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OUTRE-MER grandeur Nature n°18 _ sept.-oct. 2023

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TAAF

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LA FONDATION DES MERS AUSTRALES ENTAME UNE NOUVELLE PAGE DE SON HISTOIRE

Créée en octobre 2013 par six armateurs réunionnais de la pêche australe, cette fondation d’entreprises est la première à avoir été créée par des pêcheurs professionnels pour financer des projets de recherche. Rencontre avec son président, Laurent Virapoullé, et deux personnalités qualifiées membres de son conseil d’administration, Alain Fonteneau et Marc Ghiglia.

INTERVIEW

LAURENT VIRAPOULLÉ, PRÉSIDENT DE LA FONDATION DES MERS AUSTRALES, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE PÊCHE AVENIR

Laurent Virapoullé

• Vous êtes le nouveau Président de la Fondation, comment appréhendez-vous cette fonction ?

Avec responsabilité et ambition. La Fondation des mers australes, qui a déjà 10 ans d’existence, n’a pas été facile à mettre en place. Aujourd’hui, elle est reconnue dans l’écosystème de la pêche et du monde maritime. Je souhaite qu’elle perdure et rayonne davantage. Le temps est venu pour la Fondation d’être plus visible, de porter les ambitions de ses fondateurs et des pêcheurs de légine réunionnais.

• Quelle dynamique souhaitez-vous impulser au sein de la Fondation ?

Nous devons continuer à accompagner des projets scientifiques, des thésards dont les sujets de recherche ont été sélectionnés, les organismes de recherche comme l’Ifremer, l’Université de la Réunion, le Muséum national d’Histoire naturelle, etc. C’est le cœur de l’activité de la Fondation.
En parallèle, deux missions importantes à souligner. D’une part, une mission culturelle qui consiste à valoriser le patrimoine autour de la pêche et des activités maritimes dans le sud-est de l’océan Indien. À titre d’exemple, nous avons financé une exposition intitulée « Terre Sainte, terre de pêcheurs » organisée par l’association des Femmes de Marins Pêcheurs de Saint-Pierre (AFEMAR). Notre objectif est de mettre en valeur le patrimoine culturel autour des navires de pêche, des familles, des métiers. La pêche c’est aussi le symbole du voyage, de l’aventure. Plusieurs projets artistiques intéressants sont sur la table.
D’autre part, la dimension sociale. Permettre à de jeunes Réunionnais qui ont peu de moyens financiers, qui n’ont pas toujours accès à des formations, de découvrir le monde maritime. Cela passe par des actions au sein des établissements scolaires, des visites de sites, des animations. C’est aussi un moyen de les sensibiliser à la préservation des écosystèmes marins, aux gestes citoyens. Nous souhaitons amplifier ces actions pour rendre la Mer et les formations maritimes accessibles à celles et ceux qui n’en ont pas les moyens.
Pêcheurs de légine.
© Paul Tixier

• Pour les armements de pêche australe que vous représentez, quels programmes de recherche scientifique vous semblent les plus importants à développer aujourd’hui ?

Je pense à la déprédation des cachalots et des orques, la préservation des raies, dont la Fondation continue à financer des programmes de recherche. Le réchauffement climatique sur les écosystèmes marins, notamment sur l’Antarctique, est un axe à regarder de très près. On sait aujourd’hui que le réchauffement climatique a des impacts sur certaines populations, mais nous n’avons pas encore réussi à les caractériser. C’est un travail de longue haleine !

• Quelles actions pour assurer la durabilité de la pêche australe ?

Nous travaillons étroitement avec l’administration des TAAF pour limiter l’impact de nos activités sur l’écosystème marin. Une prochaine campagne scientifique d’évaluation de la biomasse, baptisée POKER (POisson KERguelen) devrait avoir lieu prochainement afin de garantir une exploitation durable des stocks.

• Un message au conseil d’administration ?

Je suis très heureux que trois armements, Pêche Avenir, Comata, Cap Bourbon continuent l’aventure ! Concernant la SAPMER, aujourd’hui en vente, l’entreprise n’a pas souhaité continuer, mais la porte reste grande ouverte. La Fondation est une aventure qui doit demeurer collective et ambitieuse !
Quel leurre est-il ?
© Delphine Ciolek

TÉMOIGNAGE

ALAIN FONTENEAU, RETRAITÉ CHERCHEUR À L’IRD, EXPERT DE LA RECHERCHE THONIÈRE INTERNATIONALE

Alain Fonteneau

• Quels sont les projets soutenus par la Fondation qui vous ont marqués ?

Parmi les projets de grande envergure, la thèse sur les raies qui se termine cette année. Les raies des mers australes sont des espèces auxiliaires potentiellement menacées. Actuellement des recherches pointues sont menées et les premiers résultats sont là pour mieux les protéger. Les projets de recherche sur la déprédation par les orques et les cachalots sur les palangriers à la légine australe dans l’archipel de Crozet ont été très positifs. Cette déprédation est dramatique pour la profession qui perd une bonne partie de sa production. C’est aussi gâcher un produit d’excellente qualité.
Palangrier Île de La Réunion de la Comata Scapêche (encre et Posca).
© Delphine Ciolek

• En tant qu’expert, quelle est votre vision de l’environnement ?

Dans un contexte de changement climatique, j’ai l’impression que nos pêcheries des mers australes sont très bien surveillées et gérées, voire exemplaires. Il y a quelques années, on voyait beaucoup de bateaux de pêche illicite. Ils sont aujourd’hui très contrôlés grâce, entre autres, aux actions mises en place par les TAAF et le Muséum national d’Histoire Naturelle. Si l’on continue à avoir une gestion rationnelle de certaines ressources comme la légine ou encore la langouste australe, il n’y a pas, je pense, de danger à craindre. La Fondation, l’appui scientifique des TAAF, du Muséum d’Histoire naturelle, constituent une coopération triangulaire efficace.
We are like marins, nous autres (pastel Carré Conté)
©Delphine Ciolek

MARC GHIGLIA, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE L’UNION DES ARMATEURS À LA PÊCHE DE FRANCE (UAPF), PERSONNALITÉ QUALIFIÉE DU MONDE MARITIME :

La Fondation d’entreprises des mers australes est un bon vecteur pour faire la promotion des activités maritimes dans les Terres australes et sur l’île de La Réunion, pour tisser des liens entre le monde de la recherche et de l’entreprise. Les scientifiques sont toujours à la recherche de financements, la Fondation est un levier nécessaire et inhabituel parmi les initiatives prises par le monde de la pêche, pour faire émerger des projets innovants, pour l’acquisition sans arrière-pensée d’un savoir objectif.

Illustrations de Delphine Ciolek, ancienne secrétaire générale de la Fondation des mers australes. | + d’info ici : https://rougemezzanine.net/

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