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Mayotte

UNE SITUATION DE SÉCHERESSE AIGUË ET DE SÉVÈRES RESTRICTIONS D’EAU POUR LES HABITANTS

La sécheresse perdure depuis des mois à Mayotte, engendrant d’importantes pénuries d’eau. Le 24 août, la préfecture a annoncé des coupures d’eau de 48 heures toutes les 24 heures de mise en service pour préserver les réserves jusqu’à la saison des pluies, attendue en décembre. Explications avec Jérôme Josserand, directeur adjoint de la DEALM (Direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer) de Mayotte.

INTERVIEW

JÉRÔME JOSSERAND, DIRECTEUR ADJOINT DE LA DEALM DE MAYOTTE

Jérôme Josserand

• La sécheresse observée cette année à Mayotte a-t-elle atteint des niveaux plus élevés que les saisons précédentes ?

À l’échelle du département, la saison des pluies 2022-2023 présente un déficit pluviométrique de 24 % par rapport à la normale, ce qui en fait la saison la plus sèche enregistrée depuis 1997 et la deuxième plus sèche en 61 années de mesure.
Sur la moitié nord de la Grande-Terre, le déficit est encore plus marqué, de l’ordre de 35 %, alors que les trois principaux bassins versants de Mayotte alimentant les grands cours d’eau et les deux seules retenues sont situés sur ce secteur nord.
Le 24 août, le niveau de remplissage de la retenue collinaire de Combani (ci-dessus) était de 25 %, et celui de la retenue de Dzoumogné de 14 %.
© Stéphanie Castre

• Y a-t-il une explication et quelles conséquences en découlent pour la population ?

Cet épisode de sécheresse, qui a touché la plupart des îles du sud-ouest de l’océan Indien, est largement imputable à une phase très négative du dipôle de l’océan Indien (IOD) – ou El Niño indien – qui a concerné la région durant l’hiver austral et le début de la saison des pluies fin 2022. Cela s’est traduit par une anomalie froide sur les températures de surface de la mer dans une large moitié ouest du bassin océanique et notamment dans le nord du canal du Mozambique.
Ce type d’anomalie, qui concerne périodiquement la région, affecte durant plusieurs mois les conditions climatiques de Mayotte, apportant de l’air plus sec et des alizés plus vigoureux que de coutume, retardant ainsi l’entrée franche du flux de mousson humide (Kashkasi). Ce dernier n’a que très peu atteint notre département, seulement au mois d’avril qui est le dernier mois de la saison des pluies. Ainsi, les pluies ont étés abondantes en avril, mais le déficit accumulé depuis novembre 2022 n’a pas pu être rattrapé.
Anomalie de précipitations à Mayotte de 1962 à 2023, sur la période d’octobre à avril. Moyenne entre Combani, Coconi, Dzoumogné et Pamandzi. L’histogramme à zéro révèle une année normale, en vert les années excédentaires et en orange ou rouge les années déficitaires enregistrées depuis 1962.
© DEALM
La période de pluies « efficaces » qui permet la recharge des nappes et le remplissage des retenues de Mayotte s’en est trouvé réduite à six ou sept semaines. Le réservoir de Dzoumogné n’a atteint que 30 % de sa capacité et celui de Combani à peine 50 %. Ainsi, les ressources mobilisables sont restreintes.
Rivière de Mayotte.
© DEALM

• Quel plan d’action la DEALM de Mayotte et ses partenaires ont-ils mis en place ?

Tout d’abord, il faut rappeler que la pression sur la ressource en eau potable est très forte à Mayotte en raison de la faible superficie du territoire (374 km2) pour une population supérieure à 310 000 habitants. Dès le début de la saison des pluies, un monitoring hebdomadaire a permis d’examiner l’évolution de la ressource et la production d’eau, à travers : les données et prévisions météorologiques de Météo-France, l’état des nappes via le BRGM, le niveau de remplissage des retenues avec le syndicat des eaux de Mayotte, et enfin la production d’eau potable avec les données de l’exploitant détaillant les ressources utilisées (forages, prélèvements en rivières, dessalement et retenues).
Tout l’enjeu a été de retarder le plus possible l’utilisation des deux réservoirs de Combani et de Dzoumogné en réduisant progressivement la production de 39 000 m3 par jour à 30 000 m3 par jour en août et à 25 000 m3 par jour en septembre. Les coupures nocturnes ont été progressivement mises en place et généralisées début juillet. Des coupures d’eau deux jours sur trois sont instaurés à partir du 4 septembre à l’exception de certaines secteurs essentiels pour la poursuite des activités économiques de Mayotte. Un programme de travaux d’urgence vise à desservir les abonnés prioritaires tels que les établissements de santé, médico-sociaux ou les établissements scolaires. Ainsi 1 000 cuves de 500 litres à 1 m3 ont été achetées pour les écoles, crèches, professionnels de santé, administrations essentielles. Un programme de recherche et de traitement des fuites a été lancé, ainsi que des travaux lourds sur le réseau pour mieux répartir la ressource entre les quelques secteurs excédentaires de Mayotte et les secteurs déficitaires, notamment le sud de l’île. Des campagnes de forages sont en cours et une unité de dessalinisation est attendue. Le programme des travaux d’urgence s’établit à 30 millions d’euros. De plus, le travail avec l’Agence régionale de santé (ARS) est étroit pour encadrer les mesures de restrictions des usages de l’eau. Il s’agit de limiter les conséquences sanitaires sur la population. Ainsi, des rampes vont être installées dans chaque quartier, chaque village pour permettre aux habitants d’accéder chaque jour à l’eau potable pour la boisson et l’alimentation.
Les volumes d’eau baisseront jusqu’à début novembre avec 20 000 m3 produit chaque jour à cette période. Une partie des travaux d’urgence sur les infrastructures sera livrée et l’objectif sera de stabiliser la situation avant la saison des pluies espérée en décembre.

Rédaction et interview : Stéphanie Castre

Village de Mayotte.
© CEB
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