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Île de La Réunion

UN PLAN NATIONAL D’ACTIONS POUR SAUVER LE PAPANGUE

Seul rapace nicheur de l’île, le papangue alias busard de Maillard est un oiseau endémique cher au cœur des Réunionnais. Le Plan national d’actions Papangue de la SEOR 2022-2031 vise à le sauver du « danger d’extinction » dans lequel il est catégorisé depuis l’an 2000.

UN OISEAU EMBLÉMATIQUE, PARTIE INTÉGRANTE DE LA CULTURE POPULAIRE RÉUNIONNAISE

«Nous pouvons remonter à la légende d’Anchaing et Heva », introduit Steve Augiron, responsable du Plan national d’actions (PNA) Papangue à la SEOR, la Société d’études ornithologiques de La Réunion. « Deux esclaves se seraient transformés en papangues pour échapper à leurs persécuteurs. Les Réunionnais cohabitent avec le papangue depuis des siècles, il y a vraiment une relation particulière avec ce rapace sur l’île ». En effet, les papangues (Circus maillardi) nichent de 200 à plus de 1 200 mètres d’altitude et il n’est donc pas rare de les voir régulièrement survoler les habitations quand on s’éloigne de la côte.

Le papangue est classé en danger d’extinction sur la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN. La SEOR prend en charge les oiseaux blessés dans son centre de soins avant de les relâcher.
© Éric Gentelet
PRÈS DE LA MOITIÉ DE SA POPULATION AURAIT DISPARU EN MOINS DE 25 ANS

Une phase de comptage du rapace a lieu cette année sur toute l’île, un indicateur qui permet de comprendre l’évolution de la tendance de la population et sera ainsi à comparer aux dernières estimations de 2019. Le déclin semble s’atténuer sur la période 2010-2020, mais reste très inquiétant pour l’espèce. « Depuis 2000, on constate en effet une diminution de 46% du nombre de couples de papangues et on estime qu’il y a aujourd’hui autour de 200 couples reproducteurs et de 500 à 800 individus sur toute l’île », ajoute Steve Augiron. En termes de répartition géographique du papangue, on voit que certains noyaux de populations tendent à s’isoler de plus en plus. La dispersion des jeunes étant à très faible distance, cela peut ainsi contribuer à une baisse du brassage génétique et favoriser l’apparition d’un vortex d’extinction. Dans l’est de l’île, où le déclin est le plus prégnant, on note aussi une plus forte consanguinité et par conséquent, une baisse du succès de reproduction très problématique.

Les ornithologues ont également constaté de fortes variations dans le rythme de reproduction de l’espèce et, parallèlement, une chute de la viabilité des pontes, avec environ un œuf sur deux qui n’éclot plus.

Une information qui fait froid dans le dos. Alors que le papangue est une espèce qui se reproduit en moyenne une fois dans l’année – la période de reproduction s’étale sur neuf mois et le délai de la ponte à l’envol des jeunes dure trois mois – certains individus suivis ne se sont pas reproduits une fois en trois ans. « Si l’œuf est fertilisé mais qu’il n’y a pas de développement embryonnaire, une des hypothèses sur laquelle nous commençons à travailler est une exposition aux produits toxiques », nous révèle Steve Augiron.

Nid avec un poussin de busard de Maillard et deux œufs non éclos.
© SEOR
LES OBJECTIFS DU PLAN NATIONAL D’ACTIONS

Les actions préconisées dans ce document d’orientation devront permettre de mieux prendre en compte le papangue dans les politiques publiques, d’améliorer la gestion de ses habitats et de réduire les menaces qu’il subit.

Le papangue a une envergure d’1,25 à 1,40 mètre. Si le mâle adulte arbore un plumage noir, gris et blanc, la femelle (ci-dessus) est brune mouchetée de blanc crème.
© SEOR
UN DÉCLIN RÉCENT CAUSÉ EN PREMIER LIEU PAR UN EMPOISONNEMENT SECONDAIRE AUX RATICIDES

Carnivore, le papangue chasse des micromammifères – souris, rats, musaraignes, parfois des tangues – de petits oiseaux et reptiles comme les agames, geckos et caméléons, ou encore des grenouilles et crapauds.

Avec résilience, ce rapace originairement forestier s’est adapté à l’activité humaine et a vu ses zones d’habitats se réduire au profit d’espaces urbanisés et cultivés. Il a aujourd’hui comme principale ressource les rongeurs qui sont chassés essentiellement dans les nombreuses cultures de canne et plantations fruitières. Les rats étant vecteurs de transmission à l’Homme d’agents infectieux responsables de diverses zoonoses, dont la leptospirose, une lutte basée sur l’utilisation de molécules rodenticides est pratiquée en milieu agricole et à proximité des zones d’habitations. Le papangue se trouve alors contraint de se nourrir de rats exposés aux blocs de rodenticides disséminés dans les cultures et plantations. Des produits chimiques fatals pour lui et paradoxalement de moins en moins dangereux pour les rongeurs auxquels ils sont destinés : « on a constaté une résistance génétique chez les souris proches des bâtiments vis-à-vis de certains de ces produits. Le papangue s’alimente donc de nourriture vivante mais toxique, car cumulant des concentrations très fortes ». Unique oiseau de proie de l’île, le papangue est pourtant un rempart précieux contre la prolifération des rats et dératise sans poison.

Bloc raticide consommé par un rongeur et susceptible d’empoisonner ensuite un papangue.
© SEOR
Papangue mâle.
© Yabalex

Par ailleurs, la monoculture de la canne a favorisé la disparition des habitats favorables à la reproduction du papangue, qui est l’un des busards les plus menacés au monde. « Avant le défrichement lié majoritairement à la culture de la canne et avant que les terres ne soient autant artificialisées, la connectivité entre les noyaux de populations de papangues était plus forte et l’environnement moins propice à la pullulation des rongeurs », continue Steve Augiron. Les densités de papangues déclinent, s’isolent et sont davantage fragilisées.

Un oiseau majestueux.
© Xavier Fontaine

Des mesures agroenvironnementales sont accessibles pour améliorer la durabilité des pratiques et favoriser un meilleur maillage paysager. « On souhaite promouvoir les outils qui s’inscrivent dans une démarche de transition, que ce soit pour favoriser le bio et la réduction des produits phytosanitaires, ou pour tendre à diversifier les types de production et développer l’agroforesterie. Cela est encouragé par les MAEC2 qui indemnisent les agricultures en compensation d’une potentielle perte de productivité », conclut le responsable du PNA Papangue.

Rédaction : Pierre-Yves Fouché
En lien avec la SEOR, EDF pose des effaroucheurs sur les câbles à haute tension pour éviter les percutions et électrocutions par les oiseaux.
© SEOR
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