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Île de La Réunion
L’ASSOCIATION ABYSS, « THE EARS OF THE OCEAN »
Image ci-dessus : pourquoi d’une année à l’autre, les baleines à bosse sont-elles plus ou moins nombreuses près des côtes réunionnaises ? Un mystère que le projet Thétys tentera d’élucider, pour mieux protéger cette espèce considérée « vulnérable » à La Réunion. © Jérôme Raimbault
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Fondée en 2009, l’association réunionnaise travaille sur le suivi spatio-temporel et la conservation des mammifères marins et de leur milieu. Abyss est notamment connue pour ses études éthologiques et bioacoustiques des cétacés dans le sud-ouest de l’océan Indien. Zoom sur quatre projets phares en cours, présentés par des membres d’Abyss.
BIEN-ÊTRE DES CÉTACÉS (BEC)
Fabienne Delfour, docteur en éthologie cognitive, résume ce projet : « Aujourd’hui le monde marin subit diverses pressions et cela a des conséquences sur les animaux. Avec le projet BEC, nous cherchons à mesurer le niveau de stress des dauphins et des baleines à La Réunion. Et c’est une première ! Pour cela, la quantité de certaines hormones présentes dans leurs excréments et squames est notre meilleur indicateur. Grâce à cette étude, nous allons savoir si des espèces sont plus sensibles que d’autres aux activités humaines, si des individus sont plus stressés que d’autres, et si certaines saisons sont plus difficiles pour ces animaux. »
BIO EPAR DEV
Jean-Pascal Quod, docteur en biologie marine, évoque cet autre projet d’Abyss: « Bio Epar Dev s’intéresse aux déchets qui dérivent en mer. Détritus, objets en plastique ou bancs d’algues, nous en croisons lors de chacune de nos sorties en bateau… et autour de ces déchets flottants, toute une vie marine et de nombreux poissons. Ce projet vise à mieux connaître les animaux et végétaux qui vivent autour de ces épaves dérivantes, à identifier leurs origines et bien entendu à les ramener à terre pour éliminer cette pollution. Des échantillons partiront au laboratoire pour vérifier par exemple qu’il n’existe pas d’espèces potentiellement toxiques pour la faune locale ou pour les humains. L’objectif final est d’apprendre à mieux comprendre ces écosystèmes encore mal connus. »
CETOSCOPE
Selon l’éthologue Beverley Ecalle et Yann Doh, chercheur en acoustique sous-marine, ce projet « va nous aider à décrypter la communication des cétacés. On sait déjà que leur système de communication par vocalises est riche et complexe. Or face à un groupe de dauphins ou de baleines, nous sommes incapables d’identifier l’animal qui émet des sons, il n’y a aucun signal visuel. L’outil innovant Cetoscope 2 , composé de quatre hydrophones et six caméras, permet de filmer la scène sous-marine dans son intégralité en 360°. On peut identifier l’animal qui produit les vocalises, associer ces sons à ses comportements et aussi observer les réponses des autres dauphins ou baleines autour ! »
THÉTYS
Marion Ovize, écologue marin, conclut avec ce projet qui s’intéresse aux déplacements des baleines à bosse : « Si les baleines s’alimentent dans les eaux froides de l’Antarctique, La Réunion est un site très attractif lors de leur période de reproduction. Cette année, elles ont afflué par centaines au plus près de nos côtes. D’autres fois, elles ne sont qu’une poignée, rares et discrètes. Et on ne sait pas pourquoi ! Le projet Thétys utilise des images satellites très haute résolution, pour scanner l’océan et détecter la présence de baleines à bosse. Objectifs : percer les secrets de leur migration, découvrir de nouveaux sites où elles se rassemblent et comprendre cet écart de fréquentation selon les années et territoires, comme c’est le cas dans les eaux réunionnaises. »
TÉMOIGNAGE
BERTRAND DENIS, COORDINATEUR DE PROJETS ABYSS ET OLIVIER ADAM, CHERCHEUR EN BIOACOUSTIQUE
« Comprendre ce qui se passe sur les phénomènes très variables de migration et de fréquentation des baleines à bosse d’une année à l’autre fait partie de nos recherches. L’année dernière par exemple, elles étaient quasiment absentes le long des côtes réunionnaises, alors que cette année 2022 est une des plus importantes en termes d’observations depuis les 10 dernières années.
Au cours des sorties en mer réalisées en ce mois de septembre, nous avons pu parfois comptabiliser en une journée plus d’une quarantaine d’individus sur à peine quelques dizaines de kilomètres de prospections. C’est tout simplement incroyable et une chance extraordinaire pour notre territoire d’outre-mer, un message d’espoir et de prospérité pour la mégafaune marine.
Maintenant nous nous devons de rester sur le qui-vive, car d’importantes menaces pèsent toujours sur le milieu marin. Ce n’est pas une nouveauté car on sait que les océans sont sous d’intenses pressions dues aux activités humaines. Il y aura, dans les 10 prochaines années, encore plus d’activités humaines en mer, plus d’exploitations de ressources océaniques. Est-ce que cela aura un impact sur les routes migratoires des baleines à bosse et sur les fréquentations des sites de l’océan Indien ? Grâce aux programmes de recherche que nous développons actuellement, nous avons comme objectif d’apporter de nouvelles connaissances sur ces cétacés, notamment sur leurs routes de migration complexes à l’échelle de l’océan Indien, et ainsi de mieux les connaître pour mieux les protéger. »