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Mayotte

UNE STALAGMITE EXTRAITE D’UNE GROTTE SOUS-MARINE UNIQUE ET MULTIMILLÉNAIRE

Ci-dessus : la zone crépusculaire du lagon abrite de rares habitants, comme ici une raie pastenague et un requin-nourrice. © Gabriel Barathieu | DBE

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L’entrée de la grotte, découverte en 2016 par le plongeur Tom Marneff, à près de -50 mètres.

© Gabriel Barathieu | Deep Blue Exploration

Le 18 janvier, une équipe de cinq plongeurs de l’association Deep Blue Exploration a prélevé des profondeurs une stalagmite de 50 kilos. Ce précieux matériau géologique fera l’objet d’études approfondies en Europe et livrera des informations clés sur l’histoire des climats à Mayotte.

INTERVIEW

GABRIEL BARATHIEU, PLONGEUR ET PHOTOGRAPHE, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DEEP BLUE EXPLORATION

Gabriel Barathieu

• Comment avez-vous découvert cette stalagmite ?

- La grotte où elle se trouvait a d’abord été découverte par un plongeur en 2016. Un an plus tard, avec mon ami Olivier, nous avons exploré ce site sous-marin de 130 mètres de long. Au fond, nous avons entrevu une sorte de « salle » sans aucune lumière, qui abrite entre 30 et 40 stalagmites ! Au début de l’année, nous avons organisé une expédition pour en extraire une, afin qu’elle soit étudiée en métropole et en Allemagne.

La « salle des stalagmites », à proximité de la barrière de corail qui ceinture le lagon de Mayotte.

© Gabriel Barathieu | Deep Blue Exploration

• Comment s’est déroulée l’expédition ?

- C’était la première fois qu’une équipe projetait d’extraire une stalagmite d’une grotte ennoyée à 70 mètres de profondeur. Puisque ça n’avait jamais été fait avant, j’ai dû effectuer quelques recherches pour employer la meilleure méthodologie. J’avais prévu d’utiliser une perceuse sans fil pour trouer la base de cette concrétion calcaire afin de la fragiliser et de la détacher de son socle. C’était la théorie et en pratique… et bien tout a fonctionné ! Elle mesurait 85 centimètres de hauteur et 35 de diamètre, était dure comme du marbre, c’est pourquoi on a passé quatre jours à réaliser une quarantaine de trous. Au bout d’une semaine, on a enfin pu désolidariser la stalagmite de 50 kilos et on a mis deux jours pour la remonter à la surface.

• Que représente selon vous une telle découverte sous-marine pour le patrimoine mahorais ?

- Beaucoup de choses. Cette grotte a été ennoyée il y a environ 14 000 ans. À l’époque, les stalagmites se sont créées quand le niveau marin était 120 mètres plus bas. Grâce à la stalagmite, on va pouvoir étudier le climat qui régnait à Mayotte il y a des millénaires. Les premiers éléments d’analyse sont attendus pour la fin de l’année et l’étude est dirigée par le Professeur Thomassin, océanographe et directeur de recherche honoraire au CNRS. D’après les scientifiques, il n’existe pas dans le monde d’autre découverte de grotte sous-marine comme celle-ci, formée par l’érosion karstique. Elle fait partie du patrimoine naturel de Mayotte, il faut qu’elle soit classée.

Rédaction et interview : Marion Durand

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