ARKUCHI #45 OCTOBRE/NOVEMBRE 24

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Dans le Rétro… Dans le Viseur

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SUCCESS STORY

Le Réverbère, derniers jours

Contre Sens. Les femmes à l’honneur

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C DANS L’AIR

Une biennale 2024 éclectique et foisonnante

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Expos

Les 20 ans de la galerie Françoise

Besson, Fondation Bullukian, La BF15, Art dans la ville

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Forme & Fonction

Gadagne par le menu

.16 Live en stock

.18 FOKUS Nicola Vigilanti Chroniques américaines

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Bêtes de Scènes

Focus Jeune création, Article 353 du code pénal, Marion Carriau, Iphigénie à Splott, Dalila Belaza, Théâtre KnAM, Nadège Prugnard, Hofesh Shechter, Ballet de l’Opéra de Lyon, Nuit du Cirque, Karavel, etc.

COLÉOPTÈRE, MARTIN GOUZOU

.30 Festivals .32

Lettres & Ratures Plumes d’ici et d’ailleurs

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Street Musée du mois

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Popote(s) & Jugeote

#45 OCT. | NOV. 24

contact.arkuchi@orange.fr

Gratuit • Toutes les 6 semaines

Diffusion : plus de 450 lieux

Lyon, Métropole & Rhône‑Alpes

Édité par La Plume d’icKar S.A.S. au capital de 1 000 € ‑ 18 rue Belfort 69004 Lyon

Direction de la publication ‑ Rédaction en chef Anne Huguet ‑ 06 13 07 06 97

Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro

Martin Barnier, Blandine Dauvilaire, Nadège Druzkowski, Ponia DuMont, Émiland Griès, Marco Jéru, Valérie Legrain Doussau, Emmanuel Monneron, Trina Mounier, Enna Pator, Florence Roux, Gallia Valette Pilenko.

Illustration de couverture : Nicola Vigilanti

Publicité : mag.arkuchi@gmail.com 06 13 07 06 97

Conception et mise en page

Impression : FOT

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TOURS & DÉTOURS

Vestiges de la Terreur aux Brotteaux

Tirage : 15 000 ex.

Dépôt légal à parution – ISSN : 2646‑8387

Larédactionn’estpasresponsabledestextesetphotos publiésquiengagentlaseuleresponsabilitédeleurs auteurs.Tousdroitsdereproductionréservés.

ABONNEMENT

7 num./an = 30 eur.

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HORS CHAMP

Les belles heures du court au Zola

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ArKuchi

Enna Pator

UN RÉGAL

Slow, football, acte de propriété… Le Beau Monde revisite notre époque « par fragments » dans un rituel réitéré tous les soixante ans. C’est fantaisiste, drôle, mélancolique, et ça ne se prend pas au sérieux. Chouette reprise pour le théâtre de la Croix-Rousse.

A chaud

PASSIONNANT Premier spectacle qui a fait connaître François Hien, La Crèche n’en finit pas de tourner. Sous couvert d’un fait divers, il dévoile la mécanique d’un conflit pour mieux trouver les moyens de l’apaiser.

17 & 18 OCT. Scène nationale de Bourg‑en‑Bresse (01) 09 NOV. Théâtre de Villefranche

LOUFOQUE Bienvenue à tous les monstres, les mutants, les bizarres. Castelet is not dead de la compagnie Arnica promet de grands moments, de l’excitation, des cris, des rires, de la joie. En tournée, Drôme et Ardèche.

05 > 29 NOV. Comédie de Valence

ÉCOLOGIQUE Avec Le Temps des fins, on retrouve Guillaume Cayet, le fou d’écriture et de théâtre. Sans jamais se répéter, avec un regard d’une grande acuité.

13 > 14 NOV. Théâtre du Point du Jour

INTENSE Du beau monde pour ce nouveau

Golden Stage qui convie trois crews aux styles bien marqués. Du krump avec les frenchies de La Strukture, des Sales Mômes ultra dynamiques avant The Ruggeds, des breakers fous rompus aux battles. Ça va pulser.

19 > 23 NOV. Maison de la danse

POLITIQUE Sylvain Creuzevault creuse le sillon de l’histoire pour en comprendre les errements. Edelweiss [France Fascisme] interroge notre rapport à l'idéologie fasciste. Glaçant.

21 > 29 NOV. Théâtre des Célestins

Avec Moi !

Raskine dans La Chambre rouge où il se retranche du monde. Mais l’intrusion de deux trublions, Mitou et Lado (bluffant Hugo Hagen), le ramène à la vie. Drôle et triste : le théâtre même. Aux Célestins.

Magnifique

Sur la platine

Feast Sprints

L’Inattendu Rodolphe Burger Song of the Lake Nick Cave & The Bad Seeds

chicas

À LA FOIS COMÉDIE MUSICALE GLAMOUR ET FILM DE GANGSTERS CRASSEUX, EMILIA PÉREZ RACONTE FAÇON AUDIARD UN MEXIQUE DE TOUS LES CONTRASTES. CARTEL, VIOLENCE, AMOURS ULTRA CONTEMPORAINES ET LA MUSIQUE, SOMPTUEUSE, DE CAMILLE. ON S’Y LAISSE PRENDRE.

En salle depuis le 21 août

Marion Bornaz ©
Christophe Raynaud de Lage ©

DANS L’AGENDA

Une saison festive pour Villeurbanne qui célèbre les 90 ans des Gratte Ciel et les 100 ans de l’élection de Lazare Goujon. Ça commence fort avec Villeurbanne à tous les étages, autour de l’habitat. Au Rize et aux Gratte Ciel. Inauguration le 14 novembre.

Plai-doyer

Un Jean-Philippe Salerio inspiré pour incarner le président Lula, ardent défenseur des pauvres, militant de la démocratie, et persuadé que La vérité vaincra. Vu au Théâtre de l’Élysée. Puissant…

FOCUS

DIABLE DE BELLORINI !

Il met en scène de façon si singulière des classiques qu’il les rend lumineux. Cette fois, le directeur du TNP de Villeurbanne mont(r)e ses merveilleux

Misérables d’après Victor Hugo avec des artistes chinois. Puis il ose enlever sa cape de vertu au Cid de Corneille et lui redonne une éternelle jeunesse en lui faisant escalader un château gonflable. Et le public, conquis, d‘entonner les vers les plus connus. Faut voir ça !

Les Misérables 02 > 03 NOV. Histoire d’un Cid 27 NOV. > 20 DÉC.

LAST DAYS

Envie de jazz ? Le Rhino Jazz(s), ça continue avec du blues, le crooner Hugh Coltman (18/10) et surtout La Chica et ses rituels chamaniques (16/10).

> 20 OCT.

ÉTHIO-TRAD

La voix sauvage de la diva éthiopienne Éténèsh Wassié acoquinée à la guitare free jazz de Mathieu Sourisseau : une échappée habitée aux confins du jazz, du blues, de la noise.

12 NOV. Théâtre de la Renaissance

FIESTA

Trente piges pour Dionysos, toujours aussi fantasque, poétique et rock. Ça se fête avec Don Diego, Mc Enroe, Giant Jack, Mister Chat et un Mathias Malzieu prêt à tout pour mettre le oaï…

16 NOV. Radiant‑Bellevue

Arrêt sur images

FIN DÉCEMBRE, LE RÉVERBÈRE ÉTEINDRA DÉFINITIVEMENT LA LUMIÈRE. PENDANT QUARANTE-TROIS ANS, CATHERINE DERIOZ ET JACQUES DAMEZ ONT FAIT DE LEUR GALERIE UN LIEU PHARE POUR LA PHOTOGRAPHIE CONTEMPORAINE. HÉLAS, L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE L’ART ET L’IMPACT DU COVID ONT EU RAISON DE CE LIEU NON SUBVENTIONNÉ. LEUR DERNIÈRE EXPOSITION

HISTOIRE(S) SANS FIN, QUI RÉUNIT 130 IMAGES, EST UN CONCENTRÉ DE BEAUTÉ ET DE TALENTS. RENCONTRE.

Cet ultime accrochage est constitué de pépites piochées dans vos réserves. Comment avez-vous choisi les œuvres ?

CATHERINE DÉRIOZ & JACQUES DAMEZ

C’est un manifeste de nos partis pris plastiques, conceptuels et politiques depuis quarante-trois ans. Nous avons tendu le fil d’Ariane entre vingt photographes qui semblent assez éloignés les uns des autres, mais s’intéressent à des problématiques de même nature, et ce sont celles qui nous importent. Tous ces artistes sont une part de nous-mêmes.

Arièle Bonzon, par exemple, a fait l’ouverture du Réverbère en 1982, avec sa première expo personnelle…

C & J C’est la mascotte de la galerie ! Elle fait partie de ces artistes précurseurs de la photographie plasticienne, qui ont pensé qu’on pouvait sortir du cadre et se mettre en dialogue avec des matériaux. Ça a nourri notre envie de soutenir toutes les écritures

photographiques, notamment celles qui font apparaître des êtres et des états d’âme.

En 1988, vous exposez Denis Roche. C’est le début d’une grande histoire ?

C & J C’est une oeuvre fondamentale. Sa photographie paraît classique, mais dès qu’on commence à la regarder, il y a une sorte de faille qui s’ouvre. En un instant, il arrête une partie de notre vie qui jamais ne se reproduira. Comme c’est un immense écrivain et poète, il met cet acte à plat. L’ensemble de son œuvre est une sorte d’autopsie de problématiques différentes : la question du cadre, du temps, du déclenchement à retardement…

Philippe Pétremant a aussi fait sa première exposition personnelle chez vous…

C & J C’est un travail très iconoclaste, avec un humour noir décalé et une gestion de la couleur incroyable. Il utilise la photographie pour faire de la nature morte.

Il met en scène des objets et raconte des histoires improbables, avec un petit côté pop qui plaisait beaucoup à William Klein. C’est pour ça qu’ils sont face à face dans l’accrochage. Les deux ont la même envie de retourner le monde et de tenter tout ce qu’on peut tenter. Philippe, à sa manière est venu réinterroger la photographie et la peinture. Dans sa série sur l’argent, il joue avec des billets de banque de tous les pays, qu’il plie pour reconstruire des personnages.

C’est émouvant de retrouver quinze photos de William Klein, décédé en 2022…

C & J Nous l’avons rencontré en 1991 et avons présenté sa dernière rétrospective de son vivant (voir ArKuchi #28). C’était le père de la photographie contemporaine. Contrairement à Henri Cartier-Bresson qui se mettait en planque et attendait l’instant décisif, William Klein pensait que l’instant décisif de la photo, c’était sa présence au monde. Que le fait d’être proche des gens

ANOUK AIMÉE, PARIS, 1961

HISTOIRE(S) SANS FIN > 28 DÉC. Galerie Le Réverbère Lyon 1 galerielereverbere.com

faisait qu’une scène s’organisait. Ça a été une grande bascule. L’explosion du grain et les cadrages extrêmement rapprochés font qu’on est dans quelque chose qui nous dépasse, qu’on retombe dans une abstraction et pas dans une figuration.

En découvrant ces œuvres, ainsi que celles de Jacques qui est aussi photographe, Serge Clément, Rip Hopkins, Géraldine Lay, Bernard Plossu, Marc Riboud, etc., on se demande quel va être l’avenir de la photographie à Lyon. Qu’en pensez-vous ?

C & J Pour l’instant, elle n’a aucun avenir. Dans la ville des frères Lumière, il faudrait quand même donner une place sérieuse à la photographie, avec un lieu où l’on puisse défendre des écritures extrêmement personnelles et diverses. Sinon, parce que le monde change très vite, tout le champ de la photographie que nous avons défendu risque d’être oublié.

Résistance !

ens Interdits est incontestablement la manifestation culturelle dont les Lyonnais ont le plus à s’enorgueillir. C’est un festival résolument atypique : politique et engagé, il donne la parole à ceux qu’on n’a pas l’habitude d’entendre. De plus, ce qu’on y voit est unique. Pas de spectacles à gros budget,

mais des histoires et des témoignages profondément inscrits quelque part, qu’on tente de comprendre, des violences qu’on essaie de déminer, des douleurs dont on respecte l’expression...

Cette année, c’est au tour de Contre Sens de prendre le relais entre deux éditions de son grand frère.

Un axe fort saute aux yeux : la présence marquée des femmes dans la programmation. Trois pièces illustrent ce parti pris.

Los días afuera, écrite et mise en scène par l’Argentine

Lola Arias, confie à six interprètes le soin d’incarner des femmes pauvres obligées de faire les mules pour survivre. La Polonaise

Marta Górnicka réunit un chœur d’une vingtaine de mères ukrainiennes, biélorusses et polonaises pour chanter et crier leur refus de la guerre dans Mothers, A Song for Wartime.

Les Lituaniennes Kamilé Gudmonaité et Laura Svedaité ouvrent encore davantage le champ des invisibles en incluant dans La Fête des interprètes porteurs de handicap.

Quant au collectif FASP, presque exclusivement constitué de comédiennes, il reprend avec Beretta 68 (qui fait très envie sur le papier) un brûlot de l’histoire du féminisme, la tentative d’assassinat d’Andy Warhol par une femme, bras armé d’un mouvement résolu à « tailler les hommes en pièces »… L’hommage aux pionnières de la danse hongroise, Figuring Age, est à rattacher à cet axe fort. À part, Génération 25 revient sur le génocide au Rwanda et interroge les responsabilités. Enfin, Par grands vents nous emmène du côté de l’utopie, manière efficace de résister. Beaucoup d’ateliers, de discussions et de lectures accompagnent les spectacles. Notons tout particulièrement le Grand Entretien qui réunira Olivier Neveux et l’intellectuel palestinien

Elias Sanbar. Stimulant.

CONTRE SENS
LOS DÍAS AFUERA, LOLA ARIAS
Carlos Furman ©

PAR BLANDINE DAUVILAIRE

ÉTRAVERSÉE PAR LES THÈMES DU PARTAGE, DE LA FORCE DU COLLECTIF ET DES RITUELS QUI RÉPARENT, LA 17E BIENNALE D’ART CONTEMPORAIN DE LYON NOUS OFFRE UNE ÉDITION BIEN PLUS DOUCE QU’À L’ACCOUTUMÉE. PRESQUE UN VIATIQUE POUR AFFRONTER L’ÉPOQUE.

Une biennale qui apaise

vénement majeur pour l’art contemporain en France, la Biennale de Lyon invite 78 artistes à faire entendre Les voix des fleuves. Loin d’être toujours tranquilles, ces voix qui symbolisent les relations entre les êtres, et avec leur environnement, sont aussi parfois chargées d’espoir. Pour les incarner, Alexia Fabre, directrice des Beaux-arts de Paris et commissaire de cette édition, a convoqué de nombreux jeunes artistes. Parmi nos coups de cœur aux Grandes Locos, la tapisserie géante de Mona Cara, baptisée Le Cactus, a été réalisée en dentelle et jacquard avec l’aide d’une centaine de personnes. Elle raconte avec humour l’histoire d’un bistrot de quartier. De son côté, le compositeur Bastien David se sert de la musique pour faire dialoguer les gens. Avec Sensitive, il a inventé un gigantesque orchestre d’instruments (dont 1 000 bouteilles en verre remplies d’eau et accordées !), sur lesquels 40 visiteurs peuvent jouer ensemble

en suivant ses instructions. Impressionnant. Plus introverti, Edi Dubien nous place sous la protection de trois peintures d’anges gardiens qui fusionnent humain et nature. Il a aussi reproduit en taille XXL tous les grigris de son porte-bonheur personnel. Dans sa cabane immaculée, posée sur un lit de sel, Victoire Inchauspé imagine avec Nothing/Everything to remember, une veillée aux souvenirs qui s’inspire des rites de passage antiques. Quant à l’installation vidéo Resonance Project d’Oliver Beer, elle nous plonge dans la grotte paléolithique de Font-de-Gaume (Dordogne), où huit chanteurs sont venus profiter d’une acoustique exceptionnelle. Le résultat, dont on préfère vous laisser la surprise, est d’une beauté puissante. Autre ambiance au musée d’art contemporain, qui s’intéresse aux rapports entre les êtres. On aime beaucoup le travail photographique d’Elsa & Johanna, deux artistes qui créent des récits fictifs en reproduisant des gestes d’inconnus, dans des mises en scène ciselées. Bien réelles, cette fois, les histoires

MONTE DI PIETÀ, LORRAINE DE SAGAZAN ET ANOUK MAUGEIN, 2023 - MAC LYON

évoquées par Lorraine de Sagazan et Anouk Maugein, dans l’installation Monte di Pietà, sont toutes liées au sentiment d’injustice généré par un système judiciaire engorgé. Pour sa part, Pilar Albarracin interroge les traditions d’Andalousie et le poids d’une société patriarcale, dans des œuvres brodées ou faites de cire. Il est aussi question de pouvoir et de résistance dans l’installation spectaculaire de l’activiste brésilien Lyz Parayzo, baptisée Cuir mouvement. Dangereusement hypnotiques, ses scies circulaires qui tournent sans fin sont des oeuvres à double tranchant. Au dernier étage du musée, Grace Ndiritu a installé dans sa Blue Room une centaine d’objets de toutes les époques, issus des collections de plusieurs musées lyonnais et de celui du Louvre. Elle l’a conçue comme un lieu de réconciliation, où sont évoqués différents moments de la vie des femmes. Il est aussi question de réparation à la Cité internationale de la gastronomie, dans l'Hôtel-Dieu autrefois dédié aux soins. À partir de ses sculptures

La galerie Manifesta donne carte blanche à quatorze artistes de la galerie parisienne Binome. Tous réinventent l’art photographique en s’imposant de nouveaux process : Laurent Lafolie imprime ses oeuvres sur des fils de soie ; Thibault Brunet met en scène des nuages d’une beauté irréelle ; Laurence Aëgerter crée des tapisseries Jacquard à partir d’images d’œuvres d’art ; Lisa Sartorio restitue des scènes de guerre sur du papier japonais en relief ; Lee Shulman, créateur de The Anonymous Project, compose des tableaux-vitraux à partir de diapositives anonymes ; et Mustapha Azeroual capture les variations colorées des levers et couchers de soleil.

On adore. BD

DÉRIVES

> 26 OCT. Manifesta Lyon 1 manifesta lyon.fr

singulières qui entremêlent différents matériaux, Guadalupe Maravilla – qui a connu la migration et la maladie – crée des rituels de guérison. Dans un tout autre genre, Hajar Satari imagine d’autres types de relations avec la nature. Nées de ses observations de la faune et de la flore en milieu alpin, ses sculptures d’un blanc pur sont des représentations poétiques du vivant. Comme par un merveilleux sortilège, l’installation photographique L’arrière-monde de Delphine Balley a trouvé sa place dans la salle du Dr Jean Lacassagne (1886-1960), dermatologue passionné de tatouage. En installant ses photos qui semblent irréelles, tout contre la peau des boiseries, l’artiste invente un décor propice à la fabrication des croyances. « Croire et prendre soin, revient entre autres à tisser un lien particulier avec l’au-delà », précise-t-elle. À travers ces différentes expériences artistiques, et bien d’autres, la 17e Biennale de Lyon incite les hommes à faire corps, pour entendre enfin ce que les voix des fleuves murmurent de toute éternité.

Jair Lanes / Courtesy de l'artiste ©
#73
(GUERRE DU DONBASS) SÉRIE ICI OU AILLEURS
Lisa Sartorio / Galerie Binome ©

GÉOGRAPHIE INTÉRIEURE

Julien Guinand > 09 NOV.

LES FORMES DE L’ATTENTION

Yveline Loiseur 15 NOV. > 19 JAN. 25

Françoise Besson 10 rue de Crimée

Lyon 1 6 rue de Vauzelles

Lyon 1 francoisebesson.com

Une vie

d’artiste(s)

L’œil et le cœur. Voilà un titre bien trouvé pour l’exposition de la collection privée de Françoise Besson. Généreuse, inventive et toujours partante pour une nouvelle aventure artistique, la fondatrice de la galerie éponyme n’a jamais envisagé l’art en dehors de tout « coup de cœur ». La passion, voilà ce qui l’a guidée, il y a vingt ans, pour ouvrir sa galerie rue de Crimée. Depuis, sa blondeur tourbillonnante et son chapeau en feutre blanc sont bien connus à la Croix-Rousse. Car elle n’est pas du genre à rester entre les murs de sa galerie, mitoyenne de son bel appartement conçu par l’architecte Gilles Perraudin, s’il vous plaît. Une allégorie de sa vie : « J’aime bien l’idée d’un rapport au domestique inversé, passer rapidement de la maison à la galerie et vice-versa », confiet-elle. CQFD : dans le cadre des vingt ans de la galerie, le peintre et sculpteur Vincent Guillermin a été invité à investir le premier niveau du nid familial.

Françoise Besson a toujours fait confiance à son sens de l’audace, mais aussi du Beau, elle qui a « grandi dans les plans » de son architecte de père. À Thônes, pas beaucoup de musée à visiter mais la bibliothèque paternelle qu’elle s’amuse à explorer forge son goût pour l’architecture et le design. Formée à la fois à l’histoire

de l’art et au droit public, cette amoureuse des arts débute son activité montée Allouche en 2003 – elle fait notamment visiter des ateliers d’artistes –, avant de s’établir rue de Crimée un an plus tard. Le peintre Clément Montolio, le tout premier à être exposé, est resté dans le cercle des fidèles. L’y ont rejoint Chantal Fontvielle, Patrice Giorda ou encore Alain Pouillet, devenus « les piliers de la galerie ». Jean Charasse, Marine Joatton, Guénaëlle de Carbonnières et d’autres étoffent le catalogue. Depuis toujours portée vers le dessin et la peinture, Françoise Besson s’intéresse aussi désormais à la photographie (Julien Guinand, Stéphane Charpentier…). À l’émergence également, au point d’ouvrir un deuxième espace dans le même périmètre, la petite galerie. Là, elle offre un lieu de diffusion et fait découvrir de nouvelles expressions. « C’est un laboratoire artistique », résume celle qui n’aime rien tant que mettre dans la lumière l’art qu’elle aime et défend : « J’ai toujours mis le sens et la création avant l’argent », affirme cet électron libre, pour qui « l’art a rapport à l’universel et à une forme de transcendance ». Passer le seuil de sa galerie doit être une expérience pour la maîtresse des lieux, qu’elle veut « accessibles, ouverts et partagés ». Pour entrer rue de Crimée, il faut monter quelques marches. Un symbole pour Françoise la mystique : « Quand on vient chez moi, on s’élève aussi. »

PAR EMMANUELLE BABE
SANS TITRE, SÉRIE LE LANGAGE DES FLEURS ET DES CHOSES MUETTES, 2023

photosensible

> 04 JAN. 25

Fondation Bullukian

Lyon 2 bullukian.com

Si la Fondation Bullukian accueille une œuvre sonore de la Biennale d’art contemporain avec le Lituanien Andrius Arutiunian, elle présente aussi le travail de la jeune artiste Raphaëlle Peria dans un accrochage intitulé Dérives de nos rêves informulés. Cette citation est extraite d’un roman de Christian Bobin, Le Murmure, dont la couverture sert de support à un dessin gratté. Et dont l’une des pages compose son singulier herbier. Celui-ci court sur les quatre murs d’une pièce, se lisant de gauche à droite en commençant par le haut du mur gauche, il correspond à deux années de lectures et de collectes de fleurs. Un travail récent en écho à sa technique d’images littéralement grattées, qu’elle explore depuis ses débuts. Ici la plupart des œuvres exposées sont des photographies retravaillées à la gouge, au scalpel, à la fraiseuse, pour constituer d’autres motifs faits de multitude de petites lamelles de papier. À partir de clichés, le plus souvent d’écosystèmes fragilisés, et dont elle a perdu le souvenir, elle gratte, épluche, décolle le papier pour que surgissent de nouveaux paysages. Devenus en quelque sorte tactiles, ils se développent en volumes, et pourraient vibrer au moindre souffle. Le visiteur peut ainsi laisser voguer son imagination vers d’autres récits, d’autres sensations et se laisser porter par l’étrange poésie qui s’en dégage.

Langues

Elles sont deux à avoir investi l’espace de La BF 15 avec des œuvres très différentes, qui néanmoins se répondent par leur engagement poétique. L’expo malicieusement intitulée Tourner sa langue se prend au sens figuré comme au sens propre, puisque Sofia Lautrec, l’une des artistes invitées par Perrine Lacroix, a demandé à un maître verrier de prononcer des vers secrets dans une bulle de verre. Cela donne d’étranges formes, sensibles, mystérieuses, qui font écho à l’œuvre de Laurence Cathala, La Neuvième Version. L’artiste installée à Lyon prolonge une œuvre entamée depuis des années sur le livre, en écho aux « paperoles » de Proust. Elle procède par annotations, reprises, croquis sur des textes imprimés en grands formats. Textes et langues emmêlées se conjuguent. Étonnant !

> 02 NOV. La BF15 Lyon 1

Trouble

Cherchant à s’ouvrir au plus grand nombre, la Biennale d’art contemporain de Lyon s’immisce dans des espaces atypiques. Timidement ! Le parking LPA Saint-Antoine accueille ainsi une installation de l’artiste Chourouk Hriech qui déploie son univers fantasmagorique au premier étage. Terres d’ailes et lignes de ciel se compose de photos d’oiseaux, migrateurs ou non, prises aux quatre coins du monde en dialogue avec l’un de ses grands dessins où se mêlent la ville et une végétation luxuriante, créant des paysages imaginaires. Dommage que le lieu, un peu à l’écart, ne soit fréquenté que par les cyclistes. Heureusement, l’œuvre d’Edi Dubien installée à la station Gare Part-Dieu (métro B) est nettement plus visible et témoigne de l’étrangeté de cet artiste singulier. Deux grandes vitrines accueillent quelques aquarelles ainsi que de mystérieuses créatures qui enchantent le quotidien…

> 05 JAN. 25

LPA Saint Antoine Lyon 2 Métro B / Gare Part Dieu Vivier Merle

PAR GALLIA VALETTE-PILENKO
PAR GALLIA VALETTE-PILENKO
DANS LA BRUME #1 #2 #3, RAPHAËLLE PERIA, 2022

SAGAGAdagne

DÉVOILANT UN NOUVEAU PAN DE L’HISTOIRE

LYONNAISE AVEC GADAGNE. UN MONUMENT, UNE HISTOIRE, LE MUSÉE ÉPONYME PRÉSENTE SON ÉDIFICE SÉCULAIRE. UN PARCOURS SPÉCIFIQUE À TRAVERS SES SALLES S’ASSOCIE À CETTE NOUVELLE EXPOSITION PERMANENTE.

> 05 JAN. 25 Gadagne – MHL + MAM Vieux Lyon

L’hôtel particulier de Gadagne dans le Vieux-Lyon est l’héritier d’une très longue et tumultueuse histoire, que le musée qui l’occupe ne compte pas garder pour lui. La récente refonte thématique de ses parcours muséographiques a libéré de la place et donne l’opportunité, depuis le 21 septembre, de mieux comprendre et d'appréhender cet ensemble architectural, tout à la fois joyau et écrin des musées d’Histoire de Lyon et des Arts de la marionnette. Car, avant de devenir, sous l’impulsion du maire Édouard Herriot au début des années 1920, un monument historique classé et l’espace conservatoire de « la ville qui disparait », Gadagne fut un lieu hors du commun à travers les siècles.

Les gigantesques travaux de sa restauration de 1998 à 2009, qui ont établi son organisation actuelle, ont permis des trouvailles, enfouies sous le pavement de sa grande cour. Ainsi, le site s’est avéré occupé par des ateliers d’artisans avant même que l’antique Lugdunum ne soit fondée sur la colline de Fourvière, puis par des entrepôts liés à l’activité fluviale dans les premiers siècles de notre ère. Au Moyen Âge, la demeure de la Boyssette leur succède, à coup sûr luxueuse, avec son chauffage par le sol et sa glacière souterraine (Nardone avant l’heure, en quelque sorte !).

La saga se précise lorsque les Pierrevive piémontais acquièrent le tènement vers 1490, avec tous les terrains en surplomb, grimpants jusqu’à la montée SaintBarthélemy. Comme beaucoup d’autres Italiens, cette famille de marchands d’épices est attirée par le business des quatre foires annuelles de Lyon. Comme l’illustre la reproduction du plan scénographique de Lyon de 1550, installée dans le hall d’entrée du musée, la rue alors en impasse débouchant chez eux, et baptisée de leur patronyme. Ils sont les principaux maîtres d’ouvrage de l’ensemble immobilier actuel, faisant construire en bas, au plus près des échanges commerciaux, mais également tout en haut du site Belregard aujourd’hui disparu, une maison dite « de plaisance » permettant de vivre et recevoir loin des miasmes de la ville. Entre les deux, ils aménagent une cascade de jardins suspendus, dont une partie perdure dans celui de l’actuel restaurant du musée. Anoblis dès la deuxième génération, la vie lyonnaise semble leur réussir.

L’Histoire, parfois injuste, n’a pas attaché leur nom à l’édifice, mais plutôt retenu celui d’une autre famille – des banquiers florentins cette fois-ci – qui en devient propriétaire en 1545. Les Gadagni, puisque c’est eux dont il s’agit, restent moins de quarante ans, mais marquent les esprits jusqu’à nos jours : ils y mènent en effet grand train, prêtant et conseillant les rois de France, organisant des fêtes

LOGES, JARDIN, RIVIÈRE
Lisa Duroux & Guillaume Perez

extravagantes, et défraient la chronique, comme lors de cette bataille d’oranges, fruits rares et très chers à l’époque… Des people de la Renaissance, en somme ! Les propriétaires, tel l’échevin Falconet, se succèdent ensuite, certains laissant leur empreinte dans l’édifice en le remaniant, le surélevant ou l’agrandissant, sans le dénaturer. Le musée propose de retrouver les huit plus remarquables d’entre elles à travers ses salles, révélant ici une impressionnante cheminée armoriée, là un escalier hélicoïdal en pierres à fût nervuré, plus loin un plafond en bois polychrome à fort relief, jusqu’à de naïves fresques murales, œuvre d’une confrérie de sonneurs de cors de chasse répétant là, fin XIXe siècle. Époque d’extrême paupérisation du quartier, où l’hôtel particulier se voit découpé en une soixantaine de logements de rapport.

Le voyage dans le temps aboutit dans la nouvelle salle dédiée au sujet, qui synthétise l’histoire des lieux dans une grande maquette dont les couleurs identifient les interventions successives, un film d’animation donnant la parole aux principaux protagonistes historiques et des vitrines présentant une sélection de fouilles archéologiques.

Enfin, les deux plasticiens Lisa Duroux et Guillaume Perez livrent la vision sensible et conceptuelle du monument qu’ils se sont forgée au cours d’une résidence de cinq mois, en investissant de leurs installations trois salles remarquables contiguës. Le génie du lieu continue donc d’inspirer !

gadagne lyon.fr

Écho sépulcral

DANS LE HUPPÉ QUARTIER DES BROTTEAUX, UNE MYSTÉRIEUSE CRYPTE PORTE LA MÉMOIRE ET LES STIGMATES D’UNE PAGE SANGLANTE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE. SON HISTOIRE SE CONTE… PAR DES RELIQUES D’OSSEMENTS HUMAINS. ACCROCHEZ-VOUS !

ACHAPELLE SAINTE-CROIX & CRYPTE 147, rue de Créqui

Lyon 6 04 78 24 30 82

RUPTURES ET FONDATIONS. L’HÉRITAGE DE LA RÉVOLUTION

> 23 MARS 25

Archives départementales

Lyon 3 archives.rhone.fr

vec sa coupole en ardoise violette rehaussée d’une croix verte, la chapelle Sainte-Croix arbore un petit air byzantin. Mais l’inscription sur sa façade “À la mémoire des victimes du siège de Lyon en 1793” laisse présager une affectation bien singulière. À l’intérieur, de part et d’autre de la nef, dans un décor dépouillé, une liste commémore les quelque 2 000 victimes exécutées à la guillotine ou au canon à mitraille, entre octobre 1793 et janvier 1794, en représailles de l’insurrection de Lyon. Un épisode méconnu de bien des Lyonnais(es) !

Au printemps 1793, à Lyon comme à Paris et ailleurs en France, les factions girondines et montagnardes (aussi dites jacobines) s’opposent. Lyon, de tendance girondine modérée, est considéré par la Convention comme contrerévolutionnaire. En juillet, le guillotinage du radical jacobin Joseph Chalier provoque la rupture entre Lyon et la Convention. Cette dernière envoie le général Kellerman, vainqueur de Valmy, pour mater la ville qui, pourtant, rappelle son attachement à la Constitution. Le 7 août, le siège de Lyon – qui durera plus de deux mois – commence. Mais les 10 000 hommes de la défense lyonnaise, menés par le général Précy, pèsent peu face aux 65 000 de Kellerman.

Après plus de deux mois de bombardements, la ville est prise le 9 octobre 1793. La répression est terrible. Les suspects (comme le père d’Ampère) sont guillotinés à tour de bras ou mitraillés dans la plaine marécageuse des Brotteaux. Ce sont les ossements de plus de 200 victimes, récupérés par les familles, que le visiteur découvre en descendant dans la crypte de la chapelle. L’atmosphère est spectrale. Dans une demi-pénombre, le tombeau du général Précy, qui avait réussi à fuir, est entouré d’un amoncellement de crânes et ossements humains. Une présentation des martyrs qui n’est pas sans rappeler les catacombes romaines et qui, si elle apparaît glaçante aujourd’hui, était en vogue à l'époque. Un premier cénotaphe est érigé dès 1795 aux Brotteaux. Détruit par des émules des jacobins, un second édifice en forme de pyramide est réalisé en 1819 avant d’être lui-même remplacé par la chapelle actuelle, construite entre 1898 et 1901. En remontant, ne manquez pas de vous attarder sur la liste des victimes. La succession des noms, âges et professions révèlent des métiers disparus comme passementier, ferblantier, perruquier… Et pourquoi ne pas prolonger l’expérience par la visite de la nouvelle expo aux Archives départementales Ruptures et Fondations. L’héritage de la Révolution et profiter de leur passionnante visite guidée gratuite ?

PAR NADÈGE DRUZKOWSKI
Enna
CRYPTE DES BROTTEAUX

Humeurs

Dans la morosité ambiante, rien qui ne fasse rêver côté concerts pour cette rentrée. Du rap, du R&B, de la variétoche, un peu de métal, du Shaka Ponk bankable, des combos déjà vus et revus. Après Bodega qui faisait très envie, Tapir! fait partie de ces petits groupes anglais qui buzzent. Leur origine (Londres), leur nom d’animal et leur apparence masquée, sans doute aussi leur modern folk bricolo et intimiste, voilà de bonnes raisons d’aller écouter live (14/11). Rien à voir, mais dans une veine IDLES, les enragés de Kid Kapichi (jamais vus non plus) feront la première partie de leur copain Frank Carter et ses Rattlesnakes – des adeptes de rock bruitiste bien couillu. Le quatuor de Hasting chante et hurle depuis ses débuts les dérives de l’Angleterre. Trois albums au compteur, des protest songs, de la rage, des sons bruts, une batterie sauvage, un chant scandé, tout ça balancé pied au plancher : les Anglais ne sont pas là pour faire de la figuration, ça va faire du bruit (05/11). Autre ambiance

avec Molchat Doma (« les maisons sont silencieuses » littéralement) carrément dark et inquiétante (31/10). Bien dans le mood actuel. Tombé dans la marmite coldwave dès 2017, le trio de Minsk, dorénavant basé à Los Angeles, a été signé par Sacred Bones en 2020, petit gage de qualité. Ils débarquent avec Belaya Polosa, sorti en septembre, et un son plus indus, mais qui flirte toujours avec les fantômes. Avec eux, Joy Division et Kino – rappelez-vous la musique du film Leto – ne sont jamais très loin ! Du spleen encore et plein de clairsobscurs avec Stuart A. Staples. Tindersticks s’offre l’Opéra de Lyon (17/11), belle occasion de fêter trente ans de carrière et une nouvelle collection de titres, Soft Tissue (le quatorzième). La mélancolie prégnante, les mélodies soyeuses et enveloppantes, les arrangements somptueux, le chant doux et vibrant de Staples… Tindersticks fait du Tindersticks, immédiatement

reconnaissable avec son style unique, tour à tour émouvant, entêtant, puissant... Le genre de concert qu’on écoute religieusement, les yeux fermés. Autre valeur sûre, Beak> repasse par Lyon (15/11). Le trio de Bristol emmené par Geoff Barrow, oui celui de Portishead, trace sa voie dans une musique exigeante qui s’amuse à fusionner kraut rock, électro et rock british. Des sonorités étranges, de la reverb, des nappes de claviers, une voix désincarnée, des moments carrément nerveux, Beak> n’est jamais là où on l’attend, mais il fait partie de ces groupes fascinants à suivre aveuglément, tant leur musique faussement minimaliste captive. Enfin, on coche pour voir Los Bitchos (14/11), un girl band 100% instrumental et dansant, qui adore mixer cumbia, surf music, pop turque, etc. The last, on ose l’expérience Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp (23/11), ovni foutraque toujours dingue sur scène.

opera lyon.com marchegare.fr transbordeur.fr jackjack.fr epiceriemoderne.com

LOS BITCHOS
Tom Mitchell ©
PAR ANNE HUGUET

Grains de rêve

Je préfère le grain multiforme et aléatoire de l’argentique

PAR FLORENCE ROUX PHOTOS NICOLA VIGILANTI

De quoi sont faits les rêves ? Grainy America, la dernière exposition de Nicola Vigilanti, interroge les vestiges de l’American Dream photographiés de 2013 à 2022. Cette année-là, le photographe italien traverse dix états en un mois, Leica M6 en bandoulière, sur fond de rock. Il explore une Amérique “grainy”, granuleuse jusqu’au flou, en jouant avec toute la palette des grains de l’argentique. Le résultat est superbe, en noir et blanc comme en couleur. On se perd dans des ciels à la précision d’orfèvre ou dans un regard charbonneux, perçant entre les rides sous un chapeau clair. Nuit d’orage, motels, stations services, bus calcinés : nous voilà on the road.

Et s'il revendique là une manière d’indécision dans ses clichés d’un roadtrip outre-Atlantique, la vocation de Nicola pour la photographie et le voyage fut précoce : « Dès quatorze ans, je rêvais de devenir photographe. À dix-huit, j’ai fait un premier voyage de trois mois dans le Maryland et à San Francisco. Cette fois-là, s’amuse-t-il, j’ai photographié des Harley, des gens, des paysages et surtout mes amis. » L’adolescent tient déjà un carnet avec photos et textes. Autre expérience décisive : à Kiel, alors étudiant en sciences politiques, il s’initie en solo à l'agrandissement dans une chambre noire de la fac, puis accroche sa première expo, Une vie d’Erasmus. « C’était merveilleux ! » Si bien qu’une fois ses études bouclées, le jeune natif des Pouilles délaisse une carrière diplomatique pour intégrer l’agence Sea Way à Milan. « J’y ai travaillé deux ans comme coordinateur, rembobine-t-il. C'était très peu payé mais j’étais comme dans un rêve : entouré de photographes, je découvrais le choix et le classement de photos, des outils numériques... » Sur son temps libre, il mitraille tout ce qu’il croise avec son premier boîtier numérique, « la street photo, une très bonne école ! ». Puis, en 2006, il se lance, un peu au culot : direction Paris où il présente aux agences un premier sujet sur Madagascar… avant de rejoindre Gamma. Il enchaîne les missions fondatrices avec MSF ou Interpol, mais fait aussi de la photo de théâtre, « j'ai adoré »... En plein essor du numérique, il réussit à vivre de son rêve, voyager et photographier. L’objectif est un outil d’appréhension « des êtres humains et des phénomènes sociaux et culturels » pour le passionné de géopolitique. Il sait travailler dans l’urgence, mais aime aussi le temps long pour ses projets personnels. Il trouve « fondamental » que des textes accompagnent ses séries, de l’exploitation des enfants dans les mines d’or en Afrique de l’Ouest au mouvement Black Lives Matter, de l’investissement des soignants lors du premier confinement à cette plongée dans le pèlerinage des Gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Aujourd’hui, après Grainy America, Nicola documente les origines du culte vodoun (vaudou). Après deux voyages au Bénin en 2022 et 2023, il veut aller, armé de son Leica, là où le vodoun a voyagé, aux Amériques. « J’ai repris l’argentique en 2018, confie-t-il. Je retrouve le plaisir d’un processus technique plus lent, qui exige d’anticiper les décisions, demande un effort de connaissance. Au pixel, je préfère le grain multiforme, aléatoire… plus beau pour moi. »

nicolavigilanti.net

IL AIME
Sebastião Salgado, Paolo Pellegrini, Matt Black, Alec Soth, Joel Meyerowitz, Hermann Hesse, Jack Kerouac, Jim Morrison, Wim Wenders...

JEUNE CRÉATION

À plein régime

COMME À CHAQUE RENTRÉE, LES JEUNES TROUPES FONT LEURS PREMIERS PAS. ELLES ONT POUR ELLES L’AUDACE ET L’ENTHOUSIASME, L’AMBITION, PARFOIS BEAUCOUP DE TALENT, ET CROIENT TOUT POSSIBLE. TOUR D’HORIZON NON EXHAUSTIF ET TOTALEMENT SUBJECTIF DES CRÉATIONS ET SPECTACLES À NE PAS RATER.

Pour les rencontrer, poussez donc la porte des théâtres des Clochards Célestes (à la Croix-Rousse) et de l’Élysée (à la Guillotière), lieux emblématiques dédiés à l’émergence. On commence avec les Clochards qui proposent une programmation ouverte avec des pièces innovantes pour le très jeune public (Eri), du cirque queer ou encore un festival autour de la création trans… À découvrir la toute première pièce des sœurs Baraka, Okhty (« ma sœur » en arabe), tandis que Margot Théry, artiste associée, prépare sa deuxième création Ganster.e.s pour janvier. Côté Guill‘ et Élysée, la saison se révèle originale : citons Au summum !, ovni théâtral avec, entre autres, Sarah Delaby-Rochette dont on apprécie l’humour décalé et la jeune compagnie lyonnaise À Bec Ouvert qui présente Trois petites entités (...) et Quichotte. D’autres "petites" scènes se piquent, et fort justement, d’émergence. C’est le cas du Théâtre des Marronniers qui vient de nommer un codirecteur, Damien Gouy, passé par l’école Christian Schiaretti. Un peu de sang neuf et un début de saison en fanfare : après un surprenant Yoko & John – Chambre 1 742, Philippe Mangenot enchaîne avec Barbara (de théâtre en théâtre…). Autre lieu, L’Assemblée, fabrique artistique, prend son envol cette saison avec des résidences d’artistes, et non des moindres, à en juger par Notre Forêt, performance-installation de la géniale Justine Berthillot, à (re)voir.

Mais d’autres salles et théâtres de la périphérie, qui disposent aussi de beaux équipements, accueillent

Zeizig ©

et programment jeunes artistes et compagnies en résidence. Ainsi, le Polaris ouvre ses portes à Alizée Bingöllü – sortie du giron Trois-Huit –, elle crée en décembre Des vagues ; le Briscope les siennes à Margot Théry (encore) avec son Cabaret des indociles. Tous deux recevront Carcasse, création 2024 signée Julien Geskoff… Et bonne nouvelle, Lucie Rebéré présente enfin, à Oullins, sa création tant attendue sur les femmes pêcheuses, Dernière frontière, avant de partir en tournée (Villefranche ou Bourg - en -Bresse). Le théâtre de Villefranche programme aussi Toutes les choses géniales, le touchant seul en scène de Thomas Poulard, et la pièce de Myriam Boudenia, Viviane, une merveille, qui tourne cette saison. Tout comme L’Art d’avoir toujours raison de la compagnie Cassandre qui montera les marches de la MC2: Grenoble avant le TNP, ou Nos prochaines vacances ensemble de Jeanne Garraud qui entre déjà aux Célestins ! Mais La Mouche, La Machinerie à Vénissieux, Théo Argence ou Astrée à la Doua – qui mise beaucoup sur l’émergence – font tous la part belle à la jeune création théâtrale.

Il faut enfin rendre hommage aux plus "grandes" salles. La Comédie de Saint-Étienne organise les rencontres théâtrales Courts-Circuits : six spectacles et « un aperçu varié et enthousiasmant de la jeune

LE CABARET DES INDOCILES, MARGOT THÉRY
Emile

création aujourd’hui ». Au programme, le surprenant Mélancolikea (…) de Maïanne Barthès, Freda, la réussite des Pleureuses de feu sur Joséphine Baker, le dystopique [RAKATAKATAK] de Logan de Carvalho – et Prix Incandescences 2023 – ou encore Tout entière sur la vie et l’œuvre de la photographe Vivian Maier. Sans oublier Élodie Guibert qui donne rendez-vous au 7 rue des Alouettes. À la Comédie de Valence, on défend aussi la jeune création. Parmi les artistes qu’elle suit, on citera Guillaume Cayet, talentueux écrivain et metteur en scène dont Le Temps des fins, créé en mai dernier et sur les routes, fait halte au Point du Jour. Et n’oublions pas le TNP et les Célestins qui ajoutent leur pierre à l’édifice : le Prix Incandescences, par exemple, offre une aide à la production pour les spectacles lauréats et donne une visibilité inespérée à des compagnies naissantes. Certains, comme Le Cabaret des indociles ou La nuit je rêverai de soleils de la Roumaine Anca Bene, déjà repéré par le festival à Sens Interdits, ont été remarqués par le jury du Prix Incandescences. Toutes ces aides à ceux qui démarrent sont essentielles. En vérité, ils sont nombreux ceux qui œuvrent à l’éclosion des jeunes talents dans la métropole de Lyon, et même en région. Le public a de la chance ! La création à deux pas de chez lui…

CARCASSE

08 NOV. Polaris Corbas

12 NOV. Briscope Brignais

COURTSCIRCUITS

12 > 23 NOV.

Comédie de Saint Étienne (42) LE CABARET DES INDOCILES

23 NOV. Briscope Brignais

28 NOV.

Théâtre Astrée Villeurbanne

NOTRE FORÊT

28 NOV.

L’Assemblée Lyon 3

PAR TRINA

MOUNIER

Face au désastre

APRÈS L’ÉBLOUISSANT RÉPARER LES VIVANTS, EMMANUEL NOBLET MET EN SCÈNE ARTICLE 353 DU CODE PÉNAL DE TANGUY VIEL, IMMENSE AUTEUR RÉVÉLATEUR DES PLAIES DU MONDE. PAR LA VOIX DE L’EXCELLENT VINCENT GARANGER, IL Y PARLE SANS MÉLO, SANS EFFET DE MANCHE, DE LA CULPABILITÉ ET DE L’INTIME CONVICTION. VITE, LES BILLETS S’ENVOLENT !

Pourquoi, alors que vous jouiez dans le roman de Maylis de Kerangal, Réparer les vivants, avez-vous laissé le rôle à Vincent Garanger ?

EMMANUEL NOBLET Les deux rôles n’ont rien à voir.

20 > 30 NOV.

Théâtre des Célestins Lyon 2

Le premier était un narrateur débordé par le nombre de personnages et le flot des actions. Kermeur est un taiseux qui a seulement besoin de quelqu’un qui l’écoute. J’ai trouvé l’acteur peu après avoir obtenu les droits. Tanguy Viel avait refusé nombre de propositions, dont celle de Podalydès ou de Nicolas Bouchaud. Moi, je faisais le siège depuis la parution du roman dont j’aime l’écriture sublime, le débat de fond sur l’intime conviction. Un jour, de guerre lasse peut-être, il m’a dit oui. À la signature d’un autre livre de Tanguy, Vincent Garanger vient me parler, pas vraiment content que

Humanité dansante

j’aie obtenu cet honneur et cette chance. Quand il est parti, j’ai regardé cet homme taiseux, sensible, mal rasé, fatigué et je me suis dit : « C’est Kermeur ». Mais je suis quand même sur scène, dans le rôle de celui qui écoute, ce n’est pas si facile.

Vous avez fait tous les métiers du théâtre, scénographe, éclairagiste, régisseur… EM Mon vrai métier, c’est jouer. Je suis metteur en scène par accident. Tout me ramène au théâtre. J’ai besoin du direct, chaque soir différent. Dans cette société débarrassée du sacré, le sacré pour moi c’est cette vie ensemble, une envie commune d’écouter les grands textes de l’humanité, c’est le lieu où je suis le plus heureux au monde.

Ce qu’on aime chez Hofesh Shechter ? Cette manière de faire bouger les corps ensemble, souvent jusqu’à la transe, avec ces bras qui s’élèvent, les pieds ancrés dans le sol, les hanches tendues et lâches à la fois. Chez lui, les corps tremblent, s’exaltent, convulsent, s’effondrent à bout de souffle. D’aucuns parleront de son héritage des années avec la Batsheva et la fameuse Gaga dance… Le chorégraphe israélo-britannique étant batteur, il y a aussi cette pulsation viscérale dans ces bandes-son qui prend aux tripes, sans oublier son art consommé des clairs-obscurs hypnotiques (merci Tom Visser). Theatre Of Dreams, créée en juin dernier à Paris, est une pièce pour 13 danseurs qui explore entre rêve et réalité nos imaginaires collectifs. Un peu fumeux dans l’intention. On préfère lire qu’il a « volontairement exagéré les états » sur cette création. On devrait donc bien retrouver sur le plateau le battement sourd de la musique, le lâcher-prise quasi tribal et cette puissance tellurique qui fait la force de la danse de Shechter. Et il reste encore des places ! AH

27 NOV. > 05 DÉC. Maison de la danse Lyon 8 maisondeladanse.com

20 > 23 NOV. MC2: Grenoble (38) mc2grenoble.fr

Pierre Martin Oriol ©

La furie Effie

Vous ne connaissez pas le théâtre anglais d’aujourd’hui ? Venez voir Iphigénie à Splott du dramaturge Gary Owen, vous allez comprendre ! Mise en scène par le Belge Georges Lini, cette pièce est un coup de poing bien placé dans la face de la bonne conscience. « Cri de détresse poussé par une jeunesse en colère et révoltée et dont nous, les ainés, avons saccagé les illusions. C’est une piqure de rappel pour une société en voie de deshumanisation. Car, oui, il faut bien l’avouer, notre responsabilité est plus qu’engagée : quel monde leur laissonsnous en héritage ? N’avons-nous pas tout cochonné ici-bas ? », écrit le metteur en scène dans sa note d’intention. Pour incarner ce hurlement sur scène, une comédienne incroyable, Gwendoline Gauthier, et trois musiciens. Tous les quatre délivrent une énergie brute portée par une langue acérée et drôle, des riffs de guitares incisifs et des percus puissantes qui rythment le monologue d’Effie, Iphigénie du XXIe siècle sacrifiée sur l’autel du profit. Réquisitoire implacable contre les effets de la thatchérisation, Iphigénie à Splott rend hommage à ces classes sociales meurtries par les coupes dans les budgets de la santé et du social tout en brossant un superbe portrait de femme, combative, drôle et furieuse. D’autant que Gary Owen sait de quoi il parle, puisqu’il est lui-même né à Splott, quartier déshérité de Cardiff, ville industrielle galloise touchée de plein fouet par les crises successives.

Théâtre de Vienne (38)

post scriptum

La folie waacking

Le festival Karavel termine en beauté avec deux battles, les Hip Hop Games (27 oct.) et le Waacktober. Il faut dire que le waacking a le vent en poupe sur l’agglo ! Paul de Saint Paul et son collectif Lyon Waacking Project avaient mis le feu au Sucre l’an dernier. Ils prévoient de remettre le couvert sur le rooftop de la Sucrière avec une soirée qui s’annonce flamboyante. La communauté de waackers, très active, va se rassembler une nouvelle fois pour des performances étourdissantes mêlant poses de vedettes hollywoodiennes et acrobaties rythmées. Mouvement né au début des années 1970 à Los Angeles au sein de la communauté gay afro-américaine, le waacking avait presque disparu avant de renaître de ses cendres grâce au footwork et surtout à Josépha « Princess » Madoki : la chorégraphe francocongolaise est venue en 2022 pour une carte blanche assez mémorable aux Célestins, lors de la 16e édition de Karavel !

26 OCT. Le Sucre Lyon 2

État second

Créée au festival Montpellier Danse 2023, Rive est la troisième pièce de Dalila Belaza. Marquée par le temps passé (25 ans) en tant qu’interprète de sa sœur Nacera, elle a entamé une démarche personnelle, en 2019, lors de sa rencontre avec le groupe de danse folklorique Lous Castelous de Sénergues. Depuis, elle tricote une danse tissant des ponts entre langage contemporain et rituel chorégraphique. On l’avait découverte aux SUBS en 2023, avec le solo épuré Figures. Dans Rive, elle reprend la structure de la bourrée qu’elle a déjà explorée dans Au cœur, tout en l’éclatant et en la combinant à une écriture contemporaine. Avec neuf autres interprètes, elle poursuit sa recherche d’une danse sensible qui tente d’approcher l’invisible. Mais là où l’obscurité était un moteur pour sa sœur, la lumière tisse un dialogue avec le mouvement, lui permettant de « se concentrer sur un fragment » pour faire surgir d’autres images, d’autres sensations. À l’instar du son travaillé comme une matière et formant un tout avec le geste.

14 & 15 NOV. Maison de la danse Lyon 8

Debby Termonia ©
IPHIGÉNIE À SPLOTT
PAR GALLIA VALETTEPILENKO
PAR GALLIA VALETTE-PILENKO

EXIL

LA COMPAGNIE RUSSE DU THÉÂTRE KNAM REPREND SA DERNIÈRE

PIÈCE NOUS NE SOMMES PLUS, UN AN APRÈS SA CRÉATION À LYON DANS LE CADRE DU FESTIVAL SENS INTERDITS. UNE PIÈCE SUR L’EXIL ET LA PERTE, DOCUMENTAIRE ET SENSIBLE.

L’TNP Villeurbanne tnp villeurbanne.com

exil passe d’abord par les faits : au printemps 2022, la metteuse en scène Tatiana Frolova et les membres du Teatr KnAM quittent Komsomolsk-surAmour, Extrême-Orient russe, suite à l’invasion de l’Ukraine. Soutenue par le festival Sens Interdits et des théâtres, la troupe rejoint Lyon où elle crée Nous ne sommes plus…, sa première pièce en exil, sur l’exil. Dans la même veine documentaire que leurs spectacles précédents, les KnAM relatent cette fois leur départ de Russie. Précis, les comédiens scotchent la carte en fond de scène et détaillent même les chiffres, ces 17 095 000 kilomètres carrés qui font de leur pays le plus grand du monde, très inexploité mais inassouvi d’espace… À l’instar de

Rock’n fado

Vladimir Poutine qui, dans un extrait projeté, affirme goguenard que la Russie n’a pas de frontières. Mais l’outil vidéo ne se limite pas ici à l’info. Révélant un profil, des yeux ou cette main en gros plan, il participe d’un dispositif scénique en micmac où les voix, les objets et les sons démultiplient les angles et se répondent, comme dans une chambre d’écho vibrante, émouvante, troublante. Bien au-delà du documentaire, au-delà même du témoignage intime où chacun dit son exil via un objet adoré – foulard, nappe, doudou... –, le spectacle de la compagnie, puissant, réussit à faire entendre combien le cœur palpite quand on quitte sa terre, combien cette terre elle-même semble s’être abandonnée, perdue dans une impossible fuite en avant. La perte intime devient un deuil collectif.

Sorte d’odyssée poétique, Fado dans les veines raconte le Portugal à la façon de Nadège Prugnard. Rock et puissant. L’autrice, comédienne, metteuse en scène et par ailleurs directrice des Ateliers Frappaz, plonge dans son passé avec un long poème parléchanté. À partir de son histoire personnelle et de témoignages collectés en France et au Portugal, elle a écrit cette pièce lors de résidences avant de monter sur scène en 2021. « Pour tenter de recoudre cette culture tue par (son) grand-père, par honte de la violence de la dictature » et surtout faire entendre cette histoire de l’immigration portugaise, un sujet encore peu abordé au théâtre. Avec ses acolytes (sept sur le plateau), elle invente « un immense fado », le sien, pour tenter de « dire l’impensable », de narrer la misère, la famine sous la dictature salazariste. Un fado qui serait rock, punk, blues, saudade… et tout ça à la fois. Elle parle aussi du Portugal d’aujourd’hui, de la montée des extrêmes ; elle en profite pour tordre le cou aux idées reçues. Sorcière moderne, elle embarque dans un voyage au long cours et donne l’occasion de découvrir son travail, encore jamais vu dans la métropole lyonnaise, alors qu’elle a créé sa compagnie Magma en 1999. Sans doute à cause de « cette frontière invisible entre les régions Auvergne et Rhône-Alpes » qui devrait s’estomper depuis qu’elles ont fusionné !

NOUS NE SOMMES PLUS…
Julie Cherki ©
PAR FLORENCE ROUX

post scriptum

Envolée moderne

Contrastes, tel est le maître mot de la soirée Envols que propose le Ballet de l’Opéra national de Lyon. En réunissant trois chorégraphes aux esthétiques très différentes, le Ballet prend le parti de l’audace ! Tant mieux. On adore Set and Reset/Reset, une pièce mythique de Trisha Brown recomposée par l’Américaine en 2005. Tout comme Period Piece, une petite merveille de délicatesse du chorégraphe belge Jan Martens, qui avait illuminé le programme Danser encore créé juste après le confinement, en 2021, et formé de sept solos pour sept danseurs et danseuses du Ballet. Quant à Bella Figura de Jiří Kylián, entré au répertoire du Ballet en 2007, c’est devenu un classique ! GV-P

26 OCT. > 07 NOV. Opéra de Lyon Lyon 1

Drôle d’oiseau

Michel Laubu a inventé un pays et ses habitants. Au départ, il expose des objets cabossés par la vie : vieilles casseroles, échelles édentées, arrosoirs percés, grillages à poules se côtoient. Rapidement, il donne vie et histoires à ces objets, les met en scène. Puis Emili Hufnagel vient rejoindre la Turakie devenue pays et prend doucement la main sur les textes. C’est le cas avec Ma mère c’est pas un ange (…) ; on y retrouvera cette nostalgie tendre qui nimbe tous les Turak, cet humour incomparable, ces histoires qui parlent du temps, de la mort, de la vieillesse avec justesse et bonté. TM

08 > 16 NOV. TNP Villeurbanne

Variations de genre

Plus que jamais d’actualité, la question du patriarcat toxique et des alternatives à imaginer pour s’en échapper est au cœur de Festiv-iel, le rendez-vous du théâtre de la Croix-Rousse « dédié aux cultures queer et aux questions de genre et de sexualité ». Au programme, quatre spectacles hors norme dont La Densité de l’air qui aborde crûment la question du viol et Diaspora, un cabaret afro-futuriste mené tambour battant par Soa de Muse et Bya Kaysel, deux queens éblouissantes. Organisé en partenariat avec d’autres structures, il propose également des temps d’échanges et de partage (notamment avec HF+). Festif et militant ! GV-P

15 > 30 NOV. Théâtre de la Croix Rousse Lyon 4

Histoire fantasmée

u départ, il y a le souvenir de l’amiral Sénès qui donne son nom au dernier spectacle de Marion Carriau. Véritable mythe familial pour la jeune chorégraphe, ce marin fut un héros de la IIIe République, dont elle découvre le buste, en 2018, sur une place toulonnaise. « J’ai réalisé qu’en fait je ne connaissais rien de lui, glisse-t-elle. Alors, j’ai mené l’enquête, dans l’idée d’en faire un spectacle documentaire. Puis, avec l’équipe, nous avons utilisé ma recherche comme le terreau d’une fiction non narrative. » Dans une continuité formelle avec ses deux précédents spectacles – Je suis tous les dieux (son premier solo est également présenté à Lyon) et Chêne centenaire –, sa nouvelle pièce porte « la même volonté de fabriquer des fictions », de transmettre « les histoires sédimentées dans nos corps ». Avec trois interprètes, elle construit « une matière chorégraphique propre, avec des corps osseux dégingandés qui ont une façon singulière de se déplacer, d’utiliser le visage et le regard, de communiquer avec les dents, à la manière de squelettes, sur un mode un peu cartoonesque ». Car si son travail se nourrit d’une expérience contemporaine et d’une longue formation au bharata natyam* indien, la précision de la chorégraphe est ici portée vers le comique, histoire de « poser la question d’un héroïsme suranné et poussiéreux, figé dans la pierre d’une époque qui n’est plus la nôtre, et d’un souvenir qui devient extrêmement subjectif ».

Danse traditionnelle classique indienne, sans doute l’une des plus anciennes.

L’AMIRAL SÉNÈS 17 > 18 OCT.

JE SUIS TOUS LES DIEUX 21 OCT. Les SUBS Lyon 1 les subs.com

AMIRAL SÉNÈS
*

Tour de piste

On profite de la Nuit du Cirque qui approche (15 au 17 novembre) pour prendre le pouls des arts de la piste. La bonne nouvelle ? Le festival utoPistes reprend ses droits en mai. Mathurin Bolze et sa bande planchent sur une septième édition, misant toujours sur les formes singulières et les écritures émergentes. Pour se mettre l’eau à la bouche, on a coché Immaqaa – la prochaine pièce de Mathurin Bolze himself en quête « de notre Nord magnétique » –, le déstabilisant Qui Som? des Baro d’evel, les corps-à-corps à « deux têtes et huit pattes » de Seb & Blanca, et ce n’est qu’un début. Mais place à la Nuit du Cirque qui continue, depuis 2019, de célébrer le cirque sous toutes ses formes. 275 rendez-vous pour 15 territoires, peut-on lire, avec une dizaine de dates en Rhône-Alpes. À Lyon, direction les SUBS pour un voyage initiatique de deux heures trente dans le temps et les imaginaires avec Jani Nuutinen, manipulateur d’objets incongrus et mentaliste – l’un des créateurs du Circo Aereo. De drôles de manipulations, de l’eau vive, des braises, du métal, des outils, une guitare électrique et une bande-son signée Cosmic Neman de Zombie Zombie, un « harbre » : Nuutinen déploie ses atmosphères fantasmagoriques entre danse, acrobatie, artisanat et écologie. Une manière de repenser le monde et de forger une nouvelle matière circassienne. À quelques encablures de là (La Mouche et MJC Ménival), la performeuse Chloé Moglia, suspendue à son tableau noir, questionne la mise en danger de soi. Rhizikon est une allégorie assez fascinante sur la vie et notre condition de mortels. Plus loin à Thizy, le troublant Ali – et son époustouflant duo à trois jambes, quatre bras et deux têtes – et les spirales hypnotiques à la roue Cyr de Juan Ignacio Tula vont faire tourner les têtes. On est fan. Enfin, on file à Davézieux (07) retrouver Simon Carrot qui questionne notre déterminisme à coup d’électromagnétisme et de monde instable.

LA NUIT DU CIRQUE

15 > 17 NOV. lanuitducirque.com mpta.fr les subs.com la mouche.fr

LES UTOPISTES

23 MAI > 21 JUIN 25 festival‑utopistes.fr

Christophe Raynaud De Lage ©
INSTANTE#4, JUAN IGNACIO TULA

QUAND LE COURT EN DIT LONG

Si vous aimez les séries à succès, vous le connaissez sûrement : Oussama Kheddam, c’est Family Business, Hippocrate, mais aussi des longs métrages (Youssef Salem a du succès, Rien à perdre). Le comédien, qui s’aventure également au théâtre, a été choisi pour présider le jury du 45e festival du film court de Villeurbanne. Une ville que connaît bien celui qui a grandi au Tonkin et s’est formé à la MJC Damidot. On le retrouvera ainsi comme à la maison, en master class au lycée Brossolette, en présence de Madame Descos, « sa prof préférée » !

Mais place à la compétition officielle. Près de 1 500 courts métrages de tous pays en lice pour une quarantaine de courts retenus au final. Rude sélection ! « Ça s’est fait à l’émotion, et non sur une thématique précise », explique Sylvia Da Rocha, la responsable de la programmation. Le court métrage reste un moyen d’explorer, d’expérimenter et de se faire connaître. Les réalisateurs connus ont tous commencé ainsi : Godard, Truffaut, plus récemment Jane Campion ou Julia Ducournau. La même histoire est parfois déclinée du court au long. Ainsi THX 1138 de Georges Lucas est devenu son premier long métrage éponyme ; et avant La Bataille de Solférino, Justine Triet avait d’abord tourné un court, Solférino.

12 > 17 NOV. Cinéma Le Zola Villeurbanne www.lezola.com

NUL BESOIN DE COURIR À CANNES OU VENISE POUR TROUVER UN FESTIVAL INTERNATIONAL DE CINÉMA. IL SUFFIT DE POUSSER LA PORTE DU ZOLA OÙ SE TIENT LA 45E ÉDITION DU FESTIVAL DU FILM COURT DE VILLEURBANNE. AVEC UN JURY, UNE COMPÉTITION ET DES PRIX.

Drame, comédie, film engagé, animation, la quintessence du court métrage d’aujourd’hui va se retrouver sur les écrans du Zola. On vous aide à choisir… Deux pépites pour commencer : Blueberry Summer de Masha Kondakova (2023) narre une histoire d’amour naissante sur fond de guerre en Ukraine, alors que Benjamin Clavel utilise, dans Win-Win (2023), l’humour caustique pour dénoncer les dérives de la télévision sensationnaliste. Avec Apnées (2023), déjà distingué, Nicolas Panay explore les effets délétères du capitalisme à travers le portrait d’un chef de chantier au bord de l’asphyxie. Autre chronique bouleversante, Na Marei (2023) de Léa-Jade Horlier montre le quotidien imposé par les talibans à travers le regard de Zaid, 15 ans. À forte puissance émotionnelle aussi, Les Inconsolables (2023) de Hugo Roblin, un court très court – moins de cinq minutes –, percute notre conscience. Dans le genre fantastique, Coléoptère, le premier court trash et très réussi du jeune Martin Gouzou (29 ans), s’inspire de La Métamorphose de Kafka pour parler de la réalité sociale des grands ensembles. Enfin, dans Les Heures creuses, Judith Longuet-Marx propose un documentaire sans commentaire, où seuls résonnent les mots à la fois drôles et désespérés des pensionnaires d’une maison de retraite.

Voilà une véritable cartographie de l’état de notre monde. Le court métrage a de longues heures devant lui !

PAR MARTIN BARNIER ET VALÉRIE LEGRAIN-DOUSSAU

DIONYSOS

Chansons d’automne

PAR EMMANUELLE BABE

L’été est bel et bien fini

mais la saison des festivals, c’est (presque) toute l’année. Pour en profiter, passons les remparts de Lyon… Dans le Beaujolais, par exemple, où Nouvelles Voix – 20 bougies ! – nous ouvre les portes de la jeune création chanson. Tous les artistes programmés n’en sont pas pour autant à leur première fois : c’est le cas de Ladaniva, duo franco-arménien qui tourne depuis 2019. Elle chante dans toutes les langues, lui joue de tous les instruments. À l’arrivée : une pop à la sauce Balkans qui fait chavirer. On note aussi la date de Yamê, à l’émergence plus récente mais

radicale ! Son rap groove aux influences africaines a fait décoller le FrancoCamerounais produit par Timbaland, rien que ça. Du côté de Villeurbanne, le festival Les Guitares programme dix-huit artistes, du jazz (le New-Yorkais Jonathan Kreisberg en guest star) à la musique orientale, en passant par le rock et le classique (la jeune virtuose Cassie Martin). Genre roi, le folk est dignement représenté par Joe Bel, qui interprète (au Polaris) Family Tree, son deuxième album gracieux et intime autour des origines et de la transmission. Hasard du calendrier, Les Oreilles en Pointe, dans la Loire, célèbre les anniversaires de deux poids lourds du rock français : Dionysos et LoJo, respectivement 30 ans et 40 ans au compteur. Le premier

NOUVELLES VOIX

08 > 19 OCT. theatredevillefranche.com

LES OREILLES EN POINTE

06 > 16 NOV. oreillesenpointe.com

LES GUITARES

08 NOV. > 1ER DÉC. leolagrange villeurbanne.com/festival les guitares

poursuit la tournée de l’album anniversaire L’Extraordinarium ; on s’attend à quelques performances scéniques dont la clique de Mathias Malzieu a le secret. « Tu sais qu’on peut faire chavirer/même le cœur le plus fané », chante Lo’Jo dans son treizième album, Feuilles fauves. La bande menée par Denis Péan continue de faire de la poésie, des musiques et des langues du monde le terreau de la beauté. La musique est un joyau… Pour finir, on coche la soirée de l’excellent festival Les Femmes s’en mêlent le 29 novembre à Grenoble. Avec deux pépites : le tourbillon queer Akira & Le Sabbat qui brasse rock, techno et rap, et la surprenante Maïcee qui fracasse avec son flow à faire pâlir une rappeuse de Brixton !

Urban trip

09 OCT. > 03 NOV. peinturefraichefestival.fr

STREET ART RILLIEUX #3 15 > 26 OCT. streetartrillieux.com

EN OCTOBRE, LES ARTS URBAINS SQUATTENT LA VILLE ET SES ENVIRONS. DE RILLIEUX À LYON, LES ADEPTES DU GENRE VONT POUVOIR S’EN

METTRE PLEIN LES MIRETTES. FRESQUES MONUMENTALES OU ŒUVRES IMMERSIVES PLUS INTIMISTES, À CHACUN SON TRIP.

À Rillieux-la-Pape, ce sont les activistes de Spacejunk qui pilotent le projet, dans un copier-coller du SAGFA (Street Art Grenoble), l’un des grands festivals européens. Au programme : balades urbaines pour redécouvrir la ville d’un autre œil avec ses douze fresques réalisées – au fil du parcours, La Semeuse du Québécois Tyxna ou la MJC relookée par Myet – et visite immersive au Seize, nouveau lieu rilliard investi par dix artistes sous la houlette de Veks Van Hillik. Chacun a créé un « cabinet de curiosités » dans les sous-sols de l’immeuble. Avec entre autres Loraine Motti (on est fan), Petite Poissone ou HetaOne, présent depuis la première édition. Sans oublier des ateliers (sérigraphie, écriture, Open Mic…), du BMX et une block party avec la compagnie Relevant, pour être au plus proche des habitants. Dans un tout autre genre, Peinture Fraîche, toujours porté par Cart’1, s’installe dès le 8 octobre dans l’ancien collège Serin sur les quais de Saône, un lieu habituellement inaccessible (à découvrir donc), et surtout se focalise sur le numérique et les nouvelles technologies pour questionner notre rapport à la réalité. On vous prévient : rien à voir avec l’édition 2023 aux anciennes usines Fagor sur quelque 15 000 m² et véritable graffiti park ! Cette sixième édition labellisée Secret Spot fait la part belle à la réalité augmentée, à l’IA et à des artistes digitaux quelque peu confidentiels – exception faite des geeks et gamers. Le motion designer canadien Diego Bergia, la designer multidisciplinaire Giovanna Crise ou l’ovni allemand Hati Hati Mas font partie des cadors du genre. Côté fresques, on a repéré Pec et ses oiseaux, Cobalt ou l’abstract art très visuel de Sphinx. Mises en scène immersives et œuvres interactives attendent le public qui devra mouiller la chemise. Un peu déroutant, sans doute bluffant.

LA SEMEUSE, TYXNA
PAR ANNE HUGUET
PEINTURE
FRAÎCHE #6

ÉCRITS D’ICI

Péquenots à la ville et Arabes des cités à la campagne ; ouvriers d’une usine textile qui périclite, mi-brigands mi-perdants. Tels sont les personnages de Challah la danse (Le Seuil), cueillis par Dalya Daoud dans la banlieue lyonnaise qui fut celle de sa jeunesse : le cul entre deux mondes comme entre deux cultures, symbolisant à eux seuls tous les antagonismes de la société française. Aptes à prendre vie « pourvu qu’ils dansent », entre eux comme avec les « autochtones ». Hymne à la joie et au (mé)tissage des cultures (lequel se fait tant par le chant que par la cuisine, l’amour et l’amitié, et jamais dans un seul sens), la journaliste prend langue(s) à brasle-corps et affirme avec ce premier opus ses talents de romancière.

Même quête d’identité pour Valérie Sourdieux-Zoppardo qui, après Sortir de ma chambre et Tout un silence, approfondit avec Choisir le feu (Perséides) une bouillonnante écriture de soi, comme un ordre (haut les cœurs !) à braver les conditionnements et les blessures, aiguillée par sa soif d’émancipation et l’écoute de ses désirs. Désir également séminal pour Un adolescent amoureux

QU’ELLES AIENT RECOURS AU RÉEL OU AU MERVEILLEUX, QU’ELLES FASSENT LA PART BELLE À L’INTIME OU À DES CHAMPS DE FORCES PLUS UNIVERSELS, NOMBRE D’ŒUVRES SONT EN POUSSE DANS LA RÉGION LYONNAISE. PETIT TOUR D’HORIZON DES PLUMES ÉMERGENTES, SACHANT QUE, LOCALES OU NON, OÙ QUE VOUS SOYEZ, LES PÉRIPHÉRIQUES VOUS PARLENT…

(Mercure de France) de Robin Josserand qui, après Prélude à son absence, poursuit, dans un style sensuel et nerveux, incisif et cru, l’exploration sulfureuse des premiers émois amoureux.

Après Les Yeux de travers où il nous contait par le menu (CROUS) les mille et une galères d’un étudiant précaire, l’exStéphanois Guillaume Collet aborde avec Les Mains pleines (Christian Bourgois) le thème de la démence sénile. Histoire aussi d’instruire le procès sans concession de la génération des boomers, qui préside un peu partout – rançon des Trente Glorieuses et doyenneté oblige – à une guerre des classes intrafamiliale des plus âpres.

Âpres aussi, Terres Promises (éd. du Panseur) de Bénédicte Dupré la Tour. Laquelle, après être passée par l’illustration jeunesse, nous invite avec son premier roman à suivre les méridiens de sang de la conquête de l’Ouest, pour un western épique et polyphonique, véritable ruée vers l’or du temps des pionniers. Où le Nouveau Monde sans cesse croule sous mille vies minuscules et se recompose comme une mosaïque, ou un plissement hercynien… Philosophe montagnard (façon Nietzsche) originaire du Forez, aujourd’hui installé dans les Écrins, Simon Parcot signe avec Le Chant des pentes (Le Mot et le Reste) un beau deuxième roman initiatique, sorte d’excursion mystique vers des montagnes magiques qui ne déplairait ni à Thomas Mann ni aux bergers siffleurs de silbo canariens. Manière d’interroger le temps et les mœurs, le son et le silence, ainsi qu’une ancestrale malédiction langagière…

Quant à Marjorie Tixier, autrice plus confirmée, elle signe son septième ouvrage : Le Pays Blanc (Fleuve Éditions) traverse quatre générations d’une famille ayant fui la Pologne en 1926. Une saga poignante vers un nécessaire retour aux sources, qui alimente la réflexion sur l’exil et la liberté. Questions actuelles, s’il en est…

LE STREET MUSÉE DU MOIS

PAR ENNA PATOR & LENDASKIN
BRUSK
OLSON ONOFF
CHISTELL & PYXCOLLAGE
SEDLEX BRITT

moelleuxd’ automne

Quelle jolie saison que l’automne qui nous prépare à la rigueur de l’hiver... Malheureusement, le passage ne se fait pas sans mal pour certains ! Pour apaiser les esprits, quoi de mieux qu’un peu de douceur… et quelques vers pour réussir en un tournemain un réconfortant moelleux.

Avec l’automne vient le parfum des marrons, Couleurs fauves fleurissent sur les arbrisseaux,

Dans la cuisine alors, résonne une chanson, Un gâteau se prépare en écho aux rameaux.

Crème de marrons souple, il t’en faut cinq cents grammes,

Puis quatre jaunes d’œufs, dans le bol bien battus, Saupoudre la farine pour que tout s’amalgame, Sel et levure en sus, il n’en faudra pas plus.

Horizontalement

Le beurre fondu rejoint ces ingrédients mêlés, Glissent les blancs neigeux, légers nuages d’hiver,

Le mélange se meut en un ballet léger, Pour un moelleux parfait et empli de mystères.

Verse la pâte d’or, dans un moule bien rond, S’il fait vingt centimètres, il sera idéal,

Cent quatre-vingts degrés dans le four suffiront, Pour qu’en vingt-cinq minutes ce soit un régal.

Le temps est écoulé, sors ce trésor doré, Garnis-le d’une quenelle de chantilly, Et de fruits noirs juteux, myrtilles bien sucrées, Déguste lentement, l’automne ainsi se vit.

jugeote

1. Mémoire désuète, souvent douce. 2. Si raffiné, ce bruant ? Chauffage écolo des Anciens. 3. Règle chère au théâtre, avant… Sans, difficile de subsister. 4. Réjouissent le fermier. Cardinal romain renversé. 5. Ne touchent pas un gros salaire, les pauvres. 6. Dense feuillage. Réduisit en menus morceaux. 7. Possèdes au virage. Philosophe allemand hégelien. 8. Rendra plus fort. 9. Fait à l’étude. Tu penses, donc ? 10. Adverbe "pronominal". Suivis de très près cet été.

Verticalement

A. Ne détient pas toujours tous les pouvoirs ! B. Arrangerai joliment. Indéfini anonyme. C. D’une manière profitable. D. Fîmes preuve de civisme. Donne souvent la main aux cartes. E. Poème de la tristesse. Artiste qui initia le dada chez les Helvètes. F. Bien fatigués ! Brillante exécution. G. Grain de sable du Temps. A mis en cale sèche la marine à voile. H. Toute "chose". I. Aux beaux jours, font les beaux jours des voyagistes. J. Sources de vie… et de catastrophes. Jolis bavards au parler oiseux.

PAR PONIA DUMONT
Emmanuel Monneron ©

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