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Wallis-et-Futuna
FANOI, UNE VIGIE INVESTIE SUR SON ÎLE
Nous retrouvons dans cette édition Falakika Fanoi Ugatai, vigie à Wallis-et-Futuna du programme « En 1ère ligne » sur La 1ère de France Télévisions. Fanoi nous livre son regard de lanceuse d’alerte sur les questions climatiques et environnementales de l’archipel.
INTERVIEW
FALAKIKA FANOI UGATAI, VIGIE DU PROGRAMME « EN 1ÈRE LIGNE » À WALLIS-ET-FUTUNA
• Communiquez-vous avec les huit autres vigies du programme en outre-mer ?
Oui, et j’ai pu découvrir l’environnement d’autres ultramarins, venus de Nouvelle-Calédonie, Tahiti, Mayotte. J’ai constaté que nous luttions tous contre le changement climatique, qui touche tous les territoires d’outre-mer. Il y a également des sources de pollution communes comme les déchets, les écoulements d’eaux usées qui impactent l’environnement...
• Racontez-nous un peu votre parcours et les sujets environnementaux qui vous semblent importants à Wallis-et-Futuna.
Je suis animatrice au sein du Service de l’environnement. J’y ai débuté en tant qu’engagée de service civique pour 10 mois durant lesquels j’ai mené un projet appelé « Porte à porte » avec deux autres collègues. Cela consistait à passer dans tous les foyers de l’île de Wallis afin de sensibiliser la population sur le tri des déchets et mieux informer les habitants sur le dispositif de l’écotaxe. J’ai d’ailleurs fait une vidéo en tant que vigie pour Wallis-et-Futuna afin d’expliquer le déroulement de ce dispositif qui a été mis en place en 2017.
L’objectif était donc de lutter contre la pollution mais également de préserver notre lentille d’eau douce, qui se trouve sous la terre, en réduisant l’enfouissement de ces déchets. Or nous rencontrons des soucis concernant la revalorisation de ces déchets car ils sont actuellement stockés dans l’unique Centre d’enfouissement technique (CET) en attendant une destination afin de pouvoir les réutiliser.
Note de la rédaction : une lentille d'eau douce est une formation lenticulaire d’eau douce souterraine sous une île et surmontant de l’eau salée.
Autre impact sur l’environnement, les parcs à cochons qui sont placés sur le littoral et les effluents qui se retrouvent directement dans la mer. À ce sujet, un projet entre le Service de l’environnement et la chefferie du Nord, dans le district de Hihifo, a été initié pour déplacer les parcs à cochons appartenant à des particuliers, en hauteur, loin du littoral.
À Wallis, nous possédons vraiment une richesse naturelle qui permet de fournir des vivres aux personnes n’ayant pas assez de ressources financières pour acheter les produits en magasin. Ces richesses telles que les fruits et légumes cultivés localement et toute l’année et les poissons frais du lagon s’avèrent être finalement meilleurs pour la santé que les produits importés. Enfin, nous avons la mangrove et une barrière de corail pour nous protéger, mais qu’il nous faut absolument protéger. Autant de thématiques qui sont au cœur de mes préoccupations...
• Une petite histoire, par exemple d’un ancien qui vous aurait parlé de son passé à Wallis ?
J’ai mené plusieurs interventions de sensibilisation de la population, et je reçois très souvent cette petite phrase « Mole kei tatau te temi aeni mo te temi o matou », qui veut dire : « Rienn’estpluscommedansnos temps d’avant ». Vivre des champs qu’ils cultivaient et de la pêche, ça faisait partie du quotidien. Dans la logique wallisienne de nos grands-parents, on avance toujours en regardant en arrière. Aujourd’hui on a adopté un nouveau regard, qui consiste à regarder devant soi et à avancer sans se retourner. Ainsi l’ouverture au monde a rendu la population d’aujourd’hui dépendante des produits du monde. Nous évoluons très vite vers une société de consommation de masse à l’échelle de nos petites îles.
Une petite mamie m’a dit qu’elle ne changera sa façon de vivre pour rien au monde, tant qu’elle trouvera encore à manger dans la nature, c’est-à-dire en allant pêcher sur le platier et en n’utilisant que des produits locaux. Les magasins, c’est juste pour prendre le nécessaire. Mais elle a aussi remarqué les changements en cours comme le niveau de la mer qui augmente et sa température aussi, des espèces qu’elle pêchait très souvent sur la côte est de l’île, qui se font rares maintenant comme les palourdes, les holothuries curry, etc.
• Que faut-il développer selon vous pour davantage sensibiliser la population à l’environnement ?
Il est vraiment très important de continuer à sensibiliser les jeunes. Et cette mission fait partie de mon travail, j’aime partager les informations essentielles pour protéger notre environnement, mais aussi prévenir la population quant aux risques et changements que nous constatons et c’est pour cela que nous programmons des interventions de sensibilisation dès que l’occasion se présente, auprès des écoles primaires, des collèges, du grand public...
De plus, avec ma collègue, nous suivons par exemple des projets de restauration de la mangrove financés par l’Ifrecor, et sensibilisons les membres associatifs des villages sur le rôle important de cet écosystème. De cette expérience, je sais qu’il faut continuer à sensibiliser en diversifiant les supports (événements, vidéos, réseaux sociaux…) afin de toucher toujours plus de monde et accompagner tous les acteurs dans des actions concrètes de préservation ou restauration pour les impliquer et les responsabiliser sur chacun de leurs gestes au quotidien.
Il faut du temps et de la persévérance pour changer des habitudes. Préservons notre environnement, notre Fenua car personne ne le fera à notre place !
Propos recueillis par : Stéphanie Castre