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Mayotte

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Le parcours de la mission. © Sébastien Hervé | UBO-IUEM-LEMAR

CAP VERS LES MERS AUSTRALES À BORD DE L’EXPÉDITION SWINGS

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La campagne océanographique sWings, qui a eu Lieu du 13 janvier au 8 mars, est une contribution majeure de La france au programme mondiaL géotraces, qui éLabore depuis 2010 un atLas des éLéments chimique des océans. Le but : mieux comprendre Le rôLe de L ’océan austraL dans La réguLation du cLimat.

Ils étaient 48 scientifiques de diverses nationalités à embarquer le 13 janvier à bord du Marion Dufresne, pour participer durant 52 jours à la campagne SWINGS (South West Indian Geotraces Section), initiée par deux chercheuses du CNRS : Catherine Jeandel, océanographe géochimiste du Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (Legos) basé à Toulouse et Hélène Planquette, biogéochimiste marine du Laboratoire des sciences de l’environnement marin (Lemar) de Plouzané près de Brest.

L’objectif principal de cette mission pluridisciplinaire qui a mobilisé des spécialistes en géologie, chimie, biologie, physique et climatologie : essayer de mieux comprendre les mécanismes qui séquestrent le CO2 atmosphérique dans ce secteur de l’océan Austral (voir la carte). En effet, les scientifiques estiment que cet océan absorbe environ 15 % des émissions de CO2 d’origine humaine, ce qui en fait un acteur majeur de la régulation du climat : en soustrayant de grandes quantités de gaz carbonique, l’océan Austral contribue à réguler la concentration des gaz à effet de serre, donc le climat. En revanche, il subit le changement climatique : le CO2 en excès génère une acidification de l’eau qui est nuisible aux micro-organismes en surface. Le plancton, soit plus de 95 % de la biomasse des océans, est ainsi impacté.

L’océan peut absorber le CO2 de l’atmosphère via un processus qui est soit physique – par dissolution naturelle des gaz, favorisée par les eaux froides – soit biologique, par photosynthèse du phytoplancton. Sur ce second point, le phytoplancton a besoin de certains éléments chimiques présents dans l’eau de mer en infimes quantités. Or le réchauffement climatique a pour effet attendu d’altérer ces apports d’éléments nutritifs à l’océan. Ce sont ces « éléments traces » que ciblent les prélèvements de Swings : des sels nutritifs et des métaux-traces à la base de la vie marine, comme le fer, essentiel à la photosynthèse. « Pour les traces de fer, cela revient à rechercher la matière d’un trombone qui aurait été dissous dans 30 piscines olympiques ! », lance Hélène Planquette dans CNRS le Journal. Au cours de ces huit semaines intenses d’exploration et de mesures, les scientifiques ont ainsi œuvré nuit et jour selon de très stricts protocoles, pour collecter sur toute la colonne d’eau et à l’aide d’équipements de pointe – utilisation de deux rosettes, carottage sédimentaire... – des échantillons contenant les précieux « traceurs ».

Une fois analysés, les prélèvements devraient améliorer l’état des connaissances sur les éléments nutritifs clés pour le phytoplancton : d’où ils viennent, comment ils se transforment, comment ils sont transportés au gré des courants océaniques et enfin sédimentés dans les abysses. « Il est indispensable de déterminer les sources de ces éléments en traces. Arrivent-ils par les vents, par les courants, par les sédiments ou les sources hydrothermales profondes ? Comment sont-ils transportés au sein de l’océan : sous forme de particules ou dissous dans les courants ? Comment sédimentent-ils et à quelle vitesse ? », s’interroge Victoria Lascaux, membre de l’équipe Exploreur de l’université de Toulouse et auteure du journal de bord de l’expédition édité en partenariat avec CNRS Le Journal. « Une mission de l’ampleur de SWINGS est l’occasion rêvée pour récupérer une multitude de données et ainsi saisir l’ensemble des mécanismes permettant de séquestrer du CO2 dans cette région du monde » résume-t-elle.

UN PARTENARIAT INÉDIT POUR LA SAUVEGARDE DES RAIES DANS LES MERS AUSTRALES

iLs se sont tous mis autour de La tabLe depuis 2018, chercheurs, professionneLs de La pêche, représentants de L ’ administration, pour éLaborer ensembLe un projet permettant de mieux connaître Les espèces de raies présentes dans La zone d ’activité de La pêcherie de Légine austraLe autour des archipeLs de crozet et kergueLen (taaf). en effet, La connaissance des miLieux est La cLef de voûte d ’ une gestion adaptée.

Et c’est sous la forme d’une thèse, portée par le Muséum national d’Histoire naturelle et cofinancée par la Fondation d’entreprises des Mers australes (fondée par les armements réunionnais de pêche à la légine) et la collectivité des Terres australes et antarctiques françaises, gestionnaire de la pêcherie, que ce projet a vu le jour.

Depuis le 1er novembre, Johanna Faure, 23 ans, a débuté ses travaux de thèse au sein du laboratoire BOREA1 à Paris, sous la direction de Clara Péron et Guy Duhamel. La doctorante n’est pas novice en la matière. Lors de son Master 2 en Sciences de la mer spécialité « Océanographie biologique, écologie marine » à Marseille, la jeune femme avait déjà étudié la pêcherie de légine pendant son stage de fin d’étude, et avait intégré par la suite le laboratoire BOREA en 2019, pour étudier les captures accessoires de la pêcherie.

La Fondation d’entreprises des Mers australes a également obtenu pour ce projet un soutien financier du fonds Ocean Stewardship Council (OSF) du MSC (Marine Stewardship Council). Ce fonds vise à accompagner les parties prenantes d’une pêcherie certifiée dans leur processus d’amélioration continue des pratiques. En effet, la pêcherie de légine australe fait l’objet d’une certification à travers le Syndicat des armements réunionnais de palangriers congélateurs (SARPC) depuis 2013. La pêcherie palangrière à la légine australe est d’ailleurs reconnue par beaucoup comme l’une des pêcheries les plus exemplaires au monde. Elle évolue dans la Réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, classée en 2019 au patrimoine mondial de l’Unesco, ce qui justifie les moyens déployés pour la recherche perpétuelle de l’excellence.

La thèse en cours vise à mieux connaître les espèces de raies présentes, leur cycle de vie (croissance, fécondité), leur régime alimentaire, leur habitat et leur aire de répartition géographique, et aussi à estimer la taille des populations. Ainsi elle permettra de déterminer l’état de ces différentes populations de raies et de comprendre l’impact des captures sur leur dynamique. L’ensemble de ces informations est primordial pour permettre à l’admiJohanna Faure. © Valentine Burnez nistration de mettre en place des mesures de gestion adaptées à cet environnement si particulier que sont les TAAF, et aux marins-pêcheurs d’adopter les pratiques visant à protéger toujours plus l’écosystème dans lequel ils évoluent. Trois composantes : scientifique, professionnelle et administrative. Ne s’agit-il pas là des ingrédients de base d’une gestion écosystémique pour une pêcherie ? Résultats attendus d’ici trois ans. Souhaitons bon courage à la doctorante ! Le navire Île Bourbon de l’armement Sapmer dans le golfe 1 Biologie des organismes et écosystèmes aquatiques. du Morbihan aux Kerguelen. © Sapmer

Comme en témoigne Johanna Faure, « l’étude des milieux marins exploités implique un fort niveau de collaboration entre les scientifiques, les gestionnaires et les professionnels de la pêche. Je trouve cet aspect très stimulant. J’ai hâte de rencontrer tous les acteurs et de contribuer à l’amélioration des connaissances biologiques et des pratiques de pêche pour répondre aux enjeux de conservation de la pêcherie de légine des mers australes ».

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