Jeudi 10 janvier 2019 - N° 2289 - Hebdomadaire - 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX - Prix : 0,80 euro
ÉVASION FISCALE
Les communistes reçus chez Google DERNIER CONSEIL DE MÉTROPOLE 2018
LOGEMENT
MULTINATIONALES
L’intervention de Jacques Padie sur Ford
Retour sur la loi Elan
Une loi pour les prélever à la source
P.2
P.4-5
P.7
ACTUALITÉ AGIR ENSEMBLE CONTRE LE CHÔMAGE !
INTERVENTION DE JACQUES PADIE AU CONSEIL DE MÉTROPOLE
Les chômeurs sur les ronds-points ! Le Gilet jaune s’impose !
Ford refuse un avenir au site industriel de Blanquefort et à ses 860 salariés
Le 3 janvier, l’association Agir ensemble contre le Chômage ! (AC !) a appelé les chômeurs à rejoindre les gilets jaunes sur les ronds-points suite à la publication du décret d’application de la loi Pénicaud, le 28 décembre 2018, qui durcit les sanctions contre les chômeurs . « La lettre de cadrage du Gouvernement en vue de la négociation d’une nouvelle Convention Unedic dépasse toutes les craintes les plus douloureuses. C’est trop, il est temps de réagir vigoureusement », écrit l’association de chômeurs. « Une simple absence à une convocation coûterait un mois sans allocation. En cas de recherches d’emploi jugées “insuffisantes” par Pôle emploi – innovation radicale – il ne s’agira plus d’une simple suspension des indemnités chômage, mais d’une suppression : un mois la première fois, deux mois la deuxième fois, 4 mois la troisième, avec une perte des droits. De plus, l’expérimentation d’un “carnet de bord numérique” va obliger les demandeurs d’emploi à rendre compte de leurs recherches d’emploi de façon mensuelle, et avec preuves à l’appui. Une surveillance informatique, “big brother” inquisitorial va être prochainement instituée, le jour et la nuit, le “quémandeur” sera incité à chercher par monts et par vaux l’emploi rare, pénible et fort mal payé. C’est la loi du marché qui s’impose à tous, impitoyablement. Pour faire des économies, contenir le factice déficit, la solution “logique” consiste à affamer le chômeur. Qui, misérable, sans échappatoire, devra traverser la rue pour trouver un employeur lui consentant un salaire souvent inférieur au Smic mensuel. La notion de “salaire de référence” (définie comme le salaire antérieurement perçu par le demandeur d’emploi) est évacuée ; après 12 mois à Pôle emploi, l’offre raisonnable risque d’être fort basse… Il est temps de se vêtir en jaune, de gagner les ronds-points, les “sans dents” doivent montrer les crocs. Il est temps de réagir vigoureusement, c’est une question de pouvoir d’achat, mais plus encore de dignité humaine. »
RENCONTRES-DÉBATS
Grands crus et pauvreté Ixchel Delaporte, journaliste à l’Humanité et auteure de Les raisins de la misère publié aux éditions du Rouergue, sera présente en Gironde en janvier, avec deux rendez-vous à noter : Le jeudi 17 janvier à 18h30 à La librairie La Machine à lire, salle de la Machine à Musique : ce rendez-vous est proposé par les rencontres du livre d’Espaces Marx organisée par Vincent Taconet, et sera animée par Jean-Claude Masson et Jean-François Meekel. Vendredi 18 janvier à 19h, salle des fêtes de Moulis : cette table ronde « Précarité et Grands crus en Médoc » sera animée par Stéphane Le Bot, élu à Cussac Fort Médoc. Avec la participation de : Alain Curot, Union locale CGT Médoc, Marie-Lys Bibeyran, Collectif Info Médoc Pesticides, Denis Moreau, LDH Pointe et Cœur Médoc, Dominique Fedieu, viticulteur bio, maire et conseiller départemental. Le vignoble bordelais est mondialement réputé pour ses nombreuses appellations contrôlées. Derrière la beauté de ses paysages et de ses prestigieux châteaux se cachent des vies précaires et paupérisées, de petits exploitants loin de cette manne financière. Ixchel Delaporte raconte la vie de ces saisonniers, le chômage, l’habitat dégradé, les maladies professionnelles, ce «couloir de la pauvreté» largement rendu invisible par la carte postale généralement retenue. Elle dénonce le travail des lobbies que l’on retrouve dans la sphère politique, les stratégies commerciales des grandes familles ou des grands groupes afin de vendre un vin bas de gamme à côté de grands crus. Une enquête sans concession sur un territoire emblématique de notre identité. Ixchel Delaporte est journaliste à l’Humanité depuis quinze ans. Pendant plusieurs années, elle a arpenté les quartiers populaires et donné la parole à ceux qui les habitent. Elle a aussi produit trois documentaires pour France Culture. Aujourd’hui, elle travaille sur la pauvreté en France. Les raisins de la misère est son premier livre.
UTOPIA-ESPACES MARX AQUITAINE-BORDEAUX-GIRONDE
Préambule des rencontres cinématographiques Le mardi 22 janvier à 20h, une soirée projection/débat est organisée en préambule des rencontres cinématographiques d’UtopiaEspaces Marx Aquitaine-Bordeaux-Gironde. Le festival « La classe ouvrière c’est pas du cinéma », se déroulera en Février 2019. Pour mettre l’eau à la bouche, il vous est proposé de voir Tout ce qu’il me reste de la révolution, un film de Judith Davis, avec Judith Davis, Malik Zidi, en présence de la réalisatrice. Dans cette comédie rageuse et très drôle, la jeune réalisatrice incarne elle-même Angèle, jeune architecte, qui vitupère contre tout et tout le monde, tentant de compenser l’échec des idéologies de ses parents militants : papa qui n’a pas bougé d’un iota depuis qu’il distribuait l’Humanité, et maman qui a tout lâché pour s’installer à la campagne. 2 • Les Nouvelles 10 janvier 2019
Outre le mouvement des Gilets jaunes, c’est la situation de l’entreprise Ford de Blanquefort qui a marqué l’actualité sociale de la fin de l’année dans la métropole bordelaise, et au-delà. La décision violente et innadmissible de Ford de ne laisser aucune chance au site industriel a été évidemment très discutée lors du dernier Conseil de métropole, le 21 décembre. Nous publions ici l’intervention de Jacques Padie, pour le groupe communiste. « (…) Après 45 ans en Gironde où il a rayonné et employé jusqu’à 4 000 personnes, le groupe Ford a décidé de détruire ce site industriel majeur que les salariés, comme les collectivités territoriales ou l’Etat, se sont évertués à défendre durant toutes ces années en versant des dizaines de millions d’euros (45 millions dans la dernière période) et 4 millions au titre du CICE, sans réels engagements de Ford sur le maintien de l’emploi qu’il n’a cessé de rogner. C’est un véritable hold-up ! Nous voyons bien ici la réalité du coût du capital !
Déjà en 2008, Ford avait tenté de partir mais la mobilisation forte des salariés, de nombreux citoyens et des collectivités locales, dans laquelle les élus communistes de la CUB avaient pris une place importante, avait mis en échec la fuite de Ford en l’obligeant, suite à l’échec du repreneur, à reprendre le site. Ford, depuis des mois, affiche son intention de fermer son usine de Blanquefort, sans concertation et aucune volonté de rechercher des solutions pour pérenniser le site et lui donner un avenir. La pression de l’Etat, des collectivités et surtout des salariés l’a obligé à accepter de faire mine d’étudier le plan du repreneur Punch soutenu par les salariés au prix
d’immense sacrifices notamment salariaux. Aujourd’hui, Ford, plutôt que de laisser sa chance à un repreneur et permettre à un site industriel majeur de se développer notamment autour de la voiture de demain, préfère tirer un trait froidement sur 862 vies de familles sans oublier les près de 3 000 emplois induits (…). Il est urgent aujourd’hui d’actionner tous les leviers qui existent afin de pérenniser les emplois et donc le savoir-faire sur le site de Blanquefort. En premier lieu, nous voterons le vœu qui vise à demander le remboursement des aides publiques et que nous demandons à pousser cette demande jusque devant les tribunaux. Les pouvoirs publics doivent prendre la main dans ce dossier de manière ferme et déterminée en lien avec les salariés. Cela peut se traduire soit par une nationalisation temporaire, soit par une préemption par les collectivités ou une réquisition comme cela s’est fait sur d’autres sites dans notre pays. Mais voyons bien que, si cette démarche donne de l’air, elle ne remplit pas les carnets de commande. Il faut, en la matière, mener un bras de fer avec Ford et le gouvernement américain afin qu’ils assurent une activité pour le site jusqu’à la fin de l’année 2020, comme le demandent Punch et les salariés. Mais nous ferions le travail à moitié si nous ne tirions pas les enseignements de cette situation, qui n’est malheureusement pas un cas unique en France. Certains syndicalistes et élus expriment le fait qu’il faut changer la loi Florange. Nous partageons cette opinion. Mais autant le dire, c’est en amont qu’il faut prendre les choses et arrêter d’être les pompiers de service. En l’état, ce qui s’impose, c’est de
donner des vrais pouvoirs d’intervention et de décisions aux salariés pour remettre en cause les gestions actuelles effectuées par les entreprises. L’entreprise ne peut plus être le seul endroit où la démocratie n’a pas son mot à dire, où les organes existants ne sont là qu’à titre consultatif. Partager les pouvoirs au sein des entreprises, c’est créer les conditions de faire obstacle à l’arbitraire, permettre aux salariés d’être décideurs de l’avenir de leur entreprise. A l’heure où, partout dans le pays, s’exprime l’exigence de justice sociale, de justice fiscale, de démocratie, nous devons imposer ces exigences dans le monde du travail comme dans la société toute entière. Enfin, ce dossier emblématique doit nous interroger sur la manière dont nous finançons l’économie sur notre territoire. J’ai bien lu dans notre quotidien régional que, surtout, il ne fallait rien changer et continuer comme si de rien n’était, que Ford en fait ne serait juste qu’un mauvais coucheur. Devrais-je rappeler ici l’épisode de la Sogerma, devrais-je citer les multiples exemples qui existent dans notre pays ? Il nous faut sortir des logiques de financement qui ne visent, pour l’Etat, qu’à baisser le coût du travail et pour les collectivités, qu’à alimenter les profits sans contrepartie pérenne pour l’emploi et les salaires. Le financement par le crédit nous apparaît comme un levier bien plus efficace, et nous pouvons, en la matière, apporter soit des garanties, soit une prise en charge des taux d’intérêts, en échange d’un développement de l’emplois et des salaires. Plus que jamais et comme ils l’ont toujours été, les élus communistes de Bordeaux Métropole sont aux côtés des salariés et de leurs familles face à la violence du capitalisme qui, pour accumuler toujours plus de profits, n’hésite pas à broyer des milliers de vies ! »
COMITÉ RÉGIONAL DE VIGILANCE SUR LA CONVENTION TER
Faire « de cette mouture libérale une coquille vide » Le comité régional de vigilance sur la convention TER qui regroupe la CGT, Générations S, la France Insoumise, le PCF, Ensemble, les associations d’usagers COBARTEC, Train d’enfer et Association usagers Bordeaux le Verdon, ont réagi dans un communiqué au vote du Conseil régional, en décembre, sur les « éléments structurants de la future convention TER en Nouvelle-Aquitaine ». « Comme nous le redoutions le Président Rousset, a fait voter une convention à portée libérale qui ne répond en rien aux problématiques quotidiennes des usagers et cheminots », commente le Comité régional de vigilance. « Pour autant les débats ne furent pas aussi simples pour notre dogmatique Président de région, poursuit-il. Dans son propre camp des élus ont
alerté sur les effets néfastes de la mise en concurrence ainsi que sur la baisse de ressource publique. D’ailleurs Alain Rousset lui-même avoua que la phase expérimentale, appelée OPTIM-TER, menée sur la ligne Bordeaux-Arcachon était un échec. Sur cette ligne les associations d’usagers, les élus et syndicats ont exprimé leur refus de fermetures progressives des gares et de l’absence de contrôleur dans chaque train ». L’annonce des maintiens des contrôleurs dans les trains et de l’ouverture de 107 gares dans cette convention est donc une première victoire. Mais le comité condamne un certain « cynisme visant ici ou là, selon la capacité du territoire à se défendre ou pas, à faire reculer le service public et la réponse aux besoins du quotidien ». Une position qu’ils considèrent immorale et irresponsable au regard de la situation sociale et des enjeux climatiques. Le communiqué souligne l’action
des élus groupe Génération.s qui a conditionné son vote à l’adoption d’un amendement visant à inclure dans cette convention la non mise en concurrence de la SNCF ainsi que la non baisse de la ressource publique. L’amendement n’ayant pas été retenu, le groupe a voté contre. Le groupe Les Républicains et les Verts se sont abstenus tandis que le Parti socialiste et le Rassemblement national ont voté pour. Le comité régional de vigilance ferroviaire mettra tout en œuvre, y compris juridiquement, « pour faire de cette mouture libérale une coquille vide ». Il invite les élus, les citoyens, les associations d’usagers, les organisations politiques et syndicales à le rejoindre dans ce combat. Prochaine réunion : le 16 janvier 2019 à 18h30 à Bordeaux (35 rue Charles Domercq).
ACTUALITÉ
Editorial
JUSTICE FISCALE
Les communistes reçus au siège de Google France
Les parlementaires du PCF ont déposé, mardi matin, une proposition de loi pour prélever à la source les profits des multinationales, avant de manifester devant le siège du géant du Web. Pas de signe ostentatoire de richesse. Rue de Londres, dans le 9e arrondissement de Paris, nul logo sur la façade du bâtiment qui abrite le siège français du géant du Web. Mardi, sous ses fenêtres, une centaine de militants communistes arboraient des pancartes « Google, payez vos impôts en France ! ». Rejoints par quelques adhérents du mouvement de Benoît Hamon, Génération.s, ils se sont rassemblés plus d’une heure autour de la délégation du PCF, composée de son secrétaire national, Fabien Roussel, la députée européenne Marie-Pierre Vieu, les sénateurs Pierre Laurent et Fabien Gay, et Ian Brossat, tête de liste aux européennes. Le 4 janvier, Fabien Roussel avait adressé une lettre au directeur de Google France, Sébastien Missoffe, au sujet des
19,9 milliards d’euros de bénéfices transférés vers les Bermudes, une opération réalisée en toute légalité. « Ce racket est intolérable alors que les PME payent leurs impôts rubis sur l’ongle. Google doit payer ses impôts comme n’importe quelle entreprise ! » a déclaré le député du Nord. « Chaque année, ce sont 100 milliards d’euros qui partent en fumée. 1 000 milliards à l’échelle européenne. Cet argent est au final payé par les classes moyennes et les familles modestes. Le gouvernement impose les ménages à la source. Pourquoi ce ne serait pas possible pour les multinationales ? » explique également Ian Brossat. 19,9 milliards d’euros de bénéfices transférés vers les Bermudes
« Ce sont des dizaines de milliards d’euros que nous devrions récupérer » Les parlementaires communistes ont donc déposé hier matin une proposition de loi pour prélever à la source les bénéfices des multinationales, avant
qu’ils n’échappent aux radars du fisc (lire page 7). À la sortie de leur entrevue, Fabien Roussel l’assure : « Notre échange a été très constructif. Car ce sont les schémas d’optimisation fiscale qui existent dans l’UE qui sont utilisés par ces multinationales. Nous sommes même tombés d’accord sur cette question : oui, il est urgent de changer la loi. » « Carrément ? » interpelle une militante. « Eh oui, la direction de Google France est prête à appliquer la loi telle qu’elle serait prise dans notre pays. Aujourd’hui, ils utilisent les moyens légaux qui existent d’optimisation fiscale. » En Europe, l’idée d’une taxe sur les Gafa, qui comprend les quatre géants du numérique (Google, Apple, Facebook et Amazon), semble loin de se concrétiser. Le 4 décembre 2018, les ministres européens des Finances ne sont pas parvenus à s’accorder sur une version, même édulcorée, du projet. Sans attendre un éventuel accord européen, sous la pression des gilets jaunes, le gouvernement a concédé, mi-décembre, la création d’une taxe sur les géants du numérique qui devrait rapporter 500 millions d’euros par an. « C’est peanuts ! estime Fabien Roussel. Ce sont des dizaines de milliards d’euros que nous devrions récupérer pour augmenter les salaires, développer les services publics. Cette annonce, c’est pour amuser la galerie et ne pas s’attaquer aux paradis fiscaux comme le Luxembourg, les Pays-Bas ou Malte. Stop aux paradis fiscaux ! Voilà l’un des enjeux des prochaines élections. » Avec Maud Vergnol, l’Humanité du 9/01/2019
POUVOIR D’ACHAT
Le « grand débat » laisse de marbre les syndicats
Pour l’acte VIII des Gilets jaunes, Bordeaux a, une fois encore, été le fer de lance de la mobilisation, ce samedi 5 janvier, démentant les prédictions d’essoufflement du mouvement. La préfecture a donné le chiffre de 4 600 personnes, les témoignages évoquent « au moins le double ». La répression disproportionnée n’a pas cessé même si la masse des manifestants a tenté d’éviter les affrontements avec les forces de police. Casses et dégradations se sont répétées. Pour l’acte IX de ce samedi 12 janvier, les Gilets jaunes qui tentent de s’organiser dans tout le département auraient déposé une demande d’autorisation en préfecture.
Sceptiques quant à l’issue de l’initiative prise par le chef de l’État, les organisations se préparent à poursuivre les batailles sur les salaires dans les branches et les entreprises.
Le gouvernement mise tout sur le grand débat national qui doit démarrer la semaine prochaine et se terminer le 15 mars. L’initiative est loin d’enthousiasmer les syndicats. La CFE-CGC y voit une « stratégie d’évitement » mais fait savoir qu’elle
participera là où elle sera sollicitée. Solidaires devrait « probablement » boycotter le rendez-vous. La CGT, elle, se déclare plus que « sceptique » mais « nous sommes prêts à débattre dans les territoires, au plus près des citoyens, sur l’emploi, les services publics, la SNCF », ajoute-t-elle. Du côté de FO, on voit surtout dans la démarche gouvernementale une « réponse politique qui s’adresse aux citoyens ». Seule la CFDT semble séduite. Au-delà de la méfiance des syndicats, le manque d’emballement tient aussi au choix des thématiques (écologie, fiscalité, démocratie, services publics…), dont est évacuée la question des salaires pour les actifs et des pensions pour les retraités. Dans les entreprises, les syndicats montent le ton et leurs exigences, notamment à l’occasion des négociations annuelles obligatoires et dans les branches où le rapport de forces est à l’œuvre depuis de nombreuses années. Une réunion intersyndicale devrait aussi voir le jour pour envisager une « montée en pression commune »
Ne laissons pas la France aux mains des banquiers Dès ce début d’année, les mouvements des « gilets jaunes » ont repris une nouvelle ampleur dans toute la France, avec une belle irruption des femmes, faisant un beau pied de nez au mépris du pouvoir. Car celui-ci, tout en disant « entendre », poursuit ses réformes régressives de la retraite, de l’assurance chômage, des fonctions publiques, de la loi sur la laïcité de 1905, de la Constitution, sous la houlette d’un président-monarque. Dans les fortes manifestations du 5 janvier, des banderoles montrent une cible et un chemin : à Paris « ne laissons pas la France aux mains des banquiers »… à Bordeaux « unis le changement est possible ». Le ciment de cette union, qui peut faire la force durable nécessaire, ne se trouve-t-il pas dans les exigences vitales criées dans les rassemblements, écrites dans les cahiers de doléances ouverts dans de nombreuses collectivités locales, ou encore dans les Cahiers de la colère et de l’espoir ouverts dans les colonnes de l’Humanité et l’Humanité Dimanche ? « Vivre, pas survivre », de son travail, de sa retraite, de sa pension, son allocation… « Dans cette société malade de l’argent, tout est un problème : la jeunesse, la vieillesse, le travail, le logement… » dit celui-ci… « Avec 2 000 euros mensuels », celleci ne se plaint pas mais se joint « à cette grande majorité de personnes qui ne s’en sortent pas à la fin du mois. » Le ciment de cette union ne se trouve-t-il pas dans les solutions brandies sur des cartons pour la justice fiscale : « Remise en place de l’Impôt sur la fortune, l’arrêt du CICE, l’économie au service de l’écologie, l’imposition des bénéfices à la source… » 40 % des profits des multinationales, soit près de 530 milliards d’euros, échappent à l’impôt grâce au transfert de bénéfices dans des paradis fiscaux, dénonce cette semaine Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, ciblant Google, mais aussi les Nike, Ikea, Mc Do, Starbucks, Facebook… En 2016, les profits colossaux des entreprises américaines ont été taxés à 5,7% seulement. Des propositions de l’OCDE existent pour les qualifier juridiquement et les imposer comme toutes les entreprises françaises. Ce système fonctionne déjà ailleurs, aux Etats-Unis, en Allemagne, au Canada, où un impôt sur les sociétés peut aussi être perçu au niveau local. Alors oui, les exigences de la population, celle qui manifeste et celle qui soutient les mouvements, pour vivre dignement, pour la justice fiscale et sociale, pour une démocratie revitalisée, contre la monarchie présidentielle de la 5e République, sont une très bonne nouvelle pour l’avenir de notre pays. Oui, décidément, ne laissons pas la France aux mains des banquiers.
Christine Texier membre de l’exécutif du PCF 33
Les Nouvelles 10 janvier 2019 • 3
LOGEM RETOUR SUR LA LOI ELAN
Quelques repères
La Loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) a été définitivement adoptée en octobre 2018. S’il y a eu les objectifs affichés du gouvernement : « produire un “choc” de l’offre, lever les freins pour construire plus et moins cher », il s’est aussi tenu des propos plus « discrets » : « j’ai deux problèmes avec les HLM, il y a trop d’organismes (…) ensuite, il n’y a pas de bonne circulation du capital (…) » (E. Macron). En réalité, cette loi acte un retrait de l’État, déjà engagé de longue date, (entre 2004 et 2013, sa participation dans les plans de financement des logements sociaux a diminué de moitié) ainsi qu’une importante dérégulation du secteur du logement social. Les deux éléments essentiels de cette loi, c’est en premier lieu, la baisse des recettes, et, en second lieu, la réorganisation des organismes, l’un et l’autre étroitement liés, en toute cohérence. Ponction sur les recettes des organismes du Logement social sans précédent
Après une première ponction de cinq euros sur les APL en juillet 2017, une mesure phare de la loi de finances 2018, a consisté à rogner l’aide personnalisée au logement (APL), versée aux locataires, tout en exigeant des bailleurs une baisse des loyers équivalente. Ce dispositif est appelé RLS (Réduction de loyers de solidarité). L’effort imposé est conséquent puisqu’ils les privent de 8 % de leurs recettes (celles-ci équivalent à 22 milliards d’euros de loyers perçus par an), fragilisant ainsi leur équilibre économique. Le « choc » sur les bailleurs ne s’est pas fait attendre : dès 2018, 61 % vont diminuer leur budget d’entretien courant en moyenne de 6 %, et de moitié, leurs investissements (neufs et réhabilitation) d’un tiers ! Il est à noter que la fédération des ESH (Entreprises sociales pour l’habitat), institutions privées du logement social, a joué un rôle important en se ralliant à la politique de Macron, contre les résistances du secteur public, les OPH (Offices publics de l’habitat). 4 • Les Nouvelles 10 janvier 2019
À cette baisse de moyens sans précédent, se rajoute le relèvement de la TVA (passant de 5,5 % à 10 %) qui s’applique à la construction de logements sociaux. Les conséquences à prévoir de ces ponctions sont, clairement, plusieurs années de ralentissement de l’investissement, tant dans la construction neuve que dans la rénovation, par exemple dans la rénovation énergétique qui apporte un bien être supplémentaire et allège la facture des locataires. Fusionner… Pour mieux vendre ?
Le second volet de cette loi est la fusion des organismes (les organismes gérant moins de 12 000 logements devront fusionner, un grand nombre sont concernés), celle-ci étant présentée comme un gage d’économies… Si l’une des conséquences de ces regroupements sera l’affaiblissement de la représentation des locataires, il en est d’autres plus complexes, mais encore plus menaçantes comme le risque de voir disparaître les offices publics, remplacés par des sociétés anonymes à structure capitalistique, avec l’ouverture (probable ? Possible !) à des fonds privés. L’exemple de l’Allemagne où la crise du logement refait l’actualité suite à leur vente massive à des fonds de pensions ne peut que nous alerter. Ces nouveaux mastodontes vont faciliter la marchandisation des logements publics ! En effet, pour faire face au déséquilibre financier créé, la vente de leur logement est, en toute logique, encouragée, facilitée, par la loi. Celle-ci devient un moyen de retrouver un financement perdu par ailleurs. L’objectif du gouvernement est élevé : 40 000 logements par an contre en moyenne 8 000 auparavant, avec l’argument qu’un logement vendu permet d’en construire trois (argument très contesté). Même si cette pratique existe déjà, c’est de façon marginale… Et intégrer la vente future d’un logement social dans son plan de financement, c’est un changement radical de modèle économique ! Certains sont déjà prêts à investir ! Les fonds générés par ces groupes continueront-ils à profiter au logement social ou bien iront-ils aux
actionnaires ? C’est pour nous aussi une question d’éthique : les logements sociaux construits grâce à l’argent public et grâce à l’argent des locataires ne constituent-ils pas un bien commun ? (Cf bas de page) La vente ne se fera-t-elle pas au risque d’une paupérisation du parc, à rebours de toute idée de mixité sociale ? Une nouvelle disposition qui prévoit le réexamen des situations des locataires, tous les trois ans va aussi dans le même sens : faire sortir du parc les ménages les plus aisés. On peut craindre aussi, pour accroitre les recettes, que les organismes construisent plus volontiers des logements autorisant des loyers plus élevés (type PLS), au détriment de logements plus accessibles (type PLAI). Cette crainte est renforcée par la modulation devenue possible du loyer, en fonction des revenus. Cette modulation fera des locataires pauvres, des locataires moins « intéressants », les rejetant vers le privé. Les collectivités ne risquent-elles pas aussi de devoir mettre encore la main à la poche ? Au risque de creuser encore plus les inégalités entre les territoires : les plus riches pourront compenser, les plus pauvres, non. Dérégulation à tous les étages
D’autres mesures de cette loi ne vont pas dans le bon sens. C’est le cas des
nouvelles normes : les plus contestées étant le rôle des architectes des Bâtiments de France amoindri ou bien la réduction de la part des logements accessibles aux handicapés. La dérégulation gagne aussi le privé avec la création d’un « bail mobilité » qui acte un recul des droits des locataires. Quant à l’encadrement des loyers, il devient quasiment inapplicable pour, sans doute, laisser la voie libre aux ventes de logements. L’avis des maires ne sera que consultatif et ne reste contraignant que dans le cas où la commune est déficitaire en logements sociaux (sous les 25 % exigés par la loi Solidarité et Renouvellement Urbain). Ces logements vendus resteront comptabilisés pendant dix ans, et non plus cinq, dans le quota des logements sociaux, alors que chaque logement vendu sera pourtant bien retiré de l’offre faite aux demandeurs de logement ! Cette brèche dans la loi risque de stimuler la droite qui rechigne à l’appliquer dans nombre de villes. Avec cette loi, la France est complètement à contre-courant : l’Angleterre, comme l’Allemagne viennent de prendre la décision de financer de nouveaux plans, la commission européenne elle-même, après avoir tancé les Pays-Bas et la Suède pour leur excès de logements sociaux, s’est convertie et appelle dorénavant à investir massivement dans le logement abordable. La France n’est pas une exception en Europe où les grandes métropoles font à peu près toutes le même constat de carence : en France, c’est quatre millions de ménages qui, en 2018, piétinent au seuil d’un vrai logement et deux millions qui attendent un logement social. Au sein de la Métropole, les élus ont commencé à réfléchir aux conséquences de la loi. Même si certains sont inquiets, et souhaitent « encadrer » et limiter les effets négatifs de son application, celle-ci risque d’aggraver la situation. Si nous avons, à plusieurs reprises, pu souligner la politique volontariste de la Métro-
pole en la matière, nous y défendons aussi souvent la nécessité de faire beaucoup plus : la file d’attente pour une première demande de logement social est actuellement de 24 000, alors que la moyenne de production actuelle annuelle y est de 3 500 logements ! Les défis du service public du logement social ne seront pas relevés par un assèchement des financements publics, ni par la constitution de groupes hyper dominants au service du marché mais bien, plutôt, par des coopérations respectueuses de chaque organisme, par plus de pouvoirs aux locataires et aux élus, par un retour aux financements de l’État. La logique de ce gouvernement est malheureusement et décidément toujours la même : le seul modèle est celui du libéralisme, de la marchandisation, désengageant l’État au profit des actionnaires, en laissant sur le « carreau » les plus faibles, en cassant tout ce qu’il reste encore de solidarité, de biens communs. Celui en cause ici, c’est le logement social, « patrimoine de la nation ». Odile Blein, élue communiste à Bordeaux Métropole
Le patrimoine de la nation Le logement social est un pilier du modèle social français. Avec 4,6 millions de logements, il loge un ménage sur six, soit 10 millions de personnes. Amortisseur face à la crise, filet de sécurité pour les plus fragiles, c’est aussi un poids lourd de l’économie : 17 milliards d’euros d’investissement en 2015 (ce qui explique peut-être certaines convoitises…). Ce patrimoine s’est constitué au fil des générations par l’effort cumulé des locataires (20 milliards d’euros de loyers par an, dont 40 % servent à rembourser les prêts qui ont financé le patrimoine), de l’État, des collectivités locales, des épargnants sur le livret A, des entreprises et des salariés (ex-1 % logement). L’ancien ministre du logement Louis Besson l’a qualifié en 1990 de « patrimoine de la nation ».
Congrès des HLM 2018
MENT INTERVIEW DE JOSÉ MOURY, ANIMATEUR DE LA COMMISSION LOGEMENT DE L’ANECR
PESSAC, QUARTIER SAIGE FORMANOIR
La loi ELAN adoptée, il faut regarder le coup d’après
La CNL s’oppose à la destruction des tours, les locataires concernés aussi
José Moury est animateur de la commission logement de l’ANECR (Association nationale des élus communistes et républicains), élu à Bobigny et ancien président d’office HLM en région parisienne. Nous l’avons interrogé sur la situation des offices HLM, les conséquences à attendre sur le logement social et l’action des élus communistes. Les Nouvelles. Après le coup porté aux bailleurs sociaux avec la réduction de loyers de solidarité (baisse des loyers équivalente à la baisse de l’APL), l’adoption de la loi élan en novembre 2018 prévoit le regroupement des organismes HLM. Quelles décisions ces derniers prennent-ils pour faire face ? Comment se réorganisent-ils ? José Moury. Comme prévu, c’est un peu le chaos. L’injonction de se regrouper concerne le nombre de locataires : autour de 12 000 et le territoire, à l’échelle de l’intercommunalité, pour ce qui concerne la région parisienne, en tout cas. Avant l’adoption de la loi, il y a eu une stratégie de contournement. Par exemple, l’Office public HLM de Malakoff est devenu une SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) pour échapper au périmètre de la loi ELAN et garder le contrôle afin de continuer à faire du logement social. Par contre à Bobigny, ville de droite, la même tactique devait être utilisée mais au service d’une autre stratégie : garder le contrôle pour la gestion du clientélisme mais aussi pour réduire au maximum le nombre de logements sociaux. En menant la bataille avec les citoyens, nous avons pu empêcher la création de cette SCIC. Mais maintenant que la loi est adoptée, il faut regarder le coup après le coup d’après. Le regroupement en lui-même n’est pas forcément un problème même si on peut craindre une perte de proximité. Par ailleurs l’idée qu’il faut concentrer pour être plus efficace est purement dogmatique et n’a jamais fait ses preuves. Il y a plus de quinze ans, les offices publics des villes de Saint-Denis, La Courneuve, Stains, Épinay, etc. ont été regroupés au sein de « Plaine commune habitat » sans perte de proximité parce que c’était géré par des élus communistes. La crainte est que le logement social subisse ce qu’ont vécu les organismes du 1 % logement. Il y avait tout un maillage de micro-organismes dans les départements. Aujourd’hui, il ne reste plus que quelques gros organismes nationaux dont le fonctionnement est comparable à celui du capitalisme industriel avec des rachats, des placements financiers, etc. Comme tu le disais, la réduction des loyers annonce des difficultés à l’horizon de deux ans. Les regroupements ne vont pas apporter de fonds, par contre ça fera des organismes plus intéressants à racheter par les majors de l’immobilier ou de nouveaux acteurs comme la Caisse des dépôts. Ça peut aller très vite car lorsque les offices se retrouveront sans moyens, ils feront appel à du capital. C’est
d’ailleurs l’objectif de Macron : « faire circuler le capital ». Sa logique c’est qu’il y a des restrictions d’argent dans le public alors qu’il y en a plein dans le privé, il faut donc affaiblir encore plus le public pour que le Capital investisse. Le problème c’est que le Capital veut un retour rapide d’argent, donc on est dans le modèle classique de rachat. L’essence même du logement social, c’est les loyers encadrés par la loi, c’est le vrai élément de sécurité, le dernier verrou mais quand il y aura besoin d’argent, on expliquera qu’on ne peut pas faire autrement que de le faire sauter. Les Nouvelles. Quelles vont donc être les conséquences sur l’offre de logement social et dans quels délais ? J.M. Macron avait annoncé un choc de l’offre, on voit qu’il y a une stagnation de l’offre de logement et même une baisse, notamment dans le logement social. Il y a eu le subterfuge des prêts allongés par la Caisse des dépôts aux organismes qui a fait baisser les mensualités mais qui, au final coûte plus cher et ne permet pas de reconstituer les fonds propres. Comme, en plus, toutes les enveloppes pour les réhabilitations ont disparu, plus assez de fonds propres ça veut dire plus de réhabilitation et surtout plus d’offre supplémentaire. Or, le chiffre de l’Abbé Pierre d’un million de Français en attente d’un logement est toujours d’actualité. La stratégie est de développer du logement intermédiaire mais on voit bien, en ce moment, que la classe moyenne est dans la rue parce qu’elle ne s’en sort pas. C’est donc tout à fait inadapté, à terme, on va avoir une paupérisation du parc. À moyen terme, plusieurs éléments font craindre qu’aux regroupements suivent les rachats et la privatisation du logement social, avec des parcs déconventionnés, etc. Il y a une logique qui va dans ce sens depuis 25 ans avec, par exemple, les OPH qui étaient 100 % publics qui sont devenus des Epic en 2008 et tout un tas d’étapes pour reprendre la main sur des outils démocratiques, décentralisés et d’autofinancement. Les OPH, sur le plan de la représentation et du débat démocratique, c’était très intéressant parce qu’il y avait des élus locaux, des représentants de l’État, des locataires, la CAF… On va passer de milliers d’administrateurs d’OPH à très peu de représentants, ça va forcément avoir un impact démocratique et notamment sur les associations de locataires. Les Nouvelles. Comment agissent ou vont agir les élus communistes sur ces questions ? Avec quelles propositions ? J.M. Il faut avouer qu’on est un peu groggy car on sort de cette bataille, comme pour la loi travail, avec un pouvoir qui n’a rien cédé. Encore, sur la loi travail Macron défendait sa ligne libérale face à des organisations plutôt de gauche. Sur la loi Elan, il a eu face à lui toujours des organisations
de gauche (syndicat des salariés des offices, associations sur logement…) mais aussi l’ensemble des organismes HLM, des constructeurs, des promoteurs, des architectes… Et il n’a écouté personne. Les parlementaires communistes ont mené la bataille, déposé des dizaines d’amendements, aucun n’a été retenu à part sur les marchands de sommeil. On ne sort pas d’une bataille comme ça indemne. Ils ont réussi à créer les conditions d’une fuite en avant des acteurs du logement social et du chacun pour soi. Aujourd’hui, les communistes sont les seuls à continuer à exiger la présence d’acteurs publics dans le logement social, à souligner l’enjeu démocratique et de proximité. Les autres sont dans la résignation, notamment les élus socialistes, très présents dans les offices HLM et déjà résignés par l’état de leur parti. Certains sont même partisan de la réforme sans croire que le coup d’après sera la privatisation. Cependant, même avec la volonté de tous les acteurs, l’échéance du 31 décembre 2020 pour le regroupement des offices paraît difficile à tenir. C’est là que nous verrons s’ils sont déterminés à aller jusqu’au bout, si les préfets mettent la pression. On est donc dans une situation de chaos, sans possibilité d’avoir des projets de développement. En région, on voit déjà ce que ça donne lorsqu’il y a un gros office dans le département et des bailleurs qui ne sont pas des OPH, les élus locaux ont du mal à savoir ce qui se passe, qui décide, ils se retrouvent sans visibilité, sans prise sur les stratégies. Il faudrait certainement un changement global de politique pour sauver le logement social. Ceci dit, il ne faut pas oublier que 60 % des Français sont propriétaires et que seule la moitié des 40 % restant sont en logement social. C’est pourquoi les communistes élargissent leurs revendications au patrimoine privé avec une bataille contre l’habitat insalubre et pour que toutes les dispositions soient mobilisées dans ce sens, également sur la nécessité de lutter contre la spéculation et d’encadrer les loyers. Là on s’appuie sur des dispositions de la loi ELAN. Celles-ci constituent tout de même des éléments de centralisation puisque les élus locaux prennent un vœu pour qu’à l’échelle intercommunale, de la métropole, on demande au préfet qui, lui, décide. C’est encore une reprise en main forte de l’État, c’est aussi pernicieux. Mais tout en le dénonçant, on a décidé de s’en emparer. Une trentaine de maires communistes ont lancé début décembre, un appel au gouvernement pour qu’il prenne enfin les décrets permettant de mettre en place cette mesure sociale. Malgré son caractère modeste, l’encadrement, qui consiste à limiter la hausse à la relocation à 20 % au-dessus du loyer de référence fixé par un observatoire, pourrait redonner un réel pouvoir d’achat aux familles. Propos recueillis par Christelle Danglot
Le quartier Saige à Pessac fait l’objet d’un projet de « renouvellement urbain » qui privilégie la destruction de trois tours et la vente d’une partie du logement social, ce à quoi s’oppose l’amicale CNL du quartier ainsi que les locataires qu’elle a consultés. Le quartier Saige de Pessac est l’un des plus pauvres de la métropole. Lancé fin 2016, le projet de renouvellement global du quartier de Saige, conduit par le cabinet Ellipse sous l’égide de la ville et de l’unique bailleur, Domofrance, prévoit de réduire l’offre locative sociale de Formanoir pour dédensifier son cœur, réhabiliter l’ensemble des logements sociaux, mettre une dose d’activité économique et commerciale supplémentaire, et favoriser la mixité sociale. Pour se faire, la destruction de trois des huit tours de 18 étages et une partie d’un quatrième bâtiment en R + 3 est privilégiée. De l’espace libéré naitrait un « arc vert » reliant le campus au Pontet et le centre commercial devrait être requalifié. « 450 logements sociaux détruits face auxquels, il serait prévu 50 logements sociaux nouveaux et 295 accessions à la propriété privée, précise l’amicale CNL du quartier. Le maire veut changer l’image du quartier et ne veut plus de ces concentrations de pauvres mais ce n’est pas en délocalisant ces habitants en difficulté qu’on va améliorer leur situation. » Gérard Vallée, président de l’amicale, Monique Torres, trésorière et membre de la direction départementale de la CNL et Philippe chargé de la communication sont assez remontés. « Avoir des quartiers en zone prioritaire, ça oblige à verser des deniers publics. Qu’il faille trouver des solutions pour réduire ces zones prioritaires, pourquoi pas ? Mais ça ne va pas réduire la pauvreté et la précarité. On nous avance des créations d’emploi avec l’une des tours qui serait transformée en “hôtel d’entreprise”, mais ce n’est pas l’arrivée de quelques bureaux d’étude qui va donner du boulot aux gens du quartier ! Et puis, clairement, où les locataires des logements sociaux détruits vont-ils être relogés ? Personne ne le sait précisément. »
Ce qui énerve beaucoup ces militants de la CNL aussi, c’est que le maire affirme que les habitants ont été consultés et qu’ils approuvent le projet de la ville. « Ce n’est pas avec 4 ateliers organisés par Ellipse, qui ont surtout réunis des personnes extérieures à Formanoir, qu’on peut avoir une idée de ce qu’en pensent les locataires concernés par les destructions. C’est pourquoi nous avons décidé de consulter nous-même les habitants. Nous leur avons proposé de choisir entre le projet de la ville et le nôtre qui propose de ne rien démolir, de tout réhabiliter en logement social HLM, sans hausse de loyer, avec consultation des habitants à chaque étape de la réhabilitation. À l’heure actuelle, sur 204 foyers exprimés, essentiellement des locataires de tours, 92,61 % choisissent le projet de l’amicale. » La CNL a reçu le soutien des élus d’opposition PS et PC. « Le comité de quartier est également opposé à la démolition des tours mais pas forcément à la vente du logement social, précise Monique. Les membres du Conseil citoyen, individuellement, sont plutôt favorables à la CNL mais ils ne participent plus aux réunions. Beaucoup se sont rendus compte qu’ils sont plutôt utilisés pour valider les projets plutôt que pour donner réellement un avis et participer aux décisions. Quant aux associations du quartier, elles sont inquiètes même si elles ne sont pas mobilisées car qui dit changement de population dans le quartier dit potentiellement disparition de leur public… » Par ailleurs, l’association de défense des locataires entend être vigilante quant au sentiment des locataires des tours menacées de destruction que le bailleur souhaite, du coup, dépenser le moins possible. « On nous signale des réactions tardives pour le traitement contre les cafards et les punaises de lit. Des situations d’insalubrité et d’insécurité sont en train d’apparaître. Avant, il y avait un concierge par tour, aujourd’hui ils tournent et n’ont plus la même fiche métier. » L’amicale CNL de Saige-Formanoir poursuit donc sa consultation notamment dans son local du 5 rue des Fuchsias Bat-2, tous les jeudis de 15h à 19h. C.D. Les Nouvelles 10 janvier 2019 • 5
INTERNATIONAL HONGRIE
BRÉSIL
Viktor Orban face à ses contradictions Bolsonaro salue un pays « libéré du socialisme » Le premier ministre hongrois, de droite extrême, est confronté à une forte contestation à la suite de l’adoption d’une réforme du marché du travail. Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, a beau avoir souhaité un « Noël béni à toute l’opposition et à tout le pays », il ne connaît pas de trêve sociale. Plusieurs milliers de Hongrois ont encore une fois manifesté, le weekend dernier, à Budapest, contre sa réforme du marché du travail. Le mercredi, unis, les députés d’opposition de gauche comme d’extrême droite ont juré de « faire de 2019 l’année de la résistance ». Les syndicats envisagaient d’appeler à une grève générale. Cette « loi de l’esclavage », comme l’appellent les manifestants, autorise
les employeurs à contraindre les salariés à accepter jusqu’à 400 heures supplémentaires par an, contre 250 aujourd’hui, ce qui revient, dans certains cas, à instaurer la semaine de six jours. Cerise sur le gâteau, les entreprises auront trois années pour les payer, contre une actuellement. Dans cette affaire, Viktor Orban, héraut de la lutte contre Bruxelles, opposant numéro un à la politique d’Angela Merkel d’accueil des réfugiés et idole de l’extrême droite européenne, est placé face à ses contradictions. Son gouvernement n’en fait pas mystère : cette loi est faite pour favoriser le patronat allemand, notamment de l’automobile, qui investit massivement en Hongrie. Seconde contradiction : cette loi répond à une pénurie de main-d’œuvre.
MUMIA ABU-JAMAL
L’ancien condamné à mort à deux doigts de pouvoir faire appel Un jugement intervenu jeudi 27 décembre permet à la défense de Mumia Abu-Jamal de faire appel de sa condamnation pour le meurtre d’un policier sous trente jours. Toutefois, le procureur de Philadelphie, Larry Krasner, peut encore faire appel de cette décision. Les soutiens du prisonnier politique noir-américain saluent cette avancée. Pour Mumia Abu-Jamal, l’appel est à portée de main. Le magistrat de Philadelphie Leon Tucker a jugé qu’il y avait eu un biais dans la procédure. Journaliste radio, militant dans la communauté noire-américaine de Philadelphie, Mumia Abu Jamal avait été condamné à mort pour le meurtre d’un policier en 1982 au terme d’un procès inique : certaines personnes de couleur noire avaient été écartées du jury par le sinistre juge Sobo qui avait promis à l’accusation « je les aiderai à frire ce nègre ». En 2011, la peine de Mumia Abu-Jamal avait été commuée en prison à vie, sans jugement. Cette année, la défense de Mumia Abu-Jamal, 64 ans, avait relevé le rôle du juge Ronald Castille à plusieurs étapes de la procédure visant le journaliste, une fois comme procureur adjoint, puis comme juge à la Cour suprême d’État. Leon Tucker a estimé qu’il aurait dû se récuser. Ne pas
l’avoir fait suggère un « biais », juget-il, relativisant sa décision : Ronald Castille n’aurait pas joué un rôle primordial d’abord comme procureur puis juge. L’avenir judiciaire de Mumia-Abu Jamal est désormais dans les mains du procureur de district Larry Krasner, élu en 2017 et connu pour ses positions progressistes. Ce dernier a encore la faculté de faire appel de la décision du juge Leon Tucker, qui permet à la défense de Mumia d’interjeter appel sous trente jours. « Nos amis, soutiens américains à Mumia, saluent “cette victoire légale et inédite comme la meilleure chance que nous avons de libérer Mumia depuis des décennies ”, souligne le Collectif français LIBERONS MUMIA. Ce dernier salue également « le succès judiciaire et la mobilisation internationale qui a contribué à faire émerger la vérité et qui doit se poursuivre pour que Mumia quitte définitivement l’univers carcéral où il est enfermé depuis 37 ans ». Comme chaque premier mercredi du mois, un rassemblement avait lieu à proximité de l’ambassade des ÉtatsUnis le 2 janvier à Paris pour, cette fois, fêter ce succès judiciaire et pour montrer la détermination à poursuivre le combat tant que MUMIA ne sera pas libéré.
ARABIE SAOUDITE
Peine de mort requise dans l’affaire Khashoggi Le procès des onze suspects du meurtre de Jamal Khashoggi s’est ouvert le 3 janvier à Riyad. Trois mois après l’assassinat du journaliste saoudien au consulat du royaume à Istanbul, le procureur général a requis la peine de mort contre cinq d’entre eux. Selon le procureur, les demandes d’obtention par la justice saoudienne des éléments de preuve auprès des autorités turques sont restées vaines. « Ce procès suscite un immense intérêt, mais aussi beaucoup de suspicion quant 6 • Les Nouvelles 10 janvier 2019
à savoir si les responsables réels du crime seront tenus de rendre des comptes », a expliqué H. A. Hellyer, chercheur associé au think tank britannique Royal United Services Institute. Selon les autorités saoudiennes, le journaliste aurait été tué lors d’une « opération hors de contrôle » de l’État mais supervisée par deux hauts responsables destitués depuis. Aux États-Unis, la communauté du renseignement est, elle, convaincue de l’implication du prince héritier Ben Salmane.
Investi la semaine dernière sous haute surveillance militaire, le président d’extrême droite n’a cherché à apaiser aucune passion. Il promet de « purger » le pays de sa gauche. Les communistes brésiliens appellent à un large front de résistance, des organisations ouvrières aux mouvements religieux.
ITALIE
Des maires se rebellent contre la politique de Salvini Maire de Palerme, Leoluca Orlando, ex-démocrate-chrétien, figure de la lutte contre la mafia et pour une culture de l’accueil des exilés, a annoncé que, dans sa ville, les éléments les plus discriminatoires de la politique de Matteo Salvini, à la fois ministre de l’Intérieur et leader de la formation d’extrême droite Lega, ne seraient pas appliqués. Il conteste en particulier l’interdiction d’inscription aux bureaux d’état civil pour les demandeurs d’asile. « C’est inhumain et criminogène », attaque-til. Salvini a immédiatement raillé la « désobéissance » du maire de Palerme, mais celui-ci est désormais rejoint par d’autres premiers magistrats, comme à Naples, Florence ou Parme. « J’ai toujours rangé ma ville du côté des droits humains, indique Luigi de Magistris, le maire de Naples. Nous, nous appliquons les lois ordinaires quand elles respectent la Constitution républicaine. Donc nous obéissons à la Constitution, cela n’a rien à voir avec de la désobéissance civile. L’inscription à l’état civil est fondamentale, car elle octroie aux personnes des droits. Ce qui est en jeu dès lors, ce sont des intérêts essentiels de ces êtres humains, le droit d’asile, le droit à l’assistance… »
L’acte I de la présidence paranoïaque de Jair Bolsonaro est donc ouvert. Malgré la pluie qui tombait sur la capitale le jour de l’investiture du nouveau président d’extrême droite, le 1er janvier, aucun Brésilien n’aura eu le droit d’ouvrir son parapluie. Outre les nombreux checkpoints installés sur l’esplanade des ministères, un système antimissile, des tireurs d’élite, des agents spécialisés en défense chimique, radiologique et nucléaire et vingt avions de chasse avaient été mobilisés. L’espace aérien a par ailleurs été fermé jusqu’au lendemain matin. Un déploiement militaire inquiétant qui en dit long sur l’ère dans laquelle entre le Brésil. Purifier le pays des « idéologies néfastes »
Durant la cérémonie, le 38e président du pays a livré son obsession : tuer le « puissant mouvement historique » qui porta Lula au pouvoir en 2003 et auquel ce dernier faisait référence lors de son second discours d’investiture en 2007. Le « pacte national » évoqué consiste à « libérer définitivement » le pays « du joug de la corruption, de la criminalité, de l’ irresponsabilité économique et du carcan idéologique ». Le nouveau chef d’État a ainsi salué un pays « libéré du socialisme, de l’inversion des valeurs, du gigantisme étatique et du politiquement correct », promettant de purger le pays des « idéologies néfastes », qui « détruisent les familles », comme celles de la prétendue « théorie du genre » ou du « marxisme », qui hante, selon lui, les manuels scolaires. Les parlementaires du Parti des travailleurs (PT) et du Parti socialisme et liberté (Psol) ont décidé de boycotter la cérémonie. Le Parti communiste du Brésil (PCdoB) n’a quant à lui jamais reçu d’invitation. Au printemps, la rose et le réséda refleuriront
De sa voix rocailleuse, l’ancien président Lula avait coutume de dire que la gauche ne tendrait pas l’autre joue à quiconque tenterait
de l’abattre. C’était au printemps dernier, quelques jours après l’assassinat de Marielle Franco, le 14 mars. La conseillère municipale de Rio de Janeiro incarnait tout ce que les fascistes brésiliens honnissent : une femme, noire, militante du Parti socialisme et liberté (Psol), engagée contre le racisme, l’homophobie et les violences policières. Quelques semaines plus tard, le 4 avril, Luiz Inácio Lula da Silva était incarcéré au terme d’un procès inique l’empêchant de concourir à la présidentielle. Malgré un dernier rebondissement judiciaire le mois dernier, l’ex-chef de l’État restera en prison au mépris du droit (voir l’Humanité du 21 décembre). À la faveur de l’investiture du président fasciste, la gauche tente d’organiser la résistance à l’état d’exception qui se profile. A-t-elle d’ailleurs le choix ? Le Psol a ainsi appelé à « défendre la démocratie, les droits du peuple brésilien et la souveraineté nationale contre ceux qui veulent faire rétrocéder le Brésil en 1964 », date du début de la dictature militaire. C’est dans cette perspective que le Parti communiste du Brésil (PCdoB) a appelé, par la voix de sa présidente, Luciana Santos, à « une large union ». Selon la formation, la résistance doit s’étendre « du Congrès national et autres organes législatifs, aux mouvements sociaux, aux organisations de la classe ouvrière, à certains segments du monde des affaires, aux universités et intellectuels, aux artistes, au monde juridique, aux milieux religieux et même aux membres des institutions de la République. Les gouverneurs et les maires du camp démocratique joueront un rôle important dans cette entreprise ». D’ores et déjà, pour contrer les fausses informations relayées sur les réseaux sociaux, dispositif clé de la victoire de Jair Bolsonaro, Manuela d’Avila, ancienne candidate communiste à la vice-présidence contre qui les menaces se multiplient, a annoncé la création d’une chaîne YouTube, (R)Exista, de « résistance et de combat à la vague conservatrice ». Avec Lina Sankari, l’Humanité
PCF CONSEIL NATIONAL DU 13 DÉCEMBRE 2018
DANS LES SECTIONS
Des député-e-s communistes au Parlement européen
Les rendez-vous de la Nouvelle année
La première réunion du Conseil national du Parti communiste après son 38e congrès a eu lieu le 13 décembre, comme nous vous l’avions annoncé le 20 décembre, nous publions ici la partie du rapport de Fabien Roussel, secrétaire national, sur la campagne des élections européennes. « Dans le contexte présent, il nous incombe d’engager tout notre parti dans la dynamique initiée par Ian Brossat. Tout d’abord en confirmant aujourd’hui le choix que les communistes ont décidé lors de leur congrès : que Ian conduise et soit la tête d’une liste de large rassemblement pour ces élections européennes. Nous sommes à cinq mois et demi du vote. Il faut donc mettre le turbo. Réfléchissons aux candidatures que nous voulons dans cette liste, et finissons de la construire pour que, le 26 janvier, nous puissions vous proposer une liste complète ou quasi complète. Le vote des communistes interviendrait ensuite les 31 janvier, 1er et 2 février. Il faut organiser ce vote et en profiter pour mettre le plus de communistes possibles dans la campagne. Nous portons depuis plusieurs mois l’objectif de construire une liste de large rassemblement. À ce jour, les seules discussions poussées ont lieu avec le mouvement Génération·S. Elles se poursuivent, même si Benoit Hamon, comme nous du reste, a déclaré sa candidature le 6 décembre dernier. La France Insoumise, elle, vient de
présenter sa liste, EELV est déjà en campagne et le PS paraît hésiter entre le soutien à une liste conduite par Ségolène Royal et un partenariat avec le nouveau regroupement « Place Publique ». Ian Brossat a fait une belle entrée en campagne, il est temps que tout le Parti s’y mette. Notre esprit de rassemblement, notre constance dans ce combat pour une autre Europe, contre les Traités européens depuis Maastricht, nos propositions pour rompre avec les dogmes des Traités européens font aussi notre originalité dans cette campagne. Nos campagnes pour le pouvoir d’achat, pour les services publics, sur le coût du capital, pour des droits nouveaux, contre le racisme et les discriminations, font écho dans l’Europe d’aujourd’hui marquée par les politiques d’austérité et la montée des extrêmes droites. D’ici à la fin de l’année nous pouvons encore tenir des initiatives. En tout cas, dans chaque fédération, il est temps de mettre en place, comme ici au CN, un collectif de campagne et de préparer les 160 jours qui nous séparent du 26 mai prochain. 160 jours c’est peu et c’est beaucoup à la fois. Chaque communiste doit être mobilisé. Car chacun de nos adhérents peut mobiliser sa famille, ses voisins, des collègues sur l’enjeu de cette campagne. Nous pouvons, avec eux, avec chacun, constituer des appels à voter, en partant de nos adhérents et en allant au-delà. Il faut réfléchir aussi aux syndicalistes,
à ceux qui luttent dans chacun de nos départements. Parlons de notre liste, de nos propositions et de notre volonté de faire élire un ou une ouvrière au Parlement européen. Préparons les réunions publiques avec Ian et avec celles et ceux qui seront sur la liste. Il faut envisager de faire des meetings dans toutes les régions de France. Et puis allons chercher les électeurs, un à un, soyons visibles, offensifs, sans complexe par rapport à l’enjeu européen. Nous vous proposerons rapidement un matériel simple pour aller aux porte-à-porte, sur les marchés, dans les quartiers, les entreprises, pour discuter avec les gens, partout où c’est possible. Utilisons le vote des adhérents et les cérémonies des vœux des sections pour mettre tous les communistes dans l’action et pour qu’ils repartent avec du matériel de campagne, des affichettes à mettre sur les fenêtres ou dans les halls d’immeubles. Vous l’avez compris, il est décisif de construire l’utilité du vote communiste et du vote tout court. Les positions successives du PCF au cours de l’histoire de la construction européenne, notre opposition aux traités, sont plus que jamais à valoriser. Tous les communistes doivent désormais être en campagne avec Ian Brossat, Marie-Pierre Vieu, et Patrick Le Hyaric. Ayons confiance dans notre combat, dans nos forces. Si nous sommes organisés, déterminés, offensifs, nous pouvons réussir à élire des députés communistes au Parlement européen ! »
REVUE PROGRESSISTES
Un outil indispensable aux militants
Connaissez-vous la revue Progressistes ? Cette revue trimestrielle vient de fêter son n°22. La revue Progressistes est un trimestriel articulant les enjeux du monde du travail, de l’environnement, et les avancées scientifiques et techniques. La revue Progressiste est un outil indispensable à qui veut comprendre en quoi l’évolution des forces productives impacte notre façon d’appréhender le monde afin de dégager des pistes pour le transformer. En effet, il s’agit là d’un thème majeur
structurant la pensée et l’action révolutionnaires, mis en évidence par K. Marx dans sa préface à la Critique de l’économie politique. Prendre en compte dans l’élaboration politique comme dans la pratique militante cette évolution des forces productives, est un gage d’efficacité et de pérennité des organisations révolutionnaires. Chaque numéro est organisé autour d’un dossier spécifique et des rubriques régulières en lien, plus ou moins distendu, avec l’actualité immédiate. Les dossiers récents traitent de Biodiversité n° 17, Sciences et techniques, des réponses progressistes n°18, Où va la finance ? n°19, Le nucléaire à l’international n°20, La Chine présent et futur n°21 et le dossier de notre numéro 22 sur L’eau et ses enjeux, actuel. Les prochains n° devraient avoir pour thème des dossiers respectivement L’Intelligence artificielle et l’Usine du futur… Les articles font appel à des spécialistes dont les préoccupations vont bien au delà des seuls aspects purs de la science, de la technologie ou de la technique qu’on peut habituellement retrouver ailleurs. Il s’agit bien sûr de traiter des enjeux scientifiques et techniques dans leur rapports à la société,
au travail et à l’environnement. Dans la plupart des dossiers des spécialistes mondialement reconnus (membres de l’Académie des sciences par exemple) ou des acteurs de terrain, des travailleurs, interviennent. Les fichiers en format pdf des numéros est en ligne sur : revue-progressistes.org Bonne lecture donc de ses numéros et/ou de certains de ses articles (tous reproduits individuellement, que nous vous invitons à recommander et même référencer à votre entourage lorsqu’ils vous ont intéressé ou tout simplement questionné. Surtout, si vous le jugez nécessaire, n’hésitez pas à commenter les articles : pour des raisons de sécurité et de respect des règles traditionnelles du web, vous recevrez un message électronique pour confirmer votre commentaire qui devra être ensuite être approuvé pour être publiquement affiché en dessous de l’article concerné. La version papier de la revue d’environ 60 pages est de grande qualité et s’y abonner est à la fois une façon de nous aider financièrement (directement sur le site) et l’occasion de disposer d’un beau document. Ivan Lavallée
À Biganos, vendredi 11 janvier Assemblée de section, à 18 h, salle des Tennis, rue de la Verrerie. Ordre du jour : actualité sociale, renforcement et organisation du PCF, élections européennes, etc. Avec remise des cartes 2019. À Saint-Symphorien, le samedi 12 janvier Moment convivial, à 11 heures, salle des conférences, place de la République. À Mérignac, le jeudi 17 janvier Présentation des vœux des militants et élus communistes, à partir de 18h30, salle des fêtes de Capeyron (Place Jean Jaurès). À l’issue des vœux, un apéritif dinatoire sera offert. À Libourne, le 20 janvier Repas fraternel à partir de midi, salle du Verdet, participation : 10 €, enfant gratuit, inscription et renseignements : 06 11 07 65 63 ou 06 77 61 23 94, avant le 15 janvier 2019. Pensez à amener vos couverts ! TRIBUNE DE FABIEN ROUSSEL
Pour le prélèvement à la source des bénéfices des multinationales « 40 % des profits des multinationales, soit 600 milliards de dollars (529,5 milliards d’euros) échappent à l’impôt grâce au transfert de bénéfices dans des paradis fiscaux via des mécanismes bien connus. GOOGLE vient une nouvelle fois d’en faire la démonstration. Leur efficacité est un camouflet infligé publiquement aux États : en 2016, les entreprises américaines ont ainsi enregistré plus de profits en Irlande qu’en Chine, au Japon, au Mexique, en Allemagne et en France réunis. Et sur ces profits colossaux, elles se sont vu infliger le taux de… 5,7 %. Résultat, avec de telles pratiques, l’Union européenne perd chaque année l’équivalent de 20 % du montant de l’impôt sur les sociétés. C’est d’autant plus intolérable que derrière “l’optimisation fiscale” se dissimule une sourde entreprise de démolition du consentement à l’impôt. En refusant de s’acquitter de leurs impôts là où elles exercent leur activité, ces multinationales tournent délibérément le dos aux principes fondateurs de notre démocratie. Non seulement elles s’affranchissent du pacte social sur lequel repose toute société civilisée, mais elles siphonnent avec cynisme les recettes des États, par centaines de milliards de dollars chaque année. Concrètement, ce sont des écoles, des hôpitaux en moins, des communes en souffrance, des services publics supprimés… Cet abandon nourrit la colère des peuples, soumis à des politiques d’austérité d’autant plus injustes qu’elles prennent source dans l’égoïsme des plus fortunés. Sur un champ de bataille, une telle attitude porterait un nom : la désertion. Mais sur le vaste terrain du capitalisme débridé, tous les coups sont permis, dans la négation désinvolte de toute notion de solidarité. Dans un tel contexte, la France peut parfaitement agir de son côté et montrer le chemin d’une fiscalité plus juste. Notre proposition de loi s’articule autour d’un principe simple et compréhensible de tous : les multinationales doivent payer leurs impôts là où elles réalisent leur activité et non dans les paradis fiscaux comme c’est le cas actuellement. C’est pourquoi nous proposons d’imposer ces bénéfices avant qu’ils ne sortent du pays. Nous pouvons prendre appui sur les données mondiales de ces entreprises pour déterminer les bénéfices qui doivent être imposables dans notre pays. (…) Il est temps de mettre au “PAS” les Nike, Mc Do, Starbucks ou IKEA. Pour les géants américains du numérique, les GOOGLE et autres Facebook, des propositions existent, émises par l’OCDE, pour les qualifier juridiquement afin de pouvoir les imposer comme toutes les entreprises françaises. (…) » JDD du 6 janvier 2019
SOUSCRIPTION
Tout versement par chèque ouvre droit à une réduction fiscale de 66% du montant versé. (chèque à l’ordre de ADF PCF 33). Les ressources financières du Parti communiste sont transparentes. Votre don, aussi modeste soit-il, contribuera efficacement à la démocratie, à l’expression et la prise d’initiative du Parti communiste. Cet ensemble sont les éléments majeurs pour continuer notre combat dans l’ambition d’une gauche forte et alternative. Les versements sont à envoyer à la fédération de Gironde du PCF - 15 rue Furtado - 33800 Bordeaux, à l’ordre de l’ADF PCF 33
ILS ONT DONNÉ 1 810 euros : Mme DOMINIQUE Marie Thérèse, Castillon ; M. POUDHOM Bernard, Parempuyre ; M. MADELPUECH Girert, Talence ; M. CASTAIGNEDE Gerard, Cenon ; Section Bassin d’Arcachon ; M. FRANCO Francis, Bassens ; M. GARCIA Henri, Bassens
Les Nouvelles 10 janvier 2019 • 7
CHRONIQUE
CULTURE & SOLIDARITÉ
NOUVELLES IDÉES REÇUES
RUGBY
par Gérard Loustalet Sens www.nir-33.fr
À Bègles, la mêlée solidaire transforme l’essai L’association Ovale citoyen apprend le rugby à des réfugiés, des personnes vivant en squat ou dans la rue. Cours de français et aide administrative complètent cette expérience d’insertion qui fait des émules. Ci-dessous un reportage de l’envoyé spécial Bruno Vincens, publié dans l’Humanité du 7 janvier 2019. Le froid de canard ne les a pas dissuadés. Le groupe est à peu près complet : une trentaine d’hommes et une jeune femme. Ils trottinent autour de la pelouse synthétique, effectuent des sprints sur les diagonales de ce terrain annexe du stade André-Moga, à Bègles. Après quelques assouplissements, ils touchent enfin le ballon ovale pour des oppositions par petits groupes. Un début d’entraînement classique pour une équipe qui ne l’est pas. Les joueurs d’Ovale citoyen, pour beaucoup, ont dû quitter leur pays : Gabon, Guinée équatoriale, Guinée-Conakry, Sénégal, Algérie… D’autres ont vécu dans la rue. Deux ou trois sortent de prison. Aujourd’hui, la majorité d’entre eux dorment dans un squat, à Bordeaux. Et tous jouent maintenant au rugby ! « La plupart ne connaissaient pas ce sport il y a quelques mois », s’enthousiasme le fondateur de l’association Ovale citoyen, Jean-François Puech. En juin 2018, cet ancien joueur d’Aurillac a parlé de son projet à Fred : lui aussi a tâté du ballon ovale et vient maintenant en aide aux occupants de plusieurs squats bordelais. Il n’a pas été difficile de les convaincre de tenter l’aventure. Et c’est ainsi qu’un public très éloigné du rugby se découvre soudain une passion pour l’Ovalie. Depuis le 20 août, tous sont assidus aux entraînements du lundi soir. « Ce sport porte des valeurs d’entraide et de solidarité »
Pourquoi le rugby ? « Ce sport porte des valeurs d’entraide et de solidarité, répond Jean-François Puech. Mais il s’agit d’aller plus loin. Nous organisons pour les joueurs des cours de français. Nous trouvons des boulots en intérim pour ceux qui ont la nationalité française et les étrangers en situation régulière. Les demandeurs d’asile ont le droit de travailler au bout de six mois, s’ils ont l’accord de la préfecture. » Ovale citoyen construit aussi un projet avec les demandeurs d’asile
Gilets jaunes et misère de position
depuis moins de six mois : un site d’ecommerce pour centraliser les dons (vêtements, électroménager…) qui répondent aux besoins des habitants des squats. Par un ballon ovale passe donc cette expérience d’insertion destinée à ces hommes et à cette femme cabossés par l’existence. Un ballon qu’ils se disputent joyeusement sur la largeur de la pelouse. Ces apprentis rugbymen n’effectuent pas encore de vrais placages et se contentent de ceinturer le porteur du ballon. Fred leur apprend les gestes de base : savoir libérer le cuir quand on est pris. Et puis vient une séance de rucks, cette phase du jeu plus complexe qu’il n’y paraît : « Toujours protéger le ballon ! » s’écrie Fred. La séance se poursuit par une initiation à la mêlée et s’achève par un petit match sur toute la longueur du terrain. Du vrai rugby de mouvement ! Le jeu désordonné importe moins que la joie de se saisir du ballon, de le transmettre. L’arbitre, certes, a un peu de mal à se faire entendre et Jean-François doit intervenir : « Au rugby, c’est l’arbitre qui décide. » « Je dors dans un squat, alors le sport, ça me fait du bien »
Deric s’est démis l’épaule pendant son travail en soulevant un lourd colis et doit suivre ses copains du bord du terrain. « J’ai vécu dans la rue, j’ai été en dépression, raconte-t-il. Maintenant, j’ai un petit boulot, ça commence à aller mieux. » Le rugby ? « Nous avons fait des progrès dans le jeu… et nous formons presque une famille. » Dans le vestiaire après le match, les joueurs retrouvent des forces en mangeant gâteaux et bananes apportés par le Secours populaire : l’organisation soutient Ovale citoyen et a aussi fourni les tenues de sport. Joël-Patrick participait à son premier entraînement : « Ça m’a plu, je reviendrai. » Il raconte son histoire :
« J’ai dû quitter le Gabon et j’ai fait une demande d’asile il y a deux mois. » Adam, qui vient de GuinéeConakry, l’avoue : « Au début, le rugby, ça m’a surpris. Maintenant, je commence à maîtriser les règles. » Youssef, venu d’Algérie, est encore essoufflé : « J’ai donné le maximum. Je dors dans un squat, alors le sport, ça me fait du bien. » Son compatriote Idir ajoute : « Chaque lundi on apprend, on avance. » Le 12 décembre, Ovale citoyen a disputé et remporté son premier match face aux Radis noirs, d’anciens joueurs de Bègles (2 essais à 1). Ce rugby solidaire veut se propager. Une équipe similaire voit le jour à Pau. Et Jean-François Puech rêve d’une Coupe du monde des exclus en 2023, comme celle qui existe déjà en football pour les sans-abri.
ANNONCES LÉGALES AVIS DE CONSTITUTION
Aux termes d’un acte sous signature privée en date à GRADIGNAN du 1er Janvier 2019, il a été constitué une société présentant les caractéristiques suivantes : Forme : Société par actions simplifiée Dénomination : DEFIS HARDWARE Siège : GRADIGNAN (33170) - 26, Chemin du Solarium Durée : 99 ans à compter de son immatriculation au RCS Capital : 10.000 Euros Objet : La Société a pour objet, en France et à l’étranger, la formation, la maintenance, l’assistance, le développement et la commercialisation des systèmes et logiciels informatiques. L’achat, la vente, la représentation, le courtage et la location de tout matériel. Exercice du droit de vote : Tout associé peut participer aux décisions collectives sur justification de son identité et de l’inscription en compte de ses actions au jour de la décision collective. Sous réserve des dispositions légales, chaque associé dispose d’autant de voix qu’il possède ou représente d’actions. Transmission des actions : La cession des actions de l’associé unique est libre. Agrément : Les cessions d’actions au profit d’associés ou de tiers sont soumises à l’agrément de la collectivité des associés. Président : Mr Charles HEINTZ, demeurant à BORDEAUX (33300), 102, Rue du Ducau. Commissaire aux Comptes : le Cabinet « H. AUDIT. », ayant son siège social à CENON (33150), 6, Rue René Martrenchar La Société sera immatriculée au RCS de BORDEAUX. POUR AVIS Le Président
MODIFICATION GERANCE
Les Nouvelles de Bordeaux et du Sud-Ouest S.A.S. au capital de 37 000 euros Associés (à parts égales) : L. Chollon, F. Mellier, S. Laborde, M. Lavallée Directeur de la publication : Frédéric Mellier Abonnement 1 an : 25 euros. Abonnement de soutien : 40 euros Rédaction, composition, impression : S.A.S. Les Nouvelles de Bordeaux et du Sud-Ouest 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX Tél. 05 56 91 45 06 - Fax 05 56 92 61 01 - Annonces légales : annonces@nbso.fr Comptabilité : compta@nbso.fr - Redaction/Proposition d’article : redaction@nbso.fr @nvlbx Les nouvelles de bordeaux nbso.fr Commission paritaire de presse : 0123 C 85932
8 • Les Nouvelles 10 janvier 2019
PLUTON DG SARL au capital de 50.000€ Siège social : 12 chemin de l’aouguitche, 33610 CESTAS 801 152 273 RCS de BORDEAUX Le 14/11/2018, l’AGO a décidé de nommer co-gérant de la société, Mme Anne-Marie Caroline JEANNOU,demeurant 12 chemin de l’Aouguitche, 33610 CESTAS, à compter du 01/12/2018. Mention au RCS de BORDEAUX Pour avis,
Pour autant que l’on puisse en savoir, les personnes mobilisées sous l’appellation Gilets jaunes ne sont pas, en moyenne, les plus pauvres des pauvres. Contrairement à un lieu commun à la mode, et même si la « gentrification » des centre-villes est une réalité, la grande pauvreté est toujours présente au sein des « métropoles ». Ce que les urbanistes appellent l’habitat indigne n’est pas qu’une curiosité marseillaise et sévit au cœur de toutes les grandes villes. De même, leur pourtour immédiat, les banlieues dites quartiers populaires, sont tout autant délaissées par l’Etat libéral et les services publics que les espaces ruraux. Pour ce qui est du soulèvement des Gilets jaunes, il illustre plutôt, de façon frappante, le concept sociologique de misère de position élaboré par Pierre Bourdieu avec l’ouvrage collectif La misère du monde (Seuil, 1993). La misère de position n’est pas incompatible avec la misère de condition, mais elle s’en distingue comme expression subjective d’une souffrance sociale dont les causes peuvent être multiples et qui s’abîme dans un « désespoir de soi » dont le principe réside précisément dans la méconnaissance des conditions sociales de sa production. Dans un entretien à Libération (11.02.1993), Bourdieu énonçait , de façon quasi prémonitoire, à propos de ce livre : « L’intention était de dire : dans le monde social, il y a des souffrances qui ne sont pas prises en compte et qui ont des exutoires inattendus au niveau politique ». Quoi de plus inattendu, en effet, que la révolte des Gilets jaunes ! Dans la misère de position, la souffrance sociale est vécue comme une déchéance personnelle au moins tant que les causes objectives de son apparition restent inaperçues et il est de l’intérêt de la noblesse d’Etat -bras armé du macronismequ’il en soit ainsi. Bourdieu utilise la métaphore du monstre d’Alien comme « cette réalité extérieure qui habite et hante (les personnes interrogées) et les tient de l’intérieur, les dépossédant de l’initiative de leur existence. Alien est une sorte de mythe moderne qui offre une bonne image de ce que l’on appelle l’aliénation, cette présence de l’altérité au cœur de la subjectivité » (Pierre Bourdieu, Loïc Wacquant, Invitation à la sociologie réflexive, Seuil, 2014, p.259). La misère de position s’étaye sur des déterminations repérables : effet de lieu, effet de destin, effet de déclin, effet d’héritage… Effet de lieu où « le quartier stigmatisé dégrade symboliquement ceux qui l’habitent et qui, en retour, le dégradent symboliquement » (La misère du monde, p.167) ; la réclusion dans l’espace semi-rural comme dans les quartiers populaires est corrélée à la démission de l’Etat fondé sur la « démolition de l’idée de service public » (idem, p.221), la célébration inconditionnelle de l’entreprise privée et la sanctification du profit, de la compétitivité, de la rentabilité livrant des territoires entiers à l’abandon au nom de l’obsédante injonction de baisse des dépenses publiques… Effet de destin, en particulier par les verdicts « légitimes » et sans appel de l’école qui brisent tant de projets pour soi ou ses enfants, l’idéologie du mérite se chargeant de convaincre de leur indignité les relégués du système… Effet de déclin où, entre autres, l’étiolement de la classe ouvrière et de la paysannerie traditionnelles font de désastres collectifs des drames personnels… Effet d’héritage où l’échec de l’héritier au regard de la visée paternelle marque le mal être et le déclassement comme la réussite du transfuge de classe peut signer le reniement du père et la trahison des origines (voir « Les contradictions de l’héritage », pp.711-724). Dans tous les cas, les drames les plus intimes, les malaises les plus profonds, les souffrances les plus singulières fonctionnent comme des « maladies invisibles ». Contractées par un processus « d’intériorisation sociale », elles sont le « produit des structures objectives ou de l’incorporation de ces structures » (Sociologie générale I, Cours au Collège de France, 2105, pp. 385-386). La misère de position se forge dans l’ignorance des causes profondes d’une souffrance sociale alors vécue comme une disqualification de soi politiquement inexprimable dans la forme actuelle du champ politique. Un des objets de la science sociale est de combattre cette ignorance et, loin de tout fatalisme, Bourdieu, dès Questions de sociologie (1980, p.78), se proposait de « travailler à définir un utopisme rationnel en usant de la connaissance du probable pour faire advenir le possible » (Invitation…, p. 254).