Jeudi 30 mai 2019 - N° 2309 - Hebdomadaire - 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX - Prix : 0,80 euro
RÉSULTATS DE L’ÉLECTION EUROPÉENNE
POUR LA GAUCHE : TOUT À RECONSTRUIRE
ACTUALITÉ 2E GRÈVE MONDIALE POUR LE CLIMAT
CONTRÔLE DES ENGINS DE MOBILITÉ EN LIBRE-SERVICE
Moins de mobilisation à Bordeaux mais tout de même des centaines de jeunes
Les élus communistes métropolitains en profitent pour dénoncer l’ubérisation
Plusieurs centaines de jeunes bordelais participaient, vendredi 24 mai, à la deuxième « grève mondiale pour le climat » organisée, localement, par le collectif Youth For Climate de Bordeaux. Si la participation était moindre que le 15 mars, les slogans y étaient plus nombreux et plus concernés. La manifestation qui s’est déroulée en deux temps : un premier cortège parti à 11h30, la manifestation s’est interrompue et a repris à 13h30. Elle devrait être suivie d’un concert et d’une « Nuit debout » mais la pluie a écourté le programme.
PROCÈS D’UN ÉLU DU MÉDOC
De nombreux soutiens autour de Segundo Cimbron
Beaucoup de monde est venu soutenir, Segundo CIMBRON, Maire de Saint-Yzans-de-Médoc (Gironde), lundi devant le tribunal correctionnel de Bordeaux où il comparaissait pour « provocation directe, non suivie d’effet, à un attroupement armé ». Tisseur de lien social dans sa commune et au-delà, c’est naturellement que l’élu est entré en dialogue avec le mouvement des gilets jaunes, fin 2018. À l’occasion d’une réunion tenue à la salle des fêtes de Moulis, un journaliste de Sud-Ouest a retranscrit textuellement un de ses propos, sorti du contexte général de son intervention : « Je ne suis pas pour la violence, ceci dit, il me semble logique de faire des actions de type guérilla ». C’est sur cette base que le préfet de Région de l’époque a déposé plainte. Depuis, les soutiens n’ont cessé d’affluer, avec un comité de plus de mille personnes, bien au-delà de la Gironde. « Même si nous ne partageons pas toutes ses idées politiques, nous ne pouvons accepter que la liberté d’expression d’un élu du Peuple devienne l’objet de poursuites judiciaires car il est bien évident que Segundo Cimbron n’appelait à aucune violence et que cette accusation vise à faire taire un élu engagé dans le mouvement social », affirmait la pétition qui demandait le retrait de la plainte.
BORDEAUX
9e rassemblement des Coquelicots
Le mouvement des coquelicots œuvre à la relocalisation de la politique en proposant aux ciotyen-ne-s de se rassembler chaque 1er vendredi du mois à 18h30 devant chaque mairie en France pour l’interdiction de tous les pesticides de synthèse. Le prochain et 9e rendez-vous bordelais aura lieu vendredi 7 juin 18h30, devant la mairie de Bordeaux, place Pey Berland.
ERRATUM
Réunion commission Paix/international La commission Paix/international du PCF 33 se réunira le jeudi 13 juin à 18 h, au siège 15-17 rue Furtado à Bordeaux (et non le mercredi 12, comme indiqué en page 7 de notre précédente édition). 2 • Les Nouvelles 30 mai 2019
Neuf entreprises vont signer la nouvelle charte d’engagement des opérateurs de « free-floating » de Bordeaux Métropole. Cette charte, votée vendredi 24 mai en conseil de Bordeaux Métropole, vise à contrôler dans l’espace public le déploiement des engins de mobilité en libre-service, dont les trottinettes électriques, en imposant une autorisation contre redevance et en délimitant, dans chaque commune, des zones définies. Les élus communistes ont soutenu la charte mais en ont profité pour dénoncer l’ubérisation des villes et la concurrence faite à l’offre publique. Ci dessous l’intervention de Max Guichard. « Il nous est proposé ici de voter une Charte tentant d’encadrer les usages des opérateurs qui aujourd’hui inondent nos communes de vélos, trottinettes ou scooters en libreservice. Nous sommes aujourd’hui confrontés à l’ubérisation de nos villes qu’on
veut nous vendre comme un progrès, et l’étape ultime de la liberté alors que ce n’est que l’étape ultime du libéralisme sauvage s’affranchissant de toutes les règles publiques et de droit du travail. Les débats qui ont eu lieu dans les commissions font apparaître l’émoi, la colère mais aussi l’impuissance des élus face à ce nouveau phénomène, face à la libre entreprise, la concurrence libre et non faussée, encouragée par certains ici, et qui se matérialise par l’ubérisation sans cadre, sans règle au nom de la liberté de certains contre celle des autres. Les plateformes de livraison de repas comme Deliveroo, ont piétiné les droits élémentaires des salariés. Airbnbb a réduit l’offre de logements notamment pour nos étudiants, et le freefloating percute aujourd’hui nos offres publiques de VCUB et envahit nos espaces publics sans contribuer à leur aménagement. Le constat est sévère mais aujourd’hui tout le monde semble unanime sur les excès de telles pratiques. L’éla-
boration de cette Charte montre la difficulté de contraindre ces grands groupes qui ont fait du non-droit un modèle économique. Voilà aujourd’hui ce que permet le système capitaliste poussé à son paroxysme. Nous sommes heureux de voir que nombreux, ici, ont pu protester en commission sur les dérives que permet notre système économique ultra libéralisé et mondialisé. Nous soutiendrons cette Charte qu’il faudra faire évoluer dans le temps. Quelques remarques toutefois : Il n’est pas précisé de durée d’engagement avec les opérateurs, ni de clause de revoyure. Enfin, même si la loi Lom devrait préciser et modifier le code de la route en y introduisant notamment les règles d’usage pour les trottinettes et les nouveaux engins de déplacement de personne, il est important, en attendant, de définir les règles de circulation des trottinettes. La Charte ici présentée veut les brider à 25 km/h mais il faudrait également les interdire sur les trottoirs pour protéger les populations. Enfin nous regrettons que ces nouvelles offres de mobilité privées viennent entrer en concurrence avec l’offre publique de VCUB de la Métropole sur laquelle notre établissement fait des efforts financiers importants en lien avec le plan vélo. Peut-être, à l’avenir, faudra-t-il envisager d’introduire ces nouvelles formes de mobilité dans le cadre des négociations de la prochaine DSP transport, ou régie selon le choix qui sera fait. »
CONSEIL DE MÉTROPOLE
Mixité sociale : se méfier des bonnes intentions Odile Blein, pour le groupe communiste à Bordeaux Métropole est intervenue lors du dernier conseil sur la notion de mixité sociale, à propos d’une délibération qui proposait un rééquilibrage des attributions de logements sociaux dans notre agglomération, alertant sur sa complexité et les idées reçues qu’elle véhicule. Son intervention ci-dessous. « (…) L’évolution positive au cours des dernières années, de la dynamique de production de logements sociaux, voire, très sociaux, a permis un rattrapage nécessaire, bien qu’encore insuffisant. Mais les déséquilibres du parc à très bas loyers sont tenaces. Et c’est à un “rééquilibrage” auquel cette délibération nous invite, faisant valoir l’idée de “mixité sociale”. Si l’intention est généreuse, (et nous avons ici même souvent exprimé, et encore récemment, notre souhait que les quartiers les plus favorisés s’ouvrent aux plus démunis !), ce
terme souvent, et depuis longtemps utilisé, n’est pas exempt de complexité, d’idées reçues. L’idée est généreuse, a priori. L’idée de mélange social résonne avec des valeurs républicaines fondamentales. Mais on peut la voir aussi comme “stigmatisante” quand les quartiers populaires sont vécus comme des “problèmes”, les habitants montrés du doigt, la mixité devenant alors l’outil pour “diluer” la pauvreté, voire diluer des regroupements, osons le dire, plus “ethniques”. De façon contradictoire, si certains quartiers sont des lieux de stigmatisation et/ou de ségrégation, ils sont aussi des lieux de ressources sociales et culturelles, des lieux d’entraide et de solidarité. (…) Et les “coûts” pour les populations contraintes de changer de logement, perdant leurs réseaux de solidarité peuvent parfois être importants. Alors, plutôt que de les voir comme des quartiers à détruire, voyons-les plutôt comme des quartiers à valoriser (…) Si l’ensemble des communes de
la Métropole doit jouer le jeu de la solidarité et de la mixité sociale, l’État doit jouer aussi son rôle de façon à répondre à la solidarité nationale. Il ne suffit pas de mettre les gens ensemble pour que la vie collective fonctionne… c’est avant tout la pauvreté et non les pauvres qui sont un problème. Les quartiers populaires souffrent avant tout de la crise économique et du chômage. Donner à tous, et sûrement plus à ceux qui ont moins (je pense à l’école par exemple), permettre un emploi décemment rémunéré, donner accès aux déplacements, c’est tout un ensemble de mesures qui dépassent le logement, et qui permettraient aussi de lutter contre l’enfermement que peuvent sans doute ressentir les citoyens dans certains quartiers. (…) Un soin tout particulier à l’habitat et aux quartiers plus modestes, une offre accessible en nombre suffisant, à un coût supportable, devraient aussi permettre aux citoyens de choisir vraiment, et non comme c’est encore trop souvent le cas, de subir, leur logement, leur quartier. »
ACTUALITÉ
Editorial
4 JUIN À PARIS
Une grande manifestation pour la SNCF est annoncée
Près d’un an après l’adoption de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, les cheminots sont appelés par toutes les organisations syndicales représentatives à une manifestation nationale, le 4 juin à Paris, pour le maintien et le développement de la SNCF, entreprise publique et intégrée. Explications par David Plagès, militant syndical et politique des cheminots Bordeaux gare.
Une nouvelle manifestation nationale qui s’annonce importante, des cas de suicides évoqués dans l’entreprise… La situation des cheminots s’estelle dégradée ? Le budget, cette année encore, prévoit la suppression de près 2 500 emplois. Les salaires sont gelés depuis 5 ans. Alors que le volet sur la classification des métiers dans la future convention collective nationale ferroviaire n’est pas encore passé, l’entreprise force le passage de 146 métiers existants à la SNCF, environ, à une quarantaine. Or beaucoup de métiers ont trait à la sécurité ferroviaire. Il y a une dilution des responsabilités, sans formation et sans évaluation. Après les deux réformes ferroviaires successives, l’arrivée de la concurrence sert d’alibi pour pouvoir massacrer l’emploi au statut, créant la peur de perdre son emploi localement. Il y a un délitement depuis plusieurs années du sens que chacun se fait de son travail au quotidien. Tout cela crée souffrance et repli sur soi. Le cynisme managérial nous amènera tous au même point : on passe tous à la broyeuse libérale. Mais l’empathie ne résout rien, il faut continuer à se battre.
C’est pourquoi les cheminots sont appelés à manifester le 4 juin… Sur les conditions de travail et l’emploi bien sûr mais aussi sur la problématique, directement liée à la réforme ferroviaire, des 9000 kilomètres de petites lignes plus que jamais menacées. On a pu le voir à travers toutes les conventions TER qui ont été négociées et sont toutes orientées vers une baisse de budget de fonctionnement et c’est un paradoxe
au moment où tout le monde se dit qu’il faudrait circuler en train. Ces baisses de dotations – qui ont été initiées en premier lieu par la SNCF, donc l’État, via un projet national nommé CAP TER 2020 – amène des conséquences comme l’abandon des contrôleurs dans chaque train, la fermeture de certaines gares et la mise à mal du réseau de distribution. Nous savons, d’ores et déjà, que la manifestation du 4 juin, à l’appel de toutes les organisations syndicales représentatives de la SNCF, va être un succès. Elle doit nous permettre de retrouver le rapport de force, dans la continuité du mouvement contre la réforme ferroviaire du printemps 2018 car nous savons bien que, s’ajoutant à toutes ces bonnes raisons de se mobiliser, nous allons être attaqués, au second semestre, sur le registre de la protection sociale et notre régime spécial. La CGT fait déjà mesurer et acter par ses structures que pour éviter la fin de la protection sociale des cheminots, celle-ci doit être ouverte à tous les cheminots de la branche ferroviaire, à toutes les entreprises privées. Le progrès social, ça veut dire quelque chose, il doit être partagé par tous. On s’attend donc à avoir un second semestre très agité avec les cheminots à l’offensive. Il va falloir aussi qu’on reparle des salaires car 5 ans de gel quand SNCF mobilité vient de dégager un peu plus de 500 millions d’euros net de chiffre d’affaire, ce n’est pas acceptable. Le 4 juin est donc une étape essentielle car on ne se voyait pas passer l’été sans remettre les cheminots dans le sens de la lutte.
Tu parles des petites lignes menacées, est-ce que l’ouverture à la concurrence dans notre région va aggraver les choses ? Dans un premier temps, non, c’est le financement du réseau le problème. En Nouvelle Aquitaine, il manque toujours 1,2 milliard pour retrouver ne serait-ce que la performance dont on était capable il y a 30 ans. Pour citer un exemple, entre Bordeaux et Saintes on roule à 60 kms/h. Un train peint en bleu, en jaune ou en rouge, s’il n’y a pas de rails ou s’ils sont en mauvais état, ne circulera pas. L’État ne veut pas payer et ne respecte pas ses engagements via les contrats de plan État-Région. On nous avait
dit, après le rapport Spinetta et la réforme ferroviaire, que la loi d’orientation des mobilités répondrait à certaines de nos préoccupations or, dedans, il n’y a rien, aucun financement pour le ferroviaire. C’est pour ça, d’ailleurs, que le 12 avril dernier, le Conseil régional a voté une délibération portant un investissement de plus de 500 millions d’euros, sur les infrastructures ferroviaires en urgence. On pourrait se réjouir de cet investissement sauf que cela va se faire au détriment du service et de la productivité qu’on va demander aux différents opérateurs ferroviaires mis en concurrence au niveau de la région, et en particulier à la SNCF. C’est ça, la vraie problématique. Aujourd’hui, on veut pouvoir parler de ce qu’il conviendrait d’apporter aux populations et non de cadre restreint. On voudrait pouvoir parler de réouverture de lignes et non revenir à des performances d’il y a trente ans. C’est pourquoi, nous posons la réouverture de la ligne entre Saint-Mariens et Blaye. Pourquoi aussi ne pas parler de la réouverture de la ligne entre Floirac et Créon ? Pourquoi ne pas créer une ligne de train entre Andernos, par exemple, et Mérignac ? Il y a des solutions, dans toute la région. Si on veut des « mobilités », comme ils disent, dignes du XXIe siècle, il va falloir voir les choses autrement. Enfin, sur les mises en concurrence, moi je note quand même qu’on investit beaucoup d’argent public sur la ligne à grande vitesse entre Bordeaux et Paris, seulement 25 % du privé, ce qui ne va pas les empêcher pendant 50 ans d’exploiter et de rentrer les péages dans leur caisse alors que ces péages au lieu d’enrichir leurs actionnaires, auraient pu servir à financer les petites lignes. Et pourquoi maintenir des lignes aériennes, en concurrence frontale avec le TGV sur l’axe Bordeaux-Paris alors qu’on voit que l’aérien perd des parts de marché, qu’il pollue quarante fois plus que le train, avec la même TVA alors le Kérosène n’est pas taxé. Quand on parle de concurrence, on a des choses à faire avant d’être dans le dogme comme le fait Alain Rousset. Ce que l’on sait aujourd’hui, par ailleurs, est sans surprise : sur les 5 lots régionaux qui ont été établis afin d’ouvrir à la concurrence, les choix de ne pas confier à un opérateur privé la région Limousin et le Poitou-Charentes indiquent bien que partout où le réseau est en mauvais état et où les trains ne sont pas remplis, ça restera à charge de l’opérateur historique. C’est pourquoi la CGT cheminots invite les citoyens, les élus et les forces politiques qui l’accompagnent dans le cadre du comité régional de vigilance à monter également à Paris pour cette manifestation nationale qui sera une grande réussite, après celle de Bruxelles du 15 mars.
Un champ de ruines ?
L’issue du scrutin, terrible pour les politiques de transformations sociales, démontre le fossé qui existe entre le quotidien des gens, la colère sur la mal vie et l’acte politique. Avec 50 % d’abstention, l’élection acte, s’il le fallait, le fossé entre les gens et la représentation politique institutionnelle. Les trois partis qui arrivent en tête prônent, à des degrés divers et sous différents positionnements, le ni gauche ni droite. Ils sont le symbole d’une recomposition politique opérée depuis 10 ans en France. La stratégie de Macron s’est avérée payante, en atomisant les Républicains et le PS, en devenant l’axe politique central à l’issue de ce scrutin. En faisant du RN son adversaire principal, il se drape des valeurs républicaines, pourtant contraires à la politique de répression qu’il met en place. À gauche, l’éclatement des listes issues du PS, la stratégie populiste de gauche de la FI, divisent et désorientent plus qu’elles ne rassemblent. Seul EELV réussit à fédérer sur son nom, bien aidé par la crise du réchauffement climatique et identifié comme valeur refuge d’une gauche de transformation sociale illisible. Avec 4 500 voix supplémentaires par rapport aux dernières élections législatives, la liste de Ian Brossat a mis en lumière les idées que porte le PCF. L’apport de la puissance médiatique et un excellent candidat rassembleur donnent de la force à nos propositions. C’est l’un des enseignements de la très belle campagne militante que les communistes viennent de mener, mais cela montre aussi les limites. Il reste impératif de continuer de s’interroger sur nos pratiques militantes, sur les gestes à construire dans notre quotidien, comme nous avons su le faire sur cette période électorale, de bien comprendre comme s’opère le rayonnement de nos idées au plus proche de nos cercles de vie. Le formidable réseau dans l’entreprise, dans les associations, dans le mouvement social qui s’est engagé dans la campagne sur les idées de la liste « Europe des gens » laissera des traces et reste une promesse pour l’avenir. Ian brossat dresse un portrait dans L’Humanité de mardi de ce que la gauche doit analyser et reconstruire : « La gauche doit s’assumer fièrement et se rassembler. S’assumer fièrement : la gauche de demain doit placer au cœur de son projet la justice sociale et l’urgence écologique, et pour cela la rupture claire avec le libéralisme. Se rassembler car, sinon, le risque est grand de voir le scénario mortifère de la bipolarisation entre libéraux et fachos s’ancrer durablement dans notre pays. Pour y parvenir, les formations de gauche doivent se garder de toute tentation hégémonique, avoir la modestie de tendre la main encore plus qu’hier. (…) Préservons la bienveillance qui fut la nôtre, préservons cette envie sincère de tendre la main, de réussir le rassemblement demain. » (Lire la déclaration page 4)
Olivier Fondriest membre de l’exécutif du PCF 33
Propos recueillis par Christelle Danglot Les Nouvelles 30 mai 2019 • 3
EUROP IAN BROSSAT
« Le combat continue, il continue partout, il continue toujours »
Marie Hélène Bourlard Ian Brossat et Fabien Roussel pendant la campagne.
Déclaration de Ian Brossat, le dimanche 26 mai, à l’annonce des résultats du scrutin. « Je souhaite ce soir remercier très chaleureusement les centaines de milliers d’électrices et d’électeurs qui nous ont fait confiance. C’est une belle campagne qui s’achève, après 12 ans d’absence à une élection nationale. C’est une campagne que nous avons voulue
sincère, combative, fidèle aux combats et aux valeurs de la gauche. En dépit de nos efforts, il arrive que la marche soit parfois trop haute pour être franchie du premier coup. Ce soir, nous n’atteignons pas encore nos objectifs. Première leçon. L’extrême-droite arrive en tête de ce scrutin. Rappelons-nous, il y a encore 10 ans, la liste du Front National ne dépassait pas les 6%. Le score d’aujourd’hui est
le résultat d’un pari perdu, un pari forcément perdant et dramatique pour notre pays. Cette stratégie, c’est celle d’Emmanuel Macron, qui impose aux Français ce face-à-face avec Marine Le Pen pour assurer sa survie politique. Non, ce n’est pas un duel comme on cherche à nous le faire croire, c’est un duo : un duo imposé par les deux camps, un duo mortifère pour notre pays et pour la démocratie. À force de jouer avec le
feu, Macron s’est brûlé. Deuxième leçon. La gauche a également sa part de responsabilités. Je prends ma part de responsabilité, il ne s’agit pas de se dédouaner. Ce soir, la gauche est affaiblie, tout est à reconstruire. J’ai l’intime conviction que l’avenir passe par l’humilité, le travail collectif, le respect mutuel, le refus de la tentation hégémonique. Écoutonsnous, respectons-nous, travaillons ensemble. Cette gauche, cette gauche que nous devons reconstruire, que nous allons reconstruire, doit placer au cœur de son projet la justice sociale et l’urgence écologique. Et soyons clairs : cette reconquête des cœurs et des esprits ne sera possible que dans la rupture avec le libéralisme. Reconstruire une gauche digne de ce nom en France, c’est à cet objectif que le Parti Communiste doit consacrer tous ses efforts, dans les semaines et dans les mois à venir. À tous les communistes, à celles et à ceux venus d’autres horizons et qui nous ont rejoint, je voudrais vous témoigner de ma profonde gratitude. Être votre candidat, vous représenter, fut un honneur et un privilège. Je voudrais dire à chacune et chacun de nous ce soir : le combat continue, il continue partout, il
continue toujours. Je voudrais remercier chaleureusement Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste, pour son aide, pour son engagement, pour son énergie. Je voudrais avoir une pensée à destination de ma chère Marie-Hélène Bourlard, lui dire que nous y étions presque et que demain nous y arriverons. Nous formons une belle et une formidable famille, mes amis, mes chers camarades. Camarade, c’est un joli nom. C’est uni, comme une famille, que je veux vous demander ce soir deux choses. Je vous le demande du fond du cœur. Ce soir, demain, cette semaine, dans les prochains mois : conservons en nous ce formidable état d’esprit et cette énergie qui fut la nôtre durant cette campagne. Faisons-les vivre ! Conservons en nous, cette joie d’être ensemble, cette envie, ce bonheur de nous être retrouvés. La deuxième chose que je vous demande et j’en terminerai ainsi : dans cette période politique trouble, n’oublions jamais que nous n’avons aucun adversaire à gauche. Conservons la bienveillance qui fut la nôtre, conservons cette envie sincère de tendre la main, de réussir le rassemblement demain. Nous avons réalisé une formidable campagne. Ne nous arrêtons pas là ! »
FABIEN ROUSSEL
« La grande leçon de ce scrutin est donc le besoin de reconstruire la gauche » Déclaration de Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, dimanche 26 mai après l’annonce des résultats du scrutin. « Au soir de ce scrutin, la domination des forces réactionnaires, marquée par le score élevé du Rassemblement national qui arrive en tête, deux ans après le séisme de 2017, doit interpeller toutes les forces de gauche. Cette situation est très grave pour l’avenir de la France. L’aspiration à un changement de politique, pourtant largement majoritaire en France et en Europe, ne s’exprime pas pour le moment en faveur d’une issue politique de progrès social et démocratique. La responsabilité première de la progression du RN incombe à Emmanuel Macron qui a tout fait depuis plusieurs mois pour installer un face-à-face avec le parti de la haine. Non seulement LREM connaît un échec, mais en faisant ce choix ainsi qu’en mettant en œuvre une politique néolibérale, profondément antisociale, le Président de la République aura offert au RN un regain de crédit politique. Ce jeu cynique a un prix catastrophique : il met en danger la République au 4 • Les Nouvelles 30 mai 2019
moment même où des formations autoritaires et xénophobes viennent d’obtenir des résultats préoccupants dans plusieurs pays d’Europe. Nous n’en sommes que plus inquiets de la place qu’ont pris, dans la campagne électorale, les propos démagogiques ou mensongers, les discours racistes et les appels à la stigmatisation des réfugiés. Les estimations connues à cette heure indiquent une forte hausse de la participation par rapport à ce qui était attendu. Cela n’efface pas pour autant la crise démocratique dans laquelle s’enfonce, depuis des années, notre pays. Plusieurs dizaines de millions d’électeurs-trices, notamment dans les catégories populaires comme parmi les jeunes et dans l’électorat de gauche, ne se sont pas sentis concernés, laissant ainsi la droite, qu’elle soit macroniste ou LR, et l’extrêmedroite rafler l’essentiel des sièges au Parlement européen. Malgré la très belle campagne de Ian Brossat et de ses colistier-e-s, la participation des militant-e-s du PCF et de République et Socialisme, ainsi que de citoyen-ne-s de tous horizons, le score de notre liste « Pour l’Europe des gens contre l’Europe de l’argent » est en deçà de nos espérances. Les
propositions que nous avons portées, notre travail de terrain pour promouvoir les exigences populaires, notre respect de toutes les forces de gauche constituent un atout pour construire une alternative de gauche à la politique d’Emmanuel Macron. Du fait d’un mode de scrutin inique, qui élimine toute liste ayant obtenu moins de 5 %, notre résultat ne nous permet pas d’envoyer des députés au Parlement européen. Ces élus manqueront pour conduire les combats plus que jamais indispensables pour construire l’Europe des gens contre l’Europe de l’argent. Ce combat ne s’en poursuivra pas moins, avec nos partenaires du Parti de la gauche européenne et du groupe de la Gauche unitaire européenne, dans les luttes et les batailles qu’il faudra mener contre le néolibéralisme et le nationalisme qui menacent l’Europe et la France. La grande leçon de ce scrutin est donc le besoin de reconstruire la gauche, afin d’ouvrir une issue à la grave crise que vit notre pays. Au total, les différentes listes s’en réclamant, qui étaient divisées sur la question européenne, atteignent à peine un tiers des suffrages exprimés. Il convient maintenant de travailler
au rassemblement. C’est le sens de l’appel solennel que nous lançons ce soir à l’ensemble des forces de gauche, à leurs électrices et à leurs électeurs. Notre pays est en proie à une colère profonde devant les inégalités que provoquent des politiques au service exclusif de la finance et du capital. Rien n’est plus indispensable que d’empêcher son dévoiement en proposant à notre peuple une perspective de progrès social et de justice, d’égalité et de fraternité retrouvées, de démocratie et de défense des équilibres écologiques menacés par un capitalisme cupide. C’est la seule manière de faire renaître un espoir majoritaire et de pouvoir battre, en même temps, le président des ultra riches et ses faux adversaires d’extrême droite. Dans le respect de notre diversité, nous devons, nous pouvons construire un large rassemblement sur des propositions de gauche en rupture avec les politiques néolibérales. Nous pouvons construire et obtenir des avancées importantes et attendues avec les salarié-e-s en lutte dans les entreprises, leurs organisations syndicales, de nombreux citoyen-ne-s mobilisés dans le mouvement des gilets jaunes et les
actions pour le climat, le mouvement associatif. Nous pouvons mettre en échec le projet gouvernemental de contre-réforme des retraites, comme les reculs démocratiques contenus dans les réformes institutionnelles en préparation, gagner ensemble une augmentation générale des salaires et des pensions, une sécurité sociale étendue, un plan d’urgence pour les services publics, le retour sur les privatisations imposées aux Français à commencer par celle d’ADP, une lutte déterminée contre l’évasion fiscale et pour une autre utilisation de l’argent public, des banques et des entreprises. Le PCF prendra toute sa part dans ce travail de reconstruction de la gauche. Nous proposons à toutes les forces de gauche et écologistes de se rencontrer rapidement pour échanger sur les initiatives à prendre et nous appelons nos concitoyens à s’impliquer dans cette reconquête. Passons ensemble à l’action. Commençons ainsi à esquisser l’union populaire qui pourra demain changer le destin du pays et de l’Europe. C’est avec détermination que le Parti communiste français s’engage dans la bataille pour la transformation sociale. »
PÉENNE RÉSULTATS DU SCRUTIN EN FRANCE
L’extrême droite en tête d’un paysage politique dévasté Un électorat de gauche complètement déboussolé
La profusion de listes, et donc de l’offre politique, l’absence d’une dynamique majoritaire auront démobilisé un électorat de gauche complètement déboussolé. Le PCF, en dépit de la très belle campagne menée par Ian Brossat (lire page 7), crédité à l’heure où nous écrivons ces lignes de 2,6 %, ne parvient pas à envoyer, pour la première fois de son histoire, des eurodéputés à Strasbourg. « C’est une belle campagne qui s’achève, après douze ans d’absence à une élection nationale, a réagi Ian Brossat (lire la déclaration ci-contre). (…) En dépit de nos efforts, il arrive que la marche soit parfois trop haute pour être franchie du premier coup. » Mais pour la tête
LREM RN
de liste PCF, « reconstruire une gauche digne de ce nom en France, c’est à cet objectif que le Parti communiste doit consacrer tous ses efforts, dans les semaines et dans les mois à venir ». (…) De son côté, la social-démocratie s’écroule également, avec 3,4 % pour la liste de Benoît Hamon, même si la liste de Place publique (entre 6 et 7 %) aura des députés européens. Après trente ans de votes bafoués et de promesses trahies, nombre de citoyens ne croient plus en la capacité du politique à changer leurs vies. Ce n’est pas la gauche qui a incarné l’opposition à l’ultralibéralisme de Macron. Mais l’extrême droite. Une claque à méditer, et le début d’un vaste chantier… Maud Vergnol, L’Humanité
« Un duel qui finit en duo », Maurice Ulrich, éditorialiste à L’Humanité - carte interactive sur : humanité.fr
SCRUTIN EUROPÉEN 2019
Le regain de participation, surprise de ce scrutin, porte en tête la liste RN, qui recueille 24 %. Un échec cuisant pour la majorité macroniste (22,4 %), mais aussi pour la gauche, dont l’addition des scores atteint laborieusement les 31 %. Emmanuel Macron jouait gros. Non seulement il a perdu, mais aura dans sa chute déroulé le tapis rouge à l’extrême droite, qui, pour la deuxième fois dans l’histoire de la Ve République, arrive en tête d’un scrutin national. Créditée de 24,2 % à l’heure où nous écrivons ces lignes, la liste du Rassemblement national arrive devant celle de la majorité LaREM (22,4 %), qui accuse une cuisante défaite. Surprise et fait majeur de ce scrutin, la participation devait dépasser les 52 %. Du jamais-vu depuis vingt-cinq ans. Mais ce reflux de l’abstention n’aura pas profité à la majorité macroniste, sévèrement sanctionnée pour ce premier scrutin intermédiaire du quinquennat. Encore moins à la liste LR, menée par François-Xavier Bellamy, qui s’effondre à 8,5 % des voix et enregistre la plus grande défaite de son histoire. L’électorat de droite se sera donc massivement reporté sur la liste LaREM. Quant à la gauche, elle sort plus affaiblie que jamais, malgré une percée significative de la liste EELV (12,7 %). Selon les estimations dont nous disposons à cette heure, les scores additionnés de toutes les formations de gauche (PCF 2,6 %, FI 6,2 %, PS 6,2 %, Générations 3,2 %) atteindraient péniblement les 31 %. Soit pas beaucoup plus que l’addition des listes d’extrême droite (environ 29 %). C’est dire si la crise démocratique et la déflagration du paysage politique depuis 2017 sont loin d’être terminées… et la menace brune, une réalité désormais bien concrète.
Mais la défaite est d’autant plus cinglante pour le président de la République qu’il avait fixé lui-même les règles du jeu, enfermant le débat politique dans son duel mortifère avec le RN de Marine Le Pen. En montant au front dans la dernière ligne droite de la campagne, Emmanuel Macron avait même délibérément cherché à présidentialiser ce scrutin, quitte à prendre le risque d’attiser le vote sanction à l’égard de sa politique, mais surtout en détournant l’élection de son objectif intrinsèque : l’Europe. Le retour de boomerang est violent. Car c’est d’abord une défaite personnelle pour le chef de l’État, déjà très affaibli depuis décembre et les mobilisations des gilets jaunes. Ce matin, le « nouveau monde » a du plomb dans l’aile. Le scrutin d’hier confirme que le macronisme ne sera jamais le rempart à l’extrême droite qu’il prétendait pourtant incarner, à grand renfort de moyens institutionnels et médiatiques. La majorité devra composer avec cet échec jusqu’à la fin du quinquennat. Pas de quoi s’enthousiasmer pour autant de ce carton rouge, quand le vote sanction contre le président des riches s’est à ce point incarné dans le vote RN, confortant un rapport de forces politique européen où l’extrême droite continue de tisser dangereusement sa toile (voir ci-contre). Le score de Marine Le Pen confirme, pour qui en doutait encore, la place centrale que joue désormais le parti d’extrême droite dans un paysage politique toujours en recomposition. La châtelaine de Montretout n’a pas manqué de fanfaronner sur ce match retour gagné contre le président de la République. Ce dernier « n’a d’autre choix que de dissoudre l’Assemblée nationale », a-t-elle lancé, sitôt les résultats annoncés, estimant que ce scrutin valide « l’effacement des vieux partis et la bipolarisation RN/ En marche » et confirmerait « le nouveau clivage nationo-mondialiste
qui domine maintenant notre vie politique et qui se met en place de manière durable ». La gauche sérieusement affaiblie
Incapable depuis le début du quinquennat d’incarner une alternative unie et crédible à Macron, la gauche, est au tapis. Seule EELV, poussée par une dynamique de fin de campagne durant laquelle Yannick Jadot a réussi à incarner la réponse politique à l’urgence climatique, a su créer la surprise, avec près de 12,8 % des voix. « Nous sommes la troisième force ce soir, avec des scores identiques en Allemagne, en Belgique et ailleurs : c’est un vague verte politique dont nous sommes les acteurs », s’est félicité Yannick Jadot. Pour la FI, c’est la douche froide. Elle est reléguée très loin derrière les verts d’EELV, avec qui elle était pourtant au coude-à-coude dans les sondages, et son résultat, autour de 6,5 %, pourrait plonger le mouvement de Jean-Luc Mélenchon dans une profonde crise. Elle fait presque deux fois moins que pour les élections législatives de 2017 (11,03 %), où les insoumis avaient déjà sérieusement dévissé après le score historique de Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles. Deux ans plus tard, les 7 millions de voix qui avaient failli le porter au second tour se sont, en grande partie, évaporées dans la nature ou reportées vers la liste EELV. « Ainsi, il se confirme que notre pays prend une pente que nous continuerons à combattre par tous les moyens dont nous disposons », a réagi le leader de la FI. « Monsieur Macron semble avoir perdu le match qu’il avait voulu installer de façon aussi irresponsable. C’est, de fait, la victoire de l’extrême droite », estime Jean-Luc Mélenchon.
Résultats en Gironde ABSTENTIONS : 46,13 %
BLANCS : 1,96 %
%
NOMBRE DE VOIX
23.36 %
132 370 voix
21.18 %
120 031 voix
Europe écologie (EELV)
15.3 %
86 680 voix
Envie d’Europe écologique et sociale (PS)
7.78 %
44 078 voix
La France insoumise
6.87 %
38 921 voix
Union de la droite et du centre
6.81 %
38 588 voix
Liste citoyenne du printemps européen avec Benoit Hamon
3.63 %
20 587 voix
2.75 %
15 572 voix
Pour l’Europe des gens contre l’Europe de l’argent (PCF)
2.23 %
12 616 voix
Les Européens
2.07 %
11 757 voix
Urgence écologie
2.07 %
11 734 voix
Parti animaliste
2.03 %
11 494 voix
etc.
…
…
LISTE
Renaissance (République en marche, Modem et ses partenaires)
Prenez le pouvoir (soutenue par Marine Le Pen)
(Génération.s et Dème-Diem 25)
Le courage de défendre les Français (Nicolas Dupont-Aignan. Debout La France ! – Cnip)
Les Nouvelles 30 mai 2019 • 5
EUROPÉENNE EN EUROPE
Des résultats
La grande coalition à l’arrêt, l’extrême droite en embuscade
Autriche
Les conservateurs confortés Le Parti populaire (ÖVP) du chancelier autrichien Sebastian Kurz ne flanche pas. Et sort même conforté du scrutin. Sa formation était donnée à 34,5 % (7,5 points de plus par rapport à 2014). En revanche, le scandale de corruption qui avait touché Heinz-Christian Strache, le leader du FPÖ, et fait exploser la coalition gouvernementale, touche durement l’extrême droite, qui recule à 17,5 %. En seconde place, les sociaux-démocrates (SPÖ) tirent leur épingle du jeu, à 23,5 %. Irlande
Le Sinn Féin perd du terrain En Irlande, le Fine Gael confirme sa progression. Avec 29 % des suffrages, le parti pro-européen de centre droit du premier ministre irlandais Leo Varadkar est arrivé très nettement en tête des élections. Le Sinn Féin, qui
6 • Les Nouvelles 30 mai 2019
Échec de la gauche au pouvoir Avec 27 % des voix, selon des estimations, contre 42,40 % en 2014, la gauche au pouvoir du Parti socialdémocrate (PSD) arrive derrière le Parti national-libéral (PNL), qui réalise un score historique avec 29 % des suffrages. Le chef du PSD, Liviu Dragnea, a déjà annoncé qu’il ne serait pas candidat à l’élection présidentielle de cet automne. La nouvelle coalition pro-Macron USR-Plus de l’ex-commissaire européen Dacian Ciolos fait une percée avec 23 % des voix. Slovaquie
Les néofascistes, troisièmes Le parti Slovaquie progressiste de la présidente libérale et pro-européenne Zuzana Caputova, élue en mars dernier à la présidence, remporte la victoire avec 20,1 % des voix. Il devance le parti populiste de gauche au pouvoir Smer-SD, qui essuie un revers cuisant avec 15 % des suffrages, contre 24 % en 2014. L’extrême droite du LSNS, qualifiée de néofasciste, se place en troisième position, avec 12 %, et devrait envoyer deux députés à Strasbourg. La participation n’est que de 20 % mais elle était de 13 % en 2014, le taux le plus faible des 28.
180 sièges 24%
2%
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7,9 R %
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19,3%
14,5%
L EN7,7%
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145 sièges
PPE
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PROJECTION AU 27 MAI 2019 À 17H18
Conservateurs et sociaux-démocrates perdent leur majorité absolue au Parlement. Xénophobes et ultraconservateurs font une percée inquiétante. Après avoir largement dicté ses priorités politiques dans la précédente mandature, la grande coalition entre conservateurs et sociaux-démocrates au Parlement européen a officiellement vécu au soir du 26 mai. Tout en se relayant au poste de président de l’institution, avec Martin Schulz (SPD) puis Antonio Tajani (Forza Italia), ils détenaient la majorité absolue, avec plus de 420 députés (sur 751). La droite du Parti populaire européen (PPE), avec une perte d’une cinquantaine de sièges (180 députés), et le centre gauche rassemblé dans l’alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D), avec près de 45 postes en moins (145 députés), conservent les deux premières places parmi les différents groupes du Parlement. Mais ils sortent affaiblis et contraints de trouver de nouveaux alliés. Les très mauvais résultats enregistrés en Allemagne – le pays qui envoie le plus d’eurodéputés à Strasbourg et à Bruxelles (96) –, en Italie et en France pèsent lourd dans ce recul. Selon les sondages à la sortie des urnes dans le pays de la chancelière Angela Merkel, son parti, la CDU, culminait
iè g
54
es
D ELD7,2%
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/NGL GUEges 5,2%
39 siè % 8 sièges 1,1 NI
AUTRES PARTIS 30 sièges 4%
à 28 % (contre 35 % en 2014) et son allié au gouvernement, le SPD, chute lourdement à 15 % (contre 27 %). À l’image des Verts allemands, qui s’affichent à plus de 20 %, les écologistes engrangent quelques résultats très positifs, comme en Irlande où ils réussissent une percée notable en arrivant en tête à Dublin (24 %), mais pas de quoi changer de manière décisive leur place au Parlement européen, passant de 50 à 69 députés. L’alliance des libéraux de centre droit (Alde), le rassemblement dans lequel LaREM française se retrouve, augmente mécaniquement, avec une centaine d’élus. Selon les projections compilées mises à jour lundi en fin de journée par le Parlement européen (voir le graphique), la Gauche unitaire européenne (GUE), où siégeaient les communistes et insoumis, pourrait compter 38 élus, contre 52 jusqu’alors. Les formations amenées à faire partie du groupe GUE-NGL, enregistrent des résultats contrastés : succès en Belgique avec l’élection de Marc Botenga, le premier eurodéputé du PTB, résultats mitigés pour Die Linke en Allemagne (5-6 %), pertes de sièges attendues pour le SP néerlandais, les communistes chypriotes d’Akel réalisent, eux, le meilleur score avec 27,4 % (+ 0,4 point par rapport à 2014). Syriza, le parti d’Alexis Tsipras, pourrait, lui, conserver les 27 % obtenus il y a
cinq ans. En revanche, en République d’Irlande, avec deux élus, le Sinn Féin est en recul de 9 points, à 13 % des suffrages. Par ailleurs, le Printemps européen, la coalition lancée par Yanis Varoufakis, l’ex-ministre des Finances d’Alexis Tsipras au premier semestre 2015, paraît loin, très loin, d’avoir réussi son pari : il ne remporte qu’un seul siège, en Grèce. Les xénophobes de plus en plus nombreux
Dans ce contexte d’effondrement des forces longtemps dominantes, c’est l’extrême droite et la droite ultraconservatrice qui tirent leur épingle du jeu. Elles cartonnent ensemble en Flandre, au nord de la Belgique, où la NVA et le Vlaams Belang – les deux faces d’un même mouvement ouvertement xénophobe et ultralibéral – dépassent ensemble les 45 %. Et, au-delà des succès en France et plus encore en Italie, ce phénomène promet d’être encore accentué par les résultats britanniques, où le parti du Brexit, lancé par le xénophobe et ultralibéral Nigel Farage, longtemps figure d’un des groupes les plus à droite du Parlement européen (EFDD), arrive loin devant tout le monde, avec 35 %. Pour l’heure, la droite extrême et l’extrême droite sont divisées en trois groupes, mais elles pourraient profiter de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, et donc de la disparition à la fois des conservateurs britanniques, des Ukip ou de leurs épigones du parti du Brexit, pour se rassembler et, cédant à l’offensive de charme de l’Italien Matteo Salvini, former une coalition assez considérable de 120 à 130 élus, avec les troupes du Hongrois Viktor Orban (Fidesz) ou celles du PiS en Pologne. Thomas Lemahieu, L’Humanité
GRÈCE
Les socialistes signent un doublé
Porté par sa victoire aux élections générales du 28 avril, le Parti socialiste espagnol (PSOE) s’est de nouveau imposé dimanche, à l’occasion des européennes. Il totaliserait plus de 28 %, soit 5 points de progression par rapport à 2014, selon des estimations encore très provisoires. Avec une projection de 17 eurodéputés (+ 3), la liste conduite par Josep Borrell, ministre des Affaires étrangères et ancien président du Parlement européen, supplanterait ainsi les conservateurs du Parti populaire (PP) qui enregistrent une nouvelle défaite électorale. Première force en 2014, avec 26,09 % des suffrages, la droite chuterait à 17,9 %, soit 10 parlementaires, contre 17 actuel-
109 sièges
S&D
Roumanie
ESPAGNE
Nouvelle victoire du PS après les générales du 28 avril, sur fond de montée de l’extrême droite de Vox.
ADLE
59 s
Le PS sort en tête Avec 30 à 34 % des voix selon les premières projections (contre 31,45 % en 2014), le Parti socialiste portugais du premier ministre Antonio Costa devançait son opposant conservateur, le PPD-PSD (20-24 %, contre 27,7 %, il y a cinq ans). Le Bloc de gauche obtiendrait 9 à 12 %, contre 4,6 % en 2014, et 2 à 3 élus qui siégeraient à la GUE. Il devance la CDU, coalition des communistes (PCP) et écologistes, qui n’aurait qu’un à deux élus, recueillant 7 à 9 % des suffrages (12,7 % en 2014).
siègera au sein de la Gauche unitaire européenne (GUE), n’obtient que 2 députés avec 13 % des voix (19 % en 2014). Parmi les indépendants, 1 voire 2 des députés élus pourraient également grossir les rangs de la GUE.
69
Portugal
VE R T sièg S/AL E e
EN EUROPE
lement. Cette perte de vitesse, qui n’est pas étrangère aux nombreuses casseroles de corruption que traînent ses dirigeants, profite en premier lieu à Ciudadanos. Les ultralibéraux font leur entrée au Parlement avec 16 % des suffrages, et 9 eurodéputés. L’autre donnée majeure du scrutin est la poussée de l’extrême droite qui confirme son assise dans le paysage politique d’une Espagne jusqu’alors préservée par la vague brune. Vox, qui obtiendrait 6,5 %, soit 4 élus, continue de surfer sur la crise catalane et le mirage d’une déferlante migratoire. Dans ce décor, la gauche alternative résiste tant bien que mal. Unidas Podemos, qui a réitéré sa coalition électorale des législatives, aurait 12,4 % des suffrages, et 7 députés, soit une perte de 6 points, dans un contexte de hausse de la participation. Cathy Dos Santos
Syriza devancée par la droite conservatrice Le parti d’Alexis Tsipras limite l’effet du vote sanction. La droite, arrivée en tête des élections européennes, demande la tenue de législatives anticipées. Comme il semble loin, l’élan de 2014 qui préfigurait l’arrivée de la gauche au pouvoir… Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, parvient à limiter l’effet du vote sanction, mais son parti, Syriza, est largement devancé par la Nouvelle Démocratie de Kyriakos Mitsotakis (droite conservatrice). Créditée de 24 % des suffrages (26,6 % en 2014), la gauche grecque n’est pas parvenue à combler l’écart avec la droite que lui promettaient les enquêtes d’opinion, ces dernières semaines. Au terme d’une campagne aux accents nationalistes, la Nouvelle Démocratie se classe en tête, avec 33 % des voix
(22,7 % en 2014). Les autres protagonistes sont relégués loin derrière… Mitsotakis, qui n’a pas hésité à chasser sur les terres de l’extrême droite en fustigeant l’accord de Prespa sur le nom de la Macédoine et en critiquant les politiques d’accueil des exilés, réussit, semble-t-il, à séduire une frange de l’électorat des néo-nazis d’Aube dorée, qui reculent, avec 5 à 7 % des voix, contre 9,4 % en 2014. Le KKE, le Parti communiste grec, avec sa ligne de ferme opposition à Tsipras, maintient son étiage, avec 5 à 7 % des suffrages (6,6 % en 2014). Quant au Mouvement pour le changement (Kinal), la coalition formée autour des sociaux-démocrates du Pasok, il se classerait en troisième position, avec 7 à 9 % des voix. Syriza souffre de la défection de son électorat populaire, près de quatre ans après la signature d’un troisième mémorandum d’austérité, sous la
pression des créanciers, au lendemain d’un référendum qui avait pourtant opposé un non retentissant aux brutales politiques néolibérales imposées par la Troïka (Banque centrale européenne, Commission européenne et Fonds monétaire international). Les diktats des créanciers s’imposent encore, la portée symbolique de la sortie des mémorandums n’aura pas joué, comme il l’espérait, en faveur de Tsipras. La crainte de voir détricotés par la droite les fragiles filets sociaux retissés à grand-peine par la gauche grecque, toujours soumise à de sévères contraintes budgétaires, n’a pas eu l’effet mobilisateur escompté à gauche. Syriza maintient toutefois une solide assise électorale, dans un paysage marqué depuis 2014 par un nouveau bipartisme, après l’effondrement du Pasok. Rosa Moussaoui
INTERNATIONAL ROYAUME-UNI
INDE
Theresa May annonce sa démission pour le 7 juin
Le nationaliste Narendra Modi s’offre un plébiscite
La Première ministre britannique Theresa May a annoncé vendredi dernier sa démission, suite à son échec à faire adopter son plan de retrait de l’Union européenne. La voix étranglée par l’émotion, Mme May a précisé qu’elle démissionnerait de ses fonctions de cheffe du Parti conservateur – et donc de cheffe du gouvernement – le 7 juin, dans une allocution prononcée devant le 10, Downing Street. Elle a exprimé, au bord des larmes, « un profond regret de ne pas avoir été capable de mettre en œuvre le Brexit ». Au Royaume-Uni, un vote peut en éclipser un autre. Alors que les Britanniques votaient jeudi 23 mai pour les élections européennes, le gouvernement annonçait le report du vote des parlementaires sur son projet de loi pour le Brexit, initialement prévu la première semaine de juin. La date du nouveau scrutin ne sera pas connue
avant le 4 juin. Le mardi, la première ministre conservatrice, Theresa May, qui avait déjà échoué par trois fois à faire adopter l’accord de retrait négocié par les Européens depuis le début de l’année, jouait son va-tout en proposant des liens commerciaux plus étroits avec l’Union européenne et la possibilité de voter sur l’opportunité d’un second référendum. Un ultime recours rejeté au sein même des rangs de son propre parti conservateur. Tel un symbole de ces dissensions, Theresa May a enregistré mercredi soir la démission d’Andrea Leadsom, sa ministre chargée des relations avec le Parlement. Le Times annonçait le lendemain la démission probable de la première ministre britannique à l’issue de l’entretien avec Graham Brady, le président du Comité 1922, qui réunit l’ensemble des députés conservateurs à l’exception de ceux qui siègent au gouvernement.
ALGÉRIE
L’élection présidentielle n’aura pas lieu
Vainqueur des législatives avec une large avance, le premier ministre sortant risque d’accentuer la dérive autoritaire du sous-continent. Une vague safran inquiétante et irrésistible a submergé l’Inde. Jeudi, à l’heure où ces lignes étaient écrites, le premier ministre nationaliste, Narendra Modi, emportait 334 des 542 sièges de députés à la chambre basse du Parlement, la Lok Sabha, surpassant largement la majorité absolue de 272 parlementaires. Ne reniant rien de sa prétention d’incarner la nation à lui seul, le chef du gouvernement a triomphé sur Twitter : « L’Inde gagne à nouveau ! » alors que le dépouillement n’était pas totalement achevé. Pour la première fois de son histoire, la droite conservatrice, emmenée par le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), gagne les élections deux fois de suite grâce à un résultat qui rappelle ceux de 1977 et 1980, où un seul parti dominait entièrement la chambre. Le parti du Congrès a subi l’une de ses pires défaites
Avec 87 sièges, soit un gain de 27 postes par rapport à la précédente Assemblée, le parti du Congrès de Rahul Gandhi n’a pas été en mesure
Faute de prétendants, l’élection du 4 juillet est annulée. Une nouvelle victoire du mouvement populaire. Pas de candidats, pas d’élection. Le général Ahmed Gaïd Salah, qui dirige de fait l’Algérie depuis la chute d’Abdelaziz Bouteflika, comptait sur le mois de ramadan pour épuiser les manifestants et sur l’élection du 4 juillet pour enterrer le processus révolutionnaire en cours. Ses plans s’effondrent comme un château de cartes. Les prétendants à la magistrature suprême avaient jusqu’à samedi, minuit, pour se manifester auprès du Conseil constitutionnel : aucun dossier de candidature n’a finalement été déposé. Conspués dans les manifestations, les candidats potentiels se sont rétractés les uns après les autres, et les Algériennes et les Algériens sont descendus très nombreux dans la rue pour exiger le départ du chef d’étatmajor des armées et l’annulation d’un scrutin aux allures de mascarade. « Makanch intikhabat y a el issabat ! » clamaient-ils (« Oh, les gangs, il n’y aura pas d’élections ! »). Pas question, pour les protestataires, de se plier aux règles du jeu d’un système passé maître dans l’art de manipuler les urnes. L’actuel cadre constitutionnel lui-même est contesté : le peuple algérien ne veut plus de la concentration des pouvoirs au sommet de l’État et de l’armée qui prévaut depuis l’indépendance, et l’idée d’une Assemblée constituante a fait son chemin depuis les premières manifestations en février.
Un nouveau bras de fer commence
Le pays est donc entré dans le « vide constitutionnel » dont le patron de l’armée agitait le spectre, mettant en garde contre une telle situation, porteuse selon lui de « chaos ». Le voilà contraint, avec les derniers représentants d’un système vermoulu, de se plier à l’exigence d’une transition ancrée dans le mouvement populaire. Le Conseil constitutionnel devait se réunir pour prendre acte de l’absence de candidatures et décider de l’annulation ou du report du scrutin. Un nouveau bras de fer commence. Quelle forme prendra la transition ? Quelle instance la supervisera ? Une chose est certaine : les Algériens refusent de laisser les mains libres au général Gaïd Salah, qui croyait pouvoir gagner leur cœur en ordonnant à la justice de poursuivre et jeter en prison des oligarques, des militaires et des personnalités politiques soupçonnés de corruption. Cette opération « mains propres » aux relents opportunistes n’efface pas à leurs yeux l’ardoise de ce fidèle du président déchu. Le pays, promettent les protestataires, n’empruntera pas le chemin de l’Égypte. Un slogan fait résonner ce refus viscéral d’une dictature militaire : « L’Algérie est inSissisable ! » Rosa Moussaoui, L’Humanité du 27/05/2019
de se remettre au centre du jeu et subit l’une des pires défaites de son histoire. (…) Les deux seuls États à avoir résisté sont le Tamil Nadu et le Kerala (sud). Dans ce dernier, le Parti communiste d’Inde (marxiste), à la tête de l’assemblée régionale, n’emporte pourtant qu’un seul siège, contre dix-neuf pour l’alliance nouée autour du Congrès. Au Bengale-Occidental, les communistes, qui dirigeaient l’État jusqu’en 2011, n’obtiennent que 3 %. Adepte des thérapies de choc, Narendra Modi, dont les piètres résultats économiques – démonétisation ratée et un chômage supérieur à 6 % – l’avaient poussé à revenir aux fondamentaux du nationalisme hindou, a désormais les mains libres. Même si personne n’a vu la couleur des « jours heureux », des 10 millions d’emplois créés par an ou du doublement des revenus pour les 120 millions de paysans. Ce qui n’a pas empêché, hier, Amit Shah, le puissant dirigeant du BJP et fidèle de Modi depuis vingt ans, de dévoyer le sens même du progressisme lors de la proclamation des résultats : « Cette grande victoire est la victoire de la foi du peuple en cinq années de leadership progressiste et fort du premier ministre Modi. » La proposition du Congrès, conseillé par l’économiste Thomas Piketty, d’établir un revenu minimum garanti
de 920 euros par an et par famille pour les 20 % d’Indiens les plus pauvres, soit 50 millions de familles qui gagnent moins de 150 euros par mois, n’a pas fait recette. Plébiscitant l’incarnation du pouvoir par un homme fort, le premier ministre risque d’accentuer la dérive du sous-continent, jusqu’alors défini comme séculier, vers l’affrontement communautaire. Soit un État dirigé par la majorité hindoue pour la majorité hindoue, alors même qu’il comptait, en 2011, 14,2 % de musulmans, soit 172 millions de personnes. Les campagnes de haine et les lynchages à mort de musulmans, de chrétiens et de dalits, plus connus ici sous le nom récusé d’Intouchables, risquent de connaître un nouvel essor. Il y a également à craindre sur le front de la politique étrangère. Contrairement à l’élection de 2014, lors de laquelle Narendra Modi avait largement fait campagne sur le développement, le scrutin a, cette année, été dominé par la question du terrorisme et de l’affrontement avec le Pakistan. Selon le premier ministre, « la nouvelle Inde entrera dans les maisons des terroristes et les tuera. Nous répondrons à une balle par un canon ». Tout un programme. Lina Sankari, L’Humanité le 23/05/2019
NUCLÉAIRE
L’Amérique explose les atolls, range sous le tapis, puis s’en va Au cours de la guerre froide, les îles Marshall ont été le terrain de jeu des tests atomiques américains. Aujourd’hui, un dôme où avait été enterrée une grande partie des déchets issus de ces essais est sur le point de céder sans que les ÉtatsUnis s’en inquiètent. Le Pacifique, avec ses milliers d’îles aux eaux turquoise, peut-il être encore considéré comme une destination de rêve ? Certes, il y a toujours le ciel, le soleil et la mer, mais aussi, selon le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, des déchets nucléaires américains qui, avec la montée des eaux, risquent de s’écouler dans l’océan. Lors d’une récente tournée dans les îles du Pacifique afin de parler de changement climatique, le secrétaire général n’a pas caché son inquiétude devant les populations rencontrées : « Il existe un énorme cercueil nucléaire de béton construit par les États-Unis sur l’atoll de Runit, aux îles Marshall, qui abrite des déchets radioactifs. La structure, qui n’a pas été conçue pour durer, est aujourd’hui dans un état de délabrement avancé et devient très vulnérable. Une forte tempête pourrait percer le dôme et relâcher dans l’océan l’héritage meurtrier de la
puissance nucléaire américaine. » Cet atoll se trouve, il est vrai, dans une zone très vulnérable aux tsunamis et autres tremblements de terre et subit de plein fouet, comme l’ensemble de l’archipel, les effets du réchauffement climatique. (…) Les déchets mis en cause par Antonio Guterres proviennent tous des essais nucléaires effectués par l’« US Army » à partir de 1946. En pleine guerre froide, pas loin d’une centaine de bombes ont ainsi explosé sur les atolls de Bikini et d’Enewetak, relâchant dans l’atmosphère et sur les sols des tonnes de résidus irradiés. On ne compte pas moins de 67 expériences de tirs de bombes A et H. sur Bikini (…). Une paille décrite par le ministre chargé de la santé des îles Marshall et qui fut, à l’époque, témoin de ces essais : « Tout a commencé le 1er mars 1954 lorsqu’ à 6 h 45, un champignon gigantesque a recouvert le ciel de l’atoll de Bikini. C’était la première bombe à hydrogène expérimentée par le gouvernement américain. Quelques heures plus tard, l’atoll était recouvert d’une fine substance blanche en poudre. Personne ne savait que c’était des retombées radioactives. Les enfants ont joué dans ce qu’ils imaginaient être de la neige. »
La couche de béton épaisse de 45 cm est sur le point de céder
Il faudra pourtant attendre 1977 pour que, enfin, soient stockés en vrac sur l’atoll Enewetak tous ces débris radioactifs, soit 95 000 m3. Mélangés à du béton et placés dans le cratère nucléaire du test Cactus datant du 6 mai 1958, ils vont devenir ce que l’on appelle le Runit Dome. (…) (…) En signant le 1er août 1979 un accord d’association libre avec les États-Unis, la république des îles Marshall a reconnu que tout ce qui avait trait aux programmes nucléaires américains était dorénavant de son ressort. Une liberté cher payée puisque les Américains avaient tout anticipé. Très vite après la fin des travaux, ils déclarèrent en effet que les îles touchées étaient suffisamment sûres pour que les habitants puissent rentrer chez eux. Affirmation précipitée puisque, au même moment, ces mêmes habitants affirmaient que le dôme commençait déjà à couler, et ce presque immédiatement après le départ des ingénieurs. Éric Serres, L’Humanité du 23/05/2019 Les Nouvelles 30 mai 2019 • 7
CULTURE & SOLIDARITÉ
NOUVELLES IDÉES REÇUES
1ER JUIN À SAINT-MACAIRE
Ouverture du festival des Nuits Atypiques Du 1er juin au 21 juillet 2019, des moments de convivialité et de partage autour des cultures du monde. Samedi 1er juin
Embarquez dans la 28e édition des Nuits Atypiques pour un voyage culturel mêlant musiques du monde et musiques traditionnelles, conte, cinéma, spectacles, concerts, bals, rencontres-débat, lecture musicale… et venez à la rencontre d’artistes singuliers ! Festival itinérant, les Nuits Atypiques offrent cette année un programme foisonnant de découvertes culturelles et artistiques à travers 23 événements nichés dans 13 communes du Sud Gironde. Concerts gratuits pour les enfants, programmation en après-midi les dimanches et les jours fériés, aménagements d’espaces enfants, cette 28e édition se veut familiale et favorisera de belles rencontres avec les artistes pour tous, que vous veniez seul, entre amis ou en famille !
Canso – La Chanson de la Croisade albigeoise (épopée chantée) 21h // Saint-Macaire - Salle François Mauriac // Ouverture des portes à 18h : expo La Gironde Occitane + rencontre-débat Tarif plein 12€ // Réduit* : 6€ // Gratuit pour les moins de 16 ans « Une relecture contemporaine de la Canso de la Crozada. Une version en français et en occitan moderne du texte médiéval. » L’Humanité Sous forme d’un spectacle de poésie scandée, Canso revisite la Chanson de la Croisade albigeoise, poème occitan du XIIIe siècle, proposé ici dans une traduction originale et interprété par un trio poète/musiciens. La magnifique interprétation de Félix Jousserand, renforcée par la complicité de Gilles Coronado (guitare) et Christophe Lavergne (batterie), donne sa modernité à un texte du Moyen Age qui évoque intolérance religieuse, massacre de
8 JUIN
L’appel de SOS Méditerranée au Rocher de Palmer A partir de 15h au Rocher de Palmer, voici un nouveau rendezvous citoyen, solidaire et festif au soutien de SOS Méditerranée. Organisé par l’ONG qui a déjà sauvé 30 000 personnes depuis sa création, « L’appel du 8 juin » a pour objectif de sensibiliser la société civile au drame des naufrages à répétition en Méditerranée. Au programme, la projection de « 10 jours en mer, la véritable histoire de l’Aquarius » réalisé par Anelise Borges pour Euronews. Le film, prévu à 15h, est suivi de la ren-
contre : « Un an après, le drame des naufrages continue ». Et, à 16h30, une rencontre sur « La mobilisation citoyenne au cœur de la mission de SOS Méditerranée » avec, entre autres, le collectif « Bienvenue ». À 17h45, une autre projection de « Mare Amarum » de Philippe Fontana, avec une rencontre : « Rescapés, sauveteurs, photographes, faire face au traumatisme ». Et, à 19h, un DJ set Martin Meissonnier avant un concert à 20h30 avec Camélia Jordana, Blick Bassy et Trust (acoustique). L’entrée est libre l’après-midi. 20€ le soir pour les concerts.
Carnet SECTION DE MÉRIGNAC. C’est avec tristesse que les militants ont appris le décès de Jean-Claude Duprat. Mardi, au crématorium de Mérignac, ils l’ont accompagné à sa dernière demeure, en rendant hommage à sa vie militante au service de la CGT et du Parti communiste, au service de la justice sociale et pour un monde meilleur.
Les Nouvelles de Bordeaux et du Sud-Ouest S.A.S. au capital de 37 000 euros Associés (à parts égales) : L. Chollon, F. Mellier, S. Laborde, M. Lavallée Directeur de la publication : Frédéric Mellier Abonnement 1 an : 25 euros. Abonnement de soutien : 40 euros Rédaction, composition, impression : S.A.S. Les Nouvelles de Bordeaux et du Sud-Ouest 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX Tél. 05 56 91 45 06 - Annonces légales : annonces@nbso.fr Comptabilité : compta@nbso.fr - Redaction/Proposition d’article : redaction@nbso.fr Les nouvelles de bordeaux @nvlbx nbso.fr Commission paritaire de presse : 0123 C 85932
8 • Les Nouvelles 30 mai 2019
CHRONIQUE
masse et conquête politique. Mais aussi : 18h - Ouverture officielle des Nuits Atypiques et inauguration de l’exposition éphémère « La Gironde Occitane » 18h30 - Rencontre avec Félix Jousserand sur « La chanson de la Croisade albigeoise » Écrite au début du XIIIe, entre 1212 et 1219, La Chanson de la Croisade albigeoise est l’un des monuments de la littérature occitane. Elle relate, dans une langue magnifique, la croisade que le Pape Innocent III a lancée, en 1208, contre les hérétiques que l’on nommait Albigeois et qui s’est traduite par des massacres de masse et le rattachement définitif des possessions du Comte de Toulouse à la Couronne de France. 19h30 - Apéro-dégustation offert par l’ODG des Côtes de Bordeaux Saint-Macaire et petite restauration proposée par la Fédération Girondine des Calandretas - Buvette Les jours suivants :
Dimanche 2 juin, 18h : Au mièi de las vacas film documentaire de Patric La Vau en occitan sous-titré français au Cinéma Vog de Bazas Samedi 8 juin, 21h : Au mièi de las vacas film documentaire de Patric La Vau en occitan sous-titré français au Cinéma Vog de Bazas Retrouvez la programmation complète et toutes les infos pratiques sur : nuitsatypiques.org
PERFORMANCE À SADIRAC ET LIBOURNE
Abrutie Robert Kéramsi présente pour la première fois Abrutie, une performance inspirée de l’œuvre de Jeanne Benameur, Les Demeurées, avec Marion Claux à la voix et Pierre Thibaud aux Percus/sons : le 8 juin, à 21h, à la fête de la poterie à Sadirac et le 10 juin à 16h au festival « Le bout du chemin » à Libourne.
par Gérard Loustalet Sens www.nir-33.fr La pieuvre néolibérale
On se rappelle le grand espoir de 1981 et la loi de nationalisation du 13 février 1982 concernant les banques de dépôt (Paribas, Suez…), des sociétés comme RhônePoulenc, Saint-Gobain, Thomson, la retraite à 60 ans, les lois Auroux… On sait aussi la trahison social-démocrate qui a suivi… La même année, Delors mettait en place sous la formule jargonnante de « désinflation compétitive » la politique que Giscard et Barre en leur temps n’avaient pas osé faire. Tout un arsenal idéologico-politique va alors envahir l’espace médiatique. La guerre aux salariés va être déclenchée avec la désindexation des salaires, le refrain du coût du travail va devenir obsédant, l’austérité est présentée comme un impératif moral, des bateleurs d’estrade à la François de Closets, intellectuellement indigents mais forts en gueule, font fortune en travestissant en « privilèges » les acquis du modèle social, la télévision est mobilisée comme avec la honteuse émission Vive la crise, en 1984, où un Montand, entre autres, achève de se déconsidérer en « philosophe » reaganien pour vanter le « tournant de la rigueur » décrété par Mitterrand et piloté par Beregovoy… En 1986, c’est la première cohabitation. Le gouvernement Chirac lance un vaste programme de privatisations : SaintGobain, Paribas, Suez, Société générale, Havas, etc. En 1993, avec les Balladur puis les Juppé, la valse des privatisations s’accentue, c’est une vingtaine de privatisations intégrales : Rhône-Poulenc, Elf-Aquitaine, Péchiney, UsinorSacilor, la BNP, les AGF, etc.. Jusqu’au chef d’oeuvre, en 2005, de la privatisation des autoroutes par Villepin. Entre temps, Jospin avait cédé à son tour pour plus de 30 milliards d’actifs d’entreprises publiques… Et à quoi cette braderie permanente a-t-elle servi ? En quoi notre société est-elle meilleure ? Les hommes et les femmes de ce pays en sont-ils plus heureux ? C’est exactement le contraire… Mais c’est, paraît-il, parce qu’on n’a pas été assez loin dans les « réformes »… Le champ des activités de service public reste heureusement encore très large : école, protection sociale, transports collectifs, ordures ménagères et assainissement, courrier, hôpitaux, administration, recherche et culture, etc. En plus de l’Etat, les collectivités locales en prennent une large part. Sauf que le dogmatisme libéral cherche obstinément à y introduire les « méthodes » du privé. Cela donne un « nouveau mode de gestion » où l’on n’a plus affaire à des usagers mais à des « clients ». Les services publics ne devraient plus être considérés comme un bien commun. Le procès des anciens dirigeants de France Télécom a dévoilé crûment la nature du « new management » imposé aux services publics. C’est la gestion par la « performance », une direction des ressources humaines apparentée à un dressage, l’injonction permanente à la baisse des coûts, la compression des personnels. Cette « nouvelle gestion publique » (mais en anglais c’est plus chic) entend nier toute différence de nature entre gestion publique et gestion privée au nom de l’efficacité supposée de cette dernière. La manipulation répressive des personnels est érigée en règle, la brutalité des instructions est de mise, la cruauté des admonestations recommandée pour pousser le salarié à bout, un ensemble de stratégies fondées sur l’inhumanité de l’individualisme et de la concurrence. Et cela au nom de catégories prétendument découvertes en mai 68 -autonomie, créativité, initiative…- et dévoyées par le « nouvel esprit du capitalisme » (Boltanski et Chiappello) qui en a souvent délégué la mise en œuvre à d’ex-maoïstes et autres gauchistes repentis qui trouvaient autrefois que la classe ouvrière n’était pas assez révolutionnaire et qui, revenus au bercail, considèrent que la classe ouvrière ne se résigne pas assez vite. La pieuvre néolibérale étend ses tentacules sur l’ensemble de la société. C’est ainsi que le code du travail n’est plus un droit de protection des salariés mais est devenu avec la prétendue « loi travail » un droit de sécurisation du patronat. L’insécurisation des salariés est par contre bien vue, ils doivent être confrontés en permanence, sous prétexte de « compétitivité », à la précarité, à la perte d’emploi, à l’incertitude du statut. Il faut supprimer les « protections » au nom d’une soi-disant « culture du risque » qui ne fait que reporter sur l’individu les défaillances de l’organisation sociale. C’est la doctrine fallacieuse du « premier de cordée » lequel n’est pas là pour entraîner qui que ce soit mais pour se servir abondamment.