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Grand Port Maritime de La Réunion
MAISONS DES INGÉNIEURS : LA RESTAURATION DES JARDINS PORTE SES FRUITS
Face à l’entrée du Port Ouest, les Maisons des Ingénieurs accueillent depuis deux ans un projet de restauration agroécologique de leurs jardins. Bilan de cette opération de « laboratoire du vivant » et rencontre avec l’artiste Christine Wong, qui s’apprête à exposer sur le site.
Propriétés du Grand Port Maritime de La Réunion depuis 2020, les Maisons des Ingénieurs logèrent les ingénieurs ayant construit, entre 1879 et 1886, le port de la Pointe des Galets. Ces anciennes demeures entourées de larges coursives constituent aujourd’hui le plus ancien patrimoine portuaire de la commune. Après leur rénovation, elles s’offriront une nouvelle vie en recevant le futur siège social du Grand Port Maritime ainsi qu’un espace dédié au « Port Center », lieu d’accueil et d’information du public.
Port Réunion a initié en août 2021, en amont de la réhabilitation des maisons, un projet de trois ans visant à restaurer leurs jardins et abords végétalisés. L’objectif était de redonner vie aux sols afin de produire, à partir des jardins existants très dégradés – terrains secs et drainants, végétaux en souffrance… – un écrin de nature évolutif, dans une démarche expérimentale à l’écoute de la nature et pédagogique.
TÉMOIGNAGE
ELLIOT BOGLIO, FORMATEUR TERRAIN EN AGROÉCOLOGIE
Dans les jardins, la première tâche du projet fut de défricher, élaguer les parcelles et évacuer les déchets anthropiques qui s’y trouvaient. Dès le départ, nous avons formé une équipe du Service Bord à Quai (SBAQ) du Grand Port Maritime, pour qu’elle se familiarise avec les techniques de gestion agroécologique des espaces verts. L’idée était de recycler la matière organique pour développer la biodiversité du sol sans intrant et en préservant les ressources en eau.
Pour cela, nous avons créé des îlots fertilisants à l’aide de semis ou jeunes plants de cotonnier, mourongue ou zambrowat, qui ont fourni de la biomasse sous forme de broyatou paillage. La disposition en étagesdefeuillage a permis de protéger le sol du soleil : ces îlots ont ainsi profité de températures plus fraîches, avec un écart relevé allant jusqu’à 20 °C par rapport au sol à nu. Nous avons assisté dans ces zones au retour de la faune souterraine. C’est un travail de l’invisible ! Les résultats ne se voient que sous la terre, où insectes et vers de terre abondent maintenant. S’il y a des vers de terre, c’est qu’assez de matière organique s’est compostée. Il fallait trouver les bonnes espèces de plantes (zambrovate par exemple), les méthodes d’introduction (planter, bouturer, semer) et de gestion. Ce projet expérimental porte ses fruits et offrira un sol de qualité pour la conception des futurs jardins.
La réhabilitation des Maisons des Ingénieurs s’inscrit dans une politique d’ouverture du port aux habitants et vient en complémentarité de l’opération « Les Portes de l’Océan » pilotée par la ville du Port. Dans cette démarche favorisant la proximité, le GPMDLR rendra le site accessible au public le 15 septembre, à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine. Une exposition sur l’histoire portuaire sera proposée, agrémentée de cinq portraits en noir et blanc de figures marquantes du port, conçus par l’artiste photographe réunionnaise Christine Wong.
TÉMOIGNAGE
CHRISTINE WONG, ARTISTE PHOTOGRAPHE
Le Grand Port Maritime a souhaité ponctuer ses 10 ans par une exposition symbolique et éphémère d’une journée qui retrace l’évolution de l’institution au travers de photographies et documents d’archives. Il s’agit de clichés d’époque et d’autres plus récents de l’évolution physique et sociale du Port et de la ville qui s’est créée autour de celui-ci. Ce recueil historique s’accompagne d’un shooting que j’ai réalisé auprès de cinq personnes ayant travaillé ou travaillant toujours au sein du Grand Port Maritime. Ces portraits ont été créés dans l’enceinte des Maisons des Ingénieurs, d’une part pour le symbolisme des lieux et finalement aussi pour l’énergie et l’histoire qui en émanent.
L’exposition ne relève pas d’un travail historique comme on pourrait en attendre de la part d’un musée, il s’agirait plutôt d’un patchwork monochrome de moments forts de cette histoire économique, sociale et humaine des années 1880 à nos jours. Une histoire en photographies d’un port et de dockers qui ont engendré une ville. J’ai choisi de produire l’ensemble des photos sur de la bâche industrielle afin que les visiteurs puissent les regarder sans avoir peur de les toucher. Bien que visuelle, la photographie doit rester initiatique et passer aussi par le contact, donc le toucher. Les écoliers attendus sur place pourront ainsi s’exprimer au-delà du regard. L’exposition habillera les portes et fenêtres, aujourd’hui condamnées, de la maison centrale, ainsi que celles des dépendances, les premières prémices artistiques de sa prochaine rénovation. »