offshore #6

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art contemporain - languedoc roussillon - octobre novembre dĂŠcembre 2004 - numĂŠro 6


arrêtez, arrêtons, arrête - chorégraphie mathilde monnier - création 1997 - photo marc coudrais centre chorégraphique national de montpellier languedoc-roussillon


# 06 Si le « compte-rendu » n’est pas un choix de la rédaction d’offshore, comment ne pas revenir sur la fracassante et pure beauté de l’œuvre proposée par Raimund Hoghe lors du dernier festival de Montpellier

Danse, ni sur la pertinence de l’exposition de Bert Duponstoq au Frac LR ? Ces moments-là, de beauté - on peut le dire et le redire - et d’intelligence, n’ont rien à voir avec une quelconque actualité, de même que l’œuvre jouée cet automne par Grand magasin est étrangère au goulasch des passerelles trans-pluri-disciplinaires. L’ŒUVRE - contemporaine - dansée, exposée ou jouée, bue voire mangée, est bien de notre actualité.

sur le seuil - Stéphane Bouquet vu - point de vue - Emmanuel Latreille grand magasin demande - Voyez-vous ce que je vois ? croissons et multiplions - Cécilia Bécanovic - Albert Ashtom harald fernagu - le tricheur loin des étoiles - Karim Zeriahen - Aissa Nemiri mécènes, à vos marques ! - Emmanuel Berard le journal du moi - Laurent Goumarre reçu - les catalogues et le courrier addenda - à voir donc

offshore est édité par BMédiation 39 avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier contact : bmediation@yahoo.fr avec l’aide du Ministère de la Culture \ Drac L-R, la Région Languedoc-Roussillon et la Ville de Montpellier directeur de publication : Emmanuel Berard rédacteur en chef : Jean Paul Guarino secrétaire de rédaction : Esther Knapp dépôt légal : à parution impression : Atelier 6. St Clément de Rivière. 04 67 63 52 00

photo couverture de Fiorenza Menini © offshore 2004 remerciements à Bettina ont collaboré à ce numéro : Cécilia Bécanovic, Stéphane Bouquet, Harald Fernagu, Laurent Goumarre, Emmanuel Latreille, Aissa Nemiri crédits photographiques : Bureau des Compétences et Désirs, Harald Fernagu, Rosa Frank, Jean Paul Guarino, Laurent Goumarre, Emmanuel Latreille, Karim Zeriahen

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sur le seuil stéphane bouquet

On a vu souvent la bosse de Raimund Hoghe. Plusieurs fois, il a retiré veste et chemise pour qu'on assiste à la déformation osseuse. Il a bougé les muscles du dos, pendu à un trapèze, et la bosse bougeait aussi sous la peau. C'est impressionnant mais toujours un peu trop de compassion là dedans pour nous qui voyons, malgré tout, malgré la sobriété extrême du chorégraphe. Au fond, Raimund Hoghe est un très grand artiste, qui vaut bien plus que sa bosse. De sa petite taille, il a su se servir pour trouver un accès à l'enfance qui chez lui dure encore, qui produit ces gestes lents, répétitifs, ce sérieux infini. Un enfant tardif joue à dessiner des maisons sur le sol avec des bâtonnets de bois, à aligner des cygnes en papier, à allumer / éteindre des bougies, à nager sur les cuisses d'une femme ; il sait que dieu (sa mère, son père) le regarde ; il sait que s'il rate son coup quelqu'un mourra ou pourrira ou ne reviendra pas ou n'importe quoi de grave. C'est une façon un peu pathétique sans doute de raconter ce qui se passe dans un spectacle de Hoghe, mais les chansons populaires qui s'enchaînent les unes après les autres ne disent rien d'autre, elles aussi, que ce pathos illimité : que cette attente de quelque chose, que ces cérémonies propitiatoires interminables, belles parce qu'interminables. Et la grande force du chorégraphe n'est-elle pas de tendre à l'extrême le rapport d'opposition entre le dénuement et l'emphase ? entre les gestes lents, les rituels minimaux, la concentration agenouillée de l'espace et la dilatation sentimentale de la musique. Condensation et vaporisation de l'affect. Le Sacre du printemps, vu l'été dernier à Montpellier, rejoue cette opposition signifiante. D'un côté, l'énergie brute, sexuelle, violente de la musique de Stravinsky - cette ode à l'accouplement bestial ; de l'autre, parfois, rien que deux mains posées l'une contre l'autre. Deux hommes se retiennent, paume contre paume, dans leur léger déséquilibre, pour éviter la chute. D'une certaine façon, c'est une définition a minima de l'amour - ou du sexe - ou du désir - comme on voudra. D'une certaine façon, c'est un rêve de midinette : je te retiendrai si tu tombes. C'est la même midinetterie qui faisait chercher à Hoghe, lors d'un spectacle ancien, dans les photos d'acteurs hollywoodiens le portrait du père absent. La croyance du chorégraphe (bossu donc, quasi-nain, homosexuel) est que l'universel est à portée de main, que « je te retiendrai si tu tombes » est une phrase que tous (les bossus et les autres) attendent, qu'elle est une sorte d'opérateur qui ferait de nos vies un heureux quoique impossible (impossible hors de la scène) conte de fées. Et qu'on préfère l'entendre de la bouche d'un prince vraiment charmant, rien de plus normal. D'ailleurs, Lorenzo de Brabandere est

adorable, rendu croustillant et désirable par le désir dont le chorégraphe l'inonde, dont il l'inonde exactement dans une dernière scène où la métaphore fonctionne littéralement : deux coups de poignets simultanés, de Raimund et de Lorenzo, dans une bassine d'eau et l'eau qui jaillit : comprenne qui voudra et ce qu'il voudra. C'est le propre de ce dernier spectacle de voir en quelque sorte Raimund Hoghe dépassé par ses pulsions, dépossédé de son calme. Les cérémonies lentes, les chambres noires et tranquilles, où le monde lointain arrivait par lettres, sont comme mises en défaut parce que : trop beau est le garçon. L'énergie envahit lentement le plateau, l'espace s'élargit : courses, portés, bonds, chutes, tout un lexique largement absent du langage traditionnel de Hoghe se déploie (quoique toujours avec pondération). La bosse elle-même perd sa neutralité habituelle pour devenir expressive. Raimund se traîne sur le dos, aux pieds du garçon, sa bosse s'accroche au sol, il souffre, grimace, quitte un instant son masque de Keaton. Il est absolument certain que cet emportement a un sens, un sens qui est pareil au printemps, pareil à la saison des amours, pareil au bond des bêtes. Ce que l'on voit est une petite cérémonie (un sacre) non plus de l'attente mais de l'acte sexuel, non plus de l'avenir mais du présent. Un homme n'est plus seul, ni le spectateur avec lui. On en a déjà vu beaucoup, bien sûr, de ces exaltations sexuelles. Mais pas comme ça, pas à ce niveau de représentation soumis à un régime de métaphoricité tellement transparent, tellement limpide, que la métaphore semble chercher à réduire au minimum l'écart entre elle et son sens, même si - c'est la leçon bouleversante du spectacle - l'écart ne se laisse pas annuler, finalement. Lorenzo soulève Raimund par les poignets, lequel pend quelques secondes dans le vide avant d'être lâché : Raimund tombe, ses doigts repliés, presque crispés, glissent le long du corps de Lorenzo. Ces mains-là sont en position d'attraper les vêtements et de déshabiller le corps. Ainsi, voilà à quoi, à la fois, l'on assiste et l'on n'assiste pas : une mise à nu, un déshabillage plutôt violent, une éruption de l'envie. Et ces gestes qui indiquent sans faire : tel est le dernier sens, cruel, du sacre : on restera sur le seuil, sur le seuil du garçon et de sa peau, sur le seuil des vrais gestes, on n'échappera pas à l'inassouvissement de la mimésis, qui ne remplace rien finalement, qui ne console pas.

Stéphane Bouquet est écrivain, scénariste, auteur de « Le Mot frère » à paraître aux Editons Champ Vallon en janvier 2005



vu - point de vue emmanuel latreille


Il est rare de voir paraître sur la scène artistique un artiste qui soit à la fois un peintre jeune et plein de talent et un commissaire d'exposition éclairé et brillant ! Bert Duponstoq, dont les premiers tableaux remontent à quelques années, et qui ne furent montrés à ce jour que dans les locaux de l’École des Beaux-arts de Nantes, est cet être rare qui sait d'emblée proposer au public un nouveau regard sur la peinture tout en accordant un intérêt sincère aux productions de ses collègues artistes. Renouveler les critères du jugement esthétique et du goût qui sont implicitement ceux d'une époque, voilà le rêve de tout acteur de l'art, qu'il soit professionnel ou amateur, profane ou initié. Le goût L'art n'est qu'exceptionnellement autre chose qu'une histoire de bon ou de mauvais goût. Bert Duponstoq semble avoir fait de l'injonction de Nietzsche un de ses principes essentiels : « Ayez le courage de votre mauvais goût ! » Bien sûr, il ne saurait être dans ce domaine le premier (ni le dernier) à se distinguer, tant sont nombreux les courageux qui s'ignorent, les intrépides qui méconnaissent leur talent, les kamikazes de la bigle extrême ! C'est pourquoi, Bert Duponstoq a aussi le courage du mauvais goût des autres : rien d'ironique dans cette position, rien de moqueur, uniquement l'affirmation forte que les goûts sont beaucoup plus sympathiques lorsqu'ils sont mauvais et que, lorsqu'il s'en rencontre un de bon, il est notablement plus exécrable et insupportable que le pire des mauvais goûts possibles, à cause des relents de condescendance, de justice messianique et d'héroïsme libérateur, qu'il ne peut manquer de dégager aussitôt. Ainsi, les amis de Bert Duponstoq sont tous, à leur manière, des représentants du mauvais goût contemporain : ceux qu'il a choisis dans la collection du Frac Languedoc-Roussillon ne sont pas davantage représentatifs que d'autres, mais ils sont, strictement parlant, ses « coups de coeur » du moment, comme de délicieux sondages opérés au plus profond d'une collection pleine de trésors, une étonnante caverne d'Ali Baba remplie de brigands bigarrés et rigolos. « Le mauvais goût est la chose du monde la mieux partagée » Cet axiome est incontestable, puisque le bon goût est, pour chacun, le sien propre, et le mauvais, celui des autres. Or les autres étant plus nombreux que moi, c'est toujours le mauvais goût qui l'emportera. Là est, toujours selon Bert Duponstoq, la raison véritable du mécontentement que suscite chez la plupart des gens l'art contemporain que l'on présente comme relevant d'un bon goût unique, et qui devrait être globalement acceptable : opération symétriquement identique à celle qui consiste à rassembler des individus sous le vocable de « grand public », laquelle expression désigne, en réalité, une addition arbitraire par laquelle on dépouille en fait ces individus de leur singularité propre. Pour inverser cette tendance, il importe donc de faire en sorte que chacun soit dépositaire de son propre mauvais goût, et l'assume sans complexe. Kitsch et mauvais goût Quelques bonnes âmes ont cherché au contraire, pour maintenir cette fiction du grand public et apaiser un peu le légitime courroux de ses membres épars, à promouvoir une certaine notion du kitsch susceptible de rassembler de nouveau les gens autour du grand foyer du bon goût commun et démocratique. Car avec le kitsch, chacun peut croire en secret que son bon goût s'accorde momentanément au mauvais de son voisin. Mais outre que le kitsch est une notion savante, raffinée, en quelque sorte un second degré du bon goût, il est aussi un « correctif » destiné à compenser la fâcheuse tendance de toute raréfaction élitiste, à ouvrir de nouvelles boutiques et à contrôler une fois de plus le

mauvais goût sain et joyeux des personnes simples. Non, Bert Duponstoq n'est pas un émule de ce cochon de Koons, ni même un descendant plus ou moins dévoyé de quelque pop'art détesté. Ne nous écrit-il pas : « Oui je peins, toujours d'après des images et des trucs imprimés de toutes sortes. Et ne me dites pas que je fais du pop'art, s'il vous plait ! Quel intérêt aujourd'hui ! D'ailleurs je n'ai ni le goût ni le talent et surtout pas l'envie de faire lisse, dégradé publicitaire, belles couleurs et la suite. David Hockney et Folon font ça très bien ! » Boxer, c'est mourir un peu Duponstoq nous écrit aussi : « Il y a quelques années, j'ai acheté un lot de La Science et La Vie pour leurs couvertures et la documentation genre “ sciences amusantes ”. C'est comme ça que je suis tombé sur un article ainsi titré, Voici le dernier cri pour l'entraînement des boxeurs avec une petite photo très retouchée, comme ça se faisait à l'époque, montrant un homme ayant tombé la veste, avec des gants de boxe et tapant dans un mannequin lesté. Les pieds sont pris dans une demi sphère en métal qui le fait toujours revenir à la verticale. Mon ami Thomas Ditmaar, qui connaît bien l'histoire de l'art, a reconnu ce boxeur comme étant Arthur Cravan. Ce type super, pour moi, m'a rappelé un peu Schierbeek, Pansaers ou les frères Piqueray » . On voit par là à quelle sorte d'avant-garde appartient l'œuvre toute jeune de Bert Duponstoq : une avant-garde qui a perdu d'emblée son premier match de boxe, et n'a pas eu beaucoup de mal à s'en remettre puisqu'elle boxait surtout contre une chimère. Une avant-garde qui n'a rien d'autre à montrer que ces trouvailles impayables qui fourmillent dans les vieilles collections de revues et imprimés, dans La Science et la Vie. Et qui sait très bien l'absence d'intérêt qu'il y aurait à en faire des objets de valeur, contemporains ou non, puisque la valeur n'a décidément aucun goût : une avant-garde pour qui jamais le coup de poing de l'art ne mettra le monde knock-out ! Cravan et Le Contorsionniste Bert Duponstoq n'a pas eu à insister beaucoup pour que nous réalisions la sculpture de ses amis Taroop & Glabel intitulée Le Contorsionniste. Il s'agit d'une figure étrange et inquiétante, drôle certes, mais qui donne à penser. Si Cravan se battait contre une ombre, au moins ce combat contribuait-il à sa bonne santé et relevait autant du bonheur de l'invention que, sur le plan symbolique, d'une relation constitutive à l'Autre. Aujourd'hui, Le Contorsionniste paraît faire des nœuds inquiétants avec ses membres. Il est la fleur en même temps que son pot, autant le taureau que le torero qui le met à mort, une figure singulièrement autiste et tragique, malgré l'innocence du petit jouet qui lui a donné naissance. Il figure ce corps tordu dont chacun est doté, et que chacun à sa manière essaye de remettre d'aplomb : ce corps qui est celui de l'art même, qui se coince davantage à chacune des tentatives débiles et contradictoires pour lui attribuer des critères (de goût) ou des règles (de jugement correct). Aussi, l'exposition de Bert Duponstoq et de ses amis du Frac Languedoc-Roussillon donna au fond davantage à penser qu'à rire, à s'interroger qu'à goûter ou jouir : il se peut qu'elle força à comprendre que nous vivons, certes, dans un drôle de monde. Mais un monde pas rassurant. Un monde pas comme on croit. Emmanuel Latreille est directeur du Frac Languedoc-Roussillon à Montpellier

Bert Duponstoq et ses amis du Frac Languedoc-Roussillon Ben, Jeanne Dunning, Jean-Pierre Bertrand, Sophie Calle, Chichorro, Cathy De Monchaux, Marie Ducaté,Véronique Joumard, Gérard Lattier, Taroop & Glabel, Robert Zakanitch Exposition qui s’est tenue du 26 juin au 25 septembre 2004


“ Depuis 1982 nous prétendons, en dépit et grâce à une méconnaissance

grand magasin

demande

VOYEZ-VOUS

et essayera d’y répondre le 9 décembre au Théâtre de l’Université Paul Valéry à Montpellier « Rien ne m’assure que la couleur que je vois, le son que j’entends, le parfum que je sens soit appréhendé par mon entourage de la même façon que moi. Impossible de savoir ce que perçoit exactement autrui et dans quelle mesure cette sensation correspond à la mienne. »

Ce problème fréquemment soulevé, occasion de discussions interminables, fera l’objet d’un débat préparé et illustré par quatre conférenciers autoproclamés (Bettina Atala, François Hiffler, Pascale Murtin et un invité) durant une bonne trentaine de minutes.

JE VOIS ICI UN BRIQUET ORANGE MAIS NE SUIS PAS SÛR(E) QUE VOUS LE VOYIEZ DE LA MÊME COULEUR QUE MOI MÊME SI NOUS NOUS ACCORDONS TOUS POUR L’APPELER “ORANGE”


quasi-totale du théâtre, de la danse et de la musique, leur histoire

CE QUE JE VOIS ? et leurs techniques, réaliser les spectacles auxquels nous rêverions d’assister. A cet égard, ils sont trés réussis et nous émeuvent. Notre ambition consiste à croire possible que d’autres partagent cet enthousiasme.” www.grandmagasin.net

LISEZ-VOUS ICI LES MÊMES MOTS QUE MOI ?

GRAND MAGASIN SERA VISIBLE en 2004 29 et 30 sept *

à ROTTERDAM

Schouwburg Rotterdanse - 0031 10 40 44 111

12 et 16 oct *

à MARSEILLE

Marseille Objectif Danse - tel : 04 95 04 96 42

en nov

à PARIS

A l’invitation du C.N.E.A.I au point P - tel : 01 39 52 45 35

9 déc **

à MONTPELLIER

Théâtre de l’Universté - tel : 04 67 14 55 98

en 2005 du 18 au 22 janv ***

à ORLÉANS

C.D.N d’Orléans - tel : 02 38 81 01 00

du 2 au 5 fév ***

à BORDEAUX

T.N.T - tel : 05 56 85 82 81

du 17 au 20 fév ***

à PARIS

Centre Pompidou - tel : 01 44 78 12 33

16 et 17 mars ***

à LAUSANNE

L’Arsenic - tel : 00 41 21 625 11 36

31 mai *

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Le Vivat - tel : 03 20 77 18 77 * 0 tâche(s) sur 1 ont été effectuée(s) correctement ** Voyez-vous ce que je vois ? *** 5ème forum international du cinéma d’entreprise


croissons et multiplions cécilia bécanovic- albert ashtom

Dire « multiple », c’est un peu comme dire « peinture », nous savons tous ce que c’est, et pourtant, le moment venu de le définir force est de constater que tout n’est pas si simple. Quel rapport en effet entre une sérigraphie de Luc Tuymans (Niks, 2003, 50 x 60 cm, 30 exemplaires), un pot de confiture de Fabrice Hybert (Confiture de Ville, des coings et des mûres, édité à l’occasion du printemps de Cahors 2000, nombre de tirages inconnu) et une vidéo de Fischli et Weiss (les vidéos de F et W sont éditées par le BDV, qui a pour politique de rendre accessible de l’art contemporain en diffusant des vidéos d’artistes de manière illimitée) ? Dans le communiqué de presse de l’exposition Trabendo (Galerie de la Friche Belle de Mai, 2003), l’association Astérides qui édite des multiples et les exposait à cette occasion, le définit comme une « petite œuvre à tirage limité, numérotée et signée. » Le statut du multiple est ambigu et les artistes en jouent. Il est en quelque sorte, un objet intermédiaire entre l’objet d’art traditionnel (une peinture, un marbre, bref tout ce qui est unique et non reproductible) et les produits de consommation courante (une lampe, des chaussures, un pot de confiture, etc.). Il pose jusqu’au paroxysme la question de la reproductibilité d’une œuvre ; question qui se posait déjà pour le nombre de tirages d’un bronze ou d’une photographie. Finalement, la définition d’Astérides reste assez classique puisqu’elle insiste sur un tirage limité et signé. Et nous l’avons compris avec les exemples des vidéos du BDV ou avec les confitures d’Hybert, les œuvres peuvent être diffusées sans limites et sans être signées par l’artiste (c’est aussi le cas des affiches de Michel François). Quelle définition générique reste-il alors ? Le multiple comme petit objet tiré à x exemplaires ? C’est un peu court et pourtant la « réalité » du multiple est là. Pour Mathieu Mercier, co-fondateur avec Gilles Drouault de la Galerie de Multiples à Paris, « les limites qu’on se donne en matière de définition de multiples, c’est ce qui est reconnu et pensé par l’artiste en tant qu’œuvre. » (Magazine # 25, été 2004). Le multiple est parfois (et selon la manière dont travaillent les artistes) le simple moyen de multiplier une œuvre d’art. Le multiple se situe alors dans la lignée de l’estampe et de la gravure. La photographie de Gabriel Orozco sur papier Arches (B.K.I, 2004, tirée à 175 exemplaires) éditée par la Serpentine Gallery de Londres à l’occasion de l’exposition qu’elle lui consacrait cet été, n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Dans ces cas précis, l’œuvre est multipliée pour que le prix soit accessible à un plus large public, c’est-à-dire toujours pas grand monde. Comme le dit Jean Brolly, « le multiple sera toujours un moyen d’avoir une chose d’un artiste connu. » Aussi généreuse que l’idée puisse être, c’est ce genre de multiple qui véhicule l’a priori

La boîte de l’impérialisme de Minerva Cuevas, installation, 2003 Exposition, février 2004, au Bureau des Compétences et Désirs, Marseille


selon lequel un multiple est toujours une œuvre de second rang, un produit dérivé qui n’ose pas avouer son nom. Il y a cependant une autre manière d’aborder le multiple, que Jean Brolly (encore) définit en ces termes : « l’art contemporain permet des formes où le multiple devient la forme juste. » Si un artiste a l’idée d’une confiture ou du packaging d’un jeu de cartes, la forme appropriée n’est sans doute pas celle de l’œuvre unique. L’artiste se situe dans le champ de l’industrie et utilise le vocabulaire qui lui est propre : la production en série (limitée ou pas). Il faut bien préciser que l’artiste ne s’en remet pas forcément à l’industrie pour multiplier ces œuvres, c’est l’idée de la production sérielle et ce qu’elle véhicule comme questions ou comme fantasmes (la musique live tuée par le disque, la différence « infra-mince » entre deux objets sortis d’un même moule…) qui importe. Ces multiples posent naturellement aux collectionneurs, ou plus simplement aux acheteurs, la question de leur usage : allez-vous manger la confiture de Fabrice Hybert, porter la chemise de Rirkrit Tiravanija (Sans titre, 2001, 9 exemplaires) et utiliser les cartons de Daniel Pflumm (Light Box, 2001, 1000 exemplaires) pour votre déménagement ou les traiter respectueusement comme les œuvres d’art qu’elles sont (aussi).

L’indispensable de Sylvie Réno, poster, exposition juin - septembre 2002 Serial Objects, poster 2000, Bureau des Compétences et Désirs, Marseille

Le prix d’un multiple est variable, celui-ci dépend du nombre de tirages, de la cote de l’artiste, de la présence ou non d’une signature, et du mode de production. Car les multiples s’éditent en diverses occasions et les enjeux ne sont pas toujours les mêmes. Les Kunstvereine allemands, par exemple, s’apparentaient à l’origine à des centres d’arts privés et éditaient des multiples pour assurer en partie leur autofinancement (c’est aujourd’hui aussi le cas de la Serpentine Gallery). Ils ont ainsi instauré une « pratique » du multiple (chez les artistes aussi bien que chez les collectionneurs) sans équivalent en France. C’est la diversité des pratiques du multiple que nous faisait entrevoir l’exposition 100 Mona Lisa valent mieux qu’une conçue par le DESS art contemporain de la Sorbonne en collaboration avec l’Espace Paul Ricard et la Galerie de Multiples. Autre exemple, le BCD (Bureau des compétences et désirs à Marseille) co-édite avec Iconoscope, le premier multiple de l’artiste Harald Fernagu. Pour l’association Iconoscope (créée en 1992 par Sylvie Guiraud et Laurent Gardien à Montpellier), c’est l’occasion de soutenir un artiste dont ils suivent le travail depuis plusieurs années. Serial Objects mis en place par le BDC est une collection, au sens éditorial du terme. Leurs multiples de Serial Objects, d’abord gratuits, sont vendus aujourd’hui à prix coûtant (addition du coût de production et des honoraires de l’artiste, divisé par le nombre d’édition). La collection n’est pas ici un moyen de faire rentrer de l’argent dans les caisses, elle a simplement pour but de permettre à un artiste la réalisation d’un projet dont le multiple est la seule « forme juste. » « Le tricheur » est un jeu de cartes qui s’inscrit dans une logique de la « rencontre » qui est la base du travail de Fernagu. Le manipuler nous conduit à faire la connaissance de membres de la communauté Emmaüs de Dijon avec lesquels Harald Fernagu a noué des liens depuis quinze ans et dont les portraits remplacent les figures traditionnelles du jeu de cartes, un jeu qui, comme l’écrit le BDC « nous dit que le je est un jeu, et la fortune, un coup de Poker. »

Exposition Harald Fernagu du 24 septembre au 25 novembre 2004 au Bureau des compétences et Désirs, 8 rue Chevalier Roze 13002 Marseille tél : 04 91 90 07 98 site web : www.bureaudescompetences.org


u jeu Règle d ouvez vous p i s ! é gn s par avez ga colonne s e c * Vous e ed gné un ter l’un avez ga s u o V complé . he , réalisé de pioc e belote d u la carte je ire d’un exempla agu. s) ald Fern les carte par Har e toute c ite : la u p s m e e er r aucun te lè . (Le jok p om ur vous rte ne c t pis po n a *La ca T ! u ez perd e vous av ire de c ) exempla e (soupir tr la o r v urne ecevoir de reto * Pour r us suffit o e - B v r o il Offsh à multiple on te Bouiss gagnan enue v a c a r te o ’ 9 en n u ion 3 tpellier n o t Médiat e M 0 m e no d 34 09 re votr d Bertran in jo pas de bliant 4. re 200 . décemb adresse 4 2 le vant Ceci a

harald fernagu “le tricheur” 2004


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e ce er la - B isson n’ouom et 2004.


loin des étoiles karim zeriahen - aissa nemiri

Après avoir été assistant de production à MTV Europe à Londres en 1994, Karim Zeriahen, jeune vidéaste de 33 ans, collabore depuis 1995 avec le Centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon et a réalisé, entre autres, trois films courts : Le jour de nuit, Videlilah et Stop d'après trois créations de Mathilde Monnier et un docu-fiction E pour Eux. Lieu de création et de recherche, le Centre chorégraphique est inséparable de l'idée de formation. ex.e.r.ce, soit expérience, école, recherche, exercice, est le nom du module de formation dont Karim Zeriahen a suivi et filmé la session de 2004. Inversant les règles du tournage, Aissa Nemiri, l'un des trois personnages principaux du film, l’interroge.

Aissa Nemiri : Pour nous, élèves et acteurs de cette formation, exerce a été très difficile à définir. Ton regard extérieur peut-il en donner sa définition ? D'ailleurs, peut-on considérer ce regard comme véritablement extérieur ? Karim Zeriahen : Le film est en cours de montage en ce moment, mais il apparaît qu'exerce est ressenti comme un voyage intérieur, personnel à chacun des participants, au sein d'un groupe particulièrement hétérogène cette année. Pour certains d'entre eux, les enjeux sont d'ordre professionnels, d'autres semblent ici chercher leur voie, et d'autres encore sont venus participer à ce que l'on pourrait appeler une expérience. Tout mon travail consiste à regrouper ces différents éléments afin de restituer cette année en un documentaire de cinquante deux minutes. Au cours de ces dix années de collaboration avec le Centre chorégraphique, j'ai réalisé des documentaires, des films, des courtes fictions et créé des installations vidéos autour du travail de Mathilde Monnier et de travaux satellites du Centre chorégraphique. J'avais participé à une des créations que Mathilde avait faite lors d'exerce 02 où j'avais été amené à suivre les participants sur un très court temps ; j'ai désiré développer cela sur la durée même de la formation, donc sept mois, et suivre cette énergie qui investit un lieu, une institution puis qui la quitte. Malgré cette expérience, j'ai voulu me tenir à distance : être et

rester un regard extérieur. Cependant, d'inévitables liens se sont tissés pendant ce long temps de cohabitation et d'évidentes affinités se sont installées. Je tente à présent, avec l'aide de mon monteur Jean-Gabriel Périot -qui n'a pas assisté au tournage- de recréer cette distance. A.N. : Lorsque nous avons débuté la session et que nous avons été informé de la présence d'une caméra durant notre formation il y eut des réactions assez vives : nous ne connaissions pas ton travail et craignions de devenir les sujets d'un « docu-réalité »... K.Z. : On pourrait croire que ce projet aurait des liens avec ce genre d'émission T.V où des jeunes gens filmés lors d'un apprentissage n'aspirent qu'à la célébrité. J'avais décidé de me concentrer sur le parcours de trois personnages du groupe, animés par l'envie de s'enrichir, se déplacer, d'apprendre. C'est cette curiosité-là que j'avais envie de montrer. Évidemment il y a eu des réactions différentes à la caméra, certains en jouaient, d'autres l'évitaient. Les dernières images du film ont été tournées lors de l'atelier de Mark Tompkins où il parle de la performance et dit aux élèves qu'ils sont là pour prendre conscience de la part exhibitionniste de la représentation, et que, seuls sur le plateau ils n'ont pas à se mettre dos mais face au public, pour donner, recevoir et partager.


En opposition à la télé-réalité, il n'y a pas de compétition ; il ne s'agit pas d'une formation qualifiante et il est clairement dit en présentation du projet que le terme même de réussite est à reconsidérer ; un stagiaire qui arriverait à exerce, qui y passerait les sept mois et qui se rendrait compte qu'il n'a pas envie d'être danseur, serait peut-être le gagnant, aussi… En fait, si la durée s'avère révélatrice, on pourrait parler de réussite : il s'agit de se former soi-même et de non pas repartir formaté.

Il est vrai qu'en référence à ce genre télévisuel, lors du tournage de premières séquences, j'ai voulu partir de certains de leurs cadrages dans leurs décors spécifiques et renvoyer une contreproposition critique. Rapidement, je suis allé au-delà ; je désirais faire mon film et je l'ai simplement architecturé sur la question qui m'intéressait vraiment : « Qu'est-ce qu'un danseur aujourd'hui ? »

chorégraphique et participants de la session 2004) mais à chacun son film, et celui m'appartient. Je l'ai déjà dit, la question : « Qu'est-ce qu'un danseur aujourd'hui ? » qui s'est fortement imposée en cours de tournage, est au centre du film avec les portraits de ces trois élèves - Valeria Giuga, Julien Jeanne et toi, Aissa Nemiri - qui structurent ce questionnement. En parallèle, j'étais curieux aussi de trouver les réponses à la question : « Qu'est-ce qui fait que, quand on a entre 20 et 27 ans, aujourd'hui, on a envie d'apprendre ? ». Enfin, j’ai voulu dédramatisé une situation : le plaisir et l'humour, présents au quotidien malgré tout, le sont aussi dans le film.

A.N. : L'ambition et les enjeux sont des thèmes embarrassants sur lesquels tu nous as questionnés voire harcelés. Je te retourne donc le tout, sans oublier de bien vouloir nous renseigner sur tes références… K.Z. : Ce film est le portrait de trois individus qui traversent une expérience commune. Il est sûr qu'au début de ce projet j'ai ressenti qu'il y avait beaucoup d'attentes de gens divers (professionnels de l'audiovisuel, collaborateurs du Centre

Un des films « de la même famille », largement diffusé, fut celui de Nils Tavernier, Plus près des étoiles, sur l'Opéra de Paris, qui renvoie l'image du petit rat déçu, à l'assaut de la pyramide hiérarchique, suant quinze ans de sa vie pour finalement ne jamais devenir Étoile. A ce jour, mon film s'appelle Loin des étoiles. Loin de cette vision classique mais loin aussi des étoiles du show-business. Loin des rêves mais au plus proche des envies.

Loin des étoiles. 52 mns. Un film de Karim Zeriahen, produit par Les Films Pénélope, France 3 et le Centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon. diffusion sur France 3, automne 2004.



mécènes, à vos marques ! emmanuel berard

« L'objectif de cette réforme est de donner un nouveau souffle à l'initiative des particuliers et des entreprises, en proposant un dispositif plus incitatif et plus lisible en faveur du mécénat et en accordant à nos concitoyens le choix des causes auxquelles ils souhaitent consacrer leur générosité. Le projet de loi souligne ainsi la volonté profonde du gouvernement de faire évoluer durablement les mentalités et de témoigner sa confiance et sa reconnaissance à la société civile. » Ainsi s'exprimait Jean-Jacques Aillagon, alors ministre de la Culture (issu de la société civile…) le 21 juillet 2003 lors de la présentation de la loi sur le mécénat et la fiscalité des fondations au Sénat. Cette loi, demandée par le gouvernement et devant profiter tant au secteur culturel qu'aux secteurs scientifique, écologique, social et humanitaire a été conçue par les services du ministère de la Culture et suivi de près par le cabinet du Ministre d'alors. Il en résulte une parfaite prise en compte des besoins d'un monde culturel en plein bouleversement : l'arme du doublement du budget de la culture étant à un coup, tiré par Jack Lang en 1982, les marges de manœuvres financières semblaient, depuis ce carton plein, s'amoindrir. En outre, cette soudaine aisance financière a consolidé un monopole public de la culture qui a bien souvent dissuadé ou tenu à l'écart (avec des dispositions fiscales peu avantageuses) les initiatives privées en la matière. Outre de nouveaux moyens financiers, il s'agit surtout de libérer des initiatives qui, sans une incitation active de la part de l'État, ne pourrait se voir concrétiser. Avantageux, ce nouveau dispositif ne bénéficiera au secteur culturel que si ce dernier s'en sert et l'intègre à ses fonctionnements. Les principales avancées de la loi du 1er août 2003 peuvent ainsi être résumées : la loi prévoit que le montant des dons d'entreprises à des initiatives culturelles (qu'elles soient gérées par des associations ou des collectivités publiques…) est déduit à 60 % du montant de l'impôt sur les sociétés. Si ce montant dépasse 0,5% du chiffre d'affaires, la réduction peut être étalée sur les 5 années suivantes. En ce qui concerne l'art contemporain, la nouvelle loi encourage l'achat d'œuvres d'artistes vivants : alors que les œuvres d'artistes vivants devaient être inscrites à l'actif du bilan de l'entreprise (et donc taxées), ces achats sont à présent exonérés d'impôts et le montant de ces achats est désormais exclu du calcul de l'assiette de la taxe professionnelle (ce qui n'était pas le cas auparavant). En contrepartie, les oeuvres ainsi acquises doivent être exposées dans un lieu accessible au public : hall d'accueil, salle d'attente etc. Les particuliers bénéficient aussi d'avantages semblables. Même s'il est trop tôt pour tirer un bilan de l'application de ces nouvelles mesures (les déclarations fiscales ayant toujours une année de décalage), la Fondation de France souligne une accélération de la création de fondations d'entreprises, dont la fiscalité est aussi réformée par la nouvelle loi ; tandis que le Ministère continue sa tournée en régions afin de promouvoir la nouvelle loi (une première réunion d'information en Languedoc Roussillon a été organisée le 29 mars dernier et a réuni

acteurs culturels et entrepreneurs locaux). Les institutions, muséales notamment, semblent s'intéresser au « privé » davantage qu'auparavant comme en témoigne la création de services dédiés à le recherche de mécènes et surtout la « vogue » des expositions de collections privées. On a vu aussi apparaître des partenariats visibles entre des marques et des créateurs (Siemens et Boris Charmatz pour le Siemens Arts Program en France, par exemple). Malgré ces signes encourageants, il faut souligner que le succès de ces nouvelles dispositions dépend tout autant de la disponibilité du tissu économique que de l'énergie que mettront les acteurs culturels à informer et à motiver les mécènes à les suivre dans leurs projets.

Associations : Prêtes ? Partez ! Pour bénéficier de cette nouvelle manne potentielle, les associations doivent dès à présent se mobiliser dans la chasse aux mécènes. En leur expliquant les bénéfices qu'ils pourront retirer de leur action philanthropique (…), il est probable que nombreux se laisseront séduire. C'est donc à chaque structure de prospecter, et pour cela il faut être prêt : en effet, les « dons » que vous feront des entreprises doivent faire l'objet d'un reçu fiscal que vous devrez établir et délivrer à l'entreprise afin qu'elle bénéficie des avantages prévus par la loi. Afin que vous puissiez établir de tels reçus, il vous faut un agrément des services fiscaux. Ce sont eux qui établiront votre capacité à recevoir des fonds de mécénat, en fonction de vos statuts et de votre activité. Sachant que ces services ont un délai maximum de 6 mois pour vous répondre, il est important que dès à présent vous en fassiez la demande. Pour plus de renseignements : une brochure a été éditée par le Ministère (une pour les entreprises, une autre pour les particuliers). Elle est disponible sur demande au 01 40 15 77 07. Vous pouvez aussi consulter le site internet www.culture.gouv.fr et celui de l'admical, association pour le développement du mécénat, qui propose des formations à la recherche de mécénat, www.admical.org.


le journal du moi laurent goumarre

J'étais encore sous le choc de Lukas de la Star Ac 3 ou 4, je pensais que je ne m'en remettrais pas : le visage de Lukas dessiné 3D comme sorti de mangas ; je prenais des photos numériques, plus de 100 : « Pour Lukas votez 1 », « Méritet-il de rester ? », les larmes de Lukas, ses yeux rougis le samedi de son élimination, dix mois déjà, postées sur les murs de mon appartement 5e arrondissement. J'en étais encore là quand j'ai découvert qu'ailleurs on avait plus fort, plus fort que tout : une fille avec le prénom d'une ville et le nom d'une chaîne d'hôtels, Paris Hilton. Je me disais que même tous les Aaron Spelling du monde n'y avaient pas pensé, que Paris Hilton était au-delà d'un nom de famille, que c'était le titre rêvé d'une série américaine. Donc, l'Amérique produisait aujourd'hui des filles dont la vie ne serait qu'une longue succession d'épisodes. Il y avait eu Paris fait du X amateur, Paris mannequin photoshopé pour Guess, on nous annonçait un disque, un film d'horreur... sans oublier Paris à la ferme, dans The Simple Life, l'aboutissement de toutes nos espérances en la téléréalité : Paris et sa copine Nicole-je-nesais-pas-qui expédiées dans un trou du Texas, de l'Arkansas, de n'importe où, bref dans un bled tellement pourri que Vuitton, ils ne connaissent pas. The Simple Life, soit une série d'épisodes articulés autour d'un événement : comment bouleverser les valeurs d'un village bâti sur l'équation famille/travail/patrie. Comment ? en leur balançant la télévision en direct. La télé-réalité c'est ça, ce n'est pas un concept, ce n'est pas un programme ; avec Paris Hilton, on a bien compris que c'est une histoire de blonde et d'incarnation, même si on l'avait déjà appris de Loana, qui n'allait pas si loin, restait planquée derrière l'écran, entre gens de télévision, coincée dans le périmètre du Loft. Paris Hilton, elle va plus loin, prend la voiture du générique avec sa copine je sais pas quoi et roule ma poule, telle une petite-fille cachée de Thelma et Louise, on the road again, pour se jeter, non pas dans le précipice, non ça c'est bon au cinéma, et on n'est plus au cinéma, le cinéma a des limites, la télévision n'en a pas, le cinéma a des limites, Paris Hilton est la limite du cinéma, de ce cinéma qui jouait il y a un siècle à La Rose

Pourpre du Caire , joue toujours à se faire des frayeurs, faire comme si on sortait de l'écran pour rencontrer sa spectatrice, Mia Farrow à des années lumières de Rosemary's baby , de Peyton Place , tu parles d'une rencontre, tu parles d'une spectatrice ! Mia Farrow, merci bien ! Je reprends : non pas pour se jeter dans le précipice du cinéma moral et tout ce qu'on veut - quand faut payer, faut payer, et la note est salée pour toutes les Thelma et Louise du cinéma - mais pour se projeter contre l'écran avec une telle violence qu'il n'en restera plus rien. L'objectif de la télévision est tragique, plus ambitieux peut-être, la télévision vise plus loin, avec Paris Hilton, elle saute le grand pas, quitte Las Vegas ou Hollywood, bref n'importe quelle boutique Gucci pour se pourrir les stilettos Dior dans un village de vrais gens spectateurs. La télé-réalité, ça s'appelle, de son nom de chaîne d'hôtels et de capitale du monde : Paris Hilton. Qui débarque telle une bitch bling-bling de MTV, stylisée over Dynastie en Dior, Versace, Vuitton, dans un bled ahuri de voir débarquer la fille oubliée de toutes les Joan Collins et Donatella du monde. Paris Hilton, c'est la télé trash-people des talks show, c'est fashion TV, c'est la retape des clips rn'b accessoirisés Jade Jagger, qui s'installe dans la réalité d'un village paumé, le bronzage décoloré de l'année, des micro-jupes et des lunettes parebrise, du sex-people, comme un parfum des trottoirs de Miami où Versace s'effondrait au siècle dernier. Dés lors, plus de famille qui tienne, plus de patrie, plus de travail, la petite ville vit au rythme de la télé, des épisodes de Paris qui fait valser les codes, n'en fout pas une, louche tous les mâles on the road again, et fait tout déraper dans ce qu'il faut bien identifier comme une version telenovela du Théorème de Pasolini. Ni plus ni moins. Souvenez-vous de Stamp arrivant chez les Mangano. Qu'apportait-il Stamp en minet pré-Lukas dans cette famille bourgeoise ? La couleur, pas plus ni moins. Après un prologue noir et blanc, son arrivée saluait l'apparition de la couleur. Stamp c'était le cinéma couleur qui faisait éclater les codes noir et blanc, travail/ famille/patrie de la bourgeoisie industrielle. La couleur, c'était le sexe du cinéma. Stamp qui baise


la mère, la fille et le père et la bonne et le fils, en couleur, du cinéma en couleur, jusqu'à ce que le rouge leur vienne au visage et que ça puisse se voir. Alors bien sûr que la télé de Paris a d'autres teintes, mais ça revient au même, Hilton/Stamp, Théorème/Simple Life, au même, bourgeoisie industrielle/Amérique de Bush. Au même, mais avec les moyens du bord, et d'autres couleurs, rose layette de Dior, terracotta Vuitton, certes plus vulgaires, bien sûr plus crues, à coup sûr celle d'un sexe Outrageous à la Britney, fluos ? pourquoi pas, la télé-réalité, on nous le dit assez n'a pas de

limites, dieu merci, alors le fluo on veut bien, de la couleur des yeux de Paris dans sa cassette X amateur quand on la voit quitter le lit en pleine action pour répondre à son portable, mais où je voyais avant tout une fille aux yeux rouges phosphorescents, comme ceux d'un lapin traqué par le phare des voitures au milieu d'un périphérique. Paris Hilton, je ne l'ai jamais rencontrée, mais j'y suis allé. C'est avenue de Suffren dans le 15e arrondissement à Paris. J'ai même déposé une rose devant l'établissement. Couleur rouge. De la couleur de ses yeux.

Laurent Goumarre est critique d’art, collaborateur à ArtPress, producteur de Chantier - France Culture, conseiller artistique de Montpellier Danse


JOËL RENARD 14 octobre - 27 novembre

Galerie Vasistas 37 avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier www.vasistas.org Ministère de la Culture \ DRAC - Région Languedoc Roussillon\Septimanie - Département de l’Hérault - Ville de Montpellier

04

festival d’images artistiques vidéo

pays participants > algérie, allemagne, espagne, france, italie, maroc, portugal, tunisie

organisé par la galerie ESCA

milan 20.21 novembre galerie

c/o Careof

careof fabbrica del vapore, via luigi nono 7 - 20154 milan / italie le Centre culturel français de Milan corso magenta 63 - 20123 milan / italie galerie ESCA 76 route de nîmes - 30540 milhaud / france +33 (0)4 66 74 23 27 rogerbouvet@wanadoo.fr - http://www.galerie-esca.com


reçu

Daniel Dezeuze gazes découpées et peintes œuvres 1977-1981 Catalogue édité à l’occasion de l’exposition qui s’est tenue du 18 avril au 4 juin 2003 au Frac Bourgogne Textes de : Christian Besson et Emmanuel Latreille ISBN 2-913994-12-1

15 €

Disponible à Montpellier au Frac Languedoc Roussillon et au Frac Bourgogne

réversible Isabelle Grosse : replay Goya Catalogue de l’exposition du Centre d’art contemporain de Castres de cet été et Premier livre d’art de la maison d’éditions Romain Pages Éditions, installée dans le Gard à Sommières. ISBN : 2-84350-185-7

10,35 €

contact@romain-pages.com

Dominique Gauthier Ce que parler veut peindre (pour ainsi dire) 2004 Catalogue des trois expositions estivales à Montpellier de Dominique Gauthier, éditions Villa St Clair. ISBN : 2-908964-41-4

disponible à la Galerie Les filles du calvaire, Paris ; au Carré Ste Anne et à la Galerie Vasistas, Montpellier

Quelle catastrophe d’être en province ! On rate tout...


addenda bédarieux - 34 Espace d’art contemporain du Musée de Bédarieux avenue Abbé Tarroux tél : 04 67 95 59 59

E.Ballan \ A. Dumonnet C. Foulche \ C. Fayard M. Labussière 1 décembre - 30 janvier 2005

montpellier - 34 Bande Annonce au coeur de sa programmation :

Films/mots/graphies - séance de films expérimentaux 16mm William Klein \ Paul Sharits \ Frédérique Devaux \ Pierre Rovère \ Robert Darrol \ Joost Rekveld \ Peter Rose au Périscope, Nîmes vendredi 12 novembre à 20h30 Sonorités - concert-poésie n°4 Thierry Oué (piano dérangé) & Charles Pennequin (texte/voix) à monoquini, 5 rue Bayard Montpellier vendredi 3 décembre à 21h Amer,America, Part I - Hommage à Robert Kramer : All power to the people ! (1989) de Lee Lew Lee \ Mickey Mouse au Vietnam (1968) de Lee Savage \ Syndrome, film de montage de Jack Stevenson (projection en sa présence) \ D'Hiroshima à Hanoï (1981) de David Bradbury... Cycle de projections et de rencontres tout au long du mois de novembre dans divers lieux de Montpellier : monoquini, Médiathèque Fellini, Diagonal renseignements : 04 67 64 81 53 www.a-ba.org Château d’O tlj sauf lundi de 14h30 à 17h30 tél : 04 67 67 69 83

Luc Bouzat 26 novembre - 24 décembre

Centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc Roussillon - Les Ursulines 2 et 3 novembre à 18h30 et 20h30 : hors séries #23 Laurent Goldring \ Germana Civera \ David Kilbum 23 novembre à 20h30 : hors séries #24 Melk Prod \ Marco Berretini 10 décembre à 20h30 : hors séries #25 Antonia Baehr Les Ursulines, boulevard Louis Blanc tél : 04 67 60 06 70 accueil@mathildemonnier.com www.mathildemonnier.com nîmes - 30 Carré d’Art Musée d’art contemporain tlj sauf lundi de 10h à 18h tél : 04 66 76 35 70

Olivier Mosset Travaux 1966 - 2003 15 octobre - 9 janvier 2005

salses - 66 Forteresse de Salses en permanence : Salses-le-Château commande publique de Toni Grand Les Gardiens de Fûts de Erik Dietman tél : 04 68 38 60 13 tlj 10h-12h et 14h-17h et jusqu’au 31 décembre : Sorties 40 ou 41, autoroute A9 Co-intégral de Daniel Firman

Agenda complet des manifestations et des expositions en Languedoc - Roussillon sur le net : www.cd5.org

coordination et promotion de l’art contemporain en languedoc-roussillon l’actualité sur le net : www.cd5.org

5 rue bayard 34000 montpellier tél - fax : 04 67 99 57 42 mail : contact@cd5.org


aldébaran

panoplie

castries, hérault - membre de

www.panoplie.org - membre de

Aldébaran ancrée maintenant depuis mars 2003 à Castries affirme sa nouvelle politique culturelle ainsi que sa propre identité. Nous restons plus que jamais un lieu laboratoire et pluridisciplinaire, offrant à un vaste public la possibilité de découvrir les soirs de vernissages l'univers de création de l'artiste hôte : outre la création d'œuvres pour le lieu d'exposition, des interventions d’artistesinvités qui alimentent les goûts, les recherches et le travail de l'artiste sont présentées dans divers lieux du village sous forme d'une balade artistique. Jardins Publics / Jardins Privés, temps fort de notre programmation estivale, qui mêle les regards et les publics de domaines artistiques diversifiés (musique, théâtre, danse contemporaine, poésie, vidéo...) sera développé et amplifié dans les années à venir. Les artistes plasticiens sont invités à créer des œuvres pour les jardins privés et les arts vivants ponctuent d’évènements chaque soirée dans un jardin, place ou square public du village.

Une revue sur internet comme lieu de mixage, où danseurs, musiciens, écrivains, plasticiens, architectes, créateurs peuvent explorer les possibilités de création d'internet. Panoplie c'est aussi la rencontre et la découverte. Cet automne, un hommage à Nil Yalter au festival du film méditerranéen du 22 au 31 octobre, un cycle de rencontres à l'ECM du Carré d'art à Nîmes, des ateliers de création à la médiathèque F. Mitterrand de Sète et à l'ECM Kawenga à Montpellier et les soirées interactives à monoquini le 18 novembre et le 9 décembre. Actuellement, sur www.panoplie.org théma sur le voyage : la world-sunset-bank.com de M. Jeannès, Memorindia de KRN, Paris 3 d'A-J. Chaton, Visit de D. Marsalone, le Webflanneur d'A. Abrahams et C. Charmet, … et dans la rubrique écart : Instant Memory de P. Rydzok et P. Vitorino Oliveira et De l'avant invariablement de la compagnie Les gens du quai.

Aldébaran 7 avenue de Sommières 34160 Castries contacts : Valérie Lassalvy et Odile Grenier tél/fax : 04 67 45 49 34

Panoplie 5 rue Bayard 34000 Montpellier tél : 04 67 64 64 21 elisabeth.klimoff@panoplie.org \ clement.charmet@panoplie.org



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