Archibat n°28

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SOMMAIRE Archibat N°28

Revue maghrébine d'aménagement de l'espace et de la construction

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Editorial Opinion libre

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Tunisie : Enjeux des certifications environnementales

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Hommage 16

Oscar Niemeyer n’est plus…

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News internationales Marseille, Capitale Européenne de la Culture 2013

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Réalisation The Residence Center, Entre transparence et lumière

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Maisons d’hôtes

un patrimoine vivant reconverti Tourisme alternatif en Tunisie, de grandes promesses

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Rencontre avec Sehl Zargouni, Président de l’Association Edhiafa

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Maisons d’hôtes en Tunisie : Normes et réglementation en vigueur

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Reconversion des maisons d’hôtes : Mise en scène du patrimoine

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architectural

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Quelques exemples de reconversion - Dar Amilcar

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- Dar Khadija

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- Dar Zargouni

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- Dar Bibine

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L'équipe d'Archibat s'excuse concernant l'erreur sur le nom de l'architecte Thameur Trigui et non pas Samer Turki, et ce dans la rubrique concours d'Archibat 27

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La nouvelle palette 2013 est composée de couleurs calmes, élégantes & matures, reflétant à la fois notre rythme de vie et nous connectant dans le même temps à ces oasis de calme et de contemplation auxquels nous aspirons tous.

La machine à teinter Astral vous permet de réaliser les couleurs de la collection des tendances “Connexions 2013”, ou toute autre couleur que vous avez en tête. Vous pouvez aussi choisir l’aspect final : satin, brillant ou mat. La machine à teinter Astral est le meilleur moyen de composer la couleur de vos rêves. Créez votre propre havre de paix dans ce monde qui va à cent à l’heure pour tous les moments où vous voulez vous déconnecter et vous détendre.


SOMMAIRE 76

DIPLÔME

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Le parc urbain de Tunis

CONCOURS

Siège social de l’Instance Nationale des Télécommunications Concours adream 2012

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PATRIMOINE

Un précieux patrimoine maraboutique parti en fumée Zaouia-S sanctuaires d’un islam mystique

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URBANISME

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Les villes portuaires du Maghreb, Mutation et réforme du secteur portuaire

INVITé

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Entretien avec Stéphane Plisson, Président d’ASF

TECHNIQUES & CONSTRUCTIONS

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Traitement de façade : Showroom INOUT

AILLEURS

94

Défense 2015, Toujours plus haut toujours plus grand !

MAISON

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Le design d’un mode de vie

ARTS ET DÉCO

Nadia Jelassi « J’observe mon environnement, donc je crée »

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PHOTO

Wassim Ghozlani, La liberté au bout de l’objectif

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Livres et livraisons

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ARCHIBAT Revue maghrébine à parution semestrielle, publiée par : ABC Architecture Bâtiment et Communcation, S A 19 Rue Abou Bakr Bekri, Imm. Luxor I, Br. M/2 - Montplaisir 1073 Tunis Tél. : 216 71 904 467 - 71 907 952 Fax : 216 71 902 485 E-mail : archibat.com@planet.tn

ÉDITORIAL

www.archibat.tn

Directrice de publication Amel SOUISSI TALBI Rédactrice en chef Alia ALLAL Adjointe rédaction Zeineb ENNEIFER BEN AYED Ont collaboré à ce numéro : Walid Jaoua Alia Allal Tahar Ayachi Marwen Larbi Zeineb Enneifer Ben Ayed Hazar Ben Hamed Souissi Karim Sahbani Olfa Belhassine Faika BEJAOUI Membres fondateurs Leïla AMMAR Ali DJERBI Amel SOUISSI TALBI Achraf BAHRI MEDDEB Morched CHABBI Denis LESAGE Responsable commerciale Nawel AYADI ALLANI Publicité Zouhaira TALBI REBAI Sabra DABOUSSI Conception graphique Nadia CHIHAOUI JAZIRI Abonnement Lobna MCHIRGUI BELHAJ Impression FINZI USINES GRAPHIQUES Site web Mouna MATTOUSSI TRABELSI Les articles publiés dans cette revue, et les idées qui peuvent s’y exprimer n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, réservés pour tous pays. Les textes et photos reçus et leurs envois impliquent l’accord de l’auteur pour leur libre publication. VISA N° 2796 Autre publication de ABC

Héberger l’hôte est une pratique millénaire qui s’est développé en Tunisie discrètement depuis les années 60, dans l’absence de cadre juridique. Le contexte postrévolutionnaire a encouragé les maisons d’hôtes en Tunisie à s’unir et à se faire connaître. Aujourd’hui grâce au concours de la jeune association Edhiafa, crée en 2011 et qui compte plus de 40 hébergements couvrants tout le territoire répartis entre maisons d’hôtes, gîtes ruraux, campements et hôtels de charme, un arrêté fixant les conditions de création et de mise en exploitation des maisons d’hôtes a été récemment régit sous la tutelle de l’office National du Tourisme Tunisien. « L’objectif est de mettre en valeur tous les créneaux propres à chaque région tels que le patrimoine, l’artisanat, le terroir, la gastronomie… Nous tentons également à promouvoir les savoir-faire des régions à travers le travail des artisans locaux. » nous dit Sehl Zargouni, Président de l’Association Edhiafa. Les exemples de maisons d’hôtes que nous présentons dans ce dossier ont été sélectionnés de par la valeur patrimoniale des demeures reconverties. Les entretiens recueillis auprès de ses promoteurs d’hébergement alternatif, témoignent toute la passion qu’ils portent à la valorisation et au partage de la richesse architecturale et de l’art de vivre local. Accueillir des visiteurs dans un cadre traditionnel implique à la fois la conservation et la mise en valeur des caractéristiques architecturales ainsi qu’un réaménagement de l’espace pour l’adapter aux exigences de confort et de l'usage moderne. Les interventions sur l’organisation de l’espace, sa modification ou son adaptation aux besoins nouveaux sans porter préjudice à l’authenticité et au génie des lieux est une gageure. En effet, la restitution des valeurs originales et la mise en scène du patrimoine nécessitent une délicate et subtile alchimie entre aménagement de l’espace et choix d’ameublement. Face à ces enjeux, un label de qualité ne devrait-il pas être mis en place afin d’éviter le phénomène de « folklorisation » et de dénaturation de l’authenticité des demeures à caractère patrimonial ? Pour que la mémoire des lieux soit sauvegardée en matière de reconversion, les autorités concernées et les associations locales ont le devoir de veiller à ce que les aménagements soient réalisés dans le respect de cet héritage architectural. Le développement des maisons d’hôtes pourrait constituer alors une opportunité en termes d’offre nouvelle, complémentaire des produits touristiques existants, et véctrice d’une image positive du pays. Le tourisme alternatif permet de mettre en valeur les traditions et le mode de vie des tunisiens et de promouvoir les spécificités des différentes régions du pays, les sites historiques et les circuits culturels notamment là où les hôtels ne sont pas implantés. L’état a tout intérêt à encourager cette dynamique comme axe transversal dans les plans de développement local et communal en encadrant les projets de maisons d’hôtes afin de les mettre au niveau des standards internationaux de tourisme durable. Au fil de l’actualité, Archibat rend hommage au plus célèbre architecte brésilien de l’histoire, créateur de la ville de Brasila. Par sa disparition à l’âge de 105 ans, Oscar Niemeyer, rejoint le peloton des architectes légendaires et mythiques qui ont marqué l’histoire et l’évolution de l’architecture moderne, tel Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Mies Van Der Rohe ou Kenzo Tange dont les réalisations exercent encore aujourd'hui une influence indirecte sur le cours de l'architecture internationale. Archibat tient à remercier tous les promoteurs d’hébergement alternatif qui ont collaboré à la réalisation de notre dossier, Mr. et Mme Cherif, Mr.et Mme Bouslama, Mr. Zargouni, Mr.et Mme Planchon et Mr.Belhaouane.

Amel Souissi Talbi

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OPINION LIBRE

TUNISIE : ENJEUX DES CERTIFICATIONS ENVIRONNEMENTALES Les préoccupations environnementales sont aujourd’hui au cœur de la logique architecturale dans le monde. Elles influencent l’économie du bâtiment ainsi que la conscience du citoyen-consommateur. Les pays du monde développé se sont dotés d’un certain nombre de normes et de certifications censées garantir une préservation de l’environnement dans le bâtiment. Avant de juger de leur bien fondé, il est bon de repositionner cette démarche dans le contexte tunisien. La Tunisie est un pays en voie de développement qui revendique à juste titre son droit fondamental au développement. Mais rejoindre le peloton des pays développés est souvent une entreprise aux conséquences environnementales désastreuses. La recherche d’un accroissement rapide des richesses sans conscience environnementale se solde par un emballement du modèle, comme nous pouvons par exemple le constater en Chine.

L

a pollution générée par l’industrie et le bâtiment à Pékin est à la source d’un problème sanitaire et écologique sans précédent. En Tunisie aussi, le secteur de bâtiment est en passe de devenir le premier secteur pollueur dans un avenir très proche. Les faits sont là et nous avons suffisamment de recul pour affirmer que, tel que nous le concevons, le bâtiment est source de pollution dans toutes les phases de sa vie. De la construction à la démolition en passant par l’exploitation, notre cadre bâti est un gouffre énergétique. Les problèmes de santé publique liés aux matériaux employés sont également très préoccupants. Ainsi il apparait clairement qu’il est de notre devoir de réduire l’empreinte écologique du bâtiment sur notre environnement. L’enjeu est double ; tout d’abord cela nous permettrait de réduire notre dépendance énergétique par rapport aux pays fournisseurs et surtout cela limiterait la facture sanitaire tout en améliorant le bien être de tout un chacun. Ensuite, cette démarche doit bien entendu , être accompagnée d’une prise de conscience de tous et le rôle de l’éducation est ici primordial. Il est impensable de passer outre un programme éducatif destiné aux nouvelles générations et une mise à niveau des professionnels en cours d’exercice, et ceci, dans tous les domaines. Il est peu probable que des actions séparées dans chaque domaine puissent aboutir à un résultat satisfaisant. La notion de développement durable est effectivement basée sur une réflexion globale incluant tous les secteurs. Nous ne pouvons

tout simplement plus nous contenter de solutions ponctuelles qui masquent l’ampleur de la tâche. Je pense par exemple au photovoltaïque, présenté comme la solution miracle alors que nous achetons ce matériel à grands renforts devises et que nous les subventionnons lourdement par la suite. Il n’existe pas de solution unique et nous n’échapperons pas à une remise en question profonde de notre action. A ce stade, il est intéressant d’étudier les moyens que certains pays, dont la réflexion paraît plus aboutie, ont mis en place face à cette problématique, afin d’en tirer tous les enseignements possibles. La France a répondu à son besoin de normes par la certification HQE (Haute Qualité Environnementale). Comme beaucoup de normes françaises dans le bâtiment, cette certification est une succession d’obligations de moyens. Il s’agit d’un système cohérent pour un pays comme la France, dotée de moyens de contrôle puissants, mais il ne garantit pas pour autant de résultat en termes d’efficacité énergétique. La polémique enfle autour de cette association devenue marque et déclinée à l’international via la certification CERTIVEA. De grands architectes comme Rudy Riciotti ne mâchent pas leurs mots lorsqu’ils s’expriment à ce propos. L’HQE est en effet pour ce dernier un « programme consumériste » qui détourne les objectifs de la cause vers la surconsommation d’équipement sous couvert « d’environnement prétexte » (cf. : HQE: Les renards du temple, R., Riciotti, 2009, Ed. Al Dante). Nous avons d’ores et déjà calqué le modèle HQE sans


toutefois nous donner les moyens de contrôle, nécessaires à son bon fonctionnement. Autrement dit, nous appuyons notre dépendance matérielle et intellectuelle vis-à-vis des pays qui nous devancent sans avoir la moindre chance de répondre réellement au problème. Il ne faut pas oublier que l’HQE est une certification née dans un pays développé, riche et froid. De plus, la certification est payante et les moyens à mettre en place sont coûteux, ce qui ne manquera pas de faire gonfler une addition déjà bien salée pour la construction en Tunisie. Autres références ; LEED et BREEAM sont des certifications anglosaxonnes au système de notation précis sur les différentes phases du projet et sur de multiples critères. Elles permettent de comparer l’efficacité énergétique et les diverses performances entre les différents bâtiments, ce que ne permet pas de faire HQE. La différence avec HQE est claire : l’obligation porte sur les résultats et non sur les moyens. Cette obligation de résultat est caractéristique de la démarche anglosaxonne dans le domaine de la construction (exemple : on ne vous imposera pas de placer des portes coupe-feu tous les x mètres, mais il est de la responsabilité du concepteur de penser un bâtiment que tout le monde peut quitter rapidement en cas d’incendie). BREEAM et LEED sont actuellement les acteurs les plus crédibles à l’échelle internationale. Cependant, elles comportent les mêmes inconvénients financiers que l’HQE pour notre pays, même si elles apportent une valeur ajoutée au bâtiment en ce sens où elles renforcent l’image « verte » de la construction. Ces démarches émanent toutes d’une réelle volonté de faire évoluer les choses. Même si elles peuvent être maladroites, elles comportent en elles les possibilités de leur propre refonte. Ce ne sont donc pas des buts ultimes, mais des paliers à dépasser et à améliorer sans cesse. Pour toutes ces certifications une hausse du coût de la construction est inévitable. L’impact sur la forme du bâti est également à prendre en compte, les contraintes étant telles que la marge de conception est réduite. L’architecture tunisienne avec toute sa richesse, serait alors mise sous « tutelle » des standards mondiaux. Nous ne sommes qu’aux prémices de notre reconstruction identitaire, notre culture architecturale doit rester un repère fort tout en se développant. Se soumettre à ses standards sans apporter notre propre réflexion, comporte un risque certain de déculturation. L’achat de ces normes nous déresponsabilise faces aux réels enjeux que nous nous devons de relever : préserver et améliorer la qualité de notre environnement. En résumé, il apparaît que l’application des standards internationaux peut constituer une solution à court terme. Mais les principaux arguments contre une assimilation totale et définitive de ces modèles sont : - la dépendance que nous entretenons vis-à-vis de l’Occident aussi bien d’un point de vue matériel qu’intellectuel, - la déresponsabilisation des principaux acteurs du bâtiment et de l’environnement en Tunisie, - le glissement vers une culture architecturale mondialisée, - la hausse induite du prix du bâtiment dans son ensemble. Tout ceci sans compter le manque de moyens de contrôle dont nous disposons en aval comme en amont pour la garantie de résultats.

Quelles sont alors les alternatives à notre portée ? Notre culture en matière de construction et d’architecture nous offre une grande quantité de pistes de réponses : construire en matériaux locaux, selon des techniques locales, des édifices compacts et judicieusement exposés, traiter les ouvertures et fenêtres en fonction du climat comme cela se faisait auparavant, recréer des espaces extérieur/ intérieur à l’image des patios, etc., sont autant de techniques pleines de bons sens qui n’attendent que le dépoussiérage nécessaire à leur réhabilitation. L’optimisation des performances énergétiques et environnementales du bâtiment dans toutes les étapes de son cycle de vie, de la conception à la démolition, ou encore la mise en place d’un bilan carbone sur le cycle de vie complet constituent d’autres pistes à mettre en place. Le « copier-coller » d’une certification n’est certainement pas, à mon sens, la solution qui conviendrait le mieux à notre pays. Nous devrions imposer l’obligation de résultat, seule capable de catalyser la créativité dans la recherche de solutions concrètes, afin que cesse définitivement ce jeu malsain des subventions cache-misère. L’état financerait alors les projets les plus efficaces grâce à la mise en place d’un système de notation cohérent et contextualisé, le tout régi par une certification tunisienne et régulé par des outils de contrôle aussi bien dans les phases d’études que dans les phases d’exécution et après réception définitive. Il est nécessaire que les architectes travaillent de concert avec les ingénieurs, les urbanistes, les sociologues, etc., pour mettre fin au saucissonnage des projets, qui ne peut produire que des solutions bancales, et pour enfin penser le bâtiment ainsi que le tissu urbain comme un tout ; un ensemble cohérent. L’émergence d’une forte conscience environnementale, entre autres, grâce à la sensibilisation des plus jeunes dès leurs premières classes, instituerait la société comme prescripteur de solutions écologiques et de garantie face aux lourds défis que nous aurons à relever dans ce domaine. Quant aux actifs, la formation continue et la mise à niveau permanentes constituent pour eux une nécessité absolue, dans ce domaine comme dans tous ceux où les évolutions technologiques sont rapides. Les entreprises de bâtiment devront se mettre également à la page et répondre aux standards internationaux (BREEAM impose ISO 14001 !). Cette profonde remise en question va nous obliger à repenser notre rapport au monde. Nous avons la chance de pouvoir changer les choses et le luxe de la souveraineté de notre réflexion. Il ne faut pas voir l’environnement comme une contrainte économique. La problématique environnementale doit devenir un catalyseur économique, culturel, de confort et de santé. Nous avons les moyens de répondre à tout cela, une fois n’est pas coutume, en nous reposant essentiellement sur nos propres moyens. Aurons-nous la volonté de le faire ? ■

Walid Jaoua Architecte, ArchiMed-Studio contact@archimed-studio.net

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HOMMAGE

Oscar Niemeyer n’est plus… Oscar Ribeiro de Almeida de Niemeyer Soares, sous son vrai nom, est décédé le 5 décembre 2012 à Rio de Janeiro, à l’aube de ses 105 ans. Le grand virtuose des lignes courbes et sensuelles, qui révolutionna le monde de l’architecture en défiant les règles strictes et fonctionnelles du mouvement moderne, compte à son actif pas moins de 600 édifices à traves le monde dont une vingtaine sont encore en cours de réalisation dans plusieurs pays, aucours de ses 70 ans de carrière.

O

scar Niemeyer était considéré comme le plus grand architecte brésilien de l'histoire. "Père" de la ville de Brasilia, l'architecte brésilien aura marqué le siècle par son architecture en forme souple, avec ses bâtiments tout en courbe : "Ce n'est pas l'angle qui m'attire. Ni la ligne droite, dure, inflexible. Ce qui m'attire, c'est la courbe sensuelle que l'on trouve dans le corps de la femme parfaite". Né un 15 décembre 1907, à Rio, Oscar Niemeyer jouit d’une identité d'origines portugaise, arabe et allemande. En 1929, il entre à l'École des beaux-arts de Rio. Au cours de sa troisième année, pendant que ses condisciples optent pour un confortable apprentissage dans de grosses compagnies, il rejoint le cabinet de l'architecte et urbaniste Lucio Costa. Le jeune homme le fait gratuitement, malgré de maigres revenus. « Même à ce moment-là, les questions d'argent ne me préoccupaient pas. Je voulais juste être un bon architecte », écrira-t-il dans Mon architecture. L'intuition paye puisque Costa sera le principal idéologue de l'architecture moderne au Brésil et, au sein de son équipe, Niemeyer participe à l'acte fondateur du mouvement. En 1936, il est fraîchement diplômé quand Lucio Costa est invité à travailler sur le futur ministère de l'Éducation et de la Santé, dans le nouveau quartier des ministères à Rio. L'architecte conseil n'est autre que Le Corbusier. Centre Culturel International Oscar Niemeyer, Avilés, Espagne (2011)

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Musée d'Art Contemporain, Niteroi, Brésil (1996)


"Quand je dessine, seul le béton me permet de maîtriser une courbe d'une portée aussi ample "

Cathédrale de Brasilia, Brésil (1970)

Siège du Parti Communiste Français à Paris (1980)

Parmi ses réalisations les plus célèbres, où le verre et le béton blanc sont omniprésents, figurent le secrétariat des Nations unies à New York ou le siège du Parti communiste français, place du Colonel-Fabien, à Paris. A Rio, où il vivait, Oscar Niemeyer laisse notamment le Sambadrome, haut lieu du carnaval, et la "soucoupe volante" du musée d'art contemporain de Niteroi, qui domine la baie. Le prix Pritzker, considéré comme le Nobel de l'architecture, lui a été décerné en 1988 pour la cathédrale de Brasilia, dont la célèbre coupole en "couronne d'épines" permet à la lumière d'inonder une nef pourtant souterraine. La capitale brésilienne, qui a surgi en 1960 au beau milieu du Cerrado, plateau sauvage du centre du pays, lui doit la plupart de ses édifices publics, précurseurs du style "Space Age". Les œuvres d’Oscar Niemeyer peuvent inspirer des réactions diverses : beau, laid, bon, mauvais... Mais elles ne peuvent pas vous laisser indifférents. En forme d'avion aux ailes incurvées, Brasilia est ordonnée par deux axes perpendiculaires, selon le plan imaginé par Lucio Costa. Niemeyer en réalise la cathédrale, qui peut accueillir 4.000 personnes, le Congrès National (Chambre des députés et Sénat), le Ministère des Affaires étrangères, le Tribunal Suprême et le Palais de la Présidence, encadrant la Place des Trois Pouvoirs. Au béton armé, sa matière de prédilection, Niemeyer imprime des courbes féminines, une autre

L'Edificio Copan, Gratte-ciel à Sao Paulo, Brésil (1966)

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Museum Oscar Niemeyer, Curitiba, Brésil

de ses passions. La ville « rationnelle », d'une superficie de 5,8 km2, se dote d'un métro et de bus, de centres commerciaux, ajoute aux quartiers résidentiels des espaces verts et un lac artificiel. Bâtiments publics ou privés se succèdent partout dans le monde, il signe en 1968 le siège des éditions Mondadori dans la banlieue de Milan, en Europe comme aux Etats-Unis, à New York, où il œuvre dès 1952 aux côtés de Le Corbusier et quelques autres pour ériger le siège des Nations Unies. En France, Oscar Niemeyer est le concepteur de plusieurs édifices publics, tels le siège du Parti communiste français, place du Colonel Fabien à Paris (1965-1980), le siège du journal L'Humanité à Saint-Denis (1989), ou le centre culturel Le Volcan du Havre. Considéré comme le plus célèbre architecte brésilien, Oscar Niemeyer est l'auteur d'une œuvre majeure pour l'architecture moderne, inscrite dans le mouvement du style international. Revendiquant lui-même son attachement aux idéaux communistes, il cherche à ne collaborer à l'étranger qu'avec des maîtres d'ouvrage communistes ou apparentés. La dictature brésilienne vient définitivement briser ses illusions. Après avoir résisté, Niemeyer, en 1967, est contraint à l'exil et se réfugie en France. Il ne retourne vivre dans son pays qu'après le rétablissement de la démocratie. Cela ne l'empechera pas toutefois de marquer son nom dans l'histoire de l'architecture brésilienne et internationale ■

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Alia Allal Architecte

Salle Omnisport à Alger

Maison de la Culture du Havre, France (1982)


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NEWS

INTERNATIONALES

MARSEILLE

Capitale Européenne de la Culture en 2013 Marseille et la Provence ont inauguré le samedi 13 janvier dernier, leur tant attendu rendez-vous avec la culture, la ville phocéenne célèbre cet événement avec une grande fête populaire qui a réuni des milliers de personnes. En effet, quelque 380.000 personnes ont rempli le centre-ville pour assister à un premier quart d’heure de fête spectaculaire suivie d’une illumination inédite de la cité. La ville de Marseille redore son blason durant cette année 2013 au cours de laquelle la cité attirera des foules par un programme culturel ainsi que pour découvrir ses nouveaux aménagements.

L

e titre de Capitale Européenne de la Culture, créé en 1985 par l’Union Européenne, vise au rapprochement des peuples européens et à l’affirmation du rôle central des villes dans les domaines artistiques et culturels. Depuis Athènes, en 1985, une trentaine de villes ont obtenu ce titre convoité, dont quatre villes françaises : Paris en 1989, Avignon en 2000, Lille en 2004. En 2013, c'est Marseille et Kosice (Slovaquie) qui ont été désignées. Tout au long de l'année, elles déploieront un programme d'événements culturels exceptionnels, d'expositions, de spectacles, d'ateliers et de fêtes populaires. C’est le samedi 12 Janvier 2013 qu’a été lancée officiellement la capitale de la culture à Marseille, la fête avait démarré en fin d’après-midi par une parade de chars dans les quartiers Nord, devant quelque 6.000 personnes. Le centre a ensuite pris le relais, avec le public convié à 19 h pile à chanter, encouragé par les cornes de brume des bateaux et cloches des églises. Puis l’éclairage public s’est éteint, avant un feu d’artifice et une impressionnante mise en lumière des monuments de la ville : Fort Saint-Nicolas rayé de rouge et bleu, Notre-Dame de la Garde aux couleurs changeantes, cathédrale la Major pour la première fois illuminée. Jusqu’au 31 décembre 2013, date de clôture des festivités à Istres par un dernier spectacle pyrotechnique, plusieurs centaines d’évènements sont programmés sur tout le territoire provençal, avec la Méditerranée en thème conducteur. A Marseille d’abord, 2013 promet par exemple une rétrospective majeure sur la modernité en peinture, des expositions inédites Koudelka ou Le Corbusier, des créations théâtrales de premier plan... le tout dans des infrastructures souvent nouvelles, pérennes pour la plupart.

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Marseille-Provence, capitale de la culture en 2013 est pourtant un nouveau défi qui va permettre à la deuxième ville de France la mise en lumière de cette richesse, de ce potentiel passé, présent et à venir qui va conduire Marseille à proposer un modèle respectueux de l'alchimie singulière et fragile de l'action culturelle locale. Cela passe par l'émergence de nouveaux espaces culturels comme le Mémorial de la Marseillaise et la Maison des cinématographies de la Méditerranée du château de la Buzine inaugurés à l'été 2011, par le Silo et sa salle de 2.000 places à l'automne 2011. C'est aussi la Cité des arts de la rue dédiée à la création et à l'expression culturelle, un site unique en Europe, le centre de danse en résidence du danseur Michel Kelemenis ou encore le Musée des Civilisations d'Europe et de Méditerranée (MuCEM) qui créera, en complémentarité avec le musée du Quai Branly et avec la Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration, un pôle patrimonial et intellectuel national consacré aux cultures du monde ou encore La Villa Méditerranée (Centre International pour le Dialogue et les Échanges en Méditerranée).

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Le Mucem, Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée Y seront exposées les collections nationales de l'ancien Musée National des Arts et Traditions Populaires (MNATP), du Musée de l'Homme, une partie de celles de l'ancien Musée des Arts d'Afrique et d'Océanie, du Musée des Arts Décoratifs et des collections en cours de constitution (monde contemporain). Il sera une composante majeure de la future Cité de la Méditerranée conçue dans le cadre de l'Établissement public d'aménagement Euroméditerranée. D'une surface utile de 12.550 m², le Mucem offrira 5.700 m² d'expositions, un auditorium de 400 places, des salles de rencontres et de travail, d'activités culturelles et pédagogiques, des espaces de boutiques, café et restaurant. Les architectes du projet, Rudy Ricciotti et Roland Carta, lauréats du concours international lancé par le Ministère de la Culture en 2002, ont privilégié un volume horizontal pour ne pas entrer en conflit avec le fort Saint-Jean tout proche. Une darse sera creusée au pied du Fort Saint-Jean. Elle sera remplie d’eau de mer, pour accentuer la proximité de l’élément liquide. Le budget estimatif du projet s’élève à 216 millions d’Euros et sa livraison est prévue pour le mois de Mai 2013.

La Villa Méditerranée Située sur le môle J4, à l'ombre du Fort Sain-Jean et à proximité du futur Mucem, la Villa Méditerranée a vocation à devenir un lieu d'échanges plurisdisciplinaires entre les peuples du bassin méditerranéen. Lieu de toutes les expressions du monde méditerranéen contemporain, elle est le symbole du dialogue entre les cultures, du partage des connaissances et des techniques. Son activité, rythmée par les nombreux et réguliers échanges entre les deux rives, permettra de renforcer les liens entre toutes les populations qui vivent aujourd'hui autour de la Méditerranée. Trait d'union entre la terre et la mer, ce bâtiment amphibie (certains espaces sont sous la mer) relève d'une véritable prouesse architecturale qui se distingue par son spectaculaire porte-à-faux et son agora sous-marine. D'une surface totale de 10.000 m², ce bâtiment a été conçu par l'architecte italien Stefano Boeri.

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Le bâtiment sera divisé en trois zones regroupant les fonctions liées à l'accueil et à l'animation avec des équipements tels que cafés, boutiques, restaurants, auditoriums, salles d'exposition. Une partie résidentielle (3.100 m2) comprendra une agora de 1.000 m², des salles de conférence, un centre de documentation, des bureaux et des locaux logistiques. Elle permettra d'héberger une dizaine de créateurs pour des séjours de trois mois à un an. Le bâtiment, situé sur l'esplanade du J4, est conçu en forme de C avec la particularité que sa partie basse est invisible puisqu'elle se situe sous l'eau. L’estimation du projet avoisine les 70 millions d’Euros et sera livré en Mars 2013 ■

Alia Allal Architecte


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NEWS

INTERNATIONALES

Le nouveau stade national du Japon signé Zaha Hadid

Un jury composé de grandes pointures internationales en architecture, désigne la célébrissime architecte anglo-irakienne Zaha Hadid pour réaliser le stade national à Tokyo. C’est parmi 45 équipes internationales que la sélection a été faite par le président du jury en la personne de Tadao Ando assisté par Richards Rogers et Norman Foster. Le projet a été choisi pour son parti innovant et fluide dans le paysage tokyoïte. La nouvelle structure visuellement impressionnante remplacera l’ancienne datant de 1958 et qui a servi comme stade pour les Jeux Olympiques de 1964. Le stade dont le budget global est de 1,62 milliard de Dollars, sera livré en 2018 pour accueillir la coupe du monde de Rugby en 2019 ainsi que les Jeux Olympiques de 2020 si le Japon remporte le droit de les organiser. Bien entendu, le stade devrait aussi permettre d’organiser des concerts grandioses pour plus de 80.000 personnes. Les sièges du stade seront ajustables, le toit sera rétractable et il devrait être particulièrement en accord avec les environs. Des prouesses techniques et architecturales à la hauteur des innovations nippones

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Un pont géant entre Hong Kong et Macao D'ici 2015, les automobilistes pourront rejoindre facilement les îles de Hong-Kong et de Macao. Un pont géant est en construction entre elles. Le pont-tunnel de 38 km est une véritable prouesse technique signée par le cabinet anglais Arup. Franchissant l'estuaire de la Pearl River, entre Zhuhai et Macao, il comprend en tout trois ponts à haubans dont un de 22,8 km, plusieurs viaducs, un tunnel de 6 km et deux îles artificielles qui serviront de relais. D'un coût estimé entre 2 et 3,7 milliards de Dollars, le pont Hong Kong-Zhuhai-Macao deviendra le plus long pont maritime du monde. Il doit accueillir 14.000 véhicules à son ouverture et 49.000 en 2035. Le trajet entre les deux îles, réduit à 1h30, devrait booster le tourisme de la région.

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