times square
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imes Square n’a pas toujours été le carrefour illuminé, tape-à-l’œil et sûr qu’il est aujourd’hui. À la fin des années 1890, il s’appelait Longacre Square et était l’un des quartiers les plus infects de Manhattan. Il fut rebaptisé Times Square en 1904 par le maire de la ville, George McClellan, lorsque le New York Times y déménagea ses bureaux, offrant une nouvelle dimension à ces rues infestées par le crime. Lancé en 1851, le journal s’intitulait à l’origine le New York Daily Times et était vendu un penny, six jours par semaine. Il devint le New York Times six ans plus tard et inaugura, peu de temps après, son édition du dimanche. Le journal, dont le slogan promettait « toute l’actualité qu’il convient d’imprimer », était depuis longtemps déjà un bastion du journalisme objectif et mesuré. Il avait conduit la machine politique connue sous le nom de Tammany Hall à la chute et même révélé des secrets d’État avec la publication des « Pentagon Papers », lors de la très controversée guerre du Vietnam des années 1960 et 1970. Le New York Times faisait déjà figure d’institution lors de son arrivée à Longacre. Trois ans après cette installation, le propriétaire du journal, Adolph Ochs, instaura une tradition du Nouvel An encore perpétuée à ce jour : à minuit, la boule de cristal installée sur le toit de l’immeuble descend le long de son mât pour annoncer le début de la nouvelle année. Cette même
Time2: The Epiphany First Comics, Inc (1986) Howard Chaykin
année fut inaugurée la première ligne de métro de New York qui, passant par Times Square, rendit le quartier plus accessible aux autres habitants de la ville. À peu près à la même époque, les salles de cinémas commencent à se multiplier autour de cette zone résidentielle et commerciale, essentiellement sur Broadway, attirant les classes aisées de New York tout en embrassant l’essor de l’industrie cinématographique. Repaire du crime au XIXe siècle, Times Square était devenu le foyer du divertissement, le « Crossroads of the World » – le Carrefour du monde. Dans les années 1930, un jeune homme quitta son Brooklyn natal pour venir s’installer à Manhattan. Il s’appellait Gene Colan et avait pris l’habitude faire le pied de grue devant un cinéma qui programmait les films d’horreur des grands studios, tels les Dracula et Frankenstein d’Universal. « Il y avait un cinéma sur la 42e, qui faisait tourner en boucle la bande-son des films et la diffusait à plein tube dans la rue pour inciter les gens à entrer voir les images », se souvient-il. « J’avais l’habitude de rester planté là, à écouter le son pendant quelques minutes ». Ironiquement, Gene devint par la suite un grand dessinateur de comics d’horreur, dont on put observer le style fantasmagorique dans la série Tomb of Dracula, éditée par Marvel dans les années 1970. Les divertissements coûteux devinrent difficiles à maintenir avec la Grande Dépression qui frappa le pays dans les années 1930, et plusieurs cinémas durent mettre la clé sous la porte. Au cours des décennies suivantes, Times Square vit dans un premier temps son nombre de salles augmenter, lesquelles devinrent progressivement des cinémas pour adultes, des peepshows – puis on assista au retour des activités criminelles du siècle précédent dans tous les domaines, de la drogue à la prostitution. À partir les années 1990 Times Square se porta mieux, avec des boutiques destinées à attirer les touristes et une scène culturelle redynamisée. Les cinémas pour adultes ont pratiquement disparus du quartier, qui accueille désormais une foule
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great white alley
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