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Mayotte

LA SENSIBILISATION POUR LUTTER CONTRE LE LAVAGE EN RIVIÈRE

comme chaque année, La journée internationaLe d ’ action pour Les rivières s ’ est dérouLée Le 14 mars.

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Un événement mondial né en 1997 au Brésil, lors du premier Sommet international des personnes affectées par les barrages, pour dénoncer les effets de ces aménagements : obstacle à la migration des poissons et à la circulation naturelle des sédiments, risque d’inondations en cas de rupture, mais aussi de sécheresses, car le gain de réserves en eau augmente les usages de la ressource...

À Mayotte, la journée dédiée aux rivières a été relayée par la fédération Mayotte Nature Environnement (MNE). « L’occasion de célébrer des victoires au sujet de la conservation des rivières, des actions positives ayant eu lieu dans l’année, ou encore de dévoiler de nouveaux projets de sensibilisation », s’enthousiasme Houlam Chamssidine, président de MNE. Parmi ces projets, une vidéo conçue pour combattre la persistance de mauvaises pratiques observées dans les rivières : lavage de linge et de voitures notamment.

Selon l’Insee, trois ménages mahorais sur dix ne possédaient pas l’eau courante à leur domicile en 2017. Concentrées essentiellement dans la partie nord de l’île, la vingtaine de rivières pérennes de Mayotte (Bouyouni, Ourovéni, Gouloué, Koualé...) constituent de ce fait un moyen d’accès à l’eau. Au quotidien, quantité de produits nocifs, lessive et eau de javel en particulier s’y déversent, portant atteinte à la nature et à la population : pollution de l’eau, asphyxie des poissons en raison de la prolifération d’algues due aux phosphates des lessives, écoulement jusqu’au lagon... Une vingtaine de lavandières avaient ainsi été convoquées par le tribunal de Mamoudzou début 2019 pour un simple rappel à la loi, faute d’alternatives à leur proposer. Quant au lavage des véhicules en rivière, il est interdit sur l’île depuis juillet 2008. Pour faire évoluer ces habitudes coutumières préjudiciables à l’environnement, il faudra sans doute encore du temps, la mise en œuvre de solutions pérennes (lavoirs publics de proximité, zones aménagées avec lagunage...) et une communication forte pour sensibiliser aux dangers environnementaux et sanitaires associés à ces pratiques. Avec le soutien de l’ARS, en lien avec le ministère de la Justice et l’association Yes We Can Nette, la MNE a ainsi créé cette vidéo (ci-dessous) qui sera visible au tribunal par les futures lavandières en infraction et plus largement par le grand public mahorais, via des diffusions télévisées et radiophoniques, ainsi que sur les réseaux sociaux.

Pour consulter le site de Mayotte Nature Environnement : MNE

L’ENTRETIEN RÉGULIER DES RIVIÈRES, UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC DU DÉPARTEMENT

en tant que gestionnaire du domaine pubLic fLuviaL, Le conseiL départementaL de mayotte1 a une obLigation régLementaire d ’ entretien courant des cours d ’ eau et des berges à travers L ’îLe. toute L ’année, Les agents du service environnement se mobiLisent pour veiLLer à rempLir cette mission.

Le 8 mars par exemple, alors que la population mahoraise était confinée en raison de la crise sanitaire, deux interventions simultanées ont eu lieu à Acoua et M’Tsangamouji, avec l’aide logistique d’équipes municipales de ces deux communes. En effet, les 20 et 21 février, de fortes précipitations orageuses se sont abattues sur Acoua, causant des crues, d’importantes inondations et de sévères dommages aux habitations riveraines. Les débits concentrés sur un resserrement de la rivière canalisé en aval ont en effet eu pour conséquence une montée soudaine des eaux. Des tôles contondantes de clôture arrachées par la crue, des arbrisseaux couchés et des amoncellements de déchets verts, mais aussi ménagers, étaient ainsi dispersés le long d’un tronçon de 100 mètres. Quant au déploiement des agents à M’Tsangamouji, il s’est agi de retirer du lit mineur un imposant manguier tombé en travers de la rivière. En pleine saison des pluies, cet arbre représentait un embâcle sérieux faisant courir un risque de débordement du cours d’eau et d’inondation des logements situés en aval et à proximité du site.

Article L215-14 du Code l’Environnement : « L’entretien régulier a pour objet de maintenir le cours d’eau dans son profil d’équilibre, de permettre l’écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique ou, le cas échéant, à son bon potentiel écologique, notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives ».

Le tronçonnage du manguier à M’Tsangamouji a permis de restaurer le libre écoulement de la rivière.

1 Unique collectivité d’outre-mer responsable du DPF.

Ces opérations d’entretien ont pour objectifs principaux d’assurer le libre écoulement des rivières afin de réduire le risque d’inondations dues aux embâcles, et de préserver les écosystèmes des cours d’eau, et par extension du lagon.

ASSOCIATION ACEEM : MDOUMBAJOU, L’ANCIEN PADZA REBOISÉ

membre de La fédération mahoraise des associations environnementaLes (fmae), L ’association cuLtureLLe éducative et environnementaLe de moinatrindri (aceem) oeuvre depuis deux décennies au reboisement et à La vaLorisation d ’ un ancien padza1 à bouéni, dans Le sud de mayotte.

Au village de Moinatrindri, dans la commune de Bouéni, le lieu-dit de Mdoumbajou s’étend sur près de 10 hectares. Haoussi Boinahedja, président de l’ACEEM, a grandi ici. Quand il se remémore son enfance, d’aussi loin qu’il s’en souvienne, il a toujours connu la terre rouge du padza mise à nu, sans arbre. Il n’a jamais vu ici de cultures sur brûlis et pense que le padza s’est formé par érosion naturelle. « Quand j’étais petit, on se faisait glisser sur les collines, elles étaient dénudées. Nos mamas ne nous ont pas parlé de pâturages intensifs. » Les mamas, ce sont les femmes du village qui ont commencé, à la fin des années 1990, à planter de l’acacia (Acacia mangium) sur cette terre si érodée qu’elle évoquait un paysage lunaire. « Il a fallu partir de zéro, revégétaliser entièrement le padza », continue Haoussi Boinahedja. Vingt ans plus tard, après tous les efforts entrepris par les mamas et l’ACEEM, le site est métamorphosé. « On marche sur un matelas de feuilles, les makis sont revenus, les oiseaux sont là ». Et d’ajouter avec un sourire : « Dans notre société matriarcale, seuls les projets portés par les femmes aboutissent ! Au début, elles perdaient 30% des acacias plantés, c’était difficile. Il a fallu beaucoup de patience pour arriver au résultat que nous avons aujourd’hui. »

Un reboisement progressif a ainsi transformé Mdoumbajou, plant après plant, kashkazi après kashkazi, la saison des pluies en shimaoré. « Cela n’est possible qu’à cette période de l’année, de décembre à avril. Le reste du temps, le sol est bien trop sec pour que nous puissions fixer les plants en terre », nous explique le président de l’ACEEM, fier que son association créée en 1997 vienne d’être retenue avec cinq autres associations du sud de l’île par la FMAE 2, pour être accompagnée dans sa démarche de protection du lagon. « L’acacia, qui a permis de reverdir le site, a fait son temps. On va l’éliminer peu à peu, car c’est une plante envahissante, et la remplacer par des essences indigènes : arbres fruitiers, plantes et fleurs médicinales... Mais il faut travailler délicatement car nous sommes sur un ancien padza, un sol très fragile que nous devons traiter avec précaution. »

Une haie végétale est en projet à court terme, pour délimiter le terrain des propriétés privées voisines. Mais Haoussi, dont l’association ACEEM devrait devenir gestionnaire du site, nourrit un autre rêve : créer sur l’ancien padza un parc botanique aménagé en plusieurs espaces : pépinière, plants de vanille, d’agrumes, etc. Avec des bancs pour les promeneurs, une petite boutique qui procurerait quelques revenus à l’association... Un projet en cours de rédaction, susceptible d’attirer des touristes et de créer des emplois. Souhaitons-lui de faire de ce nouveau rêve une réalité.

1 Terre aux sols rougeâtres dégradée par une très forte érosion d’origine naturelle ou anthropique, où l’eau ne peut plus s’infiltrer. 2 Et ses partenaires dont la CCSud, le Parc naturel marin et le CD976.

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