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Habitat & énergie

26e année - n° 97 / OCTOBRE 2008 - ISSN 0754-8826 - 4,00 €

Les limites du Grenelle

DROITS A POLLUER

LUTTE BIOLOGIQUE


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Du bleu, du blanc, du rouge: les

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teintes du littoral semblent parfois aux couleurs de notre pays. De la Mer du nord à la Manche, de l’Atlantique à la Méditerranée, les côtes de France offrent une extraordinaire palette de couleurs, résultant d’une histoire géologique tourmentée. Au sud de la Corse, les couleurs étincellent. Les granites rouges de la plage de Palombaggia (1) sont éblouissants, contrastant avec les flots méditerranéens. A quelques kilomètres, le plateau calcaire de Bonifacio (2) affiche son blanc éclatant, à deux pas de la Sardaigne. Encore plus au sud, les granites gris des îles Lavezzi encerclent des eaux couleur bleu lagon (3). Un littoral bleu, blanc, rouge, cela peut paraître flatteur; mais… parfois justifié. Le Conservatoire du littoral n’a pas d’équivalent et reste un modèle de protection de l’environnement, contre les multiples appétits qui sans cesse menacent les fragiles équilibres naturels de cette zone

littorale

incroyablement riche, carrefour entre les influences marines et continentales. Il n’y a cependant pas toujours de quoi pavoiser car, comme le disait Pierre Perret, pour d’autres raisons et d’autres symboles, « la couleur du désespoir peut parfois être le noir ». Ce fut le cas avec les souillures insensées des marées noires. Ça l’est encore avec les dégazages clandestins. Le vert lui non plus n’est pas toujours bon signe. Rochers et plages bretonnes en font encore les frais, lorsque les algues vertes, « nourries » aux engrais azotés venus de l’intérieur, viennent s’accumuler et pourrir sur l’estran. Et que dire de l’urbanisation qui grignote sans cesse les espaces naturels, oubliant le respect des équilibres naturels? Mais quelle est la couleur de l’espoir pour nos espaces côtiers? Petite contribution pour un monde « haut en couleur ». En espérant que la protection du littoral ne s’engage pas dans une traversée du désert, malgré l’impression laissée par la dune du Pyla… (4) ■ Georges Feterman


EDITORIAL

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Grenelle

Une révolution manquée ?

J

ean-Louis Borloo présente le bonusmalus, et de manière plus globale les taxes écologiques, comme des clefs d’ouverture de la révolution écologique de l’économie. Ce n’est qu’un nouveau refrain de la vieille règle du pollueur-payeur. Ce que l’on sait moins, c’est qu’Arthur Cécil Pigou, son inspirateur, était aussi le chantre de la baisse des salaires pour diminuer le chômage. Toutes ces vieilleries prônent la hausse du prix pour orienter le comportement de l’acheteur. Le bonus-malus prévoit, il est vrai, une diminution de certains prix, mais c’est l’exception. La Responsabilité élargie du producteur (REP) fait partie de la même famille de ces dispositifs qui agissent sur l’offre de produits avec des mesures de sanction fiscale, écono-

mique ou administrative. Leur liste s’allonge de mois en mois. Saluons au passage les certificats d’économie d’énergie, les droits d’émissions de carbone... Globalement, il s’agit de verdir le produit, d’ouvrir de nouveaux marchés, de punir ceux qui ne suivent pas la tendance. Certes, la menace du père Fouettard peut être efficace, mais ce sont les plus faibles qui, en général, sont victimes : à preuve, le renchérissement de la vie… On trouvera dans ce numéro une analyse des mesures du Grenelle sur le logement. Elles sont dans la veine précédente et comptent en particulier sur la hausse du coût de l’énergie pour rendre supportable une nouvelle augmentation du coût global du logement. Ce serait simple si le changement climatique pouvait être maîtrisé avec une sorte de jeu de Monopoly de taxes. S’agissant de l’automobile, il ne s’agit pas seulement, pour nous, d’en verdir le moteur à explosion mais de replacer son utilisation dans une bonne expression des besoins collectifs et individuels. Edicter des normes obligatoires pour les constructeurs et donner les moyens d’adapter l’urbanisme et les transports aux modes alternatifs à l’auto constitueraient, sans aucun doute, des mesures plus efficaces qu’une taxation. En d’autres termes, il ne s’agit pas seulement de verdir des produits mais de mieux satisfaire les besoins sans oublier personne. Ce n’est pas l’objectif du Grenelle où le social a été généralement passé sous silence. ■ François Cosserat

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HABITAT & ENERGIE

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Intérêt et limites du Grenelle Repenser la ville

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Pour une démarche préventive

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Droits à polluer

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Petrocaribe

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Biocarburants

Batobus

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Nom : ......................................................... Prénom : .................................................... Adresse : .................................................... .................................................................... ....................................................................

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Méthaniers

CP : ............... Ville : ................................... Tél. : ........................... Port. : ....................

J. Blamont

Courriel : ....................................................

JE M’ABONNE ABONNEMENT 16 € . . . . . . . . . . . . . . . ■

Lutte biologique p 27

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RECEVOIR LA LETTRE D’INFORMATION DU MNLE PAR Courriel : . . . . . . . . . . . . . ■ Vous pouvez aussi:

ADHERER AU MNLE REVUE TRIMESTRIELLE DU MOUVEMENT NATIONAL DE LUTTE POUR L’ENVIRONNEMENT 6, rue Jules Auffret 93 500 PANTIN Téléphone : 01 48 46 04 14 Télécopie : 01 48 46 44 53 Courriel : MNLE@wanadoo.fr Site Internet : www.mnle.org Directeur de la publication : Guy Léger Coordination de la rédaction: Cyrille Derouet Secrétariat de rédaction: Michel Felet

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Ont collaboré à la rédaction de ce numéro : François Cosserat, Michel Felet, Georges Feterman, Audrey Garino, Jean-Yves Guezenec, Christian Muys, Alain Patouillard, Christian Pellicani, Bernard Pintureau, Laurent Sohier. Photos: Michel Felet, Georges Feterman, Fotolia.

TOTAL VERSEMENT : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € ■

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SOMMAIRE

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Le climat otage de la finance Dans l’ouvrage ainsi titré, Aurélien Bernier dénonce le caractère pervers du système des droits à polluer. L’objectif de cette Bourse d’un nouveau genre est le même, démontre-til, que celui des Bourses classiques : réaliser des profits. En fait, dit l’auteur, dans ce domaine comme dans d’autres, rien de sérieux n’est possible sans remise en cause du libre-échange. DR

DROITS A POLLUER

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Naturellement

• Pourquoi avoir choisi d'écrire un livre sur ce thème des droits à polluer ? Aurélien Bernier • Ce sujet est passionnant, car les droits à polluer n'arrivent pas par hasard : ils sont un aboutissement de la logique néolibérale. Jusqu'à la fin des années 60, l'économie et l'environnement s'ignoraient. Les sociétés, qu'elles soient libérales ou collectivistes, s'occupaient de produire et se souciaient très peu de pollution ou d'épuisement des ressources. Mais dans les années 70, la crise environnementale émerge dans le débat public. On commence à parler d'accumulation de substances toxiques, de pénuries d'eau ou d'énergies fossiles, de perte de biodiversité. La réponse de la communauté internationale sera le développement durable, dans une version totalement vidée de contenu politique. On permet aux entreprises de verdir à peu de frais leurs rapports d'activité, on mise sur la technologie... et on évacue les problèmes de répartition des richesses et du type de croissance

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qui serait souhaitable. Avec la menace globale du changement climatique, cette poudre aux yeux n'est plus suffisante. Depuis quelques années, nous sommes donc entrés dans une autre phase, celle de l'écolo-libéralisme. Les pouvoirs économiques mettent la main sur la crise environnementale et prétendent y répondre de deux manières : par le marché et par une croissance soi-disant ”verte”. Concrètement, comment fonctionne une bourse des droits à polluer ? Quels sont les avantages et les inconvénients d'un tel système ? Le principe est très simple. Dans le cadre du Protocole de Kyoto, des Etats se sont engagés à ne pas produire plus d'un certain volume de gaz à effet de serre. A partir de là, les gouvernements attribuent aux entreprises de leur territoire un volume annuel de droits à polluer. On crée donc des titres, qui sont donnés gracieusement aux pollueurs, sur la base de leurs émissions passées. Enfin, on permet l'achat et la vente de ces titres sur un marché. L'argument avancé est toujours le même : le marché est efficace et permet d'atteindre l'optimum économique. Mais les effets pervers sont terribles. En autorisant ce système, on autorise la spéculation. La Bourse des droits à polluer fonctionne avec des traders, des fonds d'investissement, des marchés à terme et des produits dérivés. Les objectifs sont exactement les mêmes que sur d'autres marchés : réaliser des profits. Peu importe qu'il s'agisse de crédit immobilier, de pétrole, de

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produits alimentaires ou de tonnes de carbone. L'important est d'acheter quand le cours est bas et de vendre quand le cours est haut. A ce propos, vous décrivez le jackpot qu'a décroché le groupe Rhodia grâce aux droits à polluer... Effectivement, Rhodia a été un précurseur. En rénovant de vieilles usines implantées dans des pays en développement, le groupe a pu réaliser des bénéfices formidables sur le marché du carbone. Certains écologistes ne voient que la dimension environnementale et pensent que c'est toujours ça de pris. Mais ces manoeuvres spéculatives sont très dangereuses. Comment engager des investissements de long terme en étant soumis aux variations du marché, avec un prix qui peut grimper ou s'écrouler au gré des boursicotages ? Comment éviter les comportements prédateurs de certains investisseurs ? Les fluctuations du pétrole, les crises à répétition devraient plutôt nous amener à la conclusion inverse : le marché est à la fois dangereux et inefficace. D'ailleurs, depuis 1997, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté de 35 % ! Nous sommes face à un échec complet. Dans votre livre, vous parlez également de la dimension idéologique. A vous lire, on voudrait entraîner la société tout entière dans ce système boursier ? C'est le cas. Ce système de droits échangeables s'applique pour


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l'instant aux gros pollueurs. Déjà, des établissements publics sont soumis au régime. Il s'agit d'universités ou de centres hospitaliers disposant de grosses chaufferies, qui vont devoir composer avec la Bourse du carbone. Mais la Grande-Bretagne travaille sur un droit à polluer individuel. Chaque citoyen disposerait d'un volume annuel de droit qui serait débité en fonction de ses consommations de fioul, de gaz, d'essence ou d'électricité. Il pourrait vendre et acheter des droits en Bourse. Bien évidemment, le Rmiste qui dispose d'une voiture polluante et d'un logement mal isolé serait le premier pénalisé par un tel système. Pouvez-vous nous rappeler les données du problème en matière de changement climatique ? Les prévisions à l’horizon 2050 sont alarmantes. D'après les scientifiques, il faudrait diviser les émissions mondiales de gaz à effet de serre par deux. Or, la population devrait passer de 6 à 9 milliards d'habitants, et la richesse par individu devrait être multipliée par quatre si la croissance se maintient à son niveau actuel. Il faudrait donc diviser par douze le contenu en gaz à effet de serre du PIB. C'est tout simplement impossible si nous ne modifions pas le contenu de la croissance en diminuant les productions matérielles

« Le Climat otage de la finance, ou comment le marché boursicote avec les droits à polluer », d’Aurélien Bernier (Mille et une nuits, 200 p., 12 euros).

Il faudrait diviser les émissions mondiales de gaz à effet de serre par deux. polluantes et si nous ne remettons pas à plat les règles du commerce international. En quoi les crises environnementales et sociales sont-elles liées ? Dans les deux domaines, je dirais que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il faut bien comprendre ce qu'est le libreéchange : un grand mouvement international de dérégulation, qui permet aux multinationales de produire ce qu'elles veulent en s'implantant où elles veulent, de vendre leur production partout sur la planète et de rapatrier leurs bénéfices comme elles le souhaitent. Accepter le libre-échange signifie donc mettre les Etats sous la coupe réglée des multinationales. Grâce à cette dérégulation, elles peuvent mettre en concurrence des économies qui n'ont rien de comparable et provoquer lentement mais sûrement un alignement général vers le pire. Le chantage aux délocalisations leur permet d'échapper à toute nouvelle contrainte sociale ou environnementale au Nord. En conclusion, le libre-échange prive le politique de tout pouvoir sur l'économie. Le mettre en oeuvre revient à renoncer à l'exercice

DROITS A POLLUER

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même de la démocratie. Alors, selon vous, que faut-il faire pour résoudre ces crises ? Comme le disait Albert Einstein, on ne peut pas résoudre les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés. Rien de sérieux n'est possible sans remise en cause du libre-échange. Il faut taxer les importations en fonction des critères sociaux et environnementaux de production, de façon à permettre une concurrence réellement non faussée. Dès lors, les entreprises auront intérêt à améliorer leurs pratiques sociales et environnementales dans les paradis que sont pour elles les pays en développement comme l'Inde ou la Chine. Le chantage aux délocalisations ne fonctionnera plus, et la relocalisation de la production pourra vraiment être envisagée. Le pouvoir repris par le politique sur l'économie permettra d'utiliser d'autres outils : normes, taxes, conditionnement des aides ou des marchés publics... De manière très concrète, cela suppose de faire sauter des verrous. Je pense qu'il est plus que temps de sortir de l'Organisation mondiale du commerce et de rompre avec l'Eurolibéralisme. ■ Propos recueillis par François Cosserat

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ENERGIE

Biocarburants

Bilan et perspectives

Où en est-on avec les biocarburants ? Quels sont les avantages et les inconvénients des différentes filières actuellement exploitées et de celles étudiées en laboratoire ? Biotechnologue, docteur d’Etat ès sciences en écologie et consultant en environnement et développement durable, Laurent Sohier éclaire nos lanternes…

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onnus depuis longtemps mais encore peu utilisés car plus chers à produire que les carburants issus du pétrole, les biocarburants de première génération ou agrocarburants sont tirés de matières premières alimentaires comme le sucre et l’amidon (fermentés en éthanol) ou d’huiles végétales pures ou estérifiées (biodiesels). Ils représentaient en 2007 une production de l’ordre de 30 millions de tonnes pour 0,5 exajoules (milliards de milliards de joules) d’énergie primaire produite, grâce à des subventions massives sur les énergies renouvelables dans les pays développés importateurs et au développement de cultures comme la canne à sucre ou le palmier à huile dans les pays en voie de développement intertropicaux humides.

Des agrocarburants controversés Outre les problèmes posés par l’augmentation des prix agricoles, la déforestation primaire ainsi que l’utilisation d’eau douce et de terres fertiles à des fins non alimentaires, les agrocarburants apparaissent de plus en plus comme une étape non viable sur les plans économique et écologique. Les agrocarburants ont bénéficié du fait que les technologies de culture, d’extraction et de transformation des matières premières étaient relativement bien maîtrisées et ne nécessitaient pas d’importants investissements en recherche et développement. Si l’on regarde les résultats des analyses de cycle de vie menées par des laboratoires européens 1 sur les agrocarburants à base d’éthanol ou d’huile végétale, force est de

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constater que ces carburants consomment beaucoup d’énergie pour leur élaboration (figure 1), qu’ils sont loin d’être renouvelables à 100 % (figure 2) et que les quantités d’énergie produites par hectare et par an restent assez faibles (figure 3). Les agrocarburants produits sur un hectare en un an permettent à un véhicule standard de rouler entre 27 000 et 45 000 km pour l’éthanol, et entre 20 000 et 80 000 km, dans le meilleur des cas, pour les huiles végétales – les biocarburants en provenance des pays intertropicaux humides profitant d’un meilleur rendement des cultures, d’une main d’œuvre peu chère et de l’utilisation des déchets agricoles pour tirer l’énergie nécessaire à leur transformation. L’huile de colza et l’éthanol de blé produits en Europe affichent les plus faibles performances écologiques en terme énergétique et de rejets de gaz à effet de serre fossiles. De plus, les coûts réels pour le contribuable sont beaucoup plus

élevés que ceux qui pourraient figurer à la pompe pour des carburants détaxés. Une étude de l’OCDE en 2007 montre qu’en Europe les coûts de production de l’éthanol peuvent atteindre 4 euros le litre et le coût de la tonneéquivalent CO2 de gaz à effet de serre fossiles évitée atteint 4 000 euros. Finalement, dans une perspective de développement durable, y a-t-il un intérêt à rouler 27 000 km par an avec un hectare de blé alors que cet hectare de blé pourrait fournir du pain à 150 personnes pendant un an ? Avec des prix de matières premières élevés, les biocarburants pour le transport voient leur avenir conditionné par l’apparition de nouvelles approches technologiques et stratégiques de transformation de la biomasse en biocarburants. Les nouveaux biocarburants de 2e et 3e génération, devront être capables de transformer des biomasses non alimentaires en carburants liquides ou gazeux et être exploitables à des échelles telles que leur coût

Figure n°1 : Energie consommée par les carburants sur la totalité de leur cycle de vie du champ à l’essieu et part d’énergie fossile utilisée. En mégajoules pour 1 kpm parcourus dans un véhicule standard technologie 2002 (étude CONCAWE, 2007)

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devienne compétitif par rapport à ceux issus du pétrole qui bénéficient encore d’échelles de production énormes. Les biocarburants de 2e génération sont ceux obtenus à partir de la cellulose présente dans le bois et tous les déchets végétaux agricoles plus ou moins secs (pailles, tiges, feuilles..) ainsi que ceux obtenus à partir de déchets organiques fermentescibles humides d’origine humaine (stations d’épuration urbaine, ordures ménagères) ou animale (fumiers, lisiers). On retrouve ici l’éthanol cellulosique issu de cellulose, les biogaz issus de la méthanisation des déchets organiques humides, l’hydrogène et des biocarburants synthétiques diesel ou syndiesel issus de la gazéification thermique du bois en hydrogène, CO2 et CH4 suivie de la purification de l’hydrogène (bioH2) ou de la synthèse chimique de biodiesels à carbone renouvelable. Parmi ces biocarburants de 2e génération, seule la technique de méthanisation a atteint aujourd’hui un stade de faisabilité économique du fait de son couplage avec le traitement des eaux, des ordures ménagères ou des déchets de l’élevage animal intensif. Le tri à la source et la collecte sélective en quantités suffisantes restent cependant des obstacles à lever. De fait, le biogaz utilisé principalement pour produire de la chaleur ou de l’électricité, présente des performances écologiques très intéressantes et gagne-

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Figure n°3. Nombre de kilomètres parcourus par an dans un véhicule standard technologie 2002 avec un hectare de culture dédiée à la production d’agrocarburants.

rait à être utilisé dans des moteurs automobiles. L’éthanol cellulosique est prometteur mais il reste à développer des biotechnologies de production d’enzymes capables de dégrader le bois en sucres à grande échelle et viables économiquement. Pour la gazéification de biomasse ligno-cellulosique sèche, de nombreux verrous technologiques sont à lever et les problèmes de collecte et d’approvisionnement seront également à examiner. La recherche et le développement de ces biocarburants de 2e génération manquent, en fait, des investissements qui sont engagés massivement sur la recherche et l’exploitation de nouveaux gisements pétroliers à faible rendement comme les schistes bitumineux.

Figure n°2. Gaz à effet de serre fossiles évités par l’utilisation d’agrocarburants. Le pourcentage de GES fossiles évités donne également le pourcentage de carbone « renouvelable » dans l’agrocarburant.

Une filière d’avenir Les biocarburants de 3e génération seront tirés de la biomasse de micro-organismes photosynthétiques aquatiques ou micro algues dont les rendements photosynthétiques à l’hectare en sucres fermentescibles et huiles sont présentés comme 10 à 20 fois supérieurs à ceux des plantes supérieures terrestres. Outre le fait que la production de cette biomasse n’utiliserait pas de surface terrestre cultivable, les micro algues seraient susceptibles de produire également de l’hydrogène à partir d’énergie solaire, donc entièrement renouvelable, et d’utiliser de grandes quantités de CO2 fossile pour produire les biocarburants du futur. Pour l’instant, cela fonctionne à très petite échelle et en laboratoire. De véritables sauts technologiques seront encore nécessaires pour atteindre des échelles de production compatibles avec les marchés des carburants transport. Il est probable que ces technologies de 3e génération émergeront le jour où les voitures particulières actuelles auront disparu au profit d’autres solutions de transport utilisant beaucoup moins de carburants ”carbonés” ou ”hydrogénés” liquides ou gazeux emportés dans un réservoir. ■ Laurent Sohier

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Petrocaribe

Du bon usage de l’argent du pétrole

Le président du Venezuela, Hugo Chavez, a mauvaise presse en Occident. Il est vrai que son alliance avec l’Iran de Mahmoud Ahmadinejad a de quoi inquiéter. Mais d’autres initiatives militent en sa faveur et mériteraient qu’on s’en inspire ailleurs dans le monde. Illustration avec Petrocaribe.

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ans la situation de crise mondiale qui touche tous les domaines de la société, la crise énergétique et ses conséquences méritent d’être particulièrement notées. Il s’agit de l’envolée des cours du pétrole sur fond de spéculation et de perspective d’épuisement des ressources, d’une part et, d’autre part, des répercussions dramatiques sur le climat planétaire de la surconsommation de combustibles fossiles émetteurs de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Si les pays développés de la planète disposent d’un accès plus facile aux avancées techniques permettant de s’extraire de la

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domination particulière du pétrole sur leurs économies (nucléaire et diverses énergies renouvelables), il n’en est pas de même des pays en développement qui sont pris à la gorge par les marchés d’un pétrole devenu, pour eux aussi, une base énergétique essentielle des pratiques agricoles, de la pêche et des transports.

Une institution évolutive Dans ce contexte, il faut saluer l’initiative du Venezuela dans le lancement de l’institution Petrocaribe d’intégration régio-

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nale énergétique. La création de Petrocaribe (le 29 juin 2005, à Puerto La Cruz, Venezuela) vise prioritairement à contribuer au développement économique et social des nations de la Caraïbe en garantissant à ces dernières le ravitaillement en hydrocarbures à des conditions financières préférentielles dans le cadre d’une recherche d’échanges mettant en avant le caractère complémentaire de leurs économies. Y adhèrent actuellement Antiguaet-Barbuda, les Bahamas, Cuba, Belize, la Dominique, la Grenade, Guyana, la Jamaïque, la République dominicaine, SaintChristopher-et-Nevis, Sainte-Lucie,


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Petrocaribe contribue au développement économique et social des nations de la Caraïbe. Saint-Vincent-et-les Grenadines, le Suriname, la République d'Haïti, le Nicaragua et le Venezuela. L’institution Petrocaribe est dirigée par le conseil des ministres de l’énergie des pays adhérents qui organisent un sommet annuel (le secrétariat exécutif est assuré par le ministre vénézuélien de l’énergie et du pétrole). Le mécanisme de Petrocaribe offre la possibilité pour les pays acheteurs de pétrole de ne régler directement (délai de 90 jours) qu’une partie du prix de leur achat au cours du pétrole sur le marché mondial, l’autre partie qui va de 5 % de l’achat, si le cours du pétrole est à 15 dollars le baril, à 40 % si le pétrole est à 100 dollars le baril, sous forme de prêt pour un délai allant jusqu’à 17 ans à un taux d’intérêt de 1 %. Lors du sommet du mois de juillet dernier, ces conditions ont évolué : si le prix du baril est supérieur à 100 dollars, les pays associés à Petrocaribe paieront désormais 40 % de leurs achats de pétrole vénézuélien dans les 90 jours suivant la livraison, les 60 % restants devant être payés dans un délai de 25 ans avec un taux d’intérêt annuel de 1 %. La collecte des remboursements de ce prêt et un mécanisme d’épargne sur les ventes directes de pétrole alimentent le fonds Alba-Caribe chargé de financer des actions de développement économique et social des pays adhérents. Et tout ceci avec le soutien de la Banque de développement économique et social (Bandes) du Venezuela et des entreprises nationales des biens et des services des différents pays. Le

Venezuela a contribué au lancement du fonds par le dépôt de 50 millions de dollars US passé depuis à 100 millions de dollars. En outre, le Venezuela accepte d’être payé à des taux préférentiels sous forme de matières ou services divers dont le cours est susceptible d’être affecté par les politiques commerciales des pays riches. Dès l’origine, en 2005, avec la possibilité pour les pays non producteurs de pétrole de s’approvisionner en carburant pour répondre à leurs besoins immédiats, Petrocaribe avait un objectif essentiel pour la protection de l’environnement mondial : celui de promouvoir des programmes d’économies d’énergie et particulièrement toutes les mesures de réduction de consommation de pétrole. Les statuts du fonds AlbaCaribe précisent que son rôle consiste à « accroître les garanties en matière de sécurité énergétique et à contribuer à la préservation de l’environnement ». Au cours du 5e Sommet, en juillet, qui a rassemblé dans la ville vénézuélienne de Maracaibo les représentants des 17 pays membres de Petrocaribe, l’accent a surtout été mis sur la crise alimentaire : le président Hugo Chavez a appelé les participants à faire de Petrocaribe « un bouclier contre la crise et contre la faim ». Il a ainsi été créé un Conseil des ministres de l’Agriculture des pays membres, chargé de coordonner les politiques en matière de production agroalimentaire. Réuni à La Havane en août dernier, le secrétariat exécutif de ce conseil a

décidé d’allouer d’urgence une somme initiale de 2 millions de dollars à chacun des 18 Etats membres de Petrocaribe pour leur permettre, notamment, d’acquérir les engrais nécessaires aux prochaines semailles.

Une volonté politique Petrocaribe est l'expression concrète de la politique de l'Alba (Alternative bolivarienne pour les Amériques) qui se met en place progressivement sur l’initiative du Venezuela et de Cuba. Il s’agit d’avancer dans la voie d’une intégration économique et politique de l’Amérique latine pour laquelle s’était battu Simon Bolivar au XIXe siècle : une « alternative à l’hégémonie néolibérale » selon Hugo Chavez. Actuellement, six pays adhèrent à l’Alba : le Venezuela, Cuba, le Honduras, le Nicaragua, la Bolivie et la Dominique. Peut-on imaginer l’avènement d’un tel processus ailleurs qu’en Amérique latine ? Il serait intéressant que l’Afrique subsaharienne s’inspire de Petrocaribe. Certains pays de cette région ont d’importantes ressources de pétrole et en produisent mais essentiellement pour l’exportation (2 % seulement de la production est consommée localement !). Il faudrait une volonté politique. Mais de quel(s) pays cette volonté peut-elle venir ? ■ Jean-Yves Guezenec

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Tricastin

Problème et manipulations L'information sur les incidents dans l'industrie nucléaire est plus abondante et de meilleure qualité, mais certains la manipulent pour faire peur. La privatisation d'EDF et celle souhaitée par les dirigeants d'Areva posent des problèmes nouveaux dont il ne faut pas nier l'existence. Le recours à la sous-traitance soit directement, soit par création de filiales, est motivé par la volonté de réduire les coûts au détriment du personnel, et donc de sa santé et de la sécurité des installations. Les deux textes ci-dessous ont été publiés indépendamment le 23 juillet 2008. Il s'agit de communiqués de presse émanant respectivement de la CGT et du Mouvement national de lutte pour l'environnement (MNLE).

Communiqué de Presse de la Fédération Nationale des Mines et de l’Energie CGT

L’industrie nucléaire en manque de contrôle social A la suite des incidents de la Socatri à Tricastin, puis de FBFC à Romans, la FNME-CGT ne peut accepter que la présidente d’Areva se contente de rejeter la responsabilité sur des dysfonctionnements humains. En effet, dans ses expressions dans la presse comme lors de son déplacement sur Tricastin, Mme Lauvergeon ne s’interroge jamais sur les modes de gestion des entreprises de la filière nucléaire. Pourtant, il y a beaucoup à dire tant ces fonctionnements basés sur des chaînes de sous-traitance génèrent par nature une opacité contraire aux principes mêmes de la transparence indispensable au fonctionnement de cette filière. Cette politique est motivée par une recherche permanente de l’abaissement des coûts qui devient insupportable, par des restructurations sans fin où l’emploi se trouve sacrifié, notamment en matière de radioprotection. Que dire également de la place, ou plutôt de l’absence, du contrôle social dans ces entreprises ? Le CHSCT avait alerté depuis longtemps sur les dégradations constatées sur le bassin de la Socatri. Peu de cas a été fait de ces alertes. Pour la FNME-CGT, c’est à ce niveau que se situe la véritable problématique et il est donc urgent que le gouvernement réponde à sa demande d’une table ronde pour instaurer un véritable contrôle social dans toutes les entreprises de la filière. Celui-ci doit garantir le droit d’expression des salariés, un fonctionnement amélioré de la filière CHSCT. Il est à ce titre inconcevable que les centrales nucléaires EDF fassent exception dans le cadre de la loi TSN (Transparence et sûreté nucléaire) en ne disposant pas de CHSCT de site et surtout des garanties sociales de haut niveau pour tous les salariés intervenant sur les sites. La FNME-CGT considère que le meilleur moyen pour que les salariés disposent durablement de ces garanties passe par une limitation très importante de la sous-traitance et un retour à des emplois statutaires en nombre dans les entreprises Areva et EDF.

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Communiqué de Presse du MNLE Les rejets d’uranium dans la proximité

de

l’usine

du

Tricastin ont suscité bien des réactions.

Complot ?

Guéguerre

des

antinu-

cléaires ? Il y a peut être, et même sans doute, de tout cela. Le secteur de l’énergie est

à

présent

l’objet

d’énormes enjeux financiers. Le temps n’est plus où des entreprises nationales cherchaient à satisfaire au mieux les besoins du pays. Le temps où il pourrait en être ainsi en Europe n’est pas arrivé. S’il est avéré à présent que le risque toxique des rejets ne doit pas être exagéré, il n’en demeure pas moins que les effets se sont faits sentir en dehors de l’enceinte. Il est également établi que la réaction des responsables n’a pas été satisfaisante. Des sanctions ont été prises. La justice est apparemment saisie. Le MNLE se réserve la possibilité de se porter partie civile.


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Batobus

Le projet émerge

Un réseau maritime de transport en commun pourrait-il avoir sa place sur le littoral marseillais ? Des acteurs avertis nous en présentent les avantages et les inconvénients. Débat…

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rendre le bateau comme on prendrait le bus semble une évidence quand on habite une ville comme Marseille. Tel n’est pas le cas. Pourtant, le projet d’un réseau de batobus sur le littoral marseillais commence à émerger. Le Club de l’innovation dans les déplacements (CID) et l’association Citoyen 13 ont organisé un dîner-débat sur le thème « Quelle pertinence pour la mise en œuvre d’un réseau de navettes maritimes dans les Bouches-duRhône ? ». « L’objet du débat, indique JeanClaude Ziv, président du CID, c’était l’intermodalité dans le domaine des transports publics urbains, notamment dans l’agglomération marseillaise. Or le bateau peut parfaitement s’intégrer dans une politique globale de mobilité ». La question de l’intermodalité fut la clef du débat. « On ne fait pas du transport pour du transport, mais pour permettre aux gens d’aller le plus loin possible », sou-

ligne Christian Pellicani, conseiller municipal et président de Citoyen 13.

La clef du débat Mais il est des freins pour la réalisation d’un réseau de batobus qui ne sont pas acceptables pour l’élu. « Il faut un peu de sérieux, observe Christian Pellecani. Quand on est confronté au choix d’un mode de transport, on en étudie toutes les variantes, toutes les solutions techniques. La Baltique, par exemple, n’est pas la Méditerranée au niveau du climat ; la baie de Naples et ses cent kilomètres de batobus est confrontée à des vents ; et sur les fleuves, il y a d’autres contraintes. Chaque fois, il y a des solutions techniques, qu’il s’agisse de la taille des bateaux, de la motorisation, de la puissance, ou de la capacité en voyageurs. J’ai proposé au président de la CUM, Eugène Caselli, qu’il fasse mener une étude là-dessus par ses ser-

vices afin de répondre d’une manière définitive à tous ces problèmes. » Par ailleurs, selon lui, un tel réseau ne peut fonctionner uniquement dans le cadre privé : « Cela signifierait qu’on tomberait dans le travers où les modes de transports se regarderaient pour échapper à leur politique tarifaire. La mise en concurrence des modes de transport alternatifs tue le transport collectif avec pour conséquence que les gens gardent leur véhicule. La question du tarif ne peut s’envisager que dans un service public maritime des transports collectifs. Ce qui ne préjuge en rien du débat sur le mode de gestion. Le choix, au final, doit relever des élus qui sont l’autorité organisatrice. Quant à la politique tarifaire, elle ne peut être dissociée des tarifs locaux terrestres : bus, métro, tramway ; cars pour l’Etang de Berre, et TER pour la région. » « En effet, reprend Frédéric Dutoit, président du groupe communiste au Conseil municipal et

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”Quelle pertinence pour la mise en œuvre d’un réseau de navettes maritimes dans les Bouches-du-Rhône ?”

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L’aspect confort et détente incitera peut-être au choix modal du Batobus. membre du Comité de pilotage du PDU à la CUM, la question tarifaire et du financement est un vrai problème. La logique de gestion, y compris d’une entreprise publique comme la RTM, c’est l’équilibre par ligne de bus, de métro, de tramway. Ce qui a amené la RTM à abandonner un certain nombre de lignes ou à en limiter les fréquences. Cette question-là bloque aussi la capacité de développer le transport collectif ».

Les attraits du bateau En tant qu’opérateur, Alain Coulon, directeur régional de Véolia Transport, insiste pour sa part sur le fait que « le problème global des transports en commun, c’est qu’on sait qu’ils ne sont pas autofinancés. Le financement du voyageur ne suffit pas pour payer les coûts. Si on envisage le transport maritime, il faut qu’il prouve son efficacité dans le système, que les bateaux se remplissent. Si tel est le cas, c’est qu’ils sont attractifs, intéressants et qu’ils apportent une utilité quotidienne pour les citoyens et les voyageurs ». Pour remplir ces bateaux, « il faut amener les gens à ce mode de

transport, explique Pierre Reboud, directeur de RDT 13. Et on ne peut y parvenir que si les bus les conduisent à des parkingsrelais qui leur offrent la possibilité de lâcher la voiture. Et il faut prendre en considération, dans le trajet total, le temps de parcours du client pour gagner la vedette ». Et le président du CID de préciser : « Il faut également tenir compte de la pénibilité des transports. Pourquoi les gens prennent-il leur voiture plutôt que les transports collectifs ? Parce qu’ils l’estiment plus agréable, plus confortable. Il ne faut donc

pas négliger l’attrait du mode bateau. L’aspect confort, détente incitera peut être – même avec un temps de trajet sensiblement supérieur – au choix modal du batobus ». Ajoutons, pour conclure, que c’est aussi une question d’offre. Ainsi que le fait remarquer Jean-Paul Nostriano, adjoint au maire des 2/3 et membre du Comité consultatif régional de la mer : « Pour les vélos, on n’a pas attendu de savoir si les gens allaient l’utiliser ou pas. Il y a eu l’offre et on connaît les résultats ».■ Christian Pellicani

Pour en savoir plus

« L’écologie se prévoit aussi à l’avance » L’avenir, pour Patrick Biaggini, responsable de la société touristique Bleu évasion, serait le batobus électro-solaire. « Aujourd’hui, ce qui est important, c’est que le bateau solaire existe, ce n’est pas un OVNI. Des ferrys de 60 passagers sont en circulation avec un coût d’exploitation dix fois inférieur aux bateaux de type classique. » S’agissant du problème de la vitesse, Patrick Biaggini souligne que ces bateaux, qui n’atteignaient que six nœuds il y a trois ans, en sont à douze aujourd’hui. « La vitesse n’est pas un problème, les solutions techniques existent et évoluent. » Et de conclure : « La question de l’intermodalité, est cruciale pour les collectivités. L’intermodalité se prévoit à l’avance, l’écologie aussi ».

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Les terminaux méthaniers

Solution d’avenir ou fuite en avant ?

Toutes les façades maritimes ont des projets de terminaux méthaniers. Inspirés par une approche doctrinaire de la mise en concurrence et de la sécurisation des approvisionnements, ils sont loin, en fait, d’avantager le consommateur et de préserver l’environnement. Démonstration.

L

e port du Havre, les ports de Bretagne, les façades maritimes de l’Atlantique et de la Méditerranée... Les programmes de terminaux pétroliers se multiplient. Les consommateurs y trouveront-ils leur compte ? C’est moins que certain : la commission de régulation autorise les réajustements tarifaires en fonction des prix de vente des autres énergies et non vis-à-vis des coûts d’approvisionnement ou de production ! La loi d’orientation n° 99-533 pour l’aménagement et le développement durable du territoire doit permettre un développement équilibré de l’ensemble du territoire national alliant progrès social, efficacité économique et protection de l’environnement... Elle crée les conditions favorables au développement de l’emploi, à la réduction des inégalités territoriales tout en préservant pour les générations futures les ressources disponibles et la diversité des milieux naturels. En pratique, tous ces points sont soulevés lors de l’élaboration des projets. La notion de développement durable, avec la prise en compte à part égale des trois piliers (économique, social, environnemental), diverge suivant les acteurs quant à l’appréhension du pilier économique. Les différentes industries privatisées ou en voie de privatisation cherchent à établir de nouvelles positions commerciales. L’intérêt général n’est que secondaire. La notion de service public disparaît, tout devient marchandise, tout doit être générateur de profits : emploi, énergie, eau, déchets, environnement…

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La justification essentielle du maître d’ouvrage (EDF) sur le projet dunkerquois est la sécurisation de l’approvisionnement en gaz. Mais c’est aussi la seule perspective qui s’offre actuellement à lui d’ajouter le gaz dans son panel d’offre énergétique en France ! Nous devons disposer aujourd’hui de garanties suffisantes sur l’avenir des ports. Critère essentiel à nos yeux puisque c’est l’Etat (donc nous, les contribuables) qui a financé les remarquables infrastructures existantes. Tout comme, du reste, l’ensemble de nos services publics : SNCF, autoroutes, EDF, GDF, Education…

Un cas révélateur Le territoire dunkerquois dispose encore de 3 000 ha classés en réserve foncière de l’Etat et gérés par le PAD (Port autonome de Dunkerque,) ainsi que de 10 km de façade maritime. Avec, entre autres, 13 usines Seveso Seuil haut. Les décideurs argumentent que la région a vocation à être un grand pôle industriel et portuaire. A quoi nous rétorquons depuis des années que ce n’est pas une raison pour y mettre n’importe quoi, n’importe où et n’importe comment ! Cette façade maritime, ouverte sur le nord de l’Europe, est convoitée pour nombre de projets, dont ceux liés à l’énergie : les 6 réacteurs de la centrale nucléaire de Gravelines (candidate à l’implantation d’un EPR de troisième génération) ; le Norfra, gazoduc maritime livrant le gaz norvégien ; Air Liquide pour

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l’enrichissement du gaz le rendant compatible avec l’interconnexion des réseaux ; le quai à pondéreux accueillant les charbons et les minerais du monde entier ; les raffineries ; les usines d’alcool, d’éthanol, d’huiles liées aux agrocarburants, et maintenant un terminal méthanier ! Un tel projet a été l’occasion de mettre en oeuvre et de tester le débat public local. Certains se sont déclarés favorables au projet : les milieux économiques, les collectivités et leurs groupements, les administrations, les dockers (CSOPMI) ; d’autres attendent des propositions de compensations (usagers des sports nautiques, chasseurs, pêcheurs…) ; d’autres, enfin, s’opposent au projet en son état actuel (environnementalistes, ornithologues, écologistes). Pour les premiers, les arguments tournent autour de l’argent, de l’emploi et des revenus que générera cette nouvelle activité. Pour les seconds, là où ailleurs, peu importe si des mesures compensatoires leur permettent de continuer d’exercer leurs activités. Quant aux opposants, radicaux ou plus modérés, ils exigent la prise en compte et la mise en œuvre de la notion de développement durable face aux enjeux territoriaux ou planétaires. Qualifiés d’utilité publique ou d’intérêt public, ces projets méthaniers sont pourtant en contradiction avec l’engagement de la France sur le protocole de Kyoto ! Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2020 ne seront pas atteints


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par le remplacement d’une énergie fossile (le fioul, le charbon) par une autre (le gaz), certes moins polluante mais qui ne réduit en rien les GES générateurs de dérèglement climatique. Cette fuite en avant dans la production de gaz à effet de serre conjugués avec le gaspillage des énergies fossiles rendront inaccessibles ces matières premières pour les générations : elles seront épuisées. Le choix du site s’est fixé sur la ZNIEFF de type I n° 74 du Clipon, seule plage naturelle de l’ouest dunkerquois. Au cœur de cette ZNIEFF, niche la plus importante colonie de sternes naines de France avec 358 couples en 2007. Le dynamisme de la colonie de Loon-Plage est remarquable. Afin de préserver ce patrimoine, l’Adelfa suggère de construite un terminal offshore. Des mesures compensatoires seront mises en œuvre pour ne pas trop impacter la colonie de sternes naines et seuls quelques ornithologues auront désormais accès au site. Une grande partie de la population se verrait de fait interdire tout usage de cette zone de loisir côtière. Les dix derniers kilomètres de côte sauvage entre Dunkerque et Gravelines serait ainsi condamnés d’accès. La commune de Loon-Plage deviendra donc… Loon-sans-Plage. La configuration du site ? Il s’étale à l’entrée du port ouest de Dunkerque (territoire de LoonPlage) et à proximité du terminal de transport de passagers et de camions du trafic transmanche, du trafic de fret routier et ferroviaire, d’un appontement pétrolier, et des citernes de stockage de carburant ainsi que de la centrale nucléaire et de son point d’approvisionnement en eau de refroidissement (6 réacteurs) où cohabitent les risques SEVESO et ceux liés à une zone de manœuvre très fréquentée par la marine marchande, aux portes mêmes d’une zone industrielle et portuaire classée à hauts risques technologiques. Les promoteurs du projet mettent l’accent sur la différence à établir entre les notions de risque et de danger. Une bonne

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connaissance du danger, des mesures préventives, une bonne organisation des secours, des protocoles, des procédures et des contrôles diminueront le risque, nous disent-ils. Néanmoins, comme le fait observer le MNLE des départements 59 et 62, le danger persistera. Le projet manque, en effet, de réflexion sur une gestion des risques qui tienne compte des activités et des effets connexes des installations industrielles classées et autres activités limitrophes, dont ceux liés aux activités à risque que représentent la circulation et les infrastructures de transport de matières dangereuses souterraines. Les moyens organisationnels, et notamment l’externalisation des coûts de production, d’entretien, le recours à la soustraitance, la recherche de profits, éléments non soumis à l’appréciation des CLIC, sont à l’origine de bien des accidents ou incidents technologiques.

Et l’utilité sociale ? La Commission locale d’information et de concertation sur les risques technologiques n’a pas compétence pour conduire la politique générale d’aménagement du territoire industriel, portuaire et urbain, et pour sa part le S3PI n’a qu’un rôle d’information dans la phase d’élaboration des projets industriels. Le Schéma de développement portuaire repris au Schéma d’environnement industriel (SEI) doit donc être revu et adapté en tenant compte, non seulement des risques technologiques (suite à l’accident d’AZF, à Toulouse, et de divers retours d’expérience en accidentologie), mais aussi d’une analyse du rapport du GIEC et son adaptation sur notre territoire. Ces schémas, qui n’ont pas de valeur contractuelle, doivent pouvoir vivre audelà de leur phase de création et bénéficier d’une réactivité dans la période de validation, avec la possibilité d’être adapté, amendé, réactualisé en dehors d’un comité restreint pour des périodes de 10 ou 15 ans… Les inconvénients de ces projets

dépassent largement les avantages. En l’occurrence, l’intérêt général et les intérêts particuliers des riverains ne sauraient être contraints par les intérêts privés de groupes industriels. L’impact sur l’emploi ? En dépit de sa forte industrialisation, le littoral dunkerquois souffre d’un chômage endémique qui, depuis des décennies, se maintient autour des 12 %, c’est-à-dire très au-dessus de la moyenne nationale. L’installation de ce terminal méthanier aura-t-il un effet positif, de ce point de vue ? On demande à voir… Qu’il s’agisse de ces terminaux méthaniers ou d’autres projets, les dossiers des maîtres d’ouvrage se doivent d’en démontrer l’utilité sociale. Or ils surfent généralement sur les analyses car il s’agit d’abord, pour eux, de simple stratégie commerciale. Pour ce qui est des terminaux méthaniers, il serait nécessaire, si les maîtres d’ouvrage veulent nous convaincre du contraire, qu’ils répondent de manière détaillée aux questions suivantes : • Quelle est l’évolution de la consommation du gaz dans le cadre de la division par 4 des émissions d’énergies fossiles ? • Quel est l’intérêt environnemental de la filière GNL ? • Quelle coopération les différents opérateurs peuvent-ils envisager ? • Quant au projet dunkerquois, quels profits réels les populations du littoral en tireront-elles au regard des nouveaux risques encourus ? On attend les réponses…■ Christian Muys

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Lexique EPR : Réacteur nucléaire à eau pressurisée. ZNIEFF : Zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique. ADELFA : Association de défense de l’environnement du littoral Flandres Artois. GIEC : Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique. GNL : Gaz naturel liquéfié.

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Infrastructures

Public et public-privé

Les contributions spécifiques des grands projets d’infrastructure de transport à la croissance économique, à la compétitivité et au développement durable font aujourd’hui l’objet d’un large consensus parmi les experts et les élus politiques. Analyse.

L’

objectif du développement durable imposant de privilégier des modes alternatifs à la route, les projets ferroviaires sont logiquement mis en avant. D’après différentes analyses, assurer une couverture optimale des besoins ferroviaires supposerait d’investir de l’ordre d’un milliard d’euros par an en moyenne sur les vingt prochaines années, en plus des moyens dédiés actuellement (soit de l’ordre de 400 millions d’euros en 2002). Face à l’importance de l’endettement public et à l’austérité financière induite en terme de dépenses, un programme aussi ambitieux pose bien évidemment le problème de son financement et souligne la nécessité impérative de dégager de nouvelles ressources pour financer durablement l’effort de développement national. De multiples solutions ont été étudiées, et décision a été finalement prise de créer un établissement public chargé de gérer le financement des projets de transport et de fournir un cadre de programmation multimodale, lisible et cohérente au regard des durées de réalisation des grands projets. Ses ressources devaient

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provenir pour l’essentiel : - des dividendes perçus par l’État et par l’établissement public "Autoroutes de France" au titre de leur participation au capital des sociétés concessionnaires d’autoroutes ; - des redevances domaniales payées par ces sociétés ainsi que des emprunts dans des limites définies par la loi de finances. Malgré cette décision, le ministre de l’Equipement a décidé la privatisation des sociétés d’autoroutes, privant ainsi l’établissement public de cette manne financière que l’on espérait régulière, importante et pérenne.

Spoliation D’autres solutions alternatives de financement ont alors été envisagées, afin de dégager des ressources fiscales nouvelles affectées prioritairement au développement du transport : - rééquilibrage de la TIPP sur les gazoles pour les véhicules légers ; - mise en place d’une redevance domaniale kilométrique pour l’utilisation commerciale du domaine public routier, redevance prélevée sur les poids

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lourds, à l’instar du dispositif prévu sur les autoroutes allemandes où cela s’applique déjà avec plus ou moins de difficultés. Il faut cependant noter que les difficultés importantes du secteur du transport routier français imposent un phasage extensif de ces nouvelles dispositions afin d’éviter toute crise sectorielle ; - relèvement progressif des péages ferroviaires, ce qui implique un financement direct du réseau par les utilisateurs. Une étude financière et technique détaillée serait cependant nécessaire pour déterminer un niveau d’augmentation sans contrarier la compétitivité-prix de l’offre sur le marché quand le train est en concurrence avec d’autres modes de transport. Hormis ces différentes solutions qui font appel à la contribution publique et aux prélèvements obligatoires, il existe également la possibilité de recourir à diverses sources de financement extérieures à l’Etat : - les collectivités locales sont de plus en plus amenées à financer directement par des subventions une partie du coût de l’infrastructure, comme cela a été le cas par exemple pour le TGV Est. Face aux transferts de charges issues de la politique de décentralisation, il faudra incontestablement donner les moyens aux collectivités locales d’assumer leurs nouvelles responsabilités et compétences, que ce soit au niveau des transports ferroviaires régionaux ou du développement des infrastructures ; - sous certaines conditions, la Caisse des dépôts et consignations pourrait aussi prêter à des taux intéressants sur une durée d’au moins trente ans ;


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- fréquemment sollicitée par les Etats pour qu’elle augmente son plafond de financement, l’Union européenne ne participe actuellement qu’à hauteur de 50 % au coût des études de faisabilité, et 10 % au coût des travaux pour des projets déjà identifiés dans les orientations communautaires, le reste devant être couvert par des engagements soit publics soit privés. - les partenariats public-privé (PPP) semblent représenter aujourd’hui pour les institutions nationales et européennes une solution innovante pour remplacer les financements publics nationaux par des financements privés, permettant aussi de diminuer les prérogatives des sociétés publiques. Faussement présentés comme une modernité, les PPP existent en fait depuis les origines de la civilisation et, à ce titre, n’ont de réellement innovant que la dénomination.

Solution miracle ? Le partenariat public-privé bénéficie donc en France d'une longue tradition, et son modèle en est incontestablement le régime de la concession, et plus généralement de la délégation de service public. L’ordonnance du 17 juin 2006 a permis d’étendre le champ d’application du régime de la concession aux installations ferroviaires en intégrant désormais le financement, la conception, la réalisation, l’exploitation et la maintenance. Le concessionnaire

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devient ainsi le véritable maître d’ouvrage. Il se rémunère à l’aide de péages qu’il impose aux opérateurs de transport. L’ordonnance du 17 juin 2006 autorise également pour les infrastructures ferroviaires de faire appel à un nouveau type de contrat appelé “contrat de partenariat“, alternative aux modes traditionnels de la commande publique que sont les délégations de service public et les marchés publics, censés faciliter le financement des infrastructures tout en soulageant le déficit budgétaire par l’externalisation des services publics. La loi récente n° 2008-735 du 28 juillet 2008 en facilite l’utilisation. Le titulaire du contrat assurera également le financement, la conception, la réalisation, l’exploitation et la maintenance de l’infrastructure créée mais il sera rémunéré par le maître d’ouvrage public à l’aide de loyers mensuels. Présenté comme une solution miracle face à l’endettement public ou à l’incapacité de la personne publique d’assumer des projets complexes, ces contrats de long terme ouvriraient des perspectives nouvelles en permettant de combiner maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage dans une nouvelle forme d’association de l’entreprise privée aux investissements et à l’exploitation d’équipements ou de services publics. Ces contrats sont fondés sur une certaine méfiance à l’égard de la capacité des services publics dans la construction et la régulation

des infrastructures. A tous égards, ces nouvelles dispositions suscitent donc de vives réactions. Réactions justifiées si l’on en juge par les exemples de défaillances qualitatives importantes et de dysfonctionnements mis en relief par les catastrophes récentes des chemins de fer anglais et la faillite consécutive de la compagnie Railtrack. En France, les rares tentatives dans ce sens (Orlyval, Eurotunnel) se sont du reste soldées par des échecs cuisants où des restructurations majeures avec implication importante du secteur public ont été nécessaires. Car, dans tous les cas, l’Etat reste responsable aux yeux de la population, il se doit d’intervenir pour réparer les éventuels pots cassés, afin d’éviter que le service public ne cesse, et cela, quelles que soient les responsabilités contractuelles du partenaire privé : la notion de transfert de risque du public vers le privé parait donc totalement galvaudée. Il importe de rester vigilant sur les termes proposés dans les nouvelles modalités d’entente contractuelle afin que ces dernières n’excluent pas le contrôle et la régulation de l’Etat, ne renchérissent pas de trop le coût financier des projets sur le long terme et surtout ne remettent pas en cause la notion même de “service public”, ce que l’on peut raisonnablement craindre avec les contrats de partenariat. ■ Alain Patouillard

« Assurer une couverture optimale des besoins ferroviaires supposerait d’investir 1 milliard d’euros par an en moyenne sur les 20 prochaines années.»

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Habitat et énergie

Intérêt et limites du Grenelle

Les travaux du Grenelle font beaucoup de place à l'habitat. La logique d'approche est banalement définie de la manière suivante : la sobriété, qui repose essentiellement sur le comportement civique économe ; l'isolation ensuite, pour augmenter l'efficacité énergétique du logement en jouant sur l'isolation ; enfin, l'utilisation d'énergies renouvelables. Que se cache-t-il derrière ces apparentes évidences ?

L

es lois en préparation prévoient la définition d'une norme qui fixe une consommation de 50 kWh d'énergie primaire par m2 (norme BBC). Les premiers projets d'écoquartiers amènent à dire que, pour rester dans un coût difficilement acceptable car en augmentation, il faut produire un habitat social compact limitant l'importance des fenêtres avec un risque d'uniformisation architecturale. En effet, l'isolation des ouvertures coûte plus cher que celle d'un mur. Le compromis économique se fera donc logiquement, pour le logement social déjà bien financièrement contraint, dans la réduction de la surface des fenêtres. La tendance sera à la construction d'une coque opaque aux calories et aux photons. La compétence des hommes de l'art peut la freiner mais non l'inverser tant que les conditions de financement du logement ne seront pas changées. En d'autres termes : stérilisation de l'architecture et réduction de la lumière ! Ce sont des questions importantes ! La solution du Grenelle : le surcoût serait pris en compte par les économies de chauffage. Certes, l'occupant du logement consommera moins. Mais le coût total diminuera-t-il pour autant ? Très probablement non, dans le contexte de crise énergétique qui s'installe. On aurait pu vous couper deux doigts, voyez comme nous sommes bon, nous n'en coupons qu'un, tel est le cynisme du projet de Grenelle.

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L'absence de règles et de normes qui a été trop longtemps en vigueur a produit des effets désastreux. Près de 20 millions de logements sont de véritables passoires de calories. Rappelons également que l'architecture et la qualité de ces logements étaient dans la même veine de médiocrité. Comment empêcher la bunkérisation du logement populaire ? Comment faire du développement durable dans le logement ? En d'autres termes, comment mettre l'innovation au profit de tout le monde ?

Le cynisme du Grenelle Les mesures du Grenelle de l'environnement y répondent très mal,

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avec un risque important de creusement de nouvelles inégalités. Pas seulement sur le logement mais de manière générale. Le verdissement du produit, en l'occurrence le logement, va de pair avec l'introduction de taxes et d’un surcoût durable. Au mieux, c'està-dire sans doute jamais dans la logique actuelle, est-il promis une compensation dans les charges sociales et une limitation de l'augmentation du coût global du logement. L'adaptation à la crise environnementale et énergétique est déconnectée des aspects sociaux. Les réponses boitent. Si on n’y prend pas garde, le développement durable sera détourné vers la création d’un marché des pro-

L’occupant du logement consommera moins. Le coût total diminuera-t-il pour autant ?


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duits verts et de nouvelles niches de profit. La norme BBC fixe une consommation d'énergie primaire. L'article 4 du projet stipule que le « seuil sera modulé en fonction de la localisation, des caractéristiques, de l’usage et des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments ». Il ouvre donc un champ de non-dits qui est une des caractéristiques du Grenelle. Il n'est en effet pas facile de trouver un consensus entre des acteurs très différents et parfois opposés. Le flou est favorable à l'effet médiatique du Grenelle mais rend bien obscures et fragiles les mesures proposées. En l'espèce, il s'agit de peser la force de la norme BBC et de soupeser celle de la souplesse d'application ouverte en principe par le projet de loi. Il ne s 'agit pas d'un problème technique. Nous sommes dans un champ politique où vont s'exprimer les ambiguïtés du Grenelle. De futures négociations soumises à de forts lobbyings détermineront les futurs décrets et arrêtés. Il faut revenir aux fondamentaux et définir les enjeux. Deux paramètres apparaissent essentiels : le carbone fossile lié à la nature de l'énergie ; le coût de l'énergie et

la robustesse de son prix dans l'avenir. Il faut donc articuler des objectifs environnementaux et sociaux que le projet de loi n'exprime pas. Ce n'est pas un problème aussi simple qu'il y paraît. En effet, nous ne consommons pas directement de l'énergie primaire mais de l'énergie finale. En outre, l'électricité vient mettre son grain de sel. Et même un gros grain de sel ! Comment établir une correspondance entre les différentes formes d'énergies ? L'arrêté du 15 septembre 2006 a déjà réglé la question. Il établit un coefficient de conversion de 2,58 entre l'énergie électrique finale et l’énergie primaire. En d'autres termes, il faudrait 2,58 kWh primaires pour produire 1 kWh électrique final alors que le rapport serait de 1 pour les énergies fossiles.

Le poids du carbone. A chaque kWh final est alors attaché un poids carbone. Pour le kWh électrique, il est de 180 grammes pour le chauffage, 40 grammes pour l'eau chaude. Il est de 234 grammes pour le gaz naturel. Pour le gaz comme toutes les énergies fossiles, la valeur est

assise sur une composition chimique moyenne du combustible. Pour l'électricité, elles dépendent du dispositif de production. La valeur de 180 grammes résulte du fait que la demande en chauffage suit étroitement celle de l'électricité. Il faut donc mettre en route des installations fonctionnant aux fossiles pour faire face à la pointe hivernale. Le parc nucléaire ne peut suivre alors qu'il couvre la production non saisonnière d'eau chaude. Ce qui se traduit dans les 40 grammes du kWh dédié à cet usage. Prenons l'exemple d'un logement de 50 m2 aux normes BBC, chauffé au gaz. Les émissions de CO2 seront voisines de 550 kg par an. S'il est occupé par deux personnes, ces dernières épuisent 75 % de leur budget “carbone” à l'horizon 2050. Le recours aux énergies non fossiles s'impose. Mais quid de l'électricité ? Le projet de loi est obscur sur le sujet. En effet, si on pouvait facilement construire un habitat consommant 50 kWh primaires électriques, soit environ 20 kWh finaux, les émissions ne seraient que de 175 kilos pour le logement précédent de 50 m2. Mais les normes d'isolation seraient draconiennes. La pompe à chaleur avec

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HABITAT & ENERGIE

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L’utilisation du bois comme combustible est en concurrence avec la filière matériaux. un coefficient de performance de 4 est alors plus performante avec un peu plus de 100 kilos.

Un problème majeur L'optimum environnemental est, comme on pouvait s'y attendre, réalisé par l'utilisation des énergies renouvelables. Ce qui peut être réalisé de différentes manières : biomasse, géothermie profonde ou superficielle (eau, sol), pompe à chaleur air-air... Egalement par l'absence d'énergies fossiles dans la production électrique. Mais cette hypothèse n'est pas politiquement correcte car une connivence implicite existe entre les écologistes antinucléaires qui ne veulent pas entendre parler d'électricité, et les producteurs d'électricité qui ne jurent aujourd'hui que par le gaz. La décarbonation de l'électricité est un problème politique majeur qu'il faut sortir de l'impasse. Le bois a apparemment toutes les vertus, notamment vis-à-vis du carbone : c'est de l'énergie solaire solidifiée. Mais elle n'est pas gratuite. Elle est dans un marché

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concurrentiel avec le gaz, non pour le chauffage individuel mais dans la production collective de chaleur et les installations de cogénération chaleur-électricité. Sa production est par ailleurs limitée. L'utilisation sous forme de combustible est en concurrence avec la filière “matériaux” et, à moyen terme, avec celle des carburants. La calorie du bois n'est pas gratuite contrairement à celle de l'eau, du sol, de l'air qui a besoin de l'électricité pour exister. C'est encore une autre raison d'exiger une électricité sans carbone et à coût maîtrisé. La discussion sur la norme BBC nous a amenés logiquement à la revendication d'une production d'électricité sans carbone et à prix abordable pour atteindre des objectifs environnementaux et sociaux dans le logement. Plus généralement, elle nous a également montré que la diffusion de l'innovation passait par une réforme du financement du logement et des processus de production tant du bâti que de l'énergie. (voir texte de l'université d'été du MNLE page 25).

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Les limites du Grenelle apparaissent alors très clairement. Il ne s'agit pas d'en donner une interprétation complètement négative – il vaut mieux remplacer la réglementation thermique 2005 par la norme BBC –, mais il est nécessaire d'en dégager les conséquences et les moyens d'application, au-delà des aspects financiers. Sinon, la question de fond est celle du moteur d'un nouveau développement. Est-ce la règle et la norme ? Est-ce un processus administré ? Est-ce une question de rupture technologique comme le proclame le projet de loi du Grenelle ? C'est à la fois un peu de tout cela mais sans aucun doute autre chose. C'est un saut qualitatif qui exige une nouvelle mobilisation dans le champ politique. En l'espèce et notamment sur le sujet traité : comment faut-il reconstruire un service public de l'énergie ? Comment, dans une ville durable, produire du logement pour tous ses habitants ? Le Grenelle n'aborde pas ou tellement peu ces questions.■ François Cosserat


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XIIIe université d’été du MNLE

Repenser la ville Secrétaire national du MNLE, président de Citoyens 13 et conseiller municipal de Marseille, Christian Pellicani nous présente le bilan des travaux de l’université d’été du MNLE dont le thème, cette année, portait sur « Urbanisme, habitat et énergie ».

Christian Pellicani • Le choix de cette thématique générale pour la semaine de réflexion collective est le fruit de notre participation, sous forme de contribution aux travaux préparatoires au Grenelle de l’Environnement, et a été renforcé par ses conclusions. Si, aujourd’hui, nous partageons globalement tous le même constat et les mêmes analyses, des divergences profondes subsistent entre d’une part le gouvernement et d’autre part le mouvement associatif, notamment le MNLE, quant aux solutions à mettre en œuvre – sur les économies d’énergie, par exemple. Les annonces du gouvernement sont aujourd’hui bien en deçà des engagements pris lors des débats du Grenelle et il nous semble qu’au regard de l’importance de ces enjeux nous avons l’obligation d’avancer. Nous travaillons depuis de nombreuses années sur les problèmes posés par les questions de production et de consommation

L’université d’été se présente sous la forme de conférences et de débats. Pouvez-vous nous dresser un bref panel des sujets abordés lors de cette semaine ? Durant ces six matinées, nous avons tenté d’aborder le spectre le plus large des sujets afférents à notre thématique centrale. En termes d’aménagement du territoire tout d’abord, au travers des modes d’élaboration des SCOT (Schémas de cohérence territoriale) et des PLU (Plans locaux d’urbanisme), en partant du constat que la loi SRU était aujourd’hui un atout considérable, si elle ne subit pas de trop nombreuses modifications, pour travailler à une co-construction avec les citoyens d’un autre type de projet urbain en rupture avec le modèle actuellement en vigueur. Les PLU, s’ils sont élaborés de façon citoyenne et participative, peuvent nous offrir l’opportunité de faire autrement en sortant des standards technocratiques. Nous avons également travaillé

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Les thématiques de l’habitat, de l’urbanisme et de l’énergie s’inscrivent pleinement dans ces réflexions. Elles sont essentielles pour repenser la ville car, aujourd’hui, les constructions sont encore trop voraces énergétiquement, que ce soit pour le chauffage ou la production d’eau chaude. Ce thème, qui est à notre sens l’un des enjeux principaux du Grenelle, nous a donc paru pertinent afin d’apporter des réponses aux maux générés par le système de société productiviste dans lequel nous vivons.

• Quelles sont les raisons qui ont incité le MNLE à choisir le thème « Urbanisme, habitat et énergie » pour sa XIIIe université d’été ?

aux problématiques des matériaux et des modes de construction. L’industrie du bâtiment dispose aujourd’hui des techniques nécessaires à la réalisation de constructions moins énergétivores ; le problème se situe donc du côté de la volonté politique et économique des investisseurs, qu’ils soient publics ou privés, afin de permettre la concrétisation de projets s’inscrivant dans une démarche plus globale de développement durable. Nous avons de plus abordé les questions de réglementation, en particulier du thermique, aux niveaux français et européen, qui, si elles renforcent davantage les contraintes en termes de consommation énergétique des logements, ne se donnent toujours pas des moyens de contrôle suffisants. Enfin, a été évoqué un enjeu déterminant pour la qualité de vie en zone urbaine, celui des déplacements des hommes et des marchandises. A travers les conditions d’élaboration des PDU (plans de déplacements urbains) et des PDE (plans de déplacements des entreprises), cela nous a permis d’examiner le rôle indispensable des transports en commun dans la baisse des émissions de GES mais aussi comme réponse à l’organisation des déplacements en ville. La question des marchandises a aussi été traitée, notamment au sujet de l’approvisionnement des commerces de centre-ville, car elle occasionne de nombreuses gênes pour les habitants. Le choix de Méribel pour la tenue de l’université de votre mouvement est-il dû au hasard ou symbolique des problèmes inhérents à une poli-

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tique urbanistique incontrôlée dans les zones à fort potentiel touristique ? La ville de Méribel est un contreexemple en matière d’aménagement du territoire, même s’il faut admettre que ce n’est pas le plus désastreux. Ce lieu nous a permis de prendre conscience des limites de la création artificielle d’activités : elle urbanise la montagne en oubliant complètement les racines rurales du lieu. Les promoteurs réalisent, en effet, de plus en plus de logements – ce qui représente un véritable gouffre énergétique –, sans aucun intérêt pour la population locale puisqu’ils ne lui sont pas destinés. Vous avez visité, lors de cette université, un nouveau concept de construction, celui d’une maison qualifiée de Zen. Quel est votre avis sur ces nouveaux modes d’habitat ? La Maison Zen a le mérite de démontrer que des solutions existent, au niveau industriel et technique, pour maîtriser les fluides énergétiques nécessaires à la vie courante, comme la production d’eau chaude ou le chauffage. Elle démontre, de plus, la pertinence des énergies renouvelables, tel le solaire, même dans des zones géographiques où le taux d’ensoleillement n’est pas celui de la région Provence-AlpesCôte-D’azur. Mais elle pose aussi, à ce sujet, la question du devenir du service public de l’énergie. Ce sont, en effet, les consommateurs d’EDF qui payent le surcoût lié à ce type d’équipement, même si l’on peut considérer qu’il s’agit d’une forme d’investissement en recherche et développement reporté sur les citoyens par l’Etat. Ce type de réalisation est toutefois encourageant, et nous devons inciter les maîtres d’ouvrage et les mairies qui maîtrisent le droit du sol, à prescrire, dans les cahiers des charges des constructions publiques, des clauses imposant la recherche de solutions innovantes. Nous n’en sommes plus aujourd’hui à des limites d’ordre technique pour ces réalisations

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Les constructions sont encore trop voraces en énergie. mais à un manque de volonté politique et économique pour imposer d’autres solutions qui, si elles peuvent apparaître plus onéreuses à la construction, engendrent tout de même un gain économique dans les coûts de fonctionnement du bâtiment. Quelles conclusions vous et votre mouvement retirezvous de cette semaine de débats et de conférences ? Nous avons rédigé un appel (voir page 25) qui est le fruit de nos travaux durant cette université d’été. Je voudrais insister sur deux points particuliers. Il nous apparaît indispensable de rendre citoyenne et populaire l’élaboration des SCOT et des PLU. Ces deux documents réglementaires, complétés par les PDU et PDE, sont les pièces maîtresses de la construction d’une ville durable et d’un aménagement territorial novateur permettant une meilleure adéquation entre l’activité humaine et la nature. De fait, notre mouvement propose aux citoyens de « faire de la politique », c'est-à-dire de s’occu-

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per des affaires de la cité et de ne plus tout déléguer à la démocratie représentative. De plus, il nous semble utile dans la même logique de mettre en œuvre un important travail d’éducation populaire à l’environnement pour permettre aux gens d’agir en toute conscience et en toute connaissance des enjeux, des réglementations et des techniques. Savez-vous d’ores et déjà où se déroulera la XIVème université d’été du MNLE et quelle en sera la thématique centrale ? Nous avons fait la proposition à nos adhérents d’aborder les questions de la mer et du littoral, en termes de faune et de flore, de pollutions maritimes, d’urbanisation du littoral, de pêche… Nous recherchons pour l’heure un lieu le long du littoral méditerranéen pour cette prochaine université d’été. ■ Propos recueillis par Audrey Garino


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Pour une démarche préventive de planification urbaine Au-delà de l’innovation… pour quelques-uns ! L’université d’été du MNLE, qui s’est tenue à Méribel, avait à son ordre du jour l’habitat et l’énergie dans l’aménagement du territoire, dans une perspective de développement durable, solidaire et souhaité. L’habitat des ménages est responsable d’environ 19 % des émissions d’origine fossile. C’est un secteur où il est important d’agir pour limiter l’ampleur du changement climatique sans en exagérer les effets. En effet le système de production-distribution-consommation en émet plus des deux tiers. Il est nécessaire non seulement d’améliorer l’efficacité énergétique des logements mais aussi de transformer les moyens de concevoir et de construire. L’un n’ira pas sans l’autre. Il ne s’agit pas seulement de créer des matériaux et des équipements nouveaux, mais d’en finir avec les sous-qualifications coûteuses et les sous-traitances non justifiées. Les participants soulignent particulièrement l’importance de ne pas se contenter d’opérations élitistes mais d’atteindre des objectifs sociaux ambitieux. Il ne s’agit pas seulement de rénovation du parc social. Le droit au logement doit être assis sur une innovation technique et sociale qui transforme l’acte de concevoir et de produire l’habitat, le statut de l’occupant du logement, les moyens du crédit et l’action contre la spéculation, tout en maîtrisant les coûts. Il est également essentiel de placer ces actions dans une démarche préventive de planification urbaine. Les schémas de cohérence territoriale (SCOT) donnent l’occasion de synchroniser construction de logements et mobilité durable, de donner une impulsion aux circuits économiques courts. Le secteur professionnel du bâtiment est concerné : matériaux, ressources énergétiques… Les participants soulignent l’importance de construire des "plans climat territoriaux" dont l’ambition ne se borne pas à la construction d’éco-quartiers. La question de fond est de produire des lieux et des moyens d’innovation technique et sociale pour construire du vivre ensemble en y incluant l’expression du droit à l’énergie, l’électricité devant notamment être considérée comme bien commun au même titre que l’air et l’eau. Dans ce contexte, les communes ont des compétences qui peuvent être utilement mises à profit. Les participants souhaitent le regroupement des forces – dont celles des communes – de toutes celles et ceux qui veulent agir pour que l’environnement ne soit pas l’apanage de ceux qui ont des moyens financiers ou qui veulent faire des affaires. Déclaration des participants à l’université d’été du MNLE

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Construire la ville de demain

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a densité de la population urbaine constitue sans aucun doute un atout. Encore faut-il apporter de bonnes réponses sans discrimination ! La ville est, sinon doit devenir, un laboratoire d’innovations techniques et sociales durables. Elle est aussi une entité spécifique qui doit réécrire ses relations de proximité. Elle doit être en même temps ouverte sur un monde de bientôt 9 milliards d’êtres humains. Note bien vivre va dépendre pour une bonne part de nos capacités de produire avec sobriété et efficacité. Les ressources sont limitées. L’industrie a donc un champ énorme devant elle. L’habitat pose de nombreux défis. La rénovation thermique de près de 20 millions de logements nécessite un énorme développement quantitatif et qualitatif des moyens de diagnostic, de préconisations, de formations et de production. Ce sont des sujets dans lesquels le MNLE s’investit beaucoup. Les Plans Climat Territoriaux ne peuvent pas seulement être des catalogues d’intentions mais devenir de véritables moyens de mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés à différents titres. Prenons l’exemple des éco-matériaux. Nous

constatons que les fournisseurs potentiels de ressources attendent les industriels qui regardent les donneurs d’ordre comme sœur Anne. Ils ne voient pas venir grand-chose. En outre les normes des constructions neuves vont évoluer à toute vitesse, non sans confusion parfois. Ce qui est essentiel à nos yeux est de minorer autant que faire se peut les émissions de gaz à effet de serre tout en restant dans des coûts socialement acceptables. La démarche HQE, qui peut encore être améliorée, a l’intérêt d’ouvrir un champ de négociations entre les différents acteurs de l’acte de construire. Les résultats dépendent de la qualité des compétences et du dialogue. Or chacun sait que les savoir-faire se nourrissent de l’expérience. Le temps joue un rôle non négligeable. Certes le changement climatique frappe à nos portes à coups redoublés. Mais ne confondons pas vitesse et précipitation. Le MNLE se définit comme un moyen d’échange sur les enjeux et les objectifs, de mutualisation des expériences. Il faut prendre le temps de la réflexion et du dialogue. ■ François Cosserat

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Des pesticides bientôt interdits

Menace sur la sécurité sanitaire des céréales ? L’usage de certains pesticides présente d’importants risques pour la santé humaine et animale. Des méthodes alternatives de lutte existent pourtant, encore trop peu connues et développées. Il est temps de s’y mettre.

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n récent communiqué électronique de l’Union Synergis, regroupant trois coopératives agricoles céréalières (Capafrance, Force 5 et Oceal), lance un cri d’alarme contre l’interdiction prochaine de certains fongicides par une directive européenne. Les pesticides incriminés sont ceux qui permettent de lutter contre les champignons du genre Fusarium secrétant des mycotoxines dangereuses pour l’homme et les animaux. Mais la lutte chimique présente aussi d’importants risques pour la santé et il est temps de constater que peu de choses ont été faites pour développer des méthodes alternatives !

Une efficacité limitée Faisons le point sur les Fusarium (Photo 1), leur dangerosité et les méthodes de lutte non chimique, celles qui sont disponibles et

celles dans lesquelles la recherche publique et privée devrait plus investir. Les Fusarium comprennent de nombreuses espèces de champignons telluriques (qui vivent dans le sol) capables d’envahir le système vasculaire des plantes. Ils provoquent des maladies appelées fusarioses dont les principaux symptômes sont la fonte des semis et la réduction des récoltes : grains de céréales petits et peu denses, ou desséchés (Photo 2). Ils fabriquent, qui plus est, des substances toxiques. Ces mycotoxines appartiennent à trois familles, les trichothécènes (comprenant le déoxynivalénol ou DON, souvent redouté), la zéaralénone et les fumonisines. Les Fusarium attaquent de très nombreuses espèces végétales, par exemple le blé (F. graminearum, notamment), le maïs (F. moniliforme associé à l’espèce précédente), la tomate (F. oxysporum) ou l’asperge (F. proliferatum

associé à l’espèce précédente). Les attaques parasitaires sont très variables ; il est ainsi possible de reconnaître des années à Fusarium. Cependant, même durant ces années, les récoltes non traitées qui présentent des taux de mycotoxine dépassant les seuils autorisés sont rares. Cela ne peut toutefois justifier l’absence de surveillance des cultures et des récoltes, et de recours à des moyens de protection préventifs et curatifs. Il faut donc protéger les cultures, mais aussi diminuer les épandages de pesticides nuisibles à l’homme et l’environnement, en optant pour des méthodes de lutte non chimiques. Les nombreux auteurs qui ont étudié des méthodes alternatives notent d’ailleurs que la lutte chimique présente souvent une efficacité limitée. Ils préconisent d’abord la lutte variétale qui consiste à sélectionner des variétés végétales résistantes au

Photo 1. Spores de Fusarium sp. observées au microscope optique (Photo B. Tivoli/INRA).

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Photo 2. Attaque de Fusarium roseum sur un épi de blé tendre d’hiver – épi de droite, celui de gauche étant sain (Photo L. Vidal/INRA). Peu de moyens de lutte physique ont été suggérés.

La lutte microbiologique

Fusarium. S’il semble que peu de résultats aient été obtenus pour le blé, plusieurs types de résistance ont été découverts chez d’autres plantes. Des moyens de lutte culturale contre la maladie sont ensuite recommandés. Ils visent à minimiser les risques en effectuant des rotations raisonnées de cultures plus ou moins sensibles au champignon, en travaillant le sol de façon adéquate, en éliminant les résidus de récolte infectés (notamment pour le maïs), en choisissant une profondeur de plantation adaptée, et en offrant une fertilisation azotée élevée (avec du fumier, par exemple). Les résultats de ces méthodes de lutte sont encore limités mais pourraient certainement être améliorés à la suite de nouvelles études.

Lorsque c’est possible, il est toutefois utile d’ajuster le pH et la température du sol à des valeurs non favorables aux champignons indésirables, et de répandre de l’eau chaude sur les racines. Ce sont les moyens de la lutte microbiologique qui semblent être les plus prometteurs. Ils consistent à répandre des champignons ou des bactéries antagonistes des Fusarium pathogènes, avec lesquels ils entrent en compétition, et qui inhibent ainsi leur croissance. Il est possible d’utiliser des souches avirulentes (non pathogènes) de Fusarium, des champignons des deux espèces Trichoderma harzianum et Clonostachys rosea, et des bactéries du genre Pseudomonas. Cette lutte est efficace, et même parfois plus que l’emploi de fongicides lorsque ce sont les semences qui sont traitées. Clonostachys rosea est breveté et disponible aux Etats-Unis, au Canada, en Europe et en Australie pour protéger les céréales. Une bonne gestion des champignons mycorhiziens (champignons vivant en symbiose

avec les racines et qui facilitent la nutrition minérale de la plante) semble par ailleurs diminuer les risques de fusariose. Enfin, des moyens de lutte biologique peuvent être opposés aux insectes vecteurs de la maladie et aux insectes ravageurs qui occasionnent des blessures à la plante et augmentent les risques de fusariose. Il est notamment possible de lâcher des trichogrammes (petits hyménoptères parasitoïdes des œufs d’insectes) contre la pyrale du maïs, ce moyen de lutte étant commercialisé en Europe et dans de nombreuses régions du monde (Photo 3). Il existe donc des méthodes non chimiques qui permettent, seules ou en association, de lutter contre les fusarioses. Elles seraient toutefois perfectibles si suffisamment de moyens d’étude leur étaient consacrés. D’autres méthodes sont même envisageables, notamment en lutte biologique (incluant la lutte microbiologique), mais seul un important effort de recherche pourra les mettre à la disposition des agriculteurs. Il est déjà tard, mais encore temps de s’y mettre. ■ Bernard Pintureau Chercheur à l’INRA

Photo 3. Deux femelles de Trichogramma brassicae occupées à parasiter des œufs de la pyrale du maïs (Photo J. Daumal/INRA).

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Le siècle des menaces Membre de l’Académie des sciences, le professeur Jacques Blamont est l’un des pères de l’aventure spatiale française. Le tableau qu’il dresse de l’état de la planète peut paraître déprimant mais nous incite à réagir quand il en est encore temps.

© MF

Naturellement • Dans le prologue d’ « Introduction au siècle des menaces » (1), vous pronostiquez que les cinquante prochaines années verront s’exacerber les tensions, les maladies et les pénuries… Jacques Blamont • Les principaux thèmes développés dans ce livre étaient en germe dans le discours que j’avais prononcé en 1996 lors de la cérémonie organisée par la Fondation de France autour du prix qu’elle m’avait décerné pour un précédent ouvrage (2). J’avais pris conscience que quelque chose de déterminant s’était produit. L’invention du transistor en 1947 puis celle du microprocesseur en 1971 ont précipité le phénomène de mondialisation, auquel a largement contribué le perfectionnement du moteur à réaction. Voilà pour le premier facteur. Le second, c’est

l’explosion démographique. Elle s’est vraiment fait sentir dans cette période avec la constitution de vastes communautés déshéritées. A cela se sont ajoutés de graves événements stratégicomilitaires, l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques en 1979, et la guerre entre l’Iran et l’Irak de 1980 à 1988, qui ont déstabilisé le Proche Orient, avec pour corollaire la transformation du nationalisme arabe en islamisme. Le développement de l’internet à partir de 1990 a joué, de ce point de vue, un rôle crucial… Il y a deux composantes dans l’internet : le réseau lui-même et l’ordinateur personnel qui, en terme de marché, n’a commencé d’exister qu’au début des années 1980 puis s’est répandu de façon foudroyante. Il y a eu également

ENTRETIEN

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le téléphone mobile… La mondialisation qui n’était jusqu’alors qu’une affaire de transport est également devenue une affaire de réseau.

Le réseau a des effets positifs mais suscite d’inquiétantes dérives… Son rôle est capital dans l’économie, la transmission des informations, l’éducation et la diffusion des connaissances, mais il a, en effet, des aspects pervers. Je pense aux agités de type Al Qaïda qui l’utilisent pour soumettre à leur influence les populations pauvres et peu instruites. Vous insistez sur le risque que représente l’explosion démographique… La Terre comptera plus de neuf milliards d’habitants en 2050 contre six milliards et demi aujourd’hui. Quatre milliards se retrouveront dans des bidonvilles, soit 40 % de la population.

Parlons à présent des problèmes de santé publique que posent les conurbations et leur ceinture de bidonvilles… Des centaines de millions de personnes n’ont toujours pas l’eau courante et la situation empire. On sait que la Chine, qui compte 1,3 milliard d’habitants, manquera d’eau vers 2030. Des travaux pharaoniques ont été engagés en 2002 pour détourner les eaux du Yang Tsé Kiang mais on n’est pas sûrs qu’ils suffiront : la consommation ne cesse d’augmenter, et la production industrielle et agricole réclame de plus en plus d’eau. Fait aggravant, les Chinois s’orientent de plus en plus vers la viande. Or, sa production est très dépensière en eau. La situation qui prévaut dans d’autres régions du monde n’est pas moins inquiétante. Dans le

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DEMOCRATIE PARTICIPATIVE

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dont on ignore l’origine. Quant aux gros mammifères sauvages, ils sont hélas appelés à disparaître de leur milieu naturel. Certains spécialistes sont donc fondés à parler d’une sixième extinction des espèces.

sous-continent indien, le réchauffement climatique pourrait perturber la mousson. Plus grave encore : les nappes phréatiques situées sous les grandes métropoles de l’Inde sont en train de se vider… Quand elles seront épuisées, les citadins dépendront des pluies de mousson qui sont extrêmement irrégulières. Autre cas préoccupant : depuis quatre-cinq ans, Israël et la Palestine connaissent une terrible sécheresse. Les Palestiniens en sont les premières victimes, ce qui aggrave encore les tensions. Quid de la pollution des eaux ? Elle peut être réglée techniquement mais réclame des moyens financiers dont manquent cruellement les pays en voie de développement. Certaines de leurs mégapoles ignorent le tout-à-l’égout, ce qui engendre une inquiétude supplémentaire : les épidémies. L’augmentation démographique et l’entassement urbain vont accentuer le phénomène. On estime qu’en 2050 plus de 80 % des habitants de la planète se retrouveront dans les villes. La Chine et l’Inde, en particulier, vont devoir affronter d’énormes difficultés. La Chine a annoncé un programme de logements pour 400 millions de personnes d’ici à 2020. On peut douter qu’elle y parviendra. Et il n’est pas sûr non plus que les réseaux d’égouts seront au rendez-vous. La situation risque d’être tout aussi redoutable en Afrique et en Amérique du sud. On dispose de moyens efficaces pour empêcher ou enrayer les épidémies, mais on n’est pas à l’abri d’une mutation des virus et des bactéries. La mondialisation aidant, les maladies peuvent rapidement se répandre. L’état de l’environnement luimême, qui ne cesse de se dégrader, sera encore aggravé par le réchauffement climatique… Pour ma part, je suis convaincu que les analyses du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat. Ndr), selon lesquelles le réchauffement est d’origine anthropique, sont

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Quels espoirs placez-vous dans les énergies renouvelables ? Elles n’assureront, au mieux, que 20 % des besoins. L’énergie nucléaire, qui ne produit pas de dioxyde de carbone, est une solution intéressante si l’on veut bien recourir au stockage en profondeur des déchets. Mais il faudrait ouvrir une nouvelle tranche tous les dix jours dans le monde… fondées. La dilatation des eaux marines est quatre fois plus rapide qu’au début du XXe siècle, ce qui aura un impact sur les courants océaniques. Les spécialistes restent prudents dans leurs projections, mais si la mer emmagasine plus d’énergie, on peut craindre que les cyclones soient plus puissants et plus fréquents. Une seule certitude : la mer va être changée. On le constate déjà sur la migration des poissons. On remarque aussi que les oiseaux remontent de plus en plus en latitude et en altitude… Effectivement. Pour prendre l’exemple de la France, sa température moyenne a augmenté de plus d’un degré durant le XXe siècle. C’est beaucoup. L’impact est d’ores et déjà sensible sur l’agriculture. Dans certaines régions, la date des vendanges a été avancée de deux semaines en une trentaine d’années. Un mot, à présent, sur l’érosion de la biodiversité… Les problèmes induits par la démographie font qu’on mange de plus en plus d’espace, et d’espace riche en biodiversité comme on le voit dans le Tiers monde avec les forêts tropicales. Les populations animales terrestres et marines souffrent également de la pression anthropique. Les amphibiens, en particulier, sont décimés par une maladie

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Votre constat est bien sombre. Une note optimiste en conclusion? Des résultats remarquables ont été enregistrés dans la préservation de la couche d’ozone, mais c’était un problème simple à régler : les quelques industriels qui fabriquaient les chlorofluorocarbures ont accepté de les remplacer. L’affaire est plus complexe avec le carbone. Là, les intérêts en cause sont énormes. Le problème est lié à la conversion au productivisme de milliards de personnes. Je voudrais être optimiste mais c’est difficile. En fait, je ne suis ni optimiste ni pessimiste, je suis lucide. Est-ce qu’on peut se sortir de la situation ? Il faudrait changer notre mode de production et de consommation. Et la coercition ne suffira pas. C’est un paradoxe pour un scientifique athée comme moi, mais je pense que seule une mobilisation des autorités morales et spirituelles pourra convaincre le plus grand nombre de remettre en cause le productivisme. (3) ■ Propos recueillis par Michel Felet « Introduction au siècle des menaces », 555 p., Ed. Odile Jacob, 29€. (2) « Le Chiffre et le songe, histoire politique de la découverte », 960 p., Ed. Odile Jacob, 37€. (3) Nous n’avons pas évoqué ici, faute de place, la menace que constituent les armes de destruction massive dont l’auteur traite aussi dans son livre. (1)


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Petite collection d’insectes

Cet ouvrage en manifeste la preuve : en matière de livres de nature, l’édition française n’a rien à envier à l’anglo-saxonne. Et le qualificatif de chef-d’œuvre, si souvent galvaudé, s’applique ici sans conteste. Un texte précis et ciselé, d’époustouflantes illustrations grand format, une mise en pages mariant rigueur et harmonie font de cette monographie un plaisir des yeux autant qu’un régal pour l’esprit. 114 espèces d’insectes et arthropodes y sont représentées et décrites qui révèlent l’incroyable inventivité de la nature. Et il s’agit de notre contrée ! Oui, qui soupçonnerait de telles formes, de telles livrées, une telle palette, là, dans nos champs, nos prairies, nos jardins, nos bois, nos forêts, nos plages, nos montagnes, nos petits chemins qui sentent la noisette ou le romarin ! Si vous cherchez une idée de cadeau, elle est toute trouvée. Michel Felet « Petite collection d’insectes de nos régions » par Sonia Dourlot. Editions Larousse. Livre relié, dos toilé, de 22,5 x 29,7 cm, 256 p., 114 planches et 300 photographies, 29,90 euros.

Nature comme paradis

Autre ouvrage, non moins remarquable et qui n’est pas sans rappeler, par sa facture, les carnets naturalistes de l’époque des grandes découvertes. L’auteur applique ici son art, qui est grand, à un sujet trivial : des noix, glands, châtaignes, pommes, poires, bourgeons, feuilles, coquilles, tubercules, insectes… Et c’est l’enchantement. Et puis, quel verbe ! Cette légende sous un alignement de pommes fatiguées en passe de choir de l’arbre : « Boules de cuir noir suspendues en suite apaisée. Dernier maquillage avant le grand saut. » Cette autre, en regard du prodigieux dessin d’une noix toute banale : « La graine, à l’abri dans sa bicoque de bois rainuré… » ; cette autre encore, sous des glands aquarellés : « Coques tendues, volumes accomplis, épures inspirées… » Hommage à la nature, ce « carnet » nous apprend à la considérer d’un oeil neuf. M. F. « Nature comme paradis » par Dominique Mansion. Editions Ouest-France. Livre relié de 22 x 27,5 cm, 144 p., plus de 700 illustrations, 30 euros.

Tendrement bêtes…

L’auteur de cette sélection de clichés – qu’il a puisés dans des agences photos – nous avertit d’emblée : il s’est gardé de tout anthropomorphisme. Ajoutons qu’il n’a pas non plus cherché à influencer notre jugement : ces photos ne sont assorties d’aucune légende. Ce qui n’empêchera pas le plus rationaliste d’entre nous de s’attendrir devant ces scènes animalières et d’y rechercher en son for intérieur des correspondances et des familiarités avec l’homo sapiens. Il faut dire que c’est saisissant. Comment ne pas craquer devant cette lionne que son lionceau mordille à l’oreille, ce couple de chouettes en abandon alangui, ce bonobo pensif, ces babouins en veillée funèbre autour d’un bébé mort ? Cet album a une vertu : il rapproche des animaux – de tous les animaux – et éveille ou renforce chez nous la nécessité d’en assurer la survie. M. F. « Tendrement bêtes… », sélection par Benoît Nacci. Editions de la Martinière. Livre relié cartonné de 21 x 21 cm, 144 p., 120 photographies, 25 euros.

10 choses à faire pour protéger ma planète

Lui apprendre à respecter la nature et l’environnement : on ne s’y prendra jamais trop tôt avec l’enfant. Mais pour que la sensibilisation porte ses fruits, faut-il encore recourir à des idées simples, si possible par l’image, et amuser. C’est l’ambition de cet album. Conçu pour les tout petits, à partir de trois ans, il leur enseigne quelques pratiques écologiques élémentaires comme économiser la lumière, épargner l’eau, jeter les déchets dans la poubelle, éviter de gaspiller le papier, ne pas laisser les appareils en veille, recourir à la marche autant qu’il est possible, planter des graines pour « apprendre la nature », participer au tri sélectif, etc. Bref, le b – a – ba de l’écolo en herbe… M. F. « 10 choses à faire pour protéger ma planète » par Mélanie Walsh. Gallimard Jeunesse. Livre relié cartonné de 25 x 27 cm, avec fenêtres, rabattants et découpessurprises, 42 p., 12 euros.

• n° 97

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LU, VU, ENTENDU

Naturellement 97v7:naturellement_89


Naturellement 97v7:naturellement_89

28/10/08

19:00

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