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Frida Karlsson. Entretien

nPlanète nordique

FRIDA KARLSSON

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Quand j’ai rattrapé

Therese Johaug, j’avais un avantage psychologique sur elle.

Je me sentais ‘‘ A ux Mondiaux de Seefeld, en 2019, Frida Karlsson avait déjà impressionné son monde en remportant trois médailles. Mais le 7 mars 2020, c’est une autre course qui l’a fait entrer dans la cour des grandes: le 30 km d’Oslo. Ce samedi-là, le duel Karlsson/Johaug, gienne vainqueure, tant elle domine le circuit. Mais c’est sans compter sur un changement de ski qui fera basculer la course dans un suspense haletant. Karlsson s’enfuit alors du peloton avec sa compatriote Ebba Andersson et toutes deux s’engagent dans une palpitante chasse à l’homme – ou à la Johaug. En moins de dix kilomètres, imbattable. C’est la Suédoise qui, à vingt ans, remporte le plus gros succès de sa carrière au sprint devant celle qui mène les débats de son sport. Cet hiver, Karlsson pourrait bien renouveler l’exploit et déboulonner définitivement la statue de l’impératrice. C’est en tout cas ce que beaucoup prédisent. tant attendu par tous les fans de ski de l’écart diminue entre la leader et Karls- NORDIC MAGAZINE. On vous fond, a lieu. Au terme d’un scénario ro- son, finalement partie seule derrière. connaît très peu en France. Qui cambolesque. Comme à son habitude, Dans l’ultime bosse, le mano a mano est Frida Karlsson? Therese Johaug s’échappe en solitaire. s’installe entre les deux tigresses. Le Frida Karlsson. Je suis une fille de Tout le monde pense déjà la Norvé- destin, ou le talent, choisit sa lauréate. vingt ans qui vit dans une petite ••• n°34 | nordic MAGAZINE | 63

b MODICA/NORDIC FOCUS

Je ne vais pas me concentrer sur Therese. ‘‘Frida Karlsson

Je vais déjà penser à moi.

ville appelée Sollefteå, située au nord de la Suède. Je suis quelqu’un d’heureux et d’énergique… et j’adore la compétition! [sourire]

Aux Mondiaux de Seefeld en 2019 [N.D.L.R., elle y a remporté trois médailles: l’or du relais, l’argent de l’individuel et le bronze de la mass-start], vous êtes sortie du bois. Comment avez-vous vécu cet incroyable moment?

Déjà, je suis allée à Seefeld en étant très contente d’être sélectionnée dans l’équipe suédoise. Je n’avais aucune attente particulière. C’est dire si ce qu’il m’est arrivé pendant les championnats du monde a été surréaliste. Jamais je n’aurais pu rêver vivre cela.

Lors du relais justement, la Suède a réussi à battre l’ennemi norvégien. Etait-ce important de vivre cette heure de gloire aux côtés de Stina Nilsson, Ebba Andersson et Charlotte Kalla?

Si notre esprit d’équipe était immense ce jour-là, c’est parce que toute la Suède était derrière nous. Nous pensions en outre que nous en étions capables et que nous pourrions écrire l’Histoire du ski suédois.

Cette réussite était collective. Selon vous, y a-t-il tout de même une place pour l’amitié dans le sport de très haut niveau?

Nous sommes loin de chez nous pendant de longs mois, notamment pour les stages et les compétitions. L’équipe, c’est notre deuxième famille. Il est très important de s’y sentir à l’aise et de prendre du plaisir à vivre avec les autres. Dans l’équipe de Suède, lors des

À Seefeld, pour sa première participation à des championnats du monde, la Suédoise décroche en 2019 trois médailles : l’argent sur le 10 km, l’or sur le relais et le bronze sur le 30 kilomètres.

b MODICA/NORDIC FOCUS

entraînements, nous sommes concentrées sur nos objectifs. Tout le reste du temps, nous sommes amies.

Quel a été votre chemin pour arriver là où vous en êtes aujourd’hui?

Quand j’étais plus jeune, j’ai pratiqué plusieurs sports: le football, le handball, la danse, l’athlétisme et bien sûr le ski. Cela m’a rendu plus forte car j’ai dû relever de nombreux défis.

Dans le ski, plusieurs chemins conduisent à la réussite. J’ai toujours été motivée à l’idée de m’améliorer, j’aime voir jusqu’où mon corps peut aller. Comme je vous l’ai dit, j’adore la compétition, mais ce qui est encore plus satisfaisant, c’est comment on parvient à être performant.

À ce propos, qui vous a guidé au début de votre carrière?

Ma mère m’a initiée au ski de fond et m’a fait partager son amour pour le sport. Ensemble, nous avons passé de nombreuses heures sur les pistes. En tant qu’ancienne skieuse, elle savait que la motivation devait venir de moi… et de moi seule. C’est pour cette raison qu’elle ne m’a jamais forcée. Lorsqu’elle était ma coach, l’accent a toujours été mis sur le plaisir.

Vous incarnez, avec Ebba Andersson et Linn Svahn, la nouvelle génération du ski de fond féminin suédois. Vous voilà avec une lourde responsabilité?

Nous formons vraiment une très bonne équipe où chacune travaille pour le collectif. Le but est de progresser ensemble. Et nous pouvons aussi compter sur Charlotte Kalla [N.D.L.R., qui, à 32 ans, a rempilé pour au moins une année] qui possède une immense expérience. Elle la partage avec le reste de l’équipe.

Comment avez-vous réagi en apprenant la décision de votre coéquipière Stina Nilsson de quitter le ski de fond pour rejoindre le biathlon?

C’est une perte pour notre équipe, mais son départ en est une plus importante encore pour le ski de fond. Stina me manquera en tant que personne et coéquipière, mais je lui souhaite bonne chance.

Le ski de fond ne fait-il donc plus rêver?

Je ne pratique pas le ski de fond pour la célébrité, ni pour l’argent. C’est mon sport de cœur. Mon but, c’est de devenir la meilleure fondeuse possible. ••• n°34 | nordic MAGAZINE | 65

La jeune femme est déjà une star en Suède. Beaucoup lui prédisent un bel avenir.

b GEPA-PICTURES/ WSC SEEFELD 2019

Même si je suis heureuse que le biathlon se développe, je souhaite vraiment que le ski de fond s’ouvre et que ses compétitions ne se limitent pas à seulement une poignée de pays.

Comme la Norvégienne Ingvild Flugstad Oestberg, votre début d’hiver 2019/2020 a été amputé à cause d’un mauvais bilan de santé. Cela a-t-il été un moment compliqué à gérer?

Je suis une personne qui en a toujours fait beaucoup. Malheureusement, au début de l’hiver dernier, la coupe était trop pleine, elle a débordé. J’ai été obligée de prendre du recul si je voulais me reconstruire physiquement afin de

‘‘Frida Karlsson Les Jeux olympiques de Pékin figurent dans

mes rêves depuis de nombreuses années.

revenir plus forte encore. C’était en effet une période très difficile. Aujourd’hui, je me dis que j’ai beaucoup appris et que je connais mieux mon corps. Et l’équipe qui m’entoure a été incroyable.

Vous avez remporté votre première coupe du monde à Holmenkollen en battant au sprint Therese Johaug lors du 30 kilomètres classique. Qu’avez-vous ressenti sur le moment?

Après un hiver difficile comme celui-là, gagner à Holmenkollen a été un moment très fort. Cela m’a permis de prouver, d’abord à moi-même mais aussi à tout le monde, que ce qu’il s’est passé à Seefeld, n’était pas un one shot. Ce 30 km, c’est la plus belle course de ma carrière jusqu’à présent, celle lors de laquelle j’ai le mieux skié.

Justement, à environ dix kilomètres de l’arrivée, vous étiez à plus d’une minute de Therese Johaug. D’autres auraient renoncé, non?

Je ne pensais pas à Therese à ce moment-là. Comme je me sentais forte, j’ai continué à me donner à fond. Au fur et à mesure que nous nous rapprochions d’elle avec Ebba [Andersson], l’adrénaline est montée dans mes veines et je suis passée en mode combat. Je ne me sentais pas fatiguée. Mon seul objectif était de franchir la ligne d’arrivée. Quand je l’ai rattrapée, j’avais un avantage psychologique sur elle. Je me sentais imbattable.

Le duel Frida Karlsson/Therese Johaug sera-t-il à l’affiche des années à venir?

Je ne vais pas me concentrer sur Therese, je vais déjà penser à moi. C’est la seule personne sur laquelle j’ai du pouvoir. Bien sûr, Therese reste la fille à battre et je n’arrêterai pas de la prendre en chasse.

À seulement vingt-et-un ans, vous avez déjà trois médailles mondiales. C’est quoi la suite pour vous?

Je veux vraiment découvrir jusqu’où je peux être une excellente fondeuse. Au niveau des compétitions, les Jeux olympiques de Pékin en 2022 figurent dans mes rêves depuis de nombreuses années, et c’est ce que je vise en priorité. n

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