SOMMAIRE
Archibat N°33 Revue maghrébine d'aménagement de l'espace et de la construction
Editorial
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OPINION LIBRE Le plan de Développement Municipal, PDM : outil incontournable de la décentralisation
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News internationales Markethal ou l’architecture « savoureuse » - Rotterdam La Fondation Louis Vuitton - Paris Musée Aga Khan - Toronto
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Séminaire Des villes saines, des villes heureuses, 2
ème
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Rencontre : villes et constructions durables
Actualité Les mosquées de Djerba L’appel de la Médina
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TUNIS, LA MÉDINA EN QUESTION (S) Quoi de neuf dans la Médina ? Un rêve de Médina
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Stratégies pour un développement durable de 34 l'ensemble historique de Tunis Processus de sauvegarde, de mise en valeur et de gestion du centre historique de tunis
Réappropriations contemporaines dans la 50 Médina de Tunis
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PIPBMT Projet d’Inventaire du Patrimoine Bâti de la Médina de Tunis
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Proposition de mise en valeur d’un parcours a vocation culturelle allant de Bab Jedid à Djama’a Ezzitouna
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Programmation et engagement des projets de restauration et de mise en valeur
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Dar Sondos et Marwen - Un Makhzen sorti de la pénombre
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Dar Lotfi Abdelli - Les artistes emménagent dans la Médina
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Dar Traki - L’amour de la Médina en héritage
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Dar Bayram - Hôtel de charme
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Dar Ben Ammar - Maison d'hôtes
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La route des consuls
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Le hammam : rites et pratiques
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Ceux qui font bouger la Médina de Tunis 86 Des associations pour la Médina
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Centres anciens en Tunisie et au Maroc
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SOMMAIRE DIPLÔME Une autre alternative pour les villas de Cacoub à Skanès
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CONCOURS national Projet de construction d'un foyer universitaire à la technopole de Borj Cedria
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PATRIMOINE Testour restaure l’horloge de sa grande Mosquée
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INVITÉE Interview de Raoudha Jebari Larbi
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AILLEURS L’architecture néerlandaise aujourdhui
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Mauritshuis, entre authenticité naturelle et innovation perpétuelle
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Stedelijk Museum, Musée national d'art moderne
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Municipalité de Brumen, l’exploration du concept de la " banque de ressources "
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EXPO KLEE MACKE MOILLIET au Musée National du Bardo
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ARCHIBAT Revue maghrébine à parution semestrielle, publiée par : ABC Architecture Bâtiment et Communcation, S A 19 Rue Abou Bakr Bekri, Imm. Luxor I, Br. M/2 Montplaisir 1073 Tunis Tél. : 216 71 904 467 71 907 952 Fax : 216 71 902 485 E-mail : archibat.com@planet.tn
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ÉDITORIAL
Directrice de publication Amel SOUISSI TALBI Conseillère de la rédaction Alia BEN AYED Assistante de rédaction Abir AZZI Ont collaboré à ce numéro : Adnène BEN NEJMA et Équipe conservation de la Médina de Tunis Adnéne EL GHALI Alia BEN AYED Denis LESAGE Feriel LEJRI Henda GAFSI Jamila BINOUS Olfa BELHASSINE Oussema ATTIA Traki ZANNAD Zoubeir MOUHLI Wahib ZANNAD Membres fondateurs Leïla AMMAR Ali DJERBI Amel SOUISSI TALBI Achraf BAHRI MEDDEB Morched CHABBI Denis LESAGE Responsable commerciale Nawel AYADI ALLANI Publicité Zouhaira TALBI REBAI Conception graphique Mouna MATTOUSSI TRABELSI Abonnement Lobna MCHIRGUI BELHAJ Impression FINZI USINES GRAPHIQUES Site web Mouna MATTOUSSI TRABELSI Les articles publiés dans cette revue, et les idées qui peuvent s’y exprimer n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, réservés pour tous pays. Les textes et photos reçus et leurs envois impliquent l’accord de l’auteur pour leur libre publication. VISA N° 2796 Autre publication de ABC : Rejoignez nous sur Archibattunisie 8
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Interpellés par « l’appel de la Médina » lancé par un collectif d’hommes d’affaires, d’experts et d’habitants de la Médina (voir page 24), nous y répondons et y consacrons notre dossier thématique. Nous proposons, le temps d’un numéro, un espace pour repositionner le débat, éclairer les questions d’un regard nouveau, envisager les pistes de réflexions inventives pour que vive la Médina ! Ce patrimoine nous appartient, nous constitue, nous structure, il revient à tous, à chacun, de participer à sa sauvegarde et à sa mise en valeur. Malgré son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, après les efforts consentis par l’association de sauvegarde, en dépit des initiatives privées, la Médina de Tunis continue de péricliter entraînée par la course folle vers une rentabilité à tout prix. Les vieilles demeures élégantes sont démolies les unes après les autres pour être remplacées par des appartements sans caractère s’inquiète Denis Lesage dans « Quoi de neuf en Médina ?». Est-il encore permis de rêver une Médina attractive où il fait bon vivre ? interroge Zoubeir Mouhli, directeur de l’Association de Sauvegarde de la Médina (ASM), qui y consacre avec passion, son temps, son expertise et son énergie, sans jamais cesser d’y croire. Joignant ses efforts à ceux de l’ASM, l’Institut National du Patrimoine s’est investi dans un vaste programme quinquennal (2014-2018) de préservation, de conservation et de mise en valeur de la Médina de Tunis et de ses deux faubourgs. Il se donne pour mission l’élaboration de stratégies d’action pour la sauvegarde, la revalorisation et la gestion pérenne du centre historique. Nous espérons que les financements seront au rendez-vous. En plus de ces actions de fond, menées par les institutions officielles, quelques amoureux inconditionnels de la Médina, s’y installent redonnant vie à des lieux abandonnés, réaménageant des makhzens, occupant des maisons ordinaires et transformant des palais en hôtel de charme. Le mouvement qu’ils impulsent entraine des associations de passionnés dans leur sillage. « L’mdina Wel Rabtine », « Carthagina » ou encore « Aswar Al Médina » comptent parmi ces collectifs citoyens qui font bouger les marques. Les Médinas du Maroc connaissent des problèmes similaires à celles de la Tunisie et les propositions des gouvernements marocain et tunisien ont bien des points communs, comme le montre la comparaison page 92. Notre invitée Raoudha Larbi compte également parmi les gens qui font bouger les choses, dans un autre domaine, celui des bâtiments civils et de la construction. Elle nous livre sa vision de sa mission d’architecte qu’elle considère d’utilité publique et nous fait part de son engagement pour une architecture éco conçue, éco construite et durable. Les architectes sont appelés en première ligne pour répondre aux aspirations sociétales exprimées haut et fort pour un meilleur cadre de vie, une meilleure gouvernance de la ville, un partage équitable du territoire. Le renouvellement des concepts, des outils opératoires, des stratégies communes, est le défi à relever. Amel Souissi Talbi
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LE PLAN DE DEVELOPPEMENT MUNICIPAL, PDM Outil incontournable de la décentralisation Au lendemain de l’Indépendance, la Tunisie a mis en place un dispositif de planification du développement économique et social relativement performant qui s’est enrichi au cours des décennies par la production, à côté des stratégies décennales et des plans quinquennaux globaux et sectoriels, de plans quinquennaux pour les grandes régions et les gouvernorats. Au niveau du contenu, les enjeux de mise en valeur de l’environnement urbain et rural, de développement durable, d’égalité de genre et de bonne gouvernance ont progressivement été intégrés dans les Plans de Développement Economique et Social, les PDES. Les PDES devaient logiquement être en cohérence avec leur traduction spatiale, les schémas nationaux et régionaux d’aménagement du territoire, ce qui n’a été que partiellement assuré. Au niveau urbain, l’absence de Plans de Développement Urbains ou Municipaux a privé les Plans d’Aménagement Urbain (PAU) d’une part, d’une vision globale, intégrée et prospective du développement des villes et d’autre part, de Plans d’Action municipaux, pour cadrer leurs priorités d’investissement quinquennales. Cette carence a été lourde de conséquences sur la faisabilité des PAU, sur la pertinence des choix d’investissement ainsi que sur la qualité de la gouvernance urbaine.
Le PDM pour concrétiser les ambitions de la Constitution
OPINION LIBRE
Le PDM est un outil de développement et d’aménagement participatif et stratégique du territoire municipal, pour la mise en valeur des richesses de la commune, la réduction des lacunes et disparités et la mise en commun des idées en vue d'un développement durable. Ce plan définit les actions stratégiques susceptibles d’impulser le développement de la commune à moyen et long termes et les actions prioritaires, spécifiques et finançables par les bailleurs de fonds nationaux (CPSCL et départements ministériels) et internationaux au niveau de l'ensemble de la commune. Le processus de planification stratégique et participative du développement des communes a été initié depuis le début des années 2000, dans plusieurs communes et agglomérations, Tunis, Sfax, Sousse, Jendouba, Siliana, Le Kef... qui ont élaboré des Stratégies de Développement de Villes, SDV.
Approche générale Le PDM reconnait la dimension sociale, économique, culturelle, environnementale et spatiale du développement des villes. Il s’intéresse principalement au territoire municipal qui coïncide le plus souvent avec celui de la ville mais qui peut, dans les grandes villes, constituer une unité territoriale s’intégrant dans le grand ensemble urbain régional, considéré comme l’unité d’analyse et l’environnement immédiat de la commune. Insuffler une dynamique de développement local sur un territoire est un processus très long et complexe qui demande l’adhésion des acteurs locaux. La planification municipale se construit avec l’engagement de toutes les parties concernées. L’identification des acteurs est donc la première phase du projet. Le PDM est un outil de négociation, de communication, de planification, un espace ouvert de dialogue et de concertation. Il implique la mise en place des outils de la bonne gouvernance locale, notamment la participation des citoyens et de la Société Civile et le partenariat public-privé, au niveau national et international. L’élaboration d’un PDM passe par 5 principales étapes : - La mobilisation de la communauté urbaine et l’engagement de tous les acteurs autour (i) d’un socle de valeurs communes et d’un projet de ville partagé qui peut être formalisé sous forme de Charte de Ville1 et (ii) d’une stratégie de communication du PDM.
Le PDM constitue une version plus avancée des SDV, pouvant s’insérer dans le dispositif de programmation des investissements communaux et susceptible de revêtir une forme institutionnelle dans le cadre du processus de décentralisation et de la révision de la Loi Organique des Collectivités Locales.
- La vision et la stratégie de développement municipal permet de définir la vision de la commune à long terme (15 ans à 20 ans), son identité, sa vocation, et ses grands objectifs de développement. La vision englobe tous les aspects liés à l’urbanisation, au développement et à l’aménagement de la commune. Elle est élaborée sur la base d’un diagnostic de l’état, des atouts et potentialités de la ville et de ses faiblesses et menaces. Elle doit être définie de manière participative, afin d’aboutir à un résultat partagé par tous.
Il offre d’une part, un cadre d’approfondissement et de structuration de la participation des citoyens, des acteurs publics et privés et de la Société Civile et d’autre part, un cadre de référence et cohérence pour la préparation du prochain Plan d’Investissement Communal, PIC.
- Le Plan d’Action correspond à la phase de planification opérationnelle du PDM. Le plan d'action constitue, pour la municipalité et pour tous ses partenaires, un plan de travail transparent et objectif, destiné à assurer la mise en œuvre effective de la planification stratégique
Enfin, la dynamique du PDM incitera les municipalités, à développer leurs capacités en matière de gouvernance locale efficiente, transparente et inclusive et de démocratie participative, répondant ainsi aux ambitions de la nouvelle Constitution.
- La programmation des investissements communaux, à travers le PIC qui est quinquennal et va donc correspondre aux priorités communales de court terme (5 ans). Le PIC doit être participatif, réaliste et faisable.
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Le Kef Il nécessite une évaluation claire des capacités financières annuelles en investissement et fonctionnement de la commune, et donc de ses sources de financement potentielles. - La publicité et la promotion du PDM et la mise en place d’un dispositif de suivi/évaluation à la fois technique et citoyen.
Les instances et acteurs du PDM L’identification des acteurs locaux concernés par le PDM est la 1ère étape du processus. La municipalité et son Conseil Municipal constituent le pivot central du processus d’élaboration du PDM. Ils mettent en place au sein de la commune, un bureau et un coordonnateur du PDM et une cellule de communication pour promouvoir le processus dès son lancement. La municipalité met en place un comité de pilotage élargi et multiacteurs pour valider l’organisation et les principaux résultats et outputs et donner les grandes orientations pour chaque étape de déroulement du processus. Ce Comité de pilotage, réuni autour de la municipalité est appuyé par : - un Comité technique constitué des services techniques de la municipalité et des départements ministériels, ainsi que par des experts issus du monde associatif, du secteur privé ou par des personnes ressources - des groupes de travail thématiques - des comités locaux de coordination, mis en place au niveau des quartiers, dès qu’une délimitation des quartiers aura été effectuée.
Le PDM, un outil manquant dans le dispositif de planification du développement en Tunisie Les PDM viendront apporter à la planification tunisienne un maillon manquant, nécessaire à l’impulsion du développement local, au plus près des citoyens, des Collectivités Locales et des acteurs locaux. Ils apporteront ainsi, une pierre essentielle au processus de décentralisation et d’instauration de la démocratie locale. CILG/VNGi se propose, en collaboration avec l’ATU, d’appuyer la première expérience d’élaboration d’un PDM qui sera engagée en janvier 2015 par la municipalité du Kef. Cette expérience viendra consolider et prolonger le travail déjà effectué dans le cadre de la Stratégie de Développement de la Ville du Kef en 2012/2013. L’initialisation du processus est une étape importante à ne pas négliger. C’est pourquoi, après l’identification des acteurs et la mise en place des instances de coordination et gestion du PDM, la municipalité du Kef devra se fixer pour priorités au cours des 3 premiers mois de : - Mettre en place la cellule de communication et un plan de communication - Préparer un atelier de lancement du PDM pour mobiliser population et acteurs locaux - Lancer le processus autour de la Charte de ville et du diagnostic sur l’état des lieux du développement de la commune.
Henda Gafsi Experte senior en gouvernance locale à CILG/VNGi Membre de l’Association Tunisienne des Urbanistes 1 Charte de ville : contrat social engageant la municipalité et les principaux acteurs locaux dans le processus de planification municipale autour de principes fédérateurs et de grandes orientations de développement.
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NEWS INTERNATIONALES
rotterdam Markethal ou l’architecture « savoureuse » Qui d’entre nous n’a jamais rêvé, ne seraitce qu’une fois d’être Alice au pays des merveilles ? Vous n’êtes pas tombés dans le terrier du lapin d’Alice, vous êtes bien dans le monde réel et précisément à Rotterdam au marché. Dès l’entrée vous êtes accueillis par un escargot géant qui se cache derrière un champignon, vous apercevez une framboise massive, des crevettes, des fleurs... Ouvert au public en octobre 2014, Markethal de MVRDV, dont le sigle est la combinaison des initiales de ses fondateurs – Winy Maas (1959), Jacob van Rijs (1964) et Nathalie de Vries (1965) – est l'un des marchés alimentaires les plus spectaculaires au monde. Il prend la forme d’un tunnel en fer à cheval, de 120 mètres de longueur et de 40 mètres de hauteur, dont les deux extrémités s’achèvent par de larges parois en verre. Ainsi capturée la lumière se diffuse à l’intérieur de tout le marché éclairant les étals et la marchandise exposée. Le marché accueille plus de 96 stands de produits alimentaires et 20 unités de vente au détail. L’explosion colorée de produits, céréales, insectes, champignons et un escargot, qui compose les 11 000 m² du revêtement mural, sollicite les papilles et stimule l’appétit. Cette fresque, conçue par Arno Coenen et Iris Roskam, représente la plus grande œuvre d'art, par sa taille, des Pays-Bas. Markethal est le résultat de l’interprétation audacieuse livrée par l’agence d’architecture MVRDV pour la réalisation d’un programme mixte logements/commerces. Les parois du marché lui-même contiennent les unités de logement, alors que le stationnement et le chargement se font sous terre, hors de la vue. Markethal s’apprête à devenir la nouvelle icône d’une ville déjà dotée d’une importante collection de réalisations architecturales contemporaines. Abir Azzi 12 Archibat 33 / 12- 2014
Plan sous-sol
Plan RDC
Plan R+1
Coupe (Sud-Nord) Archibat 33 / 12- 2014
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NEWS INTERNATIONALES
Paris La Fondation Louis Vuitton
Un objet organique, vivant et changeant Au cœur du Jardin d’acclimatation du bois de Boulogne, à l’ouest de Paris, la Fondation Louis Vuitton nouvel ovni architectural, a accueilli ses premiers visiteurs, en octobre dernier. Le bâtiment dispose de 3 500 m2 de galeries, où sera dévoilée par étapes la collection que constitue, depuis 2006, le président de LVMH, Bernard Arnault, conseillé par Suzanne Pagé, ancienne directrice du Musée d'art moderne de la Ville de Paris. «Un rêve devenu réalité» Bernard Arnault Le bâtiment imaginé par Frank Gehry pour la Fondation Vuitton, a d'ores et déjà reçu tous les qualificatifs qui relèvent du gigantisme. Et, en effet, les chiffres parlent pour eux : près de 1.000 ouvriers, 11.000 m2 de surface déployée, plus que 40 m de haut, 19.000 panneaux de béton fibré Ductal®, près de 3.600 panneaux de verre répartis sur 12 voiles, un auditorium pouvant accueillir jusqu'à 1.000 personnes… Il se dit aussi que le coût intial du projet était d'environ 100 M€, mais le mystère reste entier. Sans compter un geste architectural qui accorde ces matériaux avec la nature environnante. Pour cet ouvrage d’exception, Frank Gehry a imaginé 12 voiles de verre qui s’accrochent au bâtiment central. Ce qui donne ce côté aérien, et qui n’est pas sans rappeler ses autres œuvres célèbres, notamment le musée Guggeinheim de Bilbao ou la maison dansante à Prague. Nuage, vaisseau, voilier, iceberg… autant d'images pour évoquer ce bâtiment tout en transparence, posé sur un plan d'eau, entre bois et jardin. Frank Gehry lui apporte alors toute sa créativité, s'inspirant au passage de la légèreté des architectures de verre et de jardin de la fin du XIXème siècle. « C’est un bâtiment très atypique, je n’ai jamais dessiné quelque chose qui ressemble exactement à celui-ci » Frank Gehry
« Ce qui m'a inspiré, c'était l'idée de construire un immeuble de verre dans ce bois, faute de quoi il pourrait facilement paraître intrusif. Il fallait arriver à quelque chose d'évanescent, sans quoi nous n'aurions jamais obtenu l'autorisation (...) Il y avait des restrictions de taille et plein d'autres choses encore mais, quand nous avons proposé ce concept, il a emporté leur adhésion et ils nous ont donné leur accord. Ca a coûté cher, mais on n'aurait pas pu faire autrement. » Frank Gehry 14 Archibat 33 / 12- 2014
A ouvrage exceptionnel, outils exceptionnels : dès les premières étapes du projet, les protagonistes apprennent à manier un outil unique, Digital Project, un logiciel 3D développé par Gehry Technologies à partir de l'outil CATIA de Dassault Systèmes. Puis, ce sont plusieurs dizaines de prototypes grandeur réelle, sur site ou en laboratoire, qui sont réalisés pour aider le travail des architectes et ingénieurs. Au total, il aura fallu assembler comme un puzzle géant 3600 panneaux de verre. Un four spécifique a été créé pour répondre aux exigences de courbure et d’élancement des panneaux de verre. La structure globale de l’ouvrage comprend 15000 tonnes d’acier soit deux fois plus que la tour Eiffel. Abir Azzi
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NEWS INTERNATIONALES
TORONTO Musée Aga Khan des civilisations musulmanes À Toronto, le tout nouveau Musée de l'Aga Khan, qui a pour vocation de donner un panorama des contributions artistiques, intellectuelles et scientifiques des civilisations musulmanes au patrimoine mondial, a ouvert ses portes le 18 septembre 2014. Conçu par l’architecte Fumihiko Maki, le Musée est situé dans un site de 6,8 hectares où se trouve déjà le Centre ismaélien de Toronto, œuvre de l’architecte Charles Correa. Le parc paysager alentour, dessiné par l’architecte paysagiste Vladimir Djurovic, représente un nouvel espace vert pour la ville de Toronto. « Parmi les leçons que nous avons apprises ces dernières années, il apparaît indispensable que le monde de l’Islam et le monde occidental œuvrent ensemble avec une efficacité accrue pour se comprendre mutuellement, d'autant plus que ces cultures interagissent et se mêlent plus activement affirme son Altesse l’Aga Khan. « Nous espérons que ce musée favorisera une meilleure connaissance des peuples de l’Islam dans toute leur diversité religieuse, ethnique, linguistique et sociale. » souligne-t-il. Chef spirituel des ismaéliens des musulmans chiites, l'Aga Khan est un personnage quasi mythique. À la tête d'une petite communauté de 15 millions d'adeptes, il est aussi et avant tout citoyen du monde. Élevé dans le beau, il a reçu en héritage la collection de son oncle et de sa tante, le prince Sadruddin et la princesse Catherine. Mille pièces, dont un trésor persan du XVIème siècle, le Livre des rois (Shah Nameh). Toutes ou presque étaient autrefois accrochées dans la maison familiale de Bellerive, en Suisse. L'Aga Khan a cherché un endroit pour installer la collection, étoffée au fil des ans par lui-même et par son frère, le prince Amyn. La collection permanente du Musée compte plus de 1 000 objets dont des chefs-d’œuvre, témoignent d’une prodigieuse richesse de styles artistiques et de matériaux. Ces portraits, textiles, miniatures, manuscrits, céramiques, carreaux de faïence, textes médicaux, livres et instruments de musique couvrent plus de dix siècles de l’histoire de l’humanité et une vaste zone géographique, allant de la péninsule ibérique à la Chine. Abir Azzi 16 Archibat 33 / 12- 2014
Š AKDN
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Des villes saines, des villes heureuses 2ème rencontre : villes et constructions durables En marge de la journée mondiale de l’architecture 2014 sous le thème : « Des villes saines, des villes heureuses », la revue Archibat et le Bureau Veritas en partenariat avec la direction générale des bâtiments civils du Ministère de l’Equipement de l’Aménagement du Territoire et du Développement Durable et l’Association Tunisienne des Urbanistes, ont organisé le 16 octobre 2014 une rencontre ouverte par M. Mounir Majdoub, secrétaire d’Etat à l’Environnement. Le thème choisi par l’UIA (Union Internationale des Architectes) pour la journée mondiale de l’architecture 2014, nous met dans le vif du sujet pour les villes d’aujourd’hui avec l’urbanisation galopante que connait la planète. Le contrat minimum d’une ville avec ses citoyens est celui de leur offrir la sécurité, la bonne santé et le bonheur de vivre. Une ville qui expose ses habitants aux dangers serait insupportable à vivre et favoriserait l’enfermement, l’individualisme et le chacun pour soi, synonymes d’instabilité et d’insécurité. Du point de vue de l’architecte, l’UIA a retenu trois missions essentielles dans le cadre de cette thématique : 1. Comment l’architecte peut-il intervenir pour faire vivre les villes, leur insuffler de l’énergie et de la vitalité, soigner les désordres et accompagner la croissance. 2. Comment développer une conception vertueuse dans les domaines de l’énergie, de la mise en œuvre et des matériaux. 3. Comment concevoir des espaces sains, favorables à l’épanouissement, à la santé et la qualité de vie des citadins. L’architecte qui voit ses missions s’amenuiser avec la spécialisation à outrance des différents acteurs du cadre bâti, n’est pas actuellement bien formé et outillé pour affronter les défis de la ville contemporaine. A l’ère de la durabilité la mission de l’architecte ne doit pas s’arrêter à la livraison du bâtiment mais elle doit concerner l’ensemble des interconnexions entre la construction et son environnement pendant toute sa durée de vie. La prolifération des intervenants met l’architecte au centre de la problématique de la construction durable pour assumer pleinement sa fonction de « chef d’orchestre » qu’il a de plus en plus du mal à assurer. Il faudrait repenser la formation et la nature de l’intervention de l’architecte pour s’adapter aux défis du développement durable qui ne peut plus être ignoré au risque d’exposer les villes et leurs citoyens à des dangers immédiats et futurs. Revendiquer des villes saines et des villes heureuses n’est pas un luxe mais un droit de tout citoyen ; et cette vision met l’architecte devant ses responsabilités dans la conception du milieu urbain. Une ville saine doit assurer la sécurité du citoyen, préserver sa santé en lui offrant un environnement sain et des espaces viables, « cultiver son corps » en offrant des équipements de sport et d’hygiène et « stimuler son esprit » en prévoyant les lieux culturels et de divertissements adéquats. 18 Archibat 33 / 12- 2014
Les villes tunisiennes, si elles ont atteint certains objectifs dans ce sens tel que la généralisation du réseau d’assainissement et la distribution de l’eau potable et de l’électricité, manquent cruellement d’équipements socio-collectifs et n’arrivent pas à préserver l’environnement et diminuer les niveaux de pollution. Une ville heureuse est une ville qui rend ses citoyens heureux et fiers d’y vivre. Des enquêtes dans les pays avancés ont été menées pour mesurer le bonheur des gens dans leur ville et déterminer ainsi un indice de bonheur de la ville. Les questions posées relèvent du bon sens et abordent, sans exclusive, les sujets suivants : • L’existence de lieux paisibles (parcs, promenades, squares, …) • Le taux de bruit, de pollution et de stress • L’offre de lieux pour enfants (jardins, jeux, parcs, …) • La persistance des services rendus entre voisins (liens de sociabilité) • L’aptitude de ville à favoriser les rencontres (lieux adéquats, équipements, …) • La satisfaction des citoyens quant à l’administration de leur ville • La facilité des déplacements • L’existence de lieux de convivialité à proximité du domicile (cafés, salon de thé, centre culturel, bistrot, …) • L’intégration des personnes âgées, des handicapés et des pauvres de façon à ce qu’aucun citoyen ne se sente exclu de la ville
• L’accès à la nature à une distance acceptable • La sécurité des déplacements surtout de nuit Les questionnaires se terminent souvent par la question sur la fierté du citoyen d’habiter sa ville ou s’il aimerait habiter dans une autre ville. Ces enjeux constituent une plateforme pour l’action des autorités publiques d’un côté, qu’elles soient nationales ou décentralisées, et les architectes, urbanistes et autres professionnels intervenant dans la ville aujourd’hui. Au-delà de la dimension technique de l’action publique ou technique, l’objectif de la ville saine et heureuse, même s’il est difficile à quantifier et à cerner, doit figurer comme un trait commun de l’intervention dans nos villes, quelle que soit l’échelle spatiale d’intervention ou l’appartenance thématique ou sectorielle de l’action.
Retours de la rencontre La rencontre s’est focalisée sur les enjeux du développement durable en Tunisie. Elle a visé deux échelles de débat, la première, urbaine, a intéressé les processus de planification et de gouvernance urbaine, et la deuxième, architecturale, a considéré la notion d’architecture écoresponsable et a focalisé sur les certifications internationales. Dans son mot d’ouverture, Monsieur le secrétaire d’Etat à l’environnement a voulu partager avec l’assistance quelques idées en relevant que la ville est la finalité de toute action de développement et de bien être des humains. Il a exposé très brièvement les actions entreprises en Tunisie par la politique de réhabilitation des quartiers et de l’habitat insalubres qui a contribué à la réduction drastique de la misère urbaine et par la promulgation en 1994 du Code de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme (CATU) qui a défini les grandes lignes du système d’aménagement du territoire et du développement urbain en Tunisie. Il a soulevé l'importance des défis d'aujourd'hui tant la demande
M. Mounir Majdoub, secrétaire d’Etat à l’Environnement
urbaine demeure très importante, les ressources, surtout foncières, deviennent rares et les outils de planification (PAU, PAD, …) n’ont pas produit l’effet escompté. Pour cela et après la révolution il prône l’exigence d’une démocratie participative prévue dans la constitution de janvier 2014, la construction d’une manière plus respectueuse de l’environnement, l’engagement des professionnels pour travailler et faire pression sur le pouvoir public en faisant le lien entre le citoyen et l’administration. Il a conclu que compte tenu du retard pris après la révolution il ne faudrait pas perdre plus de temps pour organiser les élections municipales afin de prendre en charge le devenir de nos villes et mettre en place des responsables redevables auprès de leurs citoyens.
Une politique territoriale éco-responsable En Tunisie le secteur du bâtiment représente un des plus gros consommateurs d’énergie puisqu’il est responsable de 26% de la consommation totale. Il représente à ce titre un enjeu environnemental primordial. Conscientes de cet enjeu les autorités Tunisiennes ont mis en place plusieurs institutions spécialisées et révisé en 1994 le Code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme (Catu) en y introduisant des dispositions visant, notamment, une meilleure intégration de la dimension environnementale dans la planification territoriale et urbaine. En dépit de ce volontarisme politique notoire les bilans thématiques font apparaître des déficiences. Les principes de la gouvernance territoriale n’ont pas été suffisamment pris en compte dans le Catu. La faiblesse des moyens techniques et financiers des villes tunisiennes ne leur ont pas permis de conduire des politiques locales garantissant le respect de l’environnement, l’amélioration de la qualité de la vie et la participation citoyenne. Si la révolution du 14 janvier 2011 a mis en exergue le problème des disparités régionales et ravivé les revendications pour une plus grande participation des habitants aux processus décisionnels locaux des principes avant-gardistes en matière de décentralisation, de gouvernance urbaine démocratique et de droit environnemental sont inscrits dans la Archibat 33 / 12- 2014
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nouvelle constitution, le contexte postrévolutionnaire a favorisé les dysfonctionnements dans les institutions et a conduit à une dégradation de la situation. Parallèlement, durant les quatre dernières années, des expérimentations sont menées sur le terrain avec l’appui de la coopération internationale en vue de promouvoir l’intégration des principes du développement durable et de la bonne gouvernance urbaine démocratique dans la planification et la gestion territoriale. Parmi les actions qui ont été présentées durant cette journée d’étude, on note essentiellement la contribution internationale dans les projets de développement urbain dont celle du CILG/VNGi (Centre International de Développement pour la Gouvernance Locale Innovante de l’Agence Internationale de l’Association des Communes Néerlandaises) représenté par Henda Gafsi, urbaniste, en charge de la coordination des actions d’appui à la gouvernance urbaine démocratique. Cette action concerne des volets stratégiques du Développement Durable, elle milite pour le renforcement des rôles respectifs des Collectivités Locales et de la Société Civile dans les processus de développement, la promotion de la place et du statut des jeunes et des femmes dans la gouvernance locale et la gestion de la cité et enfin l’appui à la conception et à la mise en œuvre de projets municipaux et associatifs pilotes. Quant au projet CoMun, financé par la GIZ (Coopération allemande au développement), il vise à renforcer les structures communales à travers un appui en conseils, formations et études, au moyen de la mise en place d’espaces citoyens dans des communes pilotes, la participation des jeunes à la vie communale à travers un concours d’idées destiné aux municipalités qui souhaitent mieux intégrer leurs jeunes citoyens dans la vie publique locale et l’appui au réseautage autour de thèmes de développement durable et urbain. A cet égard un réseau de gestion des déchets a été constitué, avec pour objectif la mise en œuvre des Plans communaux de gestion des déchets (Pcgd), ainsi qu’un réseau «baladiya» sous la forme de pôle de compétences qui ambitionne de consolider le rôle de la commune dans le processus de développement urbain et durable. Les autorités locales ont été mises à contribution dans cet effort national, on cite l’exemple de la ville de Sfax qui a ainsi élaboré une stratégie de développement du Grand Sfax intégrant des objectifs environnementaux ambitieux. Ce volet est devenu selon Riadh Haj Taieb, directeur technique à la Municipalité de Sfax, la priorité d’autant plus que la ville a été inscrite parmi les villes touristiques. En complément des différentes initiatives déjà menées, la ville avec le soutien de la GIZ, a réalisé en 2013 un bilan des émissions de gaz à effet de serre et a identifié les pistes d’actions à engager pour les réduire et faire de Sfax une ville saine, viable et vivable.
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Une architecture éco-conçue, éco-construite En plus de ces actions la Tunisie s’est dotée d’une Règlementation Thermique des Bâtiments Neufs (RTBNT). Le bilan de son application montre qu’en dépit des efforts considérables déployés pour sa mise en place, sa mise en œuvre reste, à ce jour, assez faible voire même insatisfaisante. En effet, cette loi n’a pas été accompagnée d’un ensemble d’outils opératoires permettant sa mise en application. De plus, elle n’a pas été appropriée par les différents acteurs de la construction sans doute du fait de l’absence de sensibilisation et de formations dont ils auraient pu bénéficier pour le renforcer leurs compétences dans le domaine. Une approche participative englobant activement tous les acteurs aurait pu donner de meilleurs résultats, car une réglementation ne vaut que si elle est acceptée par une majorité. Dans ce cadre on peut citer le projet de jumelage avec l’union européenne1 qui a constitué une opportunité pour inscrire la construction durable à l’ordre du jour de la Direction Générale des Bâtiments Civils (DGBC) et renforcer l’application du concept dans le cadre de ses activités en tant que maitre d’ouvrage délégué. Selon Raoudha Larbi, Directrice à la DGBC, le bilan de ce jumelage est, dans sa globalité, largement positif au vu du taux de réalisation des objectifs par activité qui atteint les 90 %. Ce bilan dénote de la dynamique qui a été créée au sein de l’administration et des différents acteurs tunisiens : professionnels du secteur de la construction, concepteurs, enseignants, société civile. Cependant de nombreuses questions demeurent en suspens, notamment celles concernant la pérennisation de la synergie créée, la concrétisation des actions du jumelage, l’instauration d’une stratégie nationale de la construction durable, la perpétuation des enseignements tirés de l’expérience. Un effort est mené dans le domaine de l’évaluation de la qualité environnementale des bâtiments et des démarches de certifications internationales tels que LEED, HQE et BREEAM, pour répondre aux préoccupations de protection de la santé, d’optimisation du confort, d’économie à long terme et de protection de l’environnement. L’exemple des projets développés au Maroc, présentés par Zakaria Sadik, responsable Construction durable au Bureau Veritas Maroc, démontrent l’adaptabilité des certifications internationales au contexte méditerranéen. Alia Yahia, responsable du département Recherche et Innovation au CTMCCV a présenté quelques nouveaux matériaux, récemment développés dans le cadre de l'essaimage scientifique, il s’agit des enduits intérieurs à base de plâtre, des plaques de plâtre armées avec des fibres de verre, des modules de construction en béton mousse et de la brique de terre comprimée développée par la société SOIB.
Lotfi Rejeb, architecte a mis l’accent sur le fait que l’éco-construction ne peut pas être isolée de son contexte et qu’actuellement nos quartiers et nos villes ne sont pas conçus pour recevoir des bâtiments éco-construits en se posant la question si les sites d’extension urbaine sont sains et sans danger pour la santé. Selon Walid Bel Haj Amor le défi majeur consiste à réaliser des changements d’habitudes dans les modes de construction pour introduire des techniques et des matériaux nouveaux à empreinte écologique réduite, qui permettent d’assurer confort et bien-être, avec une limitation des impacts environnementaux et une intégration minimale des constructions. Dans les faits, les surcoûts économiques liés à la mauvaise qualité des constructions sont largement supérieurs aux surcoûts liés à l’utilisation de techniques et de matériaux durables. D’autant que ces surcoûts liés à l’utilisation de matériaux alternatifs sont surestimés du fait des subventions dont bénéficient indirectement les matériaux traditionnels, (briques, ciment), à travers les subventions énergétiques en particulier. En dépit des efforts menés pour le développement durable, l’expérience tunisienne laisse apparaître des faiblesses liées notamment au contrôle politique étroit par l’Etat des acteurs impliqués, ainsi qu’à l’instrumentalisation permanente dont il a fait l’objet pour légitimer un régime autoritaire aujourd’hui déchu. Bien conduite, la gestion durable du territoire urbain, au croisement des trois dimensions économique, sociale et environnementale, demeure un moteur privilégié de démocratie et de développement régional équitable. A l’issue de la rencontre des recommandations ont été émises pour la favoriser.
Nos remerciements à tous ceux qui ont contribués à la réussite de la rencontre : Lotfi ABID, Directeur général Société tunisienne de Contrôle Veritas, Henda GAFSI urbaniste CILG/VNGi; Ikbal DRIDI experte Junior au programme Coopération des Villes et des Municipalités «CoMun» de la GIZ ; Abir GHEDAMSI juriste au sein de la Fédération Nationale des Villes Tunisiennes; Taoufik BAYA urbaniste en Chef, Direction Générale de l’Aménagement du Territoire ; Riadh HAJ TAIEB direction technique à la Municipalité de Sfax, Tarak Slim BOUGUERRA – architecte, directeur de l’urbanisme à la Société de Promotion du Lac de Tunis ; Zakaria SADIK Responsable Construction durable au Bureau
Recommandations du séminaire : Diagnostic Vingt ans après la parution du Code de l'Aménagement du Territoire qui a mis en place un ensemble de mesures visant à ancrer les principes du développement durable dans les opérations d'aménagement, il est nécessaire aujourd'hui d'engager une évaluation approfondie du système mis en place, non seulement au niveau du cadre réglementaire et institutionnel mais également de la manière avec laquelle les différents dispositifs sont mis en œuvre. Gouvernance participative de la ville Les questions de la gouvernance locale, les dimensions de participation citoyenne et en particulier le renforcement du rôle de la femme dans la gestion des affaires locales, ainsi que le partenariat entre les différents acteurs de la ville doivent être au cœur des réformes attendues du contexte réglementaire et institutionnel. Dans ces réformes, les villes doivent être partie prenante, et ce à travers de l'implication de la Fédération Nationale des Villes Tunisiennes dans les débats sur les nouveaux instruments. Conception prospective des villes Afin de maîtriser l’étalement urbain, de développer la mixité fonctionnelle et permettre une vision prospective de la ville il convient de doter toutes les villes de plan de développement, et d’élaborer des plans à l’échelle des communes. Il convient d’accorder plus d’importance aux études d’impacts. Renouvellement de la pratique L’intégration de la démarche de développement durable dans la pratique architecturale et urbaine nécessite un soutien, un suivi et un renforcement des compétences non seulement des acteurs publics en charge des politiques publiques, mais également des professionnels de la ville qui sont appelés à renouveler leurs outils de planification, à adapter et faire évoluer leurs pratiques professionnelles. La révision du principe de choix du moins dans les marchés publics disant. Formation Dans l’enseignement de la pratique du projet il est nécessaire d’intégrer l’éco-conception. Pour cela il convient d’avoir une vision extensive de l’esthétique habituellement axée sur les paramètres visuels et de prendre en compte les autres dimensions qui affectent la qualité architecturale et urbaine et qui ont trait aux paramètres thermiques, aérauliques, lumineux, sonores, etc. Cela nécessite le renforcement des enseignements techniques (physique du bâtiment) et la maîtrise des outils de simulation (thermo-aéraulique, lumineuse, sonore,…). Il convient de poursuivre une formation continue dans le domaine des audits thermiques.
Veritas Maroc ; Raoudha BELARBI Directeur Général des Bâtiments Civils au ministère de l’Equipement de l’Aménagement de Territoire et du Développement Durable ; Mohamed Zied GANNAR Chef de Service de l’Efficacité Energétique dans les Bâtiments Neufs (ANME) ; Firas CHAIEB, Ingénieur, expert en efficacité énergétique ; Alia YAHIA sous Directeur au Centre Technique des Matériaux de Construction ; Lotfi REJEB – architecte, expert en efficacité énergétique ; Jean Michel GARNIER Directeur Technique Bâtiments et Infrastructure bureau Veritas Afrique; Walid BEL HAJ AMOR Executive partner et Directeur Général Adjoint de Comete Engineering; Ali CHEIKHROUHOU – architecte, urbaniste et Yassine TURKI – Président de l’Association Tunisienne des Urbanistes. Nos remerciements à nos sponsors et partenaires : Bureau Veritas, GIZ, TPR, Derbigum, CEISIS, Laceramique, SIKA, Structura, Lajnef Bois, SIGSfax, Taparura et AIT.
Incitation à l’éco-cosntruction De multiples leviers, notamment d’ordre législatif et incitatif, pourraient être mis en œuvre pour réaliser les changements d’habitudes nécessaires à la généralisation de l’éco-construction. Ils concernent la normalisation, le développement et la règlementation de matériaux alternatifs à faible empreinte écologique, la suppressions des subventions énergétiques pour les matériaux à forte empreinte écologique, la mise en place d’actions de sensibilisation en faveur des économies d’eau et d’énergie, le développement des incitations d’investissement dans le secteur des matériaux de construction pour les matériaux à faible empreinte écologique et enfin le développement de l’Eco-label.
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«Les mosquées de Djerba» L’Univérsité Tunis Carthage (UTC), en partenariat avec l’ambassade des Etats Unis, a organisé au mois d'octobre 2014, une manifestation ayant pour sujet «Les mosquées de Djerba » mettant à l’honneur le travail effectué par Stanley Ira Hallet et ses étudiants dans le sud tunisien à l’occasion d’un voyage d’étude entrepris en 1989. Professeur et ancien doyen de l’Ecole d’Architecture et d’Urbanisme de l’Université Catholique d’Amérique (CUA), Washington DC., Stanley Ira Hallet est actuellement directeur de l’atelier d’architecture CUA à Paris. Durant ses séjours tunisiens, entre 1964 et 1966, en tant que Peace Corps volontaire, il a eu l’occasion de rencontrer le Père Louis qui lui a fait connaitre le sud et aimé son architecture. C’est ce qui l’a poussé à revenir, à Djerba, accompagné de ses étudiants en 1989. Le voyage dans l’île de Djerba, des étudiants de CUA et des trois étudiants de l’ITAAUT dura une semaine. Ils entreprirent la réalisation des relevés de cinq mosquées, sous la direction du Professeur Stanley Ira Hallet, assisté du Professeur Ali Djerbi. Leurs dessins rendent bien compte de la profonde complexité de cette architecture où cohabite harmonieusement le sacré et le profane. Les mosquées, situées au beau milieu de jardins soigneusement irrigués, dominent les palmeraies de leur minaret. Il résulte de leur construction vernaculaire faite de matériaux modestes une combinaison de formes monolithiques, qui configurent un espace abritant les traditionnels lieux de prière et s’étend à l’extérieur avec la plateforme qui délimite l’espace ouvert du lieu sacré. De cette expérience de l’architecture du sud tunisien, Stanley Ira Hallet a tiré deux ouvrages, le premier, en français, intitulé « Évolution d’un habitat : le monde berbère du Sud tunisien », et le second en anglais qui porte le titre de « The Mosques of Djerba », tous deux publiés chez Blurb Press. L’exposition organisée à l’UTC, et la conférence donnée par Stanley Ira Hallet, rendent compte de son intérêt pour le sujet. Les deux ouvrages peuvent être consultés à la bibliothèque de l’UTC.
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ACTUALITÉS
L’appel de la Médina
Pour la sauvegarde et la promotion de la Médina de Tunis Sous l’initiative de la Fondation Lazaar pour l'art et la culture, une réunion a été organisée au Foundouk El Attarine pour réfléchir au moyen d'action que des membres de la société civile peuvent mener en urgence pour participer à la sauvegarde de la Médina. Patrimoine historique et culturel à sauvegarder et ensemble urbain vivant à reconsidérer, la Médina de Tunis, classée Patrimoine universel, appelle l’implication de tous dans les efforts de sa promotion et de sa mise en valeur.
Soucieux de contribuer à son développement et conscients qu’il relève de notre responsabilité en tant que citoyens tunisiens, acteurs, chercheurs, habitants ou simple amoureux, d’attirer l’attention sur les menaces qui pèsent aujourd’hui sur ce patrimoine exceptionnel, nous nous sommes réunis ce jour de samedi 29 mars 2014, au Fondouk El Attarine d’où nous lançons cet appel pour souligner l’urgence de : 1. Réviser les législations et les règlements en vigueur : • Classer la Médina de Tunis en tant que secteur sauvegardé et élaborer un Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur. • Classer les bâtiments à haute valeur architecturale et urbaine, publics et privés, afin de leur épargner la destruction, la subdivision et le pillage. • Instituer la notion de « Périmètre de restauration immobilière » comme instrument obligeant les particuliers à faire des travaux de restauration. 2. Encourager l’initiative privée à investir dans le patrimoine : • Instaurer des abattements fiscaux, des subventions, des crédits, etc. • Encourager le mécénat culturel. • Créer des partenariats public/privé en lançant des projets pilotes ciblés. • Faciliter les procédures de création de maisons d’hôtes et d’hôtels de charmes aux promoteurs privés. • Lancer des appels à projets pour des monuments ciblés en péril. 24 Archibat 33 / 12- 2014
3. Promouvoir le tourisme culturel : • Classer la Médina en tant que « zone touristique ». • Réinstaurer le syndicat d’initiative. • Encourager les festivals existants et en faire des évènements pérennes. • Créer un label pour les équipements touristiques dans la Médina. • Développer les projets de circuits culturels et touristiques. 4. Promouvoir les activités économiques traditionnelles de la Médina : • Encourager l’artisanat local. • Contrôler la compatibilité des nouvelles activités avec la Médina. • Faire respecter le système d’organisation des souks par corporation. 5. Réinstaurer et protéger l’esthétique de la Médina : • Mener des campagnes de propreté et imposer des amendes sévères pour les dépassements. • Proposer aux habitants des manuels d’entretien de leurs bâtiments et des règles à respecter dans les travaux de rénovation.
Ont participé à la réunion et à la réflexion : Kamel Lazaar, Ahmed Abdelkefi, Héla Béji, Zoubeir Mouhli, Adnène Ben Nejma, Ahmed Saadaoui, Jamila Binous, Abbès Abdelkefi, Sihème Blekhodja, Mondher Ouenniche, Khaled Ayed, Adel Lazaar, Soumaya Gharsallah-Hizem.
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DOSSIER THÉMATIQUE
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Tunis,
la MĂŠdina en question(s) Archibat 33 / 12- 2014
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