Jeudi 9 août 2018 - N° 2267 - Hebdomadaire - 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX Prix : 0,80 euro
70 ans de lutte du peuple palestinien
70 ANS DE LUTTE DU P CINÉMA
LEÏLA SHAHID
Boycott et solidarité
« On ne s’est pas battus 70 ans pour des bantoustans ! »
Cette année, neuf artistes et cinéastes ont soutenu l’appel palestinien à boycotter le Festival international de films LGBT de Tel-Aviv.
P.B. À quel moment, selon toi, on s’est éloigné de la perspective de paix ? La décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, n’est pas le tournant…
Deux projections de la comédie des réalisateurs français Océan Michel et Cyprien Vial, « Embrasse-moi ! », étaient programmées. Océan Michel, réalisateur français qui fait aussi ses débuts d’acteur dans ce film a déclaré : « en solidarité envers le peuple palestinien et pour affirmer mon désaccord total avec la politique d’Israël envers la Palestine, (…) je me dois de refuser que mon film soit projeté au festival de Tel Aviv. J’en suis sincèrement désolé pour le public du festival, (…) car je sais bien que les civils sont tout aussi victimes de la politique de leur gouvernement. Je fais une absolue distinction entre les citoyens israéliens et ceux qui les gouvernent, mais les violences faites aux palestiniens, y compris les LGBT, par l’armée et l’État m’obligent à affirmer mon impossibilité à m’inscrire dans cette programmation à ce jour. » De même, le réalisateur espagnol Dany Campos a annoncé qu’il retire son court-métrage « Flaw ». La cinéaste Fabia Castro a annoncé qu’elle soutenait le boycott culturel d’Israël et qu’elle retirait son court-métrage : « Après m’être informée de la situation très grave d’oppression subie par la population palestinienne, victime d’un régime de colonialisme et d’apartheid, je refuse que mon art soit utilisé pour blanchir l’image d’Israël… Je rejette les tentatives d’Israël d’utiliser les droits et les luttes des personnes LGBTQ+ pour normaliser son image… ». GAZA
Hommage à cette « magnifique » jeunesse sacrifiée
Dans un entretien donné à l’Humanité, le 22 mai dernier, Leïla Shahid avait aussi réagi au massacre perpétré par Israël contre les manifestants de Gaza : 62 Palestiniens tués en 24 heures, le 14 mai. « Ils sont en train de commettre des crimes de guerre pour lesquels ils devront rendre des comptes devant la Cour pénale internationale (CPI) », déclarait-elle, constatant « un changement fondamental dans les opinions publiques
mondiales, y compris en Israël », provoqué par ces massacres. Mais surtout, la diplomate-militante rendait hommage à « ces magnifiques jeunes de Gaza, dont le plus vieux a 30 ans, qui n’ont rien demandé à personne ; ni au Hamas, ni au Fatah, ni aux Arabes, ni aux Américains, ni aux Européens. Ils ont secoué la conscience du monde en se sacrifiant parce que c’est leur seule arme ».
BDS
Annulation d’un match Argentine-Israël Le mardi 5 juin, l’équipe nationale argentine de football a annulé le match « amical » contre Israël prévu pour le samedi, après des mois d’une campagne BDS lancée en Argentine. En réponse à la criminelle politique israélienne du « tirer-pour-tuer-oumutiler » contre des manifestants palestiniens pacifiques à Gaza, supporters de football et militants des droits humains palestiniens ont pressé l’équipe argentine et la superstar du football Lionel Messi 2 • Les Nouvelles 9 août 2018
d’annuler le match, qui devait avoir lieu dans un stade israélien bâti à alMaliha, un village palestinien ayant subi un nettoyage ethnique. Le footballeur palestinien Mohammad Khalil a reçu d’un sniper israélien un tir dans les deux jambes alors qu’il manifestait pacifiquement à Gaza. Des milliers de personnes ont soutenu Khalil en signant une pétition adressée à Messi et à l’Argentine. Les syndicats argentins et les Mères de la place de mai se sont joints à l’appel.
Ahed Tamimi, 17 ans, figure de cette jeunesse palestinienne qui ne renonce pas au combat pour la dignité et le droit de vivre en paix.
Ancienne diplomate de la Palestine, en France puis en Europe, Leïla Shahid a été la voix de la Palestine pendant de longues années dans notre pays. Une voix sage et déterminée, combattante pour la paix. Retirée depuis 2015, elle s’est entretenue en mars dernier, avec le fondateur et directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Pascal Boniface (1). Un entretien sans concession mais dans lequel Leïla Shahid trace encore les voies de l’espérance pour une solution pacifique en Israël et Palestine.
Pascal Boniface. Quelles sont aujourd’hui les perspectives du côté palestinien ? On a quand même l’impression que la paix s’éloigne de plus en plus, voire même que la solution dite de deux États devient de plus en plus difficile à être réalisable. Leïla Shahid. Je mesure mes mots parce que je veux être honnête dans ma réponse. Je dirai que c’est beaucoup plus grave que « il n’y a plus de processus de paix ». Pour moi, il est mort il y a déjà plusieurs années. Mais aujourd’hui, ce que nous vivons, c’est une deuxième Nakba ; la Nakba étant ce qu’il s’est passé il y a 70 ans, c’est-à-dire la disparition de la Palestine, la dépossession de la terre et l’expulsion de 90 % de la population qui était à l’époque 750 000 palestiniens, musulmans ou chrétiens, riches et pauvres, qu’on a mis à la porte et qui sont les 6 millions de réfugiés aujourd’hui. Nakba en arabe signifiant catastrophe. C’est le traumatisme principal, c’est le cœur du problème. C’est eux qui sont aujourd’hui la majorité de la population palestinienne mais ils sont tous en exil et la majorité est dans des camps de réfugiés. Et lorsque je dis que c’est une deuxième Nakba, c’est grave parce que, tu m’aurais interrogé il y a 15 ans, on avait déjà fait 10 ans de processus d’Oslo, j’avais encore l’espoir qu’on ai face à nous des interlocuteurs
israéliens, des alliés dans les pays arabes, une Union européenne qui souhaitait être une puissance qui équilibre un peu le parti pris américain… Mais aujourd’hui, on est dans une situation telle que la population palestinienne a le sentiment qu’elle est abandonnée par tout le monde. À commencer par un certain nombre de pays arabes qui considèrent qu’aujourd’hui, la menace qui les inquiète, les pousse à s’armer et peut-être même à faire la guerre, ce n’est plus la menace israélienne mais la soi-disant menace iranienne. On a vu ce qu’ils ont fait au Yémen où ils ont détruit un pays. Et on voit les conséquences de la politique américaine dans la région, c’està-dire le démantèlement de pays sur des bases confessionnelles ou ethniques : l’Irak ou la Syrie sont aujourd’hui dans des guerres qui ne sont pas des guerres civiles mais des guerres de division issues de la stupidité américaine d’avoir voulu intervenir militairement. C’est cela qui a produit les mouvements les plus terribles de djihadistes terroristes assassins que sont Daesh et les autres… Il y a donc un affrontement de deux courants dans cette région, avec l’Iran et la Turquie qui ne sont ni arabes ni israéliens, qui compliquent encore beaucoup plus la situation régionale. Et enfin, vous avez une Union européenne qui est totalement inexistante sur le plan de la politique étrangère, qui s’emmêle dans des questions aussi élémentaires que le droit des citoyens à circuler ; qui est émue parce que quelques milliers de réfugiés arrivent sur ses rivages ; et qui n’a pas de vision de l’avenir, de ce qu’elle représente. C’est vrai que le terrorisme s’est répandu en Europe : Paris, Madrid, Bruxelles,… L’Union européenne a l’impression d‘avoir besoin de forces militaires, sécuritaires, de renseignements généraux et, bien sûr, Israël est très bien équipé. Mais Israël a créée le terrorisme, elle ne le combat pas ! La politique d’Israël alimente le terrorisme.
L.S. Non, bien sûr, je pense que ça commence beaucoup plus tôt. Ça commence avec l’émergence des forces islamistes, terroristes, djihadistes. On pourrait même dire que cela commence avec les attentats contre les deux tours le 11 septembre 2001. Parce que c’est l’internationalisation du terrorisme islamiste. Et, sur la scène internationale, à part Jacques Chirac, qui a réalisé que l’attaque américaine contre l’Irak était criminelle ? Qui a eu le courage de dire qu’il n’y avait aucune justification ? M. Bush déclenche la guerre en Irak et Colin Powell le malheureux doit se présenter trois mois après devant les Nations unies et dire : « on s’est trompés, il n’y avait pas d’armes de destruction massive ». Mais entretemps, le mal était fait : on avait mis à bas un régime qui n’avait rien à faire ni avec Al Qaïda ni avec les islamistes mais qui contenait un peu les ambitions iraniennes. On a créé au sein de la société irakienne une division ethnique, entre Kurdes et Arabes et entre Sunnites et Chiites. Et Daech vient principalement de là : beaucoup de ses dirigeants sont des anciens de l’armée de Saddam Hussein. En majorité, les pilotes étaient saoudiens, c’est-à-dire le plus grand allié américain de la région. L’Europe n’a pas voulu regarder et on en paye aujourd’hui le prix fort.
P.B. Donc le tournant serait le moment où Ariel Sharon a dit : nous avons notre Ben Laden, il s’appelle Yasser Arafat ? L.S. Tout à fait. Et c’était assez intelligent de sa part. C’était tel-
PEUPLE PALESTINIEN lement brutal, ce qui s’est passé (le 11 septembre 2001 – NDLR)… Personne ne l’a vu arriver. Alors que ce sont bien les américains qui ont formé Ben Laden et que ce sont les saoudiens qui l’ont armé pour qu’il aille faire la guerre au régime communiste de Kaboul. Mais pour les opinions publiques, le choc était brutal. Donc quelque chose a profondément changé sur les priorités en matière de paix et de guerre dans le monde. Et c’est normal que les citoyens des pays où il y a des attentats se disent : sauvons notre peau, avant d’aller s’occuper des palestiniens ; comment protèget-on les citoyens à Paris, Madrid ou Londres et comment combattre une puissance non étatique, des « fantômes » dont on ne savait pas ni combien ils étaient ni comment ils étaient organisés ? Évidemment, tout est lié. Je prends souvent une image : nous sommes tous autour de la Méditerranée ; si vous jetez une pierre au milieu de la mer, elle va faire des sillons. Si ces sillons sont positifs, un projet de vivre ensemble, de connaissance de l’autre, de co-développement… c’est positif pour tout le monde. Mais si vous déclarez des guerres autour de la Méditerranée, vous ne pouvez pas attendre que les zones autour du centre – et Israël et la Palestine sont au centre de la Méditerranée – vivent autre chose que des violences. Et cela va de mal en pis et on a l’impression que les États et les gouvernements le comprennent de moins en moins. Il faut cependant rendre hommage aux opinions publiques, parce que je trouve qu’elles ont évolué magnifiquement et qu’il y a de plus en plus de connaissance et d‘intérêt. Les gens n’ont pas envie de vivre dans un ghetto européen ; ils considèrent que le Sud de la Méditerranée, c’est le Sud de l’Europe aussi. Je pense donc que le problème réside dans les structures institutionnelles, en particulier les multilatérales : l’UE, les Nations unies. Elles sont incapables de voir à long terme, que ce n’est pas pour des questions morales ou par amour pour les palestiniens qu’il faut que cesse l’occupation militaire qui dure depuis 50 ans et la dépossession des terres qui dure depuis 70 ans.
P.B. Sur le plan diplomatique, par rapport à l’époque où tu étais ambassadrice en France puis en Europe, tu n’as pas l’impression d’un recul général des Palestiniens ? Et donc, estce que la solution passe par les opinions publiques ? L.S. J’ai pris ma retraite il y a trois ans ; j’ai travaillé pendant 25 ans pour défendre une diplomatie palestinienne à laquelle je croyais. Si j’ai pris ma retraite, c’est parce que j’ai eu le sentiment que cela n’avait plus aucun sens, qu’il n’y avait plus de diplomatie, ni palestinienne, ni arabe, ni européenne, ni internationale. Il y a malheureusement une imposture : on a utilisé le processus de paix comme couverture pour plus de colonisation, plus de destructions, plus d’emprisonnements, plus de pillage des ressources de la terre et en particulier l’eau. Avec tout cela, le mur et la colonisation accélérée, il n’y a plus de place pour un État palestinien ; il n’y a que des bantoustans. Et nous, on ne s’est pas battus 70 ans pour des bantoustans ! Sur tous les sujets, le gouvernement israélien veut faire de nous leurs serviteurs. Et comme rien aujourd’hui ne protège les palestiniens, je ne suis pas sûr que nous allons pouvoir lutter. La seule chose qui me donne de l’espoir, c’est la vitalité de ce peuple. Et sa lucidité. Evidemment, ils sont lucides puisqu’à l’âge de 10 ans, on les enferme, on les bat, on leur tire dessus ! Vous avez vu la force de la jeune Ahed Tamimi (emprisonnée pour avoir « bousculé et provoqué » des soldats israéliens – NDLR) ; elle n’a plus peur. C’est l’occupation qui a détruit la peur. Toute cette génération de Palestiniens, qui est née bien après 1967, après Oslo, qui a cru à un moment donné à la paix ; elle n’a plus peur de rien parce qu’elle n’a rien à perdre. Donc, elle ne se laissera pas faire.
P.B. Mais est-ce que Israël ne joue pas quand même sur la lassitude ? Est-ce que, à force, les Palestiniens ne se diront pas : il n’y a pas d’autre solution que de se soumettre ou de partir ? L.S. Malheureusement, certains partent. Souvent, ceux qui ont les moyens de partir : l’élite, la classe moyenne, ceux qui ont les moyens d’avoir un passeport, un visa et un métier. Ils n’oublient pas la Palestine mais pensent qu’aujourd’hui il n’y a pas beaucoup d’espoir pour eux. Mais la majeure partie des réfugiés qui sont dans les camps, la majeure partie des palestiniens, sont paysans, ouvriers, des étudiants,… Ceux là, non seulement ils ne partent pas mais lorsqu’on détruit leur maison, ils se réinstallent sur les ruines de la maison. Regardez Jérusalem, cette ville est plus vivante que jamais, elle a fait reculer deux fois M. Netanyahou. La première fois lorsqu’il a voulu
installer un portique pour « filtrer » les fidèles de la Grande Mosquée. Ils ont refusé. Chrétiens et musulmans se sont mis à prier dans la rue et la police a dit à Netanyahou : « on ne peut plus tenir la ville » et ils ont bien dû enlever ces portiques et laisser les Palestiniens aller prier à la Mosquée ou au Saint-Sépulcre. La deuxième fois, c’est lorsqu’après la reconnaissance par Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël, ils ont voulu appliquer des impôts sur tous les biens chrétiens de toutes les églises. Les Palestiniens ont une fois encore fait la grève et il a une fois encore reculé. Donc, il y a encore de la vitalité, de la résistance. Mais il y a réellement un échec au niveau de la représentation. Mahmoud Abbas est un homme très honnête, qui a le courage de ses idées : il était l’artisan d’Oslo et, contrairement à Arafat, il était contre l’action militaire. Mais regardez aujourd’hui, lorsqu’il parle à la télévision, on voit combien il est amer, déçu ! Il sent qu’il a tout fait, avec les Israéliens, les Européens, les Américains, et qu’a-t-il en retour ? Il y a surtout une responsabilité internationale énorme : nous sommes un peuple sans arme, sans souveraineté, sans territoire et… sans pétrole ! Lorsque le Koweït a été occupé et il a fallu 5 jours pour déclarer une guerre internationale… Mais nous, on n’a rien ! Regardez
aussi la Crimée ; Poutine a eu des sanctions terribles parce qu’il a annexé la Crimée. Les Israéliens ont annexé Jérusalem, la capitale de toutes les religions du monde en 1980… Pas une sanction sur Israël ! Il y a là quelque chose de totalement anormal et qui n’arrange pas non plus le peuple israélien parce que je pense qu’ils ont envie de vivre en paix. Ils n’ont pas envie de vivre encore 70 ans de guerre.
P.B. En même temps, le camp de la paix est quand même nettement moins fort aujourd’hui en Israël… L.S. Il a disparu. Mais c’est intéressant parce que l’histoire n’est jamais statique. Israël de 1948 était une Israël de pionniers, en majorité laïcs. Ben Gourion n’a rien à faire avec Netanyahou qui n’a rien à faire avec Menahem Begin. Mais la constitution de la société israélienne a beaucoup changé en 70 ans. Ceux qui siègent aujourd’hui à la Knesset sont des nationalistes, religieux, intégristes, racistes et fiers de l’être ! Les trois-quarts d’entre eux habitent d’ailleurs dans des colonies et ils disent très ouvertement, comme leur ministre de la Défense : « il faudrait renvoyer tous ces Palestiniens dans les pays arabes parce qu’on veut un État uniquement juif ». Si
quelqu’un avait dit cela il y a 70 ans, Ben Gourion lui aurait répondu ! Parce que lui n’a pas mis à la porte ceux qui étaient restés, il leur a donné la nationalité israélienne. Ils sont aujourd’hui 21 % de la population israélienne. Mais Israël a changé parce qu’il y a eu toute l’immigration venue de l’Union soviétique, parce que les religieux vont maintenant à l’armée et que ce sont eux qui mènent le gouvernement : regardez sa composition ! Ce n’est plus le même pays. Mais il y a une théorie développée par certains héritiers des mandataires anglais en Palestine : pour qu’une solution voit le jour, il faut qu’au même moment, les conditions soient objectivement présentes chez les Palestiniens, chez les Israéliens, chez les Arabes, chez les Européens et chez les Américains. Parce que c’est un conflit qui est profondément ancré dans l’histoire de l’Europe, avec le génocide ; dans l’histoire de la colonisation avec la Palestine. Il a donc besoin d’être pris en charge par une communauté internationale. Propos retranscris par Vincent Bordas Mercredi 16 mai 2018 l’Humanité
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« Palestine : y a-t-il encore un espoir de paix ? Tenir l’affiche Entretien avec Leïla Shahid », www.iris-france.org Pour une imagerie au service des luttes Cinquante ans après Mai 68, l’Humanité a proposé aux graphistes de renouer avec l’esprit et l’élan collectif des Ateliers populaires. D’ici ou d’ailleurs, ils sont des dizaines à répondre à l’appel. Cette série, publiée chaque jour sur une page dans le quotidien et utilisable en manif, est rassemblée sur notre site www.humanite.fr
un mundo Feliz Libérez Ahed Tamimi, liberté pour les prisonniers palestiniens, espagne Composé de Sonia Díaz et Gabriel Martínez, ce collectif espagnol crée des images à la fois simples et percutantes, diffusées dans la rue et sur le Web. Réalisé il y a quelques semaines et envoyé spécialement à l’Humanité, ce visuel salue la figure d’Ahed Tamimi, adolescente de 17 ans emprisonnée depuis décembre 2017.
Les Nouvelles 9 août 2018 • 3
70 ANS DE LUTTE DU PEUPLE PALESTINIEN ENTREPRISES
DROITS DE L’HOMME
Compromissions contre la légalité internationale !
L’ONU dénonce la détention de Salah Hamouri
Plusieurs organisations (Association France Palestine Solidarité, CFDT, CGT, FIDH, Al-Haq, LDH, Solidaires, Plateforme des ONG pour la Palestine) dénoncent la participation de trois entreprises françaises, Egis et Systra, deux filiales d’établissements publics (SNCF et RATP ; Caisse des dépôts et consignation), et Alstom, dans la construction du tramway de la ville de Jérusalem. Les deux premières sont des sociétés d’ingénierie qui participent activement aux études de ces nouvelles lignes et à la coordination des différents acteurs chargés de leur mise en œuvre. Quant à Alstom, il s’agit déjà d’un acteur majeur de la première phase de construction du tramway, et qui a répondu aux appels d’offres de la seconde. Ce rapport est intéressant à plus d’un titre. D’abord, il montre que, au-delà de ses déclarations, le gouvernement français n’agit pas réellement pour mettre en échec la colonisation israélienne alors qu’il en a les moyens. La résolution 2334 du 23 décembre 2016 du Conseil de Sécurité de l’ONU « demande à tous les États (…) de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ». Maryse Artiguelong, vice-présidente de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et de la FIDH, fait d’ailleurs remarquer que « cette implication de deux filiales d’entreprises publiques et d’Alstom paraît d’autant plus scandaleuse que ces entreprises sont soumises à la loi sur le devoir de vigilance et ont
pris des engagements pour le respect des droits de l’ homme, en signant le Pacte mondial des Nations unies ». Ces textes ne sont pas facultatifs mais les engagent à ne pas se rendre complices de violations flagrantes du droit international ! Le gouvernement français masque ses responsabilités
Bertrand Heilbronn, président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), a ainsi commenté l’enquête : « Comment comprendre l’inaction du gouvernement devant la participation d’acteurs publics à la colonisation israélienne – totalement illégale – qu’il dénonce par ailleurs de façon récurrente ? Il est temps de passer de la parole aux actes. » Il s’agit bien d’actes politiques (…). « Par leur participation à la construction du réseau de tramways qui relie Jérusalem-Ouest aux colonies israéliennes implantées dans JérusalemEst, palestinienne, les sociétés visées et leurs actionnaires publics contribuent directement à la perpétuation et au développement de la politique de colonisation israélienne, en dépit du droit international », notent les organisations à l’origine du rapport. Avec Pierre Barbancey et l’HQ du 14 juin 2018
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4 • Les Nouvelles 9 août 2018
Dans un rapport publié fin mai, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies estime que Salah Hamouri doit être libéré immédiatement. Depuis le 27 août 2017, l’avocat franco-palestinien est en détention, simple, au départ (il a été arrêté en toute illégalité à son domicile de Jérusalem-Est, occupée par Israël depuis 1967), transformée ensuite en détention administrative. Le dossier est secret et même les défenseurs de Salah Hamouri n’en connaissent pas le contenu ! Tous les recours, y compris devant la Haute Cour de justice d’Israël, ont été rejetés. Le 5 janvier 2018, un groupe de travail de l’ONU s’est adressé au gouvernement israélien en posant plusieurs questions sur le cas de Salah Hamouri. Il n’a obtenu aucune réponse. Au regard du droit international, la privation de liberté est considérée comme arbitraire lorsque celle-ci est le résultat de « l’exercice des droits et libertés garanties par plusieurs articles de la Déclaration universelle des droits de l’ homme » ou lorsqu’il est « clairement impossible de justifier une base légale ». Le groupe de travail de l’ONU relève par ailleurs que, selon ses sources, Salah Hamouri a rencontré beaucoup de difficultés pour avoir accès à une assistance juridique légale et que « les autorités israéliennes n’ont pas permis au représentant du Consulat de France de rencontrer Salah Hamouri lorsque celui-ci était avec son avocat ». Ce n’est que deux mois après sa mise en détention que le prisonnier franco-palestinien a pu recevoir la visite de sa famille soit le 18 octobre 2017. Mais pas son épouse, Elsa, qui est interdite d’entrée sur le territoire israélien et donc non plus son fils, qui vient d’avoir 2 ans et réclame son père. Ces visites n’ont lieu qu’une fois par mois pour une
durée de quarante-cinq minutes, « dans des conditions très restrictives ». Salah Hamouri ne peut voir sa famille qu’au travers d’une vitre et la communication se fait avec un téléphone. « De plus, note le groupe de travail, les salles de visites sont bondées (avec plus de détenus par salle), les téléphones sont sur écoute et ne permettent aucune confidentialité ». La prison de Naqab, où il a été placé au vingtième jour de sa détention, est située dans le désert (extrêmement chaud l’été, glacial l’hiver), à trois heures de route de Jérusalem-Est où vivent ses parents. Les sources contactées ont permis aux membres du groupe de travail de considérer que Salah Hamouri « a été interrogé dans des conditions inhumaines, placé à l’isolement dans une pièce qui ne remplissait pas les conditions de vie humaines minimales ». Tout semble bon pour tenter de briser physiquement et psychologiquement les prisonniers. Salah Hamouri, qui était également en master lors de son arrestation, n’est pas autorisé à poursuivre ses études. Fidèle à ses habitudes et à sa morgue, le gouvernement israélien n’a pas daigné répondre au groupe de travail du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui demandait si des circonstances exceptionnelles – et donc lesquelles – nécessitaient l’incarcération de Salah Hamouri. Dans ces conditions et puisque aucune preuve n’est fournie par Israël, la détention s’avère effectivement arbitraire, ce qui contrevient à la Convention internationale des droits politiques et civiques dans ses articles 9 et 26, dont Israël est pourtant signataire, ainsi que de la Déclaration universelle des droits de l’homme, articles 3, 8 et 9. Le groupe travail estime donc que Salah Hamouri doit être libéré immédiatement, qu’il convient de lui accorder le droit exécutable de compensations et de réparations,
en accord avec les lois internationales, et il appelle le gouvernement israélien à prendre toutes les mesures contre les responsables de la privation de liberté de l’avocat francopalestinien. Ces observations montrent cependant que Tel-Aviv bafoue les droits de l’homme en plaçant en détention administrative des centaines de personnes, méprise les institutions internationales en refusant de répondre aux questions posées par un organisme de l’ONU. Le 22 mai, le tribunal de Jérusalem a confirmé la détention administrative de Salah Hamouri jusqu’au 30 juin. Le procureur et les services secrets ont, par ailleurs, évoqué la possibilité de prolonger la détention après cette date. Fait avec Pierre Barbancey et l’HQ du 28/05/2018
BDS
Nathalie Portman refuse de soutenir Benyamin Nétanyahou Le 28 juin, l’actrice de 36 ans née à Jérusalem, devait recevoir « le « Nobel juif » remis par la Génésis Prize Foundation, prix qui valorise le travail et le dévouement d’une personnalité envers la communauté et les valeurs juives. Le 20 avril, elle a annoncé sa décision d’annuler sa visite en Israël car elle souhaite « ne pas être associée au premier ministre israélien ». La fondation organisatrice a donc été amenée à annuler la cérémonie.