ARKUCHI #17 Septembre/Octobre 2020

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sept. / Oct. 2020

mensuel gratuit

#17

art culture architecture



ÉDITO

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Après le printemps confiné, l’été sous surveillance, voici, dans la continuité, la « drôle » de rentrée, avec ses incertitudes et ses zones d’ombres. On devrait enfin retourner dans les salles de spectacles (quid des concerts ?), masqués et, à cette heure où j’écris, en jauge réduite. Pour le reste, on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait. Le No future punk serait-il devenu universel ?! Mais l’humain est résilient et ArKuchi veut surtout croire aux beaux lendemains. Alors sortons, chantons, dansons, cultivonsnous et vivons ! A.H.

success story

Vrais Rêves & Festival Karavel

Bêtes de scènes Balises invite au théâtre Prix Célest’1 Expérience aux SUBS ...

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C’était Mieux Avant

Daniel Darc

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Festivals

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Invité du mois

hors la loi

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Brigitte Enguerand©

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Lettres & Ratures

Popote(s) & Jugeote

Grand flou artistique & Coups de cœur

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Portrait Lucie Campos bouscule les lignes

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CARTE BLANCHE Karelle Prugnaud « Tout est matière à créer »

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FOKUS

Jérôme Poulalier

ADN Les “sales mômes” de Britt

contact.arkuchi@orange.fr

Mensuel gratuit Lyon, Métropole & Rhône-Alpes Édité par ArKuchi, 18 rue de Belfort, Lyon 4 Direction de la publication - Rédaction en chef Anne Huguet - 06 13 07 06 97 Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro Claudia Cardoso, Blandine Dauvilaire, Marc Dazy, Lucie Diondet, Ponia DuMont, Émiland Griès, Marco Jéru, Trina Mounier, Enna Pator, Karelle Prugnaud, Nikki Renard, Florence Roux, Gallia Valette-Pilenko Illustration de couverture : Jérôme Poulalier Publicité : contact.arkuchi@orange.fr 06 13 07 06 97 Conception et mise en page Impression : FOT

“capture l’air” sur la pellicule

Tirage : 15 000 ex. Dépôt légal à parution – ISSN : 2646-8387

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C Dans L’Air

Combo CK

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Nawelle Aïnèche pour The Hope Gallery, 2020

arkuchi #17 sept. - OCT. 2020

SPÉCIAL RENTRÉE

La rédaction n’est pas responsable des textes et photos publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés.

Abonnement

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9 num./an = 27 eur.

Forme & Fonction

Ré-ha-bi-li-ter

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Trajectoires

Mourad Merzouki

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success story

Autoportrait

Par Lucie Diondet

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Il y a quarante ans, la photographie n’est guère consacrée, en dehors des Rencontres d’Arles. À Lyon, il a fallu la mobilisation des bouillonnants collectifs Regard et CLAP(1) pour sortir cet art “mineur” des clichés et voir naître des galeries aussi renommées que Le Bleu du Ciel, Le Réverbère ou la pionnière en France, Vrais Rêves. Raymond Viallon et Rémy Mathieu, membres fondateurs et bénévoles actifs de l’association qui la porte, revendiquent son fonctionnement atypique, en toute indépendance car exempt de subvention publique. Un modèle rare, dont l’anniversaire vaut bien une fête en ces temps difficiles.

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Vrais Rêves

6 rue Dumenge, Lyon 4 vraisreves.com

René Basset & Bernard Lanteri Au gré du temps

12 sept. > 31 OCT.

La galerie fait sa foire

14 NOV. > 24 Déc.

(1) Collectif lyonnais d’action photographique, créé en 1979. (2) L’association édite notamment la revue bimestrielle Infos-Rêves. (3) Prix annuel de photographie décerné depuis 1955 par l’association Gens d’images. René Basset le reçoit en 1958.

Depuis ses débuts, la galerie croix-roussienne a présenté les travaux de 206 photographes de 21 nationalités dans ou hors ses murs. À savoir des artistes contemporains, tous vivants lors de l’accrochage. Auteurs reconnus ou révélations, ils sont documentaristes, portraitistes, plasticiens ; ils sont aussi, à l’image de Jean-Baptiste Carhaix, Bénédicte Reverchon ou Marc Le Mené, des fidèles des lieux. L’enthousiasme de Raymond Viallon redouble au souvenir de la venue de l’Américain Duane Michals, à qui la galerie doit le nom, ou du montage rocambolesque d’une autre exposition de l’auteur de l’ouvrage Real Dreams : Photostories. Rien à envier aux galeries new-yorkaises ! Ces quatre décennies riches d’expositions et de publications(2) sont célébrées cet automne avec René Basset et Bernard Lantéri. Le premier, qui fêtera ses 101 ans pendant l’événement, n’est autre que le quatrième lauréat du prestigieux Prix Niepce(3). Artiste lyonnais marquant des années quatre-vingt, resté dans l’ombre de ses prédécesseurs – Jean Dieuzaide, Robert Doisneau et Denis Brihat –, il n’a cessé de confronter sa veine humaniste à divers

un nom dans le “milieu”

procédés techniques. Les jeux de reflets lumineux du second, 85 ans cette année, ramènent aux désirs expérimentaux plus récents de Vrais Rêves. Cette double exposition sera suivie d’un grand marché de la photographie où chacun devrait trouver son bonheur parmi 500 à 700 photos à voir, revoir, voire acquérir. Cette « Galerie fait sa foire » sera précédée d’un récital au piano par Frédérique Lomba (6/11), forte de quarante ans de musique cette année. Roulez jeunesse !

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René Basset©

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success story

KhÁos, Cie Yasaman

KARAVEL

Par Gallia Valette-Pilenko

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photos Julie Cherki

Malgré les vicissitudes du printemps, le festival Karavel sera au rendez-vous comme tous les ans depuis 2007. Même s’il a légèrement réduit la voilure – une quatorzième édition resserrée, des projets internationaux prudemment reportés –, Mourad Merzouki suit sa ligne de conduite : « Donner à voir la vitalité de la danse hip-hop dans toute sa diversité ». Diversité des formes autant que des parcours et des propositions... En effet, que de chemin parcouru depuis l’époque de Sydney et son émission culte des années quatre-vingt ! Mourad Merzouki et Kader Attou, qui font figure de vétérans, sont tous deux devenus directeurs de centres chorégraphiques, et le hip-hop a conquis haut la main le droit de se produire sur les plus grandes scènes internationales. La nouvelle génération a des choses à dire, mais elle n’a plus besoin de débroussailler les chemins pour les exprimer. Témoin, cette jeune chorégraphe pour laquelle le directeur du CCN de Créteil a eu un vrai coup de cœur (et nous aussi) : Sarah Adjou. La jeune femme possède déjà un sacré bagage, elle qui a dansé pour Wim Vandekeybus, Akram Khan et James Thierrée, entre autres. Après un premier solo remarqué, elle présente sa nouvelle production*, Kháos, pièce pour cinq interprètes autour de « l’essence même de l’homme », son allure, ses gestes. Une Festival Karavel création qui promet « d’avoir la force du feu, sa puissance destructrice 1er > 25 oct. et créatrice », à lire l’avant-programme. À l’instar de Perception, une Espace Albert Camus, création de Mazel Freten : le duo – à la scène comme à la ville – Bron et divers lieux agglo fusionne hip-hop (elle) et électro (lui) et poursuit son exploration des www.karavelkalypso.com illusions d’optique, de la fragmentation des corps. Leur premier opus, compagnie Yasaman Untitled, présenté à Karavel en 2017, avait été plébiscité autant par le *estLasoutenue par Pôle en Scènes et le CCN de Créteil. public que par les pros. Vivement octobre !

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dossier rentrée

La rentrée culturelle se fera-t-elle au prix d’un accueil restreint et d’une maigre fréquentation, comme l’ont expérimenté les lieux qui ont rouvert avant l’été ? DANS CE flou, des acteurs comme les SUBS ou la Maison de la Danse se préparent à « faire autrement ».

Par Florence Roux

omment se retrouver à la rentrée ? Le public sera-t-il au rendezvous  ? Ces questions restent brûlantes, alors que les lieux culturels qui ont rouvert avant l’été évoquent une ambiance postconfinement mi-figue mi-raisin, entre appétence et appréhension. Sans réelle ruée.

Mourguet, à Sainte-Foy-lès-Lyon, ne relève, lui, « que 28 % » d’entrées en moins par rapport à l’an dernier… Ce résultat honorable s’explique, pour Grégory Tudella, son directeur adjoint, par « la fidélité des abonnés, attachés à une programmation à 60 % d’art et essai. Grâce à soixante-dix bénévoles, nous pouvons ouvrir tout l’été ». Pour la première fois depuis son ouverture fin 2012 à Lyon, le Théâtre Comédie Odéon a baissé le rideau en août. « Mais nous avons rouvert fin juin !, se félicite Julien Poncet, son directeur. Trois belles semaines où, même à jauge réduite, nous avons accueilli plus de 1500 spectateurs, les plus militants, pour cinq spectacles. Nous ne voulons pas que le théâtre devienne un hub, mais nous ferons le maximum pour rester utile, ouvert et vivre une super saison. » Elle démarre en septembre avec Philippe Caubère dans Les lettres de mon moulin.

Le Musée des Confluences fut l’un des premiers bastions culturels à rouvrir le 2 juin, limitant d’abord sa jauge à 300 personnes avant de l’augmenter, avec réservation, port du masque obligatoire, flux guidés... En juin, l’institution a accueilli 15 000 personnes, contre 55 000 un an plus tôt. Les venues reprennent moderato, mais les enquêtes in situ constatent un « réel besoin de sortie culturelle ». La médiation gratuite fait mouche, comme les spectacles en terrasse, qui accueillent près de 800 participants certains week-ends. Besoin de sortie ? Les cinémas, qui ont rouvert le 22 juin, enregistrent en France ce mois-là un effondrement de 90,2 % du nombre des entrées par rapport à 2019, qui approche encore - 70 % en juillet et se révèle très sensible dans les multiplexes, en l’absence de blockbusters américains. Certains cinémas referment. Du 24 juin au 21 juillet, le Ciné

Même combat aux SUBS où Stéphane Malfettes, le maître des lieux, recentre la rentrée sur ce qu’il nomme les « premières nécessités. Il faut se réunir, malgré les règles, et composer à partir de nos fondamentaux : des œuvres hybrides, hors cadre, qu’on ne voit pas ailleurs… Des créations qui interrogent et agitent le lieu aussi par leur forme. » La biodiversité des formes, si chère aux Subs, s’impose en temps d’épidémie : des pyramides végétalisées du plasticien Thierry Boutonnier dès le 15/09 aux concerts ambient sous la verrière (Zero Gravity, 1/10), en passant par la symphonie intimiste de Clément Vercelletto et Bastien Mignot, qui proposent de crapahuter, radiocassette sur l’épaule (21/11). Avec Virus, le jeu-spectacle de Yan Duyvendak initié dès 2018, les spectateurs s’organisent face à l’arrivée d’un virus mortel (3-7/11). « Nous nous devons d’être la chambre d’écho des préoccupations

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dossier rentrée

des artistes, note Malfettes. Et cela semble interpeller le public puisque les réservations ont bien démarré en juillet. » À la Maison de la Danse (MDLD), certains spectacles étaient complets dès juillet. « On a prévu des listes d’attente et la jauge (672 places au lieu de 1100*) sera élargie au besoin, précise sa directrice, Dominique Hervieu. Nous attendons des décrets (sur le port du masque, la distanciation, ndlr) pour nous adapter... » Plutôt que de faire le dos rond, elle orchestre en septembre-octobre un Automne de la danse gratuit et généreux, avec trois maisons en une. La chorégraphe propose un peu de pédagogie sans grands discours, par le corps, l’expérience, le spectacle. Ainsi, les soirées « Coulisses des œuvres » avec Fouad Boussouf, le trio hip-hop Amala Dianor ou les circassiens du Galactik Ensemble, « ressembleront plutôt à des sorties de résidence très

montrer tout le travail invisible de solidarité des artistes, auprès de personnes en souffrance psychique ou de mineurs isolés Dominique Hervieu soignées, qu’à de l’espionnage de répétition  ». Du Ballet de l’Opéra de Lyon, elle attend que ses interprètes fassent percevoir concrètement, à travers la reprise d’une chorégraphie de Jirí Kylián, « comment on se remémore une partition corporelle ». Avec le Centre national de la danse, la MDLD propose d’aborder la danse-thérapie par une grande séance participative avec automassage, respiration, mouvement… « Un petit prologue souple, ajoute Dominique Hervieu, pour préparer les spectateurs au retour en salle et aux œuvres à découvrir. »

comedieodeon.com museedesconfluences.fr maisondeladanse.com les-subs.com *La Maison de la Danse réalise 60 % de ses recettes en billetterie.

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dossier rentrée

Concerts marchegare.fr periscope-lyon.com radiant-bellevue.fr transbordeur.fr epiceriemoderne.com cavazik.org la-tannerie.com

Le protocole anti-Covid proscrit les concerts debout et rend improbable la rentrée de septembre. Que faire ? Qui y croit, qui n’y croit plus, qui s’adapte ? Réactions différenciées selon les lieux.

Quelle rentrée ? Il n’y aura pas de rentrée ! », tranche Cyrille Bonin. Le directeur du Transbordeur ne prend photo Merydolla ni masque ni pincette pour évoquer la réouverture des salles de concerts en configuration debout. « Qui peut espérer un assouplissement des mesures sanitaires ? Si un endroit représente un cluster Dossier potentiel, c’est bien celui-ci ! Il serait naïf de penser que plus complet les concerts debout vont reprendre comme avant. Ils rockenblog.fr seront annulés les uns après les autres. » Que faire ? « Rien. On va faire faillite, c’est tout. Les mesures de chômage partiel et les prêts garantis vont nous permettre de tenir quelques mois. Après ? On est des privés. On ne touche pas de subventions. Je ne vois pas de solution. » Avis diamétralement opposé Amélie Chabanis chez Victor Bosch, le patron L’Épicerie Moderne du Radiant-Bellevue. « J’espère que ça va ouvrir. Moi, je reste droit dans mes bottes jusqu’au dernier moment. Tout dépendra du gouvernement : est-ce qu’il sera couillu ou pas ? » Foi du charbonnier ou manière de forcer le destin ? Le 25 juin, Victor Bosch fut l’un Par marc dazy

Rentrée il y aura

des seuls à assurer – à vélo, symbole de liberté – une vraie présentation de saison, devant un vrai public. En 2020/2021, il prévoit une programmation dense et riche où se mêlent têtes d’affiche musiques, humour, danse, cirque ou théâtre. « Après le confinement, la renaissance », comme dirait le maire de Caluire, qui verse 750 000 € de subventions (sur un budget total de 3M) à sa rutilante vitrine culturelle. Les scènes rock et musiques actuelles, elles, sont nettement moins sereines. Depuis le confinement, elles jonglent à l’aveugle avec les annulations et les reports de reports. Tel ce concert des Wampas à La Tannerie de Bourg-en-Bresse reprogrammé une nouvelle fois en mars 2021. « Ça devient compliqué. On risque l’effet domino si les dates se chevauchent », craint son directeur Gilles Garrigos. La rentrée ? Pour l’heure, personne ne se risque à annoncer un semblant de programmation autre que virtuelle. « Le protocole sanitaire nous interdit d’ouvrir en configuration debout, explique Didier Goiffon, le directeur de la Cave à Musique. 4 m2 entre chaque spectateur, à la Cave, cela représente 14 personnes sur une capacité de 400 ! Il faut qu’on nous dise enfin si on peut rouvrir, dans quelles conditions, et qu’estce qui se passe sinon. » Tel est le sens de la lettre ouverte que viennent d’adresser au gouvernement des

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professionnels « accablés, abandonnés, méprisés ». Alors que faire ? « Rouvrir le lieu, absolument », répond Amélie Chabanis de l’Épicerie Moderne. Elle résume la position tenue par la plupart des salles de musiques actuelles. « Il y aura une programmation à l’automne. Elle est prête. En fonction des mesures sanitaires, on réadaptera. » L’idée serait de « mettre le lieu à disposition des artistes, et de faire revenir le public en douceur ». Réouverture des locaux de répétition, résidences, petites formes… Ces dernières semaines, les salles ont multiplié les initiatives et continueront ainsi d’occuper le terrain. Mais pour combien de temps ? Aussi nécessaire soitelle, l’action culturelle ne remplace pas la diffusion. « Ça tient pour un trimestre de relance. Le dernier. Après, économiquement ce n’est pas viable », résume Amélie. athouboutdchant.com kraspekmyzik.com

Entre espoir et pessimisme La petite salle de À Thou Bou d’Chant y croit. Fort. « Nous restons optimistes et nous sommes prêts à ouvrir, si les directives de l’État le permettent. » À ce jour, pas de feu vert et des contraintes intenables (sens de circulation, distanciation, jauge…) pour les petits lieux. « On risque de ne pas pouvoir respecter les mesures à 100 %, rappelle Matthias Bouffay. Par exemple, avoir un sens de circulation précis à À Thou Bout d’Chant, ça devient vite une blague. » Pour Franck Guscioni, programmateur du Kraspek Myzik, pas d’ouverture possible sans reprise à 100 % et concert debout. Ce n’est pas rentable. Il avoue être prêt à dégainer une programmation pour la rentrée, trois lives par semaine avec des artistes locaux, régionaux et « quelques internationaux qui ne viendront pas, c’est sûr ». Mais il n’y croit guère. « On ne sait pas quand et comment on va rouvrir », il soulève même la question de la traçabilité du public qui donne froid dans le dos. Quid du public d’ailleurs ? Pour Matthias, il lui faudra « peut-être un temps de réadaptation ». Même si la petite salle du Thou propose principalement des concerts assis, un atout par les temps qui courent. Mais une chose est sûre : « Il est compliqué de faire du spectacle vivant à moitié ou à distance. On a besoin de chaleur humaine, d’émotion et de la complicité avec l’artiste. » À ce jour, les Scènes Découvertes résistent grâce aux aides débloquées. Mais cela ne peut pas durer dans le temps. « Nous avons perdu notre raison d’être et ce pour quoi nous travaillons d’arrache-pied chaque jour, reconnaît Matthias. On a calé des dates et on ouvrira en septembre si c’est possible. » a.h.

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dossier rentrée

TOUS

AU THÉÂTRE ! Par Trina Mounier

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arement saison aura été aussi pléthorique, il va gentilhomme, Tiago Rodrigues qui mêlera à sa manière brillante être difficile de faire des choix. Conséquence Shakespeare, Bradbury et d’autres encore dans By heart. Citons des reports de la période de confinement ? Sans également Simon Abkarian et son iconoclaste Électre des basdoute. Mais il faut compter aussi avec l’avidité fonds, ou encore Serebrennikov et Marthaler dont les spectacles d’un public frustré, avec la nécessité prégnante sont toujours des événements internationaux. pour les compagnies de créer, créer, créer encore après ces mois d’absence et pour survivre, tout simplement. Toujours est-il que le premier OUTSIDE, Kirill Serebrennikov constat, très réjouissant, est qu’il y a bel et bien abondance de jeunes artistes talentueux, notamment du côté des écritures dramatiques. Donc beaucoup de nouveaux noms que l’on prend peu à peu l’habitude de retenir, adossés qu’ils sont à tel ou tel metteur en scène, conséquence des réseaux créés dans les prestigieuses écoles de théâtre de Lyon et Saint-Étienne.

Ira Polyarnaya©

Une fois n’est pas coutume, commençons par eux. Je devrais dire par elles tant elles sont majoritaires, ces autrices qui montent. Ainsi Gwendoline Soublin et Pauline Bureau… La première est au clavier pour Pig Boy, Une épopée et T(E)R:::R/IE:::R, la seconde pour la part des anges, Féminines et surtout Hors la loi, qui retrace les grandes lignes du fameux procès de Bobigny, où la jeune avocate Gisèle Halimi obtint la relaxe d’une mineure inculpée pour avortement après un viol. Leurs propositions théâtrales seront sur les plateaux de la région et d’ailleurs, signe d’une reconnaissance nationale. Il fallait bien accorder à ces jeunes artistes la place qu’ils méritent car la compétition va être rude avec les stars qui sont déjà en bonne position dans les abonnements, à commencer par Cyril Teste* qui présente La Mouette de Tchekhov, sa nouvelle création, aux Célestins. Le théâtre lyonnais truste d’ailleurs les diamants avec Thomas Jolly, dont on pourra revoir la première mise en scène, Arlequin poli par l’amour, Jérôme Deschamps et son Bourgeois

Jean Bellorini se place délibérément dans le sillage des grandes figures du TNP. Il y invite d’abord Peter Brook en ouverture avec deux spectacles dont Shakespeare Résonance, autour de La Tempête… Cette même Tempête avec laquelle il fit sensation, il y a cinquante ans au festival d’Avignon. Ce maître du plateau nu propose cette fois avec humilité un simple workshop… Parmi les autres grands de la scène, on reverra avec passion Ça ira (1) Fin de Louis de Joël Pommerat, on courra voir Le Roi Lear de Georges Lavaudant et on découvrira dans As Comadres une Ariane Mnouchkine inédite dirigeant une comédie musicale interprétée

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Garance Li©

On regardera évidemment à la loupe la programmation de la Comédie de Valence dont le nouveau directeur, Marc Lainé, est à l’affiche avec plusieurs spectacles : La Chambre désaccordée, Vanishing Point (une merveille !) et le tout nouveau Nosztalgia Express. En attendant de connaître la saison de l’autre Comédie, celle de Saint-Étienne, non encore dévoilée et dont le directeur vient d’être nommé à la MC2 de Grenoble. Bizarreries de l’espace-temps, certains spectacles, pourtant conçus avant l’épidémie, semblent avoir été créés dans l’aprèscoup. Ainsi, Lilo Baur nous emmène en compagnie de Two old women dans une fable écologique, philosophique et politique sur les équilibres à trouver en ces temps de péril. Et Joris Mathieu invite, avec En marge, au pas de côté pour sortir du cadre et repenser notre monde. Il est beaucoup question de murs dans cette saison…

ou grands : L’Affaire Correra, La Crèche, La Honte, Échos de la fabrique, Olivier Masson doit-il mourir ? Et c’est du beau théâtre… Ne boudons pas le plaisir de (re)voir certaines compagnies dont on ne se lasse pas. Les Enfants du Levant d’Isabelle Aboulker, mis en scène par Pauline Laidet à l’Opéra de Lyon, devrait être une incontestable réussite. Incertain Monsieur Tokbar témoigne d’un Turak Théâtre au sommet de son art. Les artisans surdoués de La Cordonnerie nous proposent de Ne pas finir comme Roméo et Juliette, on les suivra ! Un détour s’impose par Les Chiens de Navarre et leur théâtre trash, présents avec deux spectacles. Quant à Wajdi Mouawad, il propose avec Seuls, une plongée hypnotique dans son histoire personnelle. On pourra encore retrouver Sarkis Tcheumlekdjian, Thomas Poulard, Thierry Bordereau ou Nicolas Ramond avec son subtil et drôle Ça marchera jamais. Philippe Delaigue, quant à lui, nous raconte un pan de mythologie avec des clowns qui font mourir de rire d’une histoire à pleurer, et Véronique Bettencourt met en scène Stéphane Bernard dans Le Funambule, un long message d’amour musical et dansé écrit par Jean Genet. Pas vraiment légère donc, cette saison, même quand elle s’en donne l’air en débusquant un Feydeau, mais combative, curieuse et pleine d’humour. Mises en théâtre, les idées, c’est passionnant !

Les Armoires Normandes, Les Chiens de Navarre

Brigitte Enguerand / Divergence©

par des actrices brésiliennes… Au rayon des découvertes, celle de Tiphaine Raffier, artiste singulière qui explore les œuvres de miséricorde de l’Évangile selon Matthieu dans La Réponse des Hommes ; deux spectacles de Bellorini himself : Onéguine d’après Pouchkine et Le Jeu des ombres de Valère Novarina, initialement prévu en juillet dernier dans la Cour d’Honneur à Avignon.

suzy Storck Simon Delétang

hors la loi, Pauline Bureau

On constate aussi un engagement grandissant des œuvres, sur la question du genre notamment. C’est le cas de la nouvelle pièce d’Angélique Clairand et Éric Massé, Arrête avec tes mensonges, de Change me de Camille Bernon et Simon Bourgade, du très attendu Hen de Johanny Bert. Plus largement aussi cette saison apparaît à coloration plus politique que psychologique. C’est sensible dans beaucoup des spectacles cités dans ces pages. Pour continuer à réfléchir, rien ne vaut les mises en situation proposées par l’omniprésent François Hien, dont la plupart des spectacles seront donnés dans différents théâtres, petits

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clochardscelestes.com les-subs.com theatredescelestins.com croix-rousse.com pointdujourtheatre.fr tng-lyon.fr

radiant-bellevue.fr tnp-villeurbanne.com letoboggan.com theatre-venissieux.fr theatrelarenaissance.com la-mouche.fr

comediedevalence.com levellein.capi-agglo.fr theatredevillefranche.com theatre-macon.com theatre-bourg.fr espace-des-arts.com

*À découvrir également les performances 3D et en réalité virtuelle du collectif MxM à l’Espace des Arts (71).

Jean-Louis Fernandez©

Le Mur Philippe Delaigue

Lebruman©

Hors la loi


lesproductionslibres.com/alic e-zeniter

C. Raynaud de Lage©

C. Raynaud de Lage©

Johanny Bert Le g oût du risque

2019 e renversé (en Après Le Mond elles où r) int du Jou au Théâtre du Po cière sor la de the my dynamitaient le du es rèt erp nd pif, les int affublées d’un gra ns ta Tie ns da nt, ille up go Collectif Marthe dé ment ues sur le désarme garde, les idées reç mars en éé Cr e. ns todéfe des femmes et l’au -Étienne, le int Sa de die mé dernier à la Co eux d’un uppercut joy spectacle fait l’effet arantes, hil r tou à r tou s, où les comédienne s, et bouleversante dopées, glaçantes ge dans sta n d’u ion fict s’appuient sur la très ur donner chair au une salle d’armes po rlin, Do a Els he sop ilo ph sérieux essai de la F.R. . dre fen Se dé 3 > 7 nov. r, Lyon 5 Jou du t Poin du Théâtre 5 mars Théâtre de Mâcon (71) 10 & 11 mai Comédie de Valence (26)

Difficile de suivre Joha nny Bert. To pas ! Capab ujours où l’o le de créer n ne l’attend Le petit des spectacl d’une infinie bain es pour le délicatesse jeune publ comme de 3 & 4 déc. les codes. H ic fa ire en, par exem éclater les co ple, qui a re des, tous Le Sémaphore, Irigny mention spéc çu le Prix de iale Hors no la rm critique, Un es résolument , annonce la e épopée l’importance couleur et qu du désir da es peut rester m tionne 10 > 12 déc. ns le choix ouvant, indé d’ un fin ge i, volatil… Une nre qui Train-Théâtre et l’espace en , épopée dila proposant au te le temps Portes-lès-Va x familles de entière au lence (26) théâtre. Si ve ni r vi vr e le un s e marionnette journée l’univers de s font toujou Johanny Be rs partie de Hen rt, elles au ssi sont in 20 Jan. > 6 fév. attendues. T.M. Théâ tre des Célestins, Lyo theatrederomette n2 .com ArKuchi #17 SEPT. / OCT. 2020

Jean-Louis Fernandez

C. Raynaud de Lage©

Par Trina Mounier & Florence Roux

pas de quartier da la salle d’armes

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PHOTOMATONS

Collectif Marthnse Jean-Louis Fernandez

Astrid di Crollalanza Flam marion©

8 & 9 oct. Espace des Arts,, Chalon (71) 26 NOV. Théâtre de Villefranche 28 NOV. Le Vellein, Villefontaine (38)

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Désobéir

C’est l’arbre qui cac he la forêt : L’Art de perdre, couron par une multitude né de prix littéraires dont le Goncourt lycéens, a failli occ des ulter une autre Al ice Zeniter, femme de théâtre. Pourtan t, derrière Petit Ey olf et Désobéir, tou deux mis en scène s par Julie Bérès, il y a une adaptatric une traductrice, un e, e autrice de théâtr e. En creusant, on découvre que Zenit er n’a jamais aban donné son premier métier. Elle a même créé sa compagnie, L’Entente cordiale, dans sa Bretagne de cœur et de vie . Elle joue, elle me scène, souvent pour t en le jeune public, et propose des lectur musicales, autre es façon de mettre en lumière un tex Artiste associée de te… la Comédie de Va lence, elle y créera un seul en scène hybride mi-confé rence mi-confessi au titre paradoxal, on Je suis une fille sans histoire. T.M .

Jean-Louis Fernandez

Néo Néo©

6 > 10 oct. 22 fév. > 26 mars (Comédie ItinérantComédie de Valence (26)

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Clément Camar-Mercier©

dossier rentrée

Je suis une fille sans histoire

Alice Zeniter


dossier rentrée

D. R.©

Myriam Boudenia

Vincent Arbelet

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tout-terrain

Lyon 1 Les Clochards Célestes, xiste

L’avenir n’e pas encore

4 > 13 NOV.

ce, Théâtre de la Renaissan Oullins

UMAMI

com cielavoliere.wordpress.

2 > 6 mars 21

SOUTERRAIN

fou de littéra

rmé à Borle a été fo ures : Olivier rit éc puise s il lle s, be or s reux de , Cormann. Al C’est un amou aretti, Delaigue natal), hi ys Sc , pa ds au an gr ur reto l’école des plus ble Cahier d’un lice. Son saire (inoublia explore avec dé ’il qu n he chez Aimé Cé Co rt be mour. Il Al hu rs d’ ve n ei ne pl ur and, insolent, comme il se to m ur go ndezt es angeclous ra-t-elle au re travail sur M du Seigneur se le re, en el uv (B œ ite e su un d’ une ler au fond al laisse espérer e m llent ai ce te ex ue cet artis rra aussi en vous ?) puisq crets. On le ve go se Hu s t, le no et ge es ill an erve Philippe M dénicher les m et… T.M. la direction de id us La e so in t ul es Pa ’il , Roux comédien qu letheatreoblique.com

17 oct. Le Toboggan, Décines 23 > 28 fév. 21 estes, Lyon 1 Cél rds cha Clo des e âtr

Théâtre de Vi 7 NOV. llefranche Part-Dieu , chant de gare

Thé

Mangeclous

12 > 15 NO Théâtre de Bo V. urgen-Bresse (0 1)

Laure Duchet ©

Sarrazin

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4 > 7 mai 21 Renaissance, Oullins

Julie Ross de si belles ello-Rochet m a la d r e ss

nandez ©

Jean-Louis Fer nandez ©

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Jean-Louis Fer

Théâtre de La

21 Jan. Le Toboggan, Décines

ArKuchi #17 SEPT. / OCT. 2020

« C’est u ne rentr ée bien pièces re rock’n ro partent e ll », con n tourné et Albert cède Juli e cette sa ine, les fi e Rossell ison. « C gures de o-Roche l’autrice. e n’est p ces texte t dont tr L’adolesc a s voulu m s, ois e so nce perm sexualité n ais Blake t to u s et aux pe en parco de maniè , Théodo rsonnage urs initia r re assez qui donn tique, po s de parl frontale, e accès a ursuit er de leu explorato ux failles, Après sa r co ir e et ludiq rps et de au doute thèse su  ». Ces tr ue. Avec leur r les fem pense dé ois œuvre une mala mes dra jà à des te s dresse so m n t a aussi des turges a xtes plus u XIX e si comman personne ècle, en des. ls. Du thé novembre âtre et p , Julie as que. F .R.

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Mangeclous et la Lioncesse

Cross, ou r de vivr e

M. Foltier Gueydan

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Olivier Bortulree

B. Cruvellier

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26 mars

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La Passerelle, ) St-Just St-Rambert (42

C. Ganet

Vincent Arbelet

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29 mars > 2 avr. 21

Le Projet Séqu

te (et lui est prétex Boudenia. Tout m riés, ia va yr s M trè s is, re tout bo ns des regist Da . en bi Elle fait feu de lui rt Il fo e. et . Car elle écrit, le met en scèn s rse. Parfois el texte) à théâtre ur ve ie tra us Pl de t. s in en les chem tacles notamm sans craindre tions éa s propres spec cr se s ns De da e. r, nc ue jo ou Vale arrive aussi de Lyon, Oullins la Rage du se joueront à me Héloïse ou m co ur de ses pièces to dé le , sera lue nt és le st va va i dé s qu , Palpitants et lle et des reprise ne on rs es pe le t artiste re la plus 9/9), dont el réel. Son œuv s Célestes (2 rd ha oc Cl x t) au (théâtralemen couvrir. T.M. associée. À dé


portrait

À la tête de la Villa Gillet depuis presque un an, Lucie Campos, normalienne et docteur en littérature comparée, veut faire de Lyon une référence européenne pour les lettres.

Lucie Campos

l’europe  en toutes lettres

Par blandine dauvilaire

photo Enna Pator

Quelle est la mission de la Villa Gillet ? Lucie Campos Depuis 30 ans, elle donne la parole aux écrivains, aux créateurs ayant des projets autour de l’écrit et au public qui s’intéresse aux livres. Nous ne sommes ni une librairie, ni une université, ni une vitrine destinée à vendre le dernier livre publié. Ici le public participe activement à la réception du texte littéraire, nous accordons une grande place aux débats d’idées. Cette mission va-t-elle évoluer ? LC Je souhaite ouvrir davantage ce lieu, réinventer les manières dont nous travaillons avec tous les publics, y compris les collèges et lycées, pour faire de la Villa Gillet un lieu européen des lettres, comme il en existe à Berlin, Turin, Barcelone et Londres. La culture européenne a profondément besoin de ces lieux de conversation. Le dialogue européen est-il un moteur ? LC Cette foi dans ce dialogue tient à ma génération. J’ai quarantedeux ans, je suis née en Irlande et arrivée en France dans les années quatre-vingt. J’ai grandi avec l’idée que ce pays était un véritable lieu de pensée politique, sociale et intellectuelle ouvert sur le monde.

Vous signez une première programmation très dense. LC La rentrée s’annonce compliquée pour la chaîne du livre. C’est pourquoi nous organisons en octobre une rentrée littéraire qui associera les libraires lyonnais, et accueillera entre autres Mathias Énard et Camille Laurens. En novembre, notre festival Mode d’emploi dédié aux sciences humaines et sociales invitera de grandes voix françaises et internationales à dialoguer, notamment sur les questions raciales et d’inégalités. Les nouvelles écritures autour de la nature seront à l’honneur avec Bérengère Cournut, Nastassja Martin, Baptiste Morizot et Pierre Charbonnier, qui sont en train d’imposer une nouvelle pensée française. Il sera aussi question de l’Europe et de la Méditerranée, car on ne parle pas d’Europe sans parler du monde. En mai dernier, vous avez expérimenté avec succès une version digitale des Assises Internationales du Roman. Comptez-vous réitérer ? LC Ces Assises numériques ont permis de converser avec des écrivains que nous n’aurions pas pu inviter, sept Chinois et autant de Chiliens ont participé ! Nous avons touché un autre public car la programmation a été vue dans le monde entier. À l’avenir, nous souhaitons garder Histoires de virus (...) cette multiplicité-là en l’hybridant avec 5 oct. les formes présentielles. Promenades littéraires avec les comédiens du GEIQ

Vous proposez aussi toute l’année des rendez-vous privilégiés… LC Il s’agit de petites rencontres d’écrivains, de workshops, d’ateliers, de master class, de stages pour se former à l’éloquence et au débat d’idées… Je veux partager la littérature de toutes les manières possibles.

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6 oct.

Grand entretien avec Camille Laurens

7 oct.

Villa Gillet, Lyon 4 villagillet.net



carte blanche

Acrobate, danseuse, comédienne et performeuse hors normes, Karelle Prugnaud est aussi metteuse en scène. Associée depuis 2005 à Eugène Durif, elle développe un travail pluridisciplinaire entre théâtre, performance, parfois cirque. Ses pièces hybrides, très visuelles, entremêlent corps et mots, chair et texte, et font mouche par leur engagement total et une sensibilité à fleur de peau.

Par karelle prugnaud

MONSTRATION

Théâtre de l’Élysée, Lyon 7 27 > 29 oct. LE DÉSERT DE VIVRE ENSEMBLE

Théâtre de l’Union Limoges (87) 23 > 25 fév. 21

MISTER TAMBOURINE MAN

Espace des Arts, Chalon (71) 14 > 16 mai 21 L’ARC Scène Nationale, Le Creusot (71) 18 > 22 mai 21

L’

art peut être divertissant, mais n’est pas un divertissement. C’est ainsi que je vois l’artiste. Une vigie qui tente de prévenir le malheur en le montrant du doigt. Une Cassandre dont la malédiction serait de ne pas être prise au sérieux. C’est pourquoi, la part la plus importante de l’artiste, pour moi, est la nécessité. Cette flamme qui nous tient en alerte au fond du ventre jour et nuit. Réveiller les endormis : il est où ce feu qui illumine la nuit ? Qui réveille la nuit ? Je ne parle pas du feu prométhéen, mais celui qui rassemble en attendant la lumière. Celui qui fait danser les ombres et ouvre, dans la peur, l’inquiétude et l’imagination, le geste et le verbe.

photos michel cavalca

Une étincelle peut mettre le feu à la plaine. Un contrefeu pour montrer, tenter de ralentir, de bannir ce qu’il y a d’invivable. Pour cela, je crois profondément qu’il faut rencontrer, comme le faisaient les grands découvreurs, les aventuriers, lorsqu’ils mettaient les pieds sur une terre vierge mais néanmoins habitée. Il faut atteindre des mondes, des univers, des vies singulières et atypiques qui sont aux antipodes de la nôtre mais qui la nourrissent et la font évoluer. C’est la tentative, sans cesse recommencée, de reconstruire une Babel faite de toutes les influences, de toutes les voix, dont le théâtre doit se faire le révélateur. Il ne faut pas avoir peur de brûler, faire tomber les murs qui nous séparent, les cloisons qui nous étiquettent et nous enterrent bien vivants. L’artiste

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carte blanche

n’est pas un produit fini, il doit pouvoir se retourner sur son chemin, se revoir et ne pas se reconnaître. En quête perpétuelle, il ne faut pas avoir peur de cheminer, se perdre, faire demi-tour, prendre des risques, tenter, rater, tenter à nouveau et rater un peu mieux puis reprendre sa route sans s’excuser de son audace et de sa sincérité. L’artiste doit être cette salamandre qui symbolise la foi, elle ne peut être détruite même par le feu. C’est un Woyzeck, un clown, un bouffon, celui qui est toujours juste à côté du monde afin de tenter d’en saisir les contours et les livrer à sa manière à qui veut. C’est pourquoi, chez moi, tout est matière à créer. Il m’est impossible d’attendre, juste créer, là, maintenant tout de suite, avec ce que j’ai sous la main, tout est là. Il suffit de le saisir. Un auteur, un peintre, un compositeur peut entretenir ce muscle de la création en solitaire. Mais un metteur en scène, un acteur, un réalisateur dépendent des autres, ils ont besoin d’un lieu, d’une équipe, d’un public qui se déplace... Alors je tente de limiter ces exigences en faisant des performances, des happenings, des petites formes, dans tous les espaces qui s’offrent à moi. Je tente de créer du théâtre dans l’anarchie du possible, l’enrubanner et l’offrir à qui veut.

Chez moi, tout est matière à créer

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ADN

RencontreVernissage

14 sept. MaPièce Bellecour Lyon 2 mapiece.fr

Atelier du Canal, Puces du Canal Villeurbanne

britt tamalet

De visu

Pentes de la Croix-Rousse

britttamalet.com @Britt-tam67

& COLLAGES Par Florence Roux

photo enna pator

Sur les murs de Lyon, la brunette, bras un lieu », elle goûte « la diversité des croisés et moue boudeuse, vous fixe endroits, des clients, des techniques ». du regard au cœur d’une toile façon Il faut composer faux marbres, Peintre en décor, Britt Tamalet pop art, taguée de signes et slogans. fresques et trompe-l’œil, manier la (ou Britt Tam) a d’abord arraché À la terrasse d’un café, Britt Tamalet chaux, les pigments ou les huiles et, quelques affiches pour réaliser a le cheveu blond, l’œil bleu gris tour toujours, chercher des solutions  ! ses collages. Mais aussi pour à tour attentif, joueur, interrogatif… Un jour, en 2010, pour les besoins la beauté de l’effet. Depuis un an, « La fillette ? Ce n’est pas moi !, d’un chantier, Britt réalise une elle colle sur les murs de Lyon s’amuse la quinquagénaire. Elle a toile, le premier de ses nombreux la bouille d’une fillette aux été photographiée aux États-Unis, tableaux, des collages le plus slogans humanistes et au dans les années cinquante, dans souvent. « C’est encore du décor », regard intense. la rue par Vivian Maier, nounou tempère celle qui « aime toutes les photographe dont les clichés ont œuvres, de Piero della Francesca été découverts récemment. Je ne à Kandinsky, Picasso, Mondrian, sais rien d’elle, mais j’aime sa bouille pas contente, qui se pose Pollock, de Warhol à Basquiat  ». Pour « alimenter » ses des questions. Pour moi, c’est une enfant d’aujourd’hui, face créations, l’artiste arpente souvent les rues où elle repère des aux menaces sur le climat, les minorités, la biodiversité… » affiches dont elle arrache des bouts, s’émerveillant du résultat Britt, elle, évoque « une enfance insouciante et bohème ». À Lyon, de l’effeuillage, « des dégradés beaux comme des peintures ». celle qui « dessine tout le temps » et « aime plein de choses » Puis, en novembre dernier, alors que l’aînée de ses quatre vise les Beaux-Arts, puis bifurque vers l’archéologie médiévale enfants se mobilise contre les féminicides, Britt compose sa qui l’amène à explorer les cryptes carolingiennes en Lombardie première affiche de fillette arborant sur son tee-shirt “We ou le monastère de Brou, dans « de vraies enquêtes de terrain ». should all be feminists”. D’autres gamines et slogans suivront : Au sortir de son DEA, en 1992, elle devient peintre en décor. “No future”, “Smile and save the planet”... Son fils l’aide à Comme sa mère. De ce métier, qu’elle exerce depuis vingt-six ans, coller ses œuvres-messages. « Avec de la colle à papier, préciseelle affectionne « ces chantiers où le travail de tous transforme t-elle. Pour que cela se dégrade, soit arraché et reste éphémère. »

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fokus

Reportage Subsistance Jordanie, juillet 2018

Reportage Subsistance Jordanie, juillet 2018

photos Jérôme Poulalier

Il a la trentaine, l’œil curieux, l’air cool de ceux qui hument la rue et l’air du temps. Mais il ne fait pas de street photographie, il s’en défend. Jérôme Poulalier vit de la photographie et se consacre, depuis huit ans, à des reportages. Tous univers, toutes destinations, tous sujets. « Des projets » qu’il choisit « avant tout au coup de cœur » et qu’il imagine et conceptualise souvent de A à Z, posant un cadre et un angle de vue. La notion de storytelling est très importante pour lui. « J’aime l’idée de documenter sur un instant que tu ne revivras jamais… » Son premier souvenir lié à la photographie ? Le développement d’une photo ratée avec son père quand il avait une dizaine d’années. Il avoue avoir commencé « par curiosité, sur l’outil », un appareil compact numérique, des photos de soirées à l’arrache, une première série personnelle sur les friches urbaines, des voyages, le goût pour l’exploration et les ambiances urbaines (le mot revient souvent) et l’envie définitive de « faire quelque chose de cette photographie ». Il articule aujourd’hui son travail autour de quatre grandes thématiques, humain/portrait/rue/ histoire. « Je documente l’humain dans son environnement. » Dont acte avec des reportages fouillés qui l’emmènent au fin fond du désert jordanien avec des archéologues (mission de trois semaines, en 2018), au Texas pour un voyage initiatique au pays des non-voyants (il confie avoir été marqué par cette expérience) ou dans un no man’s land inquiétant en Transylvanie (Copsa Mica en 2011). Avec Granvillage et Groupama, en 2019, c’est aux producteurs locaux des circuits courts qu’il s’intéresse. Une manière de témoigner du monde d’aujourd’hui et ici un sujet qui lui tient à cœur – il vient de la campagne jurassienne et du monde de la terre.

Par anne huguet

Je documente l’humain sur son environnement

des histoires en images

Jérôme Poulalier


montagne de l’atlas Maroc, 2018 (argentique)

Émotions & perceptions Stéphanie, parc de la tête d’or, 2017

Ses modèles Alec Soth, Roger Ballen, Peter Beard, Titouan Lamazou, JR, Estevan Oriol, Mike Brodie, Nan Goldin

jeromepoulalier.com jeromepoulalier

Des instants volés, une nuée d’abeilles, huit secondes de pure adrénaline avec des bulls riders texans, des gueules burinées, un regard bleu cobalt, le désert à perte de vue : les sujets, en noir et blanc ou en couleurs, sont multiples et cherchent à capter « tout ce qui sort de l’ordinaire. » Ce qui lui donne envie de déclencher ? « Lorsque qu’une émotion se dégage. Que cela me parle ou que cela me plonge dans une histoire. » Une façon de « capturer l’air sur la pellicule », sans doute. À l’instinct voire à l’arrache. Comme une poubelle renversée avec ses déchets, ou encore l’image de ce corbillard, volée à New York, avec son incroyable plaque d’immatriculation, « SIXVISIX » (666). « Ce sont souvent des détails qui m’inspirent. Des gestes qui attirent mon regard en premier. » On se doute que la rencontre est essentielle pour lui : « parler, échanger, découvrir… pour raconter des histoires en images », on y revient toujours. Jérôme Poulalier est l’un des quinze finalistes du Prix Levallois 2020. Bravo. Il suit aussi une masterclass avec Alec Soth. « C’est intéressant de savoir comment les pères de la photographie contemporaine imaginent leurs projets, planifient une série, travaillent leur editing. On n’y apprend pas vraiment des techniques, c’est plus poétique. On est dans un partage de son approche, de sa vision... » Skating Rink - Cedar Hill, Texas , 2019

GranVillage - Laura Ressouche, 2019


COMBO CK©

C DANS L’AIR

lt e a H au x c

en se u rs

Adepte du détournement d’images engagées, le street-artiste Combo Culture Kidnapper investit la galerie Spacejunk avec l’exposition Censurée. Interview. Par blandine Dauvilaire

Quel est le sujet de cette exposition ? Combo CK Censurée montre les collages que je fais dans la rue habituellement et les réactions qu’ils suscitent face aux thèmes abordés : l’homophobie, le sexisme, le racisme et la religion. Les dégradations subies par les œuvres (arrachées ou taguées) reflètent une ambiance générale assez délétère et violente envers tous, car la haine du juif, de la femme et de l’homo sont très proches. Pourtant, je ne fais que coller des affiches en papier qui se décollent rapidement. Mais ça provoque des mots très violents : « Va te faire violer pétasse », « Les homos nous font gerber », etc. Si on se permet d’inscrire cela dans la rue et de propager ces propos sur les réseaux sociaux, on n’est pas très loin de se permettre d’agresser physiquement une personne. Vous-même avez été agressé en 2015, après l’attentat de Charlie Hebdo, pour avoir réalisé une fresque reprenant le logo COEXIST… CCK Cette exposition est une manière de réagir par rapport à toutes les violences verbales et physiques que j’ai subies.

Certains sujets déclenchent-ils plus de réactions ? CCK La religion et la politique toujours, comme dans les Censurée dîners de famille. Et l’homosexualité malheureusement 10 sept. > 7 nov. spacejunk, Lyon 1 encore. Ce que je montre n’est ni érotique ni sulfureux, Spacejunk.tv mais le simple fait de voir Tintin et le Capitaine Haddock

amoureux crée un rejet violent chez certains, qui souvent refoulent leur propre homosexualité. Chez Spacejunk, la scénographie immersive recrée l’ambiance de la rue… CCK Il y a à la fois des toiles et des collages d’affiches monumentales intégrant les tags, insultes et déchirures que les gens ont ajoutés. On a l’impression d’être devant une façade d’immeuble. Vous arrive-t-il de répondre aux commentaires ? CCK Ça me titille, mais je considère que, quand je dépose une œuvre dans la rue, elle appartient aux gens du quartier et aux passants. Ils peuvent l’arracher ou écrire dessus, c’est leur droit, ce qui me dérange c’est quand ils ne réagissent pas. Mais de plus en plus souvent, les gens enlèvent les insultes et réécrivent dessus. C’est vers ça que je veux tendre. Que peut le street art contre l’intolérance ? CCK Il interpelle la personne qui marche dans la rue. L’art change les gens et les gens changent le monde. Plus on les habitue à une image, plus on la rend banale. L’exposition a été pensée pour accueillir un public jeune, avec une médiation adaptée et des statistiques sur les discriminations en France. Il n’y a pas de jugement moral. Aux parents et professeurs de se servir de cet outil pour ouvrir le débat.

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FORME & FONCTION

Chantier de la Cité Perrache (décembre 2018)

REHAB ! Q Par émiland griès

À quelques illuminés conspirationnistes près, tout le monde s’accorde sur la nécessité impérieuse de limiter l’impact “climaticide” de nos modes de vie. Et pourtant ! Un pan complet de notre quotidien semble quelque peu laissé de côté dans les solutions à portée de main : nos logements recèlent en effet des pistes d’amélioration simples, rapides et tangibles.

uel paradoxe  ! Habitants des grandes et petites villes, des banlieues, et même des campagnes, nous occupons, pour la majorité d’entre nous, des logements aux qualités bien peu compatibles avec les aspirations écologiques exprimées récemment dans les urnes. Il n’y a qu’à lever les yeux et observer : le patrimoine bâti de notre quotidien est constitué en majeure partie de constructions d’avant la seconde moitié des années soixante-dix. 1973, pour être précis, est la date à laquelle les pays producteurs décidèrent unilatéralement de rendre le combustible cher. En conséquence, le secteur du BTP, dont les clients étaient jusque-là peu regardants sur le sujet, fut bien obligé de se pencher plus sérieusement sur une donnée importante du confort des logements : celle de la passivité des constructions, de leur capacité à isoler du froid, pour faire simple. D’un point de vue énergétique, ce considérable héritage immobilier, pas vraiment rénové donc thermiquement obsolète, libère dans l’air des tombereaux de calories, en pure perte. Un véhicule aux cylindrées ronflantes choque par son inutile débauche de carburant, de bruit et de gaz toxiques. Il faudrait tout autant se formaliser face à un immeuble aux fenêtres à simple vitrage et à l’étanchéité approximative, aux façades de béton parées intérieurement d’une fine et symbolique feuille de polystyrène, aux combles ou aux toitures-terrasses peu isolés. L’un comme l’autre sont des aberrations écologiques, des objets nocifs pour la planète et ses occupants, menant tout droit dans une impasse.

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FORME & FONCTION

Jérémy Mathieu©

Or, si l’enjeu que représente la pollution automobile se comprend aisément, l’impact de l’habitat ancien sur l’environnement nécessite, il faut le reconnaître, un peu plus d’expertise. Un mal plus récent ronge le quotidien des terriens : le réchauffement climatique, également généré par les passoires thermiques que sont ces immeubles anciens. Les villes, en permanente expansion, sont trop minérales, trop réverbérantes, trop imperméables, trop émissives de CO². Elles (nous, en fait) produisent leur propre perte (la nôtre, de fait), résumée par un sigle en permanente aggravation : l’ICU ou Indice de chaleur urbaine. Le verdissement des espaces extérieurs est une réponse au problème. Le recours aux énergies renouvelables, telle la production d’eau chaude solaire, par exemple, en est une autre. Mais les bâtiments, indispensables pour nous loger, seront toujours, du moins sous nos latitudes, essentiellement constitués de matériaux minéraux. L’isolation des constructions passe donc par ce concept supplémentaire de confort d’été : celui de réguler l’échauffement – quadrature du cercle que de protéger les habitants de la canicule, tout en évitant de la provoquer –, sans recourir, cela va de soi, à la solution sans lendemain de la climatisation. La construction neuve, bien que largement perfectible, est désormais encadrée de règles environnementales. Il faut tout autant prendre le problème à bras le corps et RÉ-HA-BI-LI-TER thermiquement nos immeubles anciens de logements. Pour relever cet urgent défi, tout le monde doit retrousser ses manches : les fabricants en produisant des matériaux bio-sourcés plus performants, les concepteurs – et architectes en premier lieu – en redoublant d’ingéniosité, les propriétaires en inscrivant dans leurs budgets à court terme des travaux, et, surtout, les pouvoirs publics en prenant des décisions politiques qui fassent levier, à la fois contraignantes et financièrement incitatives. L’échelle du DPE* à escalader – qui étiquette énergétiquement de G (vraiment pas bon) à A (très performant) tous les biens de consommation, y compris les bâtiments – est abrupte. Surtout à son pied, en G ! Les solutions sont pourtant multiples et pas si compliquées que cela. Pour ne citer que les principales : isolation par l’extérieur de la maçonnerie avec des matériaux hors de toute filière fossile (exit le polystyrène, place à la laine de verre, la fibre de bois, la paille, le chanvre), menuiseries à double vitrage et occultations adaptées (vive les brisesoleil orientables, héritiers des jalousies lyonnaises), isolation conséquente des couvertures représentant les surfaces les plus déperditives car l’air chaud monte… Rien ne sert de vouloir rouler en véhicule hybride ou de faire ses courses en vrac dans des épiceries bio si, en même temps, l’usage que nous faisons de nos logements à faible performance énergétique aggrave la situation climatique et environnementale de la planète ! On fait confiance à la dextérité et au discernement des architectes – encore faut-il leur donner cette mission ! – pour la mise en œuvre de cette isolation extérieure. Un tel emmaillotage, appliqué sans contrepartie, gommerait tous les détails qui caractérisent et qualifient les bâtiments. Il faut éviter à tout prix l’écueil de cet appauvrissement sémantique de nos paysages quotidiens. Ce type de réhabilitation nécessite l’art, plein de doigté, du relooking, redonnant sa chance au Laid, reformulant le Fade et le Maladroit, respectant et magnifiant le Beau. *Diagnostic de performance énergétique

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trajectoires

Espace Albert Camus BRON ORCHESTRE NATIONAL DE BARBÈS

19 nov.

THE OPERA LOCOS

4 fév. 21

CARMEN TORÖ, TORÔ, TORÕ

José Montalvo 28 mai 21

AILLEURS MÖBIUS / Cie XY

9 > 12 déc. Maison de la Danse, Lyon 8 LES FRANGLAISES

30 & 31 jan. 21 Toboggan, Décines

ROOM / James Thierrée

1er > 13 juin 21 Théâtre des Célestins, Lyon 2

Mourad Merzouki

B RASSEUR D E RÊV E(S)

Est-il encore besoin de présenter Mourad Merzouki ? Chorégraphe infatigable (le génial Boxe Boxe ou le planant Vertical, pour ne citer que deux pièces), il est aussi l’instigateur du festival Karavel ET du petit frère parisien Kalypso. Depuis trois ans, il est également aux manettes artistiques du projet Pôle En Scènes à Bron. Bienvenue dans son monde.

Par anne huguet

Après la scène et la création, la programmation est une autre casquette. MOURAD MERZOUKI  Moi je n’ai pas l’impression de passer du coq à l’âne ! J’aborde la programmation comme mes propres créations, en interrogeant comment le spectateur va vivre la pièce. Un programmateur est aussi un peu un artiste. Ce qui m’importe ? Rassembler, faire vivre des émotions. Puis essayer de changer le regard sur nos sociétés. C’est ce que je fais dans mon travail de chorégraphe. Au-delà du seul plaisir de danser. […] Pour moi, l’artiste peut amener à bousculer une vision politique. Car il est sur le terrain, connecté à la réalité du quotidien, il vit avec l’évolution de la société. Lorsque je travaille pour le défilé de la Biennale, c’est pour être en lien avec le territoire et les gens. J’ai ainsi plus de chance de répondre à leurs attentes. Qu’est-ce qui motive vos choix ? MM Quand il y a la belle image, la belle émotion, le rythme qu’il faut. Quand cela me fait rêver. C’est peut-être naïf… mais j’aime l’idée d’aller au théâtre pour en sortir avec une vision du monde qui tire vers le haut. Sans doute faut-il des artistes qui bousculent et qui interrogent. Moi je défends plutôt les spectacles qui enchantent, qui procurent l’émotion et l’énergie pour faire face à nos quotidiens… turbulents. J’essaie aussi d’amener le

photo Julie Cherki

spectateur à être critique. Mais ça demande du temps et une certaine éducation. Je le sais, moi qui ai mis les pieds dans un théâtre tardivement. Y-a-t-il un ADN Merzouki ? MM J’aime ces spectacles qui mélangent théâtre, vidéo, danse, cirque, musique live… Lorsqu’on fait éclater les barrières. Cela permet d’avoir différents points d’accroche. Puis cela oblige le spectateur à prendre plus de risques. Ma mission est de brasser les publics et les gens : je ne veux pas de case, pas de règle. Comme dans mes pièces où se croisent depuis vingt ans des spectateurs de tous générations et horizons confondus. Des spectacles à ne pas rater ? MM Je suis content d’accueillir Richard Bohringer. Très engagé et provocateur, il a les mots justes pour s’adresser à tous et interroger sur notre rapport au monde. Côté Karavel, je pense à cette jeune danseuse chorégraphe, Sarah Adjou, qui surprend par sa qualité d’interprète, son charisme et la richesse de sa danse. Première de Kháos à Bron (6/10). De quoi rêvez-vous ? MM Je rêve d’un théâtre connecté au monde.

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Pôle En Scènes, Bron pole-en-scenes.com



un petit air de famille : décalés et exigeants, ils ouvrent des voies originales, surprennent, voire dérangent. Il serait fort dommage qu’ils demeurent dans la clandestinité… Ainsi Les SUBS proposent un Virus, hélas de saison, et vrai jeu participatif de simulation quasi prophétique (le projet a été imaginé bien en amont de la pandémie). Le Centre culturel Charlie Chaplin (Vaulx-en-Velin) promeut Et le cœur fume encore qui revient en rires et en larmes sur la guerre d’Algérie et les traces oubliées Et si vous retourniez au théâtre ? La question vous dit quelque dans les mémoires. Au Théâtre des Marronniers, on pourra voir chose ? Vous avez dû la lire ici ou là dans la Métropole, sur un Les Singes s’ennuient aussi le dimanche, une comédie scientifique véhicule jaune à l’entrée d’une salle. C’est le mot d’ordre de Balises passionnante. Charlotte Lagrange est la nouvelle tête à découvrir du côté de la Croix-Rousse avec Désirer tant, ou comment les pour donner envie de retourner au théâtre. fantômes du passé prennent le pouvoir sur nos vies. Quant à Encouragement plus que jamais d’actualité ! Anne de Boissy, elle présentera, Mais si cette incitation nous dans le cadre du festival Regards réjouit l’âme, tant nous avons Par trina mounier de Novembre, L’Analphabète été et sommes encore privés, elle d’après Agota Kristof au NTH8. nous pose une question : Balises, Au Théâtre Jean Marais (Saintc’est quoi ? Ni un théâtre, ni un Fons), on retrouvera Au-delà du spectacle, ni un programmateur. mur et le travail impeccable de Mais un peu de tout cela à la fois. Nino D’Introna. Le performeur Disons… un facilitateur militant Raphaël Gouisset nous emmène, amoureux de théâtre. « Un lui, de l’autre côté du miroir avec catalyseur », précise Jacques intelligence et humour avec Fayard, l’inventeur de Balises et Je ne suis pas un astronaute, à directeur du Théâtre de l’Élysée. voir au Théâtre de l’Élysée… Pour être plus concret, Balises Cet échantillon de la bonne rend plus accessible le théâtre trentaine de spectacles présents grâce à l’opération : une place dans l’opération Balises illustre achetée, une place offerte. bien leur variété et leur intérêt Balises relaie cette offre, la rend artistique. lisible et audible afin que le Comme l’explique Jacques maximum de spectateurs puisse Fayard : « Balises cherche à en profiter, que les compagnies soutenir la diffusion de pièces puissent créer devant un public créées localement qui méritent et que toutes les salles de la de rayonner ». Pour aider encore métropole lyonnaise puissent davantage artistes et salles attirer le public qu’elles méritent. de spectacles, il fait appel au L’objectif est donc triple : offrir mécénat auprès des entreprises du théâtre, aider les artistes, faire locales. Belle idée pour donner découvrir l’offre de proximité. du souffle aux territoires… Si chaque salle choisit en toute liberté les spectacles qu’elle souhaite ainsi promouvoir, à y regarder de près, ils ont pourtant balises-theatres.com Balises©

Bêtes de scènes

Balises voit

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BÊTES DE SCÈNES

Graminée, tel est le titre de la performance paysagère qui lance la nouvelle saison des SUBS. À l’image de cette étrange rentrée qui ne ressemble à aucune autre, la graminée est une métaphore de la fragilité du vivant, une herbe folle (on disait mauvaise herbe, du temps de nos parents) et diaphane, qui ploie sans rompre.

Par Gallia Valette Pilenko

o f lles Graminée

15 sept. Les SUBS, Lyon 1

Pas étonnant que Sylvain Prunenec, danseur depuis plus de trente ans, et ses complices aient choisi ce vocable pour nommer ce deuxième volet d’un projet fleuve en trois parties, qui se construit en explorant d’autres possibles du spectacle vivant. Pas étonnant, non plus, qu’ils choisissent de se confronter à l’œuvre végétale de Thierry Boutonnier, plasticien à la démarche “buissonnante”, installée sur l’esplanade des Subsistances. L’Association du 48, composée de Sylvain Prunenec, chorégraphe-randonneur, de Sophie Laly, plasticienne vidéaste, et du collecteur de sons Ryan Kernoa, propose d’explorer les matériaux recueillis lors de leur voyage au long cours autour du 48e parallèle Nord. Avec des images, des sons, des danses et des expériences sensibles de leur traversée du continent eurasien, de la pointe du Raz à l’Île de Sakhaline, ils tentent de donner à voir ce qu’ils ont vécu et éprouvé. Étape de travail de 48e parallèle dont la création est reportée en mars 2021, la performance chorégraphique Graminée se construit à partir d’une semaine de résidence aux SUBS, dans ce paysage en devenir conçu par Thierry Boutonnier. Une expérience du temps et de l’espace, de l’immense et du minuscule !

ArKuchi #17 SEPT. / OCT. 2020


Bêtes de scènes

Prouve-le, Cie Spell Mistake(s)

PRIX CELEST´ 1

DANS LA COUR

11 & 12 sept.

Soirée Maquettes

18 & 19 sept. Théâtre des Célestins, Lyon 2 theatredescelestins.com

Par trina mounier

DES GRANDS Après un lancement réussi l’an dernier, le Prix Célest’1 préparait tranquillement sa deuxième édition en juin. La pandémie et toutes les mesures qui handicapent lourdement les théâtres ont nécessité le report de la présentation des spectacles retenus. Tout devrait se dérouler normalement à la rentrée. « La première mouture a représenté un blind test dont nous avons pu mesurer l’efficacité, confie Emmanuel Serafini, directeur des productions aux Célestins, chargé de la mise en œuvre du Prix. Les compagnies apprécient cette occasion de se faire connaître, de montrer leur travail et l’augmentation du nombre de candidatures en témoigne. Mais ce succès nous a contraints à renforcer nos critères en matière d’exigence professionnelle comme, par exemple, à exclure les monologues. Ou à préciser la notion de “maquettes” dont le sens a parfois été mal compris : certaines compagnies attendent une aide à la création alors que pour être sélectionnées, elles doivent être capables de développer leurs projets dès la saison

Julien Meffre©

Soirée Grands Formats

prochaine. Subsiste le regret que le partenariat avec le Théâtre de la Croix-Rousse n’ait pu exister jusqu’au bout. Tout va se bousculer aux Célestins à la rentrée, les spectacles du Prix Célest’1 s’ajoutant à la trentaine de levers de rideau déjà prévus. » Au final, des artistes venus des quatre coins de la France et des metteurs en scène de la région, déjà connus pour la qualité de leur travail, seront sur le plateau. Parmi eux, au rayon Grands formats, on reverra avec plaisir l’excellent Da Capo d’Olivier Maurin, fort remarqué lors de sa création en 2018. On suivra particulièrement Tanguy Martinière qui, pour sa première mise en scène, a choisi un texte acide et percutant (comme toujours) de Dennis Kelly, Oussama, ce héros. Dans la section Maquettes, on retrouvera des compagnies connues que l’on apprécie, comme le Collectif X, la Compagnie de l’Iris, la Compagnie Gilles Pastor, ou encore Arthur Fourcade et Mathieu Loos aux manettes de Fr#gments. Bonnes découvertes !

Voyages extraordinaires

Gold Shower

13 > 15 oct. Théâtre de la Ville, Valence (26)

Comme toujours, François Chaignaud, artiste complet et protéiforme, cherche sa voie hors des sentiers battus. Après l’exploration du chant chrétien ancien, notamment le répertoire de Hildegarde de Bingen lors de sa dernière création, une performance avec un beatboxer cet été dans le parc de la Villette, voici qu’il co-écrit un duo avec le maître butô Akaji Maro, rencontré en 2013 lors du festival Montpellier Danse. Réunis autour de la figure de Héliogabale, empereur romain oriental, immortalisé dans le sublime livre de Antonin Artaud Héliogabale ou l’anarchiste couronné, François Chaignaud et Akaji Maro se retrouvent pour brosser leurs portraits respectifs. Une collaboration telle « la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie », comme l’explique très joliment, citant Lautréamont, le fondateur de Dairakudakan, l’une des compagnies pionnières de la danse des ténèbres. À découvrir les yeux fermés (ou plutôt grands ouverts) ! G.V.P.

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BÊTES DE SCÈNES

EN APARTÉ Par Trina Mounier

Zone de non-droit

Si vous n’avez pas vu Les Naufragés, il faut prendre vos billets séance tenante. Si vous l’avez vu, vous y retournerez. Car cet opus ne laisse pas indemne. Il vous plonge dans l’univers effroyable et glaçant des clochards de Paris, des miséreux, des exclus. Emmanuel Meirieu signe la mise en scène du livre-témoignage de l’anthropologue psychanalyste Patrick Declerck. À ce récit sans concession évoquant la crasse, la violence, la peur, il offre un comédien puissant, François Cottrelle, et un écrin immense et magnifique qui sublime ce no man’s land surplombé d’un improbable voilier. 1er oct. Radiant-Bellevue, Caluire 3 oct. L’ARC, Le Creusot (71)

Croire ou ne pas croire

Voilà trois occasions de (re)voir le beau travail d’Olivier Maurin. Dans Illusions et OVNI, deux pièces de Viripaev, il s’amuse de nos relations complexes à la vérité dans des domaines qui n’ont apparemment rien à voir. Avec sa dernière pièce, un Dom Juan inédit et flamboyant, quoique fidèle à l’esprit de Molière, il livre une lecture résolument athée et profondément humaine. Sur le plateau, ses comédiens fétiches, notamment Arthur Fourcade et Mickaël Pinelli, sont magnifiques, à la fois justes et puissants. OVNI 6 > 15 oct. Théâtre de l’Élysée, Lyon 7 Dom Juan 10 oct. La Mouche, St-Genis-Laval Illusions 12 oct. Toboggan, Décines

Torreton superstar

La Vie de Galilée est de retour aux Célestins. On y retrouvera un Galilée (Philippe Torreton) solaire et ombrageux. Pétillant d’intelligence et passionné de transmettre ses découvertes à son jeune disciple, il se révèle faible et simplement humain face à une "sainte" Inquisition toute puissante. La mise en scène de Claudia Stavisky est vivante, sobre et efficace. Elle dirige d’une main sûre la dizaine de comédiens qui entourent Torreton. Saisissant. 7 > 18 oct. Théâtre des Célestins, Lyon 2 5 & 6 nov. Espace des Arts, Chalon (71)

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DANIEL DARC c’était mieux avant

DARk

CHAPELLE SIXTEEN

Nijinsky (1994) Crèvecœur (2004) Amours suprêmes (2008) La Taille de mon âme (2011) Chapelle Sixteen (2013)

Daniel Darc, Pieces of My Life Marc Dufaud, Thierry Villeneuve (docu, 2019)

Daniel Darc (1959-2013) est un chanteur-poète et à jamais une légende. Avec Taxi Girl, groupe new wave à l’esthétique punk, il marque les années quatre-vingt. Ses débuts en solo sont un échec. Après quinze ans de galères, l’ange noir de la chanson livre, en 2004, le chef-d’œuvre Crèvecœur, album du retour en grâce.

Par nikki renard

PHOTO Laurent guizard

J’ai toujours aimé les gueules cassées. « Quand je mourrai, j’irai au paradis / C’est en enfer que j’ai passé ma vie*. » Daniel Darc est né Rozoum dans une famille juive originaire de Russie, ce qui a peut-être teinté de romantisme slave le jeune homme. Passer sa vie à flirter avec les abîmes aiguise les sens… « Je me souviens, je me rappelle » Daniel, étoile brillante dans la nuit rennaise des nineties. Je le revois, beauté décharnée au creux de la vague, venu jouer son dernier album Nijinski dans un bistrot. À mes yeux, il incarne la mythologie rock, celle des Gene Vincent, Johnny Cash, Elvis Presley. Daniel, c’est ce phrasé un brin maniéré, c’est la voix blanche d’un ami confiant ses idées noires avec pudeur et sincérité : bouleversant. Il a fallu l’opiniâtreté de Frédéric Lo pour le remettre sur les rails. Ce sera l’album

parfait Crèvecœur, conçu sans pression et réalisé à la maison. Lo compose des mélodies sur-mesure, un écrin pour les mots-joyaux de Daniel. Après ce coup de maître, ils signent le sublime Amours Suprêmes, référence à Coltrane où l’on se délecte d’un duo avec Bashung, autre écorché de la vie. L.U.V évoque les influences rock’n’roll communes aux deux chanteurs. Inspiré très tôt par Burroughs et Bukowski, les mots/maux de Daniel sont d’une fulgurance poétique. Écouter La taille de mon âme est un moment d’émotion rare, illustré par les voix d’Arletty et de Brasseur dans Les Enfants du paradis. Darc est pour moi une religion. Il accède à l’éternité avec Chapelle Sixteen, son chant du cygne. Reste ce murmure entêtant qui me chuchote : « Dans un tel ciel les anges ne risquent pas leurs ailes / Juste des idiots comme moi / Dans un fond si profond aucun poisson / Juste des idiots comme moi ». *Extrait de J’irai au paradis (Amours suprêmes, 2008)

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festivals

Ambronay

entonne un nouvel air Par Blandine Dauvilaire

Bertrand Pichene - CCR Ambronay ©

Les Percussions de Treffort

Cette année, le Festival d’Ambronay s’adapte avec une programmation resserrée : concerts limités à une heure, pas plus de dix musiciens sur scène, jauge de spectateurs réduite et tarifs au choix. Ce rendez-vous incontournable depuis quarante ans en profite pour sortir de sa zone de confort et tester de nouvelles propositions. C’est le cas du concert électro-baroque Orpheus Mix, où les voix du contre-ténor Yann Rolland et du baryton Virgile Ancely sont remixées en direct par les musiciens de l’ARFI, Xavier Garcia et Guy Villerd. De leur côté, Mariana Flores et Leonardo García Alarcón proposent un concert interactif où le public choisit à l’avance les œuvres jouées. L’Ensemble Les Timbres, accompagné de la chorale Avis aux amateurs, se lance dans un tournoi musical pour faire découvrir différents styles baroques européens. Le patrimoine est à l’honneur le premier week-end avec deux types de parcours sonores gratuits dans l’abbaye bénédictine : L’Architectura animé par Les Percussions de Treffort et Alain Goudard, et L’Explora-sons composé de trois pauses musicales pour entendre toutes les réverbérations du site. Quelques fidèles compagnons du festival ont également répondu présents, tels William Christie et Les Arts florissants avec les Leçons de ténèbres de Couperin, Sollazzo Ensemble ou encore Les Surprises. Plus inattendu, le concert-étape autour de l’Actéon de Charpentier, proposé par Les Cris de Paris & Geoffroy Jourdain (mis en espace par Benjamin Lazar), raconte le processus de fabrication d’un opéra baroque. Pour patienter entre deux concerts, la Toute Petite Compagnie et Grégory Truchet multiplient les spectacles musicaux, poétiques et burlesques dans l’abbaye, ainsi qu’au Festival village. Sans oublier les conférences de Françoise Nyssen ou d’Ambronay Coline Serreau, animées par le philosophe Dominique Bourg. De 18 sept. > 4 oct. quoi séduire un nouveau public tout en émoustillant les habitués. ambronay.org

coup d’envoi Le premier Festival Ninkasi avait ambiancé 5 000 spectateurs l’an dernier. L’épisode 2 sera « safe », annoncent les organisateurs, contraints de repenser l’affiche au profit d’une forme « adaptée et responsable ». Le festival aura donc bien lieu, aussi parce qu’il fait office d’avant-première de la saison que prépare pas à pas Fabien Hyvernaud, directeur du Ninkasi

Musiques : « Je travaille sur septembreoctobre uniquement. Car mieux vaut défaire deux mois de programmation qu’une saison entière… Sur le café, on reprend les résidences, autour de la soul, de la house, du maloya. Pour le Kao, il n’y aura pas de groupes étrangers. » Resserré autour d’un format café-concert, le festival propose une trentaine d’événements gratuits :

5 > 13 sept.  ninkasi.fr 11 concerts live (mais pas de Grys-Grys), 4 DJ sets, un disco bingo, des blindtests... On peut cocher la soirée de clôture du Ninkasi Music Lab (8/9). Eustache McQueer, l’un des douze artistes accompagnés cette saison, et son électroclash se produiront en livestream depuis le Kao, sans public. À voir sur Internet et dans tous les Ninkasi. E.B.

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festivals

Lâcher de bomb es 2 Le festival lyonnais de street art, Peinture Fraîche, est de retour à la Halle Debourg. Cinquante artistes, des performances, des ateliers pour une deuxième édition sur le thème des nouvelles technologies.

Max Charlin©

Par Emmanuelle Babe

Fresque géante d’INTI, 2019

Jamais les organisateurs d’événements n’auront eu aussi peu de visibilité. Les manitous de Peinture Fraîche n’échappent pas à la règle, même s’ils ont fait le pari de reporter la deuxième édition du printemps à l’automne. Le festival de street art – 37 600 visiteurs en 2019 – tire toutefois son épingle du jeu, concernant l’accueil du public tout d’abord. « La Halle Debourg, ce sont 3 000 m2 dans une configuration exposition, donc on est peu impacté. Nous avons pris la peine de créer des sens de circulation », explique le graffeur Cart’1, directeur artistique du festival. La présentation des œuvres, ensuite. Une chance : les artistes étrangers sont venus peindre à Lyon juste avant le confinement. Une première étape à la mise en œuvre – au sens littéral ! – de la thématique 2020 que sont les nouvelles technologies. En effet, « 80 % des fresques sont animées grâce à la réalité augmentée », annonce Cart’1. Concrètement ? Les œuvres se découvriront en deux temps : à l’œil nu, puis via votre smartphone. Une équipe de motion designers a travaillé à l’augmentation des fresques réalisées in situ. Pas de gadget ici, « l’idée était d’augmenter l’œuvre dans ce qu’elle propose et surtout de ne pas la dénaturer ». Des binômes artiste-motion designer ont été constitués. Seule exception, le Berlinois Bond Truluv qui utilise déjà cette technologie. D’autres techniques sont proposées, témoignant du foisonnement créatif du secteur : le graffiti au néon (Spidertag), la peinture inspirée du dessin vectoriel (123klan) et des jeux vidéo (Alber), le graff en braille (The Blind), la broderie appliquée au design (Aheneah)… Le report du festival a créé des occasions : Peinture Fraiche interviendra Peinture Fraîche durant le festival de danse Karavel et des danseurs se produiront à la 2 > 25 oct. peinturefraichefestival.fr grand-messe du street art. Les arts urbains ont trouvé leurs scènes.

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lettres & ratures

feuilles d’automne Par marco jéru

Sans vouloir verser dans le travers cocardier consistant à défendre un label régional, le fait est que de nombreux auteurs “auverhônalpins” font leur rentrée. Entre essais, fictions et livres jeunesse, petit panorama des livraisons du cru…

Honneur aux fêlés, ils laissent passer la lumière  : l’écrivain-philosophe JeanPierre Martin, qui sait que l’humour est la politesse du désespoir, présente Mes fous, un roman doux-amer sur celles et ceux qui ne rentrent pas dans les cases. Comme pour étayer cette fiction, Emmanuel Venet, à l’heure où le pouvoir politique abandonne la psychiatrie publique à la misère et au management, publie un Manifeste pour une psychiatrie artisanale, prévenante et respectueuse de chaque patient. Au carrefour de la fiction et des sciences humaines, on pourra également ouvrir avec intérêt Solitudes mineures de Lucie Desbordes, qui nous conte la fugue de deux ados surdoués, Térébenthine de Carole Fives qui aborde de front les questions du féminisme et de l’Art (dont la « disparition » de la peinture aux BeauxArts) et Nos Mères, essai-hommage d’une sociologue (Christine Destrez) et d’une historienne (Karine Bastide) à deux sorcières des années soixante. Pour finir sur une note plus bleue, le journaliste Nicolas Rogès, qui a déjà consacré plusieurs ouvrages à la musique noire américaine, s’est penché sur le phénomène Kendrick Lamar, icône du rap investi de fait en politique, de Compton à la Maison-Blanche.

Côté soufre et vitriol, plusieurs découvertes possibles  : François Médéline, dont le précédent livre Tuer Jupiter avait fait couler quelques litres d’encre en Macronie, revient avec L’Ange rouge, un polar haletant dont Lyon est le décor. François

Beaune, plus près cette fois de Pigalle que de Gerland, trouve en Calamity Gwenn une héroïne trentenaire des temps modernes, un feu follet à embraser. Quant à Arthur Nesnidal, après avoir descendu en flammes le système des classes préparatoires dans

La Purge, il endosse le gilet jaune pour mettre en scène le soulèvement d’un peuple face à une élite corrompue. Une satire sociale d’anticipation en forme de vœu : que la colère sourde ! Plus bucoliques et rock’n’roll, Fabrice Capizzano livre, avec La Fille du chasse-neige, un palpitant roman d’amour entre un musicien et une apicultrice (l’autre métier de l’écrivain drômois), Nicole Giroud une méditation salutaire sur la vieillesse et l’onirisme (Par la fenêtre), Jonathan Baranger ose un roman picaresque, Don Creux est mort, autour d’une intrigante épopée psychobatave et Antoine Choplin signe avec Nord-Est un western métaphysique sur l’exode d’hommes et de femmes libérés d’un camp. Du côté de l’illustration (jeunesse et adulte), la région abrite depuis belle lurette un formidable réservoir d’auteurs, en partie grâce au vivier formé à l’école Émile Cohl. Cet automne, nombreux sont de sortie : Élodie Balandras, Nathalie Somers, Audrey Calleja, Tullio Corda ou encore Frédéric Magnan et Eléonore Ampuy. On retiendra La Vallée aux merveilles de Sylvie Deshors qui revient sur l’aide aux réfugiés dans la vallée de la Roya, Alice au pays des Merveilles de Valeria Docampo et Rosie de Gaëtan Dorémus pour les tout-petits. Bonne rentrée à tous ! Rentrée des auteurs Auvergne-Rhône-Alpes

14 sept. 2020 TGN, Lyon 9

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Par Ponia DuMont

(facultatif)

120 g de sucre 150 g de dattes dénoyautées 130 g de noisettes 80 g de noix de pécan 30 g de noix de coco séchée 55g de grué de cacao 35 g d’huile de coco Fleur de sel Extrait de café

(soluble, expresso ou filtre)

250 g de purée de patate douce 200 g de chocolat noir 40 g de cacao amer 350 g de café

Par claudia cardoso

20 minutes

20 minutes

HORIZONTALEMENT

A. Insolentes contestataires. B. Peut-être mobilisées par les précédentes ? C. Sa crise peut être fatale. N’existait pas, au temps du 9-2 ! D. Site inoubliable de la Grande Grèce. Bon ou mauvais, c’est selon. E. Possèdes au virage. Vieille résine odoriférante. F. Les initiales de Marianne ? L’espace imparti à l’humanité (2 mots). G. Réduisit les inégalités. Booz y dormit « dans le rêve et l’extase » ! H. Est restée vide les dimanches du confinement. D’Épernay ou de Domrémy, "dame" vénérée. I. À mettre… urgemment. Personnel, une fois remis sur pied. J. Donna un mal de mer salutaire à des milliers de Juifs. Endosse.

VERTICALEMENT

solutions

ArKuchi #17

SEPT. / OCT. 2020

P A R T I C U L E

L U T I ON N I E ND T AU S E E T L I A L L I B L EME N E E E N P L EONA

O P E R O N S

L I V I D E

arkuchi 16

O U R D I R A

S E S S I A L SME

N I A I S A I S

S T

* Penser à graisser le moule avec un peu d’huile de coco

Ah, te voilà à fouler les pavés de ta rue, la goutte au nez, l’âme en peine. Du pied tu balaies les feuilles mortes. Tu lèves les yeux au ciel, elles continuent de tomber. C’est alors que tu te dis que tu reprendrais bien une part de l’été. Mais à quoi bon quand on ne peut faire qu’une bouchée de l’automne… Après avoir grillé les noisettes, les noix de pécan, le grué de cacao et la coco au four à 180°, mélange le tout à l’aide d’un robot mixeur. Ajoute les dattes coupées en morceaux, une pincée de fleur de sel, puis remue à nouveau avant d’étaler le tout dans un moule à tarte*. Le fond de tarte est prêt… à être couvert de ganache au chocolat ! Mais patience, car revoilà la monotonie du frigo… Posté(e) devant la fenêtre du four, tu regardes les patates douces, brossées et nettoyées, s’abandonner tout habillées à 200°. Crac ! La peau se fissure. L’heure est venue de récupérer leur pulpe pour la mixer jusqu’à l’obtention d’une purée bien lisse. On incorpore ensuite l’huile de coco et le chocolat fondu au bain-marie avant de renverser le tout sur le fond de tarte. Le vague à l’âme a quelque chose de réconfortant, il faut le reconnaître. Mais c’est une autre déferlante que tu t’apprêtes à affronter. Porte à ébullition le café, le cacao et le sucre sans cesser de remuer, puis réduis le sirop pendant quelques minutes à feu doux. Dans une assiette, une généreuse part de tarte, une nappe de coulis au chocolat et au bout de la cuillère, le remède à la mélancolie…

4 personnes

popote(s)

jugeote

1. Qui la laisse déçue et amère. 2. Peu épais. Un genre de corbeau. 3. Symbolise, à moitié, l’éternité divine. Impropre à la coiffure du bonze. 4. Déesse qui ne pensait qu’à se venger ! Un dixième art lui succèdera-t-il ? 5. Dirige avec un con. Sa noix est appréciée à l’apéro. 6. Fis perdre de la hauteur. 7. Vient d’être amputée d’un membre. Diminuas la transparence. 8. Possessif. Là-dessous, on peut faire la foire ! 9. Parties du gréement. Il en a sauvé combien de la noyade ? 10. On n’en connaît qu’un qui ait écrit "ses mémoires"... N’est vraiment pas franc du collier.




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