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4.4. Le coût environnemental des ensembles résidentiels périurbains
from Les politiques du logement dans les Suds : la promotion de la propriété individuelle et ses limites
pour la majorité des ménages ne pouvant devenir propriétaires. Les ménages des quatre premiers déciles (1 à 4) se retrouvent alors toujours plusévincésdesmarchésformels du logement. C’est le cas à Johannesburg où le quart de la population vivait encore dans des logements précaires dans les années 2000 et le bilan s’est assombriau cours des années2010(Cessou 2007). Il en va de même dans le Grand Beyrouth où 30 % de la population vivait dans un quartier précaire avant même le déclenchement de la crise financière, économique et sociale en 2019 (Fawaz, Saghieh, et Nammour, 2014). Le phénomène est encore plus significatif à Delhi et concerne même une partie de la classe moyenne tant les prix immobiliers sont élevés (Bercegol, Bon, et Lévy, 2021). En plus de consolider des inégalités de richesse qui se croisent parfois avec des facteurs liés à l’ethnicité ou à la religion, les politiques d’accession aidée à la propriété mises en place au Liban, au Mexique, en Inde ou en Afrique du Sud courent aussi le risque de renforcer les inégalités spatiales en raison de la localisation périphériquedes ensembles résidentiels construitsau sein deterritoires déjàpeu pourvus en emplois et en servicesurbains.
L’émergence d’une «classe moyenne patrimoniale» (Piketty, 2013) par l’accession à la propriété immobilière pleine et individuelle, symbole des dynamiques de financiarisation de masse via le crédit (Fernandez, Hofman, et Aalbers,2016), met également en lumière les potentielles transformations des structures et des relations sociales et des hiérarchies de pouvoir aux échelles locales comme nationales. Les ménages primo-accédants se trouvent dans une situation paradoxale où leurs intérêts patrimoniaux et leurs trajectoires sociales ascendantes sont liés à la persistance de niveaux de prix élevés sur les marchés immobiliers qui les ont longtemps empêchés d’accéder à la propriété. En d’autres termes, ces classes moyennes deviennent captives de leur crédit immobilier. Toute crise entrainant un effondrement des valeurs immobilières pourrait provoquer leur faillite personnelle et desphénomènes violents de déclassement social. Cette réalité, observée aux États-Unis avec la crise des subprimes, est alors susceptible d’influencer grandement les positionnements politiques et les comportements électoraux de ces classes moyennes de propriétaires, en rapprochant leurs intérêts patrimoniaux de ceux des industries bancaires et immobilières, et plus globalement des classes dominantes, qui sont rarement favorables à la mise en place d’une action publique volontariste en matière de lutte contre les inégalités. Certaines études montrent également que ces classes moyennes primo-accédantes pourraient notamment être davantage attirées par les courants populistes(Edwards,2019; Rodrik,2020).
4.4. Lecoût environnemental des ensembles résidentiels périurbains
Du Liban à l’Afrique du Sud, ces politiques d’accession à la propriété, à travers la construction de programmes résidentiels périphériques, contribuent à renforcer les dynamiques d’étalement urbain. Or, cette forme d’urbanisation et les modes de vie qui y sont associés dégradent l’environnement et jouent un rôle actif dans le réchauffement climatique. Les études réalisées par l’Institut des Morphologies Urbaines montrent par exemple que les émissions de dioxyde de carbonepar habitant dans des villes peu denses comme Johannesburg (2 500 habitants/km²) sont plus de deux fois supérieures à celles relevées dans des villes denses (10 000 habitants/km²) comme Paris, Tokyo ou Séoul (Lévy, Salat, et Bourdic, 2014). Si les conséquences environnementales du développement