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Guyane

GUYANE, UN JOYAU DE BIODIVERSITÉ À PRÉSERVER

Ci-dessus : inselberg de la Réserve naturelle nationale des Nouragues, la plus grande réserve naturelle terrestre de France. Cet inselberg granitique culmine à plus de 400 mètres. © Emmanuel Rondeau | WWF France

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Région ultrapériphérique européenne située sur le continent sud-américain, la Guyane estcouverte d’une forêt primaire sur plus de 90 % de sa superficie. La nécessaire préservation de la biodiversité est essentielle pour le développement économique et l’attractivité du territoire. Éclairage avec Laurent Kelle, responsable du WWF France en Guyane.

INTERVIEW

Laurent Kelle

© Hugo Hebbe

LAURENT KELLE, RESPONSABLE DU WWF FRANCE EN GUYANE

• Quels sont les grands enjeux de protection du territoire ?

- Si la Guyane n’est pas impactée par des actions de déforestation de grande ampleur comme cela est le cas en Amazonie brésilienne, on a, malgré tout, des enjeux importants liés à la préservation de la biodiversité.

Sur le plateau des Guyanes, les écosystèmes sont fortement impactés par les pratiques minières. On observe en particulier un impact significatif sur la biodiversité aquatique, qui recèle un fort taux d’endémisme. Malgré les efforts menés par le Parc amazonien de Guyane, en 2022 on y dénombre encore plus d’une centaine de sites miniers illégaux.

Ces chantiers induisent de la déforestation, ont un impact majeur sur l’équilibre des écosystèmes aquatiques, et engendrent des impacts sociaux et sanitaires car les cours d’eau étant pollués, les communautés autochtones n’ont plus accès aux ressources du fleuve. Si le mercure est interdit depuis 15 ans en Guyane, il y est encore utilisé par les orpailleurs illégaux, qui s’approvisionnent dans les pays voisins.

Ambiance forestière dans la Réserve naturelle nationale des Nouragues.

© Emmanuel Rondeau | WWF France

• Quelles sont les actions mises en œuvre pour protéger la biodiversité terrestre et marine ?

- Le WWF travaille à la promotion d’une meilleure connaissance collective du plateau des Guyanes, qui est une entité biogéographique cohérente, et dont l’important réseau hydrographique représente 15 à 20 % de l’eau douce disponible à l’échelle de la planète ! Après le Guyana, le Suriname a ratifié la convention de Minamata pour limiter l’utilisation du mercure. Dans le cadre d’une récente initiative, le rôle du WWF est de faire en sorte que les engagements pris soient tenus, car il y a un fort intérêt au Guyana, au Suriname, mais aussi en Guyane, à l’arrêt de l’utilisation de ce métal dans l’ensemble de la région.

Nous œuvrons aussi avec la filière pêche pour limiter son impact sur les espèces menacées. Il y a 15 ans, le chalutage crevettier était impliqué dans les captures accidentelles de tortues, avec plus d’un millier de captures par an. Grâce au dispositif novateur « TED », créé pour que les tortues puissent s’échapper des filets par une trappe d’évacuation, la collaboration des pêcheurs a permis de réduire de 95 % ces prises accidentelles.

Un projet similaire est en cours avec les pêcheurs côtiers. Cependant, là aussi, une grande partie des pressions est connectée aux pays voisins. En octobre 2021, lors du dernier survol aérien entre Kourou et Awala-Yalimapo, nous avons dénombré 27 bateaux en zone côtière. Parmi ces 27 bateaux, 25 étaient en provenance du Suriname ou du Guyana.

La tortue luth nidifie sur les côtes guyanaises presque toute l’année, mais deux saisons principales de ponte existent : d’avril à août essentiellement, puis de novembre à janvier. Les femelles pondent 5 à 7 fois par saison une centaine d’œufs qui écloront 60 à 70 jours plus tard. Il faudra aux tortues survivantes 10 ans pour devenir adultes. La tortue luth est notamment menacée par les filets de pêche et la présence de bateaux près des plages de ponte.

© Roger Leguen | WWF

Pour protéger la biodiversité terrestre et marine ainsi que les conditions de vie des populations de Guyane, la coopération avec les pays voisins est donc essentielle. Concernant la pêche illégale, des vidéoconférences ont été organisées avec les Affaires maritimes du plateau des Guyanes. L’ensemble des interlocuteurs est prêt à échanger et à se mobiliser. C’est une des forces du WWF dans la région, que de pouvoir faire des propositions d’actions transfrontalières, notamment sur des problématiques dont les racines se situent au-delà du territoire guyanais !

Rédaction : Sandrine Chopot

WWF GUYANE... EN BREF

• Un bureau permanent depuis plus de 20 ans

• Quatre salariés

• Plus de 20 partenaires sur les différents projets : services de l’État, collectivités, autorités coutumières, établissements publics, associations locales, scientifiques, acteurs socioéconomiques…

• PROJETS MARQUANTS : protection des sites de ponte de tortues marines de l’ouest guyanais, mobilisation contre l’orpaillage illégal, démonstration des dangers de l’industrie minière (Montagne d’or), mise en place de techniques de pêche à moindre impact, premiers inventaires du dauphin de Guyane, cogestion des îlets Dupont, appui à la structuration de filières soutenables, coopération régionale, collaboration avec les communautés locales.

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