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Guyane

BIO STRATÈGE OUVRE LA VOIE AUX JEUNES CRÉATEURS D’ENTREPRISES TECHNOLOGIQUES EN GUYANE

Dans le cadre de la cérémonie «Talents de l’Outre-mer » en 2019, Mariana Royer s’était vu remettre la distinction « Talent confirmé » dans la catégorie « Entrepreneuriat ». Rencontre avec une jeune femme inspirante, aujourd’hui à la tête de Bio Stratège Guyane, premier laboratoire industriel d’innovation végétale du territoire.

Docteure en chimie des substances naturelles, Mariana Royer a suivi un parcours en génie chimique et chimie des procédés qui l’a menée à créer une première entreprise au Québec, dédiée à la valorisation des connexes de bois, dans le cadre de la conception de principes actifs pour la cosmétique. En 2018, après le rachat de la technologie développée, elle décide d’investir sur son territoire d’origine, en Guyane, dans la mise en place d’un laboratoire valorisant le végétal guyanais. Bio Stratège Guyane est née.

Bio Stratège extrait les principes actifs d’espèces de la flore guyanaise pour concevoir des produits d’une grande technicité, à la fois dans les domaines de la cosmétique, du biocontrôle et de la nutrition.
© Bio Stratège

PREMIER LABORATOIRE INDUSTRIEL D’ÉCO-EXTRACTION EN GUYANE

L’industrie mondiale prend un virage vert et doit lutter contre les changements climatiques par la mise en œuvre de pratiques plus responsables et durables. Certains composés présents dans les produits finis destinés aux consommateurs sont réprimés par les réglementations en vigueur sur le marché cible, du fait de leur impact nocif sur l’homme ou l’environnement, c’est le cas de composés pétrochimiques ou synthétiques. Bio Stratège développe des solutions alternatives à base d’actifs végétaux issus des plantes de Guyane, dotés de fonctionnalités recherchées dans les domaines de la cosmétique, de la nutrition et du biocontrôle, qui désigne les méthodes de protection des végétaux utilisant des mécanismes naturels.

La start-up guyanaise fondée par Mariana Royer développe notamment des produits cosmétiques de luxe.
© Bio Stratège

Ces plantes sont sélectionnées par l’entreprise qui s’appuie sur la littérature scientifique et l’intérêt du marché pour les molécules qu’elles contiennent. Bio Stratège consulte également les botanistes et agriculteurs partenaires pour s’assurer de la disponibilité de la ressource et de la rentabilité de l’exploitation de l’espèce donnée. Pour la cosmétique, l’awara, fruit de palmier emblématique de la forêt amazonienne, est par exemple utilisé ou encore le couachi (Quassia amara), la mélisse de calme (Lippia alba) et la citronnelle (Cymbopogon citratus), plantes médicinales enregistrées à la pharmacopée française.

Un sérum pour le visage conçu à partir du fruit du palmier awara.
© Bio Stratège

L’entreprise travaille principalement à développer des ingrédients naturels pour différents marchés d’application à partir des bioressources du territoire. Pour démarrer la filière végétale, consolider les approvisionnements et établir un réseau de producteurs, elle a conçu et mis à l’échelle préindustrielle la fabrication de divers produits issus d’une première ou seconde transformation dédiés au consommateur, tels que des poudres ou broyats de plantes standardisées, des poudres de superaliments ou des formules de soins de la peau à base d’huiles végétales de palmier.

Ses recherches appliquées se concentrent sur la composition phytochimique des plantes et la création de dossiers de preuves de concept et réglementaires. Le laboratoire propose des services analytiques et de développement sur mesure, faisant ainsi le pont entre la ressource locale et les marchés.

INTERVIEW

MARIANA ROYER, CRÉATRICE ET PRÉSIDENTE DU LABORATOIRE BIO STRATÈGE GUYANE

Mariane Royer
© Bio Stratège

• Fin 2022, Bio Stratège a reçu le prix Projet d’avenir ainsi que le prix Business France au concours Innovation Outre-mer. Que signifient ces prix pour vous ?

Ces deux prix sont pour Bio Stratège un signe de reconnaissance d’une communauté qui valorise les start-ups d’outre-mer, leurs avancées et leur impact, mais aussi une reconnaissance de nos technologies et de nos innovations par l’écosystème d’investisseurs français, des chefs d’entreprise et des instances publiques en soutien à l’industrie, l’innovation et l’économie nationale.
Cet événement nous a par ailleurs permis d’échanger avec des investisseurs, alors même que nous nous préparons à lancer de nouvelles levées de fond, d’une part pour passer à la phase de mise en application dans le cadre de notre projet Ecophyto ; et d’autre part, pour soutenir le développement de notre plateforme AmazonActiv Valley, destinée à devenir un fleuron de la bioactivation française.
La gamme de produits Dah Yana Beauty est issue d’huiles d’awara et de wassaï, du fait de leurs propriétés pour le soin de la peau.
© Bio Stratège

• Vous souhaitez contribuer au développement d’une filière guyanaise de la bioextraction. Participer au développement économique local est-il une de vos priorités ?

Nous avons en effet pensé AmazonActiv Valley comme un projet de territoire, voué à développer et stimuler l’activité de tous les acteurs de la filière des produits naturels ainsi que l’export. Nous accompagnons par exemple les entrepreneurs à l’origine de concepts connexes à celui de Bio Stratège, de la formulation au développement du produit et à la commercialisation de leur offre. Nous répondons ainsi à la demande de marques locales souhaitant travailler avec des ingrédients locaux standardisés, stables et sûrs, leur permettant de développer une offre solide. Nous avons à cœur d’inspirer la jeunesse et de susciter l’envie de s’impliquer dans le développement technologique et environnemental.
Notre équipe est actuellement composée à 90 % de collaborateurs scientifiques, techniques et commerciaux embauchés localement. Bio Stratège reçoit ainsi des stagiaires, d’Hexagone, des Antilles et Guyane, afin de leur ouvrir le champ des possibles sur ce qu’il est possible de réaliser sur leur territoire, avec différents types de compétences et de diplômes.
Palmier wassaï, dont Bio Stratège extrait des molécules colorantes et antioxydantes.
© Bio Stratège

• Quelles sont vos perspectives actuelles ?

Nous souhaitons poursuivre le développement de nos portefeuilles d’ingrédients et services d’expertise dans le domaine du naturel et positionner nos produits sur davantage de marchés par la création de nouveaux partenariats. Nous envisageons notamment la mise en place de jumelages avec la Martinique et la Guadeloupe afin de diversifier nos sources d’approvisionnement made in France. Nous nous sommes récemment rendus à La Réunion pour étudier le secteur industriel agricole et celui de l’agrotransformation, nouer des contacts et réaliser du partage d’expérience. Cela est prévu à court terme en Guadeloupe et en Martinique.

Rédaction et interview : Axelle Dorville

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