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Mayotte

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UNE AVENTURE HUMAINE EXCEPTIONNELLE EN PLEIN OCÉAN

À la veille d’embarquer sur le Marion Dufresne II pour la deuxième rotation de l’année, Franck Lustenberger, directeur de l’environnement des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), nous fait part de son ressenti.

Les TAAF comptent cinq districts : l’archipel Crozet, l’archipel Kerguelen, les îles Saint-Paul et Amsterdam – ces trois districts formant les Terres australes ou districts austraux –, la terre Adélie et les îles Éparses.

INTERVIEW

FRANCK LUSTENBERGER, DIRECTEUR DE L’ENVIRONNEMENT DES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (TAAF)

Franck Lustenberger
© Franck Lustenberger

• Quel est le déroulé type d’une rotation ?

Quatre rotations d’un mois sont organisées au cours de l’année dans les districts austraux. Elles nous permettent de nous rendre sur l’île Tromelin, aujourd’hui accessible uniquement par bateau, puis de descendre plein sud sur l’archipel Crozet, les îles Kerguelen, les îles Saint-Paul et Amsterdam, avant de rentrer à La Réunion.
Pour cette deuxième rotation de l’année, en plein hiver austral, la mer s’annonce potentiellement assez mauvaise. Cette rotation est importante car elle correspond au renouvellement d’une partie des équipes sur les bases : les chefs de districts, représentants de la préfète, Madame Florence Jeanblanc-Risler, administratrice supérieure des Terres australes et antarctiques françaises, chargés de piloter au quotidien les bases australes et antarctiques ; les militaires et agents contractuels qui pendant une année vont s’occuper de la gestion technique des différentes bases ; les agents de la Direction de l’environnement, aux profils variés, qui interviennent dans la mise en œuvre des actions associées à la gestion de la réserve naturelle.
Le Marion Dufresne II au départ de Tromelin. © Franck Lustenberger| 1 Les TAAF comptent cinq districts : l’archipel Crozet, l’archipel Kerguelen, les îles Saint-Paul et Amsterdam – ces trois districts formant les Terres australes ou districts austraux –, la terre Adélie et les îles Éparses.
© Franck Lustenberger
Sur les districts, on trouve une pluralité de métiers, des scientifiques, cuisiniers, menuisiers… tous indispensables au bon fonctionnement des bases. Enfin, il y a les interdistricts – ce qui est mon cas – qui sont de passage pour installer les nouvelles équipes, pour vérifier que les protocoles sont bien adaptés. Ces rotations nous permettent de rester connectés à la réalité des territoires.

• Qu’est-ce qui vous a marqué ?

Nous passons la moitié du temps à terre et l’autre partie en mer. Sur un bateau, le temps s’écoule lentement. Nous en profitons pour travailler mais aussi pour échanger avec les passagers. C’est l’occasion de faire des rencontres humaines exceptionnelles. C’est une des belles surprises de ces rotations !
Le fou à pieds rouges (ci-dessus) fait partie des nombreuses espèces d’oiseaux marins qui nidifient à Tromelin.
© Franck Lustenberger

• Les principales menaces observées ?

Ces territoires ont tous pour point commun une biodiversité riche et relativement bien préservée mais aussi très vulnérable. À souligner deux pressions majeures. D’une part, les effets du changement climatique. De nombreuses espèces voient leur habitat naturel se transformer rapidement. Dans les îles Éparses, on constate un blanchiment important des écosystèmes coralliens. Tous les milieux glaciaires sont en recul avec par exemple des records de diminution de la banquise, ce qui perturbe les écosystèmes polaires.
D’autre part, l’impact des espèces exotiques envahissantes telles que les rats, les chats sauvages, les souris, les rennes aux Kerguelen, les chèvres à Europa, mais aussi les végétaux comme les pissenlits ou encore les pathogènes tels que le choléra ou la grippe aviaire mettent en péril la biodiversité et nécessitent des actions spécifiques en matière de biosécurité.
Manchots Adélie près de la base Dumont d’Urville en Antarctique.
© Franck Lustenberger

• Quelles sont les mesures mises en place ?

Nous avons plusieurs modes d’actions et outils de politique publique. Avec 1,6 million de km2, la Réserve naturelle nationale des Terres australes françaises est la plus grande aire marine protégée française et la deuxième plus grande au monde. Dans l’archipel des Glorieuses appartenant aux îles Éparses, nous œuvrons pour que l’ensemble de l’archipel soit classé en réserve naturelle nationale.
Par ailleurs, nous menons des actions très opérationnelles sur le terrain. Au-delà des actions de connaissance des écosystèmes, un projet tel que RECI (Restauration des écosystèmes insulaires de l’océan Indien) financé par l’Union européenne avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD), permet de conduire des opérations pour mieux suivre le patrimoine naturel, mettre en place de mesures de biosécurité et lutter contre l’impact des espèces exotiques envahissantes dans les îles Éparses et australes. En août, sur l’île Tromelin, une équipe a ainsi eu pour mission d’éradiquer les souris, une autre action est prévue en 2024 pour Amsterdam visant spécifiquement les rats et les souris. Il est important de souligner que de telles opérations ont déjà eu lieu en 1997 sur l’île Saint-Paul. Aujourd’hui, on en constate les effets bénéfiques avec le retour en abondance de certains oiseaux et d’espèces qui avaient disparu.
Par ailleurs, en Antarctique, dans le cadre du protocole de Madrid, avec l’Institut polaire français PaulÉmile Victor, nous souhaitons renforcer la prise en compte de l’environnement avec les bases présentes.
Baie américaine à Crozet.
© Franck Lustenberger

• Un projet de recherche à nous citer ?

Il y en a plusieurs. Par exemple, dans le cadre d’un projet mené par le CNRS avec l’appui de l’Institut polaire français Paul-Émile Victor, intitulé « Circulation d’agents infectieux en subantarctique dans les populations de vertébrés coloniaux : surveillance, compréhension des processus et implications pour la gestion » (projet nommé ECOPATH), des travaux sont menés sur la problématique du choléra aviaire qui affecte l’albatros à bec jaune à Amsterdam. Le but étant notamment de mieux comprendre la diffusion de pathogènes et d’étudier un vaccin pour protéger cet oiseau classé « en danger » à l’échelle mondiale sur la Liste rouge de l’UICN en raison du déclin rapide de sa population. Les enjeux sont importants, d’autant plus que l’île d’Amsterdam abrite plus de 65 % de la population d’albatros à bec jaune de l’océan Indien.

• Les urgences ?

Notre urgence est l’action à mener pour lutter contre les espèces exotiques envahissantes (EEE), animales et végétales. Les exemples du passé nous montrent que ça marche, c’est motivant !

• Et enfin, un coup de cœur ?

Mon dernier séjour en Antarctique ! Une expérience humaine, professionnelle, personnelle très forte. Ce temps long de la traversée des océans, l’été austral, le jour permanent, l’arrivée des premiers icebergs, tous ces animaux qui vivent en équilibre… c’est autant de beauté qui vous touche. C’est aussi se dire qu’il y a encore des espaces préservés sur Terre, que tout n’est pas perdu, mais qu’il est urgent d’en prendre soin !

Rédaction et interview : Sandrine Chopot

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