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Martinique
L’AGROFERME TROPICALE QUI SECOUE LE COCOTIER !
Nichée au Morne-Rouge, l’agroferme familiale « Petit Cocotier » défend une agriculture sans intrants chimiques et abrite notamment la reine des épices de la Martinique : la Vanille Volcanik. Le point avec André-Judes Cadasse, figure locale de l’alimentation durable.

INTERVIEW
ANDRÉ-JUDES CADASSE, COCRÉATEUR DE L’AGROFERME « PETIT COCOTIER »

• Comment en êtes-vous venu à créer l’agroferme tropicale Petit Cocotier ?
- Je suis né sur les flancs de la montagne Pelée. Petit Cocotier est le fruit de quatre générations d’agriculteurs. Avec mon frère Sébastien, nous avons repris le
flambeau. Nous souhaitons redonner ses lettres de noblesse au métier de paysan, développer l’agroécologie tropicale sans pesticides pour préserver notre écosystème naturel et contribuer à la souveraineté alimentaire de la Martinique. Au-delà de cet engagement, notre objectif est de créer du lien sur toute la chaîne de valeur, du paysan jusqu’au plus grand chef cuisinier. En sept ans, Petit Cocotier a réuni une fédération de plus de 20 paysans et paysannes autour d’un manifeste coconstruit et qui servira de base à la création du premier label biotropical au monde !


• Quelques mots sur votre philosophie « De la fourche à la fourchette » ?
- Notre philosophie implique que chacun peut agir à son niveau et être un “super héros” : chaque coup de fourchette soutient un coup de fourche. En fait, manger est un acte militant et même politique. À chaque repas, matin, midi et soir, on peut se dire « je vais soutenir mon maraîcher, mon boulanger, mon poissonnier... ». Ainsi, le consommateur a la capacité de faire changer les marchés et évoluer les mentalités au profit d’une agriculture paysanne, saine, humaine, qui remet de la logique, du sens et du lien, loin des marchés financiers déconnectés du réel qui régissent aujourd’hui l’agriculture intensive et industrielle. Le symbole de la Martinique est le colibri, nous sommes tous des colibris « péyi » et avons le pouvoir de changer le monde avec nos fourchettes !

Depuis 2015, bientôt 10 ans, nous avons développé notre réseau de vente en circuit court et proposons aujourd’hui 30 points relais répartis sur toute l’île. Désormais, c’est vers le terroir, les épices, les projets UNESCO, les tables et les chefs que nous concentrons nos efforts. Nous sommes engagés dans une bataille du goût avec l’objectif de convaincre 10 % de la population. Car une fois ce seuil atteint, la bascule vers les 90 % restants est historiquement prouvée.

Nos « supers héros » sont aussi bien sûr les cheffes et chefs cuisiniers d’ici et d’ailleurs qui valorisent dans leurs restaurants notre patrimoine local et subliment notre Terroir, pour changer Demain.

Passionné par son métier, André-Judes Cadasse « n’exploite pas la nature, mais compose avec »
• Sur les 22 hectares de votre ferme, six sont entièrement dédiés à l’agroforesterie ?
- Oui, avec un sous-bois protégé par l’ONF. Nous avons toujours fait de l’agroécologie basée sur les principes du jardin créole. Le jardin créole est la forme la plus évoluée de l’agroécologie, car il est l’héritage de quatre continents. Nous reprenons des méthodes de culture africaines, européennes, indiennes, asiatiques, amérindiennes. Nous faisons de la polyculture vivrière, maraîchère, fruitière et cultivons des épices de grande qualité, dont la Vanille Volcanik, explosive en saveurs.

Chez les Aztèques et les Mayas, la vanille était sacrée, perçue comme une passerelle entre le monde matériel et les mystères spirituels. La « fleur noire » est belle et rebelle. Elle s’ouvre ou pas, c’est elle qui décide. Quand elle est ouverte, nous n’avons que quatre heures pour faire la pollinisation à la main. Neuf mois plus tard, on peut récolter les gousses, mais il faudra attendre deux ans pour avoir de la vanille. Cette vanille volcanique a la particularité de s’imprégner des essences du terroir. On y reconnaît des notes d’ananas, de café, de maracuja, de cacao.
Au-delà de ses qualités gustatives exceptionnelles, c’est aussi une « vanille voyage » qui se retrouve sur les tables des plus grands chefs cuisiniers d’ici et du monde entier. C’est une locomotive pour notre patrimoine et notre terroir !
Rédaction et interview : Sandrine Chopot
