans la rue, ou dans des endroits publics, et contient diverses techniques telles que le graffiti, le pochoir, la mosaïque, les stickers ou les installations. C’est essentiellement un art éphémère vu par un très grand public. Parmi les artistes algériens qui prônent le « Street Art », on peut citer Chafik Hamdi alias « EL PANCHOW », diplômé de l’école supérieure des beaux-arts d’Alger. Sculpteur, peintre, graphiste, El panchow est un artiste pluridisciplinaire originaire de Blida-Algérie, vit et travaille à Montréal-Canada. Membre fondateur actif du collectif d’artistes LIKIP et du projet SOFA-KING, une manufacture artistique indépendante dans le but d’organiser des évènements culturels. Il compte à son actif plusieurs expositions et résidences, dont sa participation à l’open art world à l’ile de la jeunesse à Cuba en 2017, celle en tant qu’artiste muraliste à l’évènement « EL MEDREB » ; évènement visant à revisiter les vieilles bâtisses abandonnées ; à Alger en 2016 , aussi qu’au « DJART’14 » ; la première biennale culturelle pluridisciplinaire dans différentes villes du bassin méditerranéen où a eu l’aménagement d’espaces publics en utilisant des matériaux de récupération et la réalisation de fresques pour embellir les murs de la placette Ben Boulaid à Alger. Participation à l’évènement artistique annuel « ARTIFARITTI », pour soutenir la cause
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des réfugiés sahraoui de Tindouf, Algérie en 2012. Il a également participé à plusieurs expositions collectives telle que l’exposition collective indépendante de la scène artistique actuelle en Algérie « Picturie générale III », une exposition à la galerie Seen art gallery à Alger en 2016, ainsi qu’une Exposition à la galerie métèque au canada 2017. L’artiste nous offre la découverte d’un style unique s’inspirant de la vie de tous les jours, carnet et
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©El panchow
crayon à la main, il observe et note les scènes et les évènements en réalisant des œuvres clairement influencées par son vécu. Il prend en considération le contexte : historique, spatial et temporel du lieu qui va accueillir l’œuvre, histoire de faciliter la lecture et l’interprétation. Dans un style innovant qui surpasse les lois inspirées par le graffiti, ses œuvres côtoient une autonomie qu’il prêche avant tout, son mot d’ordre qui ne lui exige aucune limite. Ses compositions sont structurées, harmonieuses et réparties d’une manière équilibrée et spontanée, une palette riche des tonalités et des contrastes. Il met en avant les vibrations de la lumière, les reflets ou encore ses effets sur la couleur et les formes. A travers son œuvre du petit bébé sur le bateau en papier, il lance un cri de jeunesse pour un avenir meilleur,
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le chômage et la crise économique incitent les jeunes à chercher à quitter le pays par tous les moyens. En revanche leur amour pour l’Algérie dépasse les mots. Triste et incompréhensible, l’artiste lui-même ressent cette envie de partir vers une existence meilleure. Illustrant ce phénomène en dramatisant un peu et en joignant des objets symboliques tels que la khamsa et la boussole, qui représentent la malédiction et l’orientation des objectifs que nos jeunes se fixent. En collaboration avec Sneak, El panchow illustre un petit enfant qui s’habille avec des vêtements
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plus grands que lui et qui exhibe son pistolet en papier. Un objet symbolique qui a marqué l’enfance de toute sa génération, pour dénoncer le phénomène de la violence issue des quartiers populaires, des actes commis par des jeunes adolescents influencés par le monde des adultes et les médias. Un dessin caricatural qui prêche l’humour et la souffrance. Ses dernières créations sont basées sur le concept des profils typiques et stéréotypés de son quo-
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tidien, une immersion dans un monde particulièrement riche en humour. Ce dernier permet souvent d’aborder des thèmes sensibles dans la détente. En élaborant une série de portraits caricaturistes de certains types de profils qui nourrissent notre société. Une reproduction dans leurs mondes respectifs, mettant l’accent sur des outils symboliques représentant leur façon d’être et d’exister. Le besoin d’appartenir à une classe sociale est devenue une nécessité pour vivre dans cette immense jungle urbaine, une échappatoire à la monotonie qu’ils subissent. Ces profils sont le début d’une grande collection qu’il va nourrir à travers son vécu.
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©Aurore Vinot
Du vécu au figuratif SARAH EL HAMED Hikma OUTTAS L’art plastique est l’art de la célébration de la vie, le fruit de la créativité des gens libres, apportant un avant-goût de paix. Étant libre, l’artiste est tenu d’assumer la responsabilité de ses actes, mais étant libre de créer, l’artiste peut se permettre d’oser et de repousser ses limites pour s’aventurer sur des terres inconnues. « Sarah El Hamed » est née en région parisienne de parents algériens. Elle est diplômée en Master Entreprise & Management for the Creative Arts de l’Université des Arts de Londres, LCC, Londres, Angleterre. Manager culturel depuis quinze ans entre Alger, Paris et Londres, Sarah est l’une des actrices principales de La Movida qui commence à voir le jour actuellement, faisant d’elle une artiste performeuse engagée. 28 I www.monokromemag.com
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©Mustapha Sedjal Son travail consiste à concrétiser l’irréel et l’imaginaire, elle y crée ainsi une communion dans une « réalité suspendue » : des scénarios s’apparentent à de petits contes et donnent vie à des personnages qu’elle orchestre au milieu d’un public participatif troublant ainsi les frontières du réel. S’inspirant des événements troublants et historiques du 8 Mai 1945, où les femmes algériennes concevaient les drapeaux dans l’ombre, Sarah réincarna ce moment de gloire, Le 8 Mai 2015, en cousant le drapeau de l’Algérie libre sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris, appelant cette intervention urbaine : « Au Grand Jour ». Ce jour-là, le public était venu et pour le défilé militaire qui commémore l’armistice et pour le discours du président qui glorifie l’indépendance du pays. Sauf que ni l’un ni l’autre ne parle du grand nombre de soldats algériens ayant laissés leurs vies durant ces batailles, ni même illustre les martyrs qui se sont donnés la mort pour une liberté devenue presque onirique. Filmée, Sarah intervint d’une subtilité gracieuse. Arrivant avant la foule, elle exposa avec fierté sa rébellion, sur cet espace public, où elle interagit avec les passants pour créer une forme de communion, une occasion pour lancer des discussions sur la reconnaissance des crimes d’état ainsi que la place de la diaspora algérienne et des femmes dans la révolution. Aussitôt, les personnes présentes se rassemblent autour d’elle, honorant à leur échelle, les dettes ancestrales de toutes ces âmes perdues. Ce que fit Sarah accentua la dimension spirituelle des conditions que vivait le pays en ce 8 Mai 1945. Considérant la liberté comme un attribut nécessaire à la création, elle exprima, au nom du peuple Algérien, une sorte de résilience en prenant en acte le massacre sanglant de jadis et traduisit sa peine en un acte de révolte qui demeurera gravé dans l’histoire. En ce jour de fête pour La France, L’Algérie est en deuil. Malgré sa double nationalité Franco-Algérienne, Sarah su rester objective et conserva son esprit critique concernant les faits historiques. Avec sa performance, elle contribua au devoir de mémoire, rendit hommage et fit revivre l’âme de chaque femme couturière en chaque passage d’aiguille, recolla les morceaux des pots cassés en chaque collage de symboles sur le blanc du paisible et le vert du vivant. Elle immortalisa une partie de l’histoire, témoin du rapport cyclique dans lequel les douleurs humaines se retrouvent enfermées en montrant l’importance que peut avoir un symbole pour toute une nation. Site-web de l’artiste : http://www.sarah-elhamed.com www.monokromemag.com I 29
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L’ART PLASTIQUE EN ALGÉRIE : PLUS QU’UN ART . . . UNE CULTURE ! Kenza BITAM
« L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible »
Paul Klee
L’art est intemporel, il n’a pas d’âge et ne meurt jamais. En effet, l’art existe depuis la nuit des temps. De la Grèce antique en passant par l’Egypte ancienne jusqu’à l’époque moderne l’art, il a toujours su marquer sa présence et a de tout temps été un moyen d’expression, de rébellion ou simplement de sublimation. L’art plastique fait partie de la famille des Arts, se distinguant ainsi des autres membres de sa famille par l’éveil et l’usage de tous les sens du corps humain. En Algérie, l’Art plastique prend une place considérable dans son milieu. Ce n’est sans nul doute que vous avez tous déjà entendu parler de leurs figures emblématiques : M’Hamed Isiakhem, Azouaou Mammeri, Mohammed Racim, Baya de son vrai nom « Fatma Haddad », Mohamed Demagh ainsi que Hacène Benaboura qui remporta en 1957 le Grand Prix artistique de l’Algérie. Et ce n’est pour citer que ceux-là. Cependant, ce n’est qu’en 1962 que l’art plastique connaît une réelle éclosion aux seins de notre société. Les artistes se devant et d’exprimer l’Algérie libre et de dénoncer les atrocités du colonisateur. Toutes les barbaries subites par le peuple algérien n’avait d’autre outil que l’art pour extérioriser leurs ressentis. De plus, la fondation de l’Union des arts plastiques en 1964 redonne un bond considérable à l’art plastique en Algérie. En outre, l’enseignement de la miniature, de l’enluminure et de la calligraphie dans l’enseignement artistique fondamental y est réintégré. De nos jours, l’art plastique a su se frayer un chemin vers le monde moderne, d’une part il s’est vu diversifié et propagé dans les quatre coins du pays et d’autre part il a pu se moderniser et acquérir de nouvelles techniques et pratiques. Il a su toutefois garder ses influences berbères arabes et islamiques ce qui fait de ce dernier un art riche en diversité. La nouvelle génération d’artiste elle aussi s’impose avec grâce dans le patrimoine artistique algérien. Cette jeune génération ouverte au monde moderne use de tout son talent et de beaucoup d’ingéniosité pour affirmer son art. On distingue parmi elle grand nombre d’artistes bourrés de talent et qui ont su se faire découvrir grâce aux nouveaux médias tels que Facebook et Instagram. « Delou » jeune bédéiste Algérienne relate le quotidien d’une jeune étudiante. À travers ses dessins réaliste et drôle à la fois, elle nous transmet son amour pour la bande dessinée d’une façon ludique et attrayante pour toutes les générations confondues. « Said Sabaou », « Nawel Louerrad », « Samir Toudji » alias « Togui » sont eux aussi de jeunes bédéistes algériens qui tout comme « Delou » ont souvent des messages de paix et d’amour mais aussi de peine et de ras-le-bol à transmettre à travers leurs BD. Auprès de la BD en tant qu’art plastique contemporain, on distingue la performance artistique qui gagne de plus en plus de terrain sur le champ artistique Algérien. Par
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performance artistique, on entend bien sur un Art souvent éphémère qui se fait en solo, en duo ou en groupe sur scène ou dans la rue exprimant et dénonçant, d’une façon artistique, des phénomènes de société. Parmi ces dernières, celle de « Souad Douibi » qui en 2016 était sortie dans les rues d’Alger écrire le mot « Imra’a » un peu partout pour ainsi dire que la place de la femme algérienne est omniprésente.
© Mahmoud agraine En plus de la performance artistique, l’art urbain ou « Street Art » émerge aussi à son tour et sort graduellement de l’ombre. C’est dans plusieurs régions telles que Tizi Ouzou ou encore Alger, qu’on dénombre pas mal d’œuvres pour la plupart dénonçant des faits d’une manière incongru et pour d’autre d’une manière un peu plus subtile. « El Panchow », jeune artiste de rue. Dont les œuvres frappantes et engagées font fureur, touchant et les esprits et les cœurs. L’une de ses œuvres la plus connue reste sans nul doute celle d’un bébé enchaîné à un bateau jeté à la mer. Les interprétations autour de cette œuvre sont multiples et les avis divergent, mais une chose est certaine, l’artiste a voulu dénoncer un phénomène qui se répand de plus en plus dans notre société, c’est « el harrga » ou l’immigration clandestine. Pour conclure, l’art plastique en Algérie ou l’art en générale a fortement évolué au fil des années. Il a certes connu des hauts et des bas mais a su sortir la tête de l’eau et ce grâce à la volonté et l’ambition des jeunes talents. À présent, l’art algérien n’a absolument rien à envier à ses homologues étrangers, car il s’est hissé vers la scène artistique internationale par sa richesse, son originalité, sa beauté et son coté distinct.
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UNE PASSION POUR UNE VIE AHMED MECHEDDAL Nadjia ALAHOUM
1. Qui est Ahmed Mecheddal ? Ahmed est un jeune artiste algérien né le 2 avril 1994 à Beni Ourtilane wilaya de Sétif. En ce moment, je suis étudiant à l’école supérieure des beaux-arts d’Alger, option « peinture ». Je touche en outre à l’illustration, le digital painting, la céramique, et le cuivre repoussé. 2. Si je vous dis « votre histoire, votre style », vous avancerez quoi ? Tout a commencé vers mes 4 ans, je me réjouissais de dessiner toutes les formes géométriques et différents éléments séparément, ensuite, j’essayais de les rassembler dans un même tableau. Ma chambre était mon échappatoire vers le monde du dessin. Mais je n’ai envisagé l’art comme étude qu’à mes 19 ans. Notamment le fait d’avoir mon oncle Mustapha Adjaout, un artiste qui utilise les miniatures et la céramique, comme idole et de qui j’ai beaucoup appris. Mon style résulte de chaque instant consciemment ou inconsciemment considéré de mes expériences dans ce domaine . A travers ces dernières j’ai pu finir par retrouver mon propre style et définir ma propre touche artistique.
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3. Dans vos dernières créations, on remarque une touche qui semble nouvelle. D’où viennent vos inspirations ? Je m’inspire de toutes énergies externes ou internes, directes ou indirectes, abstraites ou concrètes. Je vois le monde tel une œuvre d’art. Je me laisse aller tout en le contemplant. Je m’inspire particulièrement de l’art ethnique de côté technique et celui conceptuel. Aussi de l’équilibre des formes et les couleurs dans la nature.Mes œuvres ont une brume de la vie urbaine et sociale. 4. Que vous dit le terme « réalité » ? Reflétez-vous ceci dans vos créations ? Si oui, comment ? Pour moi toutes choses qu’on se permet ou dirai-je qu’on puisse imaginer est réelle. Oui, dans chaque élément de mes œuvres on voit de la réalité habillée d’une imagination. 5. Quelle est votre vision sur l’art et la création en Algérie ? Il y’a de l’espoir chez les artistes Algériens, ils ont un grand potentiel et je souhaite que chacun d’eux aura la chance d’exposer son art.
6. Que vous inspirent les termes : Motifs, plaisir, Algérie, liberté, Diversité ? Motifs: Communication et équilibre. Plaisir: Faire les choses par amour. Algérie: Nature paradisiaque psychédélique. Liberté: Créativité. Diversité: Développement. 7. Quelle œuvre voudriez-vous voir illustrer cette interview et pourquoi ? Mon tableau nommé : Deux cerveaux échangeant des pensées. Parce que pour moi les gens sont des idées et des opinions qui marchent et flottent.
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8. Un mot pour les jeunes créatifs ? C’est un droit et une liberté d’être curieux. Il est primordiale de vaincre la peur de s’exprimer librement . C’est deux la nourrissent la créativité et font naître la magie. 9. Un mot de clôture ? J’ai un message à transmettre. Je ne veux pas que mon art soit collé à un mur ni qu’il soit fixé , je veux qu’il circule librement entre les esprits et les cultures de tous les pays.
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ARTS DE LA SCÈNE ET MUSIQUE ARCHITECTURE 36 I www.monokromemag.com
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LE BLUES TOUAREG ... LE SAHARA RACONTE ! Ghenima AHMED SAID
Les sons de guitares électriques qui nous enivrent, les percussions qui nous transportent et les chants qui font frémir nos âmes. Cette musique qui raconte la joie, mais aussi les angoisses d’une société. Qui de nous n’a pas vacillé doucement la tête un jour, rien qu’en écoutant une chanson de Tinariwen ?
© Tissilawn La musique des touaregs ou le style Tergui est la musique du sud de la Numidie (Afrique du nord), c’est un mariage de style entre la musique d’Afrique subsaharienne et la musique berbère du sud. Dite aussi « musique universelle », elle regroupe plusieurs styles en associant le style traditionnelle à des sonorités rock, blues, jazz et Gnawi, émise par des artistes algériens, maliens ou nigériens. Les touaregs, peuple connu pour son nomadisme dans le Sahara autrefois, se désignent sous le nom de « Kel Tamasheq », « ceux de langue tamasheq », et utilisent un alphabet appelé Tifinagh, ils habitent les régions désertiques de l’Afrique du nord depuis des temps immémoriaux. En Algérie, ce sont les habitants du sud du pays, l’un des plus beaux déserts du monde. La musique du sud Algérien raconte la beauté, l’immensité de ce désert et la sérénité qu’on 38 I www.monokromemag.com
y trouve, mais elle crie aussi les revendications d’un peuple. Le blues touareg ou le Tichoumaren, est la musique des ishumars, « chômeurs », apparu en 1960-1970, en rapport avec la situation de la jeunesse touareg. Aujourd’hui, de nombreux artistes, dont de célèbres groupes, en font un principal vecteur culturel et identitaire. Chèches traditionnels, riffs sablonneux et des voix rugueuses portant une transe venue du désert, Tinariwen est pilier de la scène musicale touareg, chante l’Assouf, nostalgie en Tamasheq, inspirant par la suite plusieurs autres groupes venant du sud algérien, comme Imarhan, Tikoubaouine, ou Tissilawen. Cette musique ne cesse d’envoûter des mélomanes et d’inspirer des musiciens aussi bien touaregs que ceux venus des autres coins du pays. Zoubir, connu sous ce nom au sud notamment, issu de la ville d’Alger, est guitariste (Solo/
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accompagnement/chant) du groupe Deran et se confie à Monokrome.
© Deran le troisième guitariste du groupe. 3. Vous avez eu des expériences scéniques avec votre groupe, qu’est-ce que vous ressentez en jouant sur scène ? Être sur scène apporte de nombreuses satisfactions. Personnellement, je reçois souvent des émotions positives qui me laissent apprécier ce plaisir artistique.
© Deran 1. Notre Algérie se distingue par la richesse de son répertoire musical. Pourquoi avez-vous choisi le style targui ? La musique touarègue est caractérisée par des sons parfaitement naturels. C’est en regardant un musicien Targui entrain de jouer à sa guitare, qu’on se pose la question de ‘’comment peut-on produire ce mariage entre rythmes paradoxales et tonalités assez primitifs’’. C’est exactement ça qui m’a laissé aimer cette musique, son utopie est juste sublime et magique. Lorsque j’entends ou je joue de la musique Touarègue, je m’emporte comme pas possible, je fais du vide, je parle artistiquement à moimême et je me sens en paix.
Le blues touareg est devenu un symbole de paix, d’espoir et de nécessaire rébellion face à l’injustice, à travers des textes de poésies chantées : « mes amis, écoutez et entendez , sachez que vous n’avez qu’un pays, qu’une seule foi et qu’un seul objectif, construisez l’unité d’une seule main…» (Abaraybone, 1978)
2. Deran, votre groupe, a sans doute suivi le chemin de la caravane de cette musique du monde. Comment s’est-il formé? Deran, qui veut dire Espoir en Tamasheq, est un groupe assez hétérogène. Il comporte non seulement des musiciens Touarègues, mais aussi des musiciens d’Alger. Le groupe existe depuis plusieurs années, c’est en 2017 que j’ai rencontré Aboubakr Mechar (Alias Bouba), le guitariste/compositeur/chanteur du groupe, où nous avons décidé de jouer un peu de Targui dans un studio de répétition. Mon frère, le Bassiste nous a rejoint et c’est depuis ce moment-là que le groupe existe en toute improvisation. Il y’a à peu près une année que le groupe a connu la venue du percussionniste Naoui, ainsi qu’Anis, © Deran www.monokromemag.com I 39
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THÉÂTRE ALGÉRIEN : CULTURE ET IDENTITÉ Fariza CHEMAKH
Le théâtre, connu comme étant le père des arts, est fondé principalement sur la consolidation des idées dans l’esprit du public, c’est non seulement un moyen de divertissement, mais aussi une institution éducative qui concerne toutes les classes sociales. Le théâtre cherche à faire revivre le patrimoine et le passé en plus de sa contribution au développement intellectuel des individus. Et quoique nous disions du théâtre, ses objectifs grandissent et se multiplient pour devenir une manifestation du progrès des nations. Il est ainsi très difficile d’écrire sur ce sujet surtout quand il s’agit du théâtre algérien, ses débuts et ses objectifs, en raison de manque d’études qui examinent l’exactitude et l’objectivité des caractéristiques de ce dernier.
© Auteur inconnu
Cependant, ce que les érudits ont convenu dans le cas du début du théâtre algérien, c’est des représentations et des chants populaires déroulant dans les cafés, les places publiques ou durant les cérémonies religieuses. De plus, El Meddah, un conteur itinérant qui transmettait des informations à travers ses chants et ses récits, est connu comme une des plus anciennes forme de représentation publique traditionnelle algérienne. Cet artiste traditionnel était le porte-parole du peuple algérien pendant la période de l’occupation française. À cette époque, El Meddah été emprunté aux marchés, aux cafés populaires et aux rues des quartiers. Il émet une émotion charmante dans le cœur des auditeurs venus de villages et de villes isolées et ne se contente pas de raconter les événements du récit avec une interaction constante avec son public, mais motivé par l’enthousiasme à incarner le rôle du personnage qu’il raconte avec des mouvements et des expressions.
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Après la conquête française en Algérie en 1830, et malgré la construction de l’Opéra d’Alger en 1850 et la visite de plusieurs intellectuels et artistes français, l’Algérie ne connaissait pas le théâtre dans le concept occidental jusqu’à ce que la troupe égyptienne de Georges Abiad présente ses spectacles à l’Opéra en d’Alger en 1921. Cette expérience a stimulé l’envie de la création, ce qu’il a poussé les jeunes à jouer pour le public Algérien des pièces de théâtre inspirées du folklore en arabe dialectale.
Archives de mohmmed hattab
En 1926, la pièce Juha, écrite et mise en scène par l’écrivain algérien Ali Sellali dit Allalou, a attiré un large public. Ainsi, Allalou est devenu le fondateur du théâtre algérien. Dans ses pièces, il a pu incarner des habitudes théâtrales parmi le public avec la langue populaire, c’est-à-dire, la langue que le public comprend et interagit avec, une langue qui parle dans sa vie quotidienne et exprime son identité et la culture à laquelle il appartient, loin du format du théâtre européen, qui a tenté d’influencer le public algérien.
© Archives de mohammed hattab
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© Archives de théatre national
Aux côtés de Allalou, le théâtre algérien a marqué son âge d’or avec Rachid Ksentini, qui a commencé de jouer dans les pièces de Allalou, en 1926, avant de présenter son premier spectacle intitulé Baba Kadoor al-Tammaa en 1929 ; l’histoire de Mourad Hchaichi, un homme de quarante ans, souffrant de la pauvreté et du chômage a dû recourir à la ruse et à la tromperie pour obtenir de l’argent afin de quitter le pays. Ksentini a souvent joué dans ses propres pièces en introduisant l’improvisation au théâtre algérien avec le langage du peuple. A travers ses pièces, il a dépeint de près les phénomènes sociaux par le biais d’un véritable théâtre populaire de style satirique influencé par la Comedia Dell’arte italienne. De plus, l’Algérie a connu d’autres dramaturges à l’exemple de Mahieddine Bachetarzi, la figure emblématique du théâtre algérien, qui a employé une langue d’expression théâtrale avancée et enracinée dans le folklore national. Dans ses pièces telles que Faqou et El Kheddaine, il a incarné la souffrance du peuple algérien durant la colonisation française avec un théâtre humoristique, l’un des moyens les plus importants de la résistance. Devant son succès et sa popularité, le théâtre est devenu la cible des intellectuels algériens, qui voulaient introduire leurs idées au peuple algérien à travers les planches, en s’engageant en faveur des aspirations de la résistance et en stimulant le développement de la conscience politique et sociale des Algériens, qui se sont battus pour prouver leur identité culturelle et nationale. C’est ainsi, le père des arts est devenu un porteur de l’identité algérienne en s’adressant au peuple avec sa langue maternelle et en collaborant à l’orientation de l’opinion publique.
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Cependant, ces actions ont attiré les autorités coloniales, qui ont resserré les vis pour empêcher le développement du quatrième art en Algérie. Cette interruption a continué jusqu’à 1945 ; une période caractérisée par l’interruption de l’écriture théâtrale et la fermeture du cercle des dramaturges. Après cette période jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962, le théâtre algérien est entré dans une nouvelle ère ; celle de la traduction et de l’adaptation des pièces de théâtre étrangères. Cela est surtout apparu dans les travaux de Kaki Ould Abd al-Rahman, le fondateur du théâtre algérien moderne, qui a adapté les pièces d’Eugène Ionesco, Samuel Beckett et d’autres. En 1963, il a présenté sa pièce de théâtre 132 ans ; un portrait des différentes étapes de l’occupation française de 1830 à 1962. Cette pièce a marqué le début de son éclat sur les planches du théâtre algérien. L’œuvre de Kaki ne s’est pas arrêté là et ses pièces : El Guerrâb oua-Sâlihîn, Diwan el Mellah, Bni kelboun, sont l’unes des expériences théâtrales les plus importantes en Algérie, qui ont contribués à l’avancement et au développement du théâtre algérien avec un goût esthétique grâce à la langue populaire poético-épique qui les imprègnent. Après l’indépendance en 1962, Le théâtre algérien a continué la lutte par l’utilisation du langage populaire. Malgré la différence du public, l’auteur dramatique dépeint ses personnages et sa caractérisation de manière simple qui lui permet d’atteindre ce public et le pousser à réfléchir et à lutter. C’est ainsi que le père des arts fait l’objet d’une description des développements sociaux et économiques qui accompagnent l’individu, un art que l’on ne peut pas séparer des valeurs intellectuelles, sociales, psychologiques et politiques.
Bibliographie : Roth, Arlette. 1967. Le Théâtre algérien de langue dialectale, 1926-1954. Paris: F. Maspero. Allalou. 2004. L’aurore du théâtre algérien (1926-1932). Oran: Editions Dar el Gharb. Ali El Raai. 1979. Le théâtre dans le monde arabe. Kuwait : Conseil National de la culture, des arts et des lettres. Corpus de soutien u module Le théâtre arabe, Professeur Ahmed HAMMOUMI, Université d’Oran.
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HYBRIDE CONFLUENCE ENTRE LES ARTS & SCIENCES PSYCHOLOGIQUES
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OSEZ VIVRE VOTRE MEILLEURE VERSION CULT MUTATION Réda GHIAT
Par tous les temps, l’être humain a toujours cherché la paix et la réconciliation avec soi, pendant la période de la Grèce antique, tout comme la plupart des anciennes cultures et civilisations. L’art dans toutes ses formes était pratiqué et considéré comme ayant des effets cathartiques et thérapeutiques. Nous citons au début du XXe siècle, le psychiatre suisse Carl G. Jung (1875-1961) qui avait déjà lui-même expérimenté les bienfaits de l’expression par le dessin. Le psycho corporel, est en d’autres termes l’approche de la personne tant par l’aspect physique que par l’aspect psychologique. Nombreuses disciplines ont pu être qualifiées de psychocorporelles, des méthodes orientales pour le «Yoga», le «Shiatsu» ou encore le «Tai Shi» qui, hors de l’aspect corporel de ces dernières disciplines donnent au travail sur soi un rôle égal, allant jusqu’aux méthodes occidentales telles que le massage, l’hypnose, la psychologie-biodynamique ou aussi l’analyse bioénergétique. Parmi les nombreuses disciplines psychocorporelles, on compte l’art-thérapie qui s’agit de pratiquer une discipline artistique à des fins thérapeutiques; des arts plastiques tels que le dessin, le fusain ou encore le coloriage et la sculpture qui restent les disciplines phares pratiquées en matière d’art thérapie. On peut citer la danse qui donne à l’expression du corps une valeur plus spirituelle qu’esthétique. Le théâtre quant à lui, donne à l’expression scénique une toute autre dimension esthétique lors du processus thérapeutique, ou encore la musicothérapie. Quand on parle d’art, nul besoin d’être artiste pour pratiquer et bénéficier des bienfaits de cette thérapie; sa pratique artistique ne se soucie ni de la qualité ni de l’apparence de l’œuvre finale, tant le résultat est le but de cette thérapie, le processus créatif est nuancé par le(s) participant(s) contribuant à l’œuvre ( aux œuvres ). La résultante de l’œuvre visant à développer la conscience de soi ainsi que du groupe. L’art-thérapeute, ainsi, peut comprendre son patient à travers ses œuvres. L’art-thérapie propose une évolution graduelle vers cette quête de la quintessence ou la recherche de la paix où tout simplement incite chaque participant à se questionner, à se laisser aller à ses instincts, harmonisant le langage corporel et spirituel dans une manifestation productrice, introduisant l’individu à la masse et la masse à l’individu, dans une action singulière et créative, cette méthode donne au patient une nouvelle perspective sur ses capacités créatrices, lui permettant de développer son interaction avec le monde qui l’entoure ainsi qu’avec lui-même, l’art-thérapeute accompagnent le patient afin de mener à bien cette thérapie. Bien que la recherche scientifique n’ait pas confirmé ou renié les bienfaits des différentes méthodes et procédés des thérapies psychocorporelles, ses pratiques visent à stimuler l’individu et ses capacités, à appréhender le stress et les troubles dépressifs, abordant des approches au cas par cas, améliorant ainsi la qualité de vie des personnes âgées, ou aidant les patients atteints de cancer vers la recherche d’une paix intérieure et réduisant le taux d’anxiété et de dépression des patients, elle favorise aussi l’aide aux personnes atteintes de déficiences mentales ou de patients souffrant d’autisme, afin d’améliorer leurs capacités psychomotrices, psycho-dynamiques et cognitives, les personnes atteintes de troubles post-traumatique sont aussi prise en charge lorsqu’il s’agit d’art-thérapie, questionnant ces personnes sur le comment et non sur le pourquoi de la chose, en d’autres termes chercher à trouver une solution et non poser un problème.
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L’art-thérapie, bien inconnu du grand public en Algérie, a su se frayer son chemin à travers différentes régions du territoire algérien. En effet, on peut citer les ateliers tenus à Alger du 25 avril au 10 mai 2015, par l’AARC ( Agence Algérienne pour le Rayonnement Culturel ), qui a organisé des ateliers d’art-thérapie aux bénéfices de six personnes atteintes de déficiences mentales, on compte aussi l’association Chem’s qui opère activement dans le domaine de l’art-thérapie via différents ateliers dans les nombreuses disciplines citées avant. Ne recevant aucune aide des autorités concernées, cette association opère grâce au bénévolat et au mécénat depuis sa création en 2008. On aurait pu compter dans les rangs des œuvres art-thérapeutiques actuelles, la création du «Freedom Wall» à Alger sauf qu’il est en phase de préparation depuis le 16/03/2019, ceci reste une initiative à l’impact positif et libérateur, laissant libre cours à l’expression de la personne à travers l’écriture qui est aussi une importante discipline dans ce domaine. L’initiative donne de nouvelles nuances à cette discipline qui n’est pas nouvelle en Algérie, laissant de la place à une nouvelle vision et définition de soi et d’autrui à travers ces canaux créatifs et constructifs.
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L’ART ! UNE THÉRAPIE ENTRE L’INDIVIDU ET LA MASSE ŒUVRE COLLECTIVE Réda GHIAT
L’expression humaine est multiple et variée, tant par sa nature que par ses motifs ou ses objectifs, l’intention de l’individu peut être sollicitée dans l’action de s’exprimer, tout comme elle peut laisser libre cours à ses instincts, le comportement de l’individu reste cependant très attaché à celui de la masse. Quelle qu’en soit la nature, la masse exerce une force aux dimensions et aux influences liées à l’âme, l’opinion ainsi que les croyances de cette masse. Les modèles et les exemples varient, tels les supporters ou ultras de différentes régions du monde communiquant des messages engagés se référant aux thématiques de la paix et de la liberté, l’engagement politique peut y être cité aussi, ou encore les artistes grapheurs ou le mouvement hip-hop qui eux aussi sont produit entre l’individu et la masse et dont l’engagement n’a nul besoin d’être cité. Cet engagement des foules opère tel un catalyseur chez de nombreuses personnes qui interagissent de différentes façons avec la masse. Ces personnes peuvent n’avoir jamais exercé de disciplines artistiques et se retrouvent catapultés par leurs forces créatrices vers différents canaux d’expression. De l’écriture en passant par la musique, le théâtre, ou encore la danse ou bien la photographie, les disciplines artistiques mènent à une voie d’expression qui est favorable à l’émancipation de l’individu ainsi que celle de la masse dans un contexte d’échange, de compréhension et de partage. Cependant la classe artistique joue un rôle majeur dans la tâche qui lui est due, on peut citer à titre d’exemple de nombreux artistes algériens qui ont produit des œuvres aussi originales qu’expressives, de la ballerine de Rania.G à Alger le 1er mars 2019, qui a fait le tour des plateformes et réseaux sociaux, une photo artistiquement subversive et esthétiquement originale. On peut aussi citer dans le domaine de la musique la chanson «le jour du peuple» ( )يوم الشعبsur laquelle ont collaborée une quarantaine d’artistes algériens, vivant partout dans le monde et de différentes disciplines artistiques dans une œuvre commune qui a elle aussi été très appréciée par le public à l’échelle maghrébine et internationale. L’outil artistique reste un moyen aussi primé qu’efficace dans cet échange avec la masse, tout comme cette dernière opte pour les chants et les slogans pour effectuer cet échange avec l’individu, la relation bilatérale de ces deux éléments reste une force motrice pour toute société qui aspire à la liberté et à la paix. 48 I www.monokromemag.com
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Sonia MERABET Ou l’intrication esthético-réflexive Ahmed MERZAGUI
Dans une quête continue de subjectivité innée, ou empirique, transmise par un héritage collectif, nourrie par un parcours atypique, rattachant la réflexion même à l’esthétique, Sonia Merabet a développé une approche visuelle personnelle et attachante, capable d’embrasser à la fois l’esthétisme claire, net et beau et la réflexion psychologique sociale et biologique dans des œuvres criardes ou « elle laisse les gens libres d’interpréter ».
La représentabilité du typiquement personnel, des réflexions balancées entre innéisme et empirisme, a toujours été un sujet de questionnement dont beaucoup se sont souciés et sur lequel chacun s’est penché par une approche différente, personnelle, innée ou empirique… D’art en philosophie en passant par la psychologie , le parcours mais aussi le personnel profond joue un rôle prépondérant dans toute création artistique… Sonia Merabet est née à Ain Oussara dans la wilaya de Djelfa, ayant vécu très peu la bas, elle commence ses pérégrinations très jeune, Ouargla, Oran, Alger… Elle s’installe un moment à Alger avant de poursuivre ses études de création de mode à Londres. Elle travaille dans des ateliers de couture en tant que stagiaire à New York et Londres, et nourrit tout au long de son parcours, son penchant pour la photographie et la mise en scène. Diplôme en main en 2010 elle rentre à Alger où elle entame ses expériences cinématographiques en tant que costumière et photographe de plateau sur plusieurs projets cinématographiques tels que «Demain, Alger ?» dans un contexte des années 80, ou « un homme face mirror » où la créativité était en somme pour fabriquer une statue vivante et l’habiller d’une robe romaine… Exemples parmi tant d’autres œuvres accumulées au fil des années où elle a laissé libre cours à sa créativité mondaine et habilité photographique… Passionnée par la création pure elle développe tout au long des années son style épuré, avec lequel elle s’affirme lors de plusieurs expositions collectives, notamment avec le collectif des photographes algériens « collective 220 », et plusieurs autres expositions individuelles. Aujourd’hui son travail rassemble la photographie la vidéo et le stylisme et sans jamais délaisser un penchant pour un autre, Sonia continue sa quête réflexive-esthétique en combinant ses passions, et en évoluant vers d’autres perspectives professionnelles (cadrage, montage, réalisation…), personnelles (projets photographiques et vidéographiques (expositions et résidences) et tout ça au long de projets dont le questionnement porté par l’art visuel est achalandé par l’esthétique des créations textiles. Motivée pour un dessin unanime, Sonia œuvre pour « révolutionner la mode en Algérie, et en faire une production nationale éthique et made in Alegria par et pour les Algériens » Férue de la beauté, du clair, de la mise en scène parfaite, portant la photographie au rang de la création plus que de la capture de moments, Sonia soigne les détails, ne laisse rien
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au hasard, de la lumière aux couleurs tout forme un ensemble parfait qui porte la réflexion au centre du raisonnement et laisse libre cours à l’interprétation. Installée depuis octobre 2018 à Oran, Sonia continue son parcours. Son dernier projet est le clip « Mademoiselle Algérie » de « Chibane ». Sa dernière exposition en date fut à « Syllabs » avec le « Goethe Insitute ».
L’œuvre « cellular memory » Le terme mémoire est un terme dont le moins que l’on puisse dire est générique, son sens change radicalement suivant son genre, sa comptabilité mais surtout le domaine… En psychologie cognitive, la mémoire est la capacité de l’esprit à conserver des « informations ». Le support même de cette conservation stratifiée, selon le modèle classique en 5 strates, est souvent hypothétique, placé dans le cerveau, alors qu’en réalité aucune confirmation n’est… Une altération cérébrale organique, surtout hippocampique a des effets désastreux sur la mémoire, mais cela ne prouve en rien que l’hippocampe est le
support de la mémoire mais juste un élément du système limbique qui a attrait au système mnésique… Le support mnémonique peut être partout et nulle part, dans une conception abstraite de ce qu’on appelle un rappel, un souvenir, l’information s’inscrit dans le cerveau mais n’en émerge pas pour autant, obligatoirement, de lui. Dans une autre conception plus biologique la mémoire cellulaire, surtout immunitaire, très spécifique et dont le rôle est définis clairement (cellules mémoires du système immunitaire), ou même nucléaire, dont le fonctionnement est établis font partie d’une mémoire beaucoup moins abstraite que la précédente. Dans un autre registre encore la mémoire dite psychanalytique ou métapsychologique, renvoie aux informations non contrôlées, empiriques ou innées stockées dans nos « étages » de conscience, le subconscient principalement, qui sans effet, ou volonté souvenir, sortent sous forme d’expressions, de traits, de détails, non contrôlés, dits traces mnésiques, portant fort à l’interprétation psychologique de tout produit humain. Enfin la mémoire collective, notion abstraite, subjective, complexe, relative au temps, parlant du « passé » commun à une collectivité, nourrie, modifiée, changée, dont le support est sibyllin et le mode de fonctionnement pour le moins sans consensus, est une mémoire « vraie » dans ses conséquences…
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LE DIGITAL AU DELÀ DES FRONTIÉRES LIIS PERMAN Idris FELFOUL
Il nous arrive de temps en temps que nous soyons immédiatement surpris, un coup de cœur. Ce fut le cas lors de la découverte de ces « digital paintings » au style très sombre et aux visions obscures. Ces portraits aux yeux illuminés exprimant tant d’émotions et de vifs sentiments. 1. Parlez-nous de vous, comment avez-vous commencé votre parcours? Je m’appelle Liis, j’ai 23 ans et je viens de ce petit pays d’Europe de l’Est appelé l’Estonie. Je suis une artiste autodidacte. Tout a commencé il y a plus de 10 ans, lorsque j’ai commencé à créer des bannières pour des blogs. C’est à ce moment-là que j’ai amélioré mes compétences en Photoshop. J’ai toujours été intéressé par différentes formes d’art et je dessinais beaucoup à l’époque. Je fais aussi de la photographie. Il y a seulement 2 ans, j’ai décidé de commencer à faire des collages numériques. Je me suis donc offerte une tablette graphique. Et puis ça a grandi pour devenir ce que je fais maintenant.
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2. Votre processus de création vient-il d’une certaine image dans votre esprit ou cherchez-vous simplement de l’inspiration au fur et à mesure? Je reçois mon inspiration au hasard comme si je suis éclairée. Et si je ne saisis pas le moment, ma motivation risque de disparaître. Je m’inspire également des autres artistes et de la musique.
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3. Beaucoup de vos œuvres sont extrêmement expressives. Souffrance ; tristesse ; horreurs, estce le moyen d’exprimer vos émotions ? Je suppose, oui. Je dois être honnête, j’avais une longue histoire de traitement avec la dépression et l’anxiété. Je peux rendre toutes ces émotions utiles en les déversant dans mon art. Aussi longtemps que je me souvienne, je m’intéressais à certaines choses effrayantes, c’est peut-être un mélange des deux. 4. Vous créez une atmosphère inhabituelle en ajoutant un arc-en-ciel de couleurs. Pourquoi? C’est une question intéressante, Je n’y ai jamais vraiment pensé. On dit que les yeux des gens sont une passerelle vers leurs âmes. Ils sont expressifs et deviennent le centre de la plupart de mes travaux et c’est la première chose que vous remarquez. 5. Quelle est votre œuvre la plus réussie ? Pourquoi ? Peut-être mon œuvre intitulée « Everyday is exactly the same ». C’était ma première œuvre partagée sur un grand compte Instagram, et grâce à elle j’ai touché un grand nombre de personnes. 6. Pensez-vous que l’art numérique est un moyen idéal pour décrire notre liberté d’esprit? Ça dépend. L’art numérique nous offre beaucoup de possibilités, il n’a pas de limite, mais à chacun ses goûts. Cela dépend des outils avec lesquels un artiste aime et se sent plus à l’aise. D’ailleurs, des choses impressionnantes peuvent être faites avec un simple crayon et du papier. 7. Et prochainement, vous envisagez quoi ? Je continue mon chemin en essayant d’atteindre plus de personnes, de travailler plus et surtout d’améliorer mes capacités et la qualité de mes œuvres. Traduction de l’anglais: Fariza CHEMAKH
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REMÈDE À LA MÉLANCOLIE D’ZART Idris FELFOUL
Avec ses compositions explosives, D’zart – de Dzair, Algérie, et Tsar, Roi en langue russe -, mène une carrière à l’énergie pure entre fidélité à ses pensées et appel aux amoureux de l’art numérique. Pour expliquer sa technique actuelle, D’zart développe une vision claire : un personnage ou un symbole qu’il figure en mode réaliste, ensuite, une accumulation de tags, de slogans comme si toute une communauté avait débarqué pour donner son avis sur ses portraits. Il se sent de plus en plus sûr de sa technique et s’interroge alors sur la direction que l’art et la liberté devraient prendre pour réaliser aux mieux ce talent qu’il maîtrise désormais. 1. Parlez-nous de vous et de votre parcours ? Je suis né en Algérie pendant la décennie noire, d’un père algérien et d’une mère d’Europe de l’Est. J’ai passé le plus clair de mon enfance enfermé dans un appartement, car ma mère - qui est artiste plasticienne - était recherchée par le GIA pour avoir exposé des peintures de nus. Le fait de rester enfermer ainsi avec des crayons et du papier m’a très rapidement orienté vers le dessin et m’a poussé à créer mon propre monde . . . Un monde meilleur que celui de l’extérieur ! Mes crayons ne m’ont plus jamais quitté depuis, et mes études ainsi que mon travail actuel tournent toujours autour de la créativité.
d’euphorie, à la limite d’une excitation comparable à la joie qu’on ressent lors d’un voyage ou d’une expérience unique. Plus j’avance dans mon travail, plus l’euphorie est forte. Je pense que dans mon cas, la création est une thérapie sans laquelle je ne serais vivant qu’à 50%.
2. Quel est votre processus de création ? Je pense qu’il n’y a pas qu’un seul processus créatif type. La vie en elle-même est un processus créatif. Chaque instant et chaque action entraînent en nous une émotion ou un sentiment que nous pouvons convertir en musique, peinture ou en dessin . . . 3. Quel est votre état d’esprit lorsque vous créez une œuvre ? Quand j’ai une image en tête ou une idée à explorer, je suis généralement dans un état 56 I www.monokromemag.com
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4. Nous avons remarqué que certaines de vos œuvres contiennent des slogans avec des messages très clairs. Quelle importance accordez-vous à ce sujet et quel est le concept derrière cela? Quand on vit dans une société où les bouches ne parlent pas , faire parler des images peut faire avancer les esprits. 5. Quelle est la réaction du public face à votre travail ? Mon but est de créer une réaction, qu’elle soit positive ou négative. À partir du moment où vous vous êtes arrêtés de scroller en voyant mon œuvre, cela veut dire que j’ai gagné … Autrement, je ne serais pas dans cette interview.
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6. Nous admirons le niveau de détail et l’intensité de couleurs dans vos œuvres. Quel est votre ressenti vis-à-vis des couleurs que vous utilisez ? J’ai très peur des couleurs … J’ai pris de longues © Dzart années avant d’appliquer des couleurs sur mes maquettes. Une couleur peut changer la © DZART signification d’un message. Si celle-ci est mal appliquée mais bien utilisée, elle fera briller 7. Certaines œuvres semblent avoir justifié des étoiles dans vos yeux. que l’art va de pair avec la liberté d’expression et d’opinion. Comment voyez-vous l’art numérique en Algérie? Notre avenir est incertain mais une lumière brille quelque part sur notre chemin. Comme partout ailleurs, pour avoir de grands artistes, il faut une grande liberté car la vie et l’art sont interdépendants. Si l’Algérie va de l’avant, l’art et la culture la suivront.
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ARTS : CONTESTATION ET RÉSILIENCE - Yara – Rim MENIA
© Reza deghati Il est très utile de prendre une voie d’objectivité pour comprendre comment l’art façonne la résistance populaire en interrogeant les différentes approches et écoles de pensées qui analysent ce sujet. Visionner le monde d’aujourd’hui, nous prouve que l’art est le fil conducteur de la liberté d’expression, de démocratie et sert de débat ouvert et populaire. Dans ce cas, l’art – ou les arts – devient un élément clé pour façonner la lutte, la résistance et la résilience. La peinture, la photographie, l’architecture et d’autres formes d’art sont considérés comme la mémoire collective des sociétés. Dépassant cette limitation, l’art rehausse les opinions, fixe les valeurs et interprète les vécus en mettant la lumière sur les luttes et les combats journaliers mais aussi sur les révoltes et les résistances populaires et expose ainsi des leçons collectives. L’exemple de « La Bataille d’Alger », un film sorti 58 I www.monokromemag.com
en 1966, est en lui-même un projet de révolution et de changement. Traitant de la lutte populaire et de la guerre de libération en Algérie, ce film est devenu un outil éducatif des générations d’après-guerre et un guide d’étude en Argentine, à titre d’exemple, pour lutter contre la guérilla urbaine. « Reza », un photographe iranien et activiste pour les droits de l’homme, par le biais de la photographie comme vecteur de changement social, a permis d’ouvrir des débats multiculturels et intergénérationnels, Reza met sa passion au service des jeunes afin de les former à la photo dans l’objectif de transmettre le sens de la liberté, de la justice et de la tolérance, véhiculer une information juste, correcte et fidèle au contexte culturel de la résilience qu’elle reflète et donner une voix au plus démunis.
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LA CONTESTATION DANS L’ART OU LE DADAISME CONTESTATAIRE L’art, vecteur de propagande, demeure jusquelà un outil dénonciateur et contestataire. Sans trop tarder, il suffit seulement de comprendre l’émergence du dadaïsme. Au beau – moche – milieu de la Ière guerre mondiale, dans les années 1914 – 1918, émergea le dadaïsme comme mouvement intellectuel, littéraire mais surtout artistique afin de faire face à l’absurdité de la guerre. Afin de s’opposer à la guerre et la banaliser, ce mouvement devient un outil de divertissement à première vue mais de contestation dans son anti formalisme, son élémentarisme et son ordre. Le dadaïsme contestataire devient donc un miroir de l’absurdité pour la contredire, ceci a été traduit dans le tableau « L’œil cacodylate » de « Francis Picabia » ou les collages de « Jean Arp », à savoir « collage sans titre – 1916 ».
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LE NUMÉRIQUE COMME VECTEUR DE RÉSILIENCE
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Contrairement aux modes de conception traditionnels des chefs-d’œuvre de contestation et de révolte, il est intéressant de pointer le rôle que joue le numérique et les nouvelles technologies dans la vulgarisation et la promotion de l’art de résilience. Accueillis favorablement en Algérie, les arts numériques sont en train d’attirer un public tout en l’invitant et le poussant parfois à chercher des significations au-dessus de l’image. Tiré de notre contexte culturel Algérien, « Houria Niati » a été témoin de la guerre de libération nationale et c’est ainsi que, ses installations ; performances et peintures numérique, reflètent l’image de ses expériences « entre identités orientales et occidentales » et servent de modèle de résilience identitaire et culturelle, un pont d’interconnection de l’Histoire et de ses histoires.
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PHOTOGRAPHE DE PAIX POÉTHIQUE RANOUGRAPHY Hikma OUTTAS
Quand un photographe immortalise un instant, il transcrit en même temps toutes les ondes dégagées par les formes et les couleurs qu’il capture, créant ainsi une poésie symphonique et harmonieuse telle une métaphore imagée traitant une réalité commune. Rania G. est une jeune femme ne dépassant les 21 ans, elle suit des études de Management commercial. Ne se lassant point de sa passion : la photographie, elle embrasse la profession dès ses 14 ans pour devenir, aujourd’hui, photographe professionnelle chez l’agence «Krypton». Son style atypique est clairement perceptible et dans le choix de ses modèles; qu’elle repère sans suivre de critères spécifiques et sur lesquelles se décèle une beauté à révéler, et dans ses prises audacieuses et éloquentes. Algérie | 1er mars 2019, et dans le vif des manifestations pacifiques de notre révolution pour la dignité, Rania sorta dotée de sa plus puissante arme : son boîtier, éternisant en un clique, l’une des scènes les plus lyriques du mouvement de protestations du pays : «Poetic Protest». Mélissa, la danseuse, exprima donc, sa solidarité placide avec une figure « poéthique », un amalgame de poésie et d’art, symbolisant humanité, humilité, liberté et paix d’un geste magistral et subtile, étirant et son buste, et tout un peuple, vers le haut. La photo a voyagé à travers les quatre coins du monde, interprétant la souffrance d’un pays par une rythmique vibrante et épiphanique, connaissant très vite un succès mondial, passant des presses internationales aux journaux télévisés et radios pour finir sur les pages de magazines de renommée. Avec un cliché aussi délicat que brutal, Rania a cherché à affirmer au monde son idéologie optimiste contribuant à forger cette imagerie nationale où tout un pays vit l’unicité de ce moment, amplifiant ainsi : l’amour. Dans sa photographie, elle restitue des moments de vie expressifs instantanément dans le cadre de son appareil, toujours dans la convergence avec quelque chose de très humain. Son succès s’adosse sur son état de grâce émancipé de toute obligation, évitant la facilité lénifiante et osant la complexité exaspérante. Définissant l’art comme une chance inouïe pour dépasser sa timidité et se dévoiler, elle utilise la rue comme terrain de chasse, et associe architecture, mode et urbain en une strophe d’images plus versatile qu’un poème charnel. Déclarant : « Il suffit juste de croire en l’espoir, de voir grand et de faire les choses avec le cœur», Rania est le modèle typique d’une artiste Algérienne totalitaire dans cette industrie, elle sait prélever un élément prosaïque dans la diversité du réel pour le rapprocher à la limite de l’abstrait, de l’allusif. Dans un dernier cliché patriotique purement «algérien», Rania G. n’a que clamé encore plus fort: « 1 2 3 VIVA l’Algérie !”
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ARTS MÉDIATHÈQUES ET CINÉMA
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UNE SI JEUNE PAIX – LE FILM Smail LIF
Des projections à deux nuances, le noir et le blanc, d’une époque pleine de couleurs vives et d’émotions, nous racontent l’histoire de l’Algérie d’hier. Le cinéma algérien a connu ses grands moments de gloire dès le lendemain de l’indépendance avec des films réalisés et interprétés par de grands cinéastes, acteurs et réalisateurs très célèbres à cette époque. « Une si jeune paix » est le premier film long-métrage après l’indépendance de l’Algérie. L’histoire se déroule entre les enfants de deux orphelinats qui jouant un match de football, le résultat déplait les protagonistes, prenant ainsi un autre tournant : un jeu représentant la guerre entre ces deux orphelinats. Ce film a été écrit et réalisé par Jacques Charby, qui était aussi militant anticolonialiste français, né un 13 juin 1929 et décédé le 1er Janvier 2006. Jacques Charby s’est fait condamné en 1961 à dix ans de prison pour aide au FLN. Il raconte alors, l’histoire de son fils adoptif Mustapha, torturé et mutilé à l’âge de huit ans par les paras français. L’Algérie a rendu hommage à Jacques Charby lors de la 7ème Édition du Festival du Film Arabe d’Oran en 2013. Nous retrouvons aussi dans ce film Mustapha Belaid, Fawzi Djeffel, Ali Larabi qui sont des acteurs de renommé en Algérie et qui ont laissé leur trace dans le cinéma algérien. Ils étaient dans la distribution principale de cette première œuvre cinématographique de l’Algérie indépendante qui était sélectionné au Festival de Cannes et qui a obtenue le prix du Jeune Cinéma à Moscou en 1965.
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© Esprit bavard
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Nouveautés Zapping ! Smail LIF Si vous êtes cinéphile, vous aurez sûrement entendu parler du film « CAPHARNAÜM » qui fait sa 3ème projection à l’institut français d’Alger, pendant ce mois de Mars. C’est un film de 123 minutes sortie en 2018 et réalisé par Nadine Labaki. L’histoire du film tourne autour d’un enfant du nom de Zain qui attaqua ses parents en justice du fait de lui avoir donné vie, nous découvrirons à travers ce film la rébellion de Zain contre la vie qu’on cherche à lui imposer. De l’autre côté de la méditerranée et exactement à Paris en Ile de France, comme chaque année, des dizaines de festivals de cinéma sont accueillis dont le plus important : le Festival de Cinéma Télérama qui a eu lieu du 16 au 22 janvier 2019 dans les salles art-et-essai d’ile de France.
© Auteur inconnu
© Riviera beach Le Festival de Cinéma de Valenciennes s’étalera du 19 au 24 mars, proposant plus de 40 longs métrages ainsi que des compétitions pour le documentaire et la fiction.
© Auteur inconnu
Nous ne parlons jamais de festival sans évoquer le célèbre Festival de Cannes qui a annoncé dernièrement le nom de son président du jury, Le réalisateur mexicain Alejandro Gonzàlez Inàrritu remettra la Palme d’Or le 25 Mai prochain lors de la 72ème Édition du Festival de Cannes.
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LE MÉTIER D’ASSISTANT RÉALISATEUR Smail LIF
« Beaucoup d’entre vous croient que l’Assistant Réalisateur est l’assistant personnel du réalisateur » FAUX ! Voulez-vous vous mettre dans la peau d’un Assistant Réalisateur en un article ? Si oui, bienvenue sur notre production du film MONOKROME. Première étape, le scénario du film est prêt, prenez le temps de le lire et de le comprendre. Ensuite, faites le dépouillement. [ Le dépouillement d’un film est un tableau divisé en plusieurs cases dont chacune correspond à un département : Mise en scène, décor, costume, accessoire, machinerie ... etc et à chaque nouvelle séquence, une nouvelle ligne dans le tableau s’impose jusqu’à ce que chaque séquence soit décortiquée minutieusement et les besoins du film apparaîtront comme par magie ] Servez-vous du dépouillement afin d’identifier les séquences qui se déroulent dans le même décor pour les regrouper et passer à la © AUTEUR INCONNU deuxième étape qui est le plan de travail. [ Le plan de travail est un document extrêmement important pour un tournage, il permet de regrouper les séquences qui seront tournées chaque jour dans la même colonne et par la suite une estimation de temps et de logistique pourrait être établie pour l’exécution du film ] Une fois ces documents terminés, vous n’aure plus qu’à rédiger vos feuilles de services journalières et remettre une copie pour chaque chef de département.
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[ La feuille de service est un document qui résume la journée de tournage avec des détails tels que les horaires de début et fin, l’heure de pause, les éphémères, le parking, numéro de séquences et besoins de chacune – Cette feuille doit être respectée par toute l’équipe ] Mise à part ce travail de préparation, l’Assistant Réalisateur participe aussi aux repérages des décors, aux casting de rôles que valide le réalisateur au fur et à mesure. Une fois sur le plateau, le travail de l’Assistant Réalisateur consiste à optimiser le bon déroulement du tournage en étant à l’écoute de tous les départements et en veillant à ce que les délais de tournage sont respectés avec une coordination générale. Une fois que la mise en scène est prête, le feu vert est donné au réalisateur pour demander Moteur et lancer le fameux Action ! « La personne sur laquelle je me repose entièrement. J’en ai presque honte parfois... C’est le 1er Assistant Réalisateur... dont le métier est de gérer tous les problèmes, et Dieu sait que y’en a beaucoup qui ne sont pas essentiels, pour me permettre de me consacrer vraiment à ce qui est important pour moi » - Laurent TIRARD – Réalisateur du film « Le Petit Nicola » Le métier vous intéresse finalement, voulez-vous devenir Assistant Réalisateur ? Inscrivez-vous dans une école ou sinon la meilleure des formation est d’être sur des plateaux de tournage.
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ARTISANAT DE L’ART
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DÉSORMAIS, L’ART NAIT D’UNE CANNETTE LYES OUARAB Nadjia ALAHOUM
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1. Qui est Lyes OUARAB ? Je suis un artiste Algérien, né en 1970 à Alger. Je suis l’initiateur de l’art de création en recyclage de canettes en Algérie qui est un art contemporain. 2. Si je vous dis « votre histoire, votre style », vous avancerez quoi? J’ai arrêté mes études à l’âge de13 ans pour m’orienter vers une formation professionnelle qui est l’artisanat et la bijouterie. Entre temps, j’ai continué à m’instruire en prenant du plaisir à regarder des documentaires d’art. Tout a commencé vers mes 35 ans, cela fait maintenant 14 ans. Quand j’étais petit on fréquentait beaucoup le balcon St Raphaël à El Biar pour se réjouir de la vue panoramique de la baie d’Alger. Pendant
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que tous les autres contemplaient cette vue, je ne manquais pas une chance pour façonner n’importe quelle matière que je trouvais, en divers formes et éléments géométriques. Un jour, je suis revenu à cet endroit et j’y ai trouvé des canettes de bière. Je me rappelle en avoir ramassé 3 exactement dans le but de fabriquer un porte stylo, mais une fois chez moi, je me suis retrouvé en train de les couper en feuilles et les coller pour finir avec un avion miniature de type 1942 entre les mains. Aujourd’hui, j’anime très souvent des ateliers d’apprentissage et de démonstration pour le personnel et l’associatif. Pour un style précis non je n’en ai aucun. J’imagine le résultat dans mes pensées et je le conçois.je sollicite l’innovation et la créativité dans mes créations
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3. D’où vient cet amour pour le « Récup – Art » ? D’abord je décris mon art d’un don. C’est un cadeau du ciel. Cet amour surgit simplement du fait que j’ai toujours aimé la nature. J’ai toujours fait de mon mieux pour protéger l’environnement. Je nettoyais avec un énorme plaisir mon entourage. Et je crois que ce don est la plus belle récompense qu’on puisse avoir. 4. Que vous dit le terme « réalité » ? Reflétez-vous ceci dans vos créations? Je m’inspire de la réalité, j’essaie de réaliser des objets qu’on voit dans notre quotidien tel que les avions, les voitures… Pour moi, je donne un sens ou une vie à chaque matière qui, avant d’être travaillée, n’était qu’un simple objet mais qui devient vite une œuvre d’art. 5. Quelle est votre vision sur l’art et la création en Algérie ? Malheureusement on ne donne pas trop d’importance en Algérie aux artistes malgré l’existence de diverses capacités et compétences. C’est pour cela que mon savoir est une sorte d’héritage, il m’est primordial de le transmettre pour pouvoir aider les autres à découvrir leurs passions.
© Lyes ouarab 6. Que vous inspirent les termes : Plaisir, recyclage, création, Algérie, paix ? Plaisir : Le partage du savoir et des connaissances avec autrui. Offrir un cadeau original à quelqu’un de cher. Recyclage : Création et art. Protection de l’environnement et enrichissement de l’économie. Création : L’art c’est d’abord l’inspiration ensuite la création. Algérie : Ma Patrie. Ma maison. Et sa nature est ma source d’inspiration. Paix : C’est la liberté. C’est tout ce dont on a besoin pour vivre. 7. Un mot pour clôturer ? Je tiens à remercier toute l’équipe MONOKROME pour l’intérêt qu’elle porte pour mon travail. Et au final j’aimerai transmettre un message aux jeunes créateurs : il est important de croire en soi et de bien faire les choses si on veut découvrir et vivre ses passions et faire de ses rêves une réalité. Patience et précision sont aussi deux détails important à prendre en considération.
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RENAISSANCE DU DÉJÀ-VU : BERBERISM - Yara – Rim MENIA
La renaissance berbère n’est pas pour demain. BERBERISM est déjà © Berberisme là ! Si beaucoup pensent que la culture berbère est dans les tiroirs et que le bling-bling des bijoux de nos grand-mères a rassasié certains, vous tombez dans le panier du FAUX. L’argent de grand-mère Tin Hinan et les couleurs tropicales de mère Kahina font RENAISSANCE. C’est une artisane contemporaine, « Hayet KAMINSKI » de la marque « BERBERISM » qui raconte les fables des montagnes du Rif, reprend le son de l’Imzad au fin fond de Ténéré et récolte des olives de Kabylie pour les transformer en bijoux. Née dans une famille berbère, elle grandit dans un milieu artistique et artisanal entre Alger et Paris. Sa maman lui apprend à coudre dès l’âge de 7 ans. Crochet, broderie, tricotage, ce ne sont pas les techniques qui manquent. Depuis, la créativité de sa maman et l’originalité de ses créations n’ont pas cessé d’inspirer notre artiste dans tout ce qu’elle confectionne avec ses mains. De là, nait « BERBERISM », son concept de design. Le cuir étant le matériau principal de ses œuvres, elle le privilégie pour sa souplesse et sa rigidité à la fois, son aspect trottant entre le folk et le rock mais aussi l’image légendaire et même futuriste que le cuir produit. Quand Hayet parle de ses genèses, elle conçoit tout en étant en transe, en catalepsie totale. Répétitions et rythmes dégageant de la dynamique, elle redonne vie aux matériaux. Couper, découper, encore couper et puis coller, plus de colle, recoller, avec BERBERISM, on s’ennuie jamais !
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Tribal, tropical, africain mais surtout berbère. Une tradition portée dans les vagues du contemporain évoquant des images et des impressions d’un premier rendez-vous chez certains et d’un « déjà-vu » chez d’autres. Fait main, cousu main, c’est ainsi que BERBERISM porte en lui une identité ancestrale et tâche de conserver notre mémoire collective.
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VOYAGE ET DÉCOUVERTE
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ALGÉRIANITÉ RADIOSCOPIE D’UN SENTIMENT NATIONAL ASSEZ PARTICULIER Younes FOUDIL
Indépendamment de leurs origines tribales, de leurs différences régionales, de leurs diversités culturelles et linguistiques, les algérien(ne)s ont su forger une identité singulière et développer un fort sentiment d’appartenance qui frôle souvent le chauvinisme. Que ce soit en scandant « one, two, three, viva l’Algérie » ou en arborant le drapeau vert et blanc ou encore en faisant honneur à leur pays dans différents domaines (Arts, recherche scientifique, sport…), les manifestations d’appartenance à l’Algérie sont tellement multiples et variées. Il est vrai que l’Algérie est « officiellement » un pays arabo-musulman. Mais, elle est avant tout un pays maghrébin partageant avec ses voisins des valeurs communes et spécifiques à cette région nord-africaine. Si la région a vu, au fil des siècles, défiler une succession d’empires, de royaumes et de mouvements de populations, les amazighes, peuple autochtone, ont su préserver leur authenticité tout en s’ouvrant sur les autres cultures, forgeant ainsi une identité propre qui a pu traverser les siècles et résister à une acculturation forcée imposée par les conquérants, romains, byzantins, arabes, ottomans et finalement européens. L’Algérie, à l’instar des autres pays maghrébins, a dû subir depuis le 15e siècle, des assauts et incursions répétés et de plus en plus violents des puissances européennes. Sous l’étendard du djihad, les algériens se sont organisés pour la lutte contre les infidèles sur terre et sur mer, galvanisés par un fort sentiment d’appartenance nationale et par leur foi musulmane. Le djihad mené par l’Emir Abdelkader est emblématique à plusieurs égards. Lâchés, à la fois, par les ottomans et par un pouvoir central affaibli et livrés à eux-mêmes, c’est autour de l’Emir que les algériens se sont rassemblés pour combattre le colonisateur français, sous l’étendard de l’Islam. Au-delà de tout romantisme historique ou de considérations religieuses, la résistance de l’Emir Abdelkader était surtout le point de départ d’une prise de conscience de l’existence de la Nation Algérienne et préfigurait la fondation, à terme, d’un Etat unitaire moderne et souverain. Ce rêve d’Etat unitaire, qui a bercé plusieurs générations de femmes et d’hommes, a été au centre des revendications des révolutionnaires et c’est ce même rêve qui a galvanisé les moudjahidines à donner leurs vies pour que les Algérien(ne)s puissent vivre dignement sous la bannière d’un Etat libre et indépendant. 76 I www.monokromemag.com
© Midou Dambri
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Emportés par la ferveur nationaliste des premières années de l’indépendance et par aspiration à un lendemain meilleur, les Algérien(ne)s se sont attelés à construire leur pays. D’ailleurs, ils l’ont toujours fait, mais ce qui était particulier à cette période, c’était l’émergence d’un nouveau facteur fédérateur, « l’Algérianité », sentiment national fort et renouvelé, symbole de l’identité singulière du peuple algérien. Les sacrifices consentis par le peuple algérien pour son indépendance, son aspiration à un vivre ensemble dans la dignité et la prospérité, sa solidarité avec les peuples, jadis sous occupation coloniale, ont forcé le respect de plusieurs pays et ont contribué à l’émergence du « Nif », forme de sentiment de fierté portée à l’exaltation voire même à l’exagération. Clamer fièrement son « algérianité » est devenu dans les années 70/80/90 comme un réflexe qui surgit de manière presque mécanique quand on s’adresse à un européen. C’est comme si on essayait de conjurer un sort, de braver l’interlocuteur ou tout simplement de le subjuguer en se prévalant d’un sentiment national sous-tendu d’un aura écrasant. D’aucuns ont qualifié l’Algérie du dernier « Village Gaulois » en référence au village d’irréductibles gaulois de la BD d’Astérix. Pourquoi ? Les algériens, à cause justement de ce sentiment « d’algérianité » ne chercheront jamais à flatter ou à impressionner un européen, et plus particulièrement un français, contrairement à beaucoup de peuples qui s’efforcent à donner une bonne image d’euxmêmes et de leurs pays. Torse bombé, un algérien clamera toujours haut et fort son « algérianité ». On reproche aux algériens de s’emporter facilement, d’être crus et irascibles, de manquer de tact, d’être ostentatoirement dépensiers…Par contre, on leur reconnait leur bonté, leur hospitalité et leur générosité, leur joie de vivre, leur nature joviale…Ce sont tout simplement des traits de caractère propres aux algériens, mélange hétéroclite de l’héritage amazighe, de la culture arabo-musulmane, des influences européennes et subsahariennes et finalement de l’esprit révolutionnaire. Sacré Melting-pot cette « Algérianité » au final. Toutefois, les régionalismes existent bel et bien et certaines revendications culturelles et linguistiques, si elles ne sont pas traitées avec sérieux et diligence, risquent, à termes de muer en revendications politiques, voire même régionalistes, en partant écorner ce sentiment national que des générations d’algérien(ne)s ont forgé avec beaucoup d’amour et d’espoir. Ceci dit, s’il est salutaire de tirer la sonnette d’alarme de temps en temps, il ne faut pas cependant céder à la tentation de dramatiser à outrance. L’Algérie se porte bien et le peuple algérien, dans sa globalité, est rassemblé autour de son aspiration à un Etat démocratique, à une société égalitaire, à une vie digne et à un avenir meilleur. Aspirations pour lesquelles plus d’un million de Chahid a donné sa vie et pour lesquelles des millions marchent pacifiquement aujourd’hui. Pour une Algérie libre et démocratique. © Walid talbi
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LE TOURISTE Hichem MERADJI
« Mais qu’est-ce qu’il a ce maudit soleil à s’acharner sur moi aujourd’hui ? » Pesta-t-il en cherchant davantage d’ombre sous un arbre dégarni, il était là depuis une heure ou peut-être plus, quand un vieux vient perturber l’état de ses affaires « Ya Bni ( O mon fils ) fais quelque chose de ta jeunesse, hram a’lik ». Il leva la tête comme ahuri par cette remarque « Je ferai mieux d’envoyer une pierre sur ta tête chauve, oui, espèce de vieux fouilleur » « de toute façon, ce quartier n’a plus d’attrait pour moi.. Je dégage » . Dans certains quartiers on l’appelle Le Touriste, parce qu’on le voit souvent traverser les lieux sans savoir d’où il venait, dans d’autres, on l’appelle « la Tour » ou plus souvent « Le mirador » il prend place, et tel un soldat fidèle il ne bougeait point. Cette journée aurait pu ressemblait à celles qui l’ont vu changer de résidence, De Audin à Al Biar, de la place des martyre à La grande poste, Sauf que cette fois-ci un objet sur le sol avait attiré son attention, l’objet ressemblait à un carnet. « c’est un journal intime, mais pour le rendre à son propriétaire il va falloir l’ouvrir d’abord » il ricana heureux de sa découverte, il ouvrit le journal avec ce malin plaisir de faire quelque chose de défendu, et lit « Je ne cherche en vérité, qu’à soulever le rideau, afin que je Te voie » « hm ! », un peu plus bas à gauche il lit un nom «rabia al adawiyya ». On commençait à se demander où Moh aurait-il pu disparaître. Mais à notre grande surprise, nous l’avons découvert, longeant la route national 11 affichant une pancarte « Auto stop 13 » il se dirigea donc vers Tlemcen, mais pourquoi donc ? Il baissa les vitres après la permission de son bienfaiteur « sentons ces caresses de la nature .. » déjà, nous avons compris qu’il s’est passé quelque chose dans la vie de Moh, au fait il avait même abandonné cette chic qui dessinait une grande colline à mi-chemin entre son nez et sa lèvre supérieur. Les beaux paysage du littoral se déroulaient devant lui, et il les considérait avec ces yeux de touriste hérités de sa vie antérieur, en entendant la radio de l’automobile émettre ce célèbre poème d’Andalousie « Le printemps est venu, viens qu’on profite une heure .. » « - Vous connaissez le poème où quelqu’un disait .. » Moh voulait citer un vers mais l’oublia sitôt, il sortit de sa poche ce vieux journal intime à la couverture en cuir fané et lu « ( » زدني بفرط الحب فيك تحيرا وارحم حشى بلظى هواك تسعراJe suis ivre de Ton amour, O Toi, ai pitié d’un intérieur qui s’est brûlé par le feu de Ta passion ) Moh lisait lentement, il vivait ces mots et semblait si concerné, il voulait
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continuait sa lecture quand son bienfaiteur le devança « وإذا سألتكَ أنْ أراكَ حقيقة لن َترَ ى: وال تجع ْل جوابي، ْ ( » فاسمَحet si j’ai demandé à Te voir, pardonnes, et ne dis pas Non) « Vous le connaissez donc .. » constata Moh à voix basse « Oui, il s’agit de Ibn Al faridh, on l’appelait Le Sultan des passionnés .. » Il concentra ses yeux clairs sur la route et ajouta « Tu sais mon ami, des gens préfèrent la solitude, oui oui la solitude est un choix, regarde-moi par exemple, j’ai horreur de la solitude, elle me fait peur, c’est d’ailleurs pour ça que lorsque je t’ai vu affichant la carte de Tlemcen, je me suis dit, Dieu m’a envoyé une personne pour m’accompagner, et j’étais heureux, Ibn Al Farid non, à une certaine période de sa vie il a opté pour la solitude, quinze ans, tu te rends compte ? quinze ans de solitude, au bord d’une vallée quelque part en Arabie, là il a beaucoup écrit .. » le véhicule avançait, les villes se défilaient comme des photographies heureuses, nous connaissons ce dictons qui disait « soit beau et le monde te paraitra beau » Moh sentait son âme légère, ses doigts d’habitude lourdes et dénudés de sensibilité effleuraient aujourd’hui à peine le monde extérieur, comme les membres frêles d’une abeille, quand Moh a vu la fontaine de la placette des Belombra, alors que la voiture traversait Cherchell il s’est dit « l’homme est plus vieux que je ne croyais .. » c’est que les quatre tête de la fontaine lui ont rappelé les romains ; mine de rien plus de deux mille ans d’existence, ça fait du temps, il commençait à s’inquiéter, l’idée que le monde s’est peut-être vieilli le préoccupa, heureusement que les vagues de Sidi Merouan à Tenes lui ont montré à quel point le monde sait se renouveler, l’éternelle lame se brisait devant les rocs avec autant de force qu’aux premiers jours du monde, plus tard à Salamandre, attablé, Moh a oublié toute sa misérable vie d’avant devant l’odeur savante d’une soupe de poisson où parait-il on ne fait pas pareil nulle part ailleurs « Au fait, je vais à Tlemcen chercher quelqu’un, j’en ai quelque chose qui lui appartient » confia-t-il à son bienfaiteur .. à suivre.
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2.382 MILLIONS KM² DE LIBERTÉ DE CHOIX Nadjlaa LAMRI
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L’Algérie, pays au mille et une richesses et aux multiples traditions, pays de charme et de splendeur, sa nature à l’état brute nous offre un vrai dépaysement et nous fait découvrir l’essence même du voyage dans un panel de diversité culturelle. On y vient de partout dans ce pays qui propose plusieurs formes de tourisme. Mon pays jouit d’un environnement aussi impressionnant que varié combinant de vastes chaines montagneuses, des plaines et des champs s’étendant de l’Est à l’Ouest. Nous y trouvons aussi des sites historiques, naturels, cités millénaires, paysages majestueux et authentiques, sa nature elle-même est féerique et éblouissante. Son mélange du Tell, les Atlas, les Hauts plateaux, son Sahara et ses étendues de sable à perte de vue, le Massif du Hoggar, le Tassili, la Kabylie, l’Aurès. Certains le définissent même comme un joyau classé au patrimoine mondial par l’UNESCO. 80 I www.monokromemag.com
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La méditerrané la longe sur ces 1622Km de côte, le peu qu’on puisse dire c’est que l’Algérie est un pays de mer. Ces 14 villes maritimes nous offrent des plages incontournables et des criques à la mer bleue turquoise où le ciel se confond dans l’immensité de l’horizon. Tout le territoire est connu aussi pour sa faune et sa flore, ses sentiers verts qui sont une invitation à la promenade. La couleur verte de ses montagnes et ses forêts, ses parcs nationaux notamment le Parc National de Gouraya, de Chréa et de Theniet El Had, destination touristique phare des familles en période hivernale. Ou encore ses jardins à titre d’exemple le somptueux jardin d’essai d’Alger qui renferme plus de trois mille espèces végétales. © Walid talbi
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Le Sud Saharien quant à lui, nous plonge dans une bulle de sérénité avec son sable doré, ses dunes gigantesques et ses canyons étroits. Là-bas le temps s’est arrêté, les paysages désertiques liant pitons rocheux, arches tortueuses, ainsi que de somptueuses peintures et gravures rupestres, pour le plaisir de ses visiteurs. Le Sahara est un tableau aux couleurs intemporelles et l’un des endroits les plus magiques au monde.
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L’Algérie est un musée à ciel ouvert, tout au long de notre voyage on peut y retrouver une ambiance conviviale, dans ses rues, on fait d’incroyables rencontres. Les Algériens sont ouverts et ont le sens du PARTAGE. Ses villes sont connues pour leurs monuments historiques, ces joyaux architecturaux. On peut admirer son large héritage colonial et historique en visitant : le monument aux morts, la majestueuse mosquée de l’Emir Abdelkader, le palais du Bey à Constantine, Notre Dame d’Afrique, lieu de paix et de tolérance, le bastion 23 et la Casbah d’Alger, l’église Saint Augustin à Annaba, le théâtre romain à Guelma, Ain El Fouara, les ruines de Djemila à Sétif et Timgad à Batna, Santa Cruz et le centre-ville d’Oran avec ses bâtiments remarquables… Que vous soyez en voyage ou bien juste de passage, vous trouverez un certain charme à l’Algérie. L’Algérie, ce pays aux mille facettes possède une lumière jamais vue ailleurs, les contes de fées n’ont pas tous été inventé, d’ailleurs, l’Algérie est un monde réel qui va au-delà des guides. Un pays magique qui offre un spectacle d’épanouissement, quand on y est on se sent en vie avec toute sa chaleur humaine. Qui n’aimerait pas ressentir cette fraîcheur, cette puissance infinie!
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© Faiz sofiane belkacemi
Ce pays est tel un aimant, il ne laisse pas le visiteur sans le retenir d’une façon ou d’une autre. C’est une destination vivement recommandée, on ne vit que de bons moments, on ne garde que de bons souvenirs, une expérience humaine. Check-list pour un trip en Algérie ; de la bonne humeur, un grand esprit d’aventure, tout ça accompagné d’une bonne paire de chaussures prêt à s’imprégner de la vie à l’algérienne. Et comme dit Chikh Kadda un vieil homme de mon quartier : « L’Algérie ne se raconte pas, elle se vit. » © FAIZ SOFIANE BELKACEMI
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