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art contemporain - languedoc roussillon - octobre novembre dĂŠcembre 2012 - numĂŠro 30


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Au cœur de la Provence, à Carpentras, la pimpante Gina anime la Maison Trévier, chambres d’hôtes et restaurant, dans le cadre d’un élégant hôtel particulier XVIIIe. www.maison-trevier.com

laocoon culture - Corinne Rondeau à + ou -, + 50°53’7.53”, + 14°13’3.66”, à pied - Patxi Bergé acturama - Carré d’art - Crac - Lac le bureau de - Guillaume Leblon marc cellier - œil pour œil lauréats 2012 - bourse à la création - région Languedoc-Roussillon a-chroniques - Benoist Bouvot silhouette - Dominique Rochet la dramatique vie de marie r. - Marie Reverdy addenda

offshore est édité par BMédiation 39 avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier directeur de publication : Emmanuel Berard rédacteur en chef : Jean-Paul Guarino ISSN 1639-6855 dépôt légal : à parution impression : Atelier 6. St Clément de Rivière contacts : offshore@wanadoo.fr tél. : 04 67 52 47 37

photo couverture de Fiorenza Menini © offshore 2012 www.fiorenza-menini.com ont collaboré à ce numéro : Patxi Bergé, Benoist Bouvot, Marie Reverdy, Dominique Rochet, Corinne Rondeau crédits photographiques : Olivier Bartoletti, Gaspard Bébié-Valérian, Patxi Bergé, Philip Bernard © Fondation Adolf Wölfli, Marc Cellier, J.-C. Ducret © Lausanne - Musée cantonal des Beaux-Arts, Alexandra Frankewitz, Gilles Favier, J-C Garlenc, Jean-Paul Guarino, Marja-Leena Hukkanen © ADAGP Paris 2012, Guillaume Leblon, Dominique Rochet

vous pouvez recevoir chez vous les 3 prochains numéros d’offshore en envoyant vos coordonnées et un chèque de 10 € à BMédiation, 39 avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier


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laocoon culture corinne rondeau

Comme chaque année au début de l'été, la presse nous a convié à faire le tour de France sous l'impératif catégorique « Ce qu'il faut voir ! ». Pourtant aucune des expositions annoncées n'avait pu être appréciée, sinon sous forme de dossier de presse. Dans cette quête inexorable de l'exposition à ne pas rater, la vitesse de l'information prend le pas sur le temps du regard. Quant aux valeureuses revues mensuelles, elles ont très largement pris des airs de Don Quichotte, convertissant les expositions en géants de l'événement, et renforçant le vent dans les ailes de l'actualité. Puisqu'il est inutile de livrer bataille, faisons contre mauvaise fortune bon cœur, et posons-nous à l'ombre d'un regard rétrospectif sur quelques manifestations qui relèvent de ce qu'il faut bien appeler un symptôme. En juin, la maison rouge proposait Louis Soutter, le tremblement de la modernité, démontrant que ce Suisse méconnu en France, relégué à l'art brut pour avoir été enfermé une vingtaine d'années dans un asile de vieillards, n'était pas un pauvre hère sans culture. Auparavant, la Halle Saint-Pierre, dont la vocation est d'exposer l'art brut, nous avait offert Banditi dell'arte, une exposition en forme d'avant-garde contemporaine. Plus tôt, au Carré de Baudouin, dans le XXème arrondissement de Paris, était présenté Marcel Storr, bâtisseur visionnaire. Le balayeur du bois de Boulogne, sourd et illettré, à la limite de l'autisme, était un dessinateur de génie. Il ne faudrait pas que ces trois expositions fassent oublier l'ouverture l'année dernière de la première galerie d'art brut à Paris, la galerie Christian Berst, ni le succès de la réouverture du Lam à Villeneuve d'Ascq en septembre 2010, le plus grand musée d'art brut d'Europe, après la Collection de l'art brut de Lausanne. Et ne pourrait-on encore y inclure la nouvelle Triennale de Paris qui a tenté de revitaliser la scène mondiale et contemporaine par une vision indigène ? Quant au reste de l'actualité, c'est plutôt le marasme. Voici quelques traits de capitulation : des critiques se crispent sur l'économie du marché ; le grand mixeur du patrimoine et de l'art contemporain, en offrant un spectacle de paillettes et d'acier inoxydables, a fini d'interroger la pertinence d'un tel rapprochement ; la prolifération dans l'espace public et l'espace privé des mêmes artistes, têtes de gondole des grandes galeries parisiennes, exténue les plus endurants ; la ritournelle des discours solidifie la présence d'œuvres et d'artistes dans le circuit solidairement clos des musées, des galeries et des critiques, exaspérant ceux qui se trouvent à la marge. L'air de l'art contemporain s'est raréfié jusqu'à devenir le royaume de la compacité. Ce que nous vivons culturellement est à l'image d'une société qui n'a plus pour expression qu'une brutalité du visible et sature l'esprit et l'imaginaire : notre culture est à l'asphyxie. Ce n'est pas nouveau, dirait Dubuffet ! Il ne faut pas s'étonner que quelques uns se munissent d'un marteau-piqueur, afin d'attirer l'attention générale en faisant d'un mauvais bruit une bonne cause. Mais bonne cause et mauvais bruit opèrent dans la même architecture. Il faudrait une vision plus légère, sauf qu'elle reste engloutie par un aveuglement structurel. Car si cette lecture, pour le moins sombre et partiale chez quelqu'un comme moi, soumis à l'actualité, n'enlève rien à l'évidence d'un constat dans un panorama national, il faut avouer, pour ne pas se draper dans un isolement vertueux, que je participe à cette pauvreté d'action difficile à enrayer : si tous les acteurs des formes dominantes (les médias) ne parlent pas la même langue, ils parlent toujours des mêmes choses. Conséquence : la critique en s'identifiant à son support, condition de son existence et de sa visibililté, a jeté le bébé avec l'eau du bain. CQFD. L'art brut est-il la lame qui vient couper le serpent en deux, façon d'ouvrir une brèche dans la compacité ? En place d'une unité dont la nature devient sclérosante, la coupure représente

Louis Soutter (1871 - 1942). Tête d'homme sur fond carrelé, 1935-1942. Peinture au doigt, 34 x 25,4 cm. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts. © Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts. Photo : J.-C. Ducret


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moins une solution que la nécessité d'un appel d'air… avant que la compacité ne se reforme ! La vision est efficace mais un peu simpliste et singulièrement dépourvue de recul. L'art brut n'est pas nouveau, même s'il est encore jeune. Il occupe un territoire légitime en France depuis l'après-guerre et Jean Dubuffet. Légitimité sans doute facilitée par l'inscription des arts primitifs dans les collections privées dans la première moitié du XXème siècle, même si dès la seconde moitié du XIXème le musée a commencé son office de grand récupérateur des conquêtes ethnologiques. Pour différents qu'ils soient, ces arts demeurent des formes culturelles auxquelles la modernité a donné accès en introduisant dans le mode de perception d'une civilisation l'hétérogénéité dans l'homogénéité. Véritable chamboulement où l'ethnologue dispute la vedette au psychiatre. Les découvreurs de nouveaux territoires et de la psyché préparaient, de fait, la scène à la nouvelle vedette, le curator ! Terme qu'on entend aujourd'hui dans la bouche de nombre d'acteurs culturels, pour qui résonne dans le mot « commissaire » une mauvaise polis qui légitime stratégies et techniques d'exclusion. Prudence des mots qui souligne la conscience de la modernité du processus d'inclusionexclusion qui court dans le contemporain, et dont l'avènement de l'art brut, dans les institutions privées et publiques contemporaines, est sans doute le nouveau symptôme. Voici pour un diagnostic des formes modernes qui ont connu le premier mouvement d'inclusion dès que les critères conventionnels d'une représentation académique ont été mis à mal par un cylindre, une sphère et un cône. Merci Cézanne ! Au-delà des frontières et de la raison, l'art moderne bourgeonne d'une variété luxuriante. Tout cela semblerait logique dans une vision historique qui a limé les rugosités, si Michel Foucault ne se rappelait pas, comme il se doit, à notre mémoire. Parlant de l'œuvre de Roussel et d'Artaud, il soulève dans Le beau mensonge une interrogation : « comment se fait-il qu'une œuvre comme celle-là, qui vient d'un individu que la société a déclassé – et par conséquent exclu – comme malade, puisse fonctionner, et fonctionner d'une manière absolument positive, à l'intérieur d'une culture ? » Comment l'exclusion vient-elle à se normaliser et à être une nouvelle inclusion et expansion dans et de la culture ? Une série de questions demeure : pour quelles raisons, et comment des formes culturelles sont-elles institutionnalisées comme formes artistiques ? Comment l'éthique se mue-t-elle en esthétique ? Depuis plus d'un siècle, la culture occidentale organise son autorité à partir d'un mouvement d'inclusion et d'exclusion. On est bien obligé de constater qu'on ne peut pas, simplement et spécifiquement, porter un regard esthétique sur les formes, sinon à négliger ou nier leur mode d'apparition dans le champ social et scientifique. Mais il y a un autre indice à relever : la force de légitimation du discours. Discours dont Foucault a révélé qu'il n'existerait pas sans une forme dominante qui détermine vérité et normes à une époque donnée. C'est l'ordre des lois. L'absorption n'est que le processus d'une institution qui inclut l'inquiétude que suppose l'étranger plus que l'étrange. La force du discours, car il a aussi une vertu, c'est de pouvoir inclure dans la civilisation à un certain moment la possibilité de rendre visible et lisible ce qui se tenait derrière les murs du cimetière, de l'hôpital, de la prison. Merci Foucault ! De la même façon que l'art s'est mis à bourgeonner, les discours ont proliféré. Et même le plus naïf des amateurs d'art aujourd'hui ne peut aller contre. Tout discours finit par arracher à l'objet sa matérialité. C'est de là qu'il faut interroger la présence des cartels et l'attitude du spectateur qui, penaud, renonce à tout désir d'expérience avant même d'être face aux œuvres, et s'en va répétant : « je ne peux pas comprendre si je n'ai pas connaissance au préalable de ce que l'artiste cherche à faire ». Entendez par là : ce qu'il a dans la tête. Cette abnégation repose sur des formes historiques du discours. Tout s'emballe dans les années 60. L'art conceptuel valorise l'idée, donnant lieu de la part des artistes à des propositions et des discours, comme processus déterminant la réalisation des œuvres, voire leur non-réalisation. Propositions et discours qui sont partie prenante de la procédure artistique, et se distinguent des réflexions expérimentales des modernes, qui laissaient parfois aux poètes le soin d'y mettre d'autres mots. Parallèlement à l'art conceptuel, le pop exulte avec sa vision du commerce des images et rameute les plus indifférents vers la société. Or même si elle en regorge, l'histoire contemporaine n'a pas donné raison aux images, le pouvoir est resté au discours. Le contemporain est l'inversion spéculaire du

Louis Soutter (1871 - 1942).

Le héros, 1937-1941, 61 x 42 cm. Le colis froid, 1938. Peinture au doigt, 51,2 x 68,3 cm. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts Jeux, 1937-1942. Peinture au doigt, 44,4 x 57,7 cm. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts © Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts. Photo : J.-C. Ducret


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moderne qui avait à faire avec le surréalisme, le lyrisme, l'orphisme, l'expressionnisme… c'est-à-dire avec un travail de l'image et de l'imaginaire dans la grande constellation moderne. Dans l'exubérante et proliférante modernité, l'art, joliment défini par Apollinaire comme « écartèlement », représente pour chacun un rapport perceptif et subjectif au monde et à la création. Rapport qui connaîtra ses heures de gloire, du cubisme à l'expressionnisme abstrait, en maintenant l'expression du côté de la matérialité. Les textes auxquels il donne lieu ne relèvent pas d'un discours dominant mais d'explorations singulières. Dans les années d'après-guerre, alors que s'installent des discours procéduraux et non plus expérimentaux, l'œuvre devient immatérielle, et ne dépend plus de la subjectivité. Mais soulignons qu'il s'agissait moins alors d'une position théorique que d'une nécessité d'éliminer la forme comme expression d'un sujet. Les propos de Sol LeWitt sont clairs : le dessinateur qui donne forme à la procédure parachève l'équivalence entre l'idée et la réalisation. L'œuvre est une égalité – au sens politique du terme – qui règne entre tous les acteurs de l'idée à la pratique, sauf pour ceux qui pensent que faire est dévalorisant à l'égard de penser. Les discours procéduraux inscrivent une distance qui, du point de vue de l'artiste, vivifie ce qu'il entend par art. Quant aux commentateurs, qui leur ont collé rapidement le train, ils ont peu à peu obturé le rapport entre la procédure et la réalisation, à cause de l'immatérialité qui leur offrait l'espace d'un méta-discours. De cette dynamique intrinsèque, partagée par des artistes qui ne fondèrent jamais de mouvement, le discours procédural est bientôt devenu condition d'une méta-analyse de la critique, accroissant avec les années l'immatérialité. L'œuvre n'est plus un centre névralgique. L'apparition de l'art brut sur la scène de l'art contemporain correspond au degré le plus bas du discours critique, parce que cet art ne relève pas d'une culture dominante. Nouvel Eldorado, il reste une terre vierge, la matérialité est sauve ! Mais le principe de réalité nous conduit à observer l'explosion actuelle de sa côte. L'économie est déterminante pour comprendre le symptôme. Le discours a opéré une immatérialité d'avec l'œuvre, mais l'économie la réopère avec sa puissance propre : la violence symbolique du rapport inclusion/exclusion. L'économie n'est pas un discours, c'est une virtualisation qui a des effets dans le réel. Si la distance entre œuvre et discours a fondé une immatérialité en droit et en expérience avec une procédure d'art, l'entrée de l'art dans l'économie de marché produit sa dématérialisation. La manifestation de l'art brut démontre dans cette situation, où les forces créatives et les sources d'énergie se tarissent, que l'économie est devenue la nouvelle forme technologique du contrôle et de l'esthétisation du politique. Il n'est pas difficile de comprendre qu'on inclut, en réaction à l'asphyxie, l'exclu pour faire circuler un peu d'air dans une atmosphère viciée à force de compacité, comme l'argent liquide dans une situation de crise. Ainsi le nerf de la guerre n'est plus de prendre le temps de regarder comment une couleur est posée sur une toile, comment une forme organise l'espace, de saisir l'expression d'un style, etc., mais de faire tournoyer société, morale, économie, politique. Quoi de plus naturel que d'aller chercher de l'exclusion pour faire respirer l'inclusion ? Quand tout le marché se trouve saturé à force d'absorption, on se retourne vers la bonne vieille mécanique moderne. D'abord pour redynamiser le circuit économique, ensuite parce qu'il faut injecter de la nouveauté dans la circulation des œuvres qui, toutes sirènes dehors, ont elles-mêmes pris la forme de la compacité : la société, l'économie, le politique dans l'art… l'art dans la société l'économie, le politique… Peut-on s'étonner que des collectionneurs passionnés et assidus à la création de leurs contemporains finissent par avouer au détour d'une conversation leur découragement : « ras le bol de l'art contemporain ! » Si le collectionneur se tourne vers l'art brut, en même temps que les musées, ce n'est pas seulement pour garder pignon sur le marché et s'assurer d'un régime de la propriété, c'est pour satisfaire une sensibilité d'expérience à l'égard de la matérialité. Ce collectionneur démontre qu'il est un corollaire du symptôme dans la grande mécanique de l'inclusion et de l'exclusion : s'il va chercher de la matière ce n'est pas par goût de l'expérience sensible, c'est parce qu'à partir de cette expérience il fait la distinction entre immatérialité et dématérialisation. Il reste de la matière dans la dématérialisation. CQFD !

Adolf Wölfli

Skt. Adolf=Graab=Quellen=Schloss, 1918. Fondation Adolf Wölfli, Musée des Beaux-Arts, Berne (Suisse). Photo : DR. © Fondation Adolf Wölfli

Bettania Gotes = Aker, 1927. Photo : Philip Bernard Fondation Adolf Wölfli. Musée des Beaux-Arts, Berne (Suisse).

Corinne Rondeau est Maître de conférences Esthétique et Sciences de l’art à l’Université de Nîmes, critique d’art, collaboratrice à La Dispute sur France Culture


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« L'art se présente comme médiateur entre l'homme et la nature. » Voilà ce que prétendait le peintre Caspard David Friedrich, et ainsi donc, au passage, ce que doit sembler incarner sa peinture. Voilà une phrase intéressante, parce qu'elle aligne de façon rapprochée et séduisante (parce que rapprochés) les mots art, homme et nature. Mais l'on fera quasiment fi (mais sans dédain), dans le texte qui suit, de la notion d'art, pour nous attarder surtout sur l'homme et la nature, et de ce si clairement dit médiateur (art ou autre) qui les « médiation-ne ». Au premier abord, il est à noter que la pertinence d'un tel propos n'est validée que parce qu'il est établi qu'un tel rapport homme/ nature existerait. Que l'art se charge de les faire s'entendre vient postérieurement à ce rapport constitué. Si l'on envisage bien qu'il y ait médiation entre nature et homme, c'est que l'on préfigure que la nature et l'homme se jaugent dans un rapport, que l'un se rapporte à l'autre, et inversement. Or, considérant la chose autrement, l'on peut chercher en vain la prétendue conciliation qu'il pourrait y avoir entre la nature et l'homme, à partir du moment où l'on n'envisage plus ce rapport homme/nature en tant que tel, mais que l'homme faisant partie de la nature, il évolue en son sein – et non en face d'elle : il n'y a donc aucune médiation possible, la nature ne négociant rien avec l'homme. Lorsque le romantique allemand peint sa toile, il détermine, par cet acte, un dualisme entre lui et la nature, et qui les place faceà-face, ou plutôt qui déduit de l'homme qu'il s'affirme en dehors du champ de la nature et qu'il a donc ainsi affaire avec elle en tant que séparé d'elle. En fait, le rapport romantique à la nature est avant tout, si ce n'est seulement, un rapport de l'homme à luimême; un peu comme une échappatoire narcissique dans laquelle le romantique du XIXème s'est précipité, implorant un Dieu en ce qui est Nature, pour fuir ce que lui, et à l'image de l'ensemble du genre humain, était en train de devenir : un homme mécaniquement assisté. Il tentait de s'étourdir en invoquant la nature alors considérée comme un des derniers remparts, s'étourdir de son devenir pour mieux s'en débarrasser ; se réfugier dans l'idéalisme religieux pour mieux esquiver la raison industrielle ; diviniser ce que l'époque était en train de transformer. Il est alors curieux de se promener aujourd'hui dans ce qui était le lieu de repli de l'époque romantique, et de voir à quel point l'idée d'une nature séparée de l'homme est passée d'un mysticisme narcissique à un tourisme débile ; ceci au travers du prisme de ce paysage autant convoité par les peintres du XIXème que par les « visiteurs » du XXIème : la Suisse Saxonne.

Non, il n'y a pas de forêt derrière l'arbre, Monsieur Friedrich Mais, me demandais-je, par quel chemin est-il passé ? Quelles choses a-t-il vues, que je n'arrive à reconnaître aujourd'hui ? Ces rochers

qu'il a pu peindre ne sont pas ceux qui sont là, dressés devant mes yeux. Et pourtant, s'il y a bien une chose que nous avons la possibilité d'avoir en commun, Friedrich et moi, ce sont bien ces rochers. Mais ils me semblent tellement différents de ceux qu'il a vus. En réalité, il paraît peu probable que les rochers que Friedrich ait vus deux siècles plus tôt soient « différents » de ceux qui forment aujourd'hui la région que l'on appelle la Suisse Saxonne, à 40 km de Dresde. Non, il est même clair que ce sont les mêmes. Ce qui diffère ne réside pas dans la nature propre des rochers – au sens de ce qui les constitue – mais bien dans ce que l'on en dit, dans ce que l'on en peint. La sensation de « différence » qui existe lorsque l'on évolue au sein de la Suisse Saxonne, tout en ayant en tête la peinture de Friedrich, est provoquée par le décalage qui s'opère entre les vrais et les peints, mais qui est un décalage allant au-delà de celui du phénomène de représentation : Friedrich a peut-être vu des rochers et des arbres, mais il y regardait toute autre chose. Ce regard qui crée une différence lorsqu'il se mue en geste puis en peinture n'a donc rien de naturaliste. Encore pourrait-il l'être, s'il opérait dans une volonté imitatrice d'un « je vous re/montre la nature pour ce qu'elle me paraît être » ; mais il n'en est rien. Le romantisme de Friedrich est résolument une posture de séparation de l'homme vis-à-vis de ce que serait l'idée d'une nature puisqu'il la saborde par une peinture-montage, un trucage au service de ses aspirations personnelles, jouant d'éléments comme pourrait le faire un dessin purement imaginaire, et qui place toujours l'homme face au divin, davantage qu'à la nature, en tant que sujet. S'il se promena bien dans la Suisse Saxonne, il n'y croqua les éléments aucunement pour leur potentiel propre de « représentés », mais simplement pour en détourner la valeur initiale, autrement dit pour les symboliser. Sa peinture n'est donc pas tant une médiation entre l'homme et la nature, pour reprendre son expression, mais bien la métaphore dans laquelle la représentation peinte du soleil, d'arbres, d'eau, de rocs et autres éléments désignés sous l'étiquette « nature », sert de formulation de ce que serait pour Friedrich l'allégorie d'un accès identitaire de l'homme au divin. En d'autres termes, la nature en tant que médiateur de l'homme à sa représentation du divin. Mais discuter des enjeux véritables de la peinture de Friedrich n'est pas exactement le propos ici, et ce texte ne porte en lui aucun accablement sur le peintre ou sur ses compères romantiques du XIXème siècle – au contraire. L'idée est surtout de pointer un fait, qui est qu'historiquement l'on a fait des romantiques de beaux naïfs chérissant la nature, des poètes débordant de sensibilité, leur permettant de cohabiter intensément avec des fourmis ou la goutte d'eau se versant d'une fougère, et ceci des heures durant. Or ce fait-là paraît à présent mis en doute, puisque le peintre romantique semble davantage venir à la nature, comme Friedrich le faisait dans la Suisse Saxonne, pour ramasser des paquets de symboliques servant par la suite à la composition de ses tableaux, plutôt que pour être à la nature, y être en tant que cohabitant d'un ensemble. Et cette attitude – établie par le rapport de séparation de l'homme et de la nature – ne semble pas si éloignée, bien que dans la forme, de l'attitude qui est la notre de venir à la nature en 2012 ; Dieu en moins.


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de pique-nique et signalisations en tout genre, et où existent aujourd'hui certainement plus de déchets humains qu'à l'époque où ceci n'était pas prétendu « naturel ». L'homme, dans son ensemble, ne cesse de parler de nature, et c'est bien le symptôme le plus évident de l'illusion qui le berce dans son rapport à elle : le parlé est certes audible par la nature, mais il n'est en rien quelque chose qui lui parle. Caspard David Friedrich venait en bottes y remplir ses carnets à dessin pour fantasmer sur Dieu, nous venons munis de semelles orthopédiques surcharger nos appareils photos numériques de clichés souvenirs. Les modalités ne sont pas les mêmes, mais le fond si : la nature, en tant que pièce rapportée de l'homme. Elle était la médiatrice de Dieu et de l'homme, elle est aujourd'hui le prolongement de l'éventail de divertissements que propose l'activité humaine. Nous en sommes même venus à payer certaines parties où se promener, acceptant donc l'idée d'une « nature à forfait » facturée telle la redevance télé. En somme, il semble que la nature ait tout d'artificiel, depuis la plus solide de ses bases-mêmes : le mot nature qui la désigne. Et ce mot là que nous prononçons fait se retourner tout alors l'attention sur nous-mêmes : nous sommes bien ce spectre par lequel le monde n'est qu'un artifice.

Donner la pièce à la nature : la belle idée Rester quelque temps derrière cet homme en chemise/jean/bâton télescopique démontre bien ceci : nous sommes aujourd'hui davantage « proches » de la nature que ne l'était Friedrich au XIXème siècle, si l'on considère ce point à partir de la facilité que nous avons d'y accéder. Nous nous sommes tracé des routes pour y parvenir, que nous avons habillées de snacks et de boutiques souvenirs. Nous avons creusé la roche pour y établir les rampes et escaliers nous permettant de la gravir. Et c'est bien là tout le paradoxe du rapport homme/nature qui persiste encore de nos jours, et qui prend cette fois-ci des tournures bien plus absurdes que mystiques. Car cette idée d'une nature séparée de l'homme développe au XXIème siècle un mouvement double : plus on avance vers elle, dans ce premier mouvement que serait l'empathie, plus on établit un ensemble d'infrastructures qui nous font reculer d'elle, dans un deuxième mouvement qui vient de cette persuasion que l'on a d'avoir affaire à elle en tant que « chose à visiter » plutôt qu'endroit où éventuellement passer, et juste passer. Plus on a soif de nature, plus on la domestique ; plus on la domestique, plus on s'empresse d'en classer certaines parties en « Parcs naturels », telle la Suisse Saxonne, où ne cessent pour autant de pousser des aires


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Les œuvres de Eija-Liisa Ahtila sont toujours liées à la représentation de situations émotionnelles très fortes en relation avec des sujets relevant de l’adolescence, la perte, la souffrance, la sexualité et la complexité des relations humaines. Elle aborde des thèmes à la fois intimes et universels en utilisant les conventions du film documentaire qui peuvent basculer, très vite, vers les procédés de la fiction pour laisser place à l’imaginaire. Les dispositifs, parfois théâtraux, qu’elle met en place, permettent aux spectateurs de s’immerger physiquement dans la narration, d’entrer au cœur des images et des tourments des âmes des protagonistes. La Maison, 2002, installation de 3 projections, Courtesy Marian Goodman Gallery, New York & Paris. Photo Marja-Leena Hukkanen. © 2002 Crystal Eye Ltd, Helsinki © ADAGP Paris 2012

Carré d’Art - Musée d’Art Contemporain, Nîmes (30) Eija-Liisa Ahtila, Mondes parallèles. 12 octobre - 6 janvier 2013

J'ai découvert, la première fois l'œuvre d'Olivier Bartoletti grâce à Noël Dolla. Il s'agissait de tableaux remarquables qui dialoguaient avec une certaine peinture abstraite américaine, notamment, celle de Jonathan Lasker ou de Fabian Marcaccio. Du moins en apparence, car la peinture était mise en cause, au point de presque disparaître mais ce presque changeait tout car il ne s'agissait plus d'une mort mais d'une métamorphose d'un tableau en un « objet » indéfinissable. Cet état des choses éclaire la position d'Olivier Bartoletti qui conçoit le monde, les formes, à partir de la peinture c'est-à-dire à partir d'une disposition conceptuelle et mentale l'éloignant du littéral, de « l'objet d'art ». Extrait de Poser l'insaisissable, Olivier Kaeppelin. Olivier Bartoletti. Captures d'écran du film La Playa del Sordo, Barcelone, 2012

CRAC - Centre Régional d’Art Contemporain, Sète (34) Olivier Bartoletti - La Playa del Sordo / Marcel Dinahet - Regarder la mer / Régis Pinault - Etat second. 26 octobre - 14 janvier 2013

Prenant acte, à l’échelon mondial, de la persistance et de la recrudescence des pratiques picturales en ce début de 21e siècle, Peinture 2020 Malerei s’intéresse – dans une visée scientifique tout autant que prospective – à l’évolution de la peinture à l’horizon 2020. La question générale sous-tendue pourrait se formuler comme suit : où va la peinture ? Pour tenter d’y répondre, le projet entend mettre en parallèle situation française et situation allemande, autrement dit la situation de deux pays d’une même aire géographique mais dont l’histoire politique, économique, sociale aussi bien qu’artistique a sensiblement varié dans un passé proche ; il s’inscrit donc, au plan méthodologique, dans une perspective comparative, pratique scientifique largement admise en sciences sociales. Hervé Senant Ci-contre : Mural de Lotte Günter

L.A.C - Lieu d’Art Contemporain, Sigean (11) Peinture 2020 Malerei. Œuvres d’élèves et anciens élèves des écoles des Beaux-arts de Toulouse et de Mayence. 13 octobre - 18 novembre 2012


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Guillaume Leblon MRAC - Musée régional d’art contemporain, Sérignan 18 novembre 2012 - 24 février 2013


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marc cellier œil pour œil

// martres belettes râles d'eau étourneaux ragondins sangliers fouines corneilles corbeaux lapins geais marcassins hiboux buses perdrix

Ci-dessus et ci-contre : Photographies extraites de la série Entre chien et loup, 2011. Tirages argentiques lambda d'après scan de nu négatif, contrecollés sur dibond, 50 cm x 50 cm chaque, réalisées avec le soutien de la Région Languedoc-Roussillon.


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// chevreuils blaireaux lièvres renards cerfs faons lynx bécasses merles lézards // que faire sortir des maisons ? // réverbères (encore) : fixes immobiles toujours là (sauf ampoule grillée) le décor exposé // dépouilles d'animaux sauvages au-dessus de la télévision sur les murs du salon (ne suis pas entré dans les chambres) dans des vitrines dédiées ou des pièces réservées ou dans des « pavillons de chasse » : moellons et pièces à découper (gros gibier, stockage empaillés et congélateurs) // « philosophie animale » : « comment dire que les animaux nous regardent ? » // la nuit, vus vivants ; le jour, vus morts sur les routes ou consommés // que connaît-on des bêtes sauvages : les contes, les histoires ? le « sauvage » propices aux fantasmes // animaux empaillés // territoire et communauté // partir d'une photographie qui pourrait être l'illustration d'un conte mais utiliser le décor (le lieu) comme point de départ vraisemblable des animaux puis aller en ville ? // nuits repérages à Béssèges // martres belettes râles d'eau étourneaux ragondins sangliers fouines corneilles corbeaux lapins geais marcassins hiboux buses perdrix // beaucoup de têtes beaucoup de massacres // trouver des animaux entiers // trop cadavre à la maison // B. m'a appris hier soir à rallumer les réverbères de la commune qui s'éteignent à 23h. attention ampoule chauffe bien 2mn avant de donner sa pleine puissance // vu un crocodile et des singes un loup et des serpents gigantesques et des culs de chevreuils (commande spéciale) // prises de vue à Béssèges : un voiture est repassée 3 fois pour photographier en roulant un marcassin sur le trottoir // les humains se reflètent dans l'œil de verre des animaux // les trophées, les concours // du temps pour un rapport intime avec les lieux possibles // trouver un cerf entier // diaph 11-24 sec/48 sec // « l'homme, cet animal qu'il n'est plus » // Gaston Phébus « Le livre de la chasse et de la nature » : le chevreuil est l'animal le plus difficile à traquer (page ?) // observer, étudier l'animalité c'est considérer l'humanité // grives courlis faisans chats sauvages canards (toutes sortes) rapaces nocturnes (toutes sortes) vautours (énormes) // services vétérinaires pour autorisation de transport des animaux protégés // fédérations départementales de chasseurs, le parc national des Cévennes et le musée de la chasse et de la nature (rue des Archives) // pas d'animaux sauvages « exotiques » pas d'exotisme // droits des animaux ? // ne pas rester dans la fable ni le conte (il était une fois... ailleurs) mais plutôt dans le fantastique réel // repérages dans la périphérie d'Alès : longs longs longs // voir ce que l'œil sans appareil photo ne peut voir // rester sur la Kodak 160 asa couleurs naturelles (!) // photographier ce qui est probable mais presque impossible // photographier : ranger le monde ? possibilité de ranger le monde d'une autre façon ? « qui s'accorde à nos désirs » ? // prévoir une série de 20 tirages maximum // « La peinture de la vie moderne " C.B. // prises de vue à Alès : moins d'agressivité que pendant « sols mineurs », les gens se foutent beaucoup plus de moi, de nous ou passent en se frappant le front de l'index // faire le « compte » des « assistants » : jamais le ou la même sauf exception // au fond si je n’avais pas d'appareil photo, aurais-je le moyen de m'aventurer hors de chez moi ? // ne pas (plus) se contenter d'enregistrer le réel // nuits repérages à la Grand-Combe // géographie personnelle, intime du territoire // ne pas séparer (comme dans un couple) documentaire et fiction // il paraît que les chacals remontent du désert vers nous il parait qu'ils sont déjà en Espagne // un couple de loups est arrivé dans les Cévennes. Ils viendraient d'Italie. personne ne les a vus arriver, personne ne les a croisés et pourtant leur chemin a été long // des sangliers se sont perdus en plein jour dans un centre commercial de Créteil // dans les rues de Berlin on en croise aussi // l’urbanisation morcelle, ils finissent par se perdre // si la plupart des animaux ne sortent que la nuit (alors que certains sont diurnes) c'est qu'ils nous ont observés pour savoir quand et par où passer sans trop de risques // les histoires de chasse : souvent il manque la fin, par exemple pour ce cerf magnifique dont la tête colle au mur d'un salon : récit de la beauté de la marche juste avant l'aurore et du paysage jusqu'à un lac sur lequel le soleil se levait, jusqu'à l'apparition au bord de l'eau d'un cerf majestueux (troisième trophée d'Europe, 21 cors, la taille d'un cheval, gros gabarit, comme aux États-Unis), jusqu'à l'émerveillement du chasseur devant l'animal et puis c'est tout. Il ne reste plus qu'à contempler le mur et à recoller les morceaux // peut-on se sentir écrasé par tant de beauté au point qu'elle en deviendrait insupportable ? // la transmission des armes à feu dans les familles // il y a des carabines qui avec leur lunette de tir ont une caméra intégrée pour voir où l'animal a été blessé et savoir si ça vaut le coup de le poursuivre // « combien de fois avez-vous regretté de ne pas pouvoir revoir et partager avec vos amis vos meilleures scènes de chasse ? » // trop de cadavres à la maison, trop longtemps.


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lauréats 2012 bourse à la création - région languedoc-roussillon

Jean-Marc Demay vit et travaille à Montpellier (34) http://jeanmarcdemay.com

Éponymes est une série de dessins numériques représentant des dispositifs déjà réalisés par le passé, ou qui sont restés à l’état de maquette / projet. Le gabarit de la composition est calculé en fonction de la taille réelle de l’objet, 1/2 du volume de référence. Les questions d’aller-retour entre l’ébauche du projet, le volume et sa représentation en 2D, rejoignent les problématiques liées à l’architecture ou les dépliants de montage. Cette série invite à rejouer la notion de construction mentale et matérielle et donne à penser différemment ce qui était en jeu lors de la construction de la pièce matérielle. Ces productions ont d’ailleurs une esthétique « notice d’assemblage » par leur facture minimale mais dépourvues d’indications techniques, devennant des dessins muets.

Mes projets jouent sur le léger déplacement des signes qui composent notre quotidien. Deux axes semblent récurrents : une volonté de proximité voire d'échange avec les spectateurs, usagers anonymes de ce réel et un questionnement sur notre relation au monde, sur notre capacité ou non à agir sur celui-ci. Ces propositions ont à voir avec la fable. Jeu à la fois ténu et infini à partir de ce qui est à portée de main et qui ouvre sur la possibilité de nouveaux agencements. SOMMES s'inscrit dans cette dimension. Donner corps à un mot qui semble affirmer une évidence, dans une sorte d'horizontalité – le verbe conjugué à la première personne du pluriel. Mais, à peine énoncé, il affirme en quelque sorte son contraire : sa dimension incertaine et fragile. Pour le projet, ce mot prend la forme d'une enseigne lumineuse, au charme un peu désuet. Chaque lettre est réalisée en caisson et une animation lumineuse parcourt l'ensemble de manière aléatoire, jusqu'à suggérer un dysfonctionnement.

Exposition du 25 octobre au 8 décembre, Galerie Vasistas, Montpellier.

La pièce pourra être installée dans un espace d'exposition ou dans l'espace public.

Julien Garnier vit et travaille à Montpellier (34) www.juliengarnier.fr

Audrey Martin vit et travaille à Sommières (34) www.audreymartin.eu M2K2, 2012. Installation in situ, ballon de 150 cm de diamètre gonflé à l'hélium, recouvert de 1400 feuilles d'or blanc, sonde météo. Photo JC Garlenc

Une fois le ballon gonflé, les feuilles d'or blanc sont collées une à une jusqu'au recouvrement total de l'objet. Les matières sont alors comme suspendues et cette nouvelle surface, lunaire, fait référence au déplacement du ballon dans l'espace du ciel. La sonde installée au sol a été récupérée par un « chasseur de sondes météo » qui les traque, comme dans une chasse au trésor, grâce aux fréquences particulières qu'elles émettent. Cette pièce prend du sens dans le contexte fragile des fluctuations économiques. A la fois poétique et manifeste, M2K2 interroge les changements climatiques et monétaires. Pièce exposée dans le cadre de la Mostrà de Mende en avril 2012.

Le dispositif d’aide individuelle à la création dans le domaine des arts plastiques et visuels, mis en place par la Région Languedoc-Roussillon, s’inscrit dans une démarche volontaire d'accompagnement des artistes. Il a pour but de soutenir la création contemporaine dans sa diversité, de permettre aux artistes de la région d’exercer dans les meilleures conditions leur activité sur le territoire et de favoriser l’implantation de nouveaux créateurs en Languedoc-Roussillon. Informations sur www.laregion-culture.fr


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Nitin Shroff vit et travaille à Londres et Saint-Chinian (34) www.nitinshroff.com

Safia Bahmed-Schwartz vit et travaille à Montpellier (34) www.safiabahmed-schwartz.com

Idylle est un recueil de dessins quotidiens aux crayons de couleur. Ce cahier d’étude, de notes, cette page blanche que chacun a, caché dans sa poche ou son sac, Safia l’ouvre au lecteur. Réutilisant la focale à travers laquelle la sexualité est abordée dans nos sociétés contemporaines, elle cherche avec dérision à cristalliser les rapports qui persistent dans la relation à l’autre.

Idylle est disponible sur fnac.com

Les vidéos de Nitin Shroff explorent subtilement les liens qui unissent les diverses influences culturelles qui inspirent ses recherches. Ses dernières pièces témoignent du « Midi » comme laboratoire de création couvrant des siècles au travers d’un court métrage, hommage au cinéma français et sa dette envers la géniale création du Canal du Midi ou encore un travail photographique et scuptural autour de la sculpture de Jean-Antoine Injalbert (1845-1933) produites à la Villa Antoine de Béziers, ancienne résidence d’été du sculpteur. Cette dernière pièce « Traversée » a été montrée dans le cadre de l’exposition Indian Gaze du 13 avril au 3 juin 2012 au L.A.C. (Sigean) ; exposition dont il fut aussi le commissaire.

Nora Martirosyan vit et travaille à Montpellier (34) Gaspard Bébié-Valérian / Art-Act vit au Vigan (30) www.art-act.fr

Éventées est une installation sonore faite à partir de bouteilles de champagne vidées et remplies d'eau à des degrés différents, chacune produisant une note musicale particulière et correspondant à la partition de L'Internationale, hymne populaire et fédérateur de la classe ouvrière, datant de 1888 et toujours d'actualité. Soit, questionner la prégnance d'une mythologie et mettre en contradiction des symboles antagonistes et ce, dans une visée contestataire. Pièce présentée au Festival DELCO, galerie Le Lac gelé, Nîmes / Utopiantes, Aubais / Biennale d'art contemporain de Santiago du Chili / Art Souterrain, Montréal (2013)

Le brave soldat Chvèïk et mes autres héros Le projet - installation vidéo - se questionne sur les héros d'une guerre à partir du « Brave soldat Chvèïk », le personnage du roman de Jaroslav Hasek au titre éponyme, soldat de l'armée hostro-hongroise et anti-héros par excellence de la première guerre mondiale. Le personnage littéraire entre en dialectique avec les territoires d'une véritable guerre, celle du Haut Karabagh. En parallèle, sur la scène de Beaubourg, Jean-Yves Jouannais qui construit aujourd'hui oralement son encyclopédie des guerres devient lui-même un personnage fictif en équilibre précaire entre les guerres passées qu'il décrit et un conflit contemporain non résolu. Nora Martirosyan poursuivra son travail de recherche à La Villa Médicis - Académie de France à Rome, d’avril 2013 à avril 2014.

Gilles Favier vit et travaille à Sète (34) http://gilles-favier.com

Fatumbi est un travail photographique en suite à 10 ans d’allers et retours entre un village traditionnel du Bénin et la Côte du Cacao au Brésil. Dans les pas de l’ethnologue et photographe Pierre Verger – premier à documenter les cultures africaines au Brésil – 50 ans après lui, il s’agissait de retrouver, sur le continent américain, les descendants des africains victimes de la traite négrière, de reconnaître des visages, des cérémonies, une façon toute personnelle d’écrire « mon histoire de l'esclavage ».

Alexandra Frankewitz vit et travaille à Sète (34) www.alexandra-frankewitz.fr

Des Aires, web-documentaire, est un travail en cours, mené conjointement avec l’ethnologue Gaëlla Loiseau. Nourris de portraits d'hommes et de femmes liés à la question de l'habitat léger et mobile, dans un langage posé et documenté, les fondements du débat et de l'incompréhension séculaire entre nomades et sédentaires sont posés. Hissé par le capitalisme au rang des denrées rares assujetties au profit et à la spéculation, l'habitat n'est pas un sujet anodin. Rien d'étonnant à ce qu'au sein des classes populaires, premières dépossédées de cet instrument privilégié du bienêtre, l'habitat hors norme ait acquis une certaine forme de noblesse, symbole d'insubordination, mais surtout d'un épanouissement libéré de la pesanteur conformiste.


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a-chroniques benoist bouvot

De la télécommande au fusil d'assaut

A l'heure où de nombreux concerts n'engagent plus qu'un ou deux corps derrière des platines ou un ordinateur, que la scène se transforme en simple piédestal pour diffusion sonore et jeux d'images programmées, que la question du live ne se pose plus nécessairement autour de l'exécution instrumentale, elle sait aussi se vider totalement de la présence charnelle. L'enregistrement de « Eight Studies for Automatic Piano » de Seth Horvitz au Mill's College nous replonge dans la recherche des minimalistes et de certains compositeurs du XXème siècle. A l'écoute de ces huit pièces pour piano commandées par ordinateur, on reconnaît les influences et on pense aux travaux de Conlon Nancarrow avec ses recherches polyrythmiques pour piano mécanique, mais il s'agit de tout autre chose, car nous sommes bien en 2011 quand cette musique est enregistrée 1. Les scènes vides qui laissent place à l'automatisme de machines qui déclenchent des instruments acoustiques n'ont rien de révolutionnaire, Heiner Goebbels est passé par là pour ne citer que lui. Ce qui se joue ce soir-là au Mill's College est d'un tout autre ordre.

Le montage vidéo qui permet de voir la ligne d'horizon des touches blanches et noires, tant dans la salle que dans la restitution filmée de la soirée a une double valeur paradoxale : le constat et l'hypnose. Nous avons tous en mémoire le piano mécanique qui fait entendre des airs connus, et notre impression face à ce fantôme qui joue l'instrument. Ici, il n'est nullement question de spectre. On assiste au mouvement commandé sans penser au musicien absent. Notre quotidien assisté par ordinateur nous interdit le moindre élan de mysticisme, simples spectateurs des ordres répétés de l'univers numérique sur l'action acoustique. Les premières secondes nous sommes les témoins passifs d'un piano solitaire abandonné sur une scène totalement vide. Le moment du constat passé, le regard s'échappe de l'instrument pour se concentrer sur le seul clavier. L'attention se laisse emmener par la musique dans une contemplation du mouvement des touches qui absorbe la pensée comme une ondée passagère. Chaque note devient une donnée individuelle, une traction graphique qui organise le son. Au-delà de l'intelligence de cette musique, le simple phénomène de la commande visible dans la présentation live de ces pièces, nous plonge dans l'évidence de notre monde d'actions programmées et de son mouvement résiduel. Si on omet l'activité cérébrale, le mouvement n'est plus le départ de l'action, mais un simple élément de celle-ci. Le cerveau programme la disparition du geste humain et code l'action physique comme l'élément d'une chaîne sans chair. Si l'oreille n'entend rien de plus neuf qu'une brillante composition de très grande finesse, l'œil assiste à la situation de notre désir de contrôle, et se laisse emporter par la fascination de l'action à distance. Il n'est donc pas si surprenant que quand Seth Horvitz commande une télévision, on lui livre un fusil d'assaut 2. 1 2

www.lineimprint.com/editions/cd/line_050/ www.leparisien.fr/international/usa-il-commande-une-television-sur-amazon-et-recoit-un-fusil-d-assaut-09-08-2012-2119126.php


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silhouette dominique rochet

Feu de camp Poncho vintage Kenzo en cachemire, chemise en laine anthracite, pantalon fuseau lie de vin, grosses chaussettes tricotées par Tatan Jeanne, chapeau camarguais, Rangers de la guerre d’Algérie ! Bigre !


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la dramatique vie de marie r. marie reverdy

Structuralisme et hygiène spectatorielle Au théâtre un soir, après Les Contrats du Commerçant 1, le public est enjoué mais coi… Amer constat que celui de la difficulté d’expression... manifestée par des formules scandées, qui font sens mais que l'on a du mal à expliquer, authentique partition pour spectateur : « C'est une véritable performance », « Il y a un vrai univers », « C'est généreux, beau, efficace », « C'est organique ». C'est passe-partout, on se comprend, mais on ne sait pas vraiment ce que cela signifie. Ne nous y trompons pas, ces phrases réfèrent à l'émotion du spectateur et non à la pièce en question. Ce sont des énoncés expressifs déguisés en énoncés descriptifs (manifestés par la présence du « c'est »). Qu’en dire de plus ? Tout d’abord qu’il faut éviter, autant que faire se peut, l'éternelle erreur qui consiste à confondre « effort physique » et Performance. Ensuite, que nous faisons un peu comme si la générosité ou la beauté étaient des propriétés de l'objet et non des jugements de valeur, morale ou esthétique. Si les notions de beauté et de générosité servent à qualifier la démarche de l'artiste et son interprétation du monde, l'objet, lui, est plutôt dit « efficace ». Quant à la métaphore convoquant la notion d' « univers », elle apparaît lorsque le réel est mis entre parenthèses, que l'œuvre semble fonctionner de manière autonome, qu'elle est assez riche et complète pour que son système de signes fonctionne par renvois internes. « Vrai » voulant dire « réussi », « objectif décelé atteint ». En revanche, la formule « organique » est plus difficile à comprendre. Outre la connotation chaleureuse car « vivante » du terme, décrivant un jeu d’interactions internes qui ne serait pas soumis à la pure logique, au seul lien cause-conséquence, à quelle réalité fait-on référence lorsque l'on évoque l'organicité d'une pièce ? Emprunté à la biologie, le terme définit, selon le dictionnaire d'esthétique d'Étienne Souriau, un objet perçu comme « un tout structuré et autonome, composé de parties différenciées qui assument les fonctions nécessaires à l'existence de l'ensemble et dont les interrelations assurent l'unité ». En ce sens il se distingue du « vrai univers », plus à propos dans le cadre de la fiction. En effet, comprenant plusieurs objets ou faits et leurs interactions, « l’univers » suggère un système de lois créant un environnement, un monde. La notion d'organisme renvoie davantage à un objet ou à un fait distinct, dans son identité propre, et à l’exploration de ses parties internes. L’organisme semble alors inapproprié à qualifier la diégèse, c'est-à-dire le monde mis en place par la fiction, car il est un élément isolé de l'univers. Mais ce n'est pas tout, l'emprunt du terme « organique » à la biologie évoque également l'idée d'évolution, dans le sens de la flèche du temps, un trajet sans retour, irréversible. Ce temps nécessaire à l'évolution organique est celui de l'histoire de l’art théâtral, celui de la forme des œuvres. Cette

inscription dans l'histoire sans cesse dépassée est un critère de la modernité, défini et critiqué par le post-modernisme qui préfère la notion de structure à celle d'organisme. La structure se définit comme un ensemble de traits (c'est à dire de rôles joués par des éléments et non pas des parties substantielles) interdépendants, constituant un système cohérent qui fonctionne soit comme régulateur, soit comme matrice productrice. Il s'agit en fait d'une sorte de canevas, de construction sous-jacente à la représentation créée. La structure est ce qui donne la stabilité, la cohésion, mais pas nécessairement le sens de l'œuvre, contrairement à « l'organisme moderne » chez qui Sens et Forme sont liés. La modernité place la forme et l’autoréflexivité au cœur de la pertinence artistique, elle correspond à la question « comment », la post-modernité serait plutôt affaire de « pourquoi ». De ce fait la nouveauté formelle, l'importance de la signature de celui qui en est garant, la vision personnelle de l’artiste comme oeuvre de l’art (matérialisée par la figure prépondérante du metteur-en-scène), sont autant de signes de la modernité que le post-modernisme prend à rebrousse-poil. Avec l'idée moderne de forme et de séparation nette entre les arts, le critère de jugement esthétique des œuvres est univoque, il devient pluriel lorsque les frontières entre les genres s'estompent, lorsque la nouveauté est qualifiée de supercherie, lorsque l'on peut faire art de tout bois. L'abandon de l'organisme au profit de la structure signifie la fin du centre de l'œuvre et, de fait, de la hiérarchie interne : pour un signe, une pluralité de sens selon le contexte. Décentré, pluridisciplinaire, hybride, a-stylistique, intégrant banalité et virtuosité sur le même plan, jouant de la citation, le post-modernisme trouve son expression, du point de vue esthétique, dans le théâtre post-dramatique tel que le définit Lehmann – fin de la suprématie du texte considéré comme un matériau parmi les autres, abandon du répertoire afin de favoriser la création, égalisation des éléments scéniques, multiplicité des médias, métalepse, intégration du spectateur dans l'œuvre, etc. – et, du point de vue des thèmes et sujets – citation, abandon de la « signature unique », multiplicité des points de vue, actualité, contextualisation, multiplicité des micro-récits, etc. – dans le théâtre documentaire tel qu'il semble se construire aujourd'hui. Ni courant, ni mouvement, le postmodernisme est plutôt un changement de paradigme de la définition de l'art et de ses critères d'évaluation. Du coup c'est décidé, la prochaine fois que je sors du théâtre et si la pièce s'y prête, à la phrase « c'est organique » je répondrai, « non, c'est structurel ».

Die Kontrakte des Kaufmanns, Eine Wirtschaftskomödie. Mise en scène de Nicolas Stemann, texte « work in progress politisé » d'Elfriede Jelinek. Avignon 2012. 1


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Sonorités #8 Festival du texte au son 11-13 octobre 2012 www.sonorites.org

Drawing Room 012 Salon du dessin contemporain de Montpellier #4 21-27 novembre 2012

Aperto Centre Chorégraphique Ecole des Beaux-Arts La Chapelle Salle Victoire 2

Carré Ste Anne

ChantiersBoiteNoire 1 rue Carbonnerie Pierre Molinier Une production du CDN - Théâtre des 13 Vents, Montpellier 18 octobre - 10 novembre 2012

Sophie Agnel, Apartment House, Mireille Batby, Patrick Bouvet, Éric Duyckaerts, Guy Girard, Gunkanjima, Cécile Mainardi, Stéphane Malfettes, Joachim Montessuis, Richard Pinhas, Arnaud Rivière, Anne de Sterk, Christophe Tarkos, Edwin Van Der Heider, Jennifer Walshe

ESBAMA / Ecole des beaux-arts de Montpellier Agglomération 130, Rue Yehudi Menuhin Les 30 ans du FRAC L-R 10 novembre - 22 décembre 2012

45 artistes - 13 galeries Aldébaran, AL/MA, Aperto, Chantiers BoiteNoire, Domi Nostrae, Gourvennec Ogor, Iconoscope, Isba, La Vigie, Lieu Commun, Philippe Pannetier, Hélène Trintignan, Vasistas Belkacem Boudjellouli, Nicolas Daubanes, Dominique De Beir, Julien Cassignol, Nina Childress, Anthony Duchêne, Dominique Figarella, Laurent Le Deunf, Adrien Gerenton, Christian Lhopital, Philippe Poupet, Hugues Reip, Antonio Segui, Timothée Talard, Sarah Tritz...

Éric Duyckaerts au CCN le 13 oct.

solo show de Peter Kogler

abonnement 3 numéros par an 10 €

Envoyez votre chèque (à l’ordre de BMédiation) et vos coordonnées à BMédiation 39 avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier

Galerie Vasistas 37 avenue Bouisson Bertrand Negociate The Distance Julien Garnier 25 octobre - 8 décembre 2012 Iconoscope 25 rue du Courreau Perspecta Benjamin Monti 12 octobre - 22 décembre 2012

ailleurs albi - 81 Centre d'art Le LAIT Yellow Cake & Black Coffee Niek van de Steeg Commissariat : Jackie-Ruth Meyer jusqu’au 28 octobre 2012 marseille / aix - 13 RIAM - Rencontres Internationales des Arts Multimédia NOw FUTURE 16 - 27 octobre 2012 http://www.riam.info paris - 75 FIAC 2012 Grand Palais 18 - 21 octobre 2012 toulouse - 31

Le Printemps de septembre à Toulouse / 22° édition L’Histoire est à moi ! Direction artistique : Paul Ardenne 28 septembre - 21 octobre 2012


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fêtera ses 10 ans lors de son prochain numéro... mars 2013


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