monokrome m a g a z i n e d ’a r t e t d e c u l t u re I w w w. m o n o k ro m e m a g .c o m
08
La nature : galerie d’art et/ou objet d’art ?
Monokrome Monokromemag
MONOKROME #08 JANVIER -FÉVRIER-MARS 2021
DIRECTRICE DE COMMUNICATION | Sabrina Nour-El-Houda LEMMOUI ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Idris FELFOUL Imen Nour BOUDIAF SMAIL LIF Zhor BENSEDDIK Djamel Eddine BELLEBCIR Mehdi FELFOUL Amir GUERMI Gaëlle HEMEURY Insaf Maissa MESSAOUDI Nour TAIEB EZZRAIMI © Photo de couverture | BORDALO II / b0rdalo_ii
12
14
16
MIMER LA NATURE Djamel Eddine BELLEBCIR / Dounia Janina HAMMOUTENE
LE NUMÉRIQUE À LA RENCONTRE DE LA NATURE Insaf Maissa MESSAOUDI
LE ROMANTISME « LA NATURE AU BOUT DES LÈVRES ET DES DOIGTS » Amir GUERMI
18
20
22
LES FABLES DE LA FONTAINE « LA NATURE AU SERVICE DE LA MORALE »
SCÈNE ET NATURE Nadjet BENADDA
L’ARBRE DANS LA PEINTURE Bizek DEBILI
24
25
26
SKIKDA, BAUME AU CŒUR Sana Yasmine HERIRECHE
LA MUSIQUE UNE INVITATION AU VOYAGE SPIRITUEL Mehdi FELFOUL
QUEL HOMMAGE POUR LA NATURE DANS LE FILM « INTO THE WILD » ? Rania GHERBAL
27
28
31
« LA RIVIERE » UN FILM DE ABDENOUR ZAHZAH Smail LIF
DES DAMNÉS DE LA TERRE AUX DAMNÉS DE LA MER Sarah BEN AMAR
« LA PETITE TAUPE AIME LA NATURE » LE FILM Smail LIF
Amina KORD
SOMMAIRE NUMÉRO 08 - JANVIER-FÉVRIER-MARS 2021
INTERVIEWS
32
40
44
BORDALO II DU DECHETS EN ŒUVRES D’ART Idris FELFOUL / Kaouther KIOUANE
LAYACHI TARIQ A LA DÉCOUVERTE D’UN MÉTIER EXCEPTIONNEL Bizek DEBILI
MOHAMED BENHADJ INTERVIEW AVEC LE FONDATEUR DE AL-TIBA9 Nour TAIEB EZZRAIMI
CONTACT Tel : +213 (0)6 98975802 / +213 (0)7 71949384 Email : pubocommunication@gmail.com
Pubo communication
Publicité digitale Pubo communication est une agence de communication, qui vous offre la possibilité de développer votre image de marque, et atteindre tous vos objectifs en matière de communication. Vous souhaitez lancer des campagnes de publicité en ligne de qualité à trafic élevé avec des méthodes de ciblage assez pointues. Facebook est un outil essentiel pour toute stratégie marketing digitale. Bien plus qu’une simple activité de community management, pubo communication vous accompagne dans votre projet de campagne allant de la phase stratégique, à la phase d’optimisation selon vos cibles et objectifs. Elle vous assurera la mise en œuvre des moyens les plus efficaces pour que vos publicités sur Facebook soient efficaces et rentables. Montrer à vos clients ou à vos visiteurs l’étendue de votre savoir-faire ou de votre patrimoine, démarquez-vous de la concurrence, communiquez sur les réseaux sociaux, voir à l’intérieur même de votre société. La video au service de votre communication: Aujourdh’ui, toute communication s’accompagne de vidéos et d’images! La production audiovisuelle est un métier précis qui demande connaissances et exigence. Quelque soit votre besoin, Pubo communication vous accompagnera dans la réalisation audiovisuelle qui mettra en avant à la fois votre image et votre expertise, tout en faisant passer les messages qui vous tiennent à coeur.
Du local au global, de l’initiative individuelle aux projets collectifs, Monokrome assure un environnement de développement professionnel et souhaite être un intermédiaire entre l’artiste, sa production et le public, afin d’apporter à tout à chacun « le supplément d’âme » que l’Art incarne. Imaginer et développer pour être un medium novateur et cohérent dans l’univers artistique, le projet est une expérience artistique et sociale dont le but est d’exister comme modérateur de maturité artistique à toutes les échelles. Nous nous voulons indépendant, transparent, convivial et accessible à tous, passeurs d’idées et d’informations afin de créer une synergie collaborative. Vous êtes artistes et vous souhaitez collaborer avec nous sur un projet, vous êtes artistes et vous souhaitez avoir un espace de promotion, vous êtes actifs dans le milieu artistique et passionné par la production culturelle et vous souhaitez rejoindre une rubrique, n’hésitez pas à nous contacter.
CONTACT Monokrome Monokromemag www.monokromemag.com monokromemag@gmail.com info@monokromemag.com
APPEL AUX MONOKROM
Monokrome a pour mis de l’Art afin de créer u passion:l’ART. Remplisse web ou par mail pour avoi publications: Monokrom sociaux. De plus, Monokrome séle les soumissions reçues p 2021.
X ARTISTES ME 101ARTISTES 2021
ssion de réunir les différents acteurs du Marché une véritable communauté autour d’une même ez et soumettez nous le formulaire sur notre site ir la chance de voir vos œuvres dans nos prochaines me magazine, Monokrome, site web et réseaux
ectionnera 101 artistes sélectionnés parmi toutes pour faire partie de notre livre annuel Monokrome
INTRODUCTION
L’OMNIPRÉSENCE DE LA NATURE DA Bizek DEBILI / Gaëlle HEMEURY
E
n écoutant la composition pour piano « jeux d’eau » de Maurice Ravel, on se rend très vite compte de l’omniprésence de la nature dans la création artistique. La nature au sens large désigne l’ensemble des espèces vivantes. Et il semble que celle-ci soit intimement liée à l’être humain. Cette dernière, a longtemps été jugé répulsive aux yeux des Hommes qui cherchaient sans cesse à s’en extraire. Cela s’est traduit par l’établissement de villes dont la construction s’inaugurait par la déforestation du lieu. Cela prenait également sens dans le rapport entretenu entre les Hommes. Les ennemis jugés en dehors de la civilisation étaient en effet présentés sous des traits bestiaux. Puis, un « renversement du regard s’est opéré » (A.Corbin). Les romantiques, notamment, ont
10
contribué à réhabiliter la nature comme digne d’être représenté et digne d’être vu (A.Robert). Dès lors, on observe dans les productions artistiques, l’émergence d’un nouveau rapport à la nature : gratifié voir idéalisé. « Un matin, l’un de nous manquant de noir, se servit de bleu : l’impressionnisme était né. » Auguste Renoir. L’impressionnisme signe une nouvelle ère et une nouvelle approche dans la création artistique, cette philosophie du temps présent et nouvelle approche ne s’est pas limitée à la peinture, mais s’est étendue presque à tous les domaines de l’art. le Dj et compositeur Cee-Roo fait de nos jours un travail remarquable et singulier dans le domaine de la musique, il a su capter les sons du quotidien
ISSUE08
© Dan MEYERS
ANS L’ART
pour en faire des œuvres magistrales. A ce propos l’immense Claude Monet disait « Je veux peindre l’air dans lequel se trouve le pont, la maison, le bateau. La beauté de l’air où ils sont, et ce n’est rien d’autre que l’impossible. » La nature nous offre ses quatre éléments à savoir, l’air, l’eau, la terre, et le feu comme une offrande à ceux qui savent où regarder pour justement saisir le moment présent et le vivre pleinement à travers une transmission artistique. Il existe aussi un cinquième élément que la nature garde précieusement et qu’il faut aller chercher. L’accès à cet élément combiné aux autres éléments que la nature offre à l’humanité, nous plonge dans une sorte de félicité divine, à l’image de l’œuvre majeure d’Igor Stravinsky « Le sacre du printemps », au cours de laquelle le compositeur nous invite à
travers de ce ballet à un voyage hors du temps et de nous même. Dans cette relation synergétique entre la nature et l’Homme, l’artiste médiateur, nous invite avec sensibilité à regarder autrement la nature, à la respecter puis à la protéger. A cet égard, l’artiste romantique du XVIIIe siècle, est parfois devenu l’artiste engagé du XXIe siècle porte parole de la cause environnementale. C’est ce à quoi le magazine Monokrome n°8, intitulé « la nature : galerie d’art et/ou objet d’art ? » souhaite interroger la nature-lieu et la nature-objet à travers des articles consacrés à l’influence et à la présence de la nature dans les démarches et productions artistiques ainsi que leurs réceptions au regard des enjeux environnementaux. www.monokromemag.com I 11
La nature : galerie d’art et/ou objet d’art ?
ARCHITECTURE
MIMER LA NATURE Djamel Eddine BELLEBCIR / Dounia Janina HAMMOUTENE
LA PERFECTION : UNE FIN. LA NATURE : UN MOYEN. La nature a toujours été la parfaite illustration de la symbiose et de l’harmonie, définissant non seulement le monde physique et ses composantes, mais aussi les propriétés qui constituent les biens-fonds des êtres. On entend donc par naturel, tout état non transformé par l’être humain, et toute propriété libre de la touche humaine. Synonyme de perfection, c’est une source de vie, d’inspiration et d’énergie, elle est l’image de l’idéal tant désiré. À travers des systèmes complexes, des formes, des mouvements et des couleurs, elle se manifeste comme une source d’alimentation des esprits créateurs, définissant ainsi l’art et la créativité, comme une imitation et une forme de reproduction de sa splendeur. Donnant naissance à la définition de Aristote dans La Poétique, qui considère que l’art est un moyen de connaître et comprendre le réel, ou la vraie valeur est l’exactitude de l’image représentée, et non pas le sujet.
UNE SOURCE D’INSPIRATION : Le génie artistique dans toutes ses formes, a toujours fait recours à la nature, comme objet d’analyse, dans un objectif de représenter la perception idéale de chaque esprit, sa conception de la réalité, son intelligence et sa façon de voir le beau. Vivre la nature c’est la concevoir, la définir, la traduire avec sensibilité. L’expression artistique a toujours été à la conquête de la parfaite représentation du beau ; et emprunter des éléments à ce que nous offre la nature chaque instant, est depuis toujours un outil d’alimentation de l’esprit artistique et un moyen de témoignage et de communication. Elle se dessine comme une dimension de l’esprit humain, suscitant la curiosité du philosophe, la sensibilité du poète, l’imagination du sculpteur, l’esprit du compositeur et la perception de l’architecte. D’innombrables exemples peuvent illustrer la présence de la nature dans la création, passant des écrits de HUGO ou de LAMARTINE, ou encore des tableaux d’ARCIMBOLDO dans son association du vivant à l’inanimé et le réel à l’illusion, ou encore les compositions d’Olivier MESSIAEN inspirées des chants d’oiseaux. Tout comme les autres formes de créations artistiques, l’architecture, elle aussi, a eu sa part d’influence sur des échelles différentes. L’AUTOMNE - GIUSEPPE ARCIMBOLDO
12
© Paul CARMONA
ISSUE08
© Toa HEFTIBA
OPÉRA DE SYDNEY
© Anna MIRCEA
SAGRADA FAMÍLIA - BARCELONE
Au fil du temps, la nature a été dans le domaine architectural, muse des architectes, puis idéal à atteindre. Alors que l’homme préhistorique habite la nature, l’homme moderne la construit. Elle est partout, même là où on ne l’attend pas. Il suffit simplement d’y prêter attention. Elle est décor, elle est image, elle est structure, elle est forme ou même fonction. Elle est beauté, elle est praticité. Mais, aujourd’hui plus que jamais, elle est nécessitée. Du détail canonique des chapiteaux qui coiffent les colonnes du Colisée de Rome, s’inspirant de la forme des feuilles d’acanthe ; à l’enveloppe de l’Opéra de Sydney imitant le galbe des coquillages. En passant par les piliers de la nef centrale de la Sagrada Familia, qui s’érigent, dépeignant l’image d’une forêt jusque dans les ramifications des arbres. La légèreté structurelle du dôme de la cathédrale Santa Maria Del Fiore empruntant sa force à celle d’une simple coquille d’œuf. Ou encore, le centre commercial d’Harare au Zimbabwe faisant face aux contraintes climatiques grâce à un système de régulation thermique reproduisant celui des termitières. Europe, Océanie ou Afrique. Antiquité, Renaissance ou temps modernes… Qu’importe l’endroit, l’époque ou la culture. Aucune architecture ne s’est refusée à la nature. Des formes géométriques aux proportions, des reprises de motifs en décorations à la naissance de l’art nouveau, et d’une architecture qui épouse son environnement à la naissance du Biomimétisme, une architecture contemporaine qui reprend des systèmes et des éléments très complexes, dans le but de répondre aux besoins actuels de l’être humain. Signifiant littéralement mimer la nature.
De nos jours, cette démarche représente plus qu’un simple désir d’atteindre l’harmonie esthétique. C’est désormais un moyen d’égaler la perfection de la création sous tous ses aspects. Qu’ils soient formels, esthétiques mais surtout fonctionnels. Face aux enjeux environnementaux auxquels le monde est confronté, le biomimétisme est vu comme le salut de notre planète. Symbiose entre architecture et environnement, réduction de l’empreinte carbone ou efficience énergétique. Des défis que les architectes relèvent, en puisant une fois de plus, leurs solutions de la nature. Nature, qui face à l’adversité, a toujours su s’adapter et survivre. Solution formelle, telle qu’illustrée dans l’aspect en fleur de lotus de l’ART-SCIENCE MUSEUM de Singapour ; permettant la récupération des eaux pluviales. Solution fonctionnelle, telle que citée plus
© Zac ONG
CATHÉDRALE SANTA MARIA DEL FIORE - FLORENCE
ARTSCIENCE MUSEUM - SINGAPORE
haut, dans l’exemple du centre commercial d’Harare. Ou solution dite écosystème, mimant ces derniers pour construire une économie circulaire, où les déchets deviennent matières premières. Telle que la mise en exergue dans le ReGen Village, un projet en cours de construction aux Pays-Bas. www.monokromemag.com I 13
La nature : galerie d’art et/ou objet d’art ?
ARTS NUMÉRIQUES
LE NUMÉRIQUE À LA RENCONTRE DE LA NATURE Insaf Maissa MESSAOUDI
SHIMOGAMO SHRINE KYOTO - TEAMLAB
Q
u’est-ce que l’art? À partir de quel instant peut-on parler de véritable création artistique reconnue? Comment peuton distinguer une œuvre d’art qui demeurera à jamais gravée dans le temps d’une simple production destinée à en mettre plein la vue, selon quel contexte? Et quelle époque? Peut-on définir les mécanismes sur lesquels s’appuient les artistes pour créer une véritable œuvre d’art?. L’art a une nature indescriptible, qui échappe sans répit à tout concept, à toute notion et à toute conception. Il est le produit d’un dessein, d’une inspiration, d’une idée et il peut dépasser de loin la réalité quand il touche au sublime. Les œuvres artistiques s’adressent à l’être humain dans sa globalité et
14
touchent de multiples profondeurs: L’intellect, l’émotionnel, l’intuitif, et le sensoriel. L’âme humaine et pleinement atteinte à travers l’art et ses fonctions. La création artistique humaine se fait à l’image de tout ce qui l’entoure, de la création du monde, de la nature en elle même. La nature peut être regardée d’un point de vue artistique comme la plus belle des œuvres d’art qui puisse exister, car elle a pu inspirer de nombreux artistes contemporains, elle semble être le modèle de toute création et production. De nos jours, il y’en a nul doute que la nature est l’une des sources d’inspirations les plus puissantes pour l’art de toutes sortes de
ISSUE08 productions artistiques, il en va de même pour les prouesses et progrès technologiques. L’art numérique et la nature sont deux concepts indivisibles qui révolutionnent le monde dans lequel ils se fondent. L’intégration de la nature dans l’art numérique a redéfini les codes de l’art contemporain en apportant ainsi de l’inspiration pour les illustrateurs et les artistes numériques, cette intégration est désormais consacrée aux motifs de la nature. Toutefois ce courant de production artistique qui utilise les sciences techniques, l’ordinateur, Internet et plus largement les nouvelles technologies numériques est apparu, les autres techniques simples comme les pinceaux et les toiles ne sont plus privilégiés. L’oeuvre d’art numérique est le fruit d’une composition de pixels sur ordinateur, produit de la collaboration complexe entre artistes et ingénieurs qui tentent de se distinguer parmi de nombreuse formes d’art en faisant appel à la nature, puisque l’art est considéré comme une image humaine de la création divine de la nature. De nos jours, les artistes numériques tentent de plus en plus à mettre en lumière l’apport des arts numériques et de la technologie qui pourront améliorer le sort de la terre en optant pour des solutions technologiques pour l’environnement qui pourraient en grande partie réparer les dégâts causés par l’homme lui même sur la planète. On parle dans ce cas alors de l’écologie numérique. Toutes les étapes du cycle de vie du numérique ont un impact sur l’environnement et sur la nature, car plus le numérique évolue , plus la responsabilité environnementale du secteur s’accroît. Les effets positifs de l’expansion du numérique restent souvent sous-estimés, pourtant de nombreux effets peuvent être remarqués sur le plan environnemental, le numérique peut être considéré comme un outil favorisant la transition écologique, en contribuant à l’abaissement considérable de consommation d’énergie dans différents secteurs d’activité et favorisant non seulement la réduction de la consommation énergétique mais aussi accompagner la transition écologique, le secteur numérique est en effet également fort consommateur de ressources naturelles.
TEAMLAB BORDERLESS ODAIBA | KYUSHU X TOKYO (JAPAN)
La nature donne naissance à des formes et des paysages qui nous frappent par leur beauté, la nature en elle même est une création artistique. Et le numérique est un outil qui permet de répondre aux différents défis infligés par l’environnement. www.monokromemag.com I 15
La nature : galerie d’art et/ou objet d’art ?
POÉSIE ET LITTÉRATURE
LE ROMANTISME « LA NATURE AU BOUT DES LÈVRES ET DES DOIGTS » Amir GUERMI
L
e romantisme est un mouvement politicoculturel né simultanément en Angleterre et en Allemagne à la fin du XVIIIe siècle. En réaction contre le rationalisme des Lumières et le classicisme, accordant de l’importance à l’individu et sa sensibilité, aux sentiments amoureux, à l’exaltation des sentiments d’appartenance à la nature qui nous entoure, c’est alors que l’expression du « moi » du héros tourmenté qui devenait le principal protagoniste des écrits et la nature en était le plus souvent le thème. Selon les postulats de l’Histoire de l’Art le mouvement artistique connu sous le nom de Romantisme a émergé en Allemagne, au XVIIIe siècle, en réponse aux Lumières. De cette manière, il rejette l’accent mis sur la raison et son admiration exacerbée suscitée par des mouvements tels que le néoclassicisme et les mouvements dits rationnels, lui-même soulignant l’importance des sentiments et leur manière de se rapporter au monde. Le romantisme propose une rupture nette avec la tradition, mettant l’accent sur la manière individuelle de ressentir la nature, la vie et toutes autres choses. Pour cette raison, c’est-à-dire à son approche émotionnelle du traitement de la réalité, ses conceptions, canons et manifestations commencent à varier de manière exponentielle à mesure que ce mouvement dépasse les limites de l’Allemagne, pour s’étendre d’abord à l’Angleterre, puis à d’autres pays européens et même l’Amérique où il arrive déjà comme postromantisme, ouvrant les portes du modernisme latino-américain, qui mettait en vedette des personnages importants tels que Rubén Darío. Tel que rapporté par les chercheurs de ce mouvement, le terme Romantisme vient du mot français « roman » qui signifie «récit». Cependant, il y a de forts détracteurs à cette théorie. Néanmoins, jusqu’à présent, un fait indéniable apporté qui est la découverte
16
philologique de la première fois où il a été utilisé. Un moment qui fait référence au milieu du XVIIIe siècle lorsque la plume de l’écrivain James Bosweell a utilisé le mot romantique : dans son livre An Account of Corsica, pour désigner des circonstances ou des moments qui ont déclenché des sentiments qui ne pouvaient s’exprimer par des mots ; ou qui, au contraire, avaient besoin d’un «récit» (en français) pour le faire. Lorsque l’œuvre a été traduite en allemand, la voix française « roman » a été traduite par romantisch et a commencé à être utilisée comme position opposée à « klassich » (classique). Cependant, dans un premier temps, le terme romantisch ne faisait référence qu’à une manière particulière de ressentir ou d’affronter le monde à partir de sentiments. Enfin, en 1819, le philosophe et écrivain Friedrich Bouterwek a utilisé le mot «Romantiker» pour nommer une école littéraire spécifique, qui cherchait à se concentrer sur ses émotions et comment elles étaient affectées par le monde environnant. Toutefois, le romantisme est le courant littéraire par excellence, puisqu’il rompt avec les barrières pré-imposées par les époques, pour créer, laissant l’imagination libre, le pouvoir élémentaire de la création, réalisant ainsi des thèmes jamais vus auparavant où le sentiment lui même prévaut sur toutes les autres choses qui étaient auparavant considérées comme pertinentes. On peut citer comme exemple : le fait de parler de l’homme en tant que tel, des sens et des sensations, et de sa relation perdue avec son environnement, avec la nature vivante et majestueuse. Il est donc romantique tout artiste qui, s’abstenant des formes d’art et des lois établies, crée librement de sa propre impulsion. Le mal du siècle : Le romantisme a cherché à trouver un
ISSUE08 équilibre intelligent entre la sensibilité et la compréhension, entre l’intérieur et l’extérieur, et pour cette raison, il a acquis, dès son apparition, un sens paradoxal en promouvant différentes manières de penser, parfois traditionalistes et d’autres fois progressistes. De même, il a accordé une attention particulière au sentiment religieux (au-delà de l’institutionnel), montrant sa préférence pour le mystère, le suggestif, le voile de la réalité, il avait aussi une prédilection pour le passé, en particulier le Moyen Âge, où le romantique cherchait la possibilité de trouver des éléments d’une société juste et des notions universellement valables sur la bonne et la vraie connaissance. Le romantisme est apparu comme un mouvement qui encourageait les gens à chercher un sens propre à leur vie à travers la solitude, l’immobilité de l’esprit et la rêverie, sans que ce sens soit isolé ou indifférent à tout ce qui n’était pas soi-même. Parce que c’était une réflexion sur notre propre condition humaine, qui est fondamentalement toute philosophie; En d’autres termes, un effort pour être une meilleure personne pour nousmêmes, avec les autres et, par conséquent, avec l’environnement qui nous entoure. C’était une tentative d’éveiller chez les gens ces traits qui font d’eux quelque chose de plus qu’un moi pensant et rationnel. Le Romanticisme : Sa principale caractéristique est peut-être de constituer un mouvement artistique et esthétique né comme proposition et réponse à des mouvements intellectuels, (Rousseau « rêverie d’un promeneur solitaire »). De même que des dimensions telles que le fantastique sont à nouveau abordées, (Théophile Gautier). « Victor Hugo » quant à lui incarna le poète assumé comme un être suprême et un créateur absolu de son œuvre, recherchant la liberté de sentir et de créer, face aux stéréotypes de l’époque. Ainsi le Romantisme développa une rébellion contre la raison dont il dénonça son infériorité par rapport au cœur et l’imagination dans la connaissance de l’Univers (Baudelaire « Les fleurs du mal »). Il exprime aussi une aspiration à la Liberté politique, que manifestaient alors la plupart des peuples européens de l’époque ce qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Dans son élan de défense des siens (de sa nation), il fut un courant qui invoquait la puissance créatrice de l’artiste, l’invitant à une création originale, qui rompt avec la poursuite de la tradition classique. Le sentiment absolu de nostalgie en référence à un âge d’or primitif considéré comme perdu,
soit en tant qu’individualité, représentée par l’enfance, soit en tant que collectif, représenté à une époque antérieure était une autre de ses particularités ;Tout comme il y avait la nostalgie du passé perdu, ce mouvement se caractérisait aussi par un mécontentement continu à l’égard du présent, (qu’il fallait modifier), ainsi que par rapport au travail artistique réalisé, considéré comme imparfait, qui était aussi persécuté par les romantiques comme moyen de contredire une fois de plus l’œuvre d’art parfaite produite par les adeptes du classicisme. (« Les confessions d’un enfant du siècle » Alfred de Musset). Son caractère nationaliste, fit tourner ce mouvement vers la littérature populaire, voire continuer à rompre avec la littérature classique, fermée et pratiquée uniquement par les grands seigneurs de la société. Cependant, ce virage sur la littérature populaire, loin de figer ou d’appauvrir le langage littéraire, l’enrichit, le dotant d’une grande vitalité et souplesse, le dépouillant des structures dures que des mouvements comme le néoclassicisme lui avaient imposés. Ses principaux représentants menaient des vies en harmonie avec leurs manifestes artistiques, s’éloignant des canons imposés par le néoclassicisme, et suivant des courants politiques libéraux et des vies classées par certains comme libertines. De même, le romantique était caractérisé par la création de mondes idéaux qui entraient en collision avec la réalité, faisant vivre son prédécesseur constamment affecté par le contraste entre sa pensée et sa recherche, et la dureté du monde qui l’entourait, donc la plupart du temps, la dépression, l’usage de substances psychotropes et le suicide étaient des caractéristiques constantes du romantique. Parmi les principaux adeptes et praticiens de ce mouvement se distinguaient des artistes importants du XVIIIe et d’une partie du XIXe siècle. Par exemple, en termes de ses meilleurs représentants dans le domaine musical, Ludwig Van Beethoven, Carl Maravons Weber et Félix Mendelssohn se démarquaient. De son côté, la peinture comptait parmi les représentants du romantisme avec Thomas Gritin (Angleterre), Caspar David Friedrich (Allemagne), AntoineJean Gros (France) et Francisco de Goya (Espagne). En ce qui concerne la littérature, le récit et le théâtre se sont fortement enrichis, se démarquant des personnalités telles que François René de Chateaubriand et Johann Wolfgang Von Goethe, dont son œuvre Faust est l’un des textes les plus marquants du romantisme. www.monokromemag.com I 17
La nature : galerie d’art et/ou objet d’art ?
POÉSIE ET LITTÉRATURE
LES FABLES DE LA FONTAINE « LA NATURE AU SERVICE DE LA MORALE » Amina KORD «La cigale et la fourmi», «Le corbeau et le renard», «Le lièvre et la tortue»,… des fables, des histoires qui parlent aux petits et aux grands. Jean de la fontaine, le poète qui a marqué l’Histoire par sa plus célèbre œuvre littéraire «Des Contes et Des Fables». Cet œuvre, un voyage dans l’univers des animaux et de la nature a connu lors de sa publication un immense succès occupant une place de choix dans le patrimoine culturel français si bien que certains de ces préceptes sont entrés dans la sagesse populaire. Ses fables, même les moins connues, font toujours l’objet de traductions dans plusieurs langues et plusieurs publications se font remarquées chaque année. Poète français du 17 siècle (un grand siècle pour la France). Tout est grand dans le Grand Siècle, la France, son roi, son église, ses armées et ses arts. Un poète passionné depuis son jeune âge par la lecture d’œuvres antiques. Destiné au départ à faire une carrière religieuse, il abandonne cette voie et devient finalement avocat au Parlement de Paris. Parallèlement à ses études, il fréquente un salon de jeunes passionnés de littérature, les «chevaliers de la table ronde» et compose ses premiers vers. Plusieurs volumes de Contes et Nouvelles, qui ne manquent pas de talent d’ailleurs, ont précédé son œuvre majeure dont la composition l’occupera une bonne partie de sa vie, puisqu’elle s’étale de 1668 à sa mort. Autrement dit, sur une période de plus de 25 ans. Selon la fontaine «L’apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l’une le corps, l’autre l’âme. Le corps est la fable, l’âme la moralité». La fable est construite comme un mini drame structuré d’une manière théâtrale : le décor assuré en quelques mots, l’intrigue exposée rapidement et progressant suivant des « actes » vers le dénouement. A titre d’exemple, la fable « les animaux malades de la peste » est structurée comme une pièce dramatique. 18
PORTRAIT PAR HYACINTHE RIGAUD (1690, AU MUSÉE DE MONTSERRAT).
ISSUE08 Le passage de l’apologue en poème ou en court drame versifié se fait grâce aux nombreuses fraicheurs que La fontaine apporte à la langue et à la prosodie. Le fabuliste utilise dans ses fables toutes les ressources de la langue au double niveau du lexique et du style. Il n’hésite pas à puiser dans tous les registres lexicaux : langues populaire, vocabulaire technique et juridique, termes archaïque, formule vieillie. Il va même créer des néologismes dans un but humoristique. A titre d’exemple, la cité des rats est appelée « Ratopolis ». Son style est très diversifié, depuis le style réaliste en passant par l’éloquence oratoire et arrivant parfois au lyrisme. Le fabuliste pratique aussi la parodie épique dans un but satirique. La versification qui pratique est largement libérée des contraintes classiques. Il utilise une variété de mètres, l’alexandrin et l’octosyllabe aussi bien que des vers très courts. Sa passion pour les œuvres antiques ne le quitte pas et seront ses principales sources pour la création de ses fables. Il ne le renie pas, au contraire il le revendique. Tout de même, il précise que son « imitation n’est point esclavage ». Il puise sa matière première de son œuvre et s’inspire de fables anciennes écrites par Esope, Horace, Abstémius, Phèdre pour la culture grecque ou encore Panchatantra et Pilpay dans la culture indienne, mais il les a considérablement améliorées. Ces fables renaissent dans une langue belle mais surtout simple en apportant au récit et à la moralité des modifications originales. Le fabuliste préserve à ce genre littéraire sa finalité traditionnelle d’efficacité pédagogique et didactique. Il affirme : « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes » Les personnages que la fontaine invite à ses fables sont classés selon qu’ils appartiennent au monde animal, humain, végétal ou mythologique pour représenter son univers. A travers ce riche panel le fabuliste vise directement la société du 17eme siècle dont on trouve une image presque complète. Il observe et dénonce hauts en couleur les mœurs, les modes de vie de son époque et les lois qui gouvernent les hommes. Il désigne à la fois les grands (le roi et les courtisans) et les petits (les paysans, ainsi que les artisans) en insistant sur l’abus de pouvoir des forts envers les faibles qui est le plus souvent évoqué et mis en scène. Grâce au caractère qu’il attribue à chaque animal, il laisse deviner qui il met en cause. Le Lion représente le pouvoir du roi et l’autorité presque divine qui aime étaler dans des pompeuses cérémonies, le Chat l’hypocrite et le Renard le rusé. Il regrette que les puissants, les riches, soient toujours les plus fort. La moralité du Loup et l’Agneau est très claire : « La raison du plus fort est toujours la meilleure. » Il plaint la vanité de l’homme (la Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf), son avarice, son hypocrisie (le Corbeau et le Renard). La fable contient soit, à la fin, au début ou au milieu, une morale qui résume la leçon qu’on doit retenir. La moralité est souvent exprimée avec vélocité : « Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami ; Mieux vaudrait un sage ennemi», ce qui la rend très semblable à un dicton : « Chacun a son défaut où toujours il revient. »… Dans l’ensemble, La Fontaine se montre pessimiste : son univers ne présente pas beaucoup d’espoir sur l’éventuelle bonté de l’homme. S’il est vain de chercher à déraciner le vice de la nature humaine, on devrait du moins travailler à acquérir une conscience plus éveillée. Avec lui, la fable n’est plus la sèche démonstration d’une morale, c’est une brève histoire à l’intrigue rapide et vive. La souplesse et le naturel du style sont en réalité le fruit d’un long travail où le poète a montré sa parfaite maîtrise de la langue et du vers. www.monokromemag.com I 19
La nature : galerie d’art et/ou objet d’art ?
ARTS DE LA SCÈNE
SCÈNE ET NATURE Nadjet BENADDA
É
tymologiquement, la scène est un mot d’origine grecque « skéné » signifiant un lieu couvert ou une tente. Cette définition plante le décor et nous plonge dans un univers couvert de sens, de significations, et des idéologies.
Tout d’abord, ce refuge artistique est symptomatique des métamorphoses et des mutations contemporaines tant textuelles, contextuelles que décoratives, prouvées par la magie des titres traités en fonction d’une rénovation scénique. En effet, Le nouveau cadre cinématographique, oscillant entre dioramas, hydroramas, théâtre nautique, écologique et climatique, transgresse l’atmosphère théâtrale classique par l’hybridité scénitique qui démarque le passage de Shakespeare à Grumberg à travers des dispositifs en assemblant la scène à la nature. Cependant, la transmutation d’un lieu en environnement (aquarium, jungle, désert, montagne... Etc.) agit sur le décor qui intervient dès lors comme un frontispice exprimant par lui-même le drame des réflexions contemporaines inter-dites, et plongeant les spectateurs dans une expérience si étrange par des portraits réalistes et symbolistes à la fois. Surtout de nos décors déployez la richesse, Qu’un tableau varié dans le cadre se presse, Offrez un univers aux spectateurs surpris… […] Ainsi ne m’épargnez machines ni décors, À tous mes magasins ravissez leurs trésors, Semez à pleine main la lune, les étoiles, Les arbres, l’Océan, et les rochers de toiles ; Peuplez-moi tout cela de bêtes et d’oiseaux. De la création déroulez les tableaux, Et passez au travers de la nature entière, Et de l’enfer au ciel, et du ciel à la terre. Cité par Goethe, Faust, Prologue sur le théâtre, traduction de Gérard
de Nerval)
La mise en scène de la nature De ce fait, La mémoire de l’eau, scène éditée par Nathalie PERNETTE dans laquelle elle aborde la pandémie, illustre amplement l’enjeu de la nature et ses signes sur la production artistique romanesque et prolifique, vu que le préambule dramaturgique tente à répondre aux anxiétés et aux obsessions épouvantes de l’homme autrement dit une résonance esthético-idéologique. Outre, Le décor traité dans la mémoire de l’eau qui est avant tout une catharsis de l’artiste mais aussi de téléspectateur car ces fragments de décor et de couleur sont des canalisateurs du thème en excitant et en suscitant la curiosité de celui-ci. Choisir une telle scène n’est qu’un symbole atypique du spectacle contemporain dont l’auteur cherche à créer et à recréer un monde réaliste relatif à l’environnement en exhibant la pureté silencieuse de l’eau vis à vis de la nuit et de l’obscurité traduite par le noir vêtu ; de même, les aspects naturels sont en sureté l’écho des voix muettes en aidant à résoudre l’énigme humaine celle de refoulement et de l’animosité entre le Moi et le Surmoi. 20
ISSUE08
LA MÉMOIRE DE L’EAU
D’un point de vue sociocritique, l’art et la nature sont complémentaires étant donné l’échappatoire émotionnelle que la culture permet à l’Homme.
LES ACTEURS THIERRY GIBAULT ET SYLVAIN MACIA SUR LA SCÈNE DU THÉÂTRE DU PEUPLE DANS LA PIÈCE “LA VIE EST UN RÊVE”, À BUSSANG
La vie est un rêve de Pedro CALDERON, est une scène mise en œuvre en 2019 à Bussang pour ambition de peindre un spectacle rétrospectif en relief entre traditions et transgressions. De ces prémices, nous signalons que Le monde cinématographique est un porte parole d’un cliché réel menacé par la haut-d’ivoire sociale. Quant à La sélection des couleurs et de style vestimentaire à l’égard de la décoration, l’artiste au sein du théâtre aux décors de nature offre à son téléspectateur une piste véridique par des reflets ludiques en marquant implicitement les frontières entre jadis et aujourd’hui, voire entre l’art cinématographique classique et celui de la jouvence. De même, l’exploration de la matière environnementale dans les expériences théâtrales ajuste la factualité à la fiction par l’esthétique scénique et visant la sphère de l’éthique culturelle et la mise en page de la contemporanéité dans le monde artistique. www.monokromemag.com I 21
La nature : galerie d’art et/ou objet d’art ?
ARTS PLASTIQUES
L’ARBRE DANS LA PEINTURE Bizek DEBILI
« C’est à toi de le dire. Je te laisse la profondeur. Mais, puisque cette masse d’ombre t’attire comme une île de fraîcheur au milieu du feu de ce jour, arrête et cueille l’instant. Partageonsnous ce bien, et faisons entre nous l’échange de ta connaissance de cet Arbre, avec l’amour et la louange qu’il m’inspire... Je t’aime, l’Arbre vaste, et suis fou de tes membres. Il n’est fleur, il n’est femme, grand Être aux bras multipliés, qui plus que toi m’émeuve et de mon cœur dégage une fureur plus tendre... Tu le sais bien, mon Arbre, que dès l’aube je te viens embrasser : je baise de mes lèvres l’écorce amère et lisse, et je me sens l’enfant de notre même terre. A la plus basse de tes branches, je prends ma ceinture et mon sac. De tes ombres touffues, un gros oiseau soudain s’envole avec fracas et fuit d’entre tes feuilles, épouvanté m’épouvantant. Mais l’écureuil sans peur descend et se hâte vers moi : il vient me reconnaître. Tendrement naît l’aurore, et toute chose se déclare. Chacune dit son nom, car le feu du jour neuf la réveille à son tour. Le vent naissant bruit dans ta haute ramure. Il y place une source, et j’écoute l’air vif. Mais c’est Toi que j’entends. » Paul Valéry, Dialogue de l’arbre 1943.
PAUL VALÉRY PHOTOGRAPHIÉ PAR HENRI MANUEL
De ses racines aux branche et feuilles, l’arbre à travers ses œuvres une perception intimiste incarne la liaison parfaite entre le sous terrain et de ce qu’est l’arbre, car selon lui l’arbre est une les cieux, déployant leurs branches, les arbres personne ! entrent dans une démarche mystique offrant béatitude et protection. La forêt longtemps lieu de la peur, en témoignent les contes pour enfants tels qu’Hansel et Gretel ou encore le petit poucet, est progressivement réhabilitée par les artistes romantiques au milieu du XVIIIe siècle. Ces derniers font de l’arbre le symbole de la force et du courage recherché. A cet effet, l’école de Barbizon contribua à établir les premiers décrets de protection des forêts. Ainsi, on observe une relation synergique entre art et nature au pied de l’arbre. Romantisme. Les peintres romantiques ont fait des forêts leurs terrains de prédilection, de John CONSTABLE à Jean-Baptiste Camille COROT, l’étude minutieuse des troncs d’arbres a décidé de leurs carrières de peintres. Poussant le détail toujours plus loin, COROT nous livre 22
JOHN CONSTABLE, THE CORNFIELD, 1826
ISSUE08
JEAN-BAPTISTE-CAMILLE COROT, SILENUS 1938
ALEXANDRE CALAME, LAC LEMAN 1849
Dans un autre registre le peintre Alexandre CALAME sublime par son génie des paysages d’arbres tombés ou en décomposition et ça lui a valu la foudre des critiques car on lui a reproché de trop s’appliquer ! Impressionnisme et Post-impressionnisme. En contemplant l’amandier de Vincent VAN GOGH ou les peupliers de Claude MONET on est très vite capté par la simplicité et la profondeur de l’œuvre, ces impressionnistes n’ont laissé aucun détail au hasard. L’arbre est omniprésent en tant que décor, relief, ombre, si ce n’est sujet principal. Ajoutant à cela une technique colorimétrique des plus typiques, l’œuvre qui en sort fouille nos mémoires pour nous mener la plupart du temps à l’enfance.
PIET MONDRIAN, ARBRE ARGENTÉ (GRAY TREE)
VINCENT VAN GOGH, L’AMANDIER EN FLEURS
Inclassables. L’arbre argenté de Piet MONDRIAN marque la frontière entre son œuvre naturaliste et son œuvre abstraite, mais là, l’abstraction de Mondrian demeure un choix et non pas une obligation, l’arbre argenté en est vraisemblablement la transition. Dans un autre registre la délicate Anita REE nous renvoi à l’essentiel. via son tableau des arbres blancs, REE nous transmet une fragilité enfantine d’une beauté pure limite transparente. Parmi tout ce beau monde le polonais Stanisław WITKIEWICZ décroche avec brio la palme de la singularité, avec sa préférence des arbres solitaires, tristes, mélancoliques, et comme coupés du monde dans un brouillard limitant leur visibilité, l’artiste saura trouver en chacun de nous le point de rupture. www.monokromemag.com I 23
La nature : galerie d’art et/ou objet d’art ?
VOYAGE ET DÉCOUVERTE
SKIKDA, BAUME AU CŒUR Sana Yasmine HERIRECHE
S
kikda, ville miraculeuse. De par son soleil éclatant et ses couleurs joviales qui égayent le cœur. La particularité de la ville de Skikda réside dans la qualité de ses fraises éblouissantes, de couleur radieuses. En forme de cœur comme un appel à l’amour. Introduite en 1920 par des Italiens. La fraise devient un repère incontournable et un élément essentiel à la ville de Skikda. Très vite adoptée par ses habitants. Elle forme aujourd’hui une partie importante de sa culture et de son identité. Il s’agit d’une fraise bio nommée « Lemkerba » savoureuse et juteuse. Elle fait partie des meilleures productions Algérienne locales sans rivales Goûts rafraichissant, couleurs épatantes et saveurs exotiques. Cette dernière est cultivée de manière traditionnelle. Essentiellement par des femmes. C’est le résultats d’un effort constant fournit par les femmes de la région qui la cultivent avec beaucoup de soin et mettent tout leur cœur à accomplir cette tâche avec beaucoup d’amour et de délicatesse. Générosité, soleil, air marin, amour et sensibilité semblent être les meilleurs composants constituant le succès sans faille de la fraise de Skikda. La fête annuelle de la fraise a lieu chaque année au mois de Mai. La ville célèbre sa spécialité dans une ambiance de fêtes, tout est au rendez-vous, fraise, confiture et jus de fraise. Skikda enfile le rouge de sa production et jouit de cette coutume si chère au cœur des locaux. Une petite escapade à Skikda se traduit comme un baume au cœur, tout y est, charme, beauté, délices, soleil et mer. Digne d’un coin paradisiaque perdu et négligé en Algérie. La paisibilité de la ville permet de mieux échapper aux vacarmes du quotidien dans le grand 24
fraisier incarné par cette ville qui plongerait incontestablement ses visiteurs dans une île aux trésors aux milles saveurs. De ce fait Skikda est une destination riche et enrichissante, permettant un épanouissement et diverses découvertes sur plusieurs plans : culturelles, historiques, culinaire en plus de son cadre agréable joliment dessiné offrant des paysages ponctués de vert et de bleue a perte de vu. « Il suffit d’un grand morceau de ciel et le calme revient dans les cœurs trop tendus » nous dit Albert Camus, cette citation prend tout sens, à Skikda le ciel est généreux et le soleil rougissant apaisent les cœurs et les âmes tourmentés et les guérissent au goût sucré de la fraise.
ISSUE08
MUSIQUE
LA MUSIQUE
UNE INVITATION AU VOYAGE SPIRITUEL Mehdi FELFOUL
C
hanter l’amour, est depuis toujours, un moyen d’exprimer les sensations les plus profondes, ainsi que les émotions enveloppées par le désir de s’envoler aux nuages de l’adoration. Et cela, ne peut vibrer les cœurs si ça sera pas assuré par une mélodie adéquate à ces fortes sensations, qui accompagne un récit poétique composé par des expressions interprétant le langage des âmes fusionnées, et une voix mélodieuse qui transmet tout cela en sonorités berçantes, aux bons entendeurs curieux et passionnés . Cette mise en scène sensationnelle était une spécialité de marque déposée dans l’Andalousie depuis plus d’un millénaire. Pendant de longues années d’art et de raffinement, l’âge où les splendeurs de Cordoue Grenade et Séville fascinaient les regards par leurs châteaux et maisons décorés par de magnifiques jardins colorés de toutes les couleurs de plantes, arbres et fleurs ingénieusement entretenus. Ainsi que par de sublimes sources d’eau naturelles, sous un beau soleil Méditerranéen, exposé dans un ciel dégagé, et une fraîcheur qui apaise les cœurs, dessinant un si joli tableau naturel dans tous les coins de sud de la péninsule espagnole dite auparavant Andalousie, façonnant une époque d’or qui marque le saint mariage inconditionnel entre l’homme et son environnement naturel. La splendeur d’Andalousie a fait inspirer ses grands poètes et musiciens, afin de nous transmettre cette beauté au langage de cœur, par des mots ficelés comme une mosaïque colorée inspirant de belles couleurs de cette nature adjacente. Ce qui a résulté des poèmes pris par des musiciens, submergés à leurs tours de cette beauté féérique, pour exprimer la danse de leurs âmes sur ses paroles , donnant naissance à
“ANDALUCIA” PAR JASMINE HASMIK
des chansons soigneusement rythmés d’humeur d’esprit pendant toute la journée ,dans une atmosphère d’amour et de joie, appelant cela « Nouba » Il faut visiter l’Andalousie, voir de près, et comprendre la perception d’esprit de ses habitants envers le cadre de vie qui l’exigeaient, pour assurer une convivialité exceptionnelle par une complémentarité entre l’envie et le savoir. Cette envie d’instaurer la beauté partout, ce qui est devenu avec le temps un confort évident, et c’est pour cela que les habitants de l’Andalousie ont exploité la diversité qui offrait la nature, perçant ainsi dans leurs génis pour mieux s’adapter en créant une manière artistique de construire, d’aménager, et d’introduire cette nature dans leurs demeures, en adoptant des formes et des éléments architecturales qui répondaient aux conditions naturelles imposées par la nature. Réciproquement avec la nature pour répondre au confort de l’habitation, cela a engendré une équation équilibrée et harmonieuse qui a répercuté sur l’humeur et l’inspiration des différents acteurs culturels existants, notamment les musiciens et les chanteurs, ce que l’on constate d’ailleurs dans les différents textes transmis à ce jour, où les poèmes consolident cette adoration des habitants d’Andalousie avec leurs environnements paradisiaques.
La nature : galerie d’art et/ou objet d’art ?
CINEMA ET MEDIA ARTS
QUEL HOMMAGE POUR LA NATURE DANS LE FILM « INTO THE WILD » ? Rania GHERBAL
I
nto The Wild est un film adapté d’une œuvre de Jon KARAUKER. Il a été réalisé par Sean PENN et sorti en 2007. Il raconte l’histoire d’un jeune homme diplômé qui décide d’abandonner toute forme de civilisation et de s’isoler dans la nature d’Alaska en quête de bonheur. Le film traite des sujets multiples mais dans cet article, nous nous intéresseronssurtout au thème de la nature ; comment elle a été représentée et quel hommage lui rend ce film ? Le film s’ouvre sur d’époustouflants paysages d’Alaska, une photographie saisissante et un travail de mise en scène irréprochable par le réalisateur. Cela en effet, peut duper le spectateur qui s’attendra surement à un autre bel hommage cinématographique pour la nature sauvage, une sorte d’opposition entre la nature « gentille » et la société « méchante » mais est-ce vraiment le cas ? Dans « IntoThe Wild », le jeune homme est bien décidé de tout plaquer pour entreprendre son voyage initiatique, convaincu que le bonheur, ainsi que les réponses à ses questions se trouvent dans la nature utopique. Cependant, il va vite se rendre compte que la nature n’est pas si indulgente qu’il croyait car et en dépit de trèsbelles rencontres qu’il aura l’occasion de faire en chemin, et malgré la beauté de ses paysages, la nature reste sévère et impitoyable. Le spectateur en prend en plein les yeux au début du film avec les endroits paradisiaques visités par le protagoniste. Cette œuvre est comme un grand bol d’air frais, une bouffée d’air pur mais ça ne dure paslongtemps car à mesure que le temps passe cette « gentille » nature va se transformer en un antagoniste, un obstacle pour notre jeune homme car
26
INTO THE WILD(FILM), SORTI EN 2007
figurez-vous (attention spoil) qu’à la fin, ironie du sort, le jeune s’empoisonne par mégarde en mangeant des plantes venimeuses causant par la suite sa propre mort. Cette fin donc est une façon de dire que la nature idéalisée et romanisée par le protagoniste n’existe pas, être seul dans la nature sauvage et impitoyable nous rend seul, faible mais surtout vulnérable.
ISSUE08
CINEMA ET MEDIA ARTS
« LA RIVIERE » UN FILM DE ABDENOUR ZAHZAH Smail LIF
A
bdenour ZAHZAH, né en 1973 à Blida (Algérie). Après des études supérieures en audiovisuel achevées à l’université d’Alger en 1997, il dirige la cinémathèque de Blida entre 1998 et 2003. Il tourna son premier long métrage documentaire à l’hôpital psychiatrique de Blida au tour de Frantz Fanon entre 1998 et 2003. A partir de 2006, Abdenour choisit l’Algérie pour travailler et réaliser ces films, où il marque un début de collaboration avec le producteur Yacine Laloui de Laith Media pour signer sa première fiction en 2010 intitulé « Garagouz » ou le Marionnettiste qu’est un clin d’œil admirable à tous les maux qui ont accablé ou accablent encore l’Algérie. Ellipses et simplicité en font tout le charme. « La rivière » est son dernier film documentaire sorti en 2013, qui nous fait voyager au fil du oued Sidi El Kebir qui prend ses sources à plus de 1500 mètres d’altitude du Atlas blidéen. Au bord de ce oued et tout au long de sa rive nous découvrirons des histoires particulières et insolites qui rapporte l’attachement de l’être humain à cet élément de la nature « EL OUED » Durant les 86 minutes du film, nous aurons le plaisir d’admirer une panoplie de plan large et fixe d’une nature éblouissante avec un fond sonore d’eau de la rivière qui coule, mais qui aussi nous raconte le vécu du cours d’eau qu’est personnage, observé dès son berceau, depuis les hauteurs rocailleuses et verdoyantes situées dans les cimes de l’Atlas de Blida jusqu’à l’embouchure dans la méditerranée à quelques kilomètres d’Alger la capitale. Cette naturelle rivière fait couler des larmes et des sourires, il est question de mémoire d’un bien plus dense humus dont certains
LA RIVIERE, SORTI EN 2013
survivent grâce à cette eau potable qui les ressources ainsi que leurs bêtes mais aussi pour tous leurs besoins ménagers, d’autres ont eu leurs profonds souvenirs aux côtés de cette rivière, sans pour autant passer par toutes les pertes qu’ils ont succombé, lors de la décennie noire et lors des envahissements urbains. Le oued est réceptacle de toutes les souillures, devenant un égout en cheminée par le oued, ou aussi le oued dépotoir. Mais au-delà de cette catastrophe environnementale, le film interroge l’histoire et n’aurait été qu’un reportage qui donne à voir des lieux, et écouter les habitants se raconter, le présent ou le passé lointain. www.monokromemag.com I 27
La nature : galerie d’art et/ou objet d’art ?
CINEMA ET MEDIA ARTS
DES DAMNÉS DE LA TERRE AUX DAMNÉS DE LA MER Sarah BEN AMAR
« Le pays natal est moins une étendue qu’une matière; c’est un granit ou une terre, un vent ou une sécheresse, une eau ou une lumière. C’est en lui que nous matérialisons nos rêveries; c’est par lui que notre rêve prend sa juste substance…» Gaston Bachelard1 L’environnement dans lequel se déroulent les films que nous regardons est souvent considéré comme une simple toile de fond. Le paysage, qu’il soit urbain ou pastoral, sert d’ailleurs d’introduction dans nombre de films, pour situer les personnages quant à leur occupation ou à leur mode de vie dans l’inconscient du spectateur. Autrement dit, le paysage est traité comme un contexte, quelque chose qui entoure le texte filmique, plutôt que comme un texte à part entière. Sauf peut-être quand il sert d’obstacle au protagoniste, et sa fonction se réduit ainsi à celle de simple obstacle à surmonter, rendant le héros plus valeureux, plus courageux, bref plus héroïque. Mais si l’on s’intéresse de plus près à ces décors n’ont-ils, à eux seuls, rien à nous dire, rien à nous raconter? Tentons un tour d’horizon (non-exhaustif) des classiques post-indépendance, principalement axés sur le récit décolonial, si tant est qu’il nous aide à identifier le fil conducteur qui parcourt la plupart de ces œuvres. Même si le film qui fait figure de référence à l’intérieur et au-delà de nos frontières, La Bataille d’Alger (1966) de Gillo Pontecorvo est situé en milieu urbain, la majorité des autres grandes productions de l’époque trouvent leur matière dans la terre.
dissoutes dans l’atmosphère mortifère d’une injustice ambiante et généralisée. L’Opium et le Baton (1969) d’Ahmed Rachedi, dans lequel le capitaine de la SAS rappelle à Bachir qu’”ici ce sont des paysans, près de la terre, une terre dure avec des réalités quotidiennes dures elles aussi est un autre exemple emblématique. Cette réplique n’est d’ailleurs pas sans rappeler ce que dit Bachelard à propos de cet élément, qui à la différence de l’eau, du feu et de l’air a comme premier caractère une résistance.” Ailleurs dans La Terre et les Rêveries de la Volonté (1948), le philosophe établit une dialectique du dur et du mou, qui sont les premiers qualificatifs que reçoit la résistance de la matière, la première existence dynamique du monde résistant. Ce monde résistant, on le retrouve dans une scène de L’Opium au symbolisme révélateur, qui intervient au milieu du film, et ce faisant, le coupe en deux, à l’image des habitants du village qui reçoivent l’ordre de l’armée française de décapiter leurs oliviers parce qu’ils cacheraient des moudjahidins. Ces oliviers, complices donc, qui sont là, comme les hommes, depuis des générations résistent aux coups de haches et de scies. Ils finiront dynamités par l’armée. On retrouve ici le motif de la terre éclatée des Chroniques. La poétique de ces films est là: les hommes ne sont pas seuls à lutter, c’est tout un écosystème, tout un monde dans la profondeur de sa matière qui dit non. Outre la terre brisée, explosée, on trouve une autre image discrète mais récurrente dans les classiques de cette époque, celle de la pâte.
On peut penser aux Chroniques des Années de Braise (1975) de Mohamed Lakhdar-Hamina, et son sol aride, morcelé qui apparaît dès les premières minutes du film, tel un vase fracassé par la colonisation dont l’eau et les fleurs se sont
Dans les films de Mohamed Lakhdar-Hamina, notamment Chroniques et Le Vent des Aurès (1967) les personnages féminins, quand elles sont chez elles, semblent constamment être en train de pétrir. Et qu’est-ce qu’une pâte, sinon
28 28
ISSUE08 un mélange de terre et d’eau? Si on dépasse le caractère anecdotique de la chose, on comprend bien qu’il ne s’agit pas là simplement de nourrir la famille ou les combattants, bien que la symbolique soit forte. Pétrir une pâte c’est pénétrer, fouiller cette substance qui résiste tout en cédant continuellement, c’est faire corps avec elle. Dans ces films, la pâte est un microcosme, celui de la patrie en devenir qui prend forme sous la main de la mère qui la façonne. La lutte se fait par et pour la terre. Si le cinéma algérien s’est par la suite tourné vers un terrain plus urbain pour explorer les questions sociales du moment, il n’a pas pour autant abandonné les plaines, les champs et les montagnes. Le récit contenu dans ces grands espaces a, par contre, bien changé, contexte historique oblige. Le maquis, qui pendant la guerre de décolonisation était espace de combat pour libérer le pays, est devenu pendant la Décennie Noire espace de combat pour le terroriser. C’est donc en toute logique que les films qui ont émergé de cette période ou qui la traite, notamment Rachida de Yamina Bachir-Chouikh (2002), Le Repenti (2012) de Merzak Allouache, ou encore Yema (2013) de Djamila Sahraoui, ont fait du djbel un lieu de terreur, de souffrance et de mort. La terre d’où on libère est devenue la terre où l’on enterre. On ne peut s’empêcher de penser ici à cette scène poignante du Repenti dans laquelle Djamila retrouve enfin l’endroit où est enterrée sa fille et se met à creuser frénétiquement la terre à main nue, en criant son nom, comme si elle espérait la réveiller du sommeil des morts. Ce type de traitement n’est cependant pas réservé à la thématique du terrorisme. Si l’on se tourne vers le genre documentaire, on constate aussi que la terre est devenue synonyme de vide, de désert, dans les films de ces dernières années telles que La Chine est Encore Loin (2008) de Malek Bensmail ou Samir dans la Poussière (2015) du réalisateur franco-algérien Mohamed Ouzine. Le titre métaphorique de ce dernier en dit déjà long. La terre est devenue poussière. Cet univers jadis fécond, nourricier, généreux, voilà donc ce qu’il en reste. “Tu ne trouveras pas Dieu ici” dit Samir au réalisateur, son oncle. Le vide est total. La sécheresse du monde est là tout entière. Les panoramiques apocalyptiques d’Ouzine sur ces étendues de terres murées par les montagnes et plafonnées par un ciel sombre et pesant qui semble descendre toujours plus bas sont marquants et lourds de sens. Tout le paradoxe de l’Algérie contemporaine est dans cette image: étouffer dans l’immensité de ses espaces. L’enfermement, le vide que représente
cette terre pour Samir trouve d’ailleurs un écho dans le doigt qu’il pointe vers la mer pour nous dire que par certaines nuits claires, on peut voir briller les lumières des côtes espagnoles. L’ironie d’un contrebandier qui passe son temps à franchir une frontière en ayant les yeux rivés sur une autre, qu’il ne peut que toucher du regard. Ce qui nous amène à une autre substance, l’eau et à un autre espace: la Méditerranée. La question des harragas et de leur représentation est sans doute la première chose qui vient à l’esprit, naturellement. Nous y reviendrons. Mais ce qu’ont en commun les films algériens récents où la mer joue un rôle de premier plan, c’est leur dimension onirique. Rêves d’Ailleurs, d’enfance ou de vengeance. Dans cet OFNI (Objet Filmique Non Identifié) qu’est Loubia Hamra (2014) de Narimene Mari, les Français reviennent et les enfants qui mènent l’action doivent rejouer la guerre, comme ce disque rayé qui tourne depuis plus de cinq décennies. Le film commence et se termine sur une plage d’Alger, où des enfants qui flottent au soleil, passent leur temps à jouer, c’est-à-dire à rêver. L’eau inaugure la rêverie. La loubia est d’ailleurs un plat liquide, soit dit en passant. Loubia Hamra est l’antithèse, le négatif de tous les films sur la guerre de libération: la terre est devenue eau, l’adulte enfant, au prisonnier algérien se substitue le prisonnier français, et au tragique écrasant est substitué le comique. De quoi mettre en PLS le Ministère des Moudjahidins. La seule chose qui ne change pas c’est la faim. C’est là aussi un élément significatif: les personnages ne sont pas affamés de la même façon que leurs aïeux, eux mangent. Mais ils veulent autre chose que la loubia qu’on leur sert tous les jours. Ils ont faim d’autre chose. La métaphore se suffit à elle-même. Simple et efficace, elle est révélatrice des aspirations de la société algérienne un demi-siècle après son indépendance. Ces aspirations sont les mêmes pour les harragas qui prennent la mer dans Harraga Blues (2013) de Moussa Haddad et Harragas (2009) de Merzak Allouache. Mais quel est cet «autre chose», cet Ailleurs? Cela dépend de tout un chacun. Une chose est sûre, c’est qu’il faut être libre pour l’atteindre. Et donc ce rêve est d’abord un rêve de liberté. Si les combattants d’hier luttaient pour l’émancipation de l’intérieur de nos frontières, les harragas franchissent les frontières pour les abolir. C’est une nouvelle guerre de libération qui se joue, dans laquelle le dominé n’a pas d’autres armes que ses rêves et sa détermination. Le migrant, comme le combattant avant lui, sait que les www.monokromemag.com I 29
La nature : galerie d’art et/ou objet d’art ? chances d’y laisser sa peau sont grandes, peut-être plus grandes que celles d’arriver. Ce n’est pas un hasard si Harragas s’ouvre sur un suicide. Pour Bachelard, ce qu’il appelle le complexe de Caron est présent dans tous les mythes où il est question d’un passeur. Et il est vrai que l’on trouve pléthore de cultures à travers l’Histoire où le rituel funéraire consiste à mettre en barque le corps du défunt et à le laisser chavirer vers un monde meilleur. La barque, ou, de nos jours, le bateau gonflable, porte en lui le symbole de l’au-delà. L’image inverse des films de harragas, c’est le court-métrage d’Amin Sidi-Boumediene, Al Djazira-L’Île (2012). Le premier film algérien steampunk s’ouvre sur une plage avec un personnage qu’on croirait tout droit sorti d’un roman de Jules Verne, émergeant de l’eau dans un costume de plongée au charme désuet. On découvre par la suite que ce protagoniste est européen, quand le personnage de Kader Affak lui fournit de faux papiers et lui conseille de se faire passer pour un fils d’émigré qui ne parle pas la langue. Dans cet univers parallèle donc, dans lequel la mer constitue la première et la dernière image, les migrants sont européens et cherchent à se faire passer pour des Arabes tout en ne rencontrant aucun obstacle pour obtenir leurs papiers. C’est bien de la sciencefiction, au sens propre comme figuré. Pour finir, intéressons-nous à Kindil el Bahr, (2016), un court métrage de Damien Ounouri. C’est un film qui mériterait à lui seul un essai mais nous tenterons de rester brève et concise. Nfissa, jeune mère de famille, se rend à la plage avec sa mère et ses deux enfants. Pendant qu’elle se baigne, elle est prise à partie, agressée puis noyée par un groupe de jeunes hommes. Elle se transforme ensuite en monstre marin qui tue tous les baigneurs qu’elle croise en poussant des cris électrisants, avant d’être capturée, tuée une seconde fois et exhibée sur la place publique de Cherchell, qu’on appelle encore Césarée dans le film. Avant son agression, Nfissa est moins en train de nager, que de danser dans l’eau, sur l’eau, avec l’eau dans une communion, un corps à corps avec la matière. Au repos, elle nous rappelle le fameux tableau d’Ophélie de Millais. Mais l’eau en surface, même si elle suggère la rêverie, reste esthétisante et donc superficielle. C’est au fond des eaux, dans la profondeur de la substance qu’a lieu la métamorphose de Nfissa. Cette eau qui la porte deviendra le linceul moiré qui abritera non pas une défunte mais une Scylla. Dans 30
la mythologie amazigh, Talafsa («vipère»), est un dragon aquatique qui exige qu’une jeune fille lui soit sacrifiée chaque année sous peine d’assécher puits et sources. Nfissa c’est donc la victime, la jeune fille sacrifiée par la société mais c’est aussi Scylla la prédatrice vengeresse des mers. Cette même représentation ambivalente, la victime coupable, est d’ailleurs caractéristique des tragédies grecques et des contradictions de la société algérienne dans sa perception des femmes. D’un côté raw3a, d’un autre, enfant éternelle. L’eau joue donc un rôle essentiel dans Kindil, qui l’explore autant dans sa superficialité que dans ses profondeurs. L’intranquillité de Nfissa face à une mer qui semble l’appeler irrésistiblement présage déjà la fin tragique. On rentre dans le registre onirique dès ce momentlà. En fait, sans eau, l’histoire de Kindil el Bahr ne serait tout simplement pas possible. Quel est donc ce conte que ces images d’eau et de terre nous racontent discrètement depuis soixante ans? Quelle végétation pousse silencieusement dans ce mélange obscure mais fécond? C’est le récit d’un acte, celui d’imaginer, lui-même acte de liberté. Si les cinéastes puisent leurs sujets dans le réel, l’expérience vécue, il n’en reste pas moins qu’ils fécondent en même temps notre imaginaire collectif, qui vient à son tour enrichir notre expérience du monde. L’acte d’imagination est primordial, il précède tout le reste. On pense, donc on imagine, on rêve de ce que l’on fait avant de le faire. L’infinité des images présentes dans la nature qui restent à fouiller pour en extraire la substance profonde, la poétique, est vertigineuse. Tout est déjà là. Les réalisateurs de cette génération le comprennent de mieux en mieux. Ne reste plus qu’à se greffer sur les vestiges pour créer de nouveaux mondes, de nouveaux vertiges.
Bibliographie Bachelard, Gaston; L’Eau et les Rêves: Essai sur l’imagination de la matière, Librairie José Corti (1942). Bachelard, Gaston; La Terre et les Rêveries de la Volonté, Librairie José Corti (1948).
ISSUE08
CINEMA ET MEDIA ARTS
« LA PETITE TAUPE AIME LA NATURE » LE FILM Smail LIF
L
a Petite Taupe craquante avec son nez rouge est une série animée créée en République Tchèque en 1957 avec tendresse, humour burlesque et poésie. La petite taupe et ses copains l’hérisson, le lapin et la souris vivent dans un décor aux couleurs pastel et aux formes géométriques. Après avoir été chassés de la forêt, on les voit atterrir dans une ville métropole au bruit assourdissant et l’esprit saturé. La petite taupe et ses copains véhiculent un message écolo sans aucune parole. Ce film d’animation Tchèque est réalisé par Zdenek Miler, qui est le père de la Petite Taupe, à la base peintre et illustrateur né en République tchèque, qui fait ses études en école d’art graphique pour intégrer l’école supérieure des arts de Prague. En 1942, il débute en animateur, scénariste et plasticien mais sa carrière prend un véritable tournant avec la réalisation du premier film de la Petite Taupe en 1957 sur lequel il a travaillé pendant 2 ans. Ce premier film est diffusé dans plus de 80 pays à travers le monde et rencontre un succès incontournable qui le conduit à l’adapter en livre pour enfant. Son personnage emblématique le suivra jusqu’à sa fin de carrière car il signera son dernier épisode à l’âge de 81 ans faisant de la Petite Taupe un classique. En 1969, un épisode intitulé « La Petite Taupe et le Chewing-Gum » Durant huit minutes la Petite Taupe tente de se défaire d’un chewing-gum laissé au milieu de détritus par les humains et se fait aider par ses amis. En 1979, un second épisode « La Petite Taupe et la télévision » En 6 minutes, la Petite Taupe apprend à respecter le jardin en fleurs d’une maison. En 1982, un 3ème épisode de 29 minutes « La Petite Taupe en ville » Dans cet épisode le plus long de la série d’animation, la Petite Taupe et ses amis vivent en harmonie au milieu de la forêt jusqu’à ce que la construction d’une ville vient chambouler leurs habitudes.
Sans que ces personnages prennent une ride, ils continuent à défendre les mêmes valeurs. L’emblématique et indémodable Petite Taupe est revenue en 2020 au cinéma, toujours soucieuse de l’environnement et de la préservation de la nature, avec la complicité de ses amis ils vivent des aventures extravagantes, ils sont confrontés au sujet qu’est l’écologie. Ces nouveaux épisodes proposés nous laissent voir la Petite Taupe heurtés par le comportement irrespectueux des humains envers la nature, tout en parlant de pollution et de déforestation. Ces derniers feront tout leur possible pour préserver l’environnement naturel d’une façon joyeuse et limpide afin de sensibiliser les plus jeunes envers ce fléau majeur qui menace notre société. Car ici, ce n’est pas elle qui est un « nuisible » Le 17 Juin 2020, La Petite Taupe de Zdenek Miler est fusionnée en un seul film d’animation de 43 minutes pour ravir une nouvelle génération de jeunes spectateurs. www.monokromemag.com I 31
INTERVIEWS
BORDALO II
DU DECHETS EN ŒUVRES D’ART Idris FELFOUL - Kaouther KIOUANE
I
ssu de la culture du graffiti illégal, Artur Bordalo se fait connaître sous le pseudonyme de « Bordalo II », le nom artistique qu’il choisi en hommage à son grand-père le peintre Real Bordalo , favorisant une continuité et une réinvention de son héritage artistique. Les huit années qu’il a passées à la Faculté des Beaux-Arts de Lisbonne ont permis lui de découvrir la sculpture et l’expérimentation de divers matériaux qui le distancent de la peinture. Ces œuvres représentent essentiellement des animaux multicolores en volume avec des matériaux recyclés qu’il repeint. On compte à ce jour plus d’une centaine de créatures bariolées dans une vingtaine de pays.
32
ISSUE08 Parlez nous un peu de vous ! Comment vous êtes-vous lancés dans l’installation artistique urbaine ? J’étais adepte de l’art du graffiti à Lisbonne pendant un certain tempsce qui m’a fait ressentir comme un potentiel ancré dans les murs. J’ai appris ensuite les techniques de la perspective. J’ai toujours cru que l’art devait être accessible par tous, et que seul la rue le permettait ! Vous présentez des peintures figuratives vives. Par qui ou par quoi étiez-vous influencés ? Comment votre vie influencet-elle votre motivation ? Mes grands-parents étaient ma plus grande influence dans la vie. J’ai grandi à coté de mon grand-pèreBordalo I. Je l’admirais entrain de peindre à l’acryliquetout en papotant. On parlait depuis que j’étais petit des problèmes de l’environnement à un point ou ça devenait ma principale préoccupationsur laquelle se base mon travail. Vos pièces artistiques sont très complexes. On vous a surement maintes fois posé la question : combien de temps vous faut-il pour en réaliser une ? Ça dépend de ce que je réalise. Je travaille librement,ça ne me prend pas beaucoup de temps mais ça pourra être plus long si je choisis des thèmes plus complexes qui nécessitent de la recherche. Quel est le chemin vos œuvres (ou le processus de vos réalisations), partant de l’idée jusqu’à leur création ? Et quelle est votre étape préférée ? Il existe plusieurs déclics qui font naitre l’idée principale d’une pièce : un souci environnemental, une menace du règne animal, la découverte de nouvelles espèces qui courent au risque d’extinction…ensuite je passe à la recherche d’images de référence ; et c’est à partir de là que je commence à collecter des matériaux et des déchets et les assembler de la meilleure façon pour donner vie à l’image que j’ai en tête. On voit une large diversité de déchets utilisés, des matériaux à l’état brut surtout, d’où est-ce que vous vous les procurez ? J’utilise principalement du plastique dur des conteneurs de déchets en fin de vie. On se le
procure des fabriquant de ces conteneurs qui justement essayent eux aussi de les collecter pour les recycler. Certaines municipalités ont aussi leurs déchèteries et en font parfois des dons. Quelles sont les villes qui vous inspirent en tant qu’artiste ? Voudriez-vous un jour créerune installation dans une ville africaine ? Chaque ville a surement ses particularités. Je veux installer mes œuvres en dehors de mon pays, un peu partout dans le monde ; car chaque pays, chaque ville, chaque environnement et chaque culture doivent m’inspirer différemment et m’amener à être plus créatif dans un aspect qui convient cet environnement. Je voudrais absolument visiter une ville africaine et y laisser ma trace. Etes-vous attachés ou nostalgiques à une pièce ou une œuvre que vous avez créé et qui a disparu ? Parois, oui ! On travaille continuellement, on essaye à chaque fois de se développer mais je sais que mon art est éphémère et que je dois m’habituer à la disparition de mes installations ! c’est pourquoi je les sauvegarde en plusieurs photos. La plupart de vos installations représente des animaux, aidant les gens à créer de nouveaux liens avec ces espèces et leur permettre de les voir d’une autre perspective. Pourriez-vous nous parler un peu de la série « The Big Trash Animals » ? La série a pour but d’attirer l’attention du publique sur ‘les super-consommateurs’ qu’on est devenu, et montrer le mal qu’on inflige à notre environnement et au règne animal par nos comportements. Mes installations qui représentent des animaux sont réalisés justement à partir des déchets qui tuent ces mêmes animaux ! Votre travail se répand de plus en plus dans le monde, quels changements souhaiteriez-vous apporter à travers cet art ? Qu’attendons-nous de Bordalo II prochainement ? J’aimerai voir une population plus consciente, responsable dans sa consommation passant de la démesure à la juste mesure. Il faut attendre la fin de vie des matériaux pour pouvoir réaliser de nouvelles installations ! Tout en continuant dans le mouvement d’anti consumérisme pour une planète Terre plus saine ! www.monokromemag.com I 33
INTERVIEWS
Big Trash Animals www.bordaloii.com Instagram : b0rdalo_ii
RED SQUIRREL
34
ISSUE08
YOUNG ELEPHANT
HALF BADGER
www.monokromemag.com I 35
INTERVIEWS
WHALES
36
ISSUE08
LINCE IBERICO
www.monokromemag.com I 37
INTERVIEWS
PLASTIC BAMBI
38
ISSUE08
HALF COUGAR
www.monokromemag.com I 39
INTERVIEWS
LAYACHI TARIQ
A LA DÉCOUVERTE D’UN MÉTIER EXCEPTIONNEL Bizek Debili
L
ayachi Tariq, né en Algérie le 20/10/1988 à El Tarf, depuis son enfance Tariq était toujours attiré par tout ce qui est manuel et a eu une curiosité de savoir comment les choses fonctionnent. Il a commencé par la peinture et il a fait quelques expositions un peu partout en Algérie. Par la suite, il a acheté sa première guitare à l’âge de 18 ans, il a appris à jouer d’une manière complètement autodidacte, à l’université il a pu fabriquer son premier Mandole. En 2010 Tariq est parti en France pour poursuivre ses études et a pu faire un apprentissage d’une manière autonome pour la fabrication des instruments.
40
ISSUE08 Bonjour Tariq, nous vous remercions de nous accorder cet entretien pour la huitième édition de Monokrome magazine qui aura pour thématique La nature : galerie d’art et/ou objet d’art. Inspirant non ? Avant de commencer pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ? Layachi Tariq, j’ai 32 ans et je suis luthier autodidacte né à El-Tarf à l’est de l’Algérie. J’ai obtenu un diplôme dans la mécanique énergétique et l’ingénierie en Algérie et en France, tout en restant fidèle à la culture musicale Andalouse et Châabi, qui m’inspire dans mes projets et m’aide à aller de l’avant. Votre parcours artistique a commencé très tôt avec la peinture. Pouvez-vous nous en dire d’avantages ?
a une fonction, donc pour que la sonorité soit optimale, il faut adapter les types de bois dans l’instrument. Par exemple, les bois d’harmonie comme l’épicéa, le Red Cedar, Engelmann et l’Adirondack sont des bois d’harmonie qui peuvent bien amplifier les vibrations d’une corde. D’autres bois exotiques comme le palissandre, le bois de rose, Bubinga, Cocobolo, violette, Padouk peuvent quant à eux donner différents coefficients d’absorption des ondes sonores amplifiées par la table d’harmonie, donc différentes sonorités.
Depuis l’âge de 8 ans, j’ai fait mes premiers pas avec un crayon et un papier, pour recopier des bandes dessinées. Par la suite, j’ai travaillé mon imagination pour réaliser des créations personnelles avec l’aide de la direction de la Culture de ma ville. J’ai pu participer à des échanges culturels entre plusieurs wilayas en Algérie et j’ai exposé des toiles en peinture à l’huile aussi. En abordant la nature comme thématique, qu’offre la nature à Tariq Layachi le luthier ? Dans ma passion qui est la lutherie, la matière que la nature nous offre constitue l’axe de ce métier, progressivement, je suis devenue amoureux de cette matière qui diffère d’un arbre à un autre, parfois très dure ou fragile, légère ou lourde, harmonieuse et mystérieuse. Non seulement cette matière peut donner une structure, mais aussi une sonorité, des harmonies, et des dessins naturels qui viennent du cœur des arbres. Vous vous attaquez à tous types d’instruments ou bien à une catégorie précise ? Pourriez-vous nous éclairer sur les différentes essences de bois utilisées dans votre atelier ? Tout d’abord, j’ai commencé mon expérience par le Mandole, car c’est l’instrument principal d’un orchestre de la musique chaâbi, et par la suite, je me suis intéressé à d’autres instruments, comme le Banjo, le Tar, la mandoline, l’oud Arbi, ou encore l’oud ramal, Kouitra. Les instruments à cordes pincées ont des parties qui les composent, et chaque partie www.monokromemag.com I 41
INTERVIEWS On constate via les réseaux sociaux que le grand musicien Mohamed Abdennour dit P’tit Moh utilise vos instruments et vous recommande vivement auprès des autres artistes, pouvons-nous en savoir d’avantages sur votre collaboration ? Etant donné que je ne suis pas un bon musicien, Monsieur Mohammed Abdenour me guide vers une sonorité équilibrée dans mes réalisations. Sa grande expérience et son oreille musicale absolue m’aide à avancer dans mes recherches dans le but d’améliorer mon travail. Le mandole reste une figure emblématique de la culture Châabi, quels sont les éléments qui rendent le mandole Layachi si exceptionnel ? J’essaie de me démarquer dans mon travail, et d’ajouter un travail basé sur la science, et non pas le hasard, sur des bons produits de fabrications, avec une révision de la forme, les dimensions, car un instrument doit respecter certaines dimensions physiques pour sonner juste, pour certaines lois de l’acoustique aussi, avoir une certaine dynamique. En d’autres mots, j’essaie d’optimiser plusieurs facteurs pour que le travail soit beau, équilibré, une belle sonorité, une durabilité maximale. En évoquant les modes musicaux dont baigne le classique algérien (andalou), il y a le mode El Maya. A cet effet, quel instrument pouvezvous associer à ce mode et quelle essence de bois entre dans sa fabrication ? Un instrument comme le Mandole par exemple, ne peut pas se limiter à un seul mode, il comporte plusieurs octaves sur sa touche qui peuvent nous donner plusieurs modes. Par ailleurs, pour avoir un Mandole plus au moins équilibré au niveau sonorité, j’opterai pour l’épicéa pour la table d’harmonie, du palissandre indien pour les éclisses et le fond. Nous savons que les premières sonorités que donne un instrument lors de son premier test par le luthier sont magiques. Quel type de musique vous jouez lors de l’essai de vos instruments et pourquoi ce choix ? Lorsque je monte des cordes sur un instrument pour la première fois, j’essaie toujours de jouer des harmonies pour voir à quoi ressemble le spectre de chaque note. Par la suite, je joue un peu de musique chaâbi ou bien de l’andalou, car j’ai grandi avec ces deux styles de musiques. 42
ISSUE08
Les avancées technologiques ont permis la création de quelques concepts d’instruments totalement singuliers, pensez-vous que le savoir ancestral du métier de luthier et la technologie de pointe font bon ménage ? Tous les luthiers du monde n’arrêtent pas de faire appelle aux progrès technologiques pour développer des techniques moderne pour mieux faire sonner leurs instruments et arriver à satisfaire les besoins des musiciens qui les sollicites. La lutherie restera toujours un domaine de recherche pour produire le son avec une infinité d’instruments. Tariq, nous vous remercions pour cet entretien riche en informations, nous vous souhaitons le meilleur pour cette nouvelle année et nous vous laissons le dernier mot. Je vous remercie infiniment pour cette occasion d’être l’un de vos invités sur votre magazine Monokrome.
www.monokromemag.com I 43
INTERVIEWS
MOHAMED BENHADJ
INTERVIEW AVEC LE FONDATEUR DE AL-TIBA9 Nour El Yakine TAIEB EZZRAIMI
M
ohamed Benhadj, l’un des commissaires d’art les plus influents en Algérie, est une icône de la performance. Il est connu pour son style audacieux et avant-gardiste. En vrai catalyseur des énergies créatives, il propulsé l’échange culturel et international dans le domaine de l’art contemporain en Algérie, tout en renforçant les possibilités de changement et d’évolution pour les artistes algériens et les internationaux en faisant de l’échange une vraie promotion pour l’art à un niveau supérieur. Poussé par sa vision de mise en place d’une plate-forme mondiale commune, en vue d’offrir des opportunités de croissance aux artistes émergents de l’art contemporain, Benhadj a fondé Al-Tiba9 en 2013. Une exposition internationale d’art moderne, de performance et de design de mode, qui favorise les échanges entre institutions artistiques et artistes réunis dans un environnement socio-culturel arabe.
Mohamed Benhadj poursuit son voyage, depuis plus de dix ans maintenant où il a collaboré avec le Ministère de la Culture, des Musées, des Institutions d’Art, des Ambassades et des Centres d’Art, et devient ainsi le commissaire le plus actif d’Algérie, un partenaire culturel et un Ambassadeur du Prix Arte Laguna, le célèbre concours d’art à l’Arsenal de Venise, en Italie. Son objectif est de créer un nouveau pôle d’art contemporain en Afrique du Nord, offrant au monde une expérience unique de créativité, de possibilité et de développement comme nulle part ailleurs dans le monde. 44
© Maurice MOELIKER
En 2014, Mohamed a étendu sa philosophie à Barcelone, en Espagne, où il a donné en 2017, une nouvelle touche à ses expositions d’art en fusionnant la performance et le design de mode en tant que plate-forme alternative permettant aux créateurs indépendants de s’exprimer librement et de les initier au monde de l’art.
MOHAMED BENHADJ
ISSUE08 Bonjour Mohamed tout d’abord merci de nous avoir accorder l’opportunité de réaliser cette interview, et à l’occasion on vous félicite pour le prix de Venise de l’art contemporain on est tellement fière de vous. Pouvez vous aborder avec nous votre parcours artistique ? Merci de m’avoir invité. Mon parcours artistique, pour moi, c’est l’histoire de ma vie. Je ne peux pas indiquer un âge où tout a commencé. Ce n’était pas une prise de décision ou une tendance à suivre. Dès mon plus jeune âge, le dessin, la peinture et les dessins animés ont été mon passe-temps numéro un. Même si mes parents ne pouvaient pas se permettre des loisirs supplémentaires pour mes frères, ma soeur et moi, je pouvais créer mes propres outils et proposer des idées minimalistes qui nourrissaient ma créativité. J’étais un petit garçon rêveur qui mêle l’espoir à tout ce qui l’entoure. J’ai gardé foi en mes sentiments et j’ai toujours cru à l’invisible. Bien sûr, j’ai eu du mal à avoir mon intégrité dans une société où tout semblait préétabli et défini. J’ai quitté l’Université pour poursuivre mes rêves d’art et de design et devenir directeur artistique en Algérie à l’âge de 25 ans. C’était plutôt bien pour un jeune homme qui vit le jour au jour, mais ce n’était pas mon cas. J’ai de nouveau quitté ce travail pour commencer ma carrière artistique, même si mon art n’était pas rentable. Je me suis exprimé avec la peinture, la photographie, l’art vidéo, l’art de la performance et le graphisme. De nos jours, ces expressions sont la section principale de ma plateforme, Al-Tiba9 dont la parformance, je fashion design et l’art contemporain en general. Vous faites des performances artistiques contemporaines qui reflètent votre philosophie et surtout vôtre vision artistique, Pouvez-vous nous expliquer c’est quoi votre objectif ou bien vôtre message à travers la performance ? Mes performances ont commencé lorsque j’ai pris le contrôle de ma vie. J’ai quitté la maison de mes parents pour me battre pour trouver où dormir la nuit suivante, où ranger mes affaires pour la semaine prochaine, où manger le prochain dîner. Exprimer mes sentiments en exécutant sauvagement et improvisation, était un
processus de libération de mon esprit et de mon âme. J’ai dû me faire face, admettre qui j’étais et reconnaître que je ne voulais pas être cette personne. Je me suis engagé à me réinventer peu importe les obstacles que je devais surmonter. J’ai libéré mon esprit de ses limites deja etabli dans ma tête. J’ai embrassé les dangers et dansé avec la mort de nombreuses fois, comme dans ma performance «Orifice», où je joue avec une grosse entaille dans l’œil. J’avais besoin de savoir jusqu’où je pouvais aller avec le prix que je suis prêt à payer pour me réinviter. J’ai joué et dansé dans le feu sans protection pour défier les limites de mon corps et le transmettre comme une performance visuelle de haute esthétique et montrer sa beauté. D’autres performances sont un processus de pardon, où je me suis tout pardonné, me pardonnant de ne pas être gentil avec moimême - me pardonnant de jouer petit et de vivre dans la médiocrité. Dans mes performances, je me présente pour dire au monde que j’ai toujours été ici et que la meilleure version de moi vient de se présenter pour servir l’humanité et inspirer le monde à surmonter leurs propres peurs et obstacles en se guérissant en créant leur art. et contribuer à un avenir meilleur. Quelles sont vos sources d’inspiration? Comme dit précédemment, je suis ma propre inspiration. Je plonge profondément dans mon âme et ça minspire. Maintenant que j’ai 34 ans, je repense aux 20 dernières années. Et devine quoi? Cela m’inspire. Voir comment j’ai mené ma vie, j’ai toujours cru en moi. Je suis ma plus grande inspiration. Cela me motive à avancer, à être déterminé, à réaliser mes rêves et à me réinventer. Vous avez également plusieurs projets artistiques tels que l’exposition internationale de Eltiba9... Pouvez-vous nous en parler et nous les décrire en quelques mots? Al-Tiba9 Contemporary Art est une platform internationale d’art contemporain, présentant de les arts visuels. Ses expositions annuelles se tiennent au Musée National d’Art Moderne et Contemporain MAMA d’Alger. Ce majestueux musée de cinq étages est l’un des joyaux de l’architecture néo-mauresque et un lieu populaire pour l’art contemporain en Algérie. AlTiba9 vise à saisir, d’une manière particulière, la réalité sociale qui consiste à créer une interface www.monokromemag.com I 45
INTERVIEWS entre l’Occident et le monde arabe dans une version moderne et unique à Al-Tiba9. Al-Tiba9 represente de nombreux artistes bien connus et établis de différents horizons et introduit des artistes émergents sur la scène internationale qui reflétent la société moderne et son environnement, encourageant l’innovation et la diversité des médiums, engageant potentiellement la scène artistique d’aujourd’hui. Pouvez-vous nous parler de votre participation dans le célèbre concours d’art à l’arsenal de Venise et le prix arte alguna? J’ai été sélectionné comme finaliste dans la section performance en 2015, j’ai donc fais ma performance en direct lors de la cérémonie de remise des prix à l’Arsenal de Venise. Je suis heureux d’être jusquà ce jour le seul Algérien sélectionné dans l’histoire d’Arte Laguna. C’est l’une de mes meilleures expériences à Venise. Outre la magie de la ville, le concours offre aux artistes émergents une excellente occasion de rencontrer des artistes et des professionnels de l’art de différents horizons et nationalités. Aujourd’hui, je suis partenaire du prix Arte Laguna et ambassadeur culturel représentant l’Afrique du Nord et l’Espagne. Est ce que vous avez déjà intégré la nature ou du moins envisagé de le faire comme thème dans vos performance? La seul nature que j’ai travaillé dessus, c’est bien la nature humain. je n’est pas vraiment un theme à suivre dans mon art. mes performance sont le reflet de mes etats d’ames qui s’expriment corporellement. J’avais deja fais des performances dans des espaces publiques, donc je n’ecarte pas la possibilité d’integrer la nature dans mes future projets. Vous êtes d’origine de la ville des Roses « Blida « vous pouvez nous décrire Blida en 3 mots? Je suis né à Blida, ma famille est de Blida. Je ne me rappelle pas vraiments de beaucoup de souvenirs a part ceux de ma familles et mes années en fac. C’est une belle ville avec beaucoup de charme et de classe. J’espere pouvoir la revisiter tres bientot quand apres la fin de la pandemie. 46
Un message a transmettre a l’initiative Monokrome? Je vous encourage de continuer cette initiative et de partager vos idées avec le monde. Le vrai succée c’est le pouvoir de partager sans limite, de servir l’humanité pour un future meilleur. Ayez confience en vous, en l’équipe monochrome et soyez aothontique a vous meme. Mon travail est publié sur plusieurs magazines dans le monde, et cette fois ci c’est une premiere par un magazine Algerien. je suis content que ça soit le «Monochrome».
www.altiba9.com Instagram : mohamedbenhadjofficial
www.monokromemag.com I 47
© Albert COMA BAU © Laguna PRIZE
© Albert COMA BAU
ISSUE08