WWF Magazine 104 FR

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Magazine Édition de printemps 2023 N° 104 – MARS AVRIL MAI 2023 – TRIMESTRIEL – BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X – P309290 6/ DOSSIER Réensauvager la nature belge 14/ SUR LE TERRAIN Apprendre à connaître les jaguars du Suriname 18/ FOCUS Comment choisir une source de protéines durable ?

EDITO

« Nous n’habitons pas à côté de la nature, nous en faisons partie ! »

Signez ici !

Une loi contraignante pour la restauration de la nature européenne à grande échelle est en cours d’élaboration.

Demandez à vos responsables politiques de soutenir un texte de loi fort en signant notre pétition :

Les dernières nouvelles pour la biodiversité semblent (enfin) encourageantes : après la COP15 sur la biodiversité et l’accord de l’ONU pour protéger la haute mer, une loi européenne pour la restauration de la nature va être votée cet été. En parallèle, le retour en Belgique d’espèces comme le lynx et les observations plus fréquentes de la loutre sont également des signes d’espoir et une marque de la résilience de ces espèces. Elles nous prouvent que la nature est capable de reprendre ses droits, quand l’humain lui en laisse l’occasion…

Face à ces perspectives réjouissantes, le WWF réfléchit déjà à « l’après » – et c’est avec enthousiasme que nous vous présentons entre ces pages notre rêve pour la nature belge, et plus précisément ce que le concept du « réensauvagement » voudrait dire pour notre pays. Concrètement, il s’agirait de permettre aux processus naturels de restaurer euxmêmes les paysages dégradés. Mais avant cela, il faut leur donner les bonnes conditions : en libérant le cours des rivières, en favorisant l’épanouissement des espèces sauvages, en permettant la régénération naturelle des forêts... Cette méthode de restauration de la nature a bien des avantages : à la fois économique sur le long terme, elle booste aussi la capacité de la nature à répondre au dérèglement climatique.

Restaurer et réensauvager, ce n’est pas seulement l’affaire des organisations comme la nôtre : chacun·e peut contribuer à son échelle à ramener un peu de nature sauvage dans notre pays. Qu’il s’agisse de petites ASBL qui participent au Fonds pour la nature d’ici (voir p.13 et p.24) ou même de citoyen·nes inviduel·les. En introduisant des zones sauvages dans nos jardins, en laissant de la place aux friches, en végétalisant nos cités et en prenant le temps d’observer la nature sauvage qui s’y glisse. Car nous n’habitons pas à côté de la nature –nous en faisons partie ! Et nous devons trouver de nouvelles façons d’apprendre à vivre en harmonie…

Merci à tous et à toutes pour votre soutien qui nous permet d’être ambitieux dans nos projets de restauration de la nature sauvage, en Belgique comme à travers le monde. Ensemble, tout est possible !

Roseline C. Beudels-Jamar de Bolsée Présidente du conseil d’administration du WWF-Belgique
Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 2 Dossier

6/ DOSSIER

Réensauvager la nature belge

14/ SUR LE TERRAIN

Apprendre à connaître les jaguars du Suriname

18/

FOCUS

Comment choisir une source de protéines durable ?

SOMMAIRE

4 En bref

20 Youth 22 Merci

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Appelez le 02 340 09 22 ou envoyez un message à supporters@wwf.be.

COLOPHON : Le WWF Magazine est une publication du WWF-Belgique Communauté française asbl. Tous droits réservés au WWF. Le logo et les initiales WWF sont des marques déposées du World Wide Fund for Nature. Reproduction des textes autorisée, à condition qu’il soit fait mention de la source.

• Ont collaboré à ce numéro : Maria José Alencastro, Alison Avanzini, Céline De Caluwé, Laura de Kort, Titus Ghyselinck, Laure Raimondi, Corentin Rousseau, Pepijn T'Hooft, Déborah Van Thournout • Coordination et rédaction : Esther Favre-Félix, Emma Maris

• Traduction : Piet De Meulemeester, Martin Collette

10.2019

• Design : www.inextremis.be

• Photo de couverture : © Martin Dellicour

• Impression : imprimé par Drukkerij VD sur du papier recyclé cyclus silk 90 gr.

• E.R. : Déborah Van Thournout, Bd E. Jacqmain 90, 1000 Bruxelles.

© WWF-BELGIUM / CATHERINE RENARD © SHUTTERSTOCK © ALINE
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SANTANA
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WWF-BRAZIL
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L’ONU ADOPTE UN TRAITÉ HISTORIQUE POUR LA HAUTE MER

Le 4 mars dernier, les Nations unies ont conclu un accord crucial sur la protection de la haute mer, qui couvre près des deux tiers de la surface de l’océan. D’ici 2030, le High Seas Treaty qualifiera au moins 30% de cette surface en zone protégée. Cette protection est essentielle : l’océan abrite un large éventail d’espèces, tout en absorbant environ un quart de nos émissions de carbone et plus de 90% de la chaleur excédentaire liée à l’effet de serre. Le WWF appelle la Belgique, en tant que « Blue leader », à ratifier cette convention dès que possible et à en assurer une mise en œuvre ambitieuse.

UNITE SOUFFLE SA PREMIÈRE BOUGIE

Les trois secteurs criminels les plus rentables au monde ? Le trafic de drogue, la contrefaçon et... les crimes environnementaux. On estime que le trafic d'espèces sauvages, l'exploitation forestière illégale, la pêche illégale et la contrebande de déchets génèrent quelque 281 milliards de dollars par an. Et cette activité lucrative comporte trop peu de risques... C'est ce que UNITE, un projet du WWF, de TRAFFIC et de leurs partenaires, a voulu changer. UNITE étudie les méthodes d’action des réseaux criminels en Europe pour réprimer les crimes environnementaux : en un an, 70 enquêtes ont déjà été ouvertes sur le commerce en ligne d'espèces sauvages !

En savoir plus sur les résultats de UNITE ?

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DE L’ESPOIR POUR LE SOURIRE DU MÉKONG

Avec sa bouille ronde et joviale, le dauphin de l’Irrawaddy semble sourire. Malheureusement, sa plus grande population – à Kratie, au Cambodge – est estimée à moins de 90 individus. Et l’année 2022 s’est terminée sur une triste nouvelle : trois dauphins ont été retrouvés morts, victimes de la pêche illégale. Le WWF a tiré la sonnette d’alarme et exigé que des patrouilles protègent les dauphins en permanence. Toutefois, en mars, nos équipes ont pu immortaliser un nouveau-né sur cette photo. Espérons que 2023 continue sur cette lancée !

4 EN BREF © NATUREPL.COM / NEIL ALDRIDGE / WWF © JÜRGEN FREUND / WWF
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WWF-CAMBODIA
SAM UN

LE WWF DANS VOTRE TESTAMENT

Avez-vous déjà songé à votre succession ? En plus de vos proches, vous pouvez inclure la nature dans votre testament. Une manière concrète de donner un avenir aux espèces menacées et à leur milieu de vie. Les expert·es du WWF travaillent dans plus de 100 pays pour protéger nos plus précieux joyaux naturels. Chaque année, les legs en faveur du WWF contribuent de manière significative au financement de ces projets : sans l’engagement de nos testateurs et testatrices, nous ne pourrions pas mener à bien notre mission. Ensemble, faisons la différence ! En léguant une partie ou l’ensemble de vos biens au WWF, vous transmettez aux générations futures une planète vivante.

COUPON-RÉPONSE :

 Je souhaite être contacté pour plus d’informations sur la manière d’inclure le WWF dans mon testament.

 Le WWF figure déjà dans mon testament.

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Désormais, vous pouvez également établir votre testament en ligne, gratuitement. Dans ce cadre, le WWF collabore avec des conseillers juridiques et des experts de Legacio. Plus d’info sur : wwf.be/testaments

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À renvoyer à : Dominique Weyers • WWF-Belgique • Boulevard E. Jacqmain 90 • 1000 Bruxelles

Dominique se fera également un plaisir de vous répondre par téléphone au 02 340 09 37 ou au 0476 58 07 42, ainsi que par e-mail à dominique.weyers@wwf.be.

Le WWF-Belgique (Boulevard E. Jacqmain 90, 1000 Bruxelles) fait traiter vos données par Black Tiger Belgium (Allée de la Recherche 65, 1070 Anderlecht), conformément à la législation applicable en matière de traitement des données personnelles : le RGPD (règlement général sur la protection des données). Nous nous engageons à n’utiliser vos données que pour les activités liées à ce formulaire. Vous pouvez toujours contrôler vos données et les faire modifier ou supprimer si nécessaire. Pour en savoir plus sur l’utilisation de vos données, surfez sur wwf.be/fr/vie-privee. Nous pouvons également vous envoyer notre déclaration de confidentialité par la poste.

© CARLOS
/ WWF-BRAZIL
EDUARDO FRAGOSO

DOSSIER Réensauvager la nature belge

6 Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023

Notre rêve pour la Belgique ? Une biodiversité riche, avec notamment des espèces clés – castors, lynx, loups, loutres… – qui s’épanouissent et circulent librement dans de larges zones sauvages bien connectées entre elles. Comment faire de ce rêve une réalité ? Parmi les différentes méthodes pour conserver et restaurer la nature, une approche innovante sort du lot : le réensauvagement. Une approche qui met à l’honneur une vision dynamique de la nature – en mouvement constant – et une intervention humaine limitée. Tout en créant de vastes espaces naturels où les humains peuvent prospérer en harmonie avec la nature...

© VILDA / YVES ADAMS 7 Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023
À

la découverte du réensauvagement

« Réensauvagement »

quésaco ? Le réensauvagement est une approche pour conserver et restaurer la nature qui se focalise sur trois éléments clés : créer de larges zones protégées, y restaurer des processus naturels

notamment grâce à une chaîne alimentaire complexe (carnivores, herbivores, insectes, bois morts...), et laisser ensuite la nature reprendre ses droits.

DE VASTES ESPACES DYNAMIQUES

Si les projets de réensauvagement peuvent avoir lieu à différentes échelles, la première étape d’un tel projet est souvent d’établir de larges zones naturelles protégées - comme par exemple les nouveaux parcs nationaux qui ont récemment été annoncés en Wallonie. En effet, pour réensauvager une zone, les processus naturels doivent avoir la place de s’y épanouir. Par « processus naturels », on désigne le nombre infini d’interactions entre les plantes, les animaux et leur environnement : pollinisation, photosynthèse, broutage, décomposition, érosion, crues et marées… Ces processus sont dynamiques – et une composante clé du réensauvagement est d’accueillir ce dynamisme à bras ouverts : par exemple un barrage de castor formera des mares entourées de bois mort, puis sera détruit par des pluies intenses, ce qui amènera à la création d’une prairie… Via les rythmes de la nature, les processus naturels créent des habitats plus sauvages et plus riches en biodiversité, façonnant et réparant doucement les paysages dégradés.

Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 8 Dossier

RESTAURER LE RÉSEAU TROPHIQUE

Un autre élément clé du réensauvagement est la restauration d’un « réseau trophique » complexe. Le réseau trophique, c’est l’ensemble des chaînes alimentaires reliées entre elles au sein d’un écosystème : des prédateurs carnivores aux grands herbivores jusqu’aux insectes et même au bois mort. Plus un écosystème comporte d’espèces dans son réseau trophique, plus cet écosystème est résilient, c’est-à-dire capable d’absorber les chocs. Concrètement, pour restaurer un réseau trophique on peut réintroduire certaines espèces clés (voir encadré ci-contre), récréer des corridors écologiques entre les zones naturelles pour permettre aux espèces de coloniser d’autres lieux, ou encore favoriser la présence de bois mort dans les forêts ou restaurer les frayères - les zones aquatiques où se reproduisent les poissons.

MOINS DE GESTION HUMAINE

Le réensauvagement promeut par ailleurs une intervention humaine minimale : une fois que les bonnes conditions ont été mises en place pour que la nature puisse se régénérer elle-même, la région réensauvagée doit ensuite pouvoir être quasiment autonome. Le paysage sera dynamique, avec des inondations, des invasions d’insectes, des zones plus ou moins boisées au fil du temps. L’idée est de laisser libre cours à ce dynamisme et de faire confiance à la nature…

LES OBJECTIFS DU WWF

POUR 2030 :

- La Belgique comptera des populations florissantes de mammifères emblématiques

- Au moins trois zones de plus de 5000 hectares y sont protégées et réensauvagées et les processus naturels y prospèrent.

- D'ici 2030, les plus grands espaces naturels de Belgique seront écologiquement interconnectés pour créer des écosystèmes sains et permettre la libre circulation des mammifères emblématiques

UN ATOUT POUR LES HUMAINS ?

Le réensauvagement ne se fait pas au détriment des êtres humains. Au contraire ! Il s’agit de (re)trouver à terme une véritable harmonie entre les humains et la nature. De plus, si le fait de protéger la biodiversité a une valeur intrinsèque inestimable, cela a aussi des avantages directs pour les humains : ainsi, les « services écosystémiques » des zones naturelles réensauvagées sont supérieurs à ceux des zones dégradées ou artificialisées. On pense par exemple au stockage de l’eau de pluie, à l’absorption du carbone, à la prévention des inondations… Par exemple, une rivière aux berges douces bordées de zones humides pourra sortir doucement de son lit en amont, au lieu d’impacter avec force les villes en aval. Enfin, la gestion des zones naturelles de manière « traditionnelle » représente un coût de gestion important. Et si l’on veut atteindre l’objectif européen de restaurer 20% des zones naturelles européennes d’ici 2030 (voir pétition en p.2), utiliser le réensauvagement – qui nécessite à terme peu d’intervention humaine – peut être une option économique.

ET LES HERBIVORES ?

Moins associés au réensauvagement que les carnivores dans l’imaginaire collectif, les grands herbivores ont également un rôle écologique clé. Le bison d’Europe, par exemple, est une espèce « clé de voute » qui fabrique et maintient autour d’elle un paysage en « mosaïque » mi-boisé, mi-ouvert. En plus de consommer de grandes quantités d'herbes et de se nourrir d'arbustes, les bisons affaiblissent certains arbres en arrachant leur écorce, piétinent les sous-bois denses et créent des parcelles de sol nu en se vautrant. La diversité végétale créée par ces comportements profite aux autres mammifères, aux oiseaux et aux invertébrés, et elle apporte un « mouvement naturel » à la nature qui les entoure. Le WWF et Rewilding Europe travaillent à la réintroduction du bison dans les Carpates du sud de la Roumanie et plus d’une centaine de bisons y vivent désormais. Ce projet permet également aux habitant·es de la région de développer des activités touristiques et entrepreneuriales.

© OLA JENNERSTEN / WWF-SWEDEN Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 9

Loutre cherche rivières vivantes

Depuis 2012, la loutre est de plus en plus observée en Belgique, après de longues décennies d’absence – notamment à cause de la destruction de son habitat et de la mauvaise qualité de l’eau. Dans les vallées de l’Escaut, de la Meuse et de la Semois, le WWF travaille à étendre son habitat et à renforcer ses chances de survie.

Réensauvager les rivières, c’est cesser de les voir comme des cours rectilignes et laisser la place à leurs méandres naturels, voire leur donner l’espace d’inonder périodiquement des zones humides alentours. Et c’est aussi restaurer la continuité écologique des cours d’eau : concrètement, cela veut dire s’assurer à la fois que les sédiments puissent s’écouler librement le long du cours d’eau, tout en permettant aux poissons de remonter le courant pour se reproduire en amont. Pour cela, nous travaillons à retirer les obstacles artificiels tels que des barrages obsolètes. Un travail qui profite à toutes les proies de la loutre. En effet la loutre est une espèce parapluie : agir pour sa sauvegarde permet d’aider de nombreuses autres espèces comme les poissons, les oiseaux ou les amphibiens.

RÉENSAUVAGER EN RESTAURANT LA TRAME BLEUE

Les loutres ont besoin de nombreuses cachettes car elles ne dorment jamais deux fois au même endroit. Nous travaillons donc à revégétaliser les berges nues ou bétonnées, ainsi qu’à restaurer la « trame bleue », c’est-à-dire les liens entre les différents bassins, étangs et rivières. Cela passe par restaurer des zones humides, creuser des mares ou planter des haies, récréant ainsi des passages et donc la continuité écologique du paysage. De plus, face aux risques élevés de mortalité liée aux routes, nous installons des « loutroducs » pour leur permette de traverser les points chauds en toute sécurité. Nous collaborons également avec des partenaires néerlandais en vue d’un projet de reconnexion des habitats de la loutre en Belgique et aux Pays-Bas.

MISSION CANINE DANS LA VALLÉE DE LA SEMOIS

On estime qu’il y a entre 5 et 10 loutres dans la vallée de la Semois, et nous tentons de les localiser à l’aide de « caméra-pièges » et grâce à l’« ADN environnemental » - une technique d’analyse de l’eau. De plus, nous participons régulièrement à des expéditions à la recherche d’épreintes – le nom des excréments des loutres. Et nous avons la chance de pouvoir compter sur l’aide d’Ellen Van Krunkelsven, une policière qui a formé deux chiens - Smokey et Pablo - à reconnaître l’odeur caractéristique des épreintes. Ils sont rentrés bredouilles lors de leur dernière expédition entre Jamoigne et Vresse-sur-Semois en février dernier, mais la quête continue ! Car trouver une épreinte nous permettrait d’analyser l’ADN de cette loutre et d’apprendre son origine, son état de santé, ainsi que de mieux cibler nos actions.

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Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 10 Dossier
VILDA / YVES ADAMS © WWF-BELGIUM / ESTHER FAVRE-FÉLIX

Le retour du loup, une histoire de coexistence

Emblème du retour de la vie sauvage dans nos contrées, la présence d’un grand carnivore comme le loup est un élément clé d’un réensauvagement réussi. Mais ce retour doit s’accompagner d’un soutien à ceux et celles qui les côtoient.

Après 100 ans d’absence, la Belgique accueille à nouveau des loups depuis 2018 ! Plusieurs couples se sont formés, et la Belgique compte maintenant une meute en Flandre, et une autre (bientôt deux !) en Wallonie.

UNE FONCTION DE RÉGULATEUR

Les proies de prédilection du loup sont les sangliers, les chevreuils ou les cerfs, que notre pays compte en abondance. La présence d’un grand prédateur modifie le comportement de ces herbivores, forcés à se déplacer davantage ou à éviter certaines zones. Cela permet à la forêt de mieux se régénérer. De plus, les animaux malades sont des proies faciles pour le loup, qui a ainsi un rôle sanitaire important. Et les carcasses de ses proies bénéficient à de nombreux insectes et charognards.

S’ADAPTER FACE AU RETOUR DE LA VIE SAUVAGE

Le retour du loup présente évidemment des défis pour les éleveurs et éleveuses qui côtoient son territoire. C’est pourquoi la Wolf Fencing Team Belgium (WFTB), un réseau de bénévoles fondé en 2019 par le WWF, Natuurpunt et Natagora aide gratuitement les propriétaires à rendre leurs clôtures résistantes aux loups. « Lors d’une visite de conseil, nous observons la clôture actuelle et préparons un dossier technique avec les matériaux nécessaires pour la rendre résistante aux loups (hauteur des fils, voltage...). » explique Laura de Kort, qui travaille sur le projet pour le WWF. « Les éleveurs peuvent faire ces adaptations eux-mêmes ou nous demander assistance. Nous proposons également des kits d’urgence pour ceux qui ont subi une attaque, car les loups retournent souvent sur leurs pas. »

La WFTB aide également les éleveurs et éleveuses dans leurs démarches administratives. Car la base d’une coexistence apaisée est d’avoir des « Plan loups » bien établis, comme il en existe maintenant en Flandre et en Wallonie, prévoyant des compensations en cas de perte après une attaque. Toutefois, comme le travail de la WFTB en témoigne, des clôtures bien adaptées peuvent tout à faire suffire à empêcher ces pertes. À ce jour, aucun propriétaire disposant d'une clôture adaptée par la WFTB n'a subi de perte !

POURRAIT-IL Y AVOIR TROP DE LOUPS EN BELGIQUE ?

Une meute a besoin d’un territoire de 150 à 400 km 2 - or en Belgique, les territoires potentiels sont limités. Si la zone venait à être trop petite, les plus grands louveteaux partiraient s’établir ailleurs. Une surpopulation de loups est donc impossible.

© JPLCONVENTION SPW Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 11

L’appel du lynx pour plus de connectivité

Un premier lynx a été photographié en 2021 dans la vallée de la Semois. Utilisant des méthodologies de modélisation de pointe, le WWF et l’Université Humboldt de Berlin estiment que la Belgique et les régions limitrophes pourraient toutefois accueillir une soixantaine de lynx…

Ces grands prédateurs – ce sont les plus grands félins européens – apprécient les grandes forêts et chassent surtout les chevreuils. Solitaires et furtifs, ils évitent les humains et chassent généralement la nuit, sur un territoire d’une centaine de km2. Pas très téméraires, ils ont du mal à traverser les zones morcelées par l’activité humaine – contrairement au loup qui s’adapte plus facilement. Or l’habitat potentiel du lynx en Europe et en Belgique est très morcelé par les zones urbaines, les zones ouvertes et les autoroutes.

LA CONNECTIVITÉ, CLÉ DU RÉENSAUVAGEMENT

Il est donc essentiel d’améliorer la connectivité entre les massifs forestiers, en construisant par exemple des écoducs au-dessus des autoroutes, mais aussi en restaurant la « trame verte » pour reconnecter les massifs forestiers entre eux : haies, bosquets, marres entourées de roseaux...

Le lynx apprécie aussi beaucoup les lisières riches en biodiversité et les femelles aiment

à mettre bas dans des tas de bois morts inextricables. Travailler à améliorer les lisières, la présence du bois mort et la connectivité en général est bénéfique pour une multitude d’espèces : muscardins, papillons de lisières, insectes, chats forestiers... le lynx est une espèce parapluie !

CONNECTION INTERNATIONALE

Pour obtenir une population viable de lynx, il faut aussi travailler avec nos voisins pour récréer des liens avec les populations de lynx les plus proches, comme celle du Palatinat. Ainsi la présence d’un lynx wallon était déjà surprenante car la population la plus proche, en Allemagne, est à 150 km de là, et les lynx parcourent rarement une si grande distance. Les femelles parcourent encore plus rarement de telles distances, ce qui rend la recolonisation par la seule dispersion naturelle très peu probable. Mais cette connectivité retrouvée serait en elle-même un gage de nature sauvage plus résiliente.

LES PLANTES AUSSI ONT BESOIN DE CONNECTIVITÉ

La connectivité est aussi importante pour les plantes : un bon réseau écologique interconnecté permet ainsi aux animaux - et même au vent - de mieux disperser les graines, pollens et autres faines. Une meilleure dispersion augmente la variété des espèces végétales, ce qui aide à la résilience des forêts face aux maladies, au réchauffement climatique…

© TOMAS HULIK / WWF
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Quand les citoyen·nes agissent pour la nature sauvage

Les projets de réensauvagement sont généralement faits à grande échelle, mais le réensauvagement n’est pas seulement l’affaire des parcs nationaux et autres institutions officielles...

Les citoyen·nes peuvent eux aussi ramener un peu de nature sauvage dans notre pays ! Par exemple en agissant au profit des insectes, qui jouent un rôle indispensable dans tout écosystème équilibré : pollinisation, contrôle des populations d'autres animaux et plantes, dispersion des graines, recyclage de la matière organique... Or on estime que l’abondance des insectes européens aurait chuté de près de 80% dans les régions dominées par les activités humaines. Des chiffres effarants dus à l’utilisation des pesticides, à la destruction et fragmentation des habitats naturels et au changement climatique.

Face à ce constat, un petit groupe de guides nature a fondé l’ASBL « Petit Hameau, Grand paradis » à Ellezelles, dans le Hainaut. « On était tellement estomaqué par la perte de biodiversité qu’on s’est dit qu’on voulait aller dans l’action » raconte Christine Everaerts, l’une des fondatrices. Ces bénévoles ont d’abord acquis d’anciens champs de maïs puis des hêtraies avoisinantes. « On a relevé le challenge : on y a planté 3000 arbustes pour former des haies, puis 21 arbres fruitiers hautes tiges, et on a ainsi recréé un bocage et une prairie fleurie extensive ». Leur but est d’en faire une zone de grand intérêt biologique, qui bénéficie notamment aux insectes. « On a maintenant 350 espèces

de plantes, des Salamandres tachetées, de nombreux oiseaux – du Pinson au Hibou moyen-duc, des Orvets... » Le nombre d’insectes augmente aussi mais lentement, du fait de l’utilisation massive de pesticides dans la région.

ET RÉENSAUVAGER NOS JARDINS À NOUS ?

Cette ASBL dispense aussi ses conseils pour les jardins privés : « La meilleure manière d’aider les insectes, c’est d’abord de s’assurer d’une grande variété d’arbustes indigènes et de fleurs sauvages. » Des murets de pierre, des tas de bois mort et une mare sont aussi des atouts. « Il ne faut pas vouloir un jardin ‘propre’ – et surtout éviter les engrais car la majorité des plantes sauvages menacées ont besoin de sols pauvres. »

UN SOUTIEN DU FONDS POUR LA NATURE D’ICI

Cette ASBL a reçu un soutien du Fonds pour la nature d’ici du WWF, qui vise à soutenir financièrement les initiatives locales à petite échelle pour la nature en Belgique.

Vous avez aussi un projet pour la nature sauvage près de chez vous ? Rendez-vous sur fonds.wwf.be !

 Via des visites guidées et des ateliers, l’ASBL « Petit Hameau Grand Paradis » a aussi une mission de sensibilisation au rôle que nous pouvons tous et toutes jouer pour protéger la biodiversité. Ils y présentent notamment des ‘hôtels à insectes’ didactiques.

Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 13
© WWF-BELGIUM / DELPHINE DELIRE © WWF-BELGIUM / DELPHINE DELIRE

SUR LE TERRAIN

Apprendre à connaître les jaguars du Suriname

Le Suriname est couvert à environ 93% de forêt tropicale, il capte donc plus de gaz à effet de serre qu’il n’en émet ! Cela en fait aussi un habitat essentiel pour de nombreuses espèces animales, dont le jaguar. Mais on sait encore bien peu de choses sur les jaguars du Suriname… Le WWF y a donc mis sur pied un projet de recherche.

Pour étudier les jaguars du Suriname, le WWF collabore avec l’université AdeKUS, l’ONG ACT-Suriname (Amazon Conservation Team) et l’ONG NeoWild. Vanessa Kadosoe (voir photo), une biologiste surinamaise de NeoWild, étudie cette espèce qui la fascine depuis qu’elle est toute petite.

UNE ESPÈCE PARAPLUIE

«
À travers cette étude, nous voulons mieux connaître la densité de la population de jaguars. »

« Le jaguar est une espèce très importante pour le Suriname. » explique Vanessa. « Il contribue à la préservation des forêts et des écosystèmes naturels en général. Les jaguars ne vivent que dans des habitats de qualité où ils trouvent suffisamment de proies. Là où l'on trouve des jaguars, c'est donc que l'environnement est en bon état. »

Cela fait du jaguar une espèce parapluie : à travers les mesures que le WWF prend pour le protéger, ce sont de vastes zones forestières qui sont maintenues en bon état. Cela profite à de nombreuses autres espèces sauvages – ocelots, pumas, cerfs élaphes... – ainsi qu'aux communautés locales !

© OLA JENNERSTEN / WWF-SWEDEN
 Vanessa Kadosoe (NeoWild) Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 14
© WWF-GUIANAS

AU SOMMET DE LA CHAÎNE ALIMENTAIRE

« Le jaguar est un prédateur pour 85 espèces », précise Vanessa. Cela le situe au sommet de la chaîne alimentaire, où il joue un rôle clé : en chassant, le jaguar maintient sous contrôle les populations d'herbivores comme les agoutis, les acouchis communs, les tapirs, les pacas... Et c'est un point positif pour les communautés locales, car lorsque les populations d'herbivores deviennent trop importantes, elles viennent dévorer les cultures des Surinamien·nes.

En diffusant des informations comme celle-ci, nous pouvons apaiser les craintes à l'égard du jaguar et mettre en évidence les avantages de sa présence. En effet, les communautés locales considèrent encore souvent le jaguar comme une menace, notamment pour leur bétail.

L’ÊTRE HUMAIN, CE TERRIBLE PRÉDATEUR

Malgré sa position au sommet de la chaîne alimentaire, le jaguar n'est pas en sécurité. Car il a un prédateur plus terrible encore : l'être humain. Sa superbe fourrure et ses dents puissantes font du jaguar une proie convoitée par les braconniers. Le commerce illégal de produits issus du jaguar s’est développé rapidement au Suriname. Le WWF et le groupe de travail national sur le jaguar veulent donc lutter contre ce phénomène, notamment par le biais de campagnes de sensibilisation. Les êtres humains rendent également de plus en plus difficiles les déplacements du jaguar à travers son royaume. Au nord, la forêt tropicale recule devant l'urbanisation. Dans d'autres régions, la vie sauvage cède du terrain face à l’exploitation forestière et à l’extraction illégale de l'or. L'orpaillage illégal est également à la source d'autres problèmes, comme l'empoisonnement au mercure – qui touche aussi les communautés locales. Le mercure est très polluant : il affecte toute la chaîne alimentaire et constitue une menace sur des centaines de kilomètres de distance.

ÉPIER LES JAGUARS DANS LEUR HABITAT

Pour protéger le jaguar des nombreuses menaces qui l’entourent, le WWF a lancé un projet national de monitoring. « Avec cette étude, nous voulons savoir combien de jaguars vivent au Suriname, » explique Vanessa. « Sont-ils menacés ? Leur population est-elle en recul ? Pour en avoir le cœur net,

nous devons mener des recherches dans différents territoires, sur des durées aussi longues que possible. Nous voulons obtenir ainsi une vue d’ensemble claire sur la densité de la population de jaguars. »

À l’aide de pièges photographiques, le WWF collecte de précieuses images sur six sites pilotes (voir carte ci-dessous). Nous comptons non seulement les jaguars, mais aussi leurs proies, et nous cartographions en parallèle la végétation et les habitats. Pour toutes ces actions, le WWF peut compter sur l’aide des Amazon Conservation Rangers. Ces écogardes locaux reçoivent des formations pour le placement et l’entretien des appareils photographiques, ainsi que pour la transmission des images aux partenaires du projet. Il est logique que les communautés locales jouent un rôle important dans ce projet de suivi : elles connaissent la forêt mieux que quiconque.

 Carte des six territoires où nous étudions la distribution du jaguar au Suriname

 Vanessa Kadosoe (NeoWild) et Nicolas Tubbs (WWF) inspectent un piège photographique, à Brownsberg
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Photo d’un jaguar, prise avec un piège photographique WWF-GUIANAS
© WWF-GUIANAS ©
WWF-GUIANAS © WWF-GUIANAS
Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 15

L’OBJECTIF D’UNE STRATÉGIE NATIONALE

Ce projet national de monitoring est le premier du genre au Suriname. Les mesures que le WWF effectue actuellement devraient fournir un référentiel pour de futurs projets de monitoring. Cela permettra d’évaluer l’évolution de la population de jaguars et l'impact des activités humaines sur son habitat. Par la suite, notre objectif ultime est la mise sur pied d’une stratégie nationale pour le jaguar, qui devrait conduire à la création de zones protégées et à l’établissement d’une réglementation claire pour la protection du jaguar.

SENSIBILISER LES PLUS JEUNES

Le monitoring de l'espèce est important, mais pour réussir à protéger le jaguar, il faut que la population locale soit profondément impliquée. Selon Vanessa, les enfants sont un bon moyen d'atteindre le reste de la communauté : « Si nous informons les enfants sur les jaguars, ils peuvent transmettre l’information à leurs parents. Ainsi, l'image d’un jaguar ‘méchant et

dangereux’ disparaîtra et les communautés locales finiront par vouloir contribuer à la protection du jaguar ».

En collaboration avec la Federation of Visual Artists in Suriname (FVAS), le WWF s'est donc rendu dans dix écoles surinamaises. L'objectif : informer les élèves sur le jaguar et sur l'importance de la conservation de la nature. Les enfants ont reçu des images et découvert des anecdotes amusantes sur les jaguars. Vanessa partage quelques-unes de ces anecdotes : « Saviez-vous que les femelles jaguars sont des mères très douces et patientes ? Et que l'on peut reconnaître chaque jaguar grâce au motif de sa fourrure ? Autre curiosité : les jaguars sont des animaux ‘vocaux’ : lorsqu'elles veulent se reproduire, les femelles crient aux mâles qu'elles sont prêtes à avoir des petits. Nous ne le savions pas encore, mais nous l'avons entendu dans nos vidéos ! »

Forts de ces inspirations, les élèves se sont mis à dessiner et chaque école a choisi un dessin pour le reproduire sur un mur de l’établissement. Les peintures s’accompagnent d’un message sur l’importance de protéger le jaguar et jouent ainsi le rôle d’affiches de sensibilisation.

EXPOSITION ET AVANT-GOÛT DES RÉSULTATS

Pour partager ces œuvres d'art avec les communautés locales, le WWF a organisé l’été dernier un événement national consacré au jaguar, en collaboration avec la FVAS. Les participants ont aussi pu y découvrir un avant-goût des résultats du projet de monitoring. Au moment où nous écrivons ces lignes, les chercheurs sont encore en train d'analyser les données recueillies. Les résultats définitifs se feront donc encore un peu attendre.

Le ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement du Suriname, Silvano Tjong-Ahin, était présent lors de l'événement. Il a confirmé que le gouvernement surinamais restait pleinement engagé dans la feuille de route 2030 pour le jaguar. Cette feuille de route devrait aboutir à la création d'un corridor écologique pour le jaguar d'ici 2030, en protégeant et en reliant 30 habitats clés, du Mexique jusqu’à l'Argentine. Un message encourageant !

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Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 16
 Des élèves surinamais présentent leurs œuvres et en décorent le mur de leur école
WWF-GUIANAS © WWF-GUIANAS

MAIN DANS LA MAIN AVEC LES COMMUNAUTÉS LOCALES

Au fil de l’étude, le WWF a discuté avec les membres des communautés locales de leur expérience des conflits avec les jaguars. Il en est ressorti que la cohabitation était difficile à certains endroits, par exemple à Pepperpot, où les jaguars attaquent parfois le bétail. À l’inverse, des réactions positives sont venues de Sipaliwini et de Coronie, où les communautés ont demandé à recevoir davantage d’information pour mieux protéger le jaguar. À Bigi Poika, la communauté entretient encore un lien culturel et spirituel fort avec le jaguar, à travers des récits et des chants, et les habitants sont prêts à s’engager pour que cette espèce emblématique prospère. Ensemble, tout est possible !

CARTE D’IDENTITÉ DU JAGUAR

Nom usuel : Jaguar. Les Surinamais l’appellent tigri.

Nom scientifique : Panthera onca

Cycle de vie : les jaguars vivent de 12 à 15 ans. À partir de leur troisième année, les femelles ont une portée d’un à quatre petits, tous les deux ans.

Taille et poids : les jaguars mesurent 110 à 190 cm de long et pèsent entre 45 et 110 kg. Cela en fait les plus grands félins d’Amérique !

Pelage : chaque jaguar arbore un motif de rosettes unique, si bien qu’il est possible de reconnaître chaque jaguar individuellement. Saviez-vous qu’un jaguar sur 50 est noir ? Ils ont eux aussi des taches uniques.

Régime alimentaire : ces carnivores sont tout sauf exigeants. Des tortues aux cerfs, en passant par les caïmans : tous craignent les puissantes mâchoires du jaguar, qui le placent au sommet de la chaîne alimentaire.

Habitat : les jaguars occupent un large éventail de biotopes (des forêts sèches jusqu’aux forêts pluviales), mais ils préfèrent demeurer à proximité de l’eau. Autrefois, on rencontrait le jaguar du sud des États-Unis jusqu’en Argentine. Mais la déforestation et le changement d’affectation des terres lui ont fait perdre la moitié de son aire de distribution.

Statut de protection UICN : le jaguar est classé comme espèce quasi menacée sur la liste rouge de l’UICN. Ses principaux ennemis sont les êtres humains, qui le chassent et dégradent ou détruisent son territoire.

Vous souhaitez aider le WWF à protéger le jaguar ? Scannez ce code QR et adoptez symboliquement un jaguar afin de soutenir nos projets.

© NATUREPL.COM / ANDY ROUSE / WWF
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FOCUS

Comment choisir une source de protéines durable ?

Nous connaissons tous l’importance d’une alimentation équilibrée. Mais sommes-nous autant sensibilisés à l’impact de nos choix alimentaires sur la planète ? La production alimentaire génère environ un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre et constitue l’une des principales causes de la perte de biodiversité – y compris en Belgique. Et les protéines d’origine animale ont le plus d’impact.

« Manger moins de viande, mais de meilleure qualité, est le moyen le plus efficace de réduire l'empreinte écologique de votre alimentation
»

Les protéines contribuent à fabriquer les cellules sanguines, les enzymes, les hormones, et elles permettent l’entretien et la réparation des tissus. Nous en avons donc tous besoin. Mais la production de protéines d’origine animale entraîne de fâcheuses conséquences pour notre planète. Heureusement, il est également possible de choisir des protéines durables. Pour aider les consommateurs belges, le WWF a développé un « guide des protéines ».

PROTÉINES ANIMALES : « MOINS, MAIS MIEUX »

Vous voulez réduire l’empreinte écologique de votre alimentation ? Manger moins de viande, mais de meilleure qualité, est le moyen le plus efficace d'y parvenir. En effet, les produits d’origine animale (viande, produits laitiers et œufs) ont généralement un impact plus important sur notre environnement que les produits végétaux. Cela est notamment dû aux émissions de méthane, à la production de fumier et à l'utilisation des terres pour la production d'aliments pour animaux (qui s'accompagne souvent de déforestation et de destruction d'autres écosystèmes précieux).

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C'est pourquoi il est important de manger moins de viande. D'ailleurs, saviez-vous que le Belge moyen mange le double de la quantité de viande recommandée et que nous consommons beaucoup plus de protéines que nous n’en avons besoin ? Nous avons donc une belle marge d'amélioration !

Et pourquoi manger de la viande de « meilleure » qualité ? L'impact des sources de protéines animales varie fortement en fonction de leur mode de production. Dans notre guide des protéines, les systèmes de production extensive et biologique obtiennent les meilleurs résultats : ces systèmes prévoient que les animaux puissent pâturer ou sortir à l'extérieur autant que possible et ils utilisent le moins possible d'aliments importés (comme le soja).

QUID DES PRODUITS LAITIERS ET DES ŒUFS ?

Les laitages et les œufs sont aussi des produits d’origine animale. La bonne nouvelle, c’est que leur impact est moindre que celui de la viande, car il est réparti sur une production plus abondante (ex : les poules pondent des œufs chaque jour). Il faut toutefois garder en tête qu’un kilo de fromage demande dix litres de lait. C’est pourquoi l’impact du fromage est substantiellement supérieur à celui du lait. De plus, les vaches laitières consomment beaucoup plus de soja que la plupart des bovins viandeux. Et plus elles produisent de lait, plus il leur faut de soja et plus elles émettent de gaz à effet de serre. L’impact des produits laitiers et des œufs n’est donc pas négligeable. Le guide des protéines montre ici aussi que les produits laitiers et les œufs biologiques ont un impact moindre. Le message est donc encore : faites des choix durables !

LES SYSTÈMES DURABLES SONT MINORITAIRES

En tant que consommateurs et consommatrices, nous devons faire des choix conscients. Hélas, les rayons des magasins nous orientent systématiquement vers les choix les moins durables. L’offre de sources de protéines produites de manière durable est beaucoup plus restreinte : 95 % des systèmes de production de poulet et de porc obtiennent le score le plus faible dans notre guide (impact sur le climat et la biodiversité, attention au bien-être animal…).

Problème supplémentaire : dans les rayons des magasins, il n'est pas évident de voir quels produits sont issus de systèmes durables. C'est pourquoi le WWF appelle l'industrie alimentaire et les détaillants à rendre les produits durables et les alternatives végétales plus visibles dans les magasins. En tant que consommateur ou consommatrice, vous pouvez déjà choisir de faire vos courses dans les commerces locaux, qui disposent souvent de plus d'informations sur l'origine de leurs produits, ainsi que dans les magasins bio.

LE VÉGÉTAL : BON POUR NOTRE PLANÈTE ET POUR NOTRE CORPS

Les alternatives végétales constituent également une bonne source de protéines. Il s'agit notamment des légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots…), des substituts de viande (tofu, tempeh, seitan...) et des boissons à base de soja ou d'avoine. L'impact de ces produits sur le climat et la biodiversité est beaucoup plus faible ! Et vous n'avez évidemment pas à vous inquiéter du bien-être des animaux si vous optez pour des alternatives végétales. Parmi les sources de protéines végétales, les produits biologiques restent ici encore le meilleur choix pour notre planète, car ils imposent des restrictions quant à l'utilisation de pesticides et d'engrais.

En savoir plus ? Scannez le code QR pour accéder au guide des protéines du WWF dans son intégralité.

1 kg

10 l 1=10

Pour produire 1 kilo de fromage, il faut 10 litres de lait.

« Les sources de protéines végétales biologiques restent le meilleur choix pour notre planète »

CONSEILS POUR CHOISIR VOS PROTÉINES DURABLES :

Choisissez autant que possible des produits d’origine végétale.

Pour les produits d’origine animale, pensez « moins mais mieux ».

Réfléchissez à l’impact de vos choix alimentaires : optez pour des produits avec un label de durabilité ou achetez local, en circuit court, et de préférence bio.

© WWF-BELGIUM Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 19

YOUTH

Le projet Eat4Change, cofinancé par l’UE, mobilise les jeunes citoyen·nes européen·nes sur le thème de l'alimentation durable, en leur expliquant comment leurs choix individuels ont un impact direct sur la planète. Comme vous avez pu le voir en pages 18-19, la production alimentaire est responsable d'environ un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Elle est l'une des principales causes de la perte de biodiversité. Manger plus durablement est un grand pas en avant pour la planète ! Lancé en mai 2020, ce projet espère inciter 500 000 jeunes européen·nes à devenir acteurs et actrices du changement en matière d'alimentation.

LES GUIDES DU WWF : DES OUTILS POUR AIDER LES JEUNES À MIEUX MANGER

Afin de pousser les jeunes belges à faire des choix alimentaires plus respectueux de l’environnement, le WWF met à leur disposition des outils pratiques pour une alimentation plus durable :

• Le « Soja caché » : cet outil en ligne met en lumière la grande quantité de soja que nous consommons sans nous en rendre compte - notamment via l’alimentation des animaux d’élevage, et explique les liens entre la production de soja et la déforestation au niveau mondial.

• Le Guide du WWF sur les produits de la mer : ce guide permet de consommer du poisson de manière plus durable en suivant les labels vert, orange ou rouge apposés aux différentes espèces.

• Le Guide des protéines du WWF - version Jeunesse : ce guide évalue l’impact environnemental de différentes sources de protéines (viande, produits laitiers, œufs et protéines végétales). Il donne aux consommateurs et consommatrices des conseils pratiques pour manger « moins mais mieux » de produits d’origine animale, en réduisant leur consommation (« moins »), mais aussi en choisissant des produits provenant de systèmes de production durables (« mieux »).

Vous pouvez retrouver tous ces outils ainsi que plus d’informations sur le projet Eat4Change ici :

© UNSPLASH © SHUTTERSTOCK 20 Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023

LA « YOUTH TEAM » : ACTEURS ET ACTRICES DE LA TRANSITION DURABLE

Au WWF, nous sommes persuadés que les jeunes ont un rôle crucial à jouer dans la transition vers un futur respectueux de la nature. Chaque année, nous recrutons une équipe de volontaires de 15 à 25 ans, originaires de toute la Belgique, qui souhaitent se mobiliser pour l’environnement et devenir acteurs et actrices du changement. Durant neuf mois, les jeunes de cette « Youth Team » suivent des formations professionnelles, mettent en œuvre les projets qu’ils et elles ont choisis, profitent d’un coaching sur-mesure et intègrent une communauté engagée pour la protection de la nature. Dans le cadre du projet Eat4Change, nous travaillons actuellement avec eux sur la thématique de l’alimentation durable. En groupe ou en solo, ces jeunes décident d’un ou de plusieurs projets à mener tout au long du programme afin de sensibiliser à l’alimentation durable. Cette année, ces jeunes ont notamment porté les projets suivants :

- Les comptes Instagram @onourplanete & @cococuistot : une foule de recettes et d’informations à propos de l’impact de l’alimentation sur l’environnement ;

- Le podcast Duurzaamheid gaat door de maag qui questionne la place de l’alimentation dans notre société ;

- Plusieurs soirées film & débat dans des écoles et des centres universitaires ;

- La création de posters sur la saisonnalité affichés dans plusieurs magasins ;

- Un manifeste politique sur l’accessibilité à l’alimentation durable ;

- Une cantine durable dans une école secondaire.

Intéressé·e ? Plus d’informations sur la prochaine édition de la Youth Team via : wwf.be/fr/youth-jeunes

TU AS ENTRE 15 ET 25 ANS ?

Abonne-toi à la newsletter Youth pour connaître toutes nos activités et suivre l’actualité environnementale via wwf.be/fr/youth-jeunes.

Et suis-nous sur Instagram @wwfyouthbe pour des news de notre Youth Team mais aussi de plein d’autres projets durables menés par des jeunes, et des conseils pour t’inspirer à passer à l’action et à agir pour la planète !

DES ATELIERS SUR L’ALIMENTATION DURABLE DANS LES ÉCOLES

De plus en plus de jeunes s’inquiètent de leur impact sur l’environnement, et notamment de l’impact de leur alimentation. Dans le cadre du projet Eat4Change, nous proposons un atelier pour les élèves à partir de 15 ans, qui leur donne les clés pour comprendre l’impact qu’a leur manière de manger sur l’environnement. Nous accompagnons également leurs premiers pas dans le développement d’un projet lié à l’alimentation durable, que ce soit dans leur école, dans leur quartier ou ailleurs. Cette année scolaire, déjà plus de 60 groupes de jeunes ont participé à cet atelier, un peu partout en Belgique !

Cet atelier vous intéresse ? Plus d’informations ici : wwf.be/fr/ecoles

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WWF-BELGIUM
Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 21
© WWF-BELGIUM / DELPHINE DELIRE

MERCI !

Chacune de nos avancées en matière de conservation de la nature - des plus modestes aux plus significatives - sont le fruit de votre engagement : c’est grâce à votre soutien que nous agissons au jour le jour pour bâtir un futur où humains et animaux vivront en harmonie. Merci de rendre tout cela possible !

LES CITYEN·NES DE PLUS DE 190 PAYS ONT CÉLÉBRÉ EARTH HOUR 2023 !

Le 25 mars dernier, des millions de personnes à travers le monde ont éteint leurs lumières pendant une heure. Des centaines de villes ont joué le jeu : un moment dédié à mettre notre belle planète à l'honneur... et pour clamer à l'unisson l'urgence d'en prendre soin, ensemble. À cette occasion, vous avez également été nombreux et nombreuses à vous joindre à nous sur la Grand Place de Bruxelles pour participer à nos activités en faveur de la nature. Merci à tous et à toutes d'avoir participé !

ÉTUDIER LES ÉLÉPHANTS AU CAMBODGE

POUR MIEUX LES PROTÉGER

Au Cambodge, dans les plaines orientales du Mondulkiri, quelque 300 d’éléphants d’Asie (Elephas maximus) évoluent dans une quiétude relative - l’une des plus importantes populations d’Asie du Sud-Est. Avec l’équipe du WWF au Cambodge, nous travaillons dans les réserves fauniques de Srepok et Phnom Prich pour protéger leur habitat et prévenir les conflits avec les humains. Cela passe notamment par l’étude de leurs déplacements et par l’identification des différentes troupes. Contrairement aux éléphants de savane en Afrique que l’on aperçoit de loin, ceux d’Asie sont extrêmement bien camouflés dans les forêts sèches du Mondulkiri. Pouvoir les repérer est pourtant indispensable pour mettre en place des stratégies de cohabitation durable entre ces éléphants et les 252 familles qui vivent dans la région. Leur identification et le suivi de leurs déplacements se fait donc notamment par l’analyse d’ADN via la collecte d’excréments.

33 chercheurs en biodiversité du WWF et du Wildlife Conservation Society ont donc suivi ces derniers mois une formation pour consolider leur expertise en collecte d’échantillons sur le terrain. Une étape importante pour mieux connaître les éléphants du Cambodge et mieux les protéger. Merci de nous aider à préserver cette espèce en danger d’extinction !

© SOPHEAROTH RAVY / WWF-CAMBODIA © NATUREPL.COM / FELIS IMAGES / WWF Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 22

DES IMAGES D’EXCEPTION ALIMENTENT L’ESPOIR POUR LE TIGRE EN THAÏLANDE

La pose et le suivi de pièges photographiques est un élément important dans le travail de conservation des espèces sauvages. Et les tigres n’y font pas exception. Ces pièges photographiques, que nous pouvons mettre en place grâce à votre soutien, nous réservent aussi régulièrement de belles surprises. Il y a quelques mois, nous avons eu la joie de revoir une tigresse et ses trois tigreaux, qui ont bien grandi depuis la première fois où nous les avions identifiés. Des images exceptionnelles, d’après Dr. Rungnapa Phoonjampa, responsable du projet de conservation des tigres du WWF en Thaïlande : « J'ai vu de nombreuses vidéos de tigres prises par des pièges photographiques, mais celle-ci se démarque vraiment, elle est magnifique. Avec seulement 148 à 189 tigres dans toute la Thaïlande, il est rare de filmer des tigres et il est encore plus rare de voir une tigresse avec trois petits biens portants. » Avec seulement quelque 4 000 tigres au monde, l’espèce est en danger d’extinction. Chaque signe que des félins s’épanouissent là où nous œuvrons pour leur protection est donc un beau signe d’espoir.

Scannez ici pour voir la vidéo :

GRÂCE À VOUS, NOUS AVONS SAUVÉ SEPT LIONCEAUX EN ZAMBIE !

L’hiver dernier, une équipe d’écogardes du Parc national de Liuwa, que nous soutenons en Zambie, s’est rendue dans le parc national voisin de Kafue. Ils ont apporté de l’aide à l’équipe locale pour sauver sept lionceaux orphelins dont les mères avaient été braconnées. Les jeunes félins rescapés ont été placés dans un « boma », un enclos temporaire qui les protège des prédateurs et permet aux écogardes de garder un œil sur eux. Ils se portent bien, grandissent vite… et ont même réussi à attraper une petite proie dans leur enclos. Un signe prometteur qui montre que leur instinct naturel de chasseur est déjà bien présent ! Prochaine étape : les réintroduire dans une troupe de lions adultes du parc de Kafue. Dans une troupe, une lionne peut prendre soin de n’importe quel lionceau, même si ce n’est pas le sien. Nous comptons sur cet instinct maternel sans limites pour offrir une chance de survie à nos sept rescapés. En attendant, vous nous permettez de soutenir les équipes qui prennent soin d’eux. Car avec seulement 20 000 lions restants à l’état sauvage, chaque félin que nous pouvons sauver compte. Merci du fond du cœur !

© DNP / WWF © AFRICAN PARKS © DNP / WWF Magazine - ÉDITION DE PRINTEMPS 2023 23
Plus d'infos sur le site web
WWF-Belgique C.F. ASBL Bd Emile Jacqmain 90 1000 Bruxelles 02 340 09 22 www.wwf.be Trimestriel P309290 PB- PP BBELGIE(N) - BELGIQUE 714
© Yves Adams - Vilda
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