8 minute read

Office français de la biodiversité (OFB)

L’OFB EN POLYNÉSIE FRANÇAISE : UN RÔLE DÉTERMINANT DANS LA CANDIDATURE DES MARQUISES À L’UNESCO

Depuis 1996, les îles Marquises sont engagées dans une démarche d’inscription sur la liste du Patrimoine mondial. La délégation territoriale Polynésie française de l’OFB accompagne le Pays et les collectivités polynésiennes pour la reconnaissance du patrimoine naturel et culturel unique du bien « Te Henua Enata », la Terre des Hommes, en coordonnant l’élaboration du plan de gestion. Un travail mené en étroite collaboration avec les Marquisiens.

Photo ci-dessus : vue plongeante sur la baie de Hanavave (ou « baie des Vierges ») sur l’île de Fatu Hiva. © Tevai Maiau / Te Henua Ènata - Les îles Marquises 

Au cœur du Pacifique, l’archipel des Marquises révèle un écrin précieux de biodiversité et un héritage culturel unique. Un patrimoine « mixte » dont la Valeur universelle exceptionnelle (VUE) pourrait bientôt être reconnue par l’UNESCO. Après un long processus de construction et d’auditions, la candidature « Te Henua Enata - Les îles Marquises » a été officiellement déposée le 24 janvier 2023.

La décision finale sera prise en juin 2024 à l’occasion du 47ème comité du Patrimoine mondial. Le calendrier est jalonné d’étapes encore cruciales, dont la plus récente a été la visite des experts de l’ICOMOS et de l’UICN en octobre pour une analyse in situ du bien. Après des évaluations approfondies par un panel d’experts en novembre-décembre, les autorités françaises auront jusqu’à fin février 2024 pour répondre aux dernières interrogations et recommandations des organisations consultatives.

Dans la perspective de cette inscription à l’UNESCO, le cadre de la future gouvernance du bien est d’ores et déjà posé et le volet opérationnel est, lui, engagé de manière anticipé.

Atelier participatif organisé sur l’île marquisienne de Tahuata. 
© Tevai Maiau / Te Henua Ènata - Les îles Marquises
UN PLAN DE GESTION COCONSTRUIT AVEC LES MARQUISIENS

Coordonné par la délégation OFB de Polynésie française, un plan de gestion participatif a été rédigé en cohérence avec les enjeux locaux de conservation. Il repose sur quatre axes qui répondent aux principaux défis à relever pour préserver l’intégrité du bien.

Tout d’abord, un premier axe cadre les objectifs de conservation du patrimoine naturel et culturel de l’archipel qui, bien que relativement préservé, doit considérer l’impact des activités humaines et du changement climatique.

Dans un deuxième axe, le document s’attache aux questions de développement d’une politique touristique et d’aménagement harmonieuse et durable. Le tourisme en plein essor ouvre en effet des perspectives économiques pour les Marquises mais exige aussi une forte conciliation avec la préservation des richesses naturelles, culturelles matérielles et immatérielles.

Le troisième axe vise à fédérer l’ensemble des acteurs autour de la gestion de ce bien commun.

La gouvernance participative, décentralisée et évolutive est un pilier essentiel du plan de gestion et constitue le quatrième axe transversal.

La construction du document s’est appuyée sur une concertation approfondie avec toutes les parties prenantes au travers d’une série d’ateliers. Une démarche à laquelle Mathieu Grellier, chargé de mission à l’OFB (voir interview), a entièrement pris part.

La magnifique et luxuriante vallée de Hakaui à Nuku Hiva. 
© Direction de la culture et du patrimoine (DCP)
LES PREMIÈRES ACTIONS OPÉRATIONNELLES FINANCÉES PAR LE FONDS VERT

Avant même l’obtention du label UNESCO, une première pierre à la mise en œuvre d’actions concrètes est posée ! Un projet opérationnel se lance grâce à un financement Fonds Vert à hauteur de plus de 2 millions d’euros – soit 79 % du projet – complété par la participation des collectivités polynésiennes, le Pays et la CODIM, qui cofinancent les 21 % restants.

Ces actions comprennent notamment la mise en place de Zones de pêche réglementée (ZPR) sur les îles habitées des Marquises, la création de mouillages écologiques, un programme de recherche sur la ressource langouste, des opérations de gestion des espèces exotiques envahissantes et de régulation de la pression des divagants, ainsi qu’un programme de restauration et d’entretien des sites archéologiques.

Avec cette subvention, l’État, par le biais du Haut-Commissariat, affiche sa volonté de ne pas attendre l’inscription de l’archipel à l’UNESCO pour renforcer la protection de la biodiversité et de la culture de la Terre des Hommes.

Réunion des Hakaiki, les maires marquisiens. 
 © Tevai Maiau / Te Henua Enata - Les îles Marquises

INTERVIEW

MATHIEU GRELLIER, CHARGÉ DE MISSION MILIEU MARIN ET UNESCO MARQUISES / OFB
Marie Curieux, consultante culture née aux Marquises et Mathieu Grellier, lors de l’animation d’un atelier participatif. 
© Tevai Maiau / Te Henua Enata - Les îles Marquises
• En 2022, vous avez participé à une mission de terrain de trois semaines aux Marquises pour impliquer les populations locales dans le projet d’inscription au Patrimoine mondial. Au tout début de vos échanges avec les Marquisiens, comment le projet était-il accueilli et perçu ?

- Il faut rappeler que la reconnaissance des Marquises au Patrimoine mondial est un projet de longue haleine qui a débuté en 1996 et qui a connu des périodes d’accélération et d’accalmies. Les Marquisiens entendent ainsi parler de l’UNESCO depuis de nombreuses années sans jamais en voir l’aboutissement.

Par ailleurs, aux Marquises la grande majorité des terres est privée et la question du foncier est donc capitale. Auparavant, les Marquisiens associaient ainsi l’UNESCO à un Autre venu d’ailleurs pour saisir leur terre et les empêcher d’en jouir comme bon leur semble. Les craintes étaient également nombreuses concernant les contraintes et interdictions liées à ce classement ainsi que sur le risque d’une surfréquentation touristique.

Tikis du Me’ae I’ipona sur l’île de Hiva Oa. 
© Direction de la culture et du patrimoine
• Aujourd’hui, la population marquisienne estelle enthousiaste à l’idée d’une reconnaissance internationale de la valeur de ses patrimoines ?

Les ateliers participatifs que nous avons conduits en 2022 ont permis d’apaiser les craintes et c’est ainsi que de nombreux Marquisiens ont fait preuve d’une réelle volonté de collaborer avec les membres de l’équipe dans le but de transmettre aux générations futures toutes les richesses de leurs îles. Les populations locales ont activement participé aux échanges en énumérant, pour chacune des thématiques abordées – ressources marines, déchets, espèces exotiques envahissantes… – une liste d’actions à mener.

Le travail d’information et de sensibilisation est par ailleurs porté par des « ambassadeurs UNESCO ». Issus de la société civile, ces représentants sont les véritables porte-voix du projet d’inscription et permettent à tous les Marquisiens d’obtenir des réponses à leurs questions quotidiennes sur le projet.

Les Marquisiens sont ainsi davantage rassurés et ont bien saisi que l’UNESCO est le garant du maintien de l’intégrité du patrimoine naturel et culturel. Il n’est ainsi pas question d’interdire pour interdire, mais bien d’adapter les pratiques et comportements aux besoins de protection et de mise en valeur du bien.

En raison de leur extrême isolement géographique, les Marquises hébergent notamment une biodiversité terrestre parmi les plus originales de Polynésie française, mais aussi des îles du Pacifique. Ci-dessus Nuku Hiva, au relief très marqué est, avec ses 387 km2, la plus grande île des Marquises et la deuxième de toute la Polynésie française après Tahiti (distante de 1 400 kilomètres). 
© Mathieu Grellier
• Dans quelle mesure les Marquisiens sont-ils aujourd’hui directement impliqués dans la mise en œuvre du plan de gestion ?

- Les Marquisiens ont été et sont impliqués à plusieurs niveaux. Ils ont tout d’abord été étroitement associés à la construction du plan de gestion lors d’ateliers participatifs dans la quasi-totalité des vallées habitées des Marquises. Les actions identifiées dans le plan de gestion du bien Te Henua Enata sont ainsi issues de ces ateliers.

À ce plan de gestion est associée une gouvernance qui se veut la plus inclusive possible, impliquant directement les Marquisiens. Ainsi, localement, la gouvernance sera assurée par un comité de gestion à l’échelle de l’archipel. Pour organiser l’ensemble des décisions prises lors des réunions du comité de gestion, il est prévu la création d’une cellule de coordination et d’animation au sein de la CODIM dont le rôle est de mettre en œuvre le plan de gestion en relation étroite avec les associations Patrimoine mondial sur chaque île. Ces associations, véritable ancrage local, contribueront directement à la bonne gestion du bien et mettront en pratique des actions structurantes de sensibilisation. Elles sont également représentées dans le comité de gestion.

Récemment, avec l’obtention du Fonds Vert, les premières actions du plan de gestion vont être réalisées dès cette fin d’année 2023 et impliquer directement les Marquisiens au travers de nombreuses concertations.

Rédaction et interview : Romy Loublier

This article is from: