6 minute read
Martinique
« L’AMOUR, LE RESPECT ET L’ENGAGEMENT, POUR LA NATURE ET LE MONDE ANIMAL »
Photographe et vidéaste spécialiste du monde sous-marin, Fabien Lefebvre travaille pour la protection de l’environnement et de la faune sauvage. Photographe officiel du CNRS et de la Martinique, Réserve mondiale de Biosphère reconnue par l’UNESCO, il porte également de nombreux autres projets via son association ACWAA, qui signifie Awareness Conservation Wildlife And Action (Action pour la sensibilisation et la préservation de la vie sauvage).
INTERVIEW
FABIEN LEFEBVRE, PHOTOGRAPHE ET VIDÉASTE ANIMALIER, SPÉCIALISÉ DANS LE MONDE SOUS-MARIN
• En tant que photographe du monde sous-marin, quelle est votre manière de travailler ?
Je suis passionné par les animaux sauvages et le milieu marin depuis de nombreuses années. Ce que je voulais au départ, c’était partager avec mes proches ce que je voyais sous l’eau et qu’ils puissent ressentir les moments d’émotion que je vivais.
Ce sont ces moments de complicité et de respect mutuel avec les animaux qui continuent à être importants pour moi aujourd’hui. Lorsque je vais à la rencontre d’un animal, c’est lui qui décide s’il souhaite m’accepter ou pas et s’il y a une curiosité mutuelle qui se crée, alors je peux prendre des photos.
Si je fais peur à un animal et qu’il fuit, la seule émotion qui se dégagera de la photo sera la peur, ça ne m’intéresse pas de faire ce genre de clichés. Sans parler de l’impact pour l’animal : courir après une tortue par exemple peut l’épuiser, et si elle passe son temps à fuir, cela aura un énorme impact sur son écologie.
Ma manière de travailler sous l’eau comme sur terre est de provoquer le contact avec l’animal, d’aller à sa rencontre, mais de le laisser décider s’il m’accepte ou non. C’est ce que j’aimerais qui ressorte de mes photos : l’amour, le respect et l’engagement pour la faune sauvage ; ce sont mes trois grosses valeurs.
• Pouvez-vous nous parler de votre association ACWAA ?
Au-delà de mes travaux de photographe indépendant, j’ai cofondé avec ma compagne l’association ACWAA en 2020 afin de porter d’autres actions en faveur de la protection de la faune et la flore sauvages. Nous avons par exemple pu collaborer avec PatriNat, à la réalisation de reportages pour le Compteur Biodiversité Outre-mer sur les coraux fluorescents de Martinique, sur la biodiversité du Centre spatial guyanais ou encore sur la Réserve naturelle nationale de Petite-Terre en Guadeloupe.
• Avez-vous un projet qui vous enthousiasme particulièrement ?
Je collabore depuis plus de 10 ans avec Damien Chevalier du CNRS sur le programme scientifique qu’il mène sur les tortues marines en Martinique. L’objectif de ce programme de recherche est d’améliorer les connaissances sur ces espèces pour mieux lutter contre les menaces qui pèsent sur elles. Dans le cadre du projet, nous avons réalisé de nombreux suivis sur l’écologie des tortues marines et menons chaque année des campagnes de « capture marquage recapture », afin de surveiller l’état de santé des populations de tortues de mer. Depuis plusieurs années, nous posons des systèmes embarqués à largage automatique équipés de biologgers, d’une caméra et d’un hydrophone qui permettent de suivre les tortues 24h/24.
Grâce à ces dispositifs, nous avons pu découvrir que les tortues marines émettent des sons, ce que personne ne savait jusqu’à présent ! Le CNRS a ensuite travaillé à isoler le son signifiant « danger » dans le but d’équiper les filets de pêche de « répulsifs sonores ». L’idée finale est de réussir à éloigner les tortues des filets afin d’éviter qu’elles ne meurent enchevêtrées.
Les captures accidentelles dans les filets sont la première cause de mortalité dans le monde chez les tortues marines. Solidaires de ce programme, une collaboration a été mise en place avec les pêcheurs. C’est une action « gagnant-gagnant » qui rassemble à la fois la conservation et le monde de la pêche, c’est passionnant !
• Quel serait pour vous un projet « coup de cœur » ?
Ce qui me tient à cœur, c’est de participer à mon échelle à la protection de l’environnement. Ce que j’essaie de faire, ce sont des photos qui puissent mobiliser et émouvoir, afin que chacun puisse s’approprier la nature et ait envie de la protéger à son tour.
En 2020, la Martinique a candidaté afin de se voir accorder le titre de Réserve mondiale de Biosphère par l’UNESCO, et j’ai eu le plaisir d’être sollicité pour illustrer le dossier de candidature avec des photos du Patrimoine naturel martiniquais. Le projet a été soutenu par l’ensemble de la population et le territoire martiniquais a été désigné Réserve mondiale de Biosphère par l’UNESCO le 15 septembre 2021. En tant que Martiniquais d’adoption, c’est pour moi une grande fierté d’avoir pu participer à ce projet et d’apporter ainsi ma contribution à la Martinique.
Rédaction et interview : Lucie Labbouz
+ d’info ici : https://www.facebook.com/ fabienlefebvrephotography/
Fabien Lefebvre tient à remercier particulièrement Damien Chevalier pour sa confiance et ses sponsors Bigblue Dive Lights et Photo Denfert pour le soutien matériel.