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Wallis-et-Futuna

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LES « FANTASTIQUES GRAND-MÈRES » QUI TRAQUENT LES SERPENTS DE MER DANS LA BAIE DE NOUMÉA

de madame doubtfire à arsenic & vieiLLes denteLLes en passant par miss marpLe, Le cinéma nous a toujours appris à nous méfier des grandmères à L ’ air trop respectabLe. et pourtant, qui se douterait, en Les voyant, de ce que font ces sept retraitées qu ’ on voit souvent barboter dans La joLie baie des citrons à nouméa ? Sept dames affables et bien sous tous rapports, parfaitement insoupçonnables : anciennement enseignante, secrétaire, banquière, laborantine ou employée de l’hôpital… Vêtues de probité candide et de néoprène pour nager leurs trois kilomètres quotidiens, éclatant de rire dans leurs tubas entre deux descentes entre les eaux turquoise de la capitale néo-calédonienne, elles n’ont a priori pas grand-chose pour retenir l’attention. Mais alors, comment ces femmes sont-elles devenues les héroïnes d’un court-métrage primé, mondialement connu et au titre énigmatique, The Fantastic Grandmothers1 ?

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Le tricot rayé, célèbre en Nouvelle-Calédonie, fait partie des serpents de mer les plus venimeux parmi la quinzaine d’espèces recensées localement. © Frédéric Ducarme 1 De Mitch Buckley, 2019 ; « Dugong d’argent » au Festival international de l’image sous-marine de Nouvelle-Calédonie en 2020.

Il va falloir mettre la tête sous l’eau pour avoir la réponse : entre leurs palmes se faufilent furtivement de longs serpents de mer, de la famille des élapidés, qui compte les espèces les plus venimeuses qui soient. Nos fantastiques grand-mères sont en fait occupées à suivre ces reptiles pour étudier leur mode de vie, tout en les photographiant afin de recenser les différents individus, reconnaissables aux motifs uniques que forment les taches sur leurs flancs. Toutes ces observations, menées sous la houlette de leur amie Claire Goiran, enseignante-chercheuse à l’université de la Nouvelle-Calédonie, ont permis de révolutionner le peu qu’on croyait savoir sur ces animaux. Leurs données ont ainsi déjà permis la publication d’une étude scientifique 2 , et plusieurs autres sont en cours.

Ces serpents de mer, malgré leur venin foudroyant, s’avèrent en réalité des compagnons de baignade plutôt sympathiques : parfaitement conscients de n’avoir rien à craindre d’un quelconque prédateur, ils se laissent approcher très facilement, et semblent ne prêter aucune attention à ces femmes qui se relaient en apnée pour documenter leurs chasses du jour et leurs gracieuses acrobaties sousmarines. Seule la chercheuse Claire Goiran s’autorise – quand la science le nécessite – à les manipuler, et ils semblent se laisser faire docilement. Même en sachant cela, nombre de plongeurs n’osent cependant jamais s’approcher de ces animaux, tandis que nos courageuses grand-mères les fréquentent si assidument qu’elles les ont baptisés de noms amicaux, comme Riri, Emma ou Kaya et sa tache en forme de cœur...

L’acrobatie photographique ne leur suffisant manifestement pas, les FGM ont aussi participé à la mise en place d’un ambitieux programme de télémétrie acoustique, qui a permis grâce à de petits émetteurs placés dans l’abdomen des serpents d’étudier leurs stratégies de chasse au poissonchat rayé, un poisson lui-même très venimeux 3. Les serpents ne sont d’ailleurs pas leur unique passion, puisque les FGM ont désormais élargi leurs protocoles d’observation aux antennaires (« poissons-pêcheurs » prédateurs d’affût proches des baudroies, extrêmement bien camouflés) et aux nudibranches (limaces de mer multicolores). Leur notoriété leur a aussi ouvert les portes de certaines institutions, et elles sont désormais éco-sentinelles pour la mairie de Nouméa, leur connaissance de la baie leur permettant de détecter précocement tout changement dans l’écosystème, comme une pollution ou une prolifération. Elles signalent également les œufs de requinsléopards à l’aquarium de Nouméa, qui s’occupe ensuite de les incuber dans des conditions favorables avant de relâcher les nouveaux-nés, et les autorités de la province Sud leur ont même octroyé l’autorisation exceptionnelle de s’approcher des tortues marines – espèces strictement protégées – pour les photo-recenser sur ce site.

2 Goiran, C., and Shine, R.. 2019. Grandmothers and deadly snakes: an unusual project in “citizen science”. Ecosphere 10(10):e02877. 10.1002/ecs2.2877. 3 Udyawer V, Goiran C, Chateau O, Shine R (2020) Swim with the tide: Tactics to maximize prey detection by a specialist predator, the greater sea snake (Hydrophis major). PLoS ONE 15(10): e0239920. doi:10.1371/journal.pone.0239920

Cette success-story est donc avant tout une histoire de confiance : confiance entre des amies qui nagent ensemble et se surveillent mutuellement dans cet environnement magnifique mais sauvage, confiance entre elles et ces animaux avec qui la séduction a été réciproque, confiance aussi de la communauté scientifique, qui rechigne encore souvent à accepter la contribution d’« amateurs » qui n’ont pas passé tous leurs galons universitaires avant de mettre les palmes à l’eau. Confiance enfin des institutions locales qui ont vu dans ce projet fou un groupe de citoyennes motivées et fiables, capables de participer à des missions de service public telles que la surveillance de l’écosystème, la prévention, et la médiation avec les touristes peu au courant des dangers et des merveilles de la mer. De toute manière, une recherche française dont les effectifs s’amenuisent d’année en année ne peut qu’accueillir favorablement une contribution bénévole de qualité. De tels groupes d’amis existent dans tous les outre-mer, qu’on sait être des destinations privilégiées par les retraités. À la Réunion, c’est aussi un retraité qui a coordonné un inventaire de la faune du lagon, photographiant avec une poignée d’amis près de 2 000 espèces marines, dont certaines n’avaient encore jamais été observées 4. Les Antilles, la Polynésie, la Guyane, Mayotte, ou Saint-Pierre -et-Miquelon fourmillent de bonnes volontés similaires qui n’attendent que cette confiance des institutions pour mettre leur passion au service de leurs concitoyens – ou un exemple pour se lancer. Pour qui sont ces passions qui sifflent dans nos têtes ?

4 Bourjon P., Ducarme F., Quod J-P., Sweet M., Involving recreational snorkelers in inventory improvement or creation: a case study in the Indian Ocean, Cahiers de Biologie Marine 59, 451460, DOI: 10.21411/CBM.A.B05FC714.

RETOUR SUR LE MOIS DE SENSIBILISATION AUX HERBIERS SOUS-MARINS

moins connus que Les récifs coraLLiens ou mangroves auxqueLs ont Les associe, Les herbiers marins sont pourtant un des pLus importants écosystèmes côtiers de La pLanète. aLors que s ’ est achevé Le mois de mars consacré à La sensibiLisation aux herbiers, revenons sur Les précieux services qu ’ iLs rendent à L ’humanité et Les menaces qui pèsent sur eux.

Les herbiers marins s’étendent sur environ 300 000 km² , ce qui semble peu au regard de l’immensité de l’océan (ils couvrent moins de 0,1 % des fonds marins), mais suffit à en faire un des plus vastes écosystèmes côtiers du fait de leur présence dans les eaux littorales de faible profondeur. Contrairement aux apparences, ces écosystèmes uniques ne sont pas constitués d’algues mais de plantes à fleurs, les phanérogames, formant de grandes prairies extrêmement complexes et productives, et d’une grande richesse biologique.

Ces caractéristiques font des herbiers de véritables nurseries pour de nombreuses espèces du milieu marin qui viennent s’y nourrir, s’y reproduire, s’y abriter. Les herbiers marins sont ainsi un important soutien de la sécurité alimentaire car ils constituent le lieu de vie des juvéniles d’espèces d’intérêt commercial (morues, colin, etc.) sur lesquels reposent des pêcheries entières, et jouent un rôle indéniable dans l’approvisionnement alimentaire local des communautés avoisinantes.

Les herbiers marins représentent également un haut lieu de biodiversité abritant des espèces emblématiques et protégées du milieu marin comme les tortues marines qui s’y nourrissent et s’y reproduisent, certains cétacés comme les dugongs ou les dauphins, ou encore une centaine d’espèces de raies et requins. Sur le plan de la lutte contre le changement climatique, les herbiers marins jouent là encore un rôle indispensable. Ce sont en effet des puits de carbone très efficaces et on estime qu’ils stockent jusqu’à 18% du carbone capté par l’océan. Ce faisant, ils contribuent à atténuer localement des phénomènes tels que l’acidification des eaux, ce qui favorise l’adaptation des espèces calcifiantes à proximité.

Enfin, leur localisation côtière fait des herbiers marins des écosystèmes tampons qui contribuent d’une part à réduire l’érosion du littoral en atténuant la houle et les effets des tempêtes, et d’autre part à filtrer les eaux en retenant nutriments et sédiments terrestres, ce qui améliore la qualité globale du milieu.

Cependant, ces écosystèmes subissent de fortes pressions partout dans le monde et près de 30 % de leur surface a déjà disparu depuis la fin du XIXème siècle. Aujourd’hui encore, on estime que 7 % des herbiers marins disparaissent chaque année (à titre illustratif cela représente un terrain de football toutes les demi-heures). Les principales menaces sur les herbiers sont les pollutions d’origines industrielles et agricoles, l’aménagement du littoral et le changement climatique. Certaines pratiques de pêche ainsi que les dégradations physiques directes (ancrages, piétinement, etc.) constituent également des menaces importantes.

Afin de préserver ces écosystèmes dans les outre-mer français (qui abritent environ un quart des espèces de phanérogames connues), l’IFRECOR continue de déployer son réseau de surveillance des herbiers marins et de développer des outils permettant d’améliorer leur suivi.

+ d’info ici :

https://ifrecor.fr/ressources-mangroves-et-herbiers/

Rapport des Nations unies « Herbiers marins : un poumon vert indispensable pour la planète et l’humanité » (rapport et synthèses en français) :

https://www.grida.no/publications/479

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