Espace-vie - Septembre 2023 (n°314)

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314 Septembre 2023 Bimestriel La revue qui décode les enjeux territoriaux du Brabant wallon espace
multiples enjeux du « suburbrabant »
le bâti à l'évolution démographique
s’oppose-t-on aux projets immobiliers ?
réhabilitations
dans le
DÉCOUVRIR Les
APPRENDRE Adapter
DÉCOUVRIR Pourquoi
Un parc de logements à réinventer Comment les
vont s’imposer
paysage brabançon

4 en bref

6 apprendre Comment adapter le bâti brabançon  à l'évolution démographique

10 découvrir Les multiples enjeux du « suburbrabant »

16 comprendre Les freins à la densification

Découvrez notre dernier Midi via mubw.be

Si vous n’avez pas pu être présent début septembre pour découvrir notre Midi de l’urbanisme qui traitait du sujet « Des espaces publics à désirer », pas de souci, vous pouvez le redécouvrir dans son intégralité sur notre site internet mubw.be. Une initiative qui va se répéter à l’avenir. Trois intervenants étaient présents : Boris Nasdrovisky, manager régional Mobilité Active au Service public de Wallonie (SPW) ; Christophe Mercier ; architecte au sein du bureau d’étude Suède 36 ; Emmanuel Delsaute, échevin à Gembloux.

Votre abonnement, papier ou en ligne ?

Espace-vie est la revue bimestrielle de la Maison de l’urbanisme – Centre culturel du Brabant wallon (janvier, mars, mai, juillet, septembre et novembre). Elle traite de sujets relatifs à l’aménagement du territoire, à l’urbanisme et aux enjeux culturels en Brabant wallon. Créée en 1989, Espace-vie est indépendante de tout parti politique et dispose d’une entière liberté éditoriale.

17 apprendre Recueillir les désirs de réappropriations

20 agenda

Soirée de l’urbanisme Re-habi(li)ter

Espace-Vie compte 6 000 abonnés à la version papier et 1 100 à la version numérique (ce qui comprend également les articles publiés sur espacevie.be). Pour tout changement dans votre formule d’abonnement, notamment le passage du papier au numérique par souci écologique, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse info@espacevie.be

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MUBW

Éditeur responsable : Nicolas Van der Maren - Rédacteur en chef : Xavier Attout (x.attout@ccbw.be) - Rédacteurs : Bénédicte Dawance (b.dawance@ccbw.be), Stéphanie Van Doosselaere, Aurélien Jacob - Équipe de la Maison de l’urbanisme : X. Attout, A. Chevalier, B. Dawance, G. Denhaerynck - Présidente de la Maison de l’urbanisme : Sophie Keymolen - Maquette : Louise Laurent (www.louiselaurent. be) - Mise en page : Louise Laurent - Dessins : Marco Paulo - Imprimeur : Artoos Group - IPM Printing - Tirage : 6 000 exemplaires - Adresse : 3, rue Belotte, 1490 Court-Saint-Étienne - Contact : 010 62 10 30 ou m.urbanisme@ccbw.be - www.mubw.be - www.ccbw.bePhoto de couverture : Xavier Attout

Espace-vie est publiée avec le soutien de la Wallonie et du Brabant wallon. La revue est envoyée sur demande et gratuitement aux habitants du Brabant wallon, abonnement de 12 euros/an hors Brabant wallon. Ne peut être vendu. Si vous préférez recevoir Espace-vie en version numérique, n’hésitez pas à nous le signaler. Toute reproduction partielle ou totale nécessite une autorisation préalable de l’éditeur responsable. La clôture de ce numéro s’est déroulée le 22 septembre.

Espace-vie est imprimée dans une imprimerie climatiquement neutre. Les émissions de CO2 sont neutralisées à 100 % par le biais de plantations d’arbres. L’emballage qui entoure la revue lors de l’envoi est en maïs.

sommaire
1 4 découvrir Pourquoi s’oppose-t-on aux projets immobiliers ?

Re-Habi(li)ter

Re-habi(li)ter : notre fil rouge en 2023. Un mot qui aura été revisité pour l’occasion. Au travers de nos actions, nous posons un regard à 360° sur cette thématique qui couvre à elle seule une multitude d’enjeux rencontrés dans le Brabant wallon. Regardons-y de plus près. Si « réhabilitation » est pour beaucoup d’entre nous synonyme de « rénovation », il serait réducteur de s’arrêter là car le sujet soulève de toute évidence des enjeux territoriaux, sociétaux et environnementaux.

Je vous propose trois regards.

Le premier : jetons un œil sur le préfixe ‘RE’ qui signifie réitération ou encore renforcement. C’est bien le regard sur la valorisation de l’existant, du « déjà là » qui est convoqué : sites à restaurer, friches à assainir et à recomposer, centralités à revitaliser et à renforcer. Le second : un regard sur le RE-HABITER qui nous invite à repenser nos manières d’habiter via le sens et les formes. Le sens pour le lien aux modes de production de logements consuméristes dans bien des cas, mais aussi le lien d’attachement au terroir. Les formes de l’habitat pour les innovations à encourager vers des modèles résidentiels économes en espace, modulables et évolutifs.

Le troisième : HABILE-HABILITER. Être, rendre « habile » et permettre à chacun d’être en capacité d’agir sur ses choix d’habiter. On soulève ici l’accès au logement ou encore les entraves et les opportunités de transformation.

Parler de RE-HABI(LI)TATION, c’est donc envisager une vaste toile de regards croisés. Dans ce numéro, vous découvrirez dans quels termes la réflexion sur la re-habi(li)tation se pose en Brabant wallon. On fait la corrélation avec l’évolution de la population et de ses besoins qui bouleversent(ront) le devenir du parc bâti existant. On regarde les freins et paradoxes qui rendent difficile l’action sur le tissu pavillonnaire. On interroge nos résistances aux changements. On ouvre les yeux en montrant le panel d’interventions architecturales envisageables. On fera aussi écho aux démarches vers les citoyens pour questionner les enjeux de la re-habi(li)tation.

Cette réflexion ne s’envisage pas seule. La transdisciplinarité s’invite ici aussi. C’est la raison pour laquelle nous travaillons en partenariat avec l’Institut Culturel d’Architecture Wallonie-Bruxelles. L’Institut installe cette année ses valises en Brabant wallon pour explorer les « réappropriations ». Une approche spatiale et architecturale qui nourrit la culture de l’habiter en Brabant wallon.

Envie de découvrir et prolonger le sujet ? Nous vous donnons rendez-vous le 9 novembre à 20h à Court-Saint-Étienne pour la conférence RE-HABI(LI)TER. Ce moment, organisé en partenariat, sera l’occasion d’entendre et partager réflexions et idées, et de s’alimenter des réussites d’autres territoires.

Bénédicte Dawance

espacevie.be | septembre 2023 3 avant-propos

Des élèves se penchent sur l’histoire des noms de rues

Vingt-deux rues de Lasne disposent désormais d’une plaque explicative sur l’origine de leur nom. Un travail réalisé par des élèves de l’école communale de Maransart dans le cadre d’un budget participatif distribué par la commune. La plaque comprend également la description qu’ils avaient imaginée avant d’effectuer leurs recherches.

Vers un Court Village III à Court-Saint-Étienne

Un tiers-lieu à la gare de Ramillies ?

À la demande de la Province du Brabant wallon, Ocalia – bureau d'études spécialisé dans l’accompagnement de stratégies et de projets de développement local – a analysé et confirmé l’opportunité de développer un tiers-lieu sur le site de la « Croix de Hesbaye », au cœur du projet de développement de NPoW dans l’est du Brabant wallon. Le futur tiers-lieu, centré sur le bâtiment historique de la gare de Ramilles, proposerait des espaces et des équipements à destination de publics et fonctions variés accompagnés de dispositifs d’animation afin d’y favoriser l’hybridation, l’échange et l’innovation. Pour l’heure, la confirmation des besoins et l’identification de projets locaux est toujours en cours. Avis aux amateurs.

Cela bouge enfin sur le site Henricot à Court-Saint-Étienne. Le promoteur Equilis, qui a déjà construit 152 appartements dans le cadre de la première phase de Court Village, a déposé mi-juillet une demande de permis pour la seconde phase. Elle concerne 215 appartements et 5 maisons sur un chancre de 6 hectares. Une demi-douzaine de maisons compléteront ultérieurement l’ensemble, vers la partie boisée. Ajoutons que nous avons également appris qu’Equilis est en passe d’acheter le site voisin (vers Ottignies), propriété de l’entreprise CP Bourg. Ce terrain industriel de 5 hectares, situé à cheval sur les communes d'Ottignies et de Court-Saint-Étienne, devrait lui permettre d’aménager un nouveau quartier d’au moins 250 logements. De quoi y développer la troisième phase de Court Village. Une cyclostrade (autoroute cyclable bidirectionnelle), qui remplacera le Ravel, sera aménagée le long de ces projets et renforcera l'accessibilité cyclable.

Un premier réseau de chaleur résidentiel à Jodoigne

Le promoteur immobilier Matexi et le développeur de réseau de chaleur décarboné Karno se sont associés pour construire un réseau de chaleur résidentiel connecté à 140 logements dans le quartier Belle Vallée à Jodoigne. Il s’agit d’une première en Wallonie. D’une longueur de 900 mètres, ce réseau de chaleur décarboné permettra aux habitants de réduire leur empreinte carbone et de diminuer leur facture d’énergie. Grâce à un ensemble de technologies basé sur la géothermie, l'énergie est extraite directement du sol pour alimenter les 140 habitations en eau chaude sanitaire et en chauffage. C'est la température constante du sol qui permet au réseau de chaleur d'exploiter une source naturelle et locale. Elle permet aussi de refroidir les logements lors des mois les plus chauds.

4 en bref

Le prix moyen par mètre carré d’un terrain à bâtir en Brabant wallon, selon la Fédération des notaires. Il était de 181 euros/m2 en 2021. La superficie moyenne des terrains achetés au premier semestre en Brabant wallon était de 10,5 ares. Des statistiques à prendre avec des pincettes vu la raréfaction des terrains mis en vente dans la province.

Transformation en vue pour le centre de Hamme-Mille

Lifting en vue pour la signalisation des rues wavriennes

La Ville de Wavre a entamé un travail d’allègement de la signalisation (routière) verticale sur son territoire. Les deux premières zones du centre-ville sont finalisées. L’idée est de réorganiser et de supprimer les panneaux indicateurs superflus, abimés ou qui font office de doublons. Une manière d’améliorer et de libérer l’espace public tout en actualisant les informations et en améliorant l’esthétique. On dénombrait 7 419 panneaux à Wavre en 2022. 78 ont été enlevés, 85 replacés et 93 nettoyés lors de la première phase des travaux. Un travail similaire sera réalisé dans les prochains mois pour les deux dernières phases. Les autres quartiers wavriens seront ensuite également passés au peigne fin.

Un important projet est sur la table à Hamme-Mille (Beauvechain). Le promoteur immobilier Equilis souhaite construire cinq immeubles totalisant 105 appartements, une trentaine de maisons et 1600 m² pour des commerces et des professions libérales. Il s’agit d’une nouvelle mouture de ce dossier lancé il y a plus de 15 ans et qui est situé entre la chaussée de Louvain et la rue des Messes, au coeur d’un site boisé. Le dossier est au stade de la réunion d'information préalable.

La massification des rénovations passe par Braine-l’Alleud

La Wallonie veut accélérer la cadence en matière de rénovation énergétique de logements privés. Elle a donc lancé via Reno+ une recherche qui doit permettre de massifier la rénovation. Celle-ci touche à sa fin. Et c’est la commune de Braine-l’Alleud qui a été choisie comme commune pilote pour réaliser début 2023 la rénovation des logements d'une rue ou d'un quartier.

Wavre : la Dyle restera couverte

Retrouvez tout le contenu d’Espace-vie, de nouvelles informations, des vidéos et autres infographies sur notre site internet espacevie.be

Le projet de remettre la Dyle à ciel ouvert sur un tronçon situé en plein centre de Wavre a été reporté sine die. La Ville de Wavre, qui avait pourtant reçu un subside de 1,2 million de la part de la Wallonie, a estimé que les risques de débordement budgétaire étaient trop importants. Des travaux concomitants dans une école voisine rendaient également le chantier compliqué. Une alternative est à l’étude pour tirer profit d’ici fin 2025 du subside reçu : la transformation du petit parking du Pont Neuf en un parc boisé.

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Comment adapter le bâti brabançon à l'évolution démographique

La démographie du Brabant wallon est en train d'évoluer avec une hausse du nombre de personnes seules et de personnes âgées. Une montée en puissance qui va profondément modifier la configuration du parc de logements. De nouvelles initiatives sont attendues pour répondre aux besoins.

apprendre
Texte et photo : Xavier Attout Le pavillonaire brabançon, un objet en voie de transformation.

La densification du territoire wallon reste plus que jamais d'actualité. Le Brabant wallon n’y échappe bien évidemment pas. Il s’agit d’une réponse à l’augmentation attendue du nombre d’habitants. Mais également d’une volonté de réorganiser le bâti en concentrant davantage les logements et les activités à proximité des centres, qu’ils soient urbains ou ruraux.

Même si les augmentations démographiques annoncées ces dernières années ont été revues à la baisse, le Brabant wallon devrait tout de même attirer 80 000 habitants supplémentaires d’ici 2070, selon les projections de la Fondation économique et sociale du Brabant wallon. Ce qui n’est pas négligeable. De quoi atteindre les 490 000 âmes. Toutes les classes d’âge sont bien évidemment concernées par cette hausse – ce qui n’est pas le cas dans les autres provinces wallonnes. Mais l’une d’entre-elles est particulièrement concernée : celle des personnes de plus de 65 ans. Elle représente 19 % de la population aujourd’hui. D’ici 2070, la proportion atteindrait 29 %, soit une augmentation de 82,2 % alors que la croissance moyenne ne sera que de 55 % en Wallonie. Un constat qui se répercutera sur le nombre de centenaires qui vivent dans la province : ils passeraient de 73 en 2020 à plus de 1 900 en 2070. Une situation qui va obliger tous les propriétaires, les pouvoirs publics, les promoteurs et autres constructeurs à réinventer complètement l’offre de logements dans la province, qui est actuellement largement inadaptée pour les seniors. « Le Brabant wallon se compose pour le moment essentiellement de maisons et de villas (ndlr : près de 75 % des logements), avec également 24 % d’appartements », peut-on lire dans le Brabant wallon en chiffres, publié par la Fondation économique et sociale du Brabant wallon. Un bâti qu’il faut rénover mais qu’il faut également transformer et réhabiliter pour faire face aux enjeux de demain.

Logements et parcelles plus petits

Car à côté du vieillissement de la population, un autre phénomène est également en train de déjà transformer l’approche du bâti : l’évolution du nombre de personnes vivant seules. Les isolés et les familles monoparentales sont en train de grimper en flèche. D’après les données de Statbel, on retrouve pour le moment 36 % de ménages isolés sur les 5 millions de ménages belges. Un taux qui grimpe à 49 % si on inclut les familles monoparentales. D’ici 2070, ces chiffres vont s’envoler, avec

quatre ménages sur dix qui seront par exemple des isolés. Une situation qui ne va faire que renforcer leur précarité économique, poussant le plus souvent ces ménages vers le marché locatif. Une nouvelle donne qui va également obliger à revoir la configuration du parc de logements en Brabant wallon, largement inadapté à ces profils. « On observe déjà une réduction de la taille des ménages en Wallonie avec le vieillissement progressif de la population mais aussi l’augmentation du nombre de ménages isolés et de la diminution du nombre d’enfants par couple, lance Julien Charlier, de l’IWEPS. Conséquences ? Des besoins en logements plus petits, en appartements ou sur des parcelles moins vastes. »

Division, réhabilitation ou reconstruction du bâti pour rendre ces espaces plus adaptés aux besoins futurs du Brabant wallon sont des pistes incontournables. Tout comme les alternatives déjà en place, qui favorisent une nouvelle utilisation du bâti (voir encadré), et qui devront être accentuées. « Il me semble que la production privée correspond pour le moment à l’évolution des besoins, souligne Vincent Bottieau, géographe au Centre de recherches et d’études pour l’action territoriale de l’UCLouvain. Notamment pour les personnes isolées. La production se concentre sur des appartements de petites tailles. Tout n’est pas parfait néanmoins. Les logements pour les personnes dont la mobilité est réduite sont quasiment inexistants. Or, au rez-de-chaussée des immeubles, il serait possible d’aménager des logements de ce type. Augmenter le nombre de logements modulables serait également intéressant pour s’adapter aux évolutions de la vie. Cela ne revient pas beaucoup plus cher en matière de construction. Il y a des intentions d’aller vers ce type de logement mais la concrétisation se fait attendre (ndlr : un projet de ce type est en cours à Liège avec la résidence Asklépios). Cela ne nécessite que quelques modifications techniques, telles que des douches adaptables ou un plan de travail qu’il est possible de descendre ou monter. Pour y parvenir, je pense qu’une impulsion politique sera nécessaire. » Un constat qui est partagé par le sociologue et urbaniste Yves Hanin, directeur du CREAT : « Il est toujours difficile de dissocier l’impact démographique d’autres impacts. Une série de logements sont aujourd’hui obsolètes et seront dépréciés, quoi qu’il arrive en matière de démographie. L’impact du vieillissement ne sera pas non plus le même partout en Brabant wallon. Rixensart,

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Le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de ménages isolés sont bien évidemment des tendances que nous suivons de près depuis longtemps. Surtout qu’elles vont s’accentuer à l’avenir.
Renaud Naiken, directeur de Matexi Brabant wallon

La Hulpe, Braine- l’Alleud, Lasne, Ottignies ou Waterloo sont confrontées à un vieillissement de la population plus prononcé. Cela signifie que l’avenir de leurs lotissements se jouera donc pratiquement de manière simultanée puisque les personnes qui s’y sont installées l’ont fait au même moment. Ces propriétaires devront alors choisir d’adapter ou non leur logement. Une multitude de projets différents pourrait donc émerger suite à cela. Surtout que les personnes âgées souhaitent rester davantage chez elles depuis le covid, tout en effectuant certains aménagements pour leur bien-être. On le remarque dans les chiffres de fréquentation des maisons de repos, qui sont en baisse. Reste que la dépendance à la voiture et les conditions de vie dans le périurbains, avec une offre de services plus faible, sont des aspects qu’il ne faudra pas négliger. »

Proposer une offre diversifiée de logements

Sur le terrain, les promoteurs immobiliers ont conscience de ces évolutions mais ne modifient pas encore nécessairement la programmation de leurs développements en fonction de ces éléments. Pour une raison simple : dans leurs projets d’appartements, il existe déjà le plus souvent une grande diversification dans l’offre. « Le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de ménages isolés sont bien évidemment des tendances que nous suivons de près depuis longtemps, explique Renaud

DES ALTERNATIVES POUR LES SENIORS

Le Brabant wallon possède déjà de multiples possibilités pour loger ses seniors. À côté des résidences-services et des maisons de repos et de soins, il existe une série d’initiatives différentes et variées. Dont certaines qui poussent à réinventer l’habitation des personnes âgées, de manière à ce qu’elles restent le plus longtemps possible chez elles, ou alors à voir apparaitre de nouvelles formes d’habitat. Que ce soit via un habitat communautaire ou un habitat groupé. En Brabant wallon, les maisons Abbeyfield tentent par exemple de se développer pour répondre à ces besoins. Il s’agit d’un habitat groupé de taille familiale (10 unités de logement). On en dénombre dix pour le moment en Belgique, dont une à Perwez. « L’ambition est clairement d’accélérer le développement après une période de mise en route ces dernières années, explique Vincent Leroy, d’Abbeyfield. Notre ambition est d’avoir une mixité dans les âges (de 65 à 85 ans). Il s’agit de personnes qui sont encore très autonomes et qui veulent favoriser le

concrétisation se fait attendre.

vivre-ensemble. Elles veulent aussi égayer cette troisième partie de leur vie. Nous ne sommes pas la solution mais une des solutions possibles pour les personnes âgées. Ceux qui souhaitent créer un habitat de ce type doivent fédérer autour d'eux un ensemble de personnes qui sont prêts à s'investir dans la gestion d'une telle structure. Les maisons sont financées par les communes ou par des personnes philanthropes. »

L’habitat intergénérationnel (kangourou) est une autre piste – il mêle jeunes et personnes âgées. L’asbl 1Toit2Ages propose par exemple ce type de logements. La réhabilitation du site Bella Vita à Waterloo est un autre projet unique en son genre, avec un quartier de 182 appartements et 87 maisons tournés vers les liens intergénérationnels et les services de proximité.

Enfin, parmi les autres pistes, le logement évolutif en est une. Thomas & Piron vient d’ailleurs de se lancer dans cette voie. L’idée est d’adapter son logement à chaque étape de la vie, en y ajoutant ou retirant des volumes en fonction des besoins.

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Augmenter le nombre de logements modulables serait également intéressant pour s’adapter aux évolutions de la vie. Il y a des intentions d’aller vers ce type de logement mais la
Vincent Bottieau, géographe au CREAT

Naiken, directeur de Matexi Brabant wallon. Surtout qu’elles vont s’accentuer à l’avenir. Toutefois, nous proposons déjà une grande diversité dans nos projets : cela va du studio à l’appartement de trois chambres. Ces derniers sont plébiscités par les seniors qui disposent de davantage de moyens financiers. Les appartements sont souvent un peu plus grands en Brabant wallon que dans les autres provinces. Dans notre projet Belle Vallée à Jodoigne, un des deux immeubles à appartements comprend des appartements plus petits, adaptés à une offre spécifique. C’est déjà un premier pas. »

À Louvain-la-Neuve, les projets se multiplient également. Mais, pour le moment, l’idée est essentiellement d’équilibrer une offre qui est déjà élevée en logements de petites tailles. « C’est pour cela que dans le cadre du projet Athena (1 300 logements), l’idée est avant tout de favoriser l’arrivée de familles avec des logements relativement spacieux de minimum trois chambres, explique Nicolas Cordier, directeur du développement urbain de l’UCLouvain. Mais cela peut donc également concerner les familles monoparentales qui, une semaine sur deux, peuvent se retrouver avec plusieurs enfants. Ce projet comprendra toutefois une large diversité de logements qui devraient pouvoir répondre à tous les besoins. D’autres projets existent également dans la ville, dont deux le long de l’avenue du Ciseau ou à proximité de l’Ephec. On y retrouvera essentiellement des petits appartements. Tout comme l’étaient les derniers gros projets. L’important est d’avoir une offre diversifiée. »

Hugues Kempeneers, Directeur d’Embuild Wallonie

Propos recueillis par X. A.

L’enjeu de la réhabilitation du bâti résidentiel est énorme en Wallonie. Comment procéder ?

À côté de l’enjeu gigantesque de la rénovation du bâti énergétique, celui de la transformation du bâti existant vers un bâti qui répond davantage à l’évolution des ménages n’en est pas moins important. La composition des ménages n’est plus la même qu'hier et ne sera pas la même demain. Il faut donc réfléchir à la manière de réinventer ce parc de logements.

Quel rôle peuvent jouer les petits propriétaires dans ce cadre ?

Pour le bâti existant, plusieurs pistes existent. La démolition/reconstruction est la plus radicale mais permet d’adapter le mieux les logements aux besoins de demain. Dans certains cas, il n’est pas économiquement rentable de transformer des villas en des logements de petites tailles. Elles n’ont pas été conçues pour cela. Pour les autres, procéder à une division de logement n’est pas un obstacle insurmontable. Diversifier l’offre de logements dans les lotissements est obligatoire. Mais il faut que les communes, à travers leurs réglements, aient une ouverture sur ce point.

Comment réinventer ce parc de villas qui est obsolète

?

Nous ne pourrons pas tout raser et nous passer de ce genre d’habitations. D’autant que si on limite la densification en dehors des centres urbains et que l’on supprime ce parc de logements, nous allons au-devant d’un sérieux problème. Il faut donc réfléchir à la conception de logements adaptables via la rénovation. Nous travaillons d’ailleurs à l’élaboration d’un référentiel du logement adaptable. Ces logements devront répondre à une série de critères minimums, sans engendrer de grands frais. Ajoutons que, à côté de cela, il y a le logement adapté qui a, dès la conception, été pensé en fonction des différentes étapes de la vie.

Mais transformer le bâti n’est pas tout…

En effet. La transformation, c’est aussi la relocalisation des ménages dans les centres urbains. Et la réhabilitation, c’est aussi l’amélioration des espaces publics d’une commune et l’augmentation de l’offre de services. La réflexion doit être globale.

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« Les particuliers ont également un rôle à jouer »
interview
Bella Vita, un village intergénérationnel à Waterloo. Une initiative unique.

Les multiples enjeux du « suburbrabant »

Transformation en vue pour les lotissements rixensartois. Avec quatre récits fictifs à découvrir.

découvrir

Le Brabant wallon s’est construit ces dernières décennies autour de lotissements quatre façades. Un consortium d’architectes s’est penché sur les possibles réinventions de ces territoires suburbains, prenant Rixensart comme laboratoire d’expérimentation. Il en ressort quatre récits fictifs pour lancer les réflexions.

Vu de l’extérieur, le Brabant wallon peut sembler bien monotone pour certains architectes ou urbanistes étrangers. Avec notamment un immense tissu résidentiel périurbain fait de villas et de jardins. Des espaces qui, d’ici peu, devront être réinventés à l’aune des enjeux environnementaux, énergétiques et sociaux qui vont encore s'accentuer. Particulièrement dans les communes situées dans le centre du Brabant wallon, autour de Louvain-la-Neuve, où les lotissements se sont multipliés. « Certains lieux de la partie centrale du Brabant wallon présentent l’apparence d’un cadre de vie ordinaire où le bien-être rime avec habitat et propriété individuelle, villa et SUV, trampoline et haies bien taillées, analyse Guillaume Vanneste, fondateur du bureau d'architecture et d'urbanisme vvv et chercheur à l’UCLouvain, qui a piloté une recherche sur le sujet1. Ces vastes zones suburbaines, remplies de « villas quatre façades », sont comme de grands tapis qui ont oblitéré les tracés anciens, englobé les centralités historiques en se camouflant entre les arbres et les champs, et qui sont devenus aujourd’hui le paysage. Ces territoires sont une réalité concrète pour des dizaines de milliers d’habitants. »

La manière de transformer ce parc de logements fait partie des grands défis à relever. Que ce soit pour suivre les exigences en matière de rénovation énergétique, pour s’adapter aux nouveaux besoins démographiques ou aux évolutions de la société. « Aujourd’hui, ces espaces sont rattrapés par le temps et leur modèle semble insoutenable face aux enjeux de la société contemporaine, ajoute Guillaume Vanneste. Ces espaces périphériques sont-ils capables de muter vers un projet de ville qui assume une forme de transition ? Une transition des modèles de mobilité, de consommation des énergies ou des ressources, une transition des modèles de vivre ensemble et de production de l’habitat. Si oui, par quoi cela doit-il se

faire et comment s’en inquiéter ? S’agit-il comme souvent évoqué de proposer des modifications morphologiques qui visent à densifier ? Ces quartiers peuvent-ils s’hybrider à d’autres formes d’urbanisation ? Quelle est la place du travail au cœur de ces lotissements ? Autant de questions auxquelles il faudra bien trouver une réponse. »

Rixensart comme cas d’étude

Pour étudier de plus près cette problématique, Guillaume Vanneste et son équipe se sont attardés sur le cas de Rixensart. Et ce via quatre témoignages fictifs qui décrivent une « exploration projectuelle des transformations futures de ces territoire suburbains. » « Cette recherche par le projet se penche sur des cas d’études, échantillons de villes, confrontant une série d’hypothèses transformatives sur le bâti, la ville et le paysage, détaille Guillaume Vanneste. Peut-on imaginer de transformer les typologies de logements ? Pourquoi ne pas remembrer les parcelles ? Peut-on mettre en débat les zones de recul des permis de lotir ? Et si on questionnait les dimensions collectives et écosystémiques de ces quartiers ? Pourrait-on refonder les rapports de production et de consommation de ces tissus suburbains ? »

Ces témoignages rassemblent en tout cas une série de propositions qui ne sont pas tirées de situations réelles. Ce n’était pas le but. Il s’agit plutôt de mettre en avant des actions qui impactent et modifient l’environnement collectif, à l’opposé des logiques individuelles. « Volontairement à l’écart d’une réalité administrative, de l’urbanisme des plans, des règlementations, les propositions de transformation, si elles ouvrent le champ des possibles, n’en sont pas moins des propositions de bon sens, à la recherche d’une forme d’opérationnalisation ou de réalisme budgétaire ultérieur, analyse Guillaume Vanneste. »

Guillaume Vanneste

Il ressort de ce travail exploratoire des récits qui questionnent la transformation de l’habitat en Brabant wallon en convoquant la démarche architecturale. Des récits qui mettent en perspective les enjeux de la réappropriation du bâti et de la réhabilitation de tout un tissu fragmenté. Extraits.

espacevie.be | septembre 2023 11
Texte : Xavier Attout – Récits : Guillaume Vanneste – Photo : Michiel De Cleene 1. Cette recherche s’inscrit dans le cadre de « Réappropriation », une exposition organisée par l’ICA-WB à Louvain-la-Neuve du 12 octobre au 26 novembre 2023.
Certains lieux de la partie centrale du Brabant wallon présentent l’apparence d’un cadre de vie ordinaire où le bien-être rime avec habitat et propriété individuelle, villa et SUV, trampoline et haies bien taillées.

découvrir

Récit n°2 : La maison à appartements

« C’est après la deuxième grande crise sanitaire, celle de 2024, au moment de sa séparation que Jérémy a opté pour un appartement compact dans cette « villa ». Cette ancienne maison a été surélevée et transformée en appartements, lui est au rez avec un bout de jardin, c’était un critère.

Récit n°1 : La maison en colocation

« Ils sont dix à vivre dans la maison et pourtant l’ambiance reste assez calme. Ce n’est pas vraiment une colocation en réalité, chacun possède son studio avec une chambre, une kitchenette et une salle de douche. Mais au centre de l’habitation, il y a des grandes salles communes avec la cuisine, la grande salle à manger, un salon et la zone de détente, une sorte de bibliothèque avec quelques fauteuils. Lily espère pouvoir y trouver sa place.

Benoit, un des cohabitants qui travaille au service urbanisme de la commune, expliquait que c’est le nouveau code territorial adopté dans les années 2030 qui a permis de modifier les règlements présents dans les lotissements et notamment de faire évoluer la règle de trois mètres des espaces de recul entre parcelles. C’est comme cela qu’ils ont pu commencer à combiner des terrains et des maisons entre elles pour faire les maisons collectives ou les crèches ou les coworkings qu’on trouve dans le quartier aujourd’hui.

Les habitants ont tous en commun de retrouver une forme de communauté mais de vouloir leur autonomie dans l’habitat. D’ailleurs chacun trouve son rythme comme il le souhaite, il n’y a pas de compte à rendre.

Avec les nouveaux centres de quartiers installés dans les maisons rachetées en préemption par la commune, le quartier a pris une atmosphère plus vivante qu’il y a dix ans ! Il y a des salles de sport, quelques commerces et de l’horeca. Soit un cadre de vie plutôt agréable

Lily semblait être intéressée par une chambre à louer. Pour les démarches administratives, il faudrait voir avec le secrétariat des résidences géré par l'asbl paracommunale qui est en charge de celle de Rixensart. Benoit lui avait expliqué que cela permet un gel des loyers. » G. V.

Nadia traverse l’allée. C’est l’habitante du 2e, elle télétravaille souvent. Elle vit seule mais est assez extravertie, c’est le moteur de la petite vie entre les voisins de la villa. Que ce soit les BBQ d’été ou la gestion du jardin commun, c’est souvent elle qui lance les initiatives. Ça lui arrive de dépanner Jérémy en gardant sa fille Yaëlle de temps à autre.

Depuis cette rentrée, Yaëlle va à pied ou à vélo à l’école, quel bonheur, ne plus devoir faire les trajets. Il y a un tracé pedibus, qui profite du réseau de sentiers qui a été reconstruit ces dernières années. Il permet de relier les culs-de-sac et passe entre les clos et les jardins.

Le jardin de ce côté-là s’ouvre via un petit portillon vers le potager collectif et une aire de jeux de quartier. C’était une maison isolée au centre du lotissement et la commune a fait usage de son droit de préemption pour acheter cette parcelle. Ça fait partie de leur programme de rénovation suburbaine, des opérations subsidiées pour des biens communs. Les maisons voisines ont rapidement ajusté leur clôture et leurs haies pour avoir un accès direct à ces nouveaux clos. » G. V.

Récit n°3 : La maison qui mêle habitat et travail

« Depuis qu’on a réinstauré la multiculture et que la ceinture alimentaire a racheté pas mal de terrain, il y a une biodiversité folle dans les champs d'en face. Farzaneh est coopératrice dans la coopérative de maraîchage, elle a à disposition un petit lot du terrain pour faire pousser ses fleurs.

À midi, ils mangent ensemble dans la cuisine de la maison. L’atelier n’est pas équipé, après tout avec la maison si proche, c’est plus simple pour se cuisiner un petit quelque chose. Ça fait partie de ce qu’elle aime, travailler à la maison, partager son temps de manière équilibrée entre travail et vie privée. Alors qu’on mange dans la cuisine ne la dérange pas, c’est un peu l’interface entre l’atelier et la maison. Après un début de carrière endiablé, elle a choisi de ménager son rythme et de mêler sa vie et son travail simplement. La modification des règles sur les activités en zone d’habitat est tombée à pic au milieu des années 2020. Elle a directement fait construire cette grande serre qui s’ouvre aujourd’hui sur la nouvelle placette piétonne pour y faire pousser et y vendre ses plantes et ses fleurs des champs. » G. V.

Récit n°4 : La maison kangourou

« Le nouveau quartier d'hiver. Mamy y passe la plupart de son temps, frais en été, tempéré en hiver. En fait elle ne va plus très bien, c’était difficile pour elle de gérer sa grande maison seule depuis la mort de papy, une maison si grande, si couteuse en énergie et surtout si vide. Un sacré cout. La famille a alors fait le projet de se rassembler sous le même toit.

Après de longues discussions, Judith s’est vue rassurée sur le projet. Les primes à l’intergénérationnel sont tombées à point nommé. La Fédération Wallonie-Bruxelles finançait les frais de déménagement des personnes seniores pour un rassemblement familial, et la Région wallonne intervenait sur certains travaux de réaménagement des maisons et appartements.

L’arrivée de Bernadette a été l’occasion d’un beau projet de vie communautaire, une maison kangourou, la famille comme voisin, c’était un sacré coup de jeune. Depuis quand n’avait-elle pas éprouvé ce sentiment de proximité ? Il fallait reconstruire les liens, réinventer des interactions. Mais c’était un vrai plaisir de voir son fils et sa petite fille plus souvent.

Elle qui pensait restreindre son champ d’action en quittant son village d'origine, en réalité c’est tout un monde qui s’ouvre. De nouveaux paysages, de nouvelles rencontres, le centre de quartier installé dans le parc voisin où elle est bénévole une après-midi par semaine à l’école des devoirs. »

S’opposer à un projet immobilier active une série de ressorts psychologiques qui peuvent être parfois considérés comme naturels. Les dynamiques de mobilisation en aménagement du territoire ont en tout cas nettement évolué ces dernières années. Surtout en Brabant wallon.

Texte et photo : Xavier Attout

Abraham Franssen, docteur en sociologie, est professeur de sociologie de l’action collective à l’Université Saint-LouisBruxelles. Il évoque avec nous les ressorts psychologiques qui sont activés lorsque des habitants sont confrontés à des opérations de densification et d’évolution de leur environnement.

Comment peut-on expliquer les réticences des habitants à voir leur environnement évoluer ?

ABRAHAM FRANSSEN. C’est un processus qui n’est pas neuf, surtout en Brabant wallon. Même si on admet qu’il y a une aspiration naturelle à défendre son chez-soi, il faut reconnaitre que cette opposition est perçue différemment selon le niveau socio-économique des habitants. Ce ne sont pas les plus précarisés qui s’opposent le plus.

Tout le monde parle d’accélérer la densification des territoires mais les oppositions sur le terrain restent vives.

Comment expliquer cette réaction, alors que la plupart des habitants ont profité de cette densification ?

Le point de départ est toujours lié à la présence d’un groupe qui a des intérêts divergents à faire valoir. Le Brabant wallon est un bon exemple car les réticences au changement sont plus importantes. Il y a davantage de propriétaires et une population qui dispose de ressources culturelles et économiques plus importantes. Ils ont donc davantage de capacités à faire valoir leurs droits. L’espace peut être un champ de bataille sur lequel ils peuvent s’exprimer.

Quand des habitants déménagent, il y a aussi cette dimension d’acheter un cadre de vie qu’ils ne veulent pas voir évoluer…

En effet. Ils se créent un imaginaire particulier qu’ils ne pensent pas voir évoluer. Ce phénomène est très présent lorsque des habitants ont construit une maison 4 façades, d’où les résistances assez fortes aux politiques de densification. Et puis, il y a également le plus souvent un conflit d’usage. Dans certaines communes du Brabant wallon, un conflit latent persiste entre ruraux et néoruraux. Le rapport à l’espace y est très différent. Le passage des tracteurs, les coulées de boue ou le chant du coq sont perçus bien différemment des deux côtés. Quand la population est plus homogène, il est plus facile de cohabiter.

Cette cohabitation est plus aisée en ville ?

Les conflits d’usage sont bien évidemment moins présents puisque les nuisances de départ sont

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« L’opposition à un projet est surtout liée à la crainte de perdre ce que l’on possède »
découvrir
Abraham Franssen, docteur en sociologie

connues de tous. Par contre, les phénomènes de gentrification ou de changement de composition sociale sont plus marqués. Des tensions peuvent apparaitre auprès de populations qui sont évincées suite à l’arrivée de nouveaux habitants dans des immeubles neufs plus haut de gamme. En Brabant wallon, la situation peut être différente. Les gens ont tendance à s’ignorer et à ne pas se connaitre. Des rivalités peuvent même apparaitre. Par contre, lorsqu'un nouveau projet immobilier apparait, ils se coalisent contre l’intrus et les tensions s’effacent alors. Les deux seules fois où j’ai croisé mes voisins, c’est lorsque nous nous sommes opposés à des projets immobiliers : la construction d’une éolienne et la construction d’un hangar agricole !

Les dynamiques de mobilisation en aménagement du territoire ont-elles évolué ces dernières années ?

L’acceptation de l’ordre établi est de plus en plus remise en question. Les habitants estiment qu’une décision où ils n’ont pas eu voix au chapitre est

Le sentiment d’avoir

une décision illégitime. Il y a un sentiment de dépossession. Ce qui déclenche cette opposition est surtout lié à la frustration, à la crainte de perdre quelque chose que l’on possède. D’autant plus en immobilier, avec le fait que ces propriétaires ont posé des actes pendant des décennies pour posséder ce bien. La relation est donc beaucoup plus forte.

Quelle est votre vision du phénomène

NIMBY (Not In My BackYard) ?

Il désigne les discours et les pratiques d’opposition de populations riveraines à l’implantation – existante ou projetée – d’installations nouvelles. Et il met aussi aux prises différents acteurs (promoteurs, riverains, autorités, médias).

Mais le Nimby possède surtout une connotation négative. Il est utilisé pour disqualifier et défendre des intérêts particuliers. Il faut relever néanmoins que, dans la plupart des dossiers, l’opposition mène à des compromis. C’est rarement noir ou blanc.

espacevie.be | septembre 2023
acheté un cadre de vie est un phénomène très présent lorsque des habitants ont construit une maison 4 façades, d’où les résistances assez fortes aux politiques de densification.
Abraham Franssen, sociologue
Les projets immobiliers suscitent toujours plus de tensions auprès de certains habitants.

Les freins à la densification

La fin de l’étalement urbain s’accompagne d’une densification des centres des villes et villages. Un processus entamé depuis plus de quinze ans en Brabant wallon et qui porte lentement ses fruits, quoi qu’on en dise. Néanmoins, même si les esprits sont plus ouverts qu’auparavant, les freins restent nombreux. Tour d’horizon.

Les freins des habitants

- Une densité déjà trop élevée dans la commune

- La volonté de maintenir le cadre de vie inchangé

- L’apparition de nouvelles nuisances : mobilité, bruit, modification de l’environnement

- Une acceptation sociale d’ouverture à l’autre relativement faible

- Des projets qui sont estimés comme disproportionnés avec l’émergence de bâtiments en hauteur

- Le sentiment d’un manque de transparence dans l’élaboration des projets

Les freins des élus

- Une discordance entre la volonté de densification de la Région wallonne et l’application sur le terrain par les élus locaux

- Le manque d’envie d’un collège communal de transformer sa commune et de la développer

- La crainte de voir ses habitants critiquer sa politique de densification et ne plus être réélu

- L’accaparement de la plus-value foncière par le privé

- Le dimensionnement de réseaux inadapté aux nouveaux besoins (voiries et impétrants)

- La crainte d’une augmentation des prix de l’immobilier (construire dans les centres coute plus cher)

- La crainte de ne pas pouvoir répondre aux besoins en matière de services publics

Les avantages

- Répondre à la demande en logement et à la hausse démographique

- Freiner l’étalement urbain et recentrer l’habitat

- S’ouvrir à d’autres formes d’habitat

- Développer des alternatives à la voiture plus attractives

- Contribuer à la rénovation et à la revitalisation d’une ville ou d'un village

- Élargir l’assiette fiscale d’une commune

- Renforcer l'économie locale

Les solutions

Ï Développer une densification raisonnée

Ï Renforcer l’accompagnement de la densification

Ï Aménager des espaces publics et des d’espaces verts de qualité de même que des infrastructures pour les modes doux

L’alternative de la densification douce

Pour aller plus loin

Retrouvez en page 20 tous les détails de la conférence donnée par Denis Caraire le 9 novembre qui évoquera notamment la densification douce.

La densification douce regroupe l'ensemble des opérations dispersées visant l'ajout de logements qui ont lieu dans un tissu urbanisé existant, tout particulièrement les lotissements. Elle permet « l’accueil de nouveaux ménages dans un milieu, sans changement significatif des caractéristiques de son cadre bâti, précise l'organisation publique canadienne Vivre en Ville. Elle ne nécessite généralement pas, bien que cela soit possible, de démolir des bâtiments déjà en place. À l’initiative des propriétaires fonciers, de promoteurs ou des pouvoirs publics, les interventions de densification douce peuvent prendre différentes formes.» Que cela passe par la division, l’agrandissement ou la (re)construction.

Les avantages sont nombreux : diversification de l’offre résidentielle ; discrétion des interventions pour les résidents actuels ; maintien du paysage bâti.

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Texte : Xavier Attout

Recueillir les désirs de réappropriations

Sensibiliser et mobiliser les habitants autour des réflexions sur la réappropriation spatiale du Brabant wallon : c’est le fondement du projet « Désirs et formes d’habiter ». Celui-ci est né d’une collaboration entre l’Institut Culturel d’Architecture et la Maison de l’urbanisme autour des questions de la réhabilitation territoriale et de la rénovation du bâti.

Texte : Stéphanie Van Doosselaere et Aurélien Jacob (avec B. D et X .A)

Comment les plus de 65 ans envisagent de transformer leur villa quatre façades devenue trop grande ? Comment des adolescents imaginent réinvestir des parcelles abandonnées ? Deux questions parmi d’autres dont l’Institut Culturel d’Architecture WallonieBruxelles (ICA-WB) et la Maison de l’urbanisme se sont emparés cet été. Et ce dans le cadre d’ateliers qui ont mobilisé la réflexion d’habitants autour de la question de la réappropriation spatiale du Brabant wallon. Une façon de sensibiliser sur cet enjeu grandissant en questionnant les ainés et les jeunes.

Dans ce cadre, durant quatre après-midis du mois de juin, un groupe d’une quinzaine d’ainés (de plus de 65 ans) s’est réuni à Court-SaintÉtienne pour évoquer ces enjeux en compagnie de Stéphanie Van Doosselaere (ICA) et Bénédicte Dawance (Maison de l’urbanisme). « Aujourd’hui, en Brabant wallon, on compte 73 centenaires », a-t-on entendu lors d’un des ateliers. « Dans moins de 50 ans, ils seront plus de mille !, ajoutait un autre participant. Les maisons de repos répondront-elles à l’attente des personnes âgées ? Selon mon expérience, lorsque l’on a vécu cinquante ans dans une maison quatre façades avec jardin, il est difficile de vivre dans une chambre avec vue sur les immeubles voisins et sans jardin. Que faire alors ? Et il est

évident qu’il ne sera plus possible de permettre à chacun d’avoir sa maison et son jardin ! Tout comme il devient inaudible d’entendre dire « je fais ce que je veux ».

Quels habitats pour les plus de 65 ans ?

Ces ateliers ont été l’occasion pour les participants d’apprendre, d’échanger et de laisser libre cours à leur imagination. Les motivations pour y participer étaient variées : une maison devenue trop grande pour certains, les perspectives d’une vie en habitat groupé pour d’autres ou encore par simple

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apprendre
Photo : ICA-WB

curiosité. En revanche, tous partageaient l’envie d’en savoir plus sur les pratiques existantes et le cadre juridique, autant que celle de partager une réflexion et des expériences. Pour accompagner la réflexion, un site a été choisi pour sa localisation centrale et son potentiel de réhabilitation : une bâtisse imposante sur une ample parcelle, des maisons généreuses construites en lot de fond et un terrain vierge de plus de 10 ares.

L’occasion alors de lancer un grand exercice pour tous les participants. Le scénario de départ : six nouveaux ménages investissent la zone définie et tentent de répondre ensemble à deux questions. Un, quelles pistes de réhabilitation envisager pour densifier de manière qualitative cet espace proche du centre ? Deux, comment y accueillir un habitat désirable et adapté aux personnes de plus de 65 ans ?

Un exercice qui a permis de mettre en lumière les limites auxquelles sont confrontés les participants, que ce soit des démarches administratives,

des freins budgétaires ou encore des contraintes urbanistiques... Mais aussi de soulever les opportunités en termes de diversité de logements et de vivre-ensemble. L’occasion aussi de comprendre les logiques de fonctionnement des différents acteurs rassemblés autour d’un projet et partager les défis de la réhabilitation des espaces avec le regard des ainés. Au fil des ateliers, une ébauche puis une proposition de projet s’est érigée sous forme d’une maquette.

Des ateliers urbex pour réfléchir

En parallèle à ces après-midis, alors que les ainés s’attelaient à modeler des formes heureuses de réappropriation d’un site, nous emmenions des adolescents dans les dédales d’un site en quête de réaffectation.

Pendant cinq jours, le stage intitulé « Urbex » invitait une dizaine de jeunes à appréhender l’ampleur du défi de la régénération du territoire. « Il semble fondamental que ces futurs adultes

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Une série d'ateliers ont mobilisé la réflexion d’habitants autour de la question de la réappropriation spatiale du Brabant wallon.

soient dès à présent en capacité d’agir sur leur environnement bâti et non-bâti, lance Aurélien Jacob (ICA-WB), l’un des deux animateurs avec Agnès Chevalier (Maison de l’urbanisme). Qu’ils puissent se l’approprier en découvrant les qualités ainsi que les enjeux de transformation de leur patrimoine bâti quotidien et de leur paysage. » Le déroulé de cet atelier, inscrit dans les pratiques pédagogiques de l’ICA-WB, donne la part belle à l’observation, suscite l’imaginaire et la discussion. Cinq jours pour ouvrir le regard des jeunes sur les défis de réhabilitation du territoire ; allant de la réappropriation de notre patrimoine bâti au soin à apporter à nos paysages, tout en rencontrant leurs cultures et leurs esthétiques.

Pour rappel, le terme « Urbex » est une contraction d’Urban Exploration. Il s’agit d’explorer l’existant, découvrir d’autres chemins de la ville - en particulier ses espaces cachés, s’aventurer dans les espaces abandonnés ou encore s’approprier les lieux par l’arpentage et la photographie. Le site délaissé des Bétons Lemaire à Céroux-Mousty a été le terrain de jeu de cette aventure. Une occupation temporaire y est déjà présente, dans l’attente d’un futur pour le site qui le reliera à terme au cœur d’Ottignies. Les ados ont aussi exploré le site des anciennes usines Henricot ou encore les rives de la Dyle, autant de sites à faire renaitre.

Ces différents parcours ont livré un matériel riche et varié : reportages photos, cartes mentales et dessins, herbier urbain, planches de BD et maquettes, présentées lors d’une petite exposition au Centre Culturel du Brabant Wallon. Autant de productions artistiques pour susciter le regard sur le bâti existant, sensibiliser à la nature présente, scénariser des réhabilitations ou encore questionner les besoins des habitants.

LES CONTOURS DE L’ICA-WB

La réhabilitation au cœur des pratiques d’architecture Mettons en écho ce que nous disent et nous révèlent ces échanges, entre recherches, souvenirs, rêves et projections d’habiter. Il en ressort des défis pour re-habiter le « déjà construit », développer de nouvelles formes d’habitat/d’habiter, souples et modulables, repenser notre rapport aux milieux et nourrir nos désirs de collectif. Autant de défis qui témoignent d’une urgence climatique, économique et écologique. Ces aventures collectives entrent en écho pour suggérer une démarche de développement régénératif qui convoque tant l’architecture que l’urbanisme et qui met au cœur de ces pratiques la réhabilitation.

Ces ateliers sont aussi une mise en abime des démarches architecturales et urbanistiques qui nous montrent notre capacité d’activer la transition spatiale, environnementale et sociétale.

Pour aller plus loin

La vidéaste Camille Van Durme a donné vie à ce dialogue entre les ados et les aînés dans un court métrage sensible. Une façon de sensibiliser le grand public à ces questions.

Institut nomade, l’ICA-WB parcourt la Wallonie et Bruxelles pour créer des liens entre les différents territoires et pour rencontrer ses habitants. La sensibilisation à l’architecture contemporaine mise en place depuis quatre ans par l’Institut fait la part belle à la participation collective pour élaborer et partager des réflexions à travers des expositions, des conférences, des rencontres, des ateliers et des stages. Si l’architecture suscite encore trop souvent une forme d’indifférence, l’objectif est que chacun prenne conscience qu’il est acteur de son environnement (non-)bâti. L’ICA-WB souhaite accompagner cette prise de conscience et cette mise en dialogue, ainsi qu’amener à changer les regards, à déconstruire les préjugés sur l’architecture encore trop souvent nourris d’idées reçues, de démarches consuméristes et de catégorisations « en styles architecturaux ».

Accompagné d’une sélection de maquettes, de plans et de photomontages tirée des deux ateliers, il sera dévoilé lors de l’exposition « Ré-appropriations » qui se tiendra du 12 octobre au 26 novembre prochain aux Halles Universitaires. L’exposition tissera à son tour des liens entre « Désirs et formes d’habiter » et sept constructions issues de l’ouvrage « Architectures Wallonie-Bruxelles Inventaires #4 Inventories 2020-2023 - Vers une démarche architecturale régénérative. »

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apprendre

Re-habi(li)ter : habiter, re-habiter, habiliter CONFÉRENCE

Jeudi 9 novembre à 20h à Court-Saint-Étienne

La re-habi(li)tation : une invitation à revoir notre rapport au territoire entre des tissus artificialisés à régénérer, des manières d’habiter à réinventer et une habilité à (re)conquérir.

Avec nos intervenants, le temps d’une soirée, nous mettrons en perspective le défi de la re-habi(li)tation qui questionne nos pratiques d’urbanisme et interpelle nos politiques territoriales, sociales et environnementales.

Denis Caraire (Villes Vivantes) nous parlera de ses missions auprès des collectivités et des habitants pour concrétiser la réduction de l’artificialisation des sols et nous montrera l’impact social de cette politique d’urbanisme.

Guillaume Vanneste nous présentera le produit de sa recherche explorant, sur notre territoire périurbain, différentes manières de réinvestir le pavillonnaire.

Nous aborderons aussi en compagnie de Cédric Harmant et de Bernard Paques les opportunités, les freins qui se présentent et l’agilité juridique nécessaire à la concrétisation d’une re-habi(li)tation de nos tissus urbanisés au travers de la consolidation de leurs structures et leur densification douce.

VISITE

Une trajectoire de re-habi(li)tation

La Maison de l’urbanisme vous emmène le 13 octobre à Loos-enGohelle (France) sur les chemins de la réhabilitation de territoires. Située au nord de Lens, cette commune de 7 000 habitants est considérée depuis une trentaine d’années comme une ville pilote en matière de développement durable. Elle œuvre à la réhabilitation de son territoire depuis la fermeture du site minier en 1986. Lors de cette visite d’une journée, on y découvrira entre autres la Base 11/19, réhabilitée en « écopôle » tourné vers la recherche et l’innovation. Place ensuite l’après-midi à la découverte du projet de rénovation d’une ancienne ferme dite « Ferme des Ail’leurs » en un centre de vacances adapté et inclusif.

13 octobre. Départ à 8h, retour à 18h30

Lieu de départ : Parking de l’Intermarché

Place Baudouin 1er 12, 1490 Court-St-Étienne

Prix : 20 euros

Réservation obligatoire avant le 9 octobre : m.urbanisme@ccbw.be ou mubw.be

Avec

Denis Caraire

Co-fondateur de la start-up française d’urbanisme Villes Vivantes

Guillaume Vanneste

Fondateur du bureau d'architecture et d'urbanisme vvv et chercheur à l'UCLouvain

Cédric Harmant

Fonctionnaire délégué du Brabant wallon

Bernard Paques

Avocat spécialisé en droit de l'urbanisme

Cette conférence est organisée en partenariat avec l’ ICA-WB. Elle s’inscrit dans le cadre de l’exposition « Temps d’Archi » qui se tiendra aux Halles Universitaires à Louvain-laNeuve du 12 octobre au 26 novembre.

Inscriptions obligatoires avant le 6 novembre

m.urbanisme@ccbw.be ou mubw.be

Tarif : 5 euros

19h45 : Accueil

20h : Début de la conférence

21h30 : Fin de la conférence

Adresse

Centre culturel du Brabant wallon

Rue Belotte, 3 1490 Court-Saint-Étienne

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