art contemporain - languedoc roussillon - juin juillet aoĂťt septembre 2005 - numĂŠro 8
centre chorégraphique national de montpellier languedoc-roussillon
la Place du singe de et avec mathilde monnier et christine angot 30 juin et 1er juillet . montpellier danse 05 théâtre de grammont 23 au 27 juillet . festival d’avignon cloître des célestins
frère&sœur chorégraphie mathilde monnier musique erikm 20 au 27 juillet . festival d’avignon
photo marc coudrais
cour d’honneur du palais des papes
# 08 - vanitas vanitatum et omnia vanitas… - pardine*!
* pardi
matez, oh ! - Emmanuel Latreille achtung farbe - Carré d’Art à Nîmes absalon - muntadas - Villeneuve lez Avignon - Salses sophie polge - Aurélie et moi, un été 2001 sophie polge - Géraldine s’est fait un copain ? rita cioffi - Mathilde Monnier - Claude Bardouil claudia triozzi - saut d’appartement raimund hoghe - collaboration, Kris Canavan & Manuel Vason le journal du moi - Laurent Goumarre addenda - à voir donc
offshore est édité par BMédiation 39 avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier contact : bmediation@yahoo.fr avec l’aide du Ministère de la Culture \ Drac L-R, la Région Languedoc-RoussillonSeptimanie et la Ville de Montpellier directeur de publication : Emmanuel Berard rédacteur en chef : Jean Paul Guarino secrétaire de rédaction : Esther Knapp dépôt légal : à parution impression : Atelier 6. St Clément de Rivière. 04 67 63 52 00
photo couverture de Fiorenza Menini © offshore 2005 ont collaboré à ce numéro : Claude Bardouil, Laurent Goumarre, Raimund Hoghe, Emmanuel Latreille, Mathilde Monnier, Sophie Polge, Claudia Triozzi crédits photographiques : Xavier Andrèges pour Rita Cioffi, Carré d’Art de Nîmes, FNAC-DAPMinistère de la Culture, Laurent Goumarre, Antonio Maniscalco, Sophie Polge, RMN/Hervé Lewandowski, Pierre Schwartz-ADAGP.Paris.2005, Claudia Triozzi, Manuel Vason
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matez ! oh ! emmanuel latreille
Pi qu'habilla Gabrielle et dit : « Matez ! Oh ! »
Pi qu'habilla Rrose Sélavy (Marcel Duchamp)
Parce qu'évidemment « ce sont les regardeurs qui font les tableaux » ! Et que si vous ne vous mettez pas un bon coup cette vérité dans le crâne, vous n'arriverez jamais à comprendre que ce qui sauve la peinture de la débâcle que lui ont fait subir la photographie, le cinéma, la reproduction généralisée du réel à l'époque moderne des masses et de leur consommation, c'est tout simplement qu'il y a encore et toujours des gens qui regardent. Ce qui ne signifie pas des gens qui regardent « comme il faut », ou qui seraient dotés d'on ne sait quelle puissance singulière de l'optique, mais des gens qui regardent comme les chevaux hennissent, comme les vagues grossissent, comme les mimosas fleurissent et comme les musées amusent ! Mais oui, les musées amusent : prenez celui d'Orsay où vont, penaudes, se recueillir devant les Manet convenus, des hordes bien ordonnées ; un quart de tour permettrait à tous de voir dans la Naissance de Vénus de Cabanel, et surtout dans le petit ange qui mate de ses deux yeux farouches la belle endormie sur son lit de vagues, le nec plus ultra du poilage scopique !
Mais voilà : qu'est-ce qui fait que le « scopique » vire toujours si nécessairement au « spéculatif » ? Le « je vois » au « pourquoi je vois ? » ? Le « je jouis » au « de quoi jouis-je ? » ? Le « jouis-je ? » qui n'est qu'une forme déguisée et pour ainsi dire l'intériorisation de l'impératif - « Jouis ! » que ressassent sans l'accorder les instances diverses de la société où nous sommes. Et ce n'est pas moi qui le dit, mais le grand Chardonne lui-même, dans son Eva : « Enveloppé dans ma pèlerine, assis sur une pierre du jardin, je ne pense à rien, mais l'idée me vient pourtant que ce plaisir, cette sensation d'exister, cette permission de goûter un beau jour est un luxe singulier ; celui-là même que notre société interdit à tout le monde. Même l'artiste ne connaît plus ce loisir. Lui, surtout, ne s'appartient pas ; il a toujours une idée en tête. »
On peut se représenter l'œuvre de Picabia comme celle d'un artiste occupé à chasser en permanence les idées qu'il avait en tête. Et peut-être y est-il parvenu, vers la fin, dans cette série d'œuvres intitulée Points, qui consiste en des tableaux de petit format, sur lesquels il inscrivait, souvent dans une matière épaisse, des ronds de peinture ne faisant ni composition ni sens. On a parlé à leur propos de pure forme, de peinture pure. Comme si, au terme de son parcours, les innombrables figures de la peinture, figurative ou abstraite, que l'artiste avait manipulées, exagérées, moquées, mélangées, les images de magazine comme les inventions de l'art de son siècle, lui étaient soudain devenues indifférentes, et qu'il était parvenu à s'en défaire. Les Points, c'est du loisir à l'état pur, l'expression du luxe suprême : dans la tête, le peintre n'a plus qu'un petit pois et, s'il y en a plusieurs, ils ne sont certes pas assez nombreux pour produire, comme les neurones du cerveau, la moindre pensée, la plus petite idée encombrante ; la matière qui les constitue paraît bien trop inerte et ancienne pour qu'on puisse envisager de la mettre en mouvement ! Car on a aussi évoqué, à propos de ces toiles, une relation avec l'art préhistorique, comme une profonde filiation avec les gestes de nos plus lointains ancêtres transcrivant à même les parois, par des signes énigmatiques, quelque chose de vu : un strict « visible » venant offrir l'occasion de sa répétition simple, encore irréfléchie, comme durent l'éprouver les découvreurs de grottes de Lascaux ou des Eyzies : « Matez ! Oh ! »
Pour nous qui venons en fin de parcours, peut-être tout ceci n'est-il qu'une affaire d' « idiots » ? Mais l'idiotie suppose encore une idée, c'est un vaste programme qui exige intelligence et calcul. Gabriele Di Matteo ne fait pas l'idiot lorsqu'il fait peindre l'humanité dans le plus simple appareil par un peintre de genre napolitain (L'humanité mise à nue), ou lorsqu'il assume des centaines de tableaux de « mimosa » ou de « vague » réalisés par le même peintre commercial. La « peinture commerciale », cela prospère-t-il sur autre chose que la seule confiance dans le regard et sur le désir qui l'accompagne ? C'est-à-dire un regard de « regardeur », pas de penseur, ou d'esthète ! Comme ils sont prêts à en acquitter aussitôt le prix, les acquéreurs de ces tableaux prouvent bien que l'émerveillement sensible de l'œil est très antérieur à la pensée, que c'est lui qui, en tant que tel, constitue le plaisir supérieur, la fonction hédoniste par excellence. En s'emparant de la peinture commerciale, en l'intégrant dans son propre travail, Di Matteo rappelle avec force qu'un grand artiste ne peut naître, avant toute autre considération, que d'un « excès du regard », que l'art ne consiste en rien d'autre qu'accepter cette hypertrophie de la vision qui permettra, peut-être, de donner à voir à son tour.
En somme, Gabriele Di Matteo nous fait voir non pas ce que nous ne voudrions pas voir (de mauvaises peintures), mais le regard que nous avons sacrifié à l'engourdissement de nos têtes trop pleines. Et alors se produit, comme pour le vieux Picabia, une sorte de « retournement » : l'excessif de la peinture commerciale - ce jeu avec les clichés, l'ouverture sur l'universelle condition de la vision et la reconnaissance assumée des « fonctions sociales » de l'art - entraîne un renversement, un délestage soudain, comme un être quitterait soudain les sombres sphères de son angoisse pour contempler un beau jour : prenant un tableau frais de mimosa commercial, Di Matteo l'a accolé, face contre face, à une toile vierge ; et voilà que l' « en trop » de la première s'est déposé sur la seconde, où les points picabiesques ressurgissent merveilleusement, comme une apparition, une épiphanie, une véritable floraison de soleils dans le vent du printemps d'Alès ! Miracle que cette peinture noncommerciale, miracle que ces simples reflets de l'art qui s'inscrivent, légers, à la surface dépolie de la peinture, de nouveau bien plus nue que la Vénus de Cabanel ! Matez Rrose et matez Tina, la Muse fictive et idéale ! Matez Gabrielle, la Légitime ! Matez ! Oh ! Matez, c'est la vie ! Et mettez haut l'art de Matteo ! Légendes : Naissance de Vénus, Alexandre Cabanel, Musée d’Orsay-Paris, Photo RMN © Hervé Lewandowski / Composition (détail), Françis Picabia, Musée PAB-Alès, Photo Pierre Schwartz ADAGP.Paris.2005 / Mimosa pour Tina Pica-bia, Mimosa commerciale, Les vagues, Gabriele Di Matteo, Photos Antonio Maniscalco
Gabriele Di Matteo, Le peintre salue la mer. Frac LR, 4 rue Rambaud, Montpellier. 6 mai - 2 juillet. du mardi au samedi de 14h à 18h Françis Picabia - Autour de… (Picabia - Di Matteo). Musée Pierre André Benoît, Alès. 10 mai - 19 juin. du mardi au dimanche de 14h à 18h
achtung farbe carré d’art - nîmes
Marquée par la succession très rapide de générations - avec pour certains des liens d'assistant à « maître » - la scène picturale allemande, dans son histoire récente, se construit autour de nouveaux centres : Dresde, Leipzig, Hambourg, et d'une prééminence réaffirmée de Berlin comme capitale, tant comme lieu d'activité des artistes que comme siège de nouvelles galeries. Il est impossible d'aborder la peinture sans être confronté à la question de la position de l'artiste autant qu'à la réalité de l'œuvre. A Düsseldorf comme à Hambourg, les cafés, les concerts sont aussi importants que les écoles. Comme dans de nombreuses périodes de l'art moderne, l'art est aussi affaire de rencontre et de groupe, le modèle de l'artiste étant beaucoup plus le groupe rock, punk, ou plus récemment le DJ. La scène est une sorte de nébuleuse, en mouvement constant, dont la souple structure semble modeler les œuvres elles-mêmes, ce qui peut être perceptible dans les mutations incessantes du travail de Martin Kippenberger, ou dans des positions plus floues, interrogatives, illustrées dans les brusques passages du figuratif à l'abstrait et vice-versa, constatés chez plusieurs artistes (Albert Oehlen, Daniel Richter, notamment) ou l'irruption du numérique dans un champ normalement consacré à l'emploi de techniques plus traditionnelles de l'huile ou de l'acrylique (Oehlen, Markus Selg). Des permanences apparaissent. La résurgence d'une « bad painting », d'un néo expressionnisme, qui va jusqu'à la plus jeune génération (Andreas Butzer, né en 1973), est un de nos clichés, regardant l'Allemagne. S'il fallait l'évaluer en terme de filiation, il prendrait sa source plutôt dans les grands café Deutschland de Immendorf que chez les néo-fauves des années 80. La dimension - la plupart de la soixantaine d'œuvres réunies pour l'exposition sont de grand format - favorise un côté peinture en action plutôt que peinture formaliste, qui poursuit le « laisser aller », la « punk attitude » des premiers artistes : Oehlen, Kippenberger, Büttner et en reprennent la liberté et l'énergie brute. A l'opposé, les arrangements formels des tableaux de Tim Eitel enserrant le personnage dans une grille à la Mondrian ou la platitude des peintures d'Eberhard Havekost sur plusieurs couches de préparation grise finement poncées représentent une « ligne claire » dans cette peinture et renvoient à l'apparence du monde contemporain. Daniel Richter. T.T.S. (Totus Tuus Sum), 1995. Huile et laque sur toile, 165 x 150 cm Collection particulière, Hambourg. Courtesy Contemporary Fine Arts, Berlin © J. Littkemann
Contrairement à la fenêtre classique, la peinture contemporaine est un écran. Presque tous les artistes utilisent des sources comme la photographie, les images de presse. Mais l'une des aventures tentées par ces peintres s'exprime dans le retour à la narration. La peinture romantique française de la première moitié du XIXe siècle est une référence fréquemment évoquée par les artistes. Mais Delacroix et Géricault sont aussi ceux grâce auxquels la peinture d'histoire traite de l'actualité et des faits divers.
Albert Oehlen. Anti-Niemand, 2002. Huile et acrylique sur toile, 240 x 240 cm. Coll. Nathalie Obadia, Paris
La peinture, c'est aussi l'écran où peut s'inscrire le croisement des références telle la néo abstraction de Anselm Reyle dont l'œuvre revisite le décoratif et le design des années 60, qui peut aller jusqu'à la collision dans la multiplicité des styles et des images néo pop de Michel Majerus ou dans le réemploi par Jonathan Meese d'une « germanitude » nietzschéenne. Ce panorama - qui ne saurait représenter toute l'actualité allemande - propose, autour de vingt noms et d'une soixantaine de pièces, une relecture de la scène allemande depuis le début des années 90. En fait, en guise de relecture nous dirions plutôt vérification; plutôt que filiation de maître à élève, comment ne pas penser aussi parfois à une échelle de valeur qui irait de « maître » à « petit maître » ? Cette Peinture sans complexe (le marché aidant), peut nous amener à réfléchir, non pas sur le fait pictural, mais sur l’état de la peinture en France. À quand La nouvelle peinture française en Allemagne et même en France d’ailleurs, quitte à être aussi franchouillards - et l’assumer - que certains peuvent être teutons, allégrement ? JPG
La nouvelle peinture allemande. Carré d’Art, Musée d’art contemporain, Nîmes. 11 mai - 18 septembre. du mardi au dimanche, 10h - 18h
absalon - muntadas chartreuse de villeneuve lez avignon - forteresse de salses
Sous le label de l’opération nationale « Les Visiteurs », œuvres du FNAC mises en place dans 20 monuments du patrimoine gérés par le Centre des monuments nationaux, la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon a choisi de montrer l’ensemble des œuvres d’Absalon. Entre sculpture, design, architecture et urbanisme, les compartiments d'Absalon - uniformément recouverts d'une couche de peinture blanche - jouent sur une combinatoire d'unités modulaires pour imposer l'idée de clôture spatiale et de suspension temporelle. Leurs extensions et ré-agencement transforment successivement de simples boîtes d'apparence hygiéniste en Cellules puis en Propositions d'habitation, lieux de réclusion parfaitement fonctionnels. Les constructions ambivalentes opèrent comme prétextes à une exhibition d'un quotidien (dormir, se nourrir, se laver, réfléchir…) discipliné par l'ergonomie irréprochable de ces machines à habiter, telle qu'Absalon la démontrait dans ses vidéos. Ces pièces pourraient répondre à la définition de Michel Foucault d'hétérotopie : Ces lieux, parce qu'ils sont absolument autres que tous les emplacements qu'ils reflètent et dont ils parlent sont en opposition aux utopies. Sont donc montrées 7 vidéos, une Proposition d’habitation et les maquettes de 6 Cellules. Cellules. Le titre même des œuvres entre en résonance avec la Chartreuse, son histoire, son identité. Soucieux de faire de cette exposition le manifeste du retour des arts visuels dans les lieux du monument, François de Banes Gardonne, son directeur, a enrichi cette première sélection par l'emprunt de trois cellules en volumes, à l'échelle de l'homme qui les a conçues, au Frac Aquitaine et au Capc de Bordeaux. En parallèle, au Fort Saint André, est proposée une exposition intitulée Aujourd’hui ou demain, première proposition issue d’un laboratoire de réflexion amorcé avec les écoles d’art et les Frac de Languedoc-Roussillon, PACA et Rhône-Alpes. Heureuse initiative, à suivre, que de faire travailler et réfléchir ensemble les structures régionales entre elles ! Double manifestation aussi à la forteresse de Salses. Dans le cadre des Visiteurs, une installation de Jorge Pardo rejoint les pièces déjà en place d’Erik Dietman, Toni Grand et Daniel Firman et dans la poursuite des séries d’interventions d’artistes consacrées aux thèmes liés aux conflits modernes, l’association In Visu présente des installations vidéos in situ de Antoni Muntadas. Louis Mesplé, président d’In Visu justifie parfaitement ce choix : « Nous entrons, peut-être, dans une sorte de Moyen-âge où la communication jouera le même rôle que jadis la religion » écrivait, il y a plus de dix ans, Serge Daney. Nous y sommes. Comment en effet ne pas penser à tous ces messages émis par la presse, l’audiovisuel, la publicité, etc. qui nous convoquent, heures par heures, minutes par minutes, à la grande cérémonie de l’information et de la communication. Là est un des propos d’Antoni Muntadas, qui, depuis des années, déconstruit ce système, et révèle, par ses expositions, installations, vidéos, les rites, les codes, les jeux et les enjeux des pouvoirs officiels et occultes. Cette dissection n’est pas seulement une lecture critique du complexe médiatique mais avant tout une interrogation sur les principes mis en œuvre pour séduire efficacement le spectateur du domaine concerné. […] Mais si Antoni Muntadas, dont la plupart des installations sont autant de démonstrations « d’éveil de la conscience » par le retour des images à l’envoyeur (l’émetteur), en les présentant nettoyées des fioritures, dégagées du commentaire, exprimées frontalement face à notre réceptivité névrosée, son œuvre dépasse la question du spectacle de l’espace public pour s’étendre à des espaces privés où nous développons les mêmes mots, idées, réflexes… Nous sommes au cœur des travaux d’Antoni Muntadas. Nous sommes les acteurs de ces espaces dans le capharnaüm médiatique quotidien où notre responsabilité est engagée moins dans une représentation digne, non dupe des flux tendus de communications brouillant la réalité que dans une résistance sensorielle Our translation : two spaces - Gwangju, 2004 © Muntadas ou une résistance tout court.
Absalon à la Chartreuse et Aujourd’hui ou demain, du 4 juin au 31 décembre. La Chartreuse et Le Fort St André, Villeneuve lez Avignon. Installations vidéos in situ d’Antoni Muntadas, Projet de l’association In Visu, du 25 juin au 24 décembre. Forteresse de Salses.
sophie polge
rita cioffi mathilde monnier - claude bardouil
En dehors des apparences De Rita, on pourrait dire « c'est une danseuse magnifique », « La Cioffi », mais on resterait largement sur sa faim. Ce mot magnifique repris et répété par Claude Bardouil est emblématique de Massacre du printemps , un de ses derniers spectacles ; il nous saute à la figure dans un premier temps comme une simple apparence pour finalement nous emmener progressivement vers un univers plus complexe, plus étrange, moins lisse et moins correct. Ce mot rebondit dans le spectacle apportant tout son humour et sa dérision. Car Rita, au-delà des apparences n'est pas juste « une danseuse magnifique » ; ce qualificatif est largement insuffisant, ce serait mal la connaître. Je dirais que c'est une magnifique engagée. J'ai vu toutes les créations chorégraphiques de Rita, ce qui me donne une chance unique de la comprendre à travers les différents visages qu'elle dévoile dans ces pièces. À la fois rigoureuse et singulière, Rita trace un espace dans le paysage chorégraphique tout à fait atypique. Cheminant de manière quasi solitaire dans ses choix, elle s'associe par la suite à des artistes hors du champ de la danse, fonçant droit devant, là où ses questions la mènent. Des questions qui sont d'abord celles du réel, d'une société en marche ; ce réel qu'elle incarne de manière épidermique et qui nous transporte dans le monde d' Accatone , celui de l'Italie populaire, des faubourgs, misère et splendeur des rues de Rome. Et c'est cela qui émeut, cette résonance de la cité, cette préoccupation de l'engagement et d'un discours critique sur la société d'aujourd'hui. C'est bien une société d'apparences et de faux-semblants qu'elle démonte sans pour autant tomber dans les artifices de la dénonciation sommaire. Si elle recourt parfois à un vocabulaire du beau et de l'esthétique, c'est pour mieux en faire émerger les limites. Son matériau est le réel et de son langage pluriel - au-delà d'un style chorégraphique qu'elle maîtrise avec force se dégage une matière à penser, reflet d'un monde que l'on ne veut pas regarder, pas voir. Rita tente de nous ouvrir les yeux pour nous confondre avec les contradictions d'un monde contemporain. Professionnellement nous nous sommes souvent croisées à travers des stages, des discussions et des échanges sur nos travaux respectifs mais une autre forme de rencontre s'est produite autour de la reprise de mon solo 8 mn . Rencontre qui pourrait se traduire par un seul mot, le pur « plaisir », émanant d'une situation exceptionnellement simple : se retrouver dans un studio pour soutenir une proposition dansée dans la confiance réciproque et le travail. Rita Cioffi s'est prêtée à ce jeu avec beaucoup de simplicité et d'intelligence, sans souci de l'apparence mais avec la forte conviction que la danse est toujours un lieu de la transmission et du partage. Mathilde Monnier
Danse - Travailler avec toi, Rita, c'est comme traverser l'Histoire de la danse. Tu connais tous les styles, tu portes tous les fondements et aucun ne t'entrave. Tu sais par cœur tous tes classiques et tu en joues avec une liberté sans pareille. Ton mouvement est libre, ton envie vagabonde, ton exigence certaine. Tu cherches encore et encore le chemin que personne ne connaît, pas même toi, celui qui peut dire avec justesse le lieu de l'inattendu. Tu ne crois pas ceux qui pensent que tout a déjà été fait, alors qu'il reste tant à faire. Italienne - C'est sûr ! La démesure t'habite. Pourtant, tout est simple. Ce que tu attends de tes danseurs est simple. Tu me demandes juste de trouver mon authenticité, et de l'éclairer. De ne pas jouer à me représenter, mais d'être. Au plus juste. C'est alors que peuvent venir l'humour, la dérision et la poésie. Rigueur - Sur un plateau avec toi, pas de place à l'esbroufe. Tout est vrai, resserré. Des heures de travail pour apprendre à se toucher. Pas de postiche, pas d'artifice. Tu n'es pas une faiseuse. Tu ne te mets jamais en scène juste pour te faire plaisir. C'est la nécessité du spectacle qui te guide. À deux, tu ne choisis pas la partition la plus étincelante pour toi, mais l'offres à ton partenaire. Tu ne fais pas une danse donneuse de leçons, mais creuses seulement le terreau de l'humain là où il dérape un peu. Là où le sourire soulage. Diva - Ton prénom rime si justement avec diva. Celui qui a inventé le mot te connaissait, c'est sûr ! Duo - Je nous vois comme un couple. Un couple de scène. Je sais que tu ne m'as pas choisi comme un interprète mais comme une personne, une personnalité peut-être, comme on trouve quelqu'un sans l'avoir voulu. Tout simplement. Rita, et si on montait encore un duo, on travaillerait des semaines durant, tu changerais tout au dernier moment, parce que tu ne supportes pas quand ça ressemble à de la danse contemporaine, et tu déciderais finalement de m'habiller en curé ou de t'exposer dans une vitrine ? Claude Bardouil Rita Cioffi. Shopping , avec Claude Bardouil. Théâtre Jean Vilar, Montpellier. jeudi 30 juin à 14h
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claudia triozzi saut d'appartement. 2004. résidence villa kujoyama (kyoto) - bourse de l'afaa
Peinture entre les espaces écrasés, Entouré par lui, Au sourire incessant incarné de politesse, Vision différée, affaiblie dans l'effort inattendu de ton élévation, Préméditation insatisfaite. Paroles perdues dans un style d'être partout, Inauguration de mon intrusion de petit blason, Prisonnier de ton temps qui fait pause.
Claudia Triozzi. Opera’s shadow. Studio Bagouet / Les Ursulines, Montpellier, jeudi 23 et vendredi 24 juin | Park. Atelier / Les Ursulines,
extrait des textes chantés de Opera’s shadow (création)
Montpellier, samedi 25 juin | The Family Tree. Studio Bagouet / Les Ursulines, Montpellier, jeudi 30 juin
| montpellierdanse 05
raimund hoghe collaboration, 2004. kris canavan & manuel vason
Un jeune homme sur une chaise, le torse nu et la tête tournée sur le côté, les bras transpercés de plumes - voilà un an que j'ai vu pour la première fois ce travail de Kris Canavan et Manuel Vason ; il ne m'est plus sorti de la tête. D’abord impressionné par la rigueur formelle de l’image créée par les deux artistes, j’ai pu aussi sentir s’éveiller en moi des sentiments mêlés de proximité et de distance. Photographie et performance, mythes anciens et histoire actuelle, corps humain et sculpture s’y retrouvent liés. Blessures visibles et nostalgie, désir d’être touché et rêve de s'envoler, je retrouve dans ce tableau les thèmes mêmes du « Lac des cygnes », tout ce qui touche à la métamorphose, à la perte de l'amour, à la quête de l’absent. Raimund Hoghe
Kris Canavan est performeur, Manuel Vason photographe
Raimund Hoghe. Swan Lake, 4 Acts. Théâtre de Grammont, Montpellier. lundi 4 et mardi 5 juillet
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LES MURS ONT LA PAROLE Atelier Neitzert lieu d’art actuel
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HAMEAU DE CASTELBOUZE 34360 ST CHINIAN tel·fax 04 67 38 04 29 www.jorgneitzert.com
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26 juin au 31 juillet Ouvert du mercredi au dimanche 15h - 19h Vernissage le samedi 25 juin
abonnement 3 numéros par an 10 €
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le journal du moi laurent goumarre
Elle ne leur laissera rien, je me disais devant Béatrice Schönberg, un dimanche d'avril alors qu'elle ouvrait son 20 heures sur la neige en avril et ses drames à rebondissements : trois reportages sur la neige, ses inondations et le car de touristes suisses qui glisse sur la chaussée verglacée. Rien, elle ne leur laisserait donc rien aux filles de la météo, je pensais, elle aurait pu avoir le Pape, Camilla, Charles et l'amour, la fumée noire ou blanche, et Rainier, il devait certainement y avoir une guerre civile au Togo ; mais non, il lui fallait encore plus à Béatrice Schönberg, il lui fallait aussi les petits drames météorologiques, je me disais anticipant le fait que, quelques 35 minutes plus tard, les filles de la météo n'auraient plus rien à dire. Déjà qu'elles n'avaient plus rien à se mettre, je pensais, au souvenir des tailleurs anonymes et jupes par correspondance d'Évelyne Dhéliat, sans comprendre alors que cela allait de pair. Rien à dire, rien à se mettre. Car ce n'était manifestement pas à Sébastien Folin et ses amies d'annoncer les dérèglements climatiques, pas plus que de porter Galliano ni Prada. Au programme de la météo, la télévision présentait le soleil en été, la neige en hiver, la pluie sur Limoges, et s'habillait de pulls annyblatiens en décembre, de cotonnades rayées marines pré-septembre. Il ne s'agissait pas de prévoir le temps, surtout pas, mais de le présenter, voilà le rôle littéral des présentatrices , de ces officiantes pour une messe du temps présent, faire de la météo une bulle intemporelle garantie de la bonne marche du monde, par le biais du déroulement harmonieux des saisons, de la neige en hiver, du soleil en été, avec des extras bien sûr, mais la canicule en août, au fond, restait de l'ordre du raisonnable, et les rigueurs hivernales étaient décidément rassurantes, alors que la neige en avril, ça ne passait pas. Comme ne passait pas la mode, la vraie, celle qui porte des nuspieds en hiver dans Numéro, la fourrure sur la plage pour Vogue, bref la mode qui se contrefout du déterminisme climatique, prouvant à coups de shorts d'automne qu'il n'y a plus de saison. Aussi les gilets serrés cravates de Pascal Drevet et les tailleurs Femme Actuelle de toutes les autres, bref tout ce système de vestiaire dont la figure tutélaire serait Madame de Fontenay, n'avaient pour ambition que de figurer que les choses étaient à leur place. La météo ou la preuve par Burda de l'immuabilité du monde. Ailleurs, au générique des autres émissions, on pouvait lire que les gens de Canal Plus sont Missonni ou Vanessa Bruno, on avait pu deviner le corsage Lacroix de Vincent MacDoom sur TF1, c'était écrit, ça se savait, mais en météo, régnait l'anonymat des collectionneuses de Modes et Travaux, par qui la mode ne passerait pas. La météo télévisuelle était donc la dernière Utopie, un pays hors temps que la télévision se fabriquait jour après jour pour pouvoir s'y replier au soir du dernier soir, quand les neiges d'avril auront tout fait déraper, et que nous serons tous des touristes suisses. Dernière utopie, pays témoin, comme on parle d'appartement témoin, un pays qu'on n'habite pas, où le soleil sue en été, la pluie pleure en automne, un pays de dicton, de pensée et d'image du jour. Un pays où chaque jour à sa pensée, où chaque jour à son image, toujours la même, la naissance d'un bébé lion à Vincennes, le sourire d'une première fleur, un pays qui tourne le dos au reste de la télévision, aux désastres du monde, à la neige en avril, un pays qui tourne le dos tout court, comme le Pape qui, je m'en souviens, nous avait tourné le dos dans ses derniers jours pour regarder son petit écran. Voilà ce qu'on avait vu quelques jours plus tôt, un Pape spectateur qui nous tournait le dos, comme il l'avait toujours fait, pour regarder des heures durant à la télévision le bon déroulement d'une messe qu'il ne présentait plus, à moins que ce ne soit la météo. Faudrait demander à Béatrice Schönberg. Laurent Goumarre est critique d’art, collaborateur à ArtPress , producteur de Chantier - France Culture, conseiller artistique de Montpellier Danse
addenda nîmes - 30
aigues-mortes - 30 Chapelle des Capucins du mardi au dimanche de 9h30 à 13h et de 15h à 19h
Philippe Cognée 2 juillet - 25 septembre
bagnols les bains - 48 Enfance de l’art Vallon du Villaret tous les jours de 10h15 à 18h45
Dessins, petits et grands 10 avril - 3 juillet Michel Blazy 7 juillet - 30 octobre
montpellier - 34
MC1 - Montpellier Chine Carré Ste Anne 2 rue Philippy biennale art contemporain chinois billeterie : tlj sauf lundi de 10h à 19h 17 juin - 2 octobre Frac Languedoc-Roussillon Fonds régional d’art contemporain 4 rue Rambaud du mardi au samedi de 14h à 18h Iconoscope 25 rue du Courreau du jeudi au samedi de 15h à 18h30 Vasistas galerie 37 avenue Bouisson Bertrand du mercredi au samedi de 15h à 18h30
Gabriele Di Matteo 6 mai - 2 juillet Simone Decker 12 juillet - 2 octobre
locus solus n°9 17 juin - 22 juillet Hamid Maghraoui Michaël Viala 3 juin - 9 juillet
Carré d’Art Musée d’art contemporain tlj sauf lundi de 10h à 18h
La nouvelle peinture allemande 11 mai - 18 septembre
École des Beaux-Arts Workshops Travaux d’étudiants Hôtel Rivet 10 juin - 21 juin 10 Grand Rue La collection Madeleine Millot-Durrenberger du lundi au vendredi de 14h à 18H 27 juin - 31 août
Rencontres n°25 : Max Charvolen La Vigie 32 rue Clérisseau Miguel-Angel Molina, Olivier Soulerin le lundi de 14h à 17h et du mardi au samedi de 14h à 18h séte - 34 MIAM 23 quai De Lattre de Tassigny tlj de 10h à 12h et de 14h à 18h
Paradirama Tikis, surfeurs & vahinés 18 juin - 30 octobre
sigean - 11 LAC Hameau du Lac tlj sauf mardi de 15h à 19h
Philip Akkerman Manuel Ocampo 26 juin - 25 septembre
ailleurs - avignon - 84 Collection Lambert Hôtel de Caumont
Anselm Kiefer 26 juin - 23 octobre
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5 rue bayard 34000 montpellier tél - fax : 04 67 99 57 42 mail : contact@cd5.org
la vigie
vasistas galerie
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La Vigie, depuis maintenant treize ans, s'évertue à donner à voir plus le résultat d'un travail qu'un produit fini. De toujours, ses intérêts premiers ont été la remise en question et la notion d'expérience générés par le montage des « Rencontres ». Chaque exposition - constituée à l'instinct avec la conviction intime que c'est ainsi qu'elle doit être, le résultat dû aux artistes venant en légitimer la pertinence - apporte sa pièce à l'édifice d'un tout afin de donner une certaine image la plus représentative possible de l'art en train de se faire.
Vasistas, attaché à l’idée d’un tronc commun aux histoires récentes de l’art contemporain, programme sans souci d’ordre générationnel et l’invitation aux jeunes artistes est l’occasion de diffuser mais aussi de produire leurs pièces.
Max Charvolen, Miguel-Angel Molina et Olivier Soulerin sont réunis dans cette Rencontres n°25, afin d'investir les studios de La Vigie. Cet espace, une nouvelle fois, se transforme tout d'abord en lieu de travail, afin de permettre à ces trois artistes de se plonger dans ses particularités pour nous offrir leur proposition et leur réponse aux contraintes imposées par ce lieu. Une exposition jouant tant sur la couleur que sur la relation à l'espace avec des pièces qui font réellement corps avec lui, qui en découlent.
3 sculptures récentes de Michaël Viala - comme toujours, pensées par le dessin - autonomes, même si les cotes sont référents de la galerie, révèlent l'intérêt croissant de l'artiste pour la picturalité. L'agencement proposé - parmi d'autres possibles, les pièces étant modulables - nous invite à traverser une expérience picturale donc, physique et mentale. Une simple feuille de papier Canson constitue le précaire studio-photo en extérieur d’Hamid Maghraoui venu se confronter au plus près de la réalité. Des emballages en carton d’objets de consommation courante, dépliés puis repliés à l’envers, posés sur un papier bleu-azur, viennent défier les architectures républicaines pensées pour le peuple et éclairées de la luminosité d’un ciel nuant du bleu-roi au bleu-france…
Rencontres n°25 4 juin - 23 juillet La Vigie - Art contemporain 32, rue Clérisseau 30000 Nîmes le lundi de 14h à 17h et du mardi au samedi de 14h à 18h tél : 04 66 21 76 37 - la.vigie-art.contemporain@ wanadoo.fr
Hamid Maghraoui / Michaël Viala 3 juin - 9 juillet Vasistas galerie 37 avenue Bouisson Bertrand Montpellier ouvert du mercredi au samedi de 15h à 18h30 tél : 04 67 52 47 37 - vasistas@wanadoo.fr - www.vasistas.org
Simone Decker
12 juillet - 2 octobre 2005 4 rue Rambaud 34000 Montpellier Fonds régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon avec le soutien de la Drac LR et de la Région Languedoc-Roussillon/Septimanie