8 minute read

JO VERSCHUEREN

COORDINATEUR EN SCIENCES DE LA RÉADAPTATION ET KINÉSITHÉRAPIE

“Les blessures dues à une surcharge représentent souvent les plus grands défis.”

Jo Verschueren est doctorant dans le groupe de recherche sur la Physiologie humaine à la faculté LK de la Vrije Universiteit Brussel et coordinateur de la spécialisation de dernière année en Sciences de la réadaptation et kinésithérapie, option kinésithérapie sportive. De plus, il a acquis de l’expérience en tant que kinésithérapeute dans le sport de haut niveau auprès des équipes nationales de volley et de hockey. Son domaine de recherche se concentre sur (1) les effets de la fatigue sur le profil de risque de blessure dans le cadre de la prévention des blessures sportives et sur (2) les effets des blessures (sportives) sur le cerveau et les interactions avec la fatigue dans le cadre de la réadaptation et de la reprise du sport. Par ailleurs, il travaille toujours comme kinésithérapeute sportif indépendant afin de poursuivre la transposition à la pratique clinique. Il va donc pouvoir nous guider dans l’univers du traitement et de la prévention des blessures.

Monsieur Verschueren, le hockey n’est pas considéré comme un sport de contact. Cela signifiet-il que l’on y rencontre moins de blessures que dans d’autres sports ?

Pas du tout. Les joueurs et joueuses de hockey sont évidemment aussi confrontés à des blessures sportives, mais cette appellation recouvre un concept très vaste. Il peut être question d’éraflures, de maux de dos, de lésions musculaires ou de blessures plus graves, telles que les luxations d’épaules ou les blessures à la tête. On pourrait penser que le hockey est un sport dangereux étant donné le grand nombre de blessures, mais, en général, ces blessures ne sont pas graves et, souvent, le joueur ou la joueuse peut rapidement remonter sur le terrain. Les blessures cutanées et les entorses de chevilles sont fréquentes dans le hockey, mais la nature des blessures

Quelles blessures sont les plus fréquentes chez les jeunes joueurs et joueuses de hockey ?

À un jeune âge, le hockey est enseigné de manière plus ludique et nous observons peu de blessures. Étant donné que les enfants jouent beaucoup, également en dehors du hockey, ils ont occasionnellement quelques douleurs après l’entraînement, souvent en raison d’une légère surcharge. À partir de la poussée de croissance, nous constatons une augmentation du nombre de blessures dues à une surcharge. Le corps change très rapidement et les muscles et les tendons ont besoin de temps pour s’adapter. Cela se traduit par des tendinopathies, souvent au niveau de l’aine, du genou ou du pied.

D’ autres blessures apparaissent-elles alors après cette poussée de croissance ?

Après la poussée de croissance, l’intensité du jeu augmente et nous sommes davantage confrontés à des blessures musculaires et entorses de chevilles traumatiques. Les maux de dos sont également caractéristiques chez les joueurs et joueuses de hockey, en particulier pour ceux et celles qui pratiquent le hockey comme loisir et doivent à côté de cela aussi assumer une famille et un travail. Le hockey n’est pas un sport de contact en soi, car il n’est par exemple pas autorisé de pousser avec la main ou l’épaule. Cependant, d’autres types de contacts sont possibles. Pendant le jeu, une balle ou une crosse peut vous percuter ou atteindre un adversaire et provoquer des contusions qui, après une première réaction douloureuse, n’empêcheront généralement pas le joueur ou la joueuse de pouvoir remonter rapidement sur le terrain. Parfois, il est tout de même question d’une fêlure ou d’une fracture qui va alors immobiliser le joueur ou la joueuse un certain temps.

Et dans ce cas, un bon traitement est naturellement vital.

Pour les blessures traumatiques, par exemple les lésions musculaires ou les entorses de chevilles, il est nécessaire d’administrer correctement les premiers soins. Pour ce faire, nous appliquons consciencieusement l’acronyme « POLICE » (Protect, Optimal Load, Ice, Compression & Elevation). Il faut donc retirer le joueur ou la joueuse du match ou de l’entraînement pour le/la protéger de toute autre blessure, poser de la glace et proposer si nécessaire l’utilisation de béquilles. Ensuite, le traitement va être mis en place par le médecin, qui va souvent prescrire de la kinésithérapie pour encadrer la rééducation. Les blessures dues à une surcharge représentent souvent les plus grands défis. Du fait que le joueur ou la joueuse a la sensation de pouvoir continuer à jouer, souvent malgré la douleur, il ou elle va fréquemment se priver des soins nécessaires dès le départ pour la blessure. Une communication ouverte et claire au sein de l’équipe est dès lors essentielle. Il convient de saisir la balle au bond et, en concertation avec le médecin et le kinésithérapeute sportif, de commencer un programme de soins adéquat. Pendant la rééducation, il est possible de déterminer quand la personne pourra reprendre le sport, éventuellement avec les adaptations nécessaires, et ce toujours en association avec les soins adéquats.

Les sportifs et sportives souhaitent évidemment revenir au plus vite au cœur de l’action. Dans une situation idéale, combien de temps doit durer la rééducation ?

Il n’existe pas de durée de rééducation idéale pour les blessures sportives. Alors que l’on avait tendance auparavant à associer une certaine durée à une blessure définie (par ex. trois semaines d’arrêt après une blessure à la cheville), la littérature scientifique démontre que le temps de guérison fonctionnelle peut fortement varier. Nous le constatons également au quotidien dans la pratique du kinésithérapeute sportif. Tel(le) athlète va se rétablir plus vite que tel(le) autre. Cela dépend aussi considérablement du type de blessure et des éventuelles autres blessures qui apparaissent en plus. Néanmoins, il y a tout de même souvent un temps de récupération minimum à respecter. Il faut donc chercher le bon équilibre entre la guérison de la blessure et la récupération de la force, de la stabilité et de la coordination dans le corps. Une opinion est largement partagée à savoir qu’une reprise trop rapide du sport ne fait qu’augmenter le risque de se reblesser. Accordez-vous donc le temps nécessaire pour guérir : en cas de doute, mieux vaut attendre !

Mieux vaut prévenir que guérir, c’est ce que dit le dicton. Êtes-vous d’accord avec celui-ci ?

Absolument ! La prévention des blessures est très importante dans le sport, et donc aussi au hockey. Il est possible d’éviter les blessures avec une préparation adéquate et des exercices préventifs. Pour ce faire, il y a généralement deux stratégies admises. D’une part, il existe des scénarios dans lesquels l’ensemble de l’équipe suit le programme de prévention, qui est souvent intégré dans l’entraînement ou l’échauffement. D’autre part, il existe aussi une approche individuelle, qui consiste à s’entraîner de manière ciblée sur des modèles de mouvement et des facteurs de risques caractéristiques. Il ne faut toutefois pas oublier qu’une bonne préparation physique et une structure d’entraînement ciblée est également d’une très grande importance dans le cadre de la prévention des blessures. Une personne en bonne condition physique pourra mieux supporter la charge que représente le hockey et présentera aussi un risque inférieur de blessure.

Comment la prévention des blessures est-elle abordée dans le monde du hockey ?

Il n’y a pas de protocole standard pour les joueurs et joueuses de hockey dans le domaine de la prévention des blessures. Il est évidemment possible de s’inspirer par exemple des programmes de prévention des entorses de chevilles et lésions musculaires qui existent dans d’autres sports. La pratique d’exercices d’équilibre et de stabilité pendant l’échauffement aide à réduire le nombre d’entorses de chevilles. Des techniques de jeu spécifiques au hockey peuvent alors y être associées pour les rendre plus agréables. Par exemple, tenir la balle sur la crosse en hauteur ou certaines aptitudes techniques et formes de dribble. Il est possible d’éviter les blessures musculaires grâce à une bonne préparation physique et un échauffement de qualité, mais aussi en pratiquant des exercices de renforcement ciblés. L’intégration de certaines formes d’entraînement (p. ex. le Nordic Hamstring Curl) dans l’échauffement permet également de diminuer le nombre de blessures aux ischiojambiers. Ce sont cependant des exercices musculaires difficiles qu’il faut apprendre à exécuter correctement et à pratiquer en étant encadré(e) dans les limites de ses propres capacités.

Qu’en est-il des étirements ? Certain(e)s ne jurent que par ça, d’autres n’en voient pas l’utilité…

Les étirements n’ont pas d’effet sur la prévention des lésions musculaires. C’est même le contraire. L’étirement statique d’un muscle avant un effort diminue la capacité du muscle à produire de la force et est plutôt contre-productif. Cette conception n’est toutefois pas encore bien intégrée dans la pratique, où de nombreux athlètes continuent de faire des étirements statiques avant l’activité sportive. Les étirements dynamiques peuvent par contre faire partie d’un bon échauffement, mais ils n’ont pas non plus d’effet direct sur la prévention des blessures.

À quoi ressemble, selon vous, le « cadre médical » idéal dans un club de hockey ?

Au niveau amateur, je recommande fortement de chercher dans le réseau local un kinésithérapeute sportif et un médecin du sport aptes qui peuvent conseiller le club et les joueurs et joueuses si nécessaire. Il existe toutes sortes de plateformes et sites Web où vous pouvez chercher des spécialistes reconnus dans le domaine. Au niveau professionnel, il y a un kinésithérapeute sportif fixe qui peut collaborer un minimum avec un médecin, mais il est évidemment recommandé de disposer d’un médecin désigné pour le club. Le kinésithérapeute et le médecin doivent pouvoir bien travailler ensemble et se concerter avec le staff technique, dans une relation de respect pour les qualités et connaissances de chacun, chacune. C’est la seule façon de parvenir à une bonne préparation physique et une prévention efficace des blessures. D’après mon expérience, le coaching physique, mais aussi l’accompagnement psychologique par un ou une psychologue du sport et des conseils diététiques professionnels ont également déjà fait leurs preuves. Si une expertise complémentaire est encore nécessaire, il est également possible

Le hockey gagne évidemment en popularité, et les performances des Red Lions n’y sont pas étrangères…

Le hockey est aussi simplement un sport fantastique qui peut énormément contribuer au développement de la motricité chez les enfants. C’est un sport qui rassemble de manière unique la technique de course, l’agilité du jeu de jambes, la puissance, l’endurance et la coordination œil-main. Ne vous laissez donc pas impressionner par cette histoire sur les blessures sportives et allez vous faire votre propre idée de ce que le hockey peut offrir.

This article is from: