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Polynésie française
AFFINER LES SURFACES AQUATIQUES DE POLYNÉSIE FRANÇAISE ET, PLUS LARGEMENT, DES OUTRE-MER FRANÇAIS
René Galzin, ancien directeur du CRIOBE, auteur de plus de 300 publications scientifiques, travaille sur la notion de surface des habitats aquatiques polynésiens. Ses calculs, qu’il a poussés à l’échelle ultramarine, permettent de constituer les limites territoriales de la biodiversité terrestre et marine. Ils aident par exemple à mieux définir et étudier les habitats des poissons.
INTERVIEW
RENÉ GALZIN, DIRECTEUR D’ÉTUDES ÉMÉRITE, ANCIEN DIRECTEUR DU CRIOBE, SPÉCIALISTE DES MILIEUX CORALLIENS ET LAGONAIRES, ANCIEN VICE-PRÉSIDENT DE L’INTERNATIONAL SOCIETY FOR REEF STUDIES
• Pouvez-vous nous expliquer en quoi les données disponibles sur les espaces aquatiques de Polynésie étaient-elles insuffisantes dans le cadre de vos recherches ?
- La ligne directrice de mes 40 années de recherche à l’École pratique des hautes études (EPHE) et au Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (CRIOBE) a été : Décrire, Comprendre, Expliquer pour mieux Gérer. Je fais partie des anciens dinosaures qui, avant de se poser des questions très pertinentes permettant les accès à des publications dans des revues prestigieuses, s’évertuent à décrire l’écosystème sur lequel ils travaillent.
En écologie, pour parler de niches écologiques, d’espèces invasives, d’habitats essentiels, etc., il faut délimiter l’espace sur lequel le scientifique va se poser ses questions. La Polynésie française qui occupe une Zone économique exclusive (ZEE) de 4 541 204 km2 avec 124 îles (41 îles hautes, 83 atolls), dont 76 îles habitées, méritait un toilettage de ses surfaces. Dans son calcul des surfaces, la Convention de Ramsar (1971) classe les lagons dont la profondeur n’excède pas sept mètres en « zones humides ». Or personne, en Polynésie et ailleurs dans le monde, n’est aujourd’hui capable de séparer les superficies des lagons inférieurs à sept mètres de profondeur, des autres.
• Quelle méthode avez-vous employée afin de déterminer ces données spatiales ?
- J’ai utilisé, pour le calcul des surfaces, la classification retenue par le Shom, à savoir la suivante :
- terres émergées : toute surface du domaine public et privé à l’exception des rivières, lacs et estuaires ;
- eaux intérieures : étendues d’eau en deçà des lignes de base. Pour les îles sans barrière de corail, la ligne de base est constituée par les laisses de basse mer, pour les îles avec barrière de corail, elle est constituée par les laisses de basse mer sur la crête récifale ;
- mer territoriale : s’étend des lignes de base jusqu’à une distance maximale de 12 milles marins (22 km) ;
- plateau continental : s’étend soit jusqu’au rebord externe de la marge continentale soit jusqu’à 200 milles marins (370 km) des lignes de base ;
- ZEE : adjacente à la mer territoriale, elle s’étend jusqu’à 200 milles marins (370 km) ;
- superficie totale de l’espace aquatique : somme des eaux intérieures, mer territoriale et ZEE.
En introduisant la notion de ligne de base, nous ne sommes plus dans l’obligation de séparer les surfaces des lagons profonds de plus ou moins de sept mètres.
• Votre tableau des superficies diffère-t-il beaucoup des données jusque-là disponibles ?
- Oui, et c’est le pourquoi de cette mise au point. De nombreux chiffres contradictoires apparaissent dans la littérature, en raison essentiellement de la séparation entre eaux douces et saumâtres ; eaux intérieures comprenant ou pas les lacs et rivières ; lagons dont la profondeur excède ou non sept mètres... Les surfaces qui diffèrent le plus des données issues des zones humides Ramsar sont les eaux intérieures, dont tous les lagons des îles coralliennes.
Dans ce tableau, la Polynésie apparaît comme la plus grande mer territoriale et la plus grande ZEE de la France. Avec les lagons, elle arrive deuxième après la Nouvelle-Calédonie avec les plus grandes superficies d’eaux intérieures. Mais elle ne figure qu’en quatrième position pour la superficie de ses terres émergées et ne possède pas de plateau continental comme SaintPierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna et la terre Adélie.
• Que permettront ces résultats pour protéger la biodiversité des poissons du fenua ?
- Pour gérer quelque chose, faut-il encore le connaître. Les 1 301 espèces de poissons recensées en Polynésie le sont maintenant dans un espace bien délimité. Pour travailler sur la biodiversité des poissons dont l’un des paramètres est la richesse spécifique, il faut connaître les superficies qu’ils occupent afin d’arriver à des notions de densité (espèce/km2).
Propos recueillis par : Stéphanie Castre
Lien vers le tableau : https://drive.google.com/file/d/1IWwrNR2cdOhZ8pHU_O675C4YGDIlFPEA/view?usp=drive_link
Selon les recherches de René Galzin, Philippe Bacchet et Gilles Siu. René Galzin et Gilles Siu : PSL Research University, EPHE-UPVD-CNRS, UAR 3278 CRIOBE, Laboratoire d’Excellence Corail, BP 1013, 98729 Papetoai, Moorea, galzin@univ-perp.fr. Philippe Bacchet : 2 BP 2720, 98713 Papeete,