Nouvelles N° 2286

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Jeudi 20 décembre 2018 - N° 2286 - Hebdomadaire - 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX - Prix : 0,80 euro

MOUVEMENT SOCIAL

« Jaunes ou rouges, des gilets de lutte et d’espoir »

TER NOUVELLE AQUITAINE

FERMETURE DU SITE DE BLANQUEFORT

CONSEIL NATIONAL DU PCF

Une convention d’austérité

Ford doit rendre l’argent public

Pleinement avec les Français mobilisés

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ACTUALITÉ CAMPUS

TER NOUVELLE-AQUITAINE

Marche de nuit contre les agressions

Une convention d’austérité

Plusieurs associations féministes et syndicats étudiants appelaient à une marche de nuit contre les agressions sur le campus de Pessac connu pour être dangereux, surtout la nuit. Les organisations considèrent que les réponses proposées sont insuffisantes bien que le problème et les zones à risques sont connus des institutions. « Nous ne voulons plus de mails nous disant de “faire attention”, mais un véritable investissement de la part des responsables universitaires et des élus. » EMPLOI, SALAIRES ET CONDITIONS DE TRAVAIL

Les employés de la Sécu manifestent Le mardi 18 décembre 2018, les Fédérations CGT, FO, SUD, CFE/CGC, CFTC au national appellaient à la grève dans tous les organismes de Sécurité Sociale sur le pouvoir d’achat et l’emploi. Une cinquantaine de personnes se sont réunies devant le siège de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), à Bordeaux-Lac, à l’appel de la CGT. Des employés de la Carsat et de la CPAM, des retraités et des salariés du privé de l’Union départementale de la CGT ont organisé une marche vers la Caisse d’allocations familiales (CAF) voisine avant d’entamer une distribution de tracts aux passants. « L’absence de revalorisation du point d’indice depuis 2010 » mais aussi « des budgets en constante diminution qui obligent à rendre des postes chaque année et ne permettent pas aux directeurs locaux d’embaucher », étaient au coeur de ce mouvement national. Pour la CGT ce manque de moyens humains entraîne la fermeture de nombreux sites d’accueil, des retards dans les délais de traitements, avec un « tout numérique » qui ne satisfait pas du tout les demandes des assurés (seuls 19 % font leur dossier par internet), etc. « Pour nous c’est toute la Sécurité Sociale qui est attaquée, son fonctionnement et son financement, précise Servane Crussière et Franck Duport, délégués CGT Caf et Carsat. Dans ce monde ultra libéral, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse d’exonérer le patronat des cotisations qui abondaient les différentes prestations que versent la Cpam, la Carsat, la Caf. Pendant que l’on entend à longueur de journée par le gouvernement qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses de l’État, les cadeaux au grand patronat se multiplient : 20 milliards d’exonération de cotisations par an depuis plusieurs années (cela permettrait de « combler » le trou de la Sécu et d’augmenter les minima sociaux ainsi que les petites retraites), près de 100 milliards d’euros au titre du CICE sans embauche en contrepartie, même pire que cela des licenciements alors que les bénéfices sont colossaux et les dividendes coulent à flots (Carrefour, Ford…). Pour nous à la CGT ces sommes doivent revenir à la Sécurité Sociale et à tous nos services publics (hôpitaux, écoles, routes, transports en commun). »

Lundi, la nouvelle convention du TER Nouvelle Aquitaine a été adoptée au Conseil régional. La semaine précédente, le Parti communiste avait appelé les élus régionaux à rejeter la convention élaborée « sans que les usagers et les salariés de la SNCF ne soient consultés » et qui pourraient entrainer la perte de 800 emplois dans la région et permet d’envisager l’ouverture à la concurrence. Ce serait ce dernier point qui a décidé les élus Génération.s, écologistes et quelques élus socialistes à voter contre cette convention (Sud Ouest du 18/12/18). Nous publions ci-dessous la déclaration du comité régional Nouvelle Aquitaine du PCF du 14 décembre. « Les éléments qui nous parviennent de la future convention TER Nouvelle-Aquitaine qui doit être votée dans les jours qui viennent sont très inquiétants. En collaboration avec la direction de la SNCF, la Région s’apprête à appliquer une forte cure d’austérité au réseau ferré de Nouvelle Aquitaine, en baissant de 10 % la contribution financière, tout en

demandant une augmentation de l’offre de 5 à 10 % et en envisageant l’ouverture à la concurrence sur plusieurs lignes. Les salariés et les usagers vont être les premières victimes des nouvelles exigences contractuelles de la nouvelle convention, les uns en voyant leur poste disparaître, les autres avec une dégradation du service. Fermetures de lignes, fermetures de gares, disparition des contrôleurs dans les trains, gares sans personnel,… les TER vont devenir des trains fantômes. À terme ce sont 800 emplois qui peuvent disparaitre sur le territoire de la région, autant que chez Ford, sans créer la moindre émotion. La politique mise en place ne vise pas à répondre aux besoins des usagers, mais s’inscrit dans une logique de rentabilité. L’application de cette logique va concentrer l’offre de transport sur les zones denses en population, délaissant toute la partie Est de la région. C’est un contresens

SALARIÉS ASSOCIATIFS

Le collectif Mana dénonce la « prédation de SOS Solidarités »

ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES

La CGT lance une grande consultation La CGT lance une consultation pour savoir ce que les femmes pensent de la question de l’égalité au travail, dans la vie, mais aussi dans la CGT. Communiqué. « La CGT porte depuis plus de 15 ans de vrais engagements pour l’égalité entre les femmes et les hommes, au travail, dans la vie et dans la CGT et souhaite aujourd’hui amplifier encore cette politique volontariste : la direction confédérale est paritaire depuis 1999, une Charte posant des principes forts sur l’égalité dans la CGT et au travail a été annexée aux statuts de la CGT en 2007, un nombre croissant de guides et d’outils militants sont diffusés, des formations aux négociations égalité, contre les stéréotypes de genre et contre les violences sexistes et sexuelles se développent, une cellule de veille contre les violences en interne a été créée en 2016, enfin, un site de référence a été mis en ligne en 2018 : egalite-professionnelle.cgt.fr. Pour autant, du chemin reste à parcourir pour que l’égalité femmeshommes soit intégrée de façon à la fois spécifique et transversale à l’ensemble du travail syndical et qu’au sein de la CGT, les femmes prennent toute leur place, notamment en accédant aux instances de direction des organisations (syndicats, fédérations et unions départementales). À l’approche de son 52e Congrès qui aura lieu en mai 2019, la CGT lance une vaste consultation inédite auprès de toutes les femmes, syndiquées ou pas, en emploi ou non, pour connaître leurs attentes vis-à-vis de la CGT : Vous êtes syndiquée, militante engagée, élue ou mandatée… cette consultation vous concerne : la CGT souhaite interroger toutes les femmes de la CGT pour savoir si vous trouvez que nous portons suffisamment la question de l’égalité au travail, dans la vie, mais aussi dans la CGT. Il s’agit de repérer également les difficultés rencontrées au cours de votre vie militante et d’identifier les moyens à mettre en œuvre pour permettre aux femmes de prendre toute leur place dans la CGT… Alors, à vous de jouer : prenez la parole… en ouvrant ce lien : www.consultation-femmes-cgt.fr » 2 • Les Nouvelles 20 décembre 2018

en termes d’aménagement qui va aggraver la fracture dans nos territoires. Alors que la population de notre région augmente, que l’enjeu du réchauffement climatique est primordial, que des centaines de milliers de personnes expriment leur colère sur les ronds-points, la Région fait le choix de réduire sa contribution au développement du TER. Enfin il est inacceptable qu’une convention aussi importante pour les néo-aquitains soit élaborée dans les salons feutrés de la Région et de la direction de la SNCF, sans que les usagers et les salariés de la SNCF ne soient consultés. Alors que les comités de ligne se sont réunis tout au long de l’automne, aucun élu, aucun cadre de la SNCF n’a évoqué cette convention lors de ces réunions. Décidément Alain Rousset et la direction de la SNCF ne savent pas faire autre chose que d’appliquer les politiques libérales et ses critères de gestion tournés sur la seule rentabilité. »

Lundi, une cinquantaine de personnes ont manifesté rue Furtado à Bordeaux aux cris de « SOS m’a tué », avant de s’arrêter devant le siège bordelais du Groupe SOS Solidarités pour dénoncer ses méthodes managériales, le « mépris du projet associatif initial » et le « non-respect des usagers ». Mana, association de prévention et de soins auprès de personnes migrantes existe depuis 1998 et a pu regrouper jusqu’à 50 travailleurseuses de différentes professions. L’association est reconnue sur le territoire aquitain pour son engagement et son travail auprès d’environ un millier de personnes par an, migrantes et/ou en situation de grande précarité, à travers l’école des femmes, l’ interprétariat, la consultation transculturelle… Un collectif de salariés, actuels ou anciens, soutenus par les syndicats

ASSO-Solidaires et CNT s’étaient donc mobilisés pour « dénoncer la responsabilité de la nouvelle direction dans les dysfonctionnements dont sont tributaires les travailleurs-euses et que subissent les partenaires et les usager-e-s ». L’association a été reprise en août 2017 par le groupe SOS, géant de l’économie sociale et solidaire comptabilisant 495 établissements et services et 17 000 salariés. Dans la région, il gère une quinzaine de structures ( CADA, halte-garderie, plateforme de mobilité,etc.). Le groupe est présidé Jean-Marc Borello. Un article du Monde en date du 6 décembre fait un portrait de ce proche de Macron. Une espèce de couteau suisse de l’Économie sociale et solidaire mais de luxe puisque le groupe a dans son viseur un chiffre d’affaire d’un milliard et possède un « petit empire immobilier évalué à 500

millions d’euros ». « Auteur du rapport “Donnons nous les moyens de l‘inclusion” qui a légitimé la suppression des contrats aidés en 2017, il souhaite promouvoir le concept de “capitalisme d’intérêt général” à l’assaut du monde associatif », estime Pauline De Bortoli, d’ASSO-Solidaires. Pour la syndicaliste, ce sont ces difficultés que connaissent toutes les associations qui ont poussé Mana à se tourner vers le groupe SOS afin d’améliorer la gestion de l’association et les conditions de travail des salariés. « C’est l’exact opposé qu’ont vécu les salariés depuis 6 mois : dévalorisation des compétences, rigidification des rapports, autoritarisme, mise en place de procédure de contrôle, non renouvellement de CDD, licenciements en cascade. Il ne fait pas bon avoir trop de revendications quand on est salarié-e chez SOS ». Zineb semble en avoir fait les frais, la jeune psychologue a été remerciée et son contrat non renouvelé à quatre jours de son échéance. Devant le siège du groupe, elle continue à prendre la parole en décrivant SOS comme « une montagne de mépris, d’exploitation, d’injustice et d’incompréhensions ». « C’est aussi un géant qui a tout essayé pour nous mettre à genoux, nous faire courber l’échine, pour taire notre parole et étouffer le bruit de notre indignation (…). Nous ne nous tairons pas face à l’indignité de nos conditions de travail et la destruction par SOS de ce que nous avions à offrir aux étrangers auprès de qui nous travaillons ».


ACTUALITÉ

Editorial

FERMETURE DU SITE DE BLANQUEFORT

Ford doit rendre l’argent public Un véritable hold up

Après l’annonce, la semaine dernière, de la fermeture prochaine de l’usine Ford de Blanquefort, suite au rejet par le constructeur américain de l’offre de reprise du groupe Punch, la procédure de plan social se poursuit. Mardi, le comité d’entreprise a émis des avis sur les différents volets du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avec un avis défavorable unanime sur le projet de fermeture définitive. Le PCF demande le remboursement de l’argent public versé à Ford. Lors de la dernière réunion, lundi, portant sur la recherche du repreneur – qui n’a donc pas abouti – les dirigeants de Ford Europe ont participé aux débats par vidéoconférence. Pour les représentants des salariés, c’est une preuve supplémentaire de mépris et lâcheté. Mardi, les représentants des salariés ont argumenté sur les volets économique et social du plan expliquant, noir sur blanc, pourquoi ils ne sont pas d’accord avec les décisions du constructeur américain. Par exemple, ils estiment que la production de boites à vitesse automatiques aurait pu rester à Blanquefort « plutôt que d’être transférée à Livonia aux USA », comme l’indique Gilles Penel, secrétaire adjoint du CE. Ils ont également évoqué les bénéfices de Ford au niveau mondial. « Autant d’arguments étayés qui pourront servir si nous allons un jour devant la justice », précise l’élu CGT et ce sera probablement le cas. « Le projet de reprise de Punch permettait la sauvegarde de l’ordre de 400 emplois, précise l’avis du CE. Le sabordage de ce projet de reprise par Ford est socialement irresponsable et fera peser, à terme, le coût de la perte d’emploi et de son indemnisation sur la collectivité. » Ou encore, ils dénoncent « Le cynisme avec lequel Ford a caché ses réelles intentions, faisant mine de chercher de nouvelles activités pour l’usine, alors qu’il préparait son départ », « Le non-respect des engagements pris auprès des Pouvoirs Publics de maintenir 1 000 emplois ETP CDI, alors que les aides reçues depuis

le retour fin 2010 atteignent 50 M€ à fin 2017 » ; L’absence de volonté de trouver un repreneur afin de sauvegarder une partie des emplois et de préserver le bassin d’emploi, préférant sécuriser son départ via une fermeture définitive ; « L’absence de dialogue avec les décideurs de Ford Europe tout au long de la procédure de consultation et, notamment, avec le président de la société qui n’a pas eu le courage ni la décence de revenir dans l’entreprise depuis l’annonce de sa fermeture. » Le plan social devrait être lancé concrètement fin janvier. En mars 2019, les salariés qui souhaitent partir en préretraite déposeraient leur candidature. Selon Gilles Penel, ils pourraient être environ 400 sur les 860 salariés que compte actuellement l’entreprise. On saurait également à ce moment-là combien de salariés de Ford Aquitaine Industries (FAI) seront redéployés vers l’usine voisine Getrag (GFT), spécialisée dans les boîtes à vitesse manuelles. Et aussi combien prennent leur retraite. Les lettres de licenciement devraient arriver en septembre 2019 dans les boîtes aux lettres des familles. Mais les personnels concernés vont bénéficier « d’un congé de reclassement de 16 mois durant lequel ils seront payés sur une base de 80 % de leur salaire net », précise Gilles Penel. Le temps de bâtir un nouveau projet professionnel. Par ailleurs, si la fermeture de l’usine est prévue pour le mois d’août 2019, une quarantaine de personnes pourraient rester sur place jusqu’en 2021, selon le secrétaire adjoint du CE. Il s’agirait notamment d’administratifs et de salariés en lien avec l’usine voisine Getrag.

« Après 45 ans en Gironde où il a rayonné et employé jusqu’ à 4 000 emplois (860 aujourd’hui), a déclaré le PCF, le groupe Ford a décidé de détruire ce site industriel majeur que les salariés comme les collectivités territoriales ou l’État se sont évertués à défendre ». L’organisation souligne que « les salarié-e-s du site de Blanquefort (Gironde) avaient pourtant accepté de nombreux sacrifices sur les salaires, le temps de travail, le nombre d’emplois sauvegardés pour garder le site ouvert ». « Bruno Le Maire peut bien dénoncer “la lâcheté” du groupe Ford et hurler à la “trahison”, il est comptable des choix du pouvoir Macron au service de la finance et du capital depuis 18 mois » ajoute-t-elle. Pour le PCF, « tout doit être mis en œuvre pour sauver les emplois et les capacités de production. Il est encore temps ». Il rappelle au passage que la proposition de loi visant à interdire les licenciements boursiers et les suppressions d’emplois abusives présentée par André Chassaigne pour les députés communistes aurait pu permettre d’empêcher ce scandale et qu’elle est plus que jamais d’actualité. Alors que l’utilisation de l’argent public est posée en grand par le mouvement des Gilets jaunes, le PCF demande le remboursement des millions versés par les pouvoirs publics à Ford « et qui n’ont servi qu’à alimenter la voracité de ses actionnaires ». Réagissant à l’annonce du refus de reprise par Ford, la semaine dernière, les communistes en Gironde et leurs élus à la Métropole ont dénoncé « un véritable hold-up ». « Nous voyons bien ici la réalité du coût du capital ! Déjà en 2008, Ford avait tenté de partir mais la mobilisation forte des salariés et des collectivités locales dans laquelle les élus communistes de la CUB avaient pris une place importante, avait mis en échec la fuite de Ford en l’obligeant suite à l’échec du repreneur, à reprendre le site. » « Aujourd’hui le PSE présenté par Ford doit être contesté et refusé par les services de l’État dont la DIRRECTE et avec nos collectivités nous devons tout faire pour qu’une alternative soit possible pour maintenir l’emploi et exiger de Ford le remboursement des millions d’euros de subvention qui ont alimenté ses profits. Plus que jamais et comme ils l’ont toujours été, les élus communistes de Bordeaux Métropole sont aux côtés des salariés et de leur famille face à la violence du capitalisme qui, pour accumuler toujours plus de profits, n’ hésite pas à broyer des milliers de vies ! »

« Jaunes ou rouges, des gilets de lutte et d’espoir » Qui aurait parié à la rentrée que les questions sociales mobiliseraient le pays avant Noël ? Rappelons-nous, l’affaire Benalla, l’Aquarius, la perquisition de la France insoumise… autant de sujets graves et pourtant à mille lieues des préoccupations de fin de mois de la moitié de la population. C’est bien celles-ci qui ont crevé l’écran. Partout, ou presque. Une expression de colère, parfois de désespoir, face à l’injustice d’un système qui fait payer toujours les mêmes, toujours plus. Très vite, on est passé de la contestation des taxes sur le carburant aux questions de pouvoir d’achat, de SMIC, de retraite… Puis très vite aux questions de justice fiscale, d’ISF… Puis de démocratie, de souveraineté du peuple. Certes, avec parfois des contradictions dans les messages, des jugements globalisants du type « tous pourris ». Des refus de « récupération » politique ou syndicale qui ont mis mal à l’aise les militants du quotidien dans leurs entreprises, leurs quartiers, leurs associations ou leurs conseils municipaux. Mais au fond, il s’agit bien de la démonstration que doit venir enfin le moment d’arrêter l’engrenage de la paupérisation croissante de la masse des citoyens. Alors oui, on doit s’interroger sur le phénomène, pour le moins « macronien », de « droite/gauche, on n’y croit plus !». Oui, on doit analyser la faible présence de la France des cités populaires et de la diversité. Oui on ne doit pas être naïf sur l’entrisme, ici ou là, de militants de droite et d’extrême droite. Oui, il faut réfléchir quand le sociologue François Dubet défend que ce mouvement ne s’inscrit pas « dans la lutte des classes ». Oui, il faut rester lucide quand les premiers sondages électoraux placent RN et En marche en tête, loin devant les formations de gauche. Mais quand même… « ceux qui ne bougent pas, ne sentent pas leurs chaînes » écrivait Rosa Luxembourg… En manifestant, des centaines de milliers de femmes et d’hommes ont fait bouger les lignes et ont contraint le pouvoir à faire des annonces, certes insuffisantes, mais ne boudons pas notre plaisir de voir enfin sanctionner l’arrogance du Président. Et puis, l’idée d’une autre répartition des richesses, de l’utilisation de celles-ci pour vivre toutes et tous dignement, aujourd’hui et demain, n’a-t-elle pas grandi ? Les expressions multiples des effets du « déclassement » de cette France rurale et périurbaine ne confortent-elles pas nos combats pour l’égalité des territoires, pour les services publics, pour les transports collectifs gratuits ? Et si ce n’était pas facile et naturel le 17 novembre, n’était-ce pas un moment fort à Bordeaux le 15 décembre que de voir défiler ensemble gilets jaunes et gilets rouges ? Le tract du PCF est très bien accueilli. Comme si la parole communiste pouvait, dans cette période de recherche de résistance, de solidarité, de « commun », trouver un écho nouveau !

Vincent Maurin

C.D. Les Nouvelles 20 décembre 2018 • 3


MOUVEMEN 14 DÉCEMBRE

Rencontres de manif et surtout tous les bas salaires parce que, sinon, il ne faut pas s’étonner que les jeunes délaissent les enseignements techniques et professionnels, ce n’est pas motivant. » Et si Macron n’a pas dit un mot sur les jeunes, « c’est qu’on n’a pas dû se faire assez remarquer. En France, on ne change rien sans violences ».

Nous les avons rencontré-e-s dans le cortège de la manifestation à laquelle avait appelé la CGT, rejointe par FO et la FSU qui a rassemblé quelques milliers de manifestants le 14 décembre à Bordeaux, dont quelques jeunes et étudiants en lutte. Gilet rouge ou gilet jaune, pour eux, c’est le même combat. Gilles est venu de Sainte-Foy, il accompagne les élèves du lycée Mauriac, de Bordeaux Rive droite, qui « se sont fait gazer la semaine dernière ». Il y a été enseignant, à mi-temps prof, à mitemps retraité, « j’ai toutes les raisons de manifester ». Fonction publique mise à mal, salaire et retraite gelée, il faut dire qu’il cumule. « J’enseigne à Libourne, je fais donc 80 kms par jour alors oui, sur le rond-point, je passe régulièrement et j’admire ceux qui y sont jour et nuit. En 40 ans d’enseignement, vous imaginez que j’en ai vu de la pauvreté, de la précarité. Et de ce point de vue, Sainte-Foy bat des records de l’Aquitaine. Au rondpoint, les gens ont retrouvé une solidarité qui n’existait plus. Moi j’appartiens à ceux qu’on nomme la classe moyenne mais je me sens très proche de tous ces gens qui ont besoin de soutien. En plus de la difficulté de trouver du boulot, le budget voiture – indispensable dans ce secteur – est de plus en plus élevé, en plus il y a les pesticides qui nous rendent malades. Dans notre secteur on cumule tout. Et puis c’est bien joli de former les

jeunes mais pour quel avenir ? C’est une grande angoisse pour moi de ne pas avoir de réponse à leur inquiétude. Avec Parcoursup et la loi d’orientation, la moindre mauvaise note est vécue comme pouvant mettre en péril leur avenir. Je trouve qu’avec les syndicats, il y a trop de compromissions. Et puis j’ai fait toutes les manifs pour les retraites, on n’a rien obtenu et la mienne je la vois s’éloigner. Les jeunes et les Gilets jaunes veulent une réelle démocratie. » Léo du lycée Mauriac, même s’il reprend avec ses comparses le « anticapitaliste ! » du NPA n’est « dans aucun parti ». « Je dirai que je suis écolo-humaniste mais ça ne correspond à aucun parti ». Par contre, ce n’est pas sa première manifestation, il était dans celles contre la loi travail depuis 2015 et contre Parcoursup. Il décrit sans hésitation les revendications du mouvement lycéen : un système d’oriention qui organise le tri social, qui enferme les lycéens dans des choix par défaut, la réforme du bac qui va creuser les écarts entre les établissements et donc renforcer la sélection, l’augmentation faramineuse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers. Le lendemain, il prévoit d’être avec les gilets jaunes qu’il « ne faut pas réduire à un mouvement de casseurs qui se bat sur le prix de l’essence ». « Les réponses de Macron ne visent que certains points et sur le Smic, c’est de l’enfumage. C’est tous les salaires qu’il faut augmenter

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Guillaume est secrétaire du CSE et secrétaire du syndicat CGT de l’entreprise Stryker à Cestas (métallurgie médicale, c’est-à-dire fabrication d’implants). « On est 250 à Cestas et plus de 30 000 dans le monde. On sort de 2 plan sociaux, le premier avec 35 licenciements et le deuxième 50. On est un site de production mais l’argent est au Pays-Bas. On nous demande de nous serrer la ceinture alors que le groupe est plein d’argent. Aux dernières négociations annuelles obligatoires, on avait annoncé un mouvement de grève mais ils ont lâché sur nos revendications avant. Je suis Gilet jaune aussi, j’ai fait la première manif le 17 novembre, parce que la situation n’est pas acceptable. Pour moi, c’est complémentaire de l’action syndicale. » À ses côtés, Franck est plus engagé encore dans le mouvement des Gilets jaunes, il a fait toutes les manifestations du samedi à Bordeaux. « Mais là où on en est, ce n’est plus une grosse manif qui va faire changer le gouvernement. Les grosses manifestations, ça entraîne des violences et les images sont utilisées contre nous. Mais sur les réseaux sociaux, on peut voir que ce mouvement, c’est surtout de la solidarité. Il faudrait faire plus d’actions de blocages qui aient du sens, là où il y a de l’argent. Trop de gens encore vivent dans un certain confort, ils sont sur le fil et leur vie pourrait basculer du jour au lendemain mais ils préfèrent continuer, foncer droit dans le mur. Ceux-là sont anti Gilets jaunes et souvent avec agressivité. » Delphine est cadre dans une bibliothèque universitaire. Elle a enfilé sur son blouson un t-shirt jaune au dos duquel elle a inscrit outre son prénom, son âge et son métier : « 1986 (retrait de la loi Devaquet)-2018 / 32 ans de manifs et grèves, trois burn out ». « À l’université, on voit le résultat de 30

ans de politiques visant à libéraliser sous couvert d’efficacité. Il y a eu pas mal de choses mais là, par exemple, il y a un projet de rénovation de la bibliothèque dans un bâtiment qui n’a pas été entretenu pendant 30 ans, avant parce que c’était à l’État, après parce que l’État a donné l’autonomie à l’Université mais sans les moyens. Le bâtiment est donc dans un état de déliquescence complet. On a fermé un magasin parce qu’il y a de l’amiante, on a fermé une salle de lecture parce qu’il y a du salpêtre, les murs s’effritent et quand il pleut, il y a des serpillères partout. Il fait 15 °C dans les salles de travail et là une collègue a envoyé un message pour la 3e fois au registre Santé Sécurité au travail parce que la porte d’entrée ne ferme pas. Ça met des plombes à être résolu

n’est recevable. La première fois que mon corps a dit stop, c’est parce qu’on voulait m’ imposer un contrat aidé pour palier à un manque d’effectif. Et là soit je disais non, je réduisais les heures d’ouverture de la bibliothèque et la direction protestait en m’opposant qu’elle m’avait proposé des moyens, soit je laissais ouvert et cela se reportait sur mes collègues. Mais quand on parle, les gens vous renvoient que c’est partout pareil, il y a une espèce de fatalisme. En plus, on a intégré le discours du libéralisme sur les fonctionnaires qui seraient privilégiés, nantis, etc. Et les syndicats, si je prends la CGT et la FSU chez nous, c’est 10 collègues qui sont sursollicités par toutes les commissions, tous les trucs sur lesquels ils se battent au quotidien.

avec l’idée qu’on ne va pas mettre du fric parce que dans un an et demi ce sera en rénovation. Il y a 25 ans, si on nous avait dit ça, on aurait sans doute pris sur nous, mais là, il y a des gens à bout, des gens qui craquent et souvent c’est pour une connerie qu’on déclenche un burn out. Je suis revenue d’un an de dépression, ça arrange tout le monde d’appeler ça comme ça mais, pour moi, c’est clairement lié à mes conditions de travail. Je suis cadre donc j’essaie non seulement de me protéger mais aussi les collègues qui sont sous ma responsabilité. Depuis que je suis revenue, je n’entends que des gens qui craquent pour ce qui pourrait paraître des broutilles mais qui montre des niveaux d’exaspération face auxquels plus aucun argument

Sur le mouvement des gilets jaunes, j’ai d’abord regardé de loin parce que ce que nous en montraient les médias c’était des gens d’extrême droite. Par contre je suis sensible à une certaine rhétorique que je connais bien chez les gens qui ont fait des études : “regarde, c’est de la pensée à ras des pâquerettes”, etc. Du coup, je n’aimais pas non plus ceux qui étaient contre alors j’ai été plus attentive à ce qui se disait, j’ai discuté pas mal et la CGT a envoyé l’appel à cette manifestation. De toute façon, j’étais fatiguée, ça m’a décidée à prendre une journée de congés pour venir aujourd’hui et j’irai peutêtre aussi faire un tour demain. » Christelle Danglot


NT SOCIAL DÉCLARATION DE L’UD CGT

Les salariés ne demandent pas la charité mais la justice sociale « Ce vendredi 14 décembre, 4 000 manifestants à Bordeaux ont répondu à l’appel de la CGT rejoint par FO et la FSU, pour exiger du gouvernement et du patronat de véritables réponses à l’urgence sociale vécue par les salariés, les retraités et les privés d’emplois. Des lycéens ont fait partie du cortège afin de faire également entendre leurs revendications. L’exigence de justice sociale s’ancre et la colère continue de monter. Les réponses gouvernementales apportées aux revendications d’augmentation des salaires sont d’un cynisme sans nom. Elles consistent à continuer de prendre dans la poche des salariés au travers de l’impôt, pour financer l’accélération de la politique libérale à l’origine des souffrances vécues. Le cap est maintenu, il est irresponsable de se servir de cette souffrance

pour l’aggraver en allégeant encore plus le patronat de sa participation à la solidarité collective par plus d’exonération de cotisations sociales. (…) Pour la CGT, c’est un Smic à 1 800 euros brut, l’augmentation généralisée des grilles salariales de branches, des pensions, du point d’indice dans la fonction publique, le rétablissement de l’ISF, l’exigence de négociations sur les salaires dans toutes les entreprises, des services publics qui répondront aux besoins exprimés sur le pouvoir d’achat et permettront la relance industrielle dont le pays a cruellement besoin. (…) » La CGT appelait à une nouvelle mobilisation sur les lieux de travail, le 18 décembre, pour bâtir des cahiers revendicatifs avec les salariés et appelait à ce que dans toutes les entreprises, toutes les administrations, la grève soit débattue avec les salariés.

Outre la bataille pour un service de l’énergie 100 % public, le syndicat CGT de l’Énergie a engagé une bataille pour les salaires dans les entreprises du gaz et de l’électricité, notamment sur la revalorisation du Salaire national de base. Cette question du pouvoir d’achat, de même que la transition énergétique ou encore l’égalité professionnelle, a fait l’objet d’une débat en « Facebook live » que l’on peut consulter sur la page du syndicat : Syndicat CGT Energies 33.

BILLET

Gants jaunes

J’avais entraînement de vélo ce samedi 15 décembre, comme tous les samedis d’hiver. Mais pour cause de manif et de Marché de Noël Solidaire, j’avais zappé les deux derniers. Il fallait donc que je m’y colle aujourd’hui, de crainte de voir encore mes potes prendre du plaisir sans moi. Mais toute la semaine, les sachants et les possédants avaient expliqué aux gilets jaunes que le Président les avait entendus, que ça y était, ils allaient s’y retrouver, et qu’il fallait donc rentrer chez soi. « Vous comprenez mon brave, il faut savoir terminer une grève ! Ben oui, m’sieur, mais j’ai pas obtenu satisfaction ». Car l’analyse des mesures annoncées avec solennité par Macron 1er a rapidement mis en lumière l’arnaque. Même les économistes et éditorialistes bien en cour étaient gênés pour vendre la salade. Alors, au fond de moi, j’espérais que la météo interdirait de mettre le moindre cycliste dehors ce samedi-là… Gagné ! Froid et pluie ; mes gants chaud de vélo me serviront à aller à la manif. Ça tombe bien, ils sont… jaunes.

Nous voilà place de la Bourse. Bordeaux est triste par ce crachin, mais pas le rassemblement qui enfle au fur et à mesure que le temps passe. Pancartes originales et incisives, chants, sourires… des gens que nous ne connaissons pas, mais en fait que nous connaissons. Nous les avons croisés lors de distributions de tracts, lors de manifestations pour certains qui n’en sont pas à leur première, ce sont des collègues également. Les discussions s’entament facilement parce qu’il y a de l’envie à partager. Oh puis, finalement mis en confiance, nous sortons nos badges du PCF et personne ne nous en fera le reproche. Il n’empêchera pas d’échanger avec ce monsieur, engagé dans l’économie solidaire, qui est intarissable sur la question de la Démocratie, avec cette dame qui manifestait il y a peu pour défendre les retraites, avec ce jeune marocain qui en a après la société de consommation et la perte de solidarité. Dire que l’on approuvera toutes les expressions serait loin de la vérité. Il y en a qui dérangent certes, mais nous savions avant de venir que le mouvement était éclectique. Premier tour de Bordeaux par Alsace Lorraine, rue Ste Catherine (très peu

de magasins fermés), Gambetta, allées de Tourny, Quinconces, et nous revoilà à la Bourse. Déjà fini ? Mais non, re Alsace Lorraine, mais là, tout droit vers Pey Berland. C’est comme un rituel finalement, comme une revendication de propriété, un symbole de pouvoir qui doit être partagé. Il y a des regards inquiets vers ces cordons de CRS peu engageants, mais personne n’a vraiment envie d’en découdre, juste affirmer que l’on est aussi chez soi ici. Il y avait du monde, il y avait des syndicalistes, des communistes et d’autres militants politiques ; sans ostentation mais satisfaits d’en être. Mais il n’y avait pas assez de monde. La délégation joue aussi sur ce terrain. Et samedi prochain : ferai-je du vélo ? Jean-Jacques Bordes

Dans les rangs des « gilets jaunes», la revendication d’un référendum d’initiative citoyenne gagne du terrain. Le premier ministre dit étudier la mise en place de cet outil de démocratie directe revendiqué par de nombreux gilets jaunes. Une éventualité balayée par la République en marche lors des discussions portant sur la réforme de la Constitution, il y a moins de six mois. Avec cette innovation, les citoyens pourraient proposer directement une loi ou en annuler une autre, modifier la Constitution ou encore destituer un élu, par référendum, s’ils rassemblent au préalable le soutien d’un nombre minimal d’électeurs, dont le seuil serait établi par la loi. Les Nouvelles 20 décembre 2018 • 5


INTERNATIONAL ALLEMAGNE

NÉGOCIATIONS

Les cheminots voient rouge et certains enfilent du jaune

La COP24 sauve la diplomatie mais pas le climat

Le réseau a été quasiment paralysé lundi 10 décembre outre-Rhin par une grève très suivie pour le pouvoir d’achat. Les cheminots allemands en lutte pour la hausse de leur pouvoir d’achat ont débrayé massivement lundi 10 décembre. Pas un seul train n’a pu circuler sur les grandes lignes (Intercités et TGV) du réseau ferré entre 5h et 9h. Le trafic régional fut aussi très fortement perturbé partout. À l’origine du mouvement, le syndicat EVG réclame 7,5 % de hausse de salaires pour l’ensemble des quelque 160 000 cheminots dans les négociations tarifaires (conventions collectives) en cours. La Deutsche Bahn (DB), l’entreprise publique des chemins de fer et principal employeur du secteur, a campé sur ses positions, soit une hausse de 5,1 %, mais sur deux ans, accompagnée d’une prime exceptionnelle de 500 euros. C’est ce blocage qui a conduit EVG à lancer une première

salve de grèves dites d’avertissement (Warnstreiks). Les syndicats de cheminots allemands confirment ainsi leur rupture avec les logiques dites de modération salariale qu’ont tenté de faire prévaloir une direction de la DB et des autorités allemandes déterminées initialement à privatiser l’entreprise. L’autre grand syndicat, celui des conducteurs de locomotive, GDL, avance des revendications de hausses de salaires identiques et se dit prêt à lancer un mouvement « dur » en janvier, au cas où la direction persisterait dans son refus d’entendre les salariés. Dans plusieurs endroits, comme dans la gare de Duisburg, au cœur de la Ruhr, les grévistes n’ont pas hésité à endosser des gilets jaunes. Comme on tirerait un signal européen de convergence de classe contre les dérégulations ordo-libérales. De fortes délégations du syndicat EVG avaient défilé à Paris, au printemps dernier, aux côtés de leurs collègues français. Pour les services publics européens.

ZONE EURO

La BCE mettra la planche à billets sur arrêt à la fin du mois Mario Draghi, le président de la BCE, a annoncé jeudi 13 décembre qu’il allait mettre la planche à billets sur arrêt à la fin de ce mois de décembre. « L’assouplissement quantitatif », terme technique désignant une création monétaire par octroi de crédits gratuits aux grands opérateurs des marchés financiers, avait été lancé en 2015 pour faire face à un risque de déflation, donc de dégringolade, dans une récession sévère de la zone euro. En trois ans, quelque 2 600 milliards d’euros auront été

injectés sur les marchés financiers sans que la léthargie économique ne soit réellement enrayée. Le spectre de la déflation s’est éloigné. Mais les signes d’un mauvais retournement de conjoncture s’accumulent. Pour éviter la rechute qui pointe son nez, il faudrait poursuivre des mesures non conformes aux traités d’octroi de crédits gratuits, mais en les fléchant vers l’économie réelle, l’emploi, la formation, la lutte pour le climat. Grâce à une nouvelle sélectivité du crédit.

RENAULT-NISSAN

Grand patron fripon, Noël en prison Incarcéré depuis le 19 novembre, le patron de l’alliance Renault-NissanMitsubishi Motors n’est visiblement pas près de retrouver la liberté : la justice japonaise l’a inculpé le 10 décembre pour dissimulation de revenus sur cinq ans, et sa garde à vue a été prolongée sur de nouvelles accusations de fraude. Outre la notification de sa mise en examen pour avoir omis de déclarer aux autorités boursières environ 38 millions d’euros de revenus sur cinq and (2010-2015), Carlos Ghosn aurait également largement minoré ses revenus entre 2015 et 2018, pour un montant de 31,1 millions d’euros. Au cours de ses auditions, celui qui était adulé au Japon au point d’avoir un manga populaire consacré à

ses exploits industriels a fait valoir que certaines de ses rémunérations n’avaient pas été établies de manière formelle, et n’avaient donc pas à être incluses dans les rapports publics de Nissan. Selon une source proche des investigations citée par l’Agence France Presse, Carlos Ghosn souhaitait éviter « les critiques des actionnaires et employés » face à l’indécence des sommes perçues… Outre les soupçons de malversation, le Franco-Libano-Brésilien est également accusé par Nissan d’abus de biens sociaux, tels que l’usage de résidences de luxe aux frais du groupe, dont un appartement de Copacabana, à Rio de Janeiro, au Brésil.

6 • Les Nouvelles 20 décembre 2018

La conférence de l’ONU s’est conclue samedi 14 décembre, en Pologne, sur le sentiment mitigé d’avoir sauvé le processus multilatéral mais sabordé les ambitions en termes de lutte contre le réchauffement. Les diplomates « diplomatisent » et la société civile fulmine au lendemain de la COP24, qui s’est conclue samedi14 décembre, en Pologne. Les uns saluent le sauvetage in extremis d’un processus multilatéral qui avance sur un fil. Les autres s’alarment d’un sabordage des ambitions qu’avait fait émerger l’adoption de l’accord de Paris, en 2015. À l’arrivée, une chose paraît sûre : cette 24e conférence des Nations unies sur le climat ne devrait pas laisser, dans l’atmosphère, la trace que l’on espérait d’elle. Trois ans après la COP21, la vocation de ce nouveau rendez-vous était claire : il s’agissait de finaliser un manuel d’application de l’accord de Paris – rulebook, en langue onusienne – établissant les règles qui présideront à sa mise en œuvre concrète, à compter de 2020. Surtout, la COP24 devait permettre d’enclencher le renforcement des engagements internationaux en termes de réduction de gaz à effet de serre (GES), encore très éloignés des objectifs de limiter le réchauffement à moins de 2 °C, voire à 1,5 °C. À l’arrivée, le manuel existe bel et

bien, adopté à l’issue d’une ultime session de discussions houleuses. Des règles indispensables à la transparence des politiques climatiques des États ont ainsi été établies concernant la comptabilisation et le suivi des émissions de gaz à effet de serre (GES). Mais c’est bien là la seule base sur laquelle adosser l’espoir d’un changement rapide et solidaire. Les États refusent toute référence aux droits humains

Car, pour le reste, le rulebook onusien « omet des éléments essentiels pour rendre la transition juste, inclusive, équitable et pour apporter des réponses aux plus vulnérables face à la crise climatique », relève Réseau Action Climat (RAC), dans un communiqué. Ainsi les États ont-ils refusé d’y intégrer toute référence aux droits humains, à la sécurité alimentaire et à l’égalité des genres, désavouant le vœu de transition juste qu’ils avaient formulé à Paris. Or, « en n’intégrant pas la dimension humaine et sociale indispensable, (ils) risquent d’entamer la nécessaire transition écologique en créant plus d’ inégalités », souligne Sara Lickel, du Secours catholiqueCaritas France. Les 100 milliards de dollars par an promis, à l’horizon 2020, aux pays en développement pour les aider à faire face aux enjeux traînent par ailleurs à être rassemblés. Là encore,

BELGIQUE

Dopés par les gilets jaunes, les salariés belges se mettent en grève Les deux principaux syndicats belges, la FGTB (socialiste) et la CSC (social-chrétien), ont convoqué une journée d’action nationale et intersectorielle vendredi 14 décembre. Dans le public comme dans le privé, de nombreux salariés étaient en grève, avec des blocages d’entreprises et des actions « coup de poing ». Le pouvoir d’achat figure au cœur

des protestations. Et ça n’est pas un hasard : les salariés belges ont été remontés par le mouvement social en cours en France. Dans la Libre Belgique, Pia Stalpaert, présidente de la fédération alimentation et services de la CSC, le constate : « Les actions des gilets jaunes ont réveillé les gens, ils voient partout des hausses de prix mais très peu en compensation. »

le manuel d’application « établit des règles trop faibles pour (leur) assurer que les financements climatiques seront bien réels et adéquats », relève encore le RAC. Enfin, le rehaussement des ambitions en matière de réduction de GES est repoussé à plus tard. Les États se laissent jusqu’en 2020 pour mettre sur la table de nouvelles propositions, adoptant la stratégie risquée de la dernière minute. Même les mécanismes d’échange de quotas d’émission auront posé souci. Par un ultime coup de pression, le Brésil aura obtenu d’affaiblir la régulation de futurs marchés carbone. Les négociations, souvent « denses et techniques, ont été fréquemment paralysées par des discussions politiques aiguisées », rapporte le New York Times. À mi-chemin de la conférence, une bataille portant sur la fiabilité de la science climatique « a mis en péril le processus même des négociations », poursuit le quotidien américain. Plusieurs délégués, singulièrement ceux des pays les plus vulnérables, insistaient pour suivre les recommandations du rapport publié par le Giec en octobre dernier, lequel indique que, pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, les émissions de CO2 devront avoir diminué de moitié d’ici douze ans. Les États-Unis, épaulés de l’Arabie saoudite, du Koweït et de la Russie, sont alors montés au créneau pour décrédibiliser le travail scientifique et en affaiblir la portée. En toute fin de session, le Brésil – dont le nouveau président, Jair Bolsonaro, jure, à l’instar de Donald Trump, d’exfiltrer son pays de l’accord de Paris – a, à son tour, bloqué les échanges, leur valant une nuit de prolongation. Rien que du très attendu, somme toute, venant de ces « mauvais élèves du climat », soulignent beaucoup d’observateurs, qui s’affichent au final bien plus sévères vis-à-vis de l’inertie de l’Europe. Laquelle n’aura, globalement, pas joué le rôle moteur que promettent ses discours. Marie-Noëlle Bertrand, l’Humanité du 17/12/2018


PCF CONSEIL NATIONAL DU PCF

DIRECTION NATIONALE DU PCF

Pleinement avec les Français qui se mobilisent

2 Girondins au comité exécutif

Mouvement social, nouvelle direction nationale (lire ci-contre) et campagne des européennes était à l’ordre du jour du premier Conseil national du PCF depuis son dernier congrès. Nous reprenons ici de larges extraits de la partie sur le mouvement social. Nous reviendrons sur les européennes ultérieurement. Le 13 décembre, Fabien Roussel présentait son premier rapport introductif au Conseil national du PCF depuis le dernier congrès. Il a commencé par exprimer la solidarité des communistes avec les Strasbourgeois, frappés par un acte de terreur, les victimes et leurs familles mais aussi pour les personnels de santé, de secours et les forces de l’ordre mobilisés. Le secrétaire national s’est, ensuite, attardé sur le mouvement des Gilets jaunes et son évolution. Il est remonté aux manifestations contre la loi Travail ou celles sur les retraites ou des cheminots sur lesquels les gouvernements successifs ont envoyé le message qu’il ne servait à rien de manifester calmement, même majoritaire. « Et c’est peut-être à cause de cela que des gilets jaunes remettent en cause aujourd’hui les organisations syndicales et même les partis. (…) Alors la colère explose. Et quand elle explose, ça déborde et on y trouve de tout ! (…) Ce qui a parfois interrogé des camarades. Comment on y va, faut-il y aller, ne va-t-on pas se faire rejeter ? La réunion des secrétaires départementaux, le 6 décembre, aura été de ce point de vue passionnante, en permettant la confrontation des expériences de nos sections et fédérations sur le terrain. Et beaucoup de communistes sont en fait impliqués dans ce mouvement. Oui nous faisons le choix d’être pleinement avec ces Français qui se mobilisent en ce moment, qu’ils aient un gilet jaune ou non. Et ne demandons pas à tous ceux qui se battent aujourd’hui d’être comme nous et évitons encore plus de leur donner des leçons de politiques. Prenons-les comme ils sont, avec leur sincérité, leurs excès, leurs contradictions. Des revendications en phase avec nos propositions

Mais reconnaissons aussi que depuis un mois que ce mouvement existe, il a affiné ses revendications et, pour le coup, nous avons largement participé à les alimenter. Car ce n’est pas un hasard si la hausse du Smic, l’ISF et l’évasion fiscale sont montés de plus en plus dans le débat public ces dernières semaines. Le rôle des députés et sénateurs a d’ailleurs été important car nous avons montré que ces combats étaient les nôtres au sein des assemblées parlementaires. Les élus communistes locaux, les militants qui sont allés à la discus-

sion ont aussi été très utiles, très importants, car ils ont alimenté les discussions, les réseaux sociaux. Tout comme l’appel lancé lors de notre congrès pour le pouvoir d’achat et la hausse de 200 euros net du Smic. Les autres forces politiques, comme la FI mais aussi des syndicalistes, des économistes, ont aussi apporté leur pierre, démontrant, expliquant les causes des inégalités et l’utilité de cette révolte. C’est ainsi que le Président de la République a dû consentir quelques premiers reculs, comme l’annulation de la hausse des taxes sur l’essence et l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités modestes. Il faut quand même les noter ces reculs. (…) Ils ont dû lâcher au moins ça. Escroquerie gouvernementale

Pour autant, il est clair que le pouvoir n’a nullement l’intention de changer de cap. Ses annonces concernant le Smic sont une véritable escroquerie : en fait de hausse du Smic, il s’agit de la prime d’activité. (…) C’est un véritable scandale ! Même si le gouvernement facilite demain le versement de cette prime, cela restera une allocation, une aide sociale qui exonère les entreprises de leur responsabilité de partage de la richesse créée ! (…) De plus, avec cette prime, aucune cotisation retraite, chômage, santé ! C’est une escroquerie totale dans laquelle ce gouvernement demande aux Français de se payer eux-mêmes leur augmentation de salaire. Concernant les retraites, le gouvernement refuse de rétablir l’indexation des pensions sur le coût de la vie. Il refuse également (…) de mettre en place un moratoire sur les fermetures de maternité, de services d’urgence, de classes d’école, de tribunaux par exemple. Il traite par le mépris et la violence la mobilisation de la jeunesse contre la sélection sociale et pour des moyens nouveaux en faveur de l’école. Le Capital toujours épargné

Surtout, le Président de la République persiste à épargner les riches et le capital. Rien sur l’ISF, les dividendes, le rôle des banques et l’évasion fiscale. La question du débouché politique à l’exaspération du pays est plus que jamais posée. Le rôle de notre parti est, sur ce plan, décisif. Alimentons le débat, faisons connaître nos propositions. (…) Il faut rétablir l’ISF, qui rapportait 3,9 milliards d’euros. C’est une mesure de justice fiscale. Il s’agit aussi de diminuer la TVA et tous les impôts indirects, c’est-à-dire les impôts à la consommation, ceux sur les produits de première nécessité qui augmentent les prix. TVA et

TICPE, la taxe sur les carburants, représentent 186 milliards, soit deux fois plus que l’impôt sur le revenu. Battons-nous pour diminuer les factures de gaz, d’énergie, d’eau, de transports collectifs et pour que nos collectivités aient plus de moyens. La responsabilité des entreprises et des banques

Il faut taxer le capital. Ce gouvernement a fait le choix de l’alléger au maximum : flat tax, suppression de la taxe sur les dividendes, exit tax, niche Copé… ce sont près de 10 milliards de cadeaux faits à la finance cette année. Autant l’année prochaine. L’impôt sur les sociétés ne rapporte plus que 26 milliards d’euros, moins de la moitié de l’impôt sur le revenu. Oui, les entreprises ont les moyens d’augmenter les salaires. Nous proposons 200 euros net d’augmentation, soit 17 %. Cette augmentation peut se faire en deux temps, ce 1er janvier et ensuite au 1er juillet pour laisser le temps aux entreprises d’absorber cette hausse. Pour l’accompagner, utilisons le CICE : attribuons-le aux entreprises qui ne payent pas d’impôts car elles ne font pas de bénéfices. On peut imaginer des avances ou des crédits à taux 0 % pour les aider à se développer, à investir. Et pour les autres, celles qui réalisent des bénéfices, oui c’est possible d’augmenter le Smic : les dividendes qu’elles versent à leurs actionnaires ou à leurs holdings ont représenté 180 milliards en 2017, selon l’Insee ! 51 milliards rien que pour les entreprises du CAC 40. Pointons la responsabilité des banques qui ne prêtent qu’aux riches et étranglent nos PME, nos collectivités ! (…) Alors oui, nous pouvons être à l’aise dans ce mouvement, être offensifs sur nos propositions. Et même imaginer des impôts nouveaux, pour réussir à imposer ces multinationales qui réussissent à passer entre les gouttes du FISC et à payer moins d’impôts que nos PME et nos TPE, pour taxer celles qui trichent en planquant leurs bénéfices dans les paradis fiscaux. » « Allons au-devant de celles et ceux qui sont aujourd’hui mobilisés, sur les ronds-points, dans les manifestations, sur les lieux de travail, qu’ils portent des gilets jaunes, des robes noires, des blouses blanches ou des cols bleus. Il faut maintenant aller dans les entreprises et pousser les salariés à demander l’ouverture de négociations salariales. C’est là que tout peut basculer, où le Medef sera mis devant ses responsabilités. »

Sébastien Laborde, secrétaire départemental du PCF et Maryse Montangon, membre de l’exécutif départemental, ont été élu au Comité exécutif national (CEN) avec comme charge respective : le suivi de la Nouvelle Aquitaine et Santé et Protection sociale. Les autres membres du CEN : Bacchi Jeremy (13), suivi PACA ; Benoist Lydie (91), Accueil sécurité ; Bidard Hélène (75), Égalité femmes-hommes ; Blaise Sandra (88), suivi Grand-Est ; Boccara Frédéric (92), Économie, Travail, Emploi, Mondialisation économique ; Brossat Ian (75), porte-parole et Communication ; Brulin Céline (76), suivi Normandie ; Burricand Marie-Christine (69), Quartiers populaires ; Cukierman Cécile (42), porte-parole et suivi Auvergne-Rhône-Alpes ; Dartigolles Olivier (64), suivi de la politique gouvernementale, riposte à Macron ; Dharréville Pierre (13), Culture ; Gay Fabien (93), grands événements et promotion de l’Humanité ; Gobert Marie-Jeanne (14), lien aux associations ; Guillaud-Bataille Fabien (94), collectivités et action publique locales ; Idir Mina (84), Antiracisme ; Kellner Karina (93), relations aux élu-e-s ; Lacaze Pierre (31), élections, relations extérieures et suivi Occitanie ; Laurent Pierre (75), présidence du Conseil national ; Le Hyaric Patrick (93), Directeur de l’Humanité ; Lecroq Emilie (93), Jeunesse et suivi Centre-Val-de-Loire ; Lefebvre Fabienne (94), Action sociale et Protection de l’enfance ; Levi-Cyferman Annie (54), Droits humains et libertés ; Mahé Véronique (44), suivi Pays-de-la-Loire ; Misslin Sarah (94), Luttes locales et Citoyenneté ; Montangon Maryse (33), Santé et Protection sociale ; Nègre Jean-Charles (93), moyens, suivi Corse, tourisme social ; Pagano Alain (49), Écologie et suivi Bretagne ; Picquet Christian (31), mouvement des idées, intellectuels ; Poly Hervé (62), suivi Hauts-deFrance ; Rondepierre Denis (75), trésorerie et relations Outre-Mer et Caraïbes ; Roubaud-Quashie Guillaume (92), Formation ; Roussel Fabien (59), secrétaire national ; Roussillon Marine (75), révolution de la connaissance, Éducation, Enseignement supérieur et Recherche ; Samarbakhsh Lydia (75), International ; Seassau Aymeric (44), lieux de travail, Entreprises ; Simonnet Nathalie (93), enjeux métropolitains ; Ternant Evelyne (25), organisation régionale et Suivi BourgogneFranche-Comté ; Vieu Marie-Pierre (65), politique éditoriale, politique du livre ; Zamichiei Igor (75), vie du parti et coordination du CEN. Invité-e-s : Assassi Éliane (93), lien aux sénateurs-trices communistes ; Bessac Patrice (93), ANECR ; Chassaigne André (63), lien aux député-e-s communistes ; Lainé Camille (75), MJCF ; Obadia Alain (95), Fondation Gabriel Péri.

À L’UNISSON DES URGENCES

En campagne pour le pouvoir d’achat Dans cette période politique marquée par la mobilisation des gilets jaunes, les luttes syndicales, le mouvement des jeunes lycéen-ne-s et étudiant-te-s, les militante-s communistes font de nouveau l’expérience que leurs propositions sont à l’unisson des urgences qui s’expriment dans le mouvement populaire. Les questions sociales, de l’augmentation des salaires, de la répartition des richesses reviennent en force et tous les camarades qui ont proposé la signature de la pétition pour l’augmentation des salaires, retraites et minima sociaux, ont rencontré un accueil très positif. Les débats sont ouverts sur une autre utilisation de l’argent, contre l’évasion fiscale, pour la taxation des multinationales. L’exaspération ne s’est pas calmée suite aux annonces de Macron qui ont laissé les revenus du capital et les hauts revenus, “les riches” exonérés de toute participation à l’effort de solidarité. Ainsi près de 400 signatures ont été recueillies sur les premiers points de rencontres entre Bègles, Bordeaux, Mérignac, Cenon, Bassens, Floirac, La Brède, Créon, Cadillac, Talence, Coutras, La Réole, Libourne… Les directions de sections ont organisé des plans de travail, qui courent jusqu’en janvier, pour associer les adhéren-te-s et être présents sur les marchés, devant les commerces et les services publics (postes, CAF, gares, trams, hôpitaux, écoles, etc.), et des cités populaires. 5 adhésions ont été réalisées. La mobilisation doit se poursuivre. Dès début janvier, la rencontre de chaque adhérent-e avec la nouvelle carte 2019, permettra de démultiplier ces efforts. Christine Texier Les Nouvelles 20 décembre 2018 • 7


CULTURE & SOLIDARITÉ LIVRES

Acheter en ligne en soutenant les librairies indépendantes, c’est possible

CHRONIQUE par Jeanne R.M.

« Le jour où elle rencontrait Dieu » En cette période de cadeaux et de climat favorable à la lecture au coin du feu, ou du radiateur, il est bon de savoir qu’à défaut de pouvoir se rendre dans sa librairie préférée ou de commander auprès de nos amis de la Librairie de la Renaissance, il est possible d’acheter des livres en ligne, sans pour autant participer à nourrir les géants du web. Les librairies indépendantes de la région se sont rassemblées sur un portail en ligne : www.librairies-nouvelleaquitaine.com. Ce site offre également la géolocalisation des livres, un moteur de recherche qui donne accès à des millions de références, la

réservation des livres et la possibilité de récupérer sa commande dans la librairie de son choix parmi 72 librairies indépendantes de la région. Le portail des librairies de la NouvelleAquitaine propose 1 724 893 titres numériques et papiers. Il permet également de rechercher un livre à l’échelle nationale. L’association des Librairies Indépendantes en Nouvelle-Aquitaine assure la promotion et défend la richesse de la librairie indépendante en Nouvelle-Aquitaine depuis plus de 25 ans. Elle est le fruit de la réunion des trois anciennes associations Librairies Atlantiques en Aquitaine, LIPC en Poitou-Charentes, et ALIL en Limousin. Elle regroupe plus

de 100 librairies adhérentes sur toute la région Nouvelle-Aquitaine. De toutes tailles, spécialisées ou généralistes, elles offrent un service de proximité et sont des acteurs culturels à part entière. Les Librairies Indépendantes en Nouvelle-Aquitaine entendent faire de l’union des libraires une garantie d’indépendance. Elles se positionnent comme un réseau d’acteurs culturels en lien avec leurs territoires, qui défendent la création et donnent l’envie de lire à travers des librairies qui se font lieu de rencontre, d’échanges, d’animations, et d’écoute attentive de sa clientèle. Le libraire indépendant défend et respecte le prix unique du livre.

Les effarés

« Des jeunes désœuvrés qui matent des

Elle profitait de ces mois sombres, quelques heures quotidiennes de soleil bas et frileux, juste une petite veilleuse dans cette nuit annuelle, pour respirer tranquillement. Ce que l’été tonitruant et torride, tango tapageur, guinguette à volants fleuris, ne lui permettait pas. Une accalmie dans sa vie mouvementée, une retraite qu’elle acceptait volontiers. Ce sommeil, relâche temporelle en camaïeu de gris, lui était cependant productif. Le cerveau rêveur, rêves érotiques ou cauchemars, tout avait un sens à ses sens alanguis. Elle jouissait de ce calme imposé, patiemment installée dans son fauteuil large, face à la cheminée. Le crépuscule puis la nuit lui rendaient ses compétences artistiques. Le bois brut sous ses doigts devenait broderie, le silence et les crépitements du feu, le vent et la pluie chantaient de sa poitrine, les mots s’enchainaient, poétiques. Luxe du calme, volupté contemplatrice, elle se laissait envahir. Elle aimait ressentir, elle désirait comprendre.

HERVÉ LE CORRE

Un des livres importants d’Hervé Le Corre, étape d’un parcours qui le place parmi les meilleurs auteurs de polars contemporains, est réédité avec une préface d’Olivier Pene, aux éditions l’Éveilleur : Les effarés*, une plongée acide et violente dans une zone de misère à deux pas de la ville lumière. Un des très rares personnages féminins de son univers.

Nous nous enfoncions dans l’automne, les arbres avaient définitivement perdu toutes leurs couleurs de lumière, les branches, nues et noires, grelottaient au vent mouillé, le froid s’insinuait au plus profond de son être, annonçant le solstice des profondeurs. Tout s’endormait silencieusement, remontant la couverture terrestre aux limites de l’hiver proche. Un repos de la nature comme un repos de son corps, nécessaire à l’équilibre des forces.

revues pornos, un trio de petites frappes qui commettent l’irréparable pendant le braquage d’un camion dont ils tuent le chauffeur, un commanditaire sans scrupule qui se fait confier une gamine tentant d’échapper aux griffes de son beau-père, une inspectrice de police lâchée au milieu de ce microcosme adipeux où règne la loi du plus fort ou du plus crapuleux : telles sont les figures de ce roman qui navigue dans les eaux troubles d’un quartier à l’abandon en bord de Garonne, à

l’ombre d’un immense immeuble voué à la démolition. » Violent et réaliste, sans concession ni pathos, Hervé Le Corre déploie dans l’un de ses premiers romans, enfin réédité, sa vision d’une société corrompue où peut sourdre une lumière pas toujours si inquiétante qu’on le craindrait. Considéré à l’heure actuelle comme une des figures majeures du polar français, Hervé Le Corre, auteur discret mais qui suit imperturbablement sa voie, a commencé sa carrière vers trente ans avec quatre livres parus dans la Série noire de Gallimard. Sa « trilogie bordelaise », dont Les effarés est le troisième opus, l’a révélé avant que Rivages n’en fasse un des auteurs les plus lus chez nous. Ses derniers livres [Après la guerre et Prendre les loups pour des chiens (2017)] ont confirmé ce statut. *175 pages - 13,5 x 20,1 cm - 16 € - ISBN : 97910-96011-31-5

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8 • Les Nouvelles 20 décembre 2018

Elle était pourtant une véritable terrienne, aucune médiation entre elle et la nature. La chaleur de l’âtre, le ciel bas, le parfum du chocolat chaud, le ronronnement du chat, elle savourait la création comme une union entre l’inexpliqué et le construit. Elle avait beaucoup voyagé dans les manuels scolaires, non pour chercher un sens à sa vie, mais pour entendre Pythagore ou Lao-Tseu. Elle n’admettait que les démonstrations logiques, tonnerre, piaillements, chute des feuilles, amour irraisonné et liberté inconditionnelle. Chacun trouverait son explication mathématique entre Descartes et Hegel. Elle ne l’avait pas vu venir alors même qu’elle le cherchait depuis longtemps, un rendez-vous attendu, elle souhaitait une explication tangible, ce face-à-face intransigeant. Enfermée volontaire dans un couvent, retraite le temps d’un week-end pour prendre cette pause, muette, trépas temporaire, assise en lotus, les mains ouvertes sur la voûte céleste. Il est entré dans sa chambre sans frapper, passant par les murs, fantôme écossais ou passe-muraille, il était là. Il prenait toute la place, s’insinuait comme une fumée dans une chambre close. Elle mit un peu de temps à l’admettre, athénienne septique. Elle fermait les yeux, refuge cérébral, il pénétrait son corps, sans aucune barrière physique, omniprésent, dictatorial. Il regardait ses pensées comme si elle s’exprimait à haute voix. Il la traversait sans fuite possible, prise sous emprises. Ses caresses invisibles l’oppressaient, son cerveau, obsédé, tournait dans une boucle infernale consommant toute l’énergie nécessaire à la connaissance du monde. Ce corps à corps l’étouffait, cette présence devenait l’ennemi de sa liberté. En rencontrant Dieu ce jour déclinant d’automne, en reconnaissant sa place dans le cœur et l’histoire des humains, elle trouvait raisonnable de rester libre et athée.

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