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26e année - n° 96 / JUIN 2008 - ISSN 0754-8826 - 4,00 €

Biodiversité

L’inquiétude grandit HABITAT DURABLE

OZONE


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Les grands espaces de l’est africain sont merveilleux. Y goûter, c’est avoir envie d’ y retourner. Revoir les troupeaux de girafes (1) frissonner au petit matin. Admirer l’élégance des gérénuks (2), les antilopes-gazelles. Surprendre la course du guépard (3), s’extasier devant une crèche de lionceaux (4). S’enthousiasmer

devant

un

troupeau d’éléphants (5), mené par une matriarche. Frémir face aux rhinocéros (6). S’émouvoir devant la palette colorée du plumage des oiseaux de la savane (7). L’Afrique des grands parcs, c’est cela : un océan

d’émotions

qui

vous

subjugue… et qui fait réfléchir. Des dizaines de millions d’années d’évolution ont conduit le monde animal à cette extrême diversité. Or, les hommes sont en passe de

n

ruiner cette formidable richesse. Pour convaincre de la nécessité de la protection, on en vient à chercher des arguments bien égocentriques, visant à prouver

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que cet équilibre de la nature nous est utile, et que l’on ne survivrait pas longtemps à un monde fortement appauvri dans sa biodiversité. Est-il bien nécessaire d’aller chercher de tels arguments ? La beauté de la savane africaine, l’émerveillement de la forêt tropicale, la richesse biologique de l’océan, les couleurs d’une prairie de montagne ne se suffisent-ils pas à eux-mêmes ? ■

Georges Feterman


ÉDITORIAL

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Que penser de la loi Grenelle ? L es principales interrogations sur la loi issue des ateliers de Grenelle portent plus sur l’insuffisance des moyens que sur la signification profonde d’un consensus allant de la CGT au MEDEF. Une déclaration commune appelle à un changement de société. La convergence est justifiée par l’imminence du changement climatique. Il y a sans aucun doute péril environnemental et notamment climatique. Il est le résultat d’un système de production. Tout le monde est donc d’accord sur le fait qu’il doit se transformer. La question de fond est de savoir s’il y a un consensus possible sur les chemins à prendre. La question est complexe. Encore faut-il avoir une conception claire de ce qui est de plus en plus une référence : le développement durable. L’objectif primordial est-il de créer les conditions pour satisfaire les besoins de tous, c'est-à-dire de plus de 9 milliards d’êtres humains à l’horizon 2050, sans modifier dangereusement les milieux naturels, la santé et le climat ? Ou s’agit-il de créer de nouveaux marchés qui permettent un nouveau déploiement de l’économie mondiale sans qu’il soit nécessaire de remettre en cause son

pilotage actuel par une logique libérale ? Prenons l’exemple des 2 000 kilomètres de lignes à grande vitesse prévus par la loi. N’est-ce pas, de fait, la privatisation accélérée du réseau TGV, le réseau classique étant de plus en plus à la charge des régions, qui en est une des conséquences, implicite mais inéluctable ? L’opacité des nouveaux tarifs de la SNCF et leur hausse insidieuse ne préparent-elles pas un partenariat public– privé ? Comment serait alors satisfait de manière équitable l’accès du plus grand nombre à ce réseau ? La mobilité équitable peut-elle être un produit ? Ne doit-elle pas être considérée comme un service ? On pourrait généraliser ce constat. Faut-il vraiment construire le canal Seine Nord Europe ? Quelle est l’utilité de la liaison nouvelle Lyon–Turin ? La problématique est alors celle de la gadgétisation onéreuse. Ce n’est pas seulement une version modernisée des grands travaux du Second empire. Est posée la place de la technologie comme levier du changement. Il n’est pas contestable qu’une bonne application des mesures contenues dans la loi Grenelle permettrait de placer notre pays dans une dynamique de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 3% par an jusqu’en 2020. Il ne suffit pas cependant de dire qu’on verra pour la suite. N’est-il pas dangereux de faire l’autruche? En effet, la disparition de l’antagonisme « produit–service » n’exige-t-elle pas de construire dès maintenant de nouveaux rapports entre le politique et l’économique ? Ce n’est pas seulement la notion de service public qui est en cause. C’est fondamentalement le pilotage de l’innovation technique et sociale. Il ne s’agit pas de respecter un peu mieux ou moins mal l’environnement mais de réconcilier le bonheur de l’homme avec sa planète. Y a-t-il consensus sur cette question ? Rien n’est moins sûr. Entendons-nous bien : la loi est pavée de bonnes intentions. L’action pour leur réelle application et leur financemen est indispensable. Mais on ne peut pas en rester là. Et c’est dès maintenant que les solutions doivent être trouvées. ■ François COSSERAT

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HABITAT DURABLE Le Le SCOT SCOT

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Une Une Zac Zac exemplaire exemplaire La La démarche démarche HQE HQE

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Bateaux-bus Nom : ......................................................... Prénom : .................................................... Adresse : .................................................... .................................................................... ....................................................................

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CP : ............... Ville : ................................... Tél. : ........................... Port. : ....................

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Ont collaboré à la rédaction de ce numéro : François Cosserat, Michel Felet, Georges Feterman, Christian Pellicani, Sandra Pasero, Claire Thomassin, J.-Y. Guézénec, Sophie Gaudin-Beekmann, Christine Durand. Photos: Georges Feterman, Michel Felet, Zouhaïr Nakara.

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SOMMAIRE

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Dossier

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L’inquiétude grandit La récente conférence des Nations unies sur la biodiversité, qui a réuni quelque 5 000 experts de 191 Etats, s’est alarmée du rythme de disparition des espèces. Un mammifère sur quatre, un oiseau sur huit et un tiers des amphibiens sont aujourd’hui menacés. Professeur à l’université Paris-VI et directeur du département d’écologie et de gestion de la biodiversité au Muséum d’histoire naturelle, Robert Barbault éclaire notre jugement.

Naturellement • Quelque 1 700 000 espèces végétales et animales ont été dénombrées et décrites à ce jour. Beaucoup restent à découvrir. Les estimations vont de 10 à 30 millions. Quelle est la vôtre ? Robert Barbault • Il faudrait déjà s’entendre sur la définition même d’espèce. Déjà délicate pour les grandes espèces comme les vertébrés et les plantes supérieures, la définition est plus compliquée encore quand on entre dans l’univers des micro-organismes – bactéries, virus, archées. Il faut donc être prudent. L’obsession du quantitatif peut se retourner contre les défenseurs de la biodiversité. Deuxième observation : 10, 20 ou 30 millions, qu’estce que ça change pour le perception du citoyen ? L’idée fondamentale dans cette affaire, c’est la diversité. Il faut faire comprendre que le vivant est diversifié sous toutes ses formes, du génétique jusqu’au culturel. Sa caractéristique première est la singularité, qu’il s’agisse de l’individu, de la sous-espèce, de la variété ou de l’espèce, du type d’organisme, etc. La polémique sur les chiffres permet en tout cas de sensibiliser le grand public à l’enjeu que constitue la préservation de la diversité biologique. L’effondrement accéléré de la biodiversité n’est pas contestable… On songe, en particulier, à ce formidable réservoir de biodiversité que constituent les forêts tropicales et dont une superficie équivalente à celle de la Grèce disparaît chaque année…

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Il faut prendre conscience que la diversité, c’est le tissu vivant de la planète, un tissu dont nous faisons nous-mêmes partie. Quand des espèces disparaissent, c’est le milieu de vie dans son ensemble qui se déchire et se délite. Le phénomène ne concerne pas que les forêts tropicales, mais l’ensemble du vivant. Y compris notre propre tube digestif et les 400 et quelques espèces de micro-organismes qu’il abrite et qui conditionnent notre santé ! Bref, l’homme est lié au tissu dans son ensemble. Deux aspects échappent à la perception des gens, y compris aux scientifiques non spécialisés. Le premier, c’est que les espèces sont en interrelation : mangeurs/mangés, coopération, symbiose, mutualisme, etc. Le second, c’est que c’est une affaire de partage de territoire. La régression des forêts tropicales est particulièrement inquiétante, car plus la superficie se réduit, plus les espèces s’y trouvent menacées, leur survie étant liée à l’étendue des territoires qu’elles occupent. Le problème avec l’espèce humaine, c’est qu’elle a besoin de beaucoup d’espace, de plus en plus d’espace, et qu’elle est entrée dans une phase de grave déséquilibre avec la nature. Evoquons à présent l’apparition de la vie sur Terre. A quand peut-on la faire remonter ? La vie remonte à environ 3,5 milliards d’années (sur les 4,5 milliards d’années d’existence de la planète. Ndr). Ce qui est frappant, c’est qu’il a fallu attendre les 600-700 derniers millions d’années pour voir apparaître les grands types d’organisme. Les

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micro-organismes ont donc près de trois milliards d’années de plus. Cela pour dire qu’il faudrait s’y consacrer plus qu’on ne le fait… Depuis son apparition, la vie a connu bien des bouleversements… En effet. Tectonique des plaques, dérive des continents, éruptions volcaniques, modifications climatiques… la planète n’a cessé d’être bouleversée. Dans mon livre(1), j’essaie de faire percevoir les échelles de temps et d’espace de ces bouleversements. Une espèce, quelle qu’elle soit, constitue déjà en soi une prodigieuse réussite. Le moindre ver de terre est le fruit d’une multitude d’inventions et d’évolutions, dans un contexte de bouleversements étalé sur une très longue durée. C’est parce qu’il y a eu des erreurs dans la réplication du vivant que certaines espèces ont pu s’adapter aux nouvelles conditions de l’environnement. En d’autres termes, la vie ne peut se comprendre que dans un monde qui change. La diversité est une stratégie d’adaptation au changement. Le simple fait de vivre engendre du mouvement, du changement. On ne peut rester identique à soi-même. Il faut accepter le changement. C’est le grand message de la biodiversité. Les paléontologues ont identifié cinq périodes d’extinction de la biodiversité. Certains spécialistes affirment que nous sommes désormais entrés dans une sixième phase d’extinction. Est-ce aussi votre avis ? Une précision, d’abord. Le point


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de départ de ces cinq extinctions ne remonte qu’à 600-700 millions d’années. Ce n’est en effet qu’avec l’apparition des coquilles et des squelettes, susceptibles d’être fossilisés, qu’on a pu établir des registres. Cette période s’est caractérisée par une véritable explosion de biodiversité avec l’apparition et l’épanouissement de tous les grands types d’organisme : vertébrés, invertébrés, protozoaires, vers à anneaux, vers plats, etc. Il faut savoir aussi que depuis cette période la vie n’a inventé aucun nouveau type d’organisme. Tout était fixé, il y a simplement eu une diversification à travers l’apparition de nouvelles espèces. Autre précision : les cinq périodes d’extinction ont pratiquement toutes été liées à des catastrophes qui ont modifié, à grande échelle, le climat, le paysage géologique et la végétation : chute de météorites, éruptions volcaniques géantes, etc. Les effets de ces phénomènes se sont étalés sur des milliers d’années. La remontée en diversité s’est, elle aussi, étendue sur une très longue période, des millions d’années… Les paléontologues répugnent à user de l’expression « sixième extinction » car ils ne placent pas la phase actuelle sur le même plan que les précédentes qui sont des phénomènes consommés et ayant couvert des millions d’années. Or

là, le phénomène est en cours. Cela dit, le recours à cette expression permet d’attirer l’attention sur un processus réel, l’accélération de l’extinction. Et si les spécialistes diffèrent quant à l’évaluation de la vitesse du phénomène – cent ou mille fois plus rapide que le processus naturel ? –, ils ne nient pas sa réalité. Prenons l’exemple des baleines. Elles ont fait l’objet d’une pression de chasse considérable. Il y a eu une telle hécatombe que certaines espèces, en situation d’effondrement, pourraient s’éteindre d’ici dix à vingt ans. Idem pour les requins. Il s’ensuit une désorganisation, un dérèglement des écosystèmes marins. Ces prédateurs jouaient un rôle de stabilisation et de régulation, et on n’est pas du tout certains de pouvoir, à terme, rétablir ces équilibres. Autre exemple, l’effondrement des stocks de morue de la zone de Terre-Neuve qui a contraint les autorités à décréter l’arrêt de cette pêche en 1992, mettant 300 000 personnes au chômage. Depuis lors, pourtant, les stocks ne se sont pas reconstitués. Pourquoi ? Parce que la niche écologique de ce prédateur triomphant a été, entretemps, occupée par d’autres espèces. Même phénomène sur les continents. En se répandant, l’espèce humaine y a éliminé les

grands mammifères prédateurs. Des religieux – au premier rang desquels les évangélistes américains – remettent en cause la théorie darwinienne de l’évolution. Elle est pourtant scientifiquement avérée… Les mécanismes à l’origine de l’explication de Darwin sont aujourd’hui testables et vérifiables. On a même pu montrer la sélection naturelle en action à travers l’exemple d’un papillon, la phalène du bouleau. Et bien d’autres cas sont prouvés. Vous analysez longuement, dans votre livre, les multiples facteurs de l’évolution en mettant l’accent sur le rôle qu’ont joué le parasitage, le compagnonnage, la collaboration et les échanges entre espèces… Ce sont des phénomènes essentiels. On a tendance à voir les espèces comme des timbres isolés les uns des autres alors qu’elles sont en interaction et participent du même vaste ensemble, de la même longue histoire. Le vivant est un tout. Il n’y a pas d’un côté l’homme, et de l’autre côté la nature, mais un ensemble indissociable. La multiplication des déplace-

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ments s’est traduite par l’introduction d’espèces qui sont entrées en compétition avec les espèces endémiques locales qu’elles ont parfois fait disparaître… L’atteinte aux espèces endémiques n’est pas nouvelle mais a pris des proportions inquiétantes. L’effet de ces envahisseurs est particulièrement flagrant sur les îles. Cela dit, on doit aussi se poser la question de savoir ce qui, dans cette situation, revient à l’espèce introduite, et quel rôle les engrais et la pollution ont joué dans la dégradation du système. Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique sur la biodiversité ? Les espèces végétales et animales remontent en latitude et en altitude, et on constate un avancement des périodes de reproduction, avec des cascades d’effets. Des observations conduites sur un gobe-mouche, aux Pays-Bas, sont révélatrices du phénomène. La désynchronisation entre la période de nidification et l’émergence des chenilles dont se nourrissent les jeunes se traduit par un véritable effondrement de cette population d’oiseaux. Autres exemples : la régression rapide de l’épicéa en Méditerranée et l’arrivée d’oiseaux africains en Europe du sud. Il ne s’agit pas là d’observations ponctuelles, mais d’un processus tout à fait marqué. Le réchauffement climatique est indéniable…

La récente conférence des Nations unies sur le sujet, en Allemagne, a souligné que la régression de la biodiversité constituait une crise aussi grave que celle du réchauffement climatique. A quelles décisions concrètes a-t-elle abouti ? Des progrès sensibles ont été enregistrés sur plusieurs sujets. D’abord, la conférence a affiché explicitement la gravité de la situation, et mis en parallèle l’érosion de la biodiversité et le réchauffement climatique. L’autre point très positif, c’est la réflexion sur la nécessité de mettre en place rapidement un groupe d’experts sur la biodiversité, homologue de celui sur le climat, le GIEC (Groupement intergouvernemental d’experts sur le climat. Ndr). Il est clair, en effet, que les progrès enregistrés dans la prise en compte des problèmes climatiques sont dus à ce groupe d’experts qui fait le lien entre le politique et l’état des connaissances. Un dispositif identique sur la biodiversité était en préparation depuis plusieurs années, à l’initiative, du reste, de la France. J’avais peur que le processus ne s’enlise encore devant la réticence de certains pays, mais il a été sérieusement relancé. On devrait

Les choses sont-elles d’ores et déjà trop avancées pour espérer un réversibilité ? Je ne crois pas. L’espèce humaine est capable du pire mais aussi du meilleur car elle sait se projeter dans l’avenir. On peut estimer que ça ne va pas assez loin, mais il y a quand même une prise de conscience et un début de mobilisation. Si on fait le pari de se réconcilier avec la nature parce que c’est dans notre intérêt, on parviendra, j’en suis convaincu, à redresser la barre.

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y voir plus clair dès la fin de l’année. Les conférenciers ont tenu à marquer que l’effondrement du capital naturel que constitue la biodiversité pourrait compromettre demain l’état de santé économique de la planète... Une chose est sûre : plus on temporisera, et plus ça coûtera cher. Mais je me veux optimiste : une dynamique s’est enclenchée. ■ Propos recueillis par Michel Felet (1) On se reportera à son excellent livre (qui se lit comme un roman, le roman de la vie), récemment publié en poche, « Un éléphant dans un jeu de quilles – l’homme dans la biodiversité » (Editions du Seuil, collection Points Sciences, 270 p., 9 euros). Lire aussi « L’humanité, espèce menacée », de Robert Barbault, Patrick Blandin, Dominique Bourg, Bernard Chevassus-au-Louis, Patrick Hubert, Michel Maffesoli, Gilles Pipien et Maurice Wintz (Editions Avenir, 190 p., 10 euros) ainsi que l’« Atlas des espèces en danger » de Richard Mackay (Editions Autrement, coll. Atlas/Monde, 128 p., 28 euros).

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Habitat durable, éco-quartiers

Querelles d’experts, pratiques citoyennes Du passage des constructions Haute qualité environnementale au concept d’Aménagement urbain environnemental, on n’en finit plus de débattre de la manière d’intégrer du développement durable dans l’habitat et, plus généralement, dans la ville. Tendances et contre-tendances s’affrontent au travers de projets pilotes démonstratifs.

L

’association nationale de la HQE illustre bien la structuration de ces débats : écoquartiers, ZAC HQE, immeubles à énergie positive, rénovation pilote… La loi Grenelle (voir encadré) ambitionne d’« organiser une rupture pour réduire la consommation d’énergie des bâtiments ». Bien, mais va-t-on, pour autant, véritablement changer la ville ? Il faut, certes, s’inscrire dans le Grenelle et répondre aux engagements du protocole de Kyoto, mais cela ne doit pas nous exonérer d’aborder les conditions sociales des mesures qui devront être mises en œuvre. La hausse du coût de la construc-

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tion neuve et celle de la mise à niveau du parc existant produisent spontanément, si on n’y prend garde, de nouvelles inégalités. En effet, la société de consommation induite par le libéralisme économique utilise les problèmes environnementaux qu’elle a générés pour créer de nouvelles niches de profit. Les propositions financières spéculent sur les futures réductions de charges pour autant qu’elles peuvent réellement exister dans un contexte de hausse des prix de l’énergie. Les subventions et crédits d’impôts sont souvent détournés dans la hausse des prix d’intervention.

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La loi Grenelle définit une approche réglementaire et normative. Elle reconnaît l’ampleur du problème, propose des actions préventives dans l’aménagement du territoire et prévoit quelques mesures d’accompagnement social. La première action vise, bien entendu, l’isolation de l’habitat, mais elle n’est pas menée actuellement avec toute la puissance nécessaire. Il manque des matériaux, des entreprises, des gens formés. Le processus d’aide à la décision n’est pas efficace. Les derniers textes sont intéressants mais risquent de rester lettre morte s’il n’y a pas d’intervention


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Pour en savoir plus

Les propositions de la loi Grenelle Le projet de loi issu des travaux des ateliers de Grenelle consacre une large part à l’habitat et à l’urbanisme. Le titre est ambitieux : « ORGANISER UNE RUPTURE POUR REDUIRE LA CONSOMMATION D’ENERGIE DES BATIMENTS ». Qu’en est-il ?

La construction neuve Il s’agit d’abord de « technologies de rupture dans la construction des nouveaux bâtiments et la rénovation accélérée du parc de bâtiments existants. » La loi rend ensuite obligatoire la norme « bâtiment basse consommation » à toutes les constructions neuves faisant l’objet d’une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2012, et par anticipation, à toutes les constructions neuves de bâtiments publics et tertiaires à compter de fin 2010. La norme « bâtiment basse consommation » correspond à une consommation d’énergie primaire inférieure à un seuil de 50 kilowattheures par mètre carré et par an en moyenne. Ce seuil sera modulé en fonction de la localisation, des caractéristiques, de l’usage et des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments. La norme « bâtiment à énergie positive » s’applique à toutes les constructions neuves faisant l’objet d’une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2020. La norme « bâtiment à énergie positive » correspond, sauf exception, à une consommation d’énergie des bâtiments inférieure à la quantité d’énergie qu’ils produisent à partir de sources renouvelables. Dans ce contexte, l’Etat se fixe des engagements particuliers pour ses constructions.

Le parc existant « L’Etat se donne comme objectif de réduire les consommations énergétiques du parc de bâtiments existants d’au moins 38 % d’ici 2020. Les travaux de rénovation thermique réalisés sur les 50 millions de mètres carrés des bâtiments de l’Etat et les 70 millions de mètres carrés de ses principaux établissements publics seront réalisés en faisant appel de façon privilégiée à des contrats de partenariat public privé, notamment des contrats de performance énergétique. » En d’autres termes, l’Etat se défausse sur le privé. Pour les logements sociaux, L’Etat se fixe comme objectif que l’ensemble du parc de logements sociaux soit rénové à terme, en commençant par

les 800 000 logements sociaux dont la consommation énergétique est supérieure à 230 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an, lesquels feront l’objet d’une rénovation thermique avant fin 2020, l’objectif étant de ramener leur consommation annuelle à des valeurs inférieures à 150 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an. A cet effet, une enveloppe de prêts à taux privilégiés sera prévue pour les organismes bailleurs de logements sociaux. Des conventions entre l’Etat et les organismes concernés définiront les conditions de réalisation du programme et prévoiront notamment les modalités de financement des travaux de rénovation à partir des économies de charges réalisées suite aux travaux de rénovation mis en oeuvre. A l’appui de ces conventions l’Etat pourra apporter des subventions budgétaires qui pourront aller jusqu’à 20% du coût des travaux.

Les aides pour l’existant « L’Etat favorisera la conclusion d’accords avec le secteur des banques et des assurances pour développer le financement des investissements d’économie d’énergie grâce aux produits futurs des économies réalisées ; ces accords prévoiront la mise en place de prêts aux particuliers dont les caractéristiques financières permettront le remboursement des annuités d’emprunt au moyen des économies d’énergie réalisées ; de même, l’Etat encouragera la simplification et l’aménagement des contrats de performance énergétique en vue de faciliter leur diffusion. Le crédit d’impôt sur le revenu sera modifié afin notamment d’inciter à la rénovation énergétique des logements donnés en location et à la réalisation des travaux ou à l’acquisition des équipements les plus performants en matière d’économie d’énergie. »

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publique forte. Celle-ci doit se fixer deux objectifs majeurs : construire une dynamique de l’économie du bâtiment, réaliser l’efficience des moyens et assurer l’équitabilité des effets. La seule logique de marché ne peut en effet permettre d’atteindre les objectifs dans de bonnes conditions, il nous faut une industrie compétente. Ce qui est en cause, c’est la capacité du marché à construire une politique de développement durable. Naturellement reviendra sur cette question. Le rôle des institutions politiques est encore plus évident en matière de prévention. Les projets d’urbanisation, de réhabilitation de l’espace urbain et de l’habitat ne seront durables qu’au travers de

l’implication de tous dans l’élaboration des Schémas de cohérence territoriaux (SCOT), des Plans locaux d’urbanisme (PLU), des Plans locaux de l’habitat (PLH) et des Plans de déplacements urbains, (PDU).. Nous avons voulu dans ce numéro éclairer quelques sujets importants. Que penser de la Haute qualité environnementale ? Et des Schémas de cohérence territoriaux ?

peu inférieure si on prend en compte l’ensemble des gaz à effet de serre, mais reste importante. Les actions pour la réduire sont donc nécessaires. Cela dit, il faut être conscient qu’elles sont insuffisantes pour atteindre l’objectif d’une division par quatre des émissions d’ici à 2050. La consommation moyenne est actuellement supérieure à 400 kWh d’énergie primaire par m2. Cette valeur comprend le chauffage, l’eau chaude et les différents usages domestiques. L’arrêté du 15 Les enjeux de la septembre 2006 définit des classes rénovation thermique de consommation selon le schéma La part des émissions de gaz car- suivant. ■ bonique due aux consommations d’énergie dans l’habitat est de 20% du total, comme le graphique ci-dessous le montre. Elle est un

Conclusions provisoires L’intervention de l’Etat peut donc se résumer ainsi : obligations réglementaires et normatives, recours aux compétences techniques et financières du privé. La loi Grenelle comme les arrêtés récents fait l’impasse sur les difficultés à lancer la machine. Le service public n’est pas invité à prendre une part active dans l’aide au diagnostic et à la préconisation, dans le soutien aux moyens techniques les plus performants, dans les explications à fournir pour faire comprendre et adhérer la population à ces objectifs. Il faut sans aucun doute, tout en maintenant une pression sur l’Etat, examiner comment il est possible de faire émerger des compétences en conjuguant les pouvoirs locaux et ceux des conseils régionaux. Le recours au terrain politique est incontournable.

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Le Scot

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Un document essentiel

Le Schéma de cohérence territorial (Scot) peut jouer un grand rôle dans l’aménagement du territoire et la préservation de l’environnement (voir encadré). Il est élaboré à l’initiative de communes et de leurs groupements. L’Etat a un double rôle de contrôle de légalité et de participation à l’élaboration avec le concours de ses services.

L

a loi fixe au Scot d’établir le diagnostic en matière de développement économique, d'agriculture, d'aménagement de l'espace, d'environnement, d'équilibre social de l'habitat, de transports, d'équipements et de services. Il présente le projet d'aménagement et de développement durable retenu, qui fixe les objectifs des politiques publiques d'urbanisme en matière d'habitat, de développement économique, de loisirs, de déplacements des personnes et des marchandises, de stationnement des véhicules et de régulation du trafic automobile.

Il n’y a pas de périmètre imposé a priori. La concertation locale aboutit à la création d’un établissement public de coopération ou un syndicat mixte. Mais les Plans locaux d’urbanisme (PLU), le Plan de déplacement urbain (PDU), le Plan local de l’habitat (PLH) doivent notamment être mis en cohérence avec le Scot. De fait, la situation est plus complexe. C’est un nouveau venu qui doit faire sa place. La tentation est grande d’en faire une mosaïque, un puzzle d’intentions et de velléités locales préexistantes, à l’abri des projets et de la démocratie participative. Mais il ne s’agit pas d’en faire un nouvel échelon administratif contraignant. En dehors du fait qu’il faut partir d’un diagnostic et aboutir à des propositions reconnues, la réglementation n’impose pas des formes et des moyens de concertation et d’élaboration. Autant dire que la fabrication d’un Scot peut revêtir différentes voies. Tout dépend de la volonté politique. Même si elle existe, ce n’est pas forcément simple. Le Scot s’établit sur un périmètre étendu où les sensibilités politiques sont

diverses. En outre, le respect de l’autonomie communale interdit tout modèle coercitif, vertical descendant. On doit donc inventer une interaction entre une communauté d’intérêts et les pouvoirs locaux, avec la bénédiction des autres institutions, notamment de l’Etat. Le nombre peut constituer également une contrainte forte. Par exemple, le syndicat mixte du Grand Amiénois abrite 337 000 habitants sur 381 communes qui ont près de 5 000 conseillers municipaux ! Et pourtant, il faut qu’il tourne parce que son périmètre est pertinent. Il est établi sur un bassin de vie.

Le Pays, communauté de projets L’objectif essentiel d’un Scot n’est pas de créer de la réglementation en matière d’urbanisme mais du développement durable. C’est sans doute sur cette notion que doit se cristalliser la réflexion. Une notion qui fut longtemps oubliée et qui devient un slogan. Comment sortir des généralités ? Les Scot peuvent « définir les grands projets d'équipements et de services, en particulier de trans-

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port, nécessaires à la mise en oeuvre de ces objectifs. Ils précisent les conditions permettant de favoriser le développement de l'urbanisation prioritaire dans les secteurs desservis par les transports collectifs. Ils peuvent, le cas échéant, subordonner l'ouverture à l'urbanisation de zones naturelles ou agricoles et les extensions urbaines à la création de dessertes en transports collectifs et à l'utilisation préalable de terrains situés en zone urbanisée et desservis par les équipements. » Il y a donc de quoi faire. Le plus judicieux est probablement, comme nous y invite la loi, d’envisager les choses sous l’aspect de projets. Il est alors possible d’explorer la voie concomitante du Pays, communauté de projets instituée par la loi en 1999. Le Scot et le Pays peuvent faire un mariage de raison abrité par exemple dans un syndicat mixte qui a la double compétence. Pas de modèles non plus. Le plus sage est d’utiliser le temps du diagnostic pour réfléchir sur les spé-

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cificités du territoire, ses handicaps et ses richesses. Mais il existe deux axes qui peuvent constituer le cœur de tous les projets : habitat et urbanisme d’une part, mobilité d’autre part avec toutes les synergies possibles entre eux. Ils permettent de décliner les questions de la production d’énergie et de matériaux renouvelables, de la satisfaction équitable des besoins via le prix et le tarif, de la protection des milieux humides, des sols, de l’eau, de l’air… Avec les prix de l’énergie et du foncier, se loger et se déplacer devient de plus en plus problématiques. Donc, les considérer

Pour en savoir plus

Que dit le Code de l’urbanisme ? Article L 121-1 Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer : 1° L'équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le développement de l'espace rural, d'une part, et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages, d'autre part, en respectant les objectifs du développement durable ; 2° La diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l'habitat urbain et dans l'habitat rural, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, notamment commerciales, d'activités sportives ou culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics, en tenant compte en particulier de l'équilibre entre emploi et habitat ainsi que des moyens de transport et de la gestion des eaux ; 3° Une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux, la maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la réduction des nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature.

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comme des éléments phares de la mise en place du Scot permet de faire de ce moment non pas celui de la règle et de la morale environnementale mais celui d’un développement respectueux de l’homme et de la nature.

Quid de l’économie ? De nombreux scénarios de développement ont été étudiés par les experts internationaux, à différentes occasions. Ceux qui privilégient la mise en valeur des ressources naturelles de proximité et un haut niveau de formation ont toujours reçu la meilleure appréciation. C’est un chapitre à écrire. Le livre a encore beaucoup de pages blanches. L’une des questions qui arrivent alors avec force est celle de la biodiversité comme source de richesses, et donc de l’agriculture. La relation ville – campagne n’a pas qu’une dimension économique. Elle a une histoire locale inscrite dans le sol et le paysage, dans la culture. L’avenir de la ruralité n’est pas d’être le réceptacle de citadins chassés par le prix du logement mais de contribuer à un nouvel équilibre avec l’urbain. De là découle en particulier notre lutte pour des agricultures écologiquement intensives. Il ne s’agit pas seulement d’éviter de mauvaises conséquences environnementales et sanitaires, il faut aussi produire un maximum de richesses sur une terre de plus en plus rare, pour nourrir tous les hommes, produire des matériaux et de l’énergie. Ces questions sont au cœur d’un Scot. ■ François Cosserat


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Commune d’Entraigues

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Une ZAC exemplaire

A Entraigues-sur-la-Sorgue, une commune située dans le département du Vaucluse, le quartier du Moulin des Toiles ne se visite pas pour ses monuments historiques, mais pour ses bâtiments construits selon la démarche HQE (Haute qualité environnementale).

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la fin des années 90, la municipalité d’Entraigues décide d’acheter un ancien site industriel de 4 hectares, à proximité du centre ville, afin de construire la ZAC du Moulin des Toiles, un nouveau quartier comportant une crèche, une maison de retraite, une école, des logements sociaux ou en accession et des services tertiaires. « Avant le début des travaux, nous avons effectué des études fines et mené des réflexions sur une mixité sociale, des activités et un maillage avec le centre, car nous voulions sortir des villes où les fonctions sont séparées et les populations ghettoïsées », explique Guy Moureau, le maire d’Entraigues. Les réflexions archi-

tecturales, quant à elles, portent sur la préservation de l’histoire du site et sur le bioclimatisme, c’està-dire la recherche d’un équilibre entre la conception et la construction de l’habitat, son milieu (climat, environnement...) et les modes et rythmes de vie des habitants. Ce type d’architecture permet de réduire les besoins énergétiques, de maintenir des températures agréables, de contrôler l’humidité et de favoriser l’éclairage naturel.

Une intégration naturelle Le projet de la ZAC intégrant qualité urbaine et architecturale, et prise en compte de l’environnement, concorde avec l’Approche

environnementale sur l’urbanisme (AEU), et c’est tout naturellement qu’apparaît l’idée d’inclure la démarche HQE. Celleci correspond à une recherche de la qualité dans une optique de développement durable. Elle vise à maîtriser l’impact des bâtiments sur l’environnement extérieur (amélioration de la performance énergétique, limitation des émissions de polluants, réduction de la production de déchets), à créer un environnement intérieur sain et confortable et à préserver les ressources naturelles en optimisant leur usage. Le secteur du bâtiment est l’un des plus importants consommateurs d’énergie et émetteurs de gaz à effet de serre, et la démarche HQE représente

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énergétique du quartier, dont la référence initiale était la réglementation thermique 2000, est supérieure à celle de la réglementation thermique 2005. Cette performance, la mairie l’a obtenue en anticipant sur cette dernière. Ces résultats montrent que les efforts d’une politique d’urbanisme engagée en matière environnementale portent leurs fruits et que les élus doivent jouer un rôle moteur dans le développement de la démarche HQE(2). Mais le maire déplore que « les subventions accordées pour les projets de construction ne tiennent pas compte des performances énergétiques. Ces financements sont équivalents, que l’on fasse du traditionnel ou que l’on intègre une qualité environnementale ».

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Un quartier exemplaire l’une des réponses à la nécessité d’inclure les critères du développement durable dans son activité. Pour intégrer cette démarche au projet de la ZAC, la commune d’Entraigues a créé une charte environnementale. Celle-ci repose notamment sur un développement des énergies renouvelables, une réflexion sur le choix des matériaux et des moyens pour économiser les énergies, et un engagement HQE. « Lorsque la mairie s’est lancée dans cette entreprise, la HQE n’en était qu’à ses prémices et était peu connue. Les architectes et les constructeurs n’étaient pas formés et il a été difficile de convaincre les partenaires de l’innovation que constituait ce projet. C’est pourquoi l’étape de réflexion, qui a duré quelques années, a été décisive. Elle nous a permis de mettre en relation des personnes de compétences variées pour trouver des solutions. L’originalité de cette ZAC durable réside dans sa cohérence. De plus, initier cette démarche très en amont du projet a été capital », souligne le maire d’Entraigues.

Economie énergétique En 2005, la crèche et l’école sont ouvertes. La maison de retraite et

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les logements (dont 50% sont sociaux) se dressent ensuite dans le paysage du quartier du Moulin des Toiles. Sur l’ancien site usinier, seuls les édifices les plus représentatifs du patrimoine architectural du XIXe siècle ont été conservés. Les nouveaux bâtiments, sains, économes en énergie et en eau, confortables et respectueux de l’environnement, sont tous équipés de chauffe-eau solaires, satisfont aux quatorze cibles (en écoconstruction, éco-gestion, confort et santé1) de la démarche HQE et chacun possède un profil environnemental correspondant à ses spécificités. Pour exemple, la crèche. La priorité a été donnée à la santé pour ce lieu de garde d’enfants. Les murs sont construits en Monomur, isolant et protecteur naturel contre l’humidité, et sont enduits de matériaux ne libérant pas de composés organiques volatils, ainsi les allergies sontelles écartées. Guy Moureau ajoute qu’ « en ce qui concerne le chauffage au sol, les câbles entourent le plancher, car c’est plus sain pour les enfants ». Au Moulin des Toiles, c’est une économie de 100 tonnes de CO2 par an qui est réalisée par rapport à des constructions traditionnelles. De plus, la performance

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Précurseure en HQE, la municipalité d’Entraigues tire parti de son expérience du Moulin des Toiles pour poursuivre l’intégration de cette démarche dans ses projets. Elle a d’ailleurs adapté son PLU (Plan local d’urbanisme), ce qui lui a valu les félicitations du conseil général du Vaucluse. Entraigues partage également le savoir acquis avec la ZAC exemplaire du Moulin des Toiles. De nombreuses personnes et communes visitent ce quartier. De plus, dans le cadre de sa charte environnementale, la mairie subventionne les particuliers pour toute installation de chauffe-eau solaire. Un nouveau quartier avec des bâtiments basse consommation (inférieure à 50 kWh d’énergie primaire/m2/an) est en cours de réalisation. Des matériaux sains et de qualité environnementale sont utilisés. L’énergie renouvelable choisie pour le chauffage est la chaudière à bois. Un projet à suivre. ■ Sandra Pasero 1) Voir les 14 cibles page 18 2) Pour cette ZAC (Zone d’aménagement concerté), qui s’inscrit dans l’Agenda 21, la mairie a reçu le prix des Eco-maires en 2004 et le Trophée de l’environnement du conseil général.


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Points de vue

La démarche HQE, une approche globale ? Initiée dans les années 90, la démarche Haute qualité environnementale est aujourd’hui reconnue grâce à l’association HQE. Nathalie Sement, chargée de mission à l’association, et André Jollivet, architecte-urbaniste, président de la maison de l’architecture et de la ville, ancien président du conseil régional de l’ordre des architectes Provence-AlpesCôte d’Azur, donnent leur point de vue sur cette démarche.

qui sont définis dans deux cadres de références : la « Définition explicite de la qualité environnementale » (DEQE) pour obtenir, améliorer ou maintenir la qualité environnementale des bâtiments concernés par des opérations de construction, d’adaptation ou de gestion ; un « Système de management environnemental » (SME) pour organiser les opérations afin d’optimiser l’effort de QE de l’ensemble des acteurs concernés. Elle offre un langage commun (les 14 cibles), décrivant précisément les caractéristiques environnementales d’un bâtiment et permettant ainsi de s’accorder sur les objectifs partagés par tous les acteurs.

. Pourquoi et en quoi la démarche HQE est-elle importante ? Nathalie Sement . Cette démarche est une réponse à la préoccupation sur l’impact environnemental des bâtiments. Elle a deux composantes indissociables

Est-elle suffisante pour limiter les impacts du bâtiment sur l'environnement ? Nathalie Sement. La démarche HQE® vise à la réalisation de bâtiments sains et confortables dont les impacts sur l’environnement évalués sur l’ensemble du cycle de

Borner cette démarche à 14 cibles, n’est-ce pas risquer de la scléroser ? Nathalie Sement. La démarche HQE avec ses 14 cibles englobe et dépasse les approches sectorielles. C’est une approche systémique qui tente d’appréhender toutes les dimensions du problème. Au moment où l’accent est mis sur l’énergie, elle constitue une base qui permet de rechercher la per-

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vie soient les plus maîtrisés possibles. Elle répond à la question « comment conçoit-on un bâtiment bon pour l’environnement ? » C’est donc une approche par le process, sur le comment faire et non sur le produit. En outre, elle est un instrument offert aux acteurs pour fixer leur niveau d’exigence. Mais dans tous les cas, c’est le maître d’ouvrage qui décide du niveau de ses ambitions. C’est une démarche qualité, condition nécessaire, mais pas suffisante, pour atteindre de hauts niveaux de performance.

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formance énergétique sans altérer les autres qualités. Aussi la démarche HQE se veut-elle une démarche globale qui prend également en considération les interactions entre les différents thèmes environnementaux que sont l’eau, l’énergie, la qualité de l’air… Tous les enjeux liés à l’environnement sont pris en considération à travers les 14 cibles rappelées ci-après. Le bâtiment est un important consommateur d’énergie et émetteur de gaz à effet de serre. Pour limiter ses impacts sur l’environnement, la démarche HQE a été développée. Que pensez-vous de celleci ? André Jollivet . Je suis contre cette démarche, bien qu’elle soit intéressante et que j’y sois totalement engagé. En fait, je suis pour un développement durable qui soit plus global. La planète est en danger, mais je n’ai pas de preuves scientifiques. Ce dont je suis certain, c’est que la Terre est malmenée, qu’il faut en prendre soin et construire différemment. Le développement durable n’a de sens que s’il s’applique à toute la société et pas simplement à un secteur. Aujourd’hui, les efforts concentrés sur le bâtiment ne sont pas suffisants, il faut aller audelà en construisant de véritables éco-quartiers. Les architectes sont formés en permanence sur les questions de qualité environnementale et y sont totalement engagés. Pour nous, il s’agit d’un retour sur le travail de la ville. On recherche notamment des matériaux alternatifs locaux et des énergies cachées. Mais tout le monde doit s’impliquer dans la démarche HQE. A titre d’exemple, j’ai conçu un collège à Cavaillon. J’avais proposé de récupérer l’eau de pluie pour les toilettes. Cette idée a été refusée par les vétérinaires pour des raisons sanitaires alors que ce système existe déjà en Hollande. Beaucoup partagent cette conception, mais dans la pratique c’est différent.

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Quelles sont selon vous les faiblesses et les limites de cette démarche ? André Jollivet . Il faut rester très critique sur la démarche HQE et avoir une capacité d’évaluation sur les projets réalisés en examinant leurs effets, voire en les réétudiant. Cela permettra d’avancer et de mutualiser les expériences. De plus, il ne faut pas labelliser cette démarche sur 14 cibles, car ainsi on la fige et il n’y a plus d’ouverture. Il est important de ne pas tomber dans la réglementation à outrance. Audelà de la HQE, les questions qui se posent sont celles de l’urbanisme, de l’utilité de construire avec une vision globale, de mutualiser les espaces déjà existants. Sans oublier la déconstruction. Les cibles apparaîtront alors naturellement. Par ailleurs, le surcoût généré par la qualité environnementale risque d’être un véritable handicap social. Il faut donc trouver des solutions pour que les citoyens n’en pâtissent pas. Propos recueillis par Sandra Pasero

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Pour en savoir plus 14 CIBLES POUR AIDER LES MAITRES D’OUVRAGE À STRUCTURER LEURS OBJECTIFS Maîtriser les impacts sur l’environnement extérieur Eco-construction 1. Relations des bâtiments avec leur environnement immédiat. 2. Choix intégré des procédés et produits de construction. 3. Chantier à faibles nuisances. Eco-gestion 4. Gestion de l’énergie. 5. Gestion de l’eau. 6. Gestion des déchets d’activité. 7. Gestion de l’entretien et de la maintenance. Créer un environnement intérieur satisfaisant Confort 8. Confort hygrothermique. 9. Confort acoustique. 10. Confort visuel. 11. Confort olfactif. Santé 12. Qualité sanitaire des espaces. 13. Qualité sanitaire de l’air. 14. Qualité sanitaire de l’eau.

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- Permettre à Nice d’être reliée au réseau international à Grande Vitesse. - Créer une 2ème ligne sur la Côte d’Azur permettant de : - fiabiliser la ligne actuelle, - développer les relations TER. - Eviter le doublement de l’autoroute A8 et la création d’un autre aéroport dans le Var. - Assurer un aménagement de l’ensemble du territoire et pas seulement du littoral.


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La mer, un complément aux réseaux collectifs terrestres

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Réduire par quatre ses émissions de gaz à effet de serre, tel est l’objectif de la France à l’horizon 2050. Responsables d’environ un quart des émissions, les transports représentent un réel défi. En collaboration avec l’association Citoyen 13, le MNLE mène à Marseille une réflexion sur les interfaces à mettre en place entre les transports urbains existants et ce que pourraient offrir les transports maritimes de voyageurs.

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e succès de l’expérience toulonnaise et l’opportunité géographique de l’aire métropolitaine marseillaise incitent à creuser le sillon d’un développement des transports maritimes à l’échelle de la Communauté urbaine Marseille Provence Métropole. Ainsi, des simulations devront être effectuées pour mesurer le point d’équilibre d’une tarification adaptée sur le plan social et économique. Une réflexion devra être menée quant à l’implantation pertinente des points d’embarquement, en lien avec les flux de déplacements quotidiens connectés avec le réseau des transports terrestres, ou à proximité immédiate de parkings de stationnement pour les points les plus éloignés. Cela aurait pour effet un gain pour la qualité de l’air, un gain financier, de confort et de temps pour les usagers. Le transport en commun par la voie d’eau demeure embryonnaire

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alors que la façade maritime de l’agglomération est étendue. Face à l’impossibilité de concevoir une rocade routière complète de la ville, la réflexion sur un usage économiquement et socialement pertinent de la voie d’eau pourrait amener à une solution alternative pérenne où la qualité de vie de l’ensemble des habitants serait améliorée et dont la mise en oeuvre s’inscrirait à des horizons réduits.

Approfondir les études sur les besoins Passer d’une desserte touristique à un aménagement des déplacements quotidiens suppose une réflexion approfondie. L’intérêt général d’un développement des dessertes depuis et vers des zones relativement éloignées de Marseille-centre est évident du point de vue des besoins de déplacement de l’agglomération. Toutefois, passer d’une desserte

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maritime touristique à un service public quotidien suppose d’inverser la perspective et de considérer la pertinence des flux depuis les zones dites balnéaires de l’agglomération vers le centre ville (Marseille Vieux-Port) et non plus seulement de la ville-centre vers les zones d’attraction saisonnière. Dans cette conception, les questions de temps de trajet et de tarification prennent une importance centrale. C’est pourquoi il convient d’évaluer où se situe le point limite en terme de temps de trajet. A partir de quel seuil la bascule s’opère-t-elle entre transport terrestre et transport maritime, compte tenu également de l’attractivité confort et beauté de la voie d’eau ? De plus, il est nécessaire d’évaluer la tarification socialement et collectivement pertinente. En effet, la congestion automobile a un coût externe élevé (accidents, bruit, pollution) et un coût financier direct à travers la nécessité de


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construire de nouvelles infrastructures. Le tarif du transport maritime doit intégrer ces considérations.

L’intérêt d’un service de « bateaux-bus » La mise en place d’une desserte maritime s’accompagne d’un certain nombre de questionnements techniques : est-il possible de mobiliser des placements à quai pour les navires dans les ports concernés ? Les accès aux points d’embarquement sont-ils réalisables (parkings automobiles, aménagements sécurisés pour des accès par les modes doux, par exemple 5 à 10 minutes maximum pour la marche) ? Un développement des transports maritimes pourrait constituer un des modes de réponse à court terme aux besoins de déplacement. Le Plan de déplacement urbain (PDU) envisage une desserte maritime estivale pour faire face à la saturation des infrastructures de la Côte Bleue, mais cette orientation n’a pas encore été mise en oeuvre alors qu’elle pourrait s’élargir à une desserte annuelle. En effet, le PDU de Marseille Provence Métropole ne prévoit qu’une desserte depuis le Vieux-Port vers l’Estaque, puis en

direction de Sausset-les-Pins. Le couplage de ce type de desserte avec la politique touristique interpelle sur l’opportunité d’étendre le service public de transport maritime en direction de la Pointe Rouge, Cassis, La Ciotat. De fait, l’accès terrestre à la Pointe Rouge est saturé en été, le stationnement automobile est complexe et l’ensemble est source de nuisances (stationnement anarchique, bruit, pollution, temps de déplacement élevés), les gares ferroviaires de Cassis et La Ciotat sont éloignées du centre ville et les fréquences ne pourront être améliorées qu’avec le cadencement Marseille-Aubagne (projet inscrit au contrat de projet Etat/Région 2007-2013, encore en phase d’études jusqu’au milieu de l’année 2008). Le coût de fonctionnement annuel des transports terrestres de MPM est de l’ordre de 153 millions d’euros. La part du maritime est faible. Pour 2007, la desserte du Frioul aura représenté environ 0,1% du budget annuel des transports de la Communauté urbaine. A l’heure actuelle, cette desserte, qui a pour vocation d’assurer la continuité territoriale pour les résidents de l’île, occupe une fonction touristique importante. Elle est réalisée par l’intermé-

Schéma Côte Bleue Source : PDU MPM

diaire d’une Délégation de service public (sous la forme d’une concession), sur la base d’une tarification déconnectée de celle en vigueur sur le réseau urbain (l’aller/retour s’élève à 10 euros pour les touristes ; seuls les résidents bénéficient d’une tarification adaptée). En revanche, elle jouit d’une implantation optimale, au coeur de la ville (VieuxPort), en articulation avec l’ensemble du réseau terrestre : bus, métro, tramway. L’équation économique de la desserte du Frioul peut constituer le point de départ d’un élargissement de la réflexion.

Les différents aspects du transport maritime Aujourd’hui, en France, les services publics de transport par voie d’eau sont peu développés. Si le transport fluvio-maritime de marchandises s’impose comme l’une des alternatives au tout routier, le transport de passagers par voie d’eau reste à promouvoir. L’intérêt écologique de la voie d’eau n’est pourtant plus à démontrer. Elle génère moins de gaz à effet de serre, moins de nuisances sonores, consomme cinq fois moins d’énergie que la route et deux fois moins que le rail.

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Schéma Nantes – Nantes-navibus 1 et Nantes-navibus 2

Le transport fluvial se présente en France sous différentes formes, toujours intégrées au transport en commun. Les « navibus » nantais en sont un exemple intéressant. Pour ce qui est du transport maritime, dans les pays scandinaves les liaisons de ce type sont naturellement intégrées au réseau de transport en commun (les ferries de Stockholm, par exemple). Pour revenir à la France, l’exemple de Toulon nous montre qu’avec les ferries toulonnais, les transports maritimes sont totalement intégrés au système terrestre de transport collectif. A Toulon, particulièrement, le succès du transport maritime repose sur trois points essentiels : l’intégration tarifaire, la complémentarité avec le réseau des bus, et des temps de transport concurrentiels par rapport aux véhicules individuels et même aux bus. Ainsi, le transport maritime présente de nombreux atouts pour les agglomérations de grande taille. En effet, le principe essentiel est que le transport collectif doit apporter un gain de temps et de confort, atout incontestable du transport maritime. Un gain de temps, car les structures sont dédiées, donc il n’y a pas d’obstacles ; et un confort, car il n’y a pas de freinage et peu ou pas d’arrêts. Envisager un mode de déplacement collectif par voie maritime serait pertinent à l’échelle de Marseille Provence Métropole. En effet, Marseille constitue un pôle d’attraction économique et

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d’emploi majeur, mais les transports en commun sont insuffisamment maillés et le réseau ferroviaire saturé. Tout ceci engendre une saturation des accès autoroutiers, une congestion interne aggravée par le système de déversoir des autoroutes pénétrantes, une limite d’attractivité des transports en commun, des nuisances sonores qui s’étendent et des niveaux de pollution croissants. A l’heure actuelle, les modes traditionnels de déplacement en commun rencontrent des limites qui ne pourront être levées à court terme (découpage intercommunal ne recouvrant que partielle-

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ment les bassins d’emplois, lieux de vie et les déplacements qui y sont associés, manque d’articulation de l’offre et la saturation des infrastructures). Les modes maritimes de transport de passagers existent dans toutes les mers, fonctionnent correctement et s’intègrent au réseau de transport en commun terrestre existant. Alors, pourquoi l’agglomération marseillaise ne bénéficierait-elle pas de ce mode de transport alternatif ? ■ Claire Thomassin

Schéma Marseille Source : PDU MPM


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A propos du livre « Trop de pétrole ! » « Trop de pétrole ! », le livre au titre provocateur d’Henri Prévot (1) paru l’année dernière, nous interpelle tous car il pose de vraies questions et propose de vraies réponses. Analyse.

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pas en avoir besoin. L’auteur monter montre qu’il est possible en France de diviser par deux ou par trois les émissions de gaz carbonique en utilisant des techniques connues et sans avoir à remettre en cause fondamentalement notre mode de vie : juste en visant une stabilisation des possibilités individuelles de déplacement motorisés, sans supposer de profondes modifications de comportement et en maintenant le niveau de santé et de sécurité publiques. Encore faut-il choisir la bonne orientation par une évaluation cohérente des ressources et des utilisations de l’énergie, hiérarchiser les actions, en partant des moins coûteuses. Comment épargner 100 Mtep (soit environ 100 millions de tonnes d’équivalent pétrole sur les 135 que nous consommons) ? L’horizon envisagé est 30 à 40 ans car d’ici cette échéance on ne peut mettre en œuvre que des techniques déjà connues, avec une bonne appréciation, donc, de leur coût. Comment combiner les différentes formes d’énergie pour tirer le meilleur parti de leurs caractéristiques ? Pour Henri Prévot, il ne

nité ne devra son salut qu’à sa capacité d’en laisser une bonne partie sous terre ». (…) « La régulation des émissions de gaz carbonique sera politique ». (…) « Le jeu du marché et de la concurrence est le plus grand adversaire de la lutte contre l’effet de serre ».

Montrer l’exemple Dans l’incertitude des décisions qui seront prises au niveau international, la France doit-elle être pionnière en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre même si les autres pays traînent les pieds ? Henri Prévot est clair : il y aura un jour une prise de conscience mondiale, peut-être une panique ; alors, si les pays consommateurs n’ont pas été capables de réduire suffisamment leurs consommations, ce sont les pays producteurs qui limiteront leurs ventes de pétrole, de gaz et de charbon. Il est donc de notre intérêt d’apprendre à ne

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enri Prévot est passionné par la réflexion sur les moyens à mettre en œuvre pour prévenir les désordres climatiques dus à l’augmentation d’origine anthropique des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ce qu’il appelle « vivable », c’est une augmentation de température globale planétaire stabilisée à 2,7 °C (+/- 1°C), ce qui correspond selon les études internationales à une concentration de 450 ppm de CO2 dans l’atmosphère et à une émission totale de CO2 en 2 siècles limitée à 850 Gtec (milliards de tonnes d’équivalent carbone). Cette masse de carbone ne correspond qu’à 28 % des réserves fossiles de pétrole, gaz, charbon. D’où le titre un peu provocateur de son dernier livre « Trop de pétrole ! ». En effet, écritil, ce qui devrait préoccuper les citoyens et les décideurs, ce n’est pas l’épuisement proche des ressources fossiles, mais le risque climatique qui, pour être contenu, impose de laisser dans le sous-sol 70 % des réserves fossiles qui s’y trouvent encore ! Henri Prévot ne pense pas que le prix élevé du pétrole sera suffisant pour limiter la consommation de combustibles fossiles. Au contraire, si le prix est élevé cela veut dire que la consommation restera élevée et que les objectifs de réduction de consommation ne seront pas tenus. Certes, une augmentation des prix par le biais du marché crée des incitations au développement de techniques nouvelles non émettrices de CO2, mais le marché « ira chercher jusqu’à la dernière goutte de pétrole, jusqu’au dernier grain de charbon utilisable. (…) L’huma-

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Pour en savoir plus Mtep Aujourd’hui Dans 30 à 40 ans

Charbon

Electricité

6,1

36,4

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Biomasse Chauffage pour chauffage solaire 8,4 0,1 21

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Gaz

Biogaz

35,3

0,2

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4

Le rôle essentiel de l’Etat Pour établir les scénarios énergétiques qu’il a étudiés pour les décennies à venir, l’auteur se base sur un prix du pétrole à 100 dollars le baril de manière durable avec une valeur de l’euro de 1,25 dollar, soit 80 euros le baril. Attention, il n’est pas impossible que le prix du baril baisse suite à des récessions économiques : il ne faudrait pas que la consommation remonte. Le rôle de l’Etat est essentiel. Il faut qu’il maintienne le prix de vente des produits pétroliers et le fasse augmenter progressivement au cours du temps par le biais de taxes ou d’impôts calculés en fonction du prix du pétrole. Situation qu’il faut faire accepter aux citoyens dans le but de lutter efficacement contre les changements climatiques. La nouvelle ressource financière peut être compensée par des allégements fiscaux dans d’autres domaines ou consacrée à la recherche sur les systèmes énergétiques non émetteurs de CO2 ! Dans le scénario le plus optimiste qu’il propose et qui fait passer les émissions française de CO2 de 105 Mtep actuellement à 38 Mtep dans 30 à 40 ans, les énergies finales en millions de tonnes équi-

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suffit pas de faire un appel incantatoire à la « diversification » des sources énergétiques. La liste est longue des sources d’énergie qui n’émettent pas de CO2, mais il faut choisir, ne pas faire n’importe quoi. Attention aux raisonnements à court terme auxquels incite le protocole de Kyoto qui pousse par exemple à la production d’électricité par de la biomasse ou des biocarburants à l’aide de techniques inefficaces et coûteuses qui seront bientôt dépassées.

valent pétrole se répartissent comme l’indique le tableau cicontre. Dans le chauffage solaire est comptée la chaleur « pompée » par des pompes à chaleur. Henri Prévot évalue le coût annuel d’un tel programme dans la fourchette de 1 à 1,5 % du PIB, surcoût d’autant plus bas que le prix du pétrole sera élevé. Si l’utilisation de la biomasse doit se développer, d’abord pour le chauffage avec réseau de chaleur, puis pour la production de biocarburants de deuxième génération utilisant la plante entière, ces perspectives reposent beaucoup sur l’augmentation de la consommation d’électricité : +70 % en 30 à 40 ans. L’auteur annonce clairement la couleur : cela n’est possible qu’à partir du nucléaire, c’est-à-dire une augmentation de la capacité actuelle d’un EPR (réacteur de 1 600 MW) par an, à savoir le lancement de 2 ou 3 unités par an compte tenu du renouvellement du parc. Extravagant ? Il faut se souvenir que pour les seules années 1980 et 1981, ce sont 14 tranches nucléaires qui ont été mises en service en France.

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Biocarburant 0,4 22

Produits pétroliers 72,1

Total

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Pour inciter les particuliers à utiliser l’électricité (pour le chauffage avec isolation des bâtiments et utilisation éventuelle des pompes à chaleur ainsi que pour les voitures hybrides), il est impératif que le prix de vente du kWh n’augmente pas (vente au prix de revient du nucléaire). Un effort doit aussi être fait dans l’organisation de la distribution de l’électricité afin d’écrêter par des effacements automatiques volontaires les pointes de consommation, limitant ainsi le recours aux centrales thermiques productrices de CO2. Là aussi le rôle régulateur de l’Etat est primordial et Henri Prévot n’hésite pas à proclamer : « Renationalisons la production de l’électricité ». Et attention au développement du marché européen qui inévitablement poussera à la hausse ! Surprenant, quand même, de la part d’un récent élu municipal à la tête d’une liste du Nouveau Centre ! Henri Prévot, en tout cas, n’est pas un fantaisiste : il est ingénieur général des mines, membre du Conseil général des mines, ancien élève de l’Ecole Polytechnique (promotion 1964), ancien élève de l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris (promotion 1969)… ■ Jean-Yves Guézénec (1) « Trop de pétrole ! Energie fossile et réchauffement climatique » d’Henri Prévot (Seuil, 2007, prix Marimo 2007 de l’Académie des sciences morales et politiques, 311 p., 20 euros).


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Couche d’ozone et changement climatique L’action internationale a permis des progrès sensibles dans la réparation du trou d’ozone mais rien n’est encore acquis. Naturellement a demandé à Sophie Godin-Beekmann, directrice de recherche au Service d’aéronomie de l’Institut Simon Laplace (CNRS-UPMC), de bien vouloir faire le point sur cette question et de préciser le phénomène.

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a découverte au début des années 1980 par des chercheurs anglais et japonais d’une diminution très importante de l’épaisseur de la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique pendant le printemps austral, entre août et octobre, phénomène plus connu et médiatisé sous le nom de trou d'ozone, a suscité un immense intérêt et une inquiétude sans précédents dans la société civile quant au devenir de la couche d’ozone à l’échelle globale. L’enjeu était d’importance puisque l’ozone est un gaz vital qui protège la vie sur Terre en absorbant les rayons ultraviolets du Soleil. C’est aussi un gaz très minoritaire puisque son abondance, maximale dans la stratosphère, région située entre 10 et 50 km d’altitude, ne dépasse pas 8 molécules d’ozone sur un million de molécules d’air. L’ampleur de la réduction d’ozone, avec des contenus mesurés inférieurs à la moitié des

valeurs observées au cours de la décennie précédente, sur une superficie atteignant celle du continent antarctique, a provoqué une réaction rapide de la communauté scientifique internationale afin d’expliquer ce phénomène saisonnier, aussi mystérieux qu’imprévu. En quelques années, les coupables ont été identifiés et le scénario permettant d’expliquer l’apparition du trou d’ozone polaire élucidé. Les fautifs sont des composés essentiellement issus des activités humaines, les chloroflurocarbures (CFC) et les halons , dont la remarquable inertie chimique a suscité nombre d’applications industrielles, de l’isolation thermique à la climatisation en passant par la propulsion des principes actifs dans les bombes aérosol.

Le trou d’ozone en Antarctique Les composés halogénés, émis principalement par les pays déve-

loppés, sont transportés en quelques années par la circulation atmosphérique dans la stratosphère et décomposés par le rayonnement ultraviolet du Soleil, donnant naissance à des composés chlorés et bromés inorganiques. Le temps mis à atteindre les pôles est de 3 à 6 ans. Le scénario expliquant la destruction de l’ozone polaire requiert alors les ingrédients suivants : 1. une forte hausse de l’abondance des composés halogénés dans la stratosphère ; 2. des températures hivernales très basses ; 3. la réapparition du rayonnement solaire au-dessus du continent à la fin de l’hiver. Dès la fin de l’automne, la disparition du rayonnement solaire audessus de l’Antarctique entraîne la formation du vortex polaire, une ceinture de vents d’ouest très intenses qui isole les masses d'air polaires des régions avoisinantes. La stratosphère polaire se refroidit fortement jusqu’à atteindre des températures très basses

DR

Les nuages stratosphériques polaires se forment pendant l’hiver entre 12 et 28 km d’altitude en Arctique et en Antarctique. On les appelle aussi nuages nacrés en raison de leur aspect irrisé.

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(inférieures à -85°C), propices à la formation des nuages stratosphériques polaires composés de cristaux de glace ou de gouttelettes d’eau et d'acide nitrique (figure 1). A la surface de ces nuages se produisent des réactions chimiques qui ont pour effet de transformer les composés chlorés en composés extrêmement réactifs qui vont détruire l'ozone par le biais de cycles catalytiques très rapides dès la réapparition du Soleil au-dessus du pôle. Au cours de l’hiver, la concentration des composés chlorés réactifs est multipliée par 500 à l’intérieur du vortex polaire. Ces processus chimiques induisent une destruction rapide de l’ozone au rythme de plusieurs pour cents par jour, aboutissant à une diminution de plus de 60 % au mois d’octobre du contenu total d'ozone, avec une disparition quasi complète de l’ozone entre 12 et 20 km, précisément dans la zone d’altitude où sa concentration est maximale. C’est le fameux trou d’ozone que

l’on peut visualiser à l’aide des mesures satellitaires (figure 2). Vers la fin du mois de novembre, le vortex polaire disparaît et les masses d’air appauvries en ozone se mélangent avec les masses d’air des régions de plus basse latitude. L’année suivante, le trou d’ozone réapparaît. C’est maintenant devenu un phénomène saisonnier récurrent en Antarctique. La surface du trou d’ozone antarctique a régulièrement augmenté dans les années quatre-vingt puis s’est stabilisée vers 1995. Depuis 2002, le trou d’ozone montre une plus forte variabilité avec une surface très faible en 2002 et une valeur record de 28 millions de kilomètres carrés en 2006 (figure 3). En Arctique et à l’échelle globale, les températures hivernales sont plus élevées qu’en Antarctique et les conditions moins favorables à l’apparition d’un trou d’ozone. Cette différence s’explique par le fait que dans l'hémisphère nord, les continents sont plus proches du pôle que dans l’hémisphère sud. L’alternance de continents et

Evolution de l’abondance des composés chlorés et bromés dans la stratosphère (en partie par milliard, 10-9) en l’absence de protocole et suivant l’application du protocole de Montréal et de ses amendements successifs.

d’océans et la présence de hautes montagnes comme l’Himalaya génèrent davantage d’ondes atmosphériques à large échelle, qui se traduisent par la présence de zones de haute et basse pression dans l’atmosphère. Certaines de ces ondes se propagent dans la stratosphère, déplacent le vortex polaire vers les latitudes plus basses et le réchauffent. Les conditions météorologiques sont ainsi très variables en Arctique, et la formation de nuages stratosphériques polaires évolue fortement d’une année sur l’autre. Les années 1990 et 2000 ont connu toutefois plusieurs hivers froids au cours desquels des destructions de 20 à 30 % de la colonne totale d’ozone ont été observées. L’augmentation de l’abondance des composés chlorés et bromés a aussi un effet sur l’épaisseur de la couche d’ozone à l’échelle globale mais cet effet est bien moindre que dans les régions polaires. Les observations ont ainsi montré que l’abondance d’ozone avait diminué d’environ 4 % sur l’ensemble du globe par rapport aux valeurs mesurées avant 1980. Cette diminution est due à la dilution de la perte d’ozone polaire ainsi qu’à des processus spécifiques impliquant les composés chlorés et bromés dans les régions de moyenne latitude.

Les effets du changement climatique Le protocole de Montréal et ses amendements successifs imposent l’arrêt de la production de CFC et de halons à partir de 1996 dans les pays développés et de 2010 dans les pays en voie de développement (figure 4). Ces gaz sont remplacés dans un premier temps par les HCFC (hydrochlorofluorocarbures) qui se dégradent plus vite dans l’atmosphère et ont un faible potentiel de destruction d’ozone, puis par les HFC (hydrofluorocarbures) qui ne contiennent pas d’atome de chlore. Compte tenu du temps de résidence très long de certains CFC et halons dans l’atmosphère (100 ans


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pour le CFC-12, le plus important), le rétablissement de la couche d'ozone n’est pas prévu avant 2050 environ. Le changement climatique lié à l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère peut avoir un effet sur le rétablissement de l’ozone : si le dioxyde de carbone réchauffe la basse atmosphère, il refroidit la stratosphère, région dans laquelle se trouve la couche d’ozone. Dans les régions polaires, ce refroidissement peut augmenter la formation de nuages stratosphériques polaires,

amplifiant ainsi la destruction d’ozone. A contrario, les changements de circulation atmosphérique induits par le changement climatique peuvent accélérer le rétablissement de l’ozone. Il est donc impératif de continuer la surveillance de la couche d’ozone afin d’en vérifier le rétablissement. Le protocole de Montréal a d’ores et déjà un impact important quant à la lutte contre l’effet de serre additionnel lié aux activités humaines. En effet, les CFC et halons ainsi que certains de leurs

Evolution de la surface du trou d’ozone entre 1975 et 2005 en millions de km2. Le trou d’ozone polaire est caractérisé par des valeurs de contenu intégré d’ozone inférieures à 220 Unités Dobson. La figure montre que le trou d’ozone a une surface proche de celle de l’Amérique du Nord

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substituts prévus dans le cadre du protocole sont de puissants gaz à effet de serre et il a été montré que l’application du protocole de Montréal entre 1989 et 2010 équivaut à une réduction d’émission de 11 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2).Cette réduction est à comparer à la réduction d’émission de 2 milliards de tonnes de CO2 préconisée dans le cadre du protocole de Kyoto. ■ Sophie GodinBeekmann

Carte d’ozone total au-dessus de l’Antarctique le 24 septembre 2007. Le trou d’ozone est visualisé par les couleurs bleu foncé et violet.

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Avancée démocratique pour développement durable ? La démocratie participative est généralement interprétée comme une avancée démocratique par rapport à la démocratie représentative en usage dans notre pays. Elle faciliterait un plus grand investissement des citoyens dans les actions locales (qui peuvent être articulées à des actions nationales) et, grâce à cet investissement, fait espérer une plus grande efficacité des projets.

S

elon Antoine Bevort , il existe trois courants d’idées pour concevoir la communauté politique : les idées républicaines, les démocrates et les libérales. Si les trois courants partagent un socle commun de valeurs en terme de liberté et d’égalité et se réclament tous trois de la souveraineté du peuple, ils formulent cependant des conceptions différentes de la citoyenneté et du vivre ensemble ; le libéralisme dit la liberté individuelle ; la république dit le bien commun, la démocratie dit le pouvoir du peuple. Au regard de l’histoire, à part l’exemple de la démocratie athénienne (démocratie dite directe où les représentants sont choisis au sort et pour une durée d’une année), la démocratie est un fait récent. Après des régimes où s’exprimait le pouvoir d’un seul

(monarchie), de quelques-uns (oligarchie), des plus riches (ploutocratie) et de ceux qui se considéraient comme les meilleurs (aristocratie), il a fallu attendre le XVIIIème siècle pour que la démocratie s’installe en Europe. Si, de nos jours, l’identification de la démocratie à la démocratie représentative va de soi, selon Bernard Manin, il n’en était pas de même à la fin du XVIIIème siècle, où un gouvernement organisé selon les principes représentatifs était considéré comme radicalement différent de la démocratie. Selon Montesquieu, le choix de la démocratie représentative correspond au scepticisme à l’égard de la compétence du peuple et, comme il le souligne d’ailleurs sans ambages dans L’Esprit des lois, « le grand avantage des représentants, c’est qu’ils sont capables de discuter des affaires.

Le peuple n’y est point du tout propre. Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentants ; ce qui est très à sa portée ». En deux siècles, notre société et sa démocratie n’ont cessé d’évoluer et de se transformer : ainsi la France de 1938 était-elle une démocratie, mais les femmes ne pouvaient pas voter. En 1948, les femmes votaient, mais pas les habitants des colonies…

L’introduction du référendum En 1958, le référendum, consultation pouvant être assimilée à une pratique de démocratie directe, est prévu dans la constitution de la Ve République. Il a lieu, au plan national, à l'initiative du président de la République, sur proposition du gouvernement ou du

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parlement et dans des cas bien précis : adoption d'une loi ordinaire ou d'un traité (Art. 11) ; adoption d'une révision constitutionnelle (Art. 89)… Plus récemment, en mars 2003, le référendum décisionnel local a

pondent aux quatre sens qui peuvent lui être donnés : la participation peut être de l’information, de la consultation, de la concertation ou bien une participation aux décisions. L’information n’est pas à propre-

Dans une nation libre, il est très souvent indifférent que les particuliers raisonnent bien ou mal : il suffit qu’ils raisonnent ; de là sort la liberté, qui garantit des effets de ces mêmes raisonnements Montesquieu été créé lors de la révision de la constitution. Jusque-là, seules les communes pouvaient organiser un " référendum local ", c'est-àdire un vote sur un sujet d'intérêt communal. Mais celui-ci n'était que consultatif, le conseil municipal n'étant pas tenu par le résultat du vote. Aujourd'hui, toutes les collectivités territoriales, y compris celles à statut particulier et d'outre-mer, peuvent organiser des référendums locaux et ils ont valeur de décision. En parallèle de cette évolution nationale de la démocratie, qui associe démocratie représentative et démocratie directe, on assiste de nos jours à l’émergence d’un nouveau système de démocratie locale et de proximité : la démocratie participative. Le principe de démocratie, c’est la souveraineté du peuple, qui peut s’exprimer dans sa totalité au moment des élections ou d’un référendum mais qui, entre-temps, est représenté par les élus à qui il a donné en exclusivité le pouvoir de décider ; c’est la démocratie représentative de l’ère moderne. La démocratie participative recouvre des concepts permettant d'accroître l'implication et la participation des citoyens dans le débat public et la prise de décisions politiques. Et on peut différencier quatre stades successifs de l’avancée d’une démarche de participation. Le mot participation a quatre niveaux d’implication qui corres-

ment parler de la participation mais elle en est la condition : il ne peut y avoir de consultation honnête, de concertation respectueuse, sans que soit donnée l’information qui y est nécessaire. La consultation permet d’entrer dans un processus participatif puisqu’il ne s’agit pas uniquement de fournir une information, mais de solliciter et d’accepter un avis ; les citoyens peuvent espérer prendre part aux décisions qui seront prises. Dans la concertation, on s’engage à tenir compte de l’avis du partenaire, à lui laisser le temps non seulement de s’exprimer mais aussi l’espace pour faire vivre ses pensées et participer à la construction du projet.

Le citoyen de plus en plus présent De nos jours, en France, la démocratie participative est de plus en plus incluse dans l’élaboration des projets d’aménagement de territoires. Cette participation de plus en plus présente du citoyen correspond, d’une part, à une demande - les habitants ont de plus en plus envie de s’impliquer dans la vie de leur territoire -, et d’autre part, à un choix politique de la France. Depuis le début des années 1990, on assiste à une évolution des textes de loi aussi bien français que communautaires et internationaux allant vers plus de concer-

tation. En France, deux séquences législatives peuvent être distinguées avec une première série de textes emblématiques qui ont posé le principe de l’information, de la consultation, et de la concertation avec les habitants : • la loi d’orientation sur la Ville en 1991 • la loi sur l’administration territoriale de février 1992 • la loi Barnier de février 1995 enfin, qui crée le « débat public » : tous les grands projets ayant des incidences sur l’environnement sont soumis à la concertation. La caractéristique principale de cette première vague législative est qu’elle se situe presque exclusivement au niveau des principes. Depuis la fin des années quatrevingt-dix, nous assistons à l’introduction de mesures un peu plus appliquées : • la loi Voynet pour l’aménagement du territoire et le développement durable de juin 1999 qui introduit les conseils de développement dans le cadre de la mise en place des Pays et des communes d’agglomérations. • la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain, de décembre 2000, qui prévoit quant à elle une concertation obligatoire dans le cadre de l’élaboration des Plans locaux d’urbanisme. • la loi Vaillant du 27 février 2002 enfin, qui traite notamment des conseils de quartier et du débat public. De ce fait, le répertoire des pratiques participatives s’enrichit tous les jours, en France comme à l’étranger, et l'implication du citoyen dans le débat ou la controverse qui précède la prise de décision politique, sociale, économique, environnemental ou scientifique, se réalise à plusieurs niveaux, dans plusieurs cadres et selon des dispositifs variés.

Le développement local durable La conférence de Rio, en 1992, a défini le “sustainable develop-

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ment“ (développement « soutenable » mais dont la traduction française adoptée est « durable ») comme un développement qui préserve les intérêts des générations futures tout en répondant aux besoins des habitants et des acteurs d’aujourd’hui, et conjugue le développement économique, la solidarité et l’environnement. Pendant cette conférence, les 150 nations participantes, dont la France, se sont engagées à favoriser un développement durable de leur territoire. Les trois dimensions (économique, sociale, environnementale), si on s’en tient au sens courant des mots, sont restrictives car on ne peut pas dissoudre la participation du citoyen dans la dimension sociale, ni inclure le cadre de vie des populations présentes et les droits des générations futures dans le même mot environnement. Le développement durable d’un territoire semble reposer, en fait, sur six dimensions : •∑ le développement économique et les échanges avec l’extérieur •∑ la solidarité au sens de fraternité et d’égalité dans les rapports humains •∑ les services, le cadre de la vie, l’identité, la culture et les valeurs correspondant aux

besoins de la population présente •∑ la participation des habitants et des acteurs aux décisions de la vie locale •∑ la qualité du territoire qui sera transmis aux générations futures •∑ une conception intégrée et multidimensionnelle des besoins humains, de l’économie, des rapports sociaux, et de l’action publique. Amartya Sen définit le terme de « développement » comme un processus organisé d’épanouissement. Au niveau local, cette définition repose sur l’idée qu’un territoire peut être assimilé à un système vivant avec ses fonctions, sa vie interne et son ouverture nécessaire vers l’extérieur. Le développement local durable peut donc être défini comme un projet de développement durable (c'est-à-dire, un développement en tenant compte des dimensions décrites ci-dessus) et à un niveau local (c’est-à-dire, en fonction des valeurs intrinsèques du territoire défini).

Les origines du développement local

été mises en place il y a environ 25 ans et ne cessent de se multiplier depuis lors. Selon Minot et al, ces initiatives ont répondu à une situation des territoires au niveau local qui résultait de cinq axes majeurs d’évolution depuis 40 ans : •∑ la métropolisation et les mutations économiques •∑ un urbanisme mal maîtrisé •∑ la montée de la pauvreté et de l’exclusion, •∑ l’affaiblissement du lien social •∑ la nouvelle croissance des territoires périurbains et ruraux. Aujourd’hui, la plupart des régions françaises, collectivités territoriales récentes, proposent, à partir d’un diagnostic, des démarches contractuelles de développement local durable visant à organiser les territoires autour d’un projet de développement qu’on peut qualifier de durable, participatif et porteur de solidarité : les communautés de communes, les Pays, les parcs naturels régionaux…■ Christine Durand Responsable management et stratégie de projets Dialtopies-Environnement Ingénierie-conseil en développement durable

Les premières initiatives de développement local, en France, ont

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Mémoires d’Océanie Notre revue, qui se préoccupe de biodiversité, y compris de diversité humaine, ne pouvait qu’attirer l’attention sur un tel ouvrage. D’autant qu’il émane de l’un des plus prestigieux ethnologues-cinéastes, dont la qualité des documentaires l’a disputé à leur valeur testimoniale. Aujourd’hui âgé de 85 ans (à l’instar de son épouse Betty, ethnologue elle aussi et romancière, qui l’a accompagné dans toutes ses expéditions), ce spécialiste des aborigènes d’Australie et papous de NouvelleGuinée, contrée largement inexplorée à l’époque, nous conte ici sa vie d’explorateur entreprise en 1951 et qui s’est déroulée sur un demi-siècle. Un témoignage saisissant – le mot est faible – sur une aventure personnelle d’exception et des peuples aujourd’hui gravement menacés dans leur identité. Patrick Bernard, leur ami et homologue documentariste (cf. Naturellement n° 86 d’avril 2006), a coutume de rappeler que nous sommes la dernière génération contemporaine des chasseurs cueilleurs, et que c’est un poignant privilège. C’est aussi le message de Jacques Michel Felet Villeminot. « Mémoires d’Océanie – Vivre de son rêve » de Jacques Villeminot. Editions Pages du monde, collection Anako, 240 p., 19 euros.

Comment l’homme a compris que le climat se réchauffe Hormis quelques rares provocateurs (on pense à Claude Allègre qui n’est pas, au demeurant, une sommité du domaine : il est géochimiste), aucun spécialiste digne de ce nom ne nie plus aujourd’hui l’origine anthropique du réchauffement climatique. Il importe que les jeunes y soient sensibilisés car il en va de leur avenir plus encore que du nôtre. Cet opuscule, qui s’adresse aux 12-17 ans, y concourt remarquablement. Pesant chaque terme (l’ouvrage a reçu l’imprimatur de Jean Jouzel, vice-président de la commission scientifique du Groupement intergouvernemental d’experts sur le climat), l’auteur décrit d’abord le phénomène de l’effet de serre, garant de la vie mais dont le dérèglement peut conduire à la catastrophe. La première alerte remonte à 1957 et il aura fallu des décennies avant que la communauté scientifique atteste le réchauffement et désigne le responsable, les activités humaines. L’auteur souligne le défi auquel l’humanité est confrontée. Il M. F. est encore temps, dit-il, mais il faut agir vite. « Comment l’homme a compris que le climat se réchauffe » de Juliette Nouel-Rénier. Gallimard Jeunesse, 48 p., 7,50 euros.

L’épuisement de la Terre On parle très peu, trop peu de cet autre grave problème : l’épuisement des sols. Professeur de géo-sciences, Daniel Nahon souligne d’emblée que les sols, tous les sols, ceux de nos champs, de nos pâturages, de nos forêts et de nos jardins, sont « de plus en plus sollicités, maltraités, amendés en dépit du bon sens, retournés, grattés, érodés, négligés » et qu’ils « s’épuisent plus vite qu’ils ne se reconstituent ». Et de préciser que près d’un quart des terres utilisées par l’homme est altéré, voire irrémédiablement pollué – sans compter les immenses superficies mangées quotidiennement par le développement urbain. Or la ressource-sol doit être considérée « comme un bien commun mondial » et, à ce titre, préservée, renouvelée. L’auteur fonde son espoir sur le progrès scientifique et technologique mais à une condition, dit-il, c’est que le modèle social de production soit réorganisé. M. F. Nous le rejoignons. « L’épuisement de la Terre – l’enjeu du XXIe siècle » de Naniel Nahon. Editions Odile Jacob, 235 p., 25,90 euros.

Les oiseaux de France Cet ouvrage a une double caractéristique : c’est le guide ornithologique de terrain le plus diffusé dans notre pays, et son auteur est français. Cette dernière précision pourrait paraître incongrue, elle ne l’est pas : la majorité de nos guides de nature sont démarqués ou traduits de livres anglo-saxons ! Cet ouvrage a d’autres vertus : il est écrit dans une langue ciselée – ce qui lui a valu d’être primé par l’Académie française – et s’adorne de photos magnifiques. 352 espèces sont ainsi déclinées avec une précise identification et des notations sur l’habitat, la nidification et la nourriture. L’observation des oiseaux nous en dit beaucoup sur la réalité du M. F. changement climatique. Raison de plus pour s’y intéresser. « Les oiseaux de France » de Jean-Claude Chantelat. Editions Solar, collection Guide vert, 19 cm x 12 cm, 480 p., 22,90 euros.

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