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Matis Leray, l’homme pressé

À seulement vingt-et-un ans, le Beaufortain sera, cet hiver, le seul Français à évoluer au sein d’une équipe professionnelle étrangère. Plus que jamais, le jeune homme se donne les moyens de progresser sur le circuit de la Visma Ski Classics dont il espère un jour devenir l’un des meilleurs coureurs.

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Quand Matis Leray s’est lassé du fond spécial, il a frappé à la porte du e-Liberty Ski Team avec qui il est resté un an. Cet hiver, c’est sous les couleurs du team italien Robinson Trentino qu’il va disputer les courses de la Visma Ski Classics.

Éloigné de ses coéquipiers en dehors des stages, le jeune homme s’entraîne seul, ou avec le team Nordic Panthers. « Je n’y vais jamais à reculons », assure-t-il. Lors du second confinement en France, il est parti dans le Valais suisse poursuivre sa préparation avec Thomas Joly et Paul Combey.

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Matis Leray ne perd jamais son temps. À vingtet-un ans, le fondeur donne l’impression d’avoir déjà vécu plusieurs vies. C’est que les journées du Savoyard sont bien remplies. Depuis des mois, il enchaîne les séances d’entraînement. La saison prochaine, il sera l’unique Français à évoluer dans une équipe professionnelle étrangère de la Visma Ski Classics, le circuit des courses longue distance. Les Jurassiens Roxane Lacroix et Alexis Jeannerod sont rentrés au bercail après leur escapade tchèque.

Matis Leray portera les couleurs du team italien Robinson Trentino où évoluent, entre autres, Justyna Kowalczyk et Alexander Panzhinskiy.

« Malgré son jeune âge, il veut tout de suite voir très grand, remarque Antoine Auger qui l’a bien connu l’an dernier au sein du e-Liberty Ski Team. Et il se donne les moyens de réussir. »

Ainsi, c’est lui qui, alors qu’il parle peu l’anglais et pas du tout la langue de Dante, a contacté le manager transalpin Bruno Debertolis pour lui proposer ses services. « Quand Matis m’a écrit, je ne savais pas qui il était, alors j’ai vérifié son classement et j’ai vu son résultat à la Dobbiaco-Cortina. Il avait réussi une course impressionnante pour un coureur né en 1999 qui a pris le départ avec les dossards 1200 du peloton des amateurs », raconte l’ancien compé-

titeur dont la carrière est riche de plus de soixante courses en coupe du monde. Et d’ajouter: « Il est passionné, vraiment déterminé à suivre ses objectifs et à réaliser ses rêves. C’est ce dont nous avons besoin. » Quitte, comme le note Antoine Auger à propos de son camarade, à « sauter les étapes. » « À dix mois, Matis marchait déjà. À même pas cinq ans, il nageait en apnée. Malgré son jeune âge, il veut tout de suite ‘‘Antoine Auger

Il a toujours été pressé drine, sa mère. », confirme San- voir très

grand.

No pain, no gain

« Enfant, j’étais hyperactif », lâche le skieur. Une situation que ses parents commerçants doivent rapidement intégrer. « Il fallait absolument canaliser Samuel Jaussaud parle d’une « période son énergie », se souvient la maman. formatrice », pour son protégé et aussi

À l’époque, son mari est boulanger-pâ- pour le coach qu’il était. « Avec son temtissier et les débuts d’après-midi, il fait pérament, il a fait des erreurs et j’en ai la sieste. Le calme est requis dans la commises aussi. Mais toutes sont mainmaisonnée. Le turbulent gamin fera tenant digérées », reconnaît-il. donc du sport. Il intègre le ski-club L’athlète est impulsif, laborieux, d’Arêches-Beaufort (73) qu’entraîne « quitte à trop en faire parfois. »

Raphaël Suchet. Puis il rejoint le comité « J’aime atteindre mes limites », de Savoie où il fait la connaissance de concède le jeune homme également

Samuel Jaussaud, qui deviendra son passionné de musique électro au point ami et « mentor. » de fréquenter les festivals spécialisés « C’est un jeune attachant, impul- avec les copains. No pain, no gain. Il ne sif », décrit l’ancien coach qui n’a pas compte pas ses heures. Ce qui ne suroublié cette période. Notamment le prend pas ses parents: « On a toujours passage de Matis Leray par le lycée de été commerçants, on a toujours beau-

Saint-Michel-de-Maurienne, un des coup travaillé, avec une grosse amplirares fondeurs au milieu d’une armée tude horaire. » de freestyleurs et autres skieurs alpins. Par la force des choses, leur fils ••• n°34 | nordicn°34 | nordic MAGAZINE MAGAZINE | 35| 35

Matis Leray a passé son brevet d’État d’entraîneur de ski de fond. Il travaille aussi pour l’École du Ski Français des Saisies. L’emploi du temps du jeune homme est bien rempli.

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Je suis autonome depuis ‘‘Matis Leray

toujours. J’aime bien garder la main, être acteur de ma performance.

est à bonne école et apprend à se débrouiller seul. Depuis déjà longtemps, il mène donc sa barque. « Je suis autonome depuis toujours. J’aime bien garder la main, être acteur de ma performance », assure-t-il. L’hiver dernier, en plus de disputer les courses populaires, il revêt la tenue rouge de l’ESF aux Saisies. Il passe aussi son brevet d’État d’entraîneur de ski de fond à l’École nationale de ski nordique de Prémanon. Pendant le confinement décrété pour combattre la pandémie de coronavirus, il travaille le matin comme livreur de produits frais et de surgelés quand d’autres deviennent accros aux séries de Netflix. Toujours pour financer sa saison, il part également en quête de sponsors qui acceptent de mettre la main au porte-monnaie, séduits par le nouveau projet du Beaufortain.

Une nouvelle page dans sa jeune carrière qui lui coûte de se séparer des copains et de jouer sa partition en solo, car si sa nouvelle maison est italienne, il n’a pas quitté la France pour autant. « Matis est quelqu’un de très jovial, mais il a un côté solitaire. Il a besoin de se concentrer sur lui-même », se rassure Sandrine Leray.

Fin juillet, le skieur part en Italie pour participer à un premier stage avec son nouveau team. À cause de la Covid-19, il se retrouve dans la situation du garçon qui va faire la connaissance de la jeune fille pour qui il a des sentiments mais avec qui il n’a parlé jusqu’ici que sur Snapchat et autres réseaux sociaux. « Je n’ai jamais été aussi bien accueilli. Ce voyage a effacé tous mes doutes. J’ai conscience que j’ai un peu de chance », raconte-t-il avant de dire du bien de son nouveau staff et de ses coéquipiers. Bruno Debertolis est pareillement enchanté. « C’est un bon gars, avant, pendant et après les entraînements, note-t-il. Pour le reste, il a vraiment faim de progresser. »

Confiance en lui

Matis Leray est ambitieux. « Il a extrêmement confiance en lui. Ce qui m’a impressionné chez lui, ce sont ses certitudes. Cela peut passer pour de l’arrogance. Mais je l’admire et je l’envie », confie Antoine Auger. « C’est davantage vrai maintenant qu’avant,

confirme Samuel Jaussaud. Il accepte mieux les échecs. »

Ce qu’il a perdu en impulsivité, il l’a gagné en maturité. « Il arrive à mieux cibler », poursuit le coach.

« Il a encore beaucoup de chemin à faire pour devenir un skieur de haut niveau, mais je crois qu’avec beaucoup de travail, d’humilité et en acceptant les défaites, il peut atteindre son but. Mais je n’oublie pas qu’il n’a que vingt-et-un ans », assure Bruno Debertolis qui entend faire du team Robinson Trentino la deuxième famille du francese.

« Je veux rester avec eux quelques années », annonce Matis Leray qui n’a pas peur des difficultés qui l’attendent. C’est parce qu’il a pour lui la plus grande des motivations. Quand on lui demande pourquoi il mène la vie qu’il s’est choisie, il répond d’abord: « Le sport, c’est ma vie. Je ne me vois pas arrêter. J’ai le projet de devenir entraîneur. Plus tard, je me mettrai aussi au trail. » Ce qu’il a déjà fait, soit dit en passant. En août, il a ainsi passé dix-sept heures d’affilée sur les sentiers de l’Échappée Belle, en Belledonne. Il parle également du plaisir de la glisse, des paysages montagneux qu’il recherche sans être contemplatif pour autant...

Mais insistez un peu et le jeune homme blond aux yeux bleus vous révélera ce qu’il a vraiment au fond de lui. Sa réponse semblera évidente et tout à la fois infiniment déconcertante: « Je veux être heureux. » Parce que, dit-il, « de l’épanouissement jaillira la performance. » n

Fin juillet, le Français a fait connaissance avec ses nouveaux coéquipiers en Italie.

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