L'Observateur de l'OCDE No 266 Mars 2008, avec dossier spécial : Climat–Agir maintenant !

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Ho New/Reuters

ÉCONOMIE Heures travaillées

Compter p les heures Les Européens, notamment les femmes, travaillent généralement moins que les Américains. Dans quelle mesure cette différence peut-elle expliquer l’écart des revenus de part et d’autre de l’Atlantique ?

«L

es Européens sont-ils paresseux ou les Américains sont-ils fous ? » Cette question provocatrice a été reprise par Jørgen Elmeskov, directeur par intérim du Département des Affaires économiques de l’OCDE, lors d’une récente conférence au Congrès américain à Washington pour aborder la question du temps de travail aux États-Unis et en Europe.* D’un côté, les Américains, avec leurs longues heures, leurs vacances courtes et leur fort attachement au travail ; de l’autre, les Européens qui travaillent moins d’heures, prennent plus de vacances et accordent une plus grande priorité aux loisirs. Pourquoi ces différences ? Est-ce un problème pour les économies ? Dans ce cas, comment y remédier ? Questions délicates, qui alimentent mésententes et désaccords des deux côtés de l’Atlantique, sans compter une certaine rivalité. De nombreux analystes considèrent le temps de travail comme l’une des causes de l’écart de revenus entre les Américains, en tête, et les Européens, à la traîne. D’autres contestent cette opinion en soulignant les taux de productivité européens plus élevés, sans compter que tout ce travail et ce manque de repos doit certainement peser sur la productivité des travailleurs américains ! S’il y a quelque chose de vrai dans ces assertions, c’est qu’une moindre utilisation de la main-d’œuvre constitue l’un des principaux déterminants des revenus inférieurs de plusieurs

pays européens par rapport aux États-Unis. Une partie des écarts peut s’expliquer par des taux d’emploi plus bas, mais aussi par une durée plus courte du temps de travail. Prenons quelques exemples. La France fait souvent la une des journaux pour sa semaine de travail relativement courte, notamment du fait du débat sur la semaine des 35 heures. Mais ce n’est pas le pays où l’on travaille le moins : selon les chiffres, les heures travaillées par an en moyenne sont moins nombreuses aux Pays-Bas, en Norvège, en Suède et au Danemark, et à peine plus nombreuses en Allemagne (voir le graphique). Le taux d’emploi est plus élevé au Royaume-Uni, mais les Britanniques travaillent à peine plus que les Français ou les Allemands, et sont bien loin derrière la moyenne de l’OCDE. Les Coréens arrivent largement en tête des heures travaillées annuellement dans la zone OCDE, mais les États-Unis se situent également bien au dessus de la moyenne : en 2005, les heures annuelles de travail ont dépassé de 15 % la moyenne de l’Union européenne (UE15). Cela n’a pas toujours été le cas. Au milieu des années 70, les Européens travaillaient nettement plus longtemps, et ce n’est qu’au milieu des années 80 que le nombre d’heures travaillées aux États-Unis a commencé à dépasser la moyenne européenne. Et la durée du travail a diminué aux États-Unis, mais moins qu’en

Europe : on est passé aux États-Unis de 1850 heures travaillées par an dans les années 60 à un peu plus de 1700 en 2004, contre 2100 à 1600 en Europe de l’Ouest. Depuis les années 70, la durée du travail est restée globalement stable aux États-Unis, alors qu’elle a largement diminué en Irlande, au Portugal, au Luxembourg et en France. Quels facteurs interviennent réellement dans ces écarts entre pays ? Dans une étude intitulée « Facteurs explicatifs des différences du nombre d’heures travaillées entre les pays de l’OCDE », les auteurs d’Objectif croissance ont étudié plusieurs causes. Environ 60 % de l’écart hebdomadaire est dû à des semaines à temps plein plus courtes, le reste traduit des emplois à temps partiel plus nombreux en Europe. Et la plupart des différences horaires reflètent les heures de travail moins nombreuses des femmes. Si la semaine de travail des hommes européens salariés à temps plein n’est que légèrement plus courte que celle des hommes aux États-Unis, les femmes européennes travaillent en revanche beaucoup moins longtemps et sont plus susceptibles d’occuper un emploi à temps partiel. Les hommes et les femmes aux États-Unis travaillent en moyenne 41 heures hebdomadaires – les femmes, un peu moins –, contre environ 38 heures pour les

L’Observateur de l’OCDE

Nº 266 Mars 2008

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